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Bulletin SAF 1913


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La Révolution en Bretagne. Les Derniers Montagnards 1795

Pr. Hémon

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1913 tome 40 - Pages 271 à 292

(Notes et documents)

LES DERNIERS MONTAGNARDS

1795
( Suite)

« On ne leur laisse le temps d'emporter ni argent, ni
» linge pour leur usage(1). La Convention est pressée et la
» présence des Montagnards à Paris est dangereuse. Tallien
» l'a dit: Il ne faut pas que le soleil les retrouve ici. Ils par­
\} tent. C'était des chariots couverts qui les emmenaient~ de
» misérables chariots sans siège, sans paille même pour adou-

» cir un peu la dureté de la voiture.

Tissot était beau-frère de Goujon, ce qui, pour son récit, n'est pas une
garantie d'impartialité. M. Claretie, dans une note de son livre (p. 106),
nous fournit une autre raison de nous en méfier. Voici cette note:
(( L'article biographique sur Goujon daus le Dictionnaire d'Alph. Rabbe et
Boisjolin a dû être rédigé sur les notes de M. Tissot, qui uiuaitencol'e (1839).
Tissot, en 1795 (sic), n'était pas ce qu'il est deueuu plus tard, un pauure sire,
dit la chronique. ))
Nous ne savons où M. Claretie a pris ces renseignements peu flatteurs
pour Tissot, qui fut un de ses prédécesseurs il. l'Académie fl'ançaise. Tis­
sot (1768-f864) a des notices très honorables dans nombre de recueils. Bio­
graphie nouuelle des contemporains, (t. XX supplément), Biographie des hom­
mes uiuants, Dictionnaire de la conuersation, Dict. Larousse, etc.
MM. Thénard et Guyot (GOUJON, appendice l, p. 229 et suiv.) protestent con­
tre « cette condamnalion sommaire» par l'auteur des Derniers Montagnards
et don nent une longue notice de Tissot, d'après des renseignements four­
nis par une nièce de Goujon, ou empruntés il. un article 'de M. Fromageot,
publié par la Reuue de l'histoire de VersaiLles et de Seine-et-Oise (1901, p. 225
et suiv.)
MM. Thénard et Guyot, commettant la même erreur que M. Claretie,
placent la mort de Goujon, leur héros. en i7g3.

(1) Dans sa lettre à sa femme, datée de Dreux, 2 prairial (21mai), Goujon
dit en effet: « Il paraît que nous allons au Château du Taureau. Vois un
. "peu au Comité et fais ce qui sera nécessaire pour m'envoyer quelques
» chemises; mon pantalon, etc. Je désirerais aussi que tu me fisses passer
» quelque argent. car je n'en avais pas dans mon portefeuille au moment
" de tnon départ .. » .

272 \
» Lejourvenait; ils sortentsousbonneescorte de cette ville,
» où ils laissaient leur âme, quelques-uns la chair de leur
» chair ... ))
« Sans doute encore ils se demandaient où ils allaient. Nul

» ne le savait. Le convoi prenait la route de l'Ouest. Il ga-
}) gnait l'Océan, la route de l'exil, le dur chemin de Cayenne,

» celui qu'allaient suivre Collot ct Billaud et tant d'autres
» après eux, pour rencontrer là-bas la guillotine sèche ... »
Les premières postes furent pénibles, a~ssi bien pour les
prisonniers que pour ceux chargés de leur conduite. A Dreux,
(Eure-et-Loir), leehef d'escorte,. le général Margaron, déjà

fatigué du cheval, avait dû réquisitionner pour son usage le
cabriolet du maître de poste (1).
C'est au passage de cette ville, que les députés apprirent
qu'on les conduisait à l'extrémité de la péninsule bretonne,
au Château du Taureau, une forteresse, dont les murailles
crénelées se dressent à l'entrée de la rade de Morlaix sur un
récif presque inaccessible, et entouré de tous côtés par la
mer. Il est certain que les Comités ne pouvaient pas trouver
un endroit plus sûr pour déjouer toute tentative en faveur
des prisonniers (2).
Le voyage de' la première journée mena le convoi jusqu'à
Verneuil-sur-Avre, chef-lieu d'un district du département de
l'Eure. On y passa la nuit; et, il fant croire que les voi-

Mais le surlendemain il contremande ces envois : « Le g-énél'al qui est
)i chargé de notee transfèrement nous a dit qu'il nous ferait remettre à

}) chacun ce qui nous serait n écessaire provisoirement comme aeg'ent, che-
» mises, etc., ainsi ne m'envoyez rien que je ne vous éc,l'ive dieectement

)) du château du Taureau, ce que je ferai dès que je serai arrivé .... » Le con-
ventio1lnel Goujùn. p. 178.

(i) Arch. nat., F 7 44Ba : Tallif'n et Blad en mission dans l'Ouest au Comi­
té de Sûreté générale, du 15 messidor, an III 3 juillet 1795. Au bout
de six semaines, le maitre de poste ne voyant pas revenie sa voiture, la
réclama. Elle était restée à Verneuil. (THÉNAllO et GUYOT: Le conventionnel

Goujon, p. 176).
(2) THIERS: Rist. de l'a Rév. Livre XXVIII.

~ures ne parurent pas dès lors suffisantes, ou assez conforta~
, hIes, car, le lendemain matin, avant de reprendre la route, les
chefs de l'escorte jugèrent à propos de mettre en demeure
les autorités locales de leur en procurer deux autres, ce qui
fut fait (1).
Les voyageurs purent alors continuer leur route dans de
meilleures conditions.

De Langannerie, qui se trouve entre Falaise et Caën (2),

Goujon écrit à sa femme, à la date du 4. prairial (23 mai) :
« Chère amie, ne sois pas inquiète sur mon sort. Notre

(t) Cela est confirmé par le document suivant:
DÉPARTEl\:iENT DE L'EuRE. DISTRICT DE VERNEUIL.
Liberté, Humanité, Egalité, Justice

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
"Verneuil, le 22 prairial 3' année de la République française, une et indi­
visible (1.0 juin 1.795). '
Le procureur-syndic du Distria de Verneuil au procureur-syndic 'du
district de Morlaix, département , des 'Côtes-du-Nord (sic). '
,Citoyen collègue,
A l'époque du trois courant, (22 mai), le général Margaron, chargé de
faire conduire .les huit Représentants décrétés d'exportation au chàteau
du Taureau dépendant de votre district, m'ont présenté leurs ordres éma­
nés des comités de gouvernement et m'ont requis de leur fournir une
voiture à quatres roues et un cabriolet, ce que j'ai fait sur le champ.
L'estimation a été faite de ces deux voitures, afin que si elles n'étaient
point remises aux propriétaires leur prix leur en fut payé. Jusqu'à ce jour
je n'ai reçu auèunes nouvelles et c'est à cet effet que je vous invite de
vouloir bien prendre les renseignements les plus précis et me mander si

les voitures seront remises ou si je dois faire payer le montant de l'estima-
tion aux propriétaires.
J'attend de vous ce service et je suis persuadé d'avance que mon espoir
ne sera pas trompé. »

Salut et fraternité
PETIT
_ Nous avons emprunté ce document ainsi que plusieurs autres qui sui-
vront à diverses liasses des al'chives départementales du Finistère. Depuis
que nous les avons utilisés , ils ont dû être conservés dans un dossier
spécial.
(2) M. Claretie écrit « J-,angamerie » (p. 79). Le nom de cette commune,
qui se trouve à 14 kilomètres de Falaise est aujourd'hui « Grainville-Lan-

gannerle. » .
Il n'est pas facile de suivre Je convoi, Hape par étape. Les documents
font défaut et les correspondances citées par Tissot ne fournis sen t que
très peu d'indications sur l'itinél'aire suivi, que les l'epl'ésentan ts semblent
parfois complètement ignorer. Romme date une de ses lettres « 4. prairial.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXlX (Mémoires 18) .

_ .. 274

lj voyage a été fort heureux et tranquille jusqu'à ce moment.'

» Au premier moment, nous n'avons pas été bien. Mais
» aujourd'hui, nous 'n'avons qu'à nons louer de la manière
» dont ceux qui ,sont chargés de nous conduire se condui-

» sent avec nous .... » (1).

L'auteur des Derniers Montagnards nous confirme les

bons procédés des chefs du convoi:

« Bourbotte, d'ailleurs, toujours gai, riant de tout malgré

» les dieux, retrouvant en' face d'u danger sa verve gaillarde

» et son alacrité éloquente, gagna l'escorte, la convertit à la
» pitié par la plaisanterie, s'imposa par ces saillies brus­
» ques 'et mâles qui conquièrent le soldat. .Un des 'gendar­
» mes se chargea de porter de leurs nouvelles â leurs familles.
» Romme, dans une de ses lettres, parle des égards qu'a-
» vaient les officiers pour leurs prisonniers « : Ils tâchaient

1) d'adoucir les désagréments de-notre position, parce qu'ils
)) avaient appris à connaître notre loyauté )) (2).
Pourquoi faut-il que" dans le même ouvrage, on lise cinq

lignes plus loin :
« On les fit passer (dit Tissot) , dans des pays infestés de

Entre Falaise et Caën, Calvados. » BOUl'botte écrit à un amif « le 6 prairial
d'un petit ùillage à 4- ou 5 lieues de Caën ». (TISSOT p. 186 et 20L)
Ce que nous savons pertinemment, c'est que le, s représentants et leur
escorte sortirerit de Paris (2 prairiaL) par la route de Saint-Cloud, passè­
rent à Dreux (Eure-et-Loir), et se dirig'èrent sur Verneuil-sur-Avre (Eure),
où ils passèrent la nuit. Le lendemain, ils pénétrèrent dans le Calvados,
passant à Langaunerie, entre Falaise et Caën, pour arriver au département
de la Manche, où ils traversèrent Avranches, etc.
(0 Le conventionnel Goujon, p. 179. Du Château du Taureau (10 prairial
29 mai) Goujon écrit encore à sa femme: « Le g'endarme de la Conven­
» tion qui se charg'e de cette lettre est un brave citoyen qui nous a menés
» ici et nous a témoigné toute l'affection qui convient à dé vrais patrio-
» tes .... » (Le conv. Goujon, p. 18L) .
(2) Les DeI'n. Moiltagnards, p. 277. TIssOT (p. 186). Romme écrit à sa
femme, le 4 prairial :
, « Les officiers qui nous accompagnent pour assurer notre translation,
» ont pour nous les égards de l'inimanité ; ils remplissént bien leurs
" devoirs en ne nous faisant éprouver aucun des désagréments que notre
» position comporte, et qu'il est en leur pouvoir 'd'adoucir. Ils ont appris
»à connaître notre loyauté. l) ,

"Il Chouans, et dans la r:oute rien ne fut négligé pour qu'ils fu~-
» sent assassinés. Ils en coururent plusieurs fois le "ris..;.
» que (1). »
En reproduisant ces singulières affirmations, M. Claretie;
qui semble avoir hésité d'abord à se les ,approprier,ajoute;
ensuite de son côté: " "
. .. «Quelle longue et funèbre route hérissee de' dangers!
» Je ne sais quoi d'inconnu planait sur ce convoi funèbre.
» Arriveraient-ils sains et saufs au lieu de déportation?
» Pourraient-ils avoir devant eux un temps suffisant pOUl' se
» défendre devant cette postérité qui était leur juge? Ne
»' seraient-ils pas assassinés en chemin par ces bandes de
» royalistes qui tenaient les grandes routes et pillaient au
»" nom du droit divin? C'était là l'anxiété. »

" Ailleurs M. Claretie se montre encore plus affirmatif en

i'eprésent~nt « ces malheureux honnêtes geris courant les
chemins à travers des assassins apostés tout exprès. »

Mais plus loin son opinion " s'est modifiée:

- (( Dans le département de la Manche (?) une population
1) ignorante des choses, rendue cruelle par la " terreur des
» terroristes, voulut les mettre en pièces. Peut-être avait-on

» compté que le hasard du chemin délivrerait la Convention

» de ces captifs un peu gênants. L'escorte les protégea, et
J) ce furent les gendarmes qui défendirent les ' prison-

» niers (2). »
Quelle contradition entre ces derniers paragraphes! "

(I) Les Derniers Montagnards, p. 278. Voici exactement le passag'e de

Tissot. '
, ({ On les fit passer, je n'ose " dire à quelles intentions, dans des
» pays infestés de Chouans, et dans la route rien " ne fut négligé pour
» qu'ils fussent assassinés. Ils en coururent plusieurs fois le risque et les
» prétendus amis de l'humanité ne èraig'nirent pas de menacer et de
» vouloir égorger des hommes sans défense et dans les fers. » (p.
209.) ,
(2) Les Del'll. Montagnards, p. 223, 277, 278.

276 ·· ;

CHAPITRE IV.
Ce qu'avait été la mission de Le Carpentier
dans l'Ouest. .
D'autres ouvrages, plus précis que les Derniers Monta­
gnards (1), nous apprennent que c'est à Avranches (Manche)
que se produisit la manifestation hostile contre les représen­
tants expédiés au Château du Taureau: « Une population
ignorante des choses, rendue cruelle par la terreur des terro­
ristes, voulut les mettre en pièces. » Voilà donc, après M. Tis­
sot, ce que nous dit M. Claretie.lls nous parlent aussi de « pays
infestés de Chouans » et « de bandes royalistes», alors qu'à
cette époque, il ne pouvait être question de riende semblable à
Avranches (2). Seulement, ce qu'ils ne disent pas, et qu'ils
ignorent peut-être, c'est que, plus que d'autres départements,
celui de la Manche avait des raisons d'avoir ct. la terreur des

terroristes. »
Le représentant qui avait été choisi pour (( régénérer ») le
département de la Manche, n'était autre que Le Carpentier,
dont la mission extraordinaire y avait laissé les plus terribles
souvenirs. Chargé, en application de la loi du 14 frimaire,
d'appliquer les principes du gouvernement révolutionnaire.
Le Carpentier avait traité son pays natal avec la dernière
brutalité. La guillotine y avait été en permanence, les pri­
sons y avaient regorgé de détenus, et, après la retraite des
V endéens devant Granville, on avait vu cette chose atroce,
des traînards, des blessés, des malades, arrachés des hôpi-

taux, fusillés en masse.

. " ' .. . ." O tt

(i) Dict. des Parlementaires (notice GOUJON). ' Biographie nouvelle des
contemporains. (notice GOUJON) : « Avranches, lit-on dans ce recueil, fail­
lit devenir leur tombeau. »
(~) Cette erreur se retrouve dans un ouvrage récent: « A partir de
Caën, le train du voyage se ralentit, SANS DOUTE par suite des mauvaises
routes, ou parce que les officiers de l'escorte, en ce pays infesté de Chouans.
tenaient à ne voyag'er qu'en plein jour. » THÉNARD et GUYOT: Le Conu.
Goujon, p. ISO.

. · 277

. Oh pourrait croire , que, comme d'autres missionnaires
de la Convention, ' Le Carpentier rachetait au moins, aux
yeux des populations, ces procédés monstrueux par des preu ..

ves réelles de civisme. [l n'en est rien. Dédaigneux, oublieux
ou ignorant des choses concernant la défense nationale, il lui
arrivait, au contraire, de la compromettre gravement par ses
indiscrétions. et ses intempérancés de langage (1). On le
. trouve désorganisant la flotte, destituant à Cherbourg les
officiers du génie, les ingénieurs de la marine, pour les rem­
placer par des sans-culottes ignares. On le vit choisir comme
agent principal dans ce même port un personnage véreux,
dont les gaspillages et la friponnerie devaient être connus

plus tard (2).
« Le proconsulat de Le Carpentier, a écrit un historien
» moderne, est un des plus lùng's et des plus durs qu'il ait été

» donné à un département de subir. Le souvenir de son ori-
» gine (3), loin de le toucher, ne faisait qu'exalter son orgueil
» et son humeur tyrannique. Quand, au cours de ses visi-

'J) tes, il vint à Valognes, son pays d'origine, il y fit une

» entrée solennelle dans un carrosse de · cette « infâme

» aristocratie », où trônait auprès de lui la citoyenne Le
)) Carpentier, sa femme, et il s'était princièrement installé
» dans l'hôtel du marquis d'Ourville ... Le Carpentier avait
» mis Avranches au régime de la terreur ... » (4).

(1) Arch . nat. : A. F. II, ~iO et 539. (Id). B.B. 37 et47. AULARD: Rpcueil,
t. XI, p. 535 et 540. LÉvy (Léon): Le Conventionnel Jeanbon Saint-André
Paris, Alcan, in-8°, 190i, p. 737. PUISAYE: Mémoires, t. II, p. !~49, 525.
(2) LÉvy: Le ConventioÎlIlel Jeanbon Saint-André, p. 687.
(3) LE CARPENTIER (Jean-Baptiste) né à Hiesville. (Manche), près de Valo­
gnes, était huissier dans cette localitè avant la Révolution. (Dict. des Par­
lementaires.)
(4) WALLON (Hfmri). Les représentants du peuple en mission et la justice
révolutionnaire dans les départements en l'an II. Tomé 1. La Vendée, p. 397.
Sur la. mission de Le Carpeulier dans la Manche, voir au même volume
pages 377-403. P. BLIARD : Le Conventionnel Prieur de la Marne (Paris,
Emile Paul, in-8°, 1906, particulièrement p. 6 et suivantes.
Le Carpentier emprisonna sans relâche. Le district de Coutances, à lui
seul, vit inéarcérer cent cinquan~e personnes en l'espace qe quinze jours ;

278

La mission du représentant Le Carpentier n'était pas bor
née· au seul département. de la Manche. Elle s'étendait aussi
à l'Orne, ' à l'Ille-et- Vilaine et aux Côtes-du-Nord, Toutefois

il ne séjourna pas assez longtemps dans ce dernier départe-
ment pour le «( montagnardiser », pour, comme il s'en vantait
« y plonger dans le néant, au moyen des purgatifs révolution­
naires, l'aristocratie, le fédéralisme et la superstition» (1).
Afin d'atteindre ce but, il s'était cependant concerté avec
Carrier et tous deux: avaient préparé un vaste programme,
dont la plus grande partie devait rester inexécutée.

Avant de se rendre à Nantes, où il allait conquérir sa ·
sinistre notoriété, ' Carrier avait .déjà commencé à révolu-

tionner la plupart des départements de la Bretagne, et ses
ordres, exécutés ponctuellement par des administrateurs,
dont la tête était en jeu, y avait jeté l'épouvante .

De Rennes, le 28 septembre 1793, Carrier écrivait à son
ami Hérault de Séchelles, membre du Comité de Salut
public.
« Partout les arrestations les plus salutaires se multiplient
» chaque jour. A 'Saint-Brieuc, à Plouër, à Saint-Servan, à

» Redon, à Vitré, à Fougères, on arrête jourriellement des

« Les maisons d'arrêt vont être bien petites pOUl' ces nouveaux hôtes », man­
dait-il joyeusement à Prieur (de la Marne). Lettre du 18 septembre 1.793 :
A.rch. nal. A. F. Il, 913. Plusieurs études locales très sérieuses ont été
consacréeE à cette m~ssion, notamment: E. SARROT : La Terreur dans le
département de la Manche et en particulier les habitants de la Manche devant
le tribunal révolutionnaire de Paris. Coutances, 1877. i v. in-8° de 412 p. ;
Id. : La Révolution dans la Manche (Nouvelle éd. de l'ouvrage précédent ·
complété). Coutances, 1. vol. in-8°.
Id. Elude historique sur la Commission militaire et révolutionnaire établie
à Granv.ille en l'an II. Coutances-Salettes, 1876. Gr. in·go (avec 29 fac-simile
d'autographes). ROBILLARD DE BEAUHEPAlI:l.E : Nçte sur le tribunal
criminel de la Manche. Caën, 1875.
Cette commission instituée par Le Carpentier, le 29 brumaire (29 novem­
bre) fut chargée de juger les brigands et autres particuliers détenus, ce qui
lui laissa toute latitude pour choisir ses victimes. Aussi,dès le .jour de
son installation, elle envoya treize personnes à la mort. (WALLON (id.)
p. 380-38i.)
(1) Arch. nal. C. 93. Moniteur (18 ventôse). " RéiJnpression, t. XIX,
p, 64-S, fiecutiZ AUJ:,ARD, t. XIIl, p. 539.

279

» contre .. révo.Iutionnaires, des gens suspects. Je les enverrai
~ incessamment au Tribunal révolutionnaire. Jerne propose,
» en même temps, de faire bientôt des cargaisons de prêtres
~ insermentés, amoncelés dans les prisons, et d'en donner la
» conduite à un marin de Saint-Servan, connu pour son
» patriotisme. Çà va très bien à Rennes ... » (1).
Sous la plume de l'auteur des noyades . de Nantes, ces
dernières phrases sont inquiétantes .
.. . Le 7 octobre 1793, Carrier écrit encore de Rennes au

Comité de Salut public: . .
. « Nous avons vu nos collègues Jeanbon Saint-André et
» Prieur (de la Marne), qui ont été très contents de l'énergie
» républicaine qui se développe dans Rennes. .
» Le mouvement heureux et rapide que nous y avons ins­
» piré se propage dans toute la Bretagne. Quimper, Quim-

» perlé, Dinan, I,...~rient, Vannes, tout nous a envoyé deux

». espèces de députations, celle des patriotes et celle des
» fédéralistes, la première pour demander la punition
» des derniers, celle-ci pour réclamer indulgence. Que je ·
» suis fâéhé d'être obligé de m'élo'igner pour quelque temps

)) de ces contrées! Comme les choses, comme l'esprit public
» y prend (sic) une bonne tendance! A Saint-Brieuc, on a
» fait arrêter, par mes ordres, 120 personnes suspectes. Quel
» superbe exemple! Quel salutaire mouvement il va donner
») à toute la Basse-Bretagne! A Dinan, 45 hommes et 50 fem­
» mes sont en état d'arrestation; le club fédéraliste et la
») chambre littéraire sont dissous et fermés. A Bedon, tous
» les malveillants sont arrêtés. A Châteaubriant, une force

. » armée arrête les contre-révolutionnaires. Les mêmes opé-
1\ rations se suivent à Montfort,. à Vitré. Elles sont toutes
)) prêtes pour Fougères» (2).
Carrier, dont l'horreur pour tous les prêtres, qu'ils fussent

(t) Arch. nat. A F. II, 184. - AULARD. Recueil, t. VII, p. 86.
(2) Arch. nat. A F lI, 185 . AULA.RP : Reclleil, p. f85, .

c · · 280

insermentés ou assermentés, était instinctive, et bien connue,
eut, chose curieuse: au cours de sa mission dans l'Ouest, non
seulement de l'indulgence, mais même des prévenances

extraordinaires pour certains d'entre eux, qui, après avoir

renoncé à toute fonction du culte, s'étaient mis entre ses

mains et le secondaient aveuglément dans ses vues et celles
des Comités révolutionnaires.
De ce nombre fut Lucas, ex-curé constitutionnel de Miniac-

Morvan, devenu commandant du 12

bataillon de Seine-Infé-
rieure au fort de Châteauneuf. Le 12 septembre, Lucas avait
reçu spécialement des représentants Carrier et Pocholle l'or­
dre « de réunir une force armée de six cents hommes, pour en
diriger sans délai la marche sur Plouër et lieux environnants,
afin de mettre en arrestatiori tous les étrangers et prêt:res
qui s'y trouveront, les ci-devant nobles qui y résident et tous
les gens suspects qui lui seront désignés. » Dès le 18, il fai­
sait conduire et incarcérer à Saint-Malo trente « fanatiques»,
arrêtés à Plouër. Tous les. cantons ·d'alentour furent le théâ-

tre des exploits militaires de Lucas, dont l'expédition était
appuyée de plusieurs pièces d'artillerie. Le 1

octobre: il
arrêta une partie des fonctionnaires dinannais et les attacha
au pied de l'arbre de la liberté. Du 10 au 14, il fit enlever
toute la municipalité de Pararilé, et, le 26, seize citoyens de
Plerguer réputés suspeCts (1). .
D'autres créatures de Carrier furent un ex-abbé, Poupinet,
dont il fit son secrétaire intime, l'historiographe de sa mis­
sion et qu'il chargea de comp'oser des chants de guerre et
des divertissements patriotiques (2) ; puis un ex-curé de

Paramé, Charles Caron, rival de Lucas, connu, celui-là, par

(i) 130BIDOU (Bertrand) : Histoire et panorama d'un beau pays (Saint-Malo,
Saint·Servan, Dinan, Dol et environs, augmentés de l'histoire de la Révolution
en Bretagne, écrite sur des documents inédits, avec notes et pièces justificatives.
Dinan, Bazoug-e, 1861 , · 1 Y. in-4°, p. 371. et 375.

(2) (Id) p. 400 et 406. .

. - . 20.1

son inconduite et écrasé de dettes (1); puis encore les deux

frères Tobie, ci· devant prêtres à Dinan.
Par ordre de ce district, ils avaient été incarcérés à Port·

Brieuc, mais Carrier s'était empressé de les faire élargir.
Toutefois, malgré cette haute protection, l'un d'eux, au moins,
fût arrêté une seconde fois, ainsi que le constate une lettre
du Directoire de Saint-Malo au Comité de Salut 'public :
Cl. Le représentant du peuple Ruamps, dans une revue qu'il
)) a passée à Dinan des troupes qui y sonteantonnées, a fait
» râfle d'un prêtre nommé Tobie, qui y faisait bien du mal, et
» se qualifiait de Marat de Dinan. Un si beau nom n'ajamais
» été fait pour un prêtre ! »
Et le 21 ventôse suivant (11 mars 1794), des prisons de
Port-Solidor, le ' pauvre Tobie adressait une plainte doulou-

reuse au Comité de surveillance de Port-Malo (2).

(1) (Id) p. 376. Rapport des sociétés populaires de Port-Malo et Paramé.

(2) (Id) p. 3U7 et 398. Voici les principaux passages de la supplique de
Tobie: .
« Un vrai Sans-culotte, dont la façon de penser ne fut jamais démentie
» depuis le commencement de la Révolution, qui a déjoué les complots
» des fanatiques, royalistes, fédéralistes, aristocrates; qui, par l'énergie de
» ses discours et de ses écrits, a été un des plus zélés défenseurs de la
») république; que les menaces réitérées d'attenter à ses jours n'ont point

» intimidé i dont rien n'a diminué le zèle pour le salut commun; qui
» a été traîné de prisons en prisons et injustement exspolié (sic), est arrêté
» par mesure de sûreté g'énérale,parce qu'il fut jadis prêtre, quoique depuis
» le 21 octobre, il n'en ait fait aucune fonction .... Mon frère et ma sœur
» ont été, ainsi que moi, dépouillés de leur effets, Je suis actuellement
») comme Bias i je n'ai que la chemise qui est sur mon corps .... Ma sœur
l) malheureuse, détenue dans vos murs, est dans le même état que moi,
» quoiqu'elle ait vu la massue royaliste suspendue sur sa tête ; qu'elle
» ait échappé à la fureur des brigands de la Vendée; faut-il donc qu'elle
» soit punie pour avoir été républicaine'?.,. Je vous conjure, au nom
» de la patrie, au nom de l'humanité, de prendre en considération son triste
» sort. Elle a des droits à votre sensibilité i elle a partagé nos sentiments
» vraiment républicains. Le Carpentier les connaît i le représentant Carrier
» les avait connus avant lui et leur a rendu justice .. :. II
O'apl'ès l'auteur du Panorama d'un beau pays, Tobie, qui s'était trompé
de route devait être un homme pacifique, dont le principal crime et la
cause de dégradation morale furent la profonde misère. La mairie de
DInan refusa d'enregistrer, comme tardive, sa d éclaration de renoncer à
l'état ecclésiastique: (un décret. de la Convention du 22 novembre 1793
accordait une rente annuelle aux ecclésiastiques qui abdiqueraient leur

282

Mais revenons à la mission de Le Carpentier.
De Port-Malo, le 17 nivôse an JI (6 janvier 1794) il

ecrIt

au président de la Convention :
» Citoyen président .
( Je t'avais annoncé dernièrement qu'un saint venait
n d'être chassé d'ici pour être confiné dans le royaume ceieste,

n attendu qu'on n'a pas besoin de ces gens-là dans une
» république. Je t'avais dit vrai et je t'envoie ci-joint le congé
» donné à Saint-Malo .

» C'est un arrêté du Conseil général de la commune, par
» lequel cette cité sollicite de la Convention Nationale la
» ratification du changement qu'elle a fait de son ci-devant
»nom de Saint-Malo, Pour accordèr à la fois le mépris dû à
» toutes les saintetés et t'intérêt que commande le maintien .

» des relations commerciales, elle a tout bonnement substi-

Ji) tué le nom de Port à celui de Saint, de sorte que je vous'
» écris maintenant de Port-Malo, sous votre bon plaisir (1).
« Une autre cité, contigüe à celle-ci, portait le nom d'un
» autre saint. Je parle de Saint-Servan; elle ne pouvait,
1) ainsi que Port-Malo se contenter du changement de la moi­
l) tié de son nom, attendu que le mot Servan a été celui d'un

» mauvais ministre, et que d'ailleurs il sonne mal aux oreilles
y. républicaines ; mais, se souv.enant qu'un havre de sa
» dépendance s'appelle Solidor, elle a jeté son saint à la mer
» et a choisi le nom que je viens de citer, an comparant la
» liberté à l'astre du jour, dont les rayons dorent et embel­
» lissent tous les objets qu'ils éclairent.
« Ainsi, donc la nomenclature de nos cités ne sera plus une
» liste des habitants du paradis. Que nous importe, pourvu

état). Mais, au fond, elle voulait se débarrasser d'une victime de la Révo­
lution, devenue à charg'e aux administrateurs, et odieux à tous les partis.
Quant au représentant montagnard Ruamps, qui fit arrêter Tobie, il
fut un de ceux qui prirent une part active aux mesures qui préparèrent
le 9 thermidor. (V. Dict. des Parlementaires.)
(1.) Le mois précédent, à l'instigation du ferme M.-A. Jullien, les
citoyennes (!) de Saint-Malo avaient dé.ià changé le nOm de leur ville
contre celui de Commune-Ia-Victoire.

_. 283 · ,
1l qu'elles soient toutes un séjour de républicains? N'est·ce
» pas là le véritable séjour des bienheureux?.. Il
LE CARPENTIER (1).

Que de lettres de Le Carpentier on pourrait citer dans le
même style (2) ! .
. Il semblerait quJen pénétrant dans les Côtes-du-Nord, lors
de sa première visite à Dinan, le représentant se figura ar­
river au pays de ses rêves, car, le 1

ventôse an II (12 février

1794), il faisait part à la Convention de son admiration,
qu'il dépeignait, en employant une comparaison vraiment
pittoresque :

« Citoyen président; j'avais momentanément quitté Port-
» MEllo pour aller épurer les autorités constituées de la ville
» de DInan; cette tâche vient d'être remplie.
» Hier, dernier décadi de pluviôse, une fête brillante fut
» célébrée en l'honneur de la Raison. La Société patriotique,
» la garnison et tous le::, citoyens concoururent à cette céré-

» monie civique et morale; l'intention était aussi pure que la
» pompe fut imposante, et l'on peut dire que la moralité pu-

» blique à Dinanjustifie la hauteur de la position quela nature
» donna à cette cité. Pas plus de prêtres que de rois, telle est
» sa devise »... (3).
Cette première impression de Le Carpentier ne surpren­
dra plus, quand on saura que, outre Carrier, la pauvre ville '
de Dinan avait reçu déjà la visite de pas mal d'agents épu-
rateurs.

(i) Arclz. nat. F 7 1008 4. AULARD : Recueil, t. X, p. 90.
(2) Voir notamment celles où il annonce le mariage du curé de Saint-Malo
e t la r emise faite de ses lettres de prêtrise par un bernardin de 72 ans. Dans
un autre ordre d'idées, voir la lettre compromettante de Le Carpentier
au président de la Convention nationale, en date du 21 nivôse an II
(iD janvier i791~).
(Arch. nat. F i7 1009 AULARD: Recueil, t. X, p. 1.74 et 519.
(3) Moniteur (10 ventôse). Réimpression, t. XIX, p. 578. Dinan est
en pleine eontre-révolution », écrivait au contraire Carrier, quelques
jours avant. (Lettre au Comité de Salut public, du ' 12 nivôse an 1I-
{er janvier 1794,) AULAflD: Recueil, t. X, p. 20 .

_. 284·
ç'avait été d'abord un clubiste rennais de 22 ans, Louis­
Antoine-Ange .Chicoilet, baron de Corbigny, (qui se faisait
appeler Vérité-Corbigny), et un . acolyte du même âge, un

Gouverneur, venu on ne sait d'où. Chargés par les repré-

sentants Carrier et Pocholle, alors à Rennes, d'une miss sion

importante, la descente des cloches de la région, tous deux
avaient à plaisir bouleversé les administrations, jusqu'au jour

. . il arrive parfois que les loups se mangent entre eux, où
ledit Corbigny s'étant trouvé en. conflit avec Le Carpentier,

dès son arrivée, fût bel et bien emprisonné sur son ordre, et
cela, malgré ses réclamations et ses menaces, et qui plus est,
malgré les protestations du Comité de surveillance révolu­
tionnaire et de la Société populaire régénérée (1).
Ce fut ensuite, nous l'avons déjà dit, le tour du représentant
Prieur (de la Marne). Il arriva à Dinan accompagné du fameux
. agitateur Royou-Guerrneur, commissaire du Conseil exécutif
et dujeune Marc~Antoine Jullien, commissaire du Comité du
Salut public. Eux aussi, apportèrent naturellement quelques
modifications dans le personnel administratif, procédèrent à
quelques arrestations, mettant à profit leur courtséjour dans
la ville, du milieu de brumaire an JI (3 novembre), au n fri-

maire suivant (29 novembre 1793) (2).
Le niveau de l'admiration première de Le Carpentier de-

(1) Sur l'incident Le Carpentier-Corbigny V. Arch. nat. A F II, 1.72. -
AULARD : Recueil, t. XII, p. 39~ L .. LÉvY:. Le Conventionnel Jeanbon Saint-
André, po 627, 706, etc.

(2) Arch .. nat. A F Il, 276 AULAHD : Recueil, t. VII, p. 503.
M. Trévédy, ancien président du tribunal de Quimper a consacré à
Royou-Guermeur, ami de Marat, 'une notice des plus intéressantes dans
la Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou de 1892. (Tirag'e à part).
Jullien, fils du conventionnel de la Drôme, n'a vaif guère alors que
dix-huit ans, puisqu'il était né le 10 mars 1775. En réalité, il espionnait pour
le compte de Robespierre et de Barère. Quelques mois plus tard, il allait
régner en dictateur à Bordeaux, y multiplier les exéculions capitales, et
devenir le bourreau des députés girondins mis hors la loi. (Voir' Ch.V ATEL:
Charlotte de Corday et Les Girondins. Table analytique, t. III, 851.
Ces deux terroristes eurent en outre une grande part de responsabilité
dans . l'égorgement des vingt-six administrateurs du Finistère, guillo­
tinés à Brest, le 3 prairial an II (22 mai 179~). .

"; 28B

vant Cf. la hauteur de la moralité publique de Dinan» ne cle-
_ vait pas tarder à baisser, mais après le passage des autres

émissaires de la Convention et de ses Comités, il y avait, pour
un fin limier comme lui, un véritable point d'honneur à dé­
couvrir et à incarcérer d'autres suspects.
Le 6 ventôse an II (24 février 1794), de Port-Malo il mande
à la Convention :
« Je vous dois compte de mes opérations à Dinan. Je vous

11 envoie à cet effet les arrêtés que j'ai eu l'occasion d'y
» prendre, tant à l'égard des autorités constituées que de
» plusieurs citoyens. Vous n'y trouverez que des résultats.
» Vous auriez peine à concevoir combien d'intrigues il m'a

» fallu déjouer pour pénétrer jusqu'à la vérité. Mais des
» inductions, je suis bientôt arrivé aux preuves. Les registres
» ont été adroitement examinés, et des imprimés reconnus
» ont fourni le complément légal de ma conviction. Je ne vous

» dissimule pas qu'en général il faut,être bien accoutumé au
» jeu du fédéralisme pour le saisir dans,tous ses replis. C'esi
» avec grande raison que nos aJ,tistes l'ont représenté comme

» un monstre .en forme de serpent. Les fédéralistes, groupés
» au pied de la Montagne, s'étaient couverts du masque le

» plus spécieux ; il a été arraché et les sans-culottes triom-
» phent » (1).

0) Arch. nat. A. F. Il, carton 10.
Voir l'épuration à Dinan et l'inauguration du Temple de la Haison .
dans le livre de .M. B. Hobidou, Panorama d'un beau pays, etc. p. 393, et
dans celui de M. Wallon, Les Représentants en mission, t. l , p. 399.
Une lettre du district (4 vendémiaire, an IV, 26 septembre 1795) montre ce
que fut le régime des prisons à Dinan pendant la durée de la Terreur. C'est
au sujet d'une évasion de prisonnier. Le District, s'adressant au Départe­
ment, lui demande, à raison de l'incurie et des mauvais procédés du con­
cierge, un sieur Mathey, non sa comparution au tribunal criminel, ce qu'il
pourrait faire d'après les lois en vig'ueur, mais sa destitution, son départ
seulement, et il ajoute: « Depuis longtemps nous recevon's des plaintes fon­
» dées sur les traitements barbares qu'il fait éprouver aux prisonniers. Les
)) parents et les amis des détenus ne parviennent à eux qu'après avoir
» éprouvé mille humiliations et mille menaces, et surtout qu'après avoir
» fléchi la dureté incroyable de ce gardien teàible, et de sa femme, plus
» terrible encore, par des soumissions et les dépenses énormes qu'ils l'ont

~ 286 .
Dans les Côtes-du-Nord ct. les charlatans nommés prêtres.
empoisonneurs de l'opinion du peuple » (c'est ainsi que
les dénommait Le Carpentier), devinrent ses bêtes noires.
A l'exemple de Prieur et de Carrier, que de ce côté il surpas­
sait en cruauté, il les poursuivit avec la dernière rigueur. Sur

son ordre, Jacob, évêque constitutionnel et son vicaire Odio-
Baschamps, pour avoir refusé d'abjurer, furent emprisonnés

au château de Quintin, avec plusieurs prêtres de leur dio-
cèse (1).

« Le repos intérieur, déclarait-il, réclame l'anéantisse-
' » du sacerdoce, et il faut faire la chasse aux prêtres, non
1> comme ministres de tel ou tel culte, mais comme mauvais
» citoyens 1> (2). '->

Voilà, ce que le représentant osait dire, et il traquait ces
malheureux, même les membres du clergé constitutionnel,

dont, sous peine de mort, il exigeait l'abandon des lettres de
prêtrise et même le mariage. Ainsi, un de ces arrêtés alla
. jusqu'à prescrire que les prêtres non mariés, alors même
qu'ils auraient abjuré et seraient rentrés dans la vie civile,
ne conserveraient aucune fonction, que toutes leur seraient
retirées, attendu que « l'exp.éri-ence démontrait de plus en
plus que eette classe d'hommes, accoutumés à tromper et à
dominer les autres, n'est pas susceptible de concourir

» à la conciergerie. A son profit aussi sans doute, les secours que l'on
» veut faire passer aux détenus sont rejetés inhumainement, s'ils ne sont
» pas pécunaires. Nous avons voulu plusieurs fois' faire des représenta­
)) tions à cet homme intraitable sous tous les rapports, mais il les a reçus
,) avec une insolence incroyable, de sorte que désespérant de le l'amener
» à des sentiments plus humains, nous nous croirions coupables de tar­
)) der plus longtemps à vous demander sa prompte destitulion. » (Arch.
des C.-d.-N. Beg. de . correspondance du district, à la date.)
(t) Leur détention dura près d'un an. Toutefois, à la date du 1

frimaire
an III (21 novembre 1794) un état des ecclésiastiques détenus nous apprend
qu'ils avaient été transférés à l'ancienne maison de prébende, dite Saubens
à Port-êrieuc. (Arch. des C.-d.-N. : Sér . L.) .
(2)' Lettre du 14 ventôse an II (l~ mars 1794.) GESLlN DE BOURGOGNE et
DE BARTHÉLEMY: Etudes silr la Rév. en Bretagne. principalement dans. les
Côtes-du-Nord, 1858, in. 8°. ' V. pièces compl. n° 3 : LE CARPENTIER

'" 287

efficacérhent 'au triomphe de la liberté et de l'égalité » (1).
. Carrier, nous venons do le voir, n'était pas aussi exclusif.
Dans sa fureur de persécution, ce n'est pas seulement « à

l'aristocratie, au fédéralisme et à la superstition » que s'atta-
qua Le Carpentier. On peut dire, en quelque sorte, que per­
sonne ne fut à l'abri de ses vexations. Il n'est pas jusqu'aux

loges maçonniques de Port-Malo et de Dinan dont ·il pro-

non'ça la dissolution, « à peine à chacun de leurs membres

d'être suspect. et traité comme tel».

« Considérant, dit son arrêté du 7 floréal an II (26 avril

»1794) concernant la loge La Tendre fraternité de Dinan, --

») Considérant que de telles agrégations ne peuvent être tolé-

II rées sous un régime républicain, où la liberté est devenue

» un bien commun, dont la jouissance n'a pas besoin des

») ombres du mystère, et que d'ailleurs toute réunion d'in-

» dividus qui se dérobent à la vigilance publique ne peut

» qu'exciter la suspicion, dans lin temps où les actions et les .

II prindpes des citoyens doivent être soumis à la surveil-
il lance du gouvernement ... etc ») (2) .

Le département d' llle-et-Vilaine eut beaucoup plus à souf-

frir de la tyrannie de Le Carpentier que celui des Côtes-du~
Nord. Arrivé à Port-Malo, le 25 frimaire an II (15 dééembre
1793), c'est de cette ville qu'il avait adressé aussitôt ses arrê-

. tés les plus menaçants (3). Il fut très aidé dans sa besogné

d'épuratjon et de répression par (( un Conseil sans·culotique
(sic) de quatre membres »), que lui fournit le Comité de sur­
veillance. Il lui accorda toute sa confiance, mais au contraire,

(i) GESLIN et DE BARTHl~LEMY. (Id. p. 78. (Id) Les anciens évêchés de Bre~
tagne, t. l, p. 7-1. ROBIDOU: Panorama d'un beau pays, 403.

(2) Arch. des C.-d.-N. Sér. L. Une partie de cet arrêté a paru dans le
5- et dernier fascicule de la ReUlle des arch. lIist. des C.-d.-N. (188&. -1885)
p. 1.44. .
(3) vV ALLON : Les repl'ésentants du peuple en 1!lission etc. t. l, La Vendée,
p.400. Voir notamment l'arrêté du 24 g'erminal an II (1.3 avril 094) et. ceux
èOntre les prêtres et les objets du culte, 29 ventôse, 2, 24 et 28 germinal, 2 et
1,6-thermidor, (Arch. nat. : A F. II, Cartons 95 e't HO.)

il ne considéra pas' comme suffisamment expéditive la Com­
mission militaire révolutionnaire, créée le 27 brumaire (17 no~

vembre) par ses collègues Prieur (de la Marne), Bourbotte

et Turreau, puis remaniée, le 10 frimaire (30 novembre), par
Tréhouart. IlIa renouvela donc lui-même, le 9 nivôse (29 dé-

cembre), et en fit un instrument bien docile à ses vues (1).
En cinq mois, elle n'envoya pas moins de quatre-vingt-huit
victimes à la mort. Encore reprochait-il à cette commission
de s'embarrasser trop des formes; cc A quoi bon toutes ces
)) lenteurs, aurait-iI-dit, où vous mènent ces éternels interroga­
)) foires? Qu'avez-vo' us besoin d'en savoir si long? Le nom, la
)) profession, la culbute, et voilà le procès terminé )) (2).
La culbute! La Commission militaire procédant par
la fusillade, Le Carpentier eut soin de mettre aussi une
guillotine à son service. C'était la civiliser, car il n'entendait
pas la réduire aux prisonniers faits à la guerre. Il lui desti­
nait au'ssi cc les aristocrates, les fédéralistes et les fana-

tiques » (3). Il est vrai, d'après Carr~er, qu'à ce moment
l'esprit public à Saint-Malo était entièrement perverti. ))
Dès lors tout marcha à merveille, et de Port-Malo, il écri­
vait au président de la Convention, le 27 floréal an 1 l (16 mai
1794) ;
.... (( Un prêtre réfractaire vient de partir d'ici, la tête la pre-

» mière, pour aller rejoindre les autres qui avaient été expé-

(i) WALLON. (id.) 398. - , BEflflIAT SAINT-Pli IX : l~a justice révollltionnaire,

p. 216.

. (2) DUAULT (François-Marie-Gnillawne) : Précis dll proconsulat exercé par
Le Carpentier sous la tyrannie de RobesjJierre dans la commune de Port-NIalo.
Port-Malo. Rovins in-8° de 25 p. (v. p. 1.8). ,,y ALLO:-I : (id) p, 398.
Dict. des parlementaires, etc. ' ,
(( Ces paroles sout-elles vraies? s'est demandé un écrivain moderne. Nous
nous contentons de les reproduire sans en affirmer l'authenticité, car il est
plus facile de faire parler un llOI11l11e que de donner un document certain, »
Tn. LE\IAS : Etudes documentaires sur la Révolution. Les Commissions mili·
taires révolulionnail'es dans l'Ille-l' t-Vilaine. Paris,Fischbachel'. s. d .. p. 1.23.
La suite prouvera que Le Carpentiel' ne peul g'uère être calomnié il cet ég·ard.
(3) Arch. nal. A F II, HO. .. "V ALLaN. Les Représentants en mission l, p. 398. .
Ministère de la Guerre: Armée de l'Ouest. Recueil Au LARD, t. X, p. 2L

.-r 28'9 " '? T . .

» ,diés avant lui. La guillotine est en permanence 'pour lès ,

}) ·conspirateurs; les maisons d'arrêt contiennent les suspects, '.

" et la liberté sourit aux patriotes ' (1). 1>
Mais il arriva un moment où les maisons d:arrêtregorgèrent ,
de suspects, et où les tribunaux criminels et les commissions ·

militaires ne suffirent plus à l'activité dévorante d'un pareil
rénovateur.

Il s'avisa alors d'un procédé aussi simple qu'ingénieux. Il
's'aboucha avec Fouquier-Tinville, un expert dans la matière,
qui, par un avancement bien mérité, venait de passer de la
fonction de substitut à. celle d'accusateur public du tribunal
révolutionnaire de Paris. En conséquence, par charretées, il
lui expédia ces détenus gênants, à des époques plus ou moins
régulières, .et son correspondant se fit un véritable devoir de .
l'aider dans l'accomplissement de son œuvre civique (2).
Ces exécutions par fournées sont connues, et nous ne nous
y arrêterons guère. Ce que l'on sait moins ce .sont les consé­
quences qu'elles eurent dans toute la région. Ces conséquen­
ces nous sont indiquées par un écrivain républicain, M .. Robi ..
dou, qui,' pendant un demi-siècle, fut un ardent polémiste et
un adversaire acharné des anciens partis:
« L'épouvante produite par les supplices faisait affiuer les
« offrandes républicaines sur les sanglants autels du terro-

» risme. Encore les riches tremblaient-ils de n ~être pas
» admis à l'honneur de sacrifier leur fortune, car si le pro- ,
» consul refusait la bourse, il 'prenait la tête. Nos concito-

t) yens (d'Ille-et-Vilaine) profitèrent donc d'un voyage qu'il ;
» fit à Coutances pour verser des sommes considérables au

1) Comité de surveillance. Ce fut une pluie de prétendus
» dons volontaires: (( Nous t'en servirons un plat à· ton
)) retour,' écrivait le Directoire à Le Carpentier. Tous les

(i) Arch. nCLt. C. 30~. AULARD: Recueil, t . . XIII, p. 560.
(2) WALLON (id.) p.400. Fouquier-Tinville fut nommé accusateur public
le 22 prairial an II (iO juin i 7g4). .

- 290 '

)j jours, lui disait le Comité, les gens qui te craignent s'em'-
)) pressent de nous offrir des dons à la nation. Nous les nfu-

)) sons avec l'excuse honnête que nous avons une liste de ceux

)) 0 de qui nous pouvons les accepter. De cette manière, nous les

)) intriguons, et nous croyons que cinq vaudront dix (1) ». 0 0

Us ne se trompaient pas .... »
, Dans les lignes qui suiverit, nous voyons en effet que cer­
taines familles furent littéralement saignées à blanc: Ces pro-

cédés de forbans arrachèrent à une famille Marion trente-

deux mille francs. La famille Le Fer du Flachet dut sacrifier

jusqu'à cent cinquante mille. Les membres du Comité
pensaient tirer ainsi de la seule ville de Port-Malo un million

lé« dons civiques» et, le 28 messidur (16juillet), ils annon-

çilient encore à 0 Le Carpentier qu'il venaient de recevoir
frente-cinq mille livres en contrats, deux cent soixante-huit

mille en numéraire, etc... 0
Tout cela, conclut M. Robidou, nous prouve quels étaient
la consternation et le désespoir des familles, trop heureuses;
hélas! de jeter leurs dépouilles entre elles et les bourreaux (2)!
Par sa durée et sa brutalité, cette mission de Le Carpen­
tier devenait de plus en plus intolérable aux populations affo­
lées, réduites à constater, avec désespoir, que la persécution

au lieu :le se calmer, allait au contraire toujours croissant

en intensité. Elle devait rester telle jusqu'au dernier jour,
ainsi que le prouve la correspondance du représentant.
Le 4 prairial (30 mai 1794), il mande encore au Comité de
Salut public: 0

(i)Hist. et Panorama d'un beau pays, etc. p. 414. M. Bertr:and Robidou, né à
Plerguer (llle-et-Vilaine) en 1818, est mort à Rennes l€ 2 juin 1897. Il a
publié plusieurs autres ouvrages, parmi lesquels une Histoire du Clergé
pendant la Révolution française (Calman-L~vy, Paris, 2 v. in-8·). Il fut rédac­
teur en chef de l'Avenir de Rennes de ·1870 à 1890. En i885, il avait été
nommé chevalier de la Légion d'hoJl'neur.

Détail peu connu, il avait été,.au début de sa vie, frére des Ecoles Chré-

tiennes.

(2) Histoire et panorama etc. p. 4i4.

_ . - .:. 291-· . -
, CI. Je vous envoie vingt-neuf ·détenus parmi lesquels sont
» douze femmes. Voilà du gi b 1er !. .. »
Il est une de ces fournées qui vaut la peine d'être men­
tionnée. Le 1

thermidor, comparaissait devant le tribunal
révolutionnaire de Paris une vingtaine d'accusés, dont la moi­
tié appartenait à la même famille de Saint-Malo. Ce jour-là,

le bourreau eut à faire tomber les têtes de deux vieillards
plus qu'octogénaires, Magon de la Ba1lue et Magon de la
Belinaye, en même temps que celle de madame de Cornulier,
née Saint-Pern, âgée de vingt et un ans et celle de son
. frère, âgé de dix-sept ans (1).
Le 9 thermidor (27 juillet), c'est-à-dire le jour même de la
chute de Robespierre, il écrit au président de la Convention:
. " Je viens de rentrer à Port-Malo, où j'avais laissé plu­
» sieurs choses à faire, entre autres, la révision du tableau de.s
» détenus. Il résulte de ce nouvel examen que cinquante-cinq
» individus sont dans le cas de suivre les précédents au tri­
" bunal révolutionnaire. Cette quantité, jointe aux vingt-neuf
" premiers, partis de cette ville, aux quatorze autres qui vont
'fi être envoyés de Dol, et aux cent trente et un que j'ai expé-
diés desdifférentes parties de la Manche que je viens de par­
» courir, forme un total de deux cent vingt-neuf prévenus,
» qui ont rendu, ou vont rendre compte de leur conduite à la
J) justice du peuple. Le temps est arrivé où ceux qui n'ont
Il pas mérité d'être inscrits sur le livre radieux des amis de la
» Révolution, doivent être portés sur la liste funéraire des
» ennemis de la liberté. Malheureux qui, non contents d'avoir
» refusé le bonheur de votre patrie, avez voulu la troubler et
» l'anéantir, tombez sous le poids de vos crimes, puisque
» vous n'avez pas senti celui du remords! »
Toujours à la date du 9 thermidor, Le Carpentier fait part
des mêmes bonnes nouvelles au Comité de Salut public, dont
il ne peut savoir la dislocation.

(i) V. Moniteur du 7 thei'midor. (Réimpression, t. XXI, p. 299.)

- . 292 ·· -

Le' surlendemain, . il ignore encore les graves événements
de Paris, car, imperturbablement, il adresse au même Co­
mité un « Arrêté faisant suite aux précédents » par · lequel

seize détenus de la maison d'arrêt du district de Dol sont

traduits devant le tribunal révolutionnaire de Paris » (1).
(A suiv-re.)

(1) Arch. nat. A. F. Il, 179 AULARD: Recueil, t. XV, p. 470, 47l et 504 ..
ROBERT: Vie de tous les députés à la. Convention .

DE'UXIÈ E ·PART'IE

Table des Mémoires publiés en 1913

Pages
Les Mégalithes de la commune dé Spézet par A.

JARNO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II. Les tumulus· du Ruguello en Trézény (Côtes-du-

Nord) par ~. MARTIN et l'abbé PRIGENT ...... . 6
III. Eglises ' et Chapelles du Finistère par le Chanoin~
PEYRON (CanLon de Lanmeur) (suite) .. , ..... . 20
IV. Première contribution à l'Inventaire des monu-

ments mégalithiques du Finistère' par AIL

DEVOIR .. ' ........................ . .... 42-77-142·264

v. Norges Oldtid par G.' GUSTAFSON~ traduction du
Commandant LE PONTC)IS. Chapitre VIII. Con-

servation des monuments; dispositions de

la loi ............. , ......................... ~ 47 .

VII.
VIII.

Danvez Gériadur. Màtériaux pour compléter les

Dictionnaires Bretons-Français par G. ESNAuLT 55-110
Note SUI' la Chapelle et le Calvaire de Perguet en
Bénodet par Ch. CHAUSSEPIED ... " " ..... " .
Note SUI' l'Arc de Triomphe de Sizun par Ch.

CHAUSSEPIED .. , ..... ' . " ... ....... .. . . . .. .. .. 74

IX. Le Cahier du Seigneur de Roslan par L. LE
GUENNEC lOlO ~ ". 85
X. Notice sur les Seigneuries. de la Roche-Helgo-
marc'h, Laz et Botiguigneau par R. DELAPORTE . 155

XI. La Révolution en Bretagne. Les Derniers Mon-
tagnards 1795 par PR. HÉMON.. . ........... ; 177 ·271

XII. Etudes sur le. Cap-Sizun. V. NoLiee historique

sur la Seigneurie de Lezoualc'h e:r;t Goulien et
ses Anciens Seigneurs par D. BERNARD. . . . . . 193
XIII. Pêcheurs cornouaillais et XV· siècle par H.
W AQUET.. lOlO......................... lOlO..... 249
XIV. Le Marquis de PontIez, légende par le Chanoine
PEYRON .... ..... .

261