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Bulletin SAF 1913


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Première contribution à l’inventaire des monuments mégalithiques du Finistère

Alf. Devoir

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1913 tome 40 - Pages 264 à 270

j PRE
CONTRIBUTION

A L'INVENTAIRE DES MONUMENTS MEGALITHIQUES

du Finistère
. (Suite)

Canton de Lesneven (addition) .

Depuis la rédaction de mes notes sur le canton de Lesneven,
j'ai reconnu l'existence, à 800 mètres au N. 20

O. du clocher de
Guissény, des restes d'une longue galerie dolménique, entière­
ment submergée aux pleines mers des marées moyennes et
fortes.

Le monument que j'appelle du nom du village voisin, Ler-
ret, est situé dans l'estuaire ensablé de la Quillimadec, à l'Est
du thalweg actuel: il appartient, de ce fait, à la commune de
Kerlouan, et forme grou'pe avec le menhir de Kermarguel,
les dolmens de Languerc'h (1 ) et quelques tumulus peu éloi-

gnes.
Sa distance à la laisse des plus basses mers est de deux kilo­
mètres et demi : cette distance est suffisante pour soustraire
la galerie aux chocs des lames de quelque puissance: un
massif rocheux, d'assez fort relief, contribue en outre à sa
protection: dans ces conditions favorables, de nombreux sup­
ports ont conservé leur verticalité primitive; les tables se sont
au conlraire effondrées : les deux plus éleyées sont encore
soulenues par leur bord Ouest, les autres gis lint au milieu de
la galerie ou ont disparu.
Le plus haut support ne dépasse le sol environnant que de

1 li 10 : ce sol est formé d'un sable grisâtre et un peu vaseux

(1) Voir précédemment: Monuments de la commune de Kerlouan .

- 26Q , .

qui montre l'envahissement et le remaniement, par les· apports
marins arénacés, des anciennes alluvions de la rivière; ce
remaniement est complet jusqu'aux approches du massif
rocheux dont il a été parlé plus haut, tandis qu'en amont, à
quelques centaines de mètres, les sédiments terrigènes sont
nettement prédominants. . .
Pour ne point attirer l'attention des riverains; toujours prêts
à mutiler les monuments fouillés ou simplement explorés, je
me suis abstenu de pratiquer un sondage jusqu'au sol résistant:
il m'est donc impossible de dire quelle était la hauteur primi­
tive des supports. Ce qui est certain c'est que nous nous trou­
vons en présence d'un témoin des variations de nos rivages et
de l'ascension rela tive du niveau marin; situé entre deux autres

que j'ai déjà étudiés (dolmen du Kèrnic en Plouescat, monu-
ment de LHia en Plouguerneau) il renforce l'argumentation que
j'ai déduite de la situation présente de ces derniers, et consti­
tue, à ce titre, l'une des plus importantes ruines mégalithiques
du littoral finistérien.
La galerie est nettement orientée N.-N. -E. S.-S.-O.,

comme celle du Kernic, son axe prolongé passe à mi-distance
de deux massifs rocheux très remarquables de la rive Sud de

l"'estuaire; l'un d'eux occupe le bord droit de la vue L
Les supports sont au nombre de quinze, huit du côté N .-0.,
dorit sept verticaux ou presque et le dernier penché vers l'in-
térieur de la galerie, six 'du côté S.-E., et un fermant le
monument au S.-S.-O. L'ouvert.ure vers le N.-N.-E. étant
exceptionnelle dans le Léon il est permis de supposer que

l'allée était close, de ce côté, par un support transversal

aujourd'hui brisé o 'u enfoui dans le sable.
Deux tables existent encore au N.-N.-E. ; toutes deux sont
fortement inclinées vers l'Est mais reposent encore sur les
su pports N .-0. ; la pl us grande a 3 ru 6 de longueur sur 2 mètres

de largeur, l'autre 2 mètres sur 1 ru 60. Cette dernière dimension
doit dépasser, en comprenant le bord ensablé, 2 mètres: telle

_ . 266
est la largeur de la galerie vers le N.-N.-E. : des débris con·

fus de la couverture mégalithique se voient en outre, au milieu
du monument et il sa partie Sud, entre les deux rangées de
. supports. .

FIG. i

ESTUAIRE DE LA QUILLlMADEC
d'après la carte hydrographique 11° 964 leuée en 1838
Echelle de 2.000 mètres

Co M 6 D I!' 1( ER LOU A' N

. 'l Culs"

Les dimensions des éléments de la rangée N:'-O. sont indi-
quées sur le croquis à vue de la planche II : on y voit que le
développement total de la galerie était d'au moins quinze

mètres. '
Il 11e reste pas de traces nettes du cromlec'h qui a dû soute­
nir le tertre de construction.

-, 267
Le repérage en altitude, fait à .la marée du soir, le 21 sep~
tembl'e 1913, est défini par ]a figure 2 : à 17 h. 30 le niveau
atteignit le pied du support transversal S.-S.-E., la hauteur

FIG. 2

9'11\ .;.... __ _
. _ -. _ ._ . -__ ------ -+8,"'81
p,u. "ilUT&S ,IU/(fl

liAI,., $V"".!f7".

r Zéro hJdr09T~ ________________ -~o7
~o p~s s .... ~$ AE.u

REPERAGE EN HAUTEUR
à la marée du 21 Septembre 1913 (Soir)

de l'eau était alors de 5 ID 20 au-dessus du zéro hydrographi­
que, de 5 ID 27 au-dessus du niveau des plus basses mers, de
o ID 83 au·dessus du niveau moyen.
Ces éléments de marée sont rapportés aux chiffres donnés
pour l'Aberwrac'h, port le plus voisin, par la dernière carte

268 n" .
marine publiée (no 964, levée en 1838, édition de Janvier 1911).

Le support le plus élevé a 1 lU 10 de hauteur, son sommet
se trouve sensiblement à la même cote que celui d'un autre,

sur lequel repose la grande table, de 40 centimètres d'épaisseur
movenne.

Ces chiffres donnent pour l'élévation de la dite table, sup-
posée dans sa position horizontale prirnitive, au-dessus du
niveau des plus basses mers actuelles, 6 ID 77, et 2 m 33 au-des­
sus du niveau moyen de nos jours.
La mer atteint pareille hauteur aux marées de coefficient
égal à 0,63 et la dépasse pour les amplitudes supérieures; à
la marée de coefficient maximum, de 2

On peut. de ce qui précède, déduire la valeur minima de l'as­
cension du niveau océanique depuis l'édification de la galerie.

Supposons pour cette détermination d'une limite inférieure,
que le sol naturel, autour du dolmen n'ait pas varié d'altitude,
par rapport à un plan de comparaison qùelconque ; ce sol, au
moment de la construction, se trouvait au niveau des plus hau­
tes mers ou au-dessus, vraisemblablement de quelques mètres.

En s'en tenant à la premièrè évaluation, pour un régime de
marées peu différent du régime actuel, le niveau des plus
basses mers qu'ont pu voir les auteurs du monument corres­
pond à la cote (+ n,27 8,80) 3

,n4 ; par suite le
niveau moyen de cette époque lointaine se trouvait de la même

quantité en contrebas du niveau moyen actuel, d'où ascen-
sion marine égale.
Ce calcul donne, ainsi que je l'ai fait remarquer, une limite in­
férieure; la galerie a été, sans nul doute, construite bien au-des­
sus de la laisse des plus hautes mers, pour ne pas être menacée
par leurs atteintes, une hauteur de t m 10 sous tables paraît,
en outre, bien faible pour un monument de cette importance. '
Dans ces conditions la vitesse de relèvement du niveau

marin serait au minimum, de l'urdre du décimètre par siècle, .
en moyenne; elle est tres probablement beau, coup plus forte.

FIG. 3

DOLMEN A GALERIE DE LERRET SUBMERGÉ A PLEINE MER

ftnlMn f'-s

';t'\J.:.,.~ 1111~ E. 'OHO
~ _ ...... - - - - - - - CIO ______ .. _ _ __ q __ .. _ ./S 7'1 d "'i ~4 ... -;Jo ______ -. _ _ _ - ___ - - - - - - - - - - - - - - - - - - ~

Croquis à yue pris de l'O.-N.-O.

- 270

Ces notes rapides suffisent à montrer toute l'importance de
la galerie dolménique de Lenet, quelqu'en soit l'état de déla-

brement; je compte étudier prochainement les relations de ce
monument avec les monuments voisins.

En attendant, je le signale à l'administration des Beaux-
Arts et à l'autorité préfectorale, comme devant être placé sous
la protection de l'Etat : sa situation sur le domaine public
maritime réduit au minimum les formalités du classement: il
serait toutefois indispensable . et c'est la seule dépense à
prévoir qu'une borne soit érigée à faible distance, faisan t

mention des droits de là nation sur le monument et des péna-

lités qui peuvent atteindre les mutilateurs de tous genres, sim-

pIes démolisseurs ou fouilleurs en quête de bibelots préhisto-
riques. . ( A suivre.)

Brest, novembre 1913.
. A. DEVOIR .

DE'UXIÈ E ·PART'IE

Table des Mémoires publiés en 1913

Pages
Les Mégalithes de la commune dé Spézet par A.

JARNO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II. Les tumulus· du Ruguello en Trézény (Côtes-du-

Nord) par ~. MARTIN et l'abbé PRIGENT ...... . 6
III. Eglises ' et Chapelles du Finistère par le Chanoin~
PEYRON (CanLon de Lanmeur) (suite) .. , ..... . 20
IV. Première contribution à l'Inventaire des monu-

ments mégalithiques du Finistère' par AIL

DEVOIR .. ' ........................ . .... 42-77-142·264

v. Norges Oldtid par G.' GUSTAFSON~ traduction du
Commandant LE PONTC)IS. Chapitre VIII. Con-

servation des monuments; dispositions de

la loi ............. , ......................... ~ 47 .

VII.
VIII.

Danvez Gériadur. Màtériaux pour compléter les

Dictionnaires Bretons-Français par G. ESNAuLT 55-110
Note SUI' la Chapelle et le Calvaire de Perguet en
Bénodet par Ch. CHAUSSEPIED ... " " ..... " .
Note SUI' l'Arc de Triomphe de Sizun par Ch.

CHAUSSEPIED .. , ..... ' . " ... ....... .. . . . .. .. .. 74

IX. Le Cahier du Seigneur de Roslan par L. LE
GUENNEC lOlO ~ ". 85
X. Notice sur les Seigneuries. de la Roche-Helgo-
marc'h, Laz et Botiguigneau par R. DELAPORTE . 155

XI. La Révolution en Bretagne. Les Derniers Mon-
tagnards 1795 par PR. HÉMON.. . ........... ; 177 ·271

XII. Etudes sur le. Cap-Sizun. V. NoLiee historique

sur la Seigneurie de Lezoualc'h e:r;t Goulien et
ses Anciens Seigneurs par D. BERNARD. . . . . . 193
XIII. Pêcheurs cornouaillais et XV· siècle par H.
W AQUET.. lOlO......................... lOlO..... 249
XIV. Le Marquis de PontIez, légende par le Chanoine
PEYRON .... ..... .

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