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Bulletin SAF 1913


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Notice sur les Seigneuries de la Roche-Helgomarc’h, Laz, et Botiguigneau

R. Delaporte

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1913 tome 40 - Pages 155 à 176

'--el netlfles
DE LA ROCHE-HELGOMARC'H
LAZ & BOTIGUIGNEAU

Les archives du château du Grégo (1) concernant les évêchés
de Léon et de Cornouaille sont en partie constituées par le fonds
du marquisat de La Roche et de Coatarmoal et de la baronnie
de Laz. Un certain nombre de pièces touchant les autres
possessions des marquis de La Roche s'y rencontrent aussi
avec des .titres provenant des diverses familles ayant possédé
ce marquisat et demeurés dans le chartrier de La Roche et
de Laz. Leur présence au Grégo s'explique aisément. Il n'en
est pas' de même de certaines liasses - et non des moindres
, qui ne semblent intéresser nullement ni le marquisat de La
Roche ni ses propriétaires, par exemple de celles relatives à la
famille Daniel de Coray, aux Augustins et aux Hospitalières
de Carhaix, ou encore à la seigneurie de la Haie-Douar en
Berrien et à l'abbaye du Relec.
Le hasard, qui a rassemblé ces documents, a, par contre,
dispersé les anciennes archives de La Roche et de Laz. En
effet les pièces conservées au Grégo sont loin de constituer le
fonds complet de ces seigneuries: une simple notice sur leur
histoire ne peut même être entreprise sans recourir à d'autres
sources. Et pourtant l'étude de leur administration ne laisse
pas de présenter un certain intérêt tant à cause de leur étendue
que des familles à qui elles ont appartenu .

0 L . i t':

(i) En Surzur (Morbihan).

_. 156

Le marquisat de La Roche et de Coatarmoal est d'origine
toute artificiel1e. Il fut créé par Henri III en faveur de l'un de
ses courtisans Troïlus de Mesgouez, suivant lettres du
8 mars 1576 publiées au Parlement le D octobre suivant (1 ),
et formé par l'union des seigneuries de Coatarmoal (2), de

La Roche-Helgomarc'h (3), de Laz et de Botiguigneau (4).
Ces trois dernières terres étaient contigües et leur union for­ ma jusqu'à la Révolution l'une des juridictions seigneuriales
les plus importantes de la Cornouaille.

Les documents sont muets sur les origines de ces seigneu-

ries. La baronnie de Laz (a), telle qu'elle était constituée au

xve siècle, comprenait la partie de la Cornouaille qui s'avan-
çait en pointe dans le pays de Poher, du bourg de Coray
jusqu'à quelques toises de la petite ville de ChâteaUneuf-du-

Faou. Le chef-lieu en était le château de Laz (6), qui s'élevait

au bourg de ce nom· , au bord d'un des anciens chemins

mettant Carhaix en communication avec la mer. Aucun ves-

tige n'en subsiste; on n'en retrouverait l'emplacement qu'en

p'renant pour guides les anciens titres. Il fut, en effet, aban-
donné de bonne heure par ses seigneurs, qui en arrivèrent
à oublier le chef-lieu de leur seigneurie; les aveux et les mi-

nus le passaient sous silence (7), mentionnant en première

(t) Arch. du Grégo.
(2) En Plouzévédé, év. de Léon. Ce manoir était en ruines dès la fin
du XVII' siècle. Arch. de la Loire-Inférieure, B. 1754 .

. (3) En Saint-Thois, év. de Quimper.

(4) En Châteauneuf-du-Faou .

. (5) Nous ignorons à quelle époque remonte cette appellation.
(6) Aveu de Charles de Kernezne, vers 1630. Archives de KeJ'wazec ... (( Mai-

son et baronnie de Laz affermée 18 1. en 1700. » Arch. de la Loire-Inférieure,
B. 2017. (Communications du Vt. du Halgouet). .
(7) Aveu de 1486. Arch. de la Loire-Iuf. B.2017. Minu. de 1501. Arch.
du Finistère, A. 38, fo. 175-176.

. , 157

ligne le manoir de Trévaré (1), qui, n'était qu'un' arrière-fief de

Laz. Possédé en 1486 par un certain Jehan Droniou, ce ma-
noir fut saisi féodalement en. 1623 sur les héritiers dé Jean
de Leinlouet par Anne de Coatanezre, marquise de ' La
Roche (2) . et désormais conservé dans leur domaine utile par
ses successeurs' qui en firent leur résidence ordinaire. .
Il était construit à la lisière de la forêt de Laz sur le ver­
sant nord des Montagnes Noires, dans une situation pitto-

resque d'où l'on découvrait une grande partie de la Haute-Cor-
nouaille et du Poher. Les descriptions données dans les aveux
laissent deviner la vie dont il était le centre. Outre le château,
qui renfermait une · bibliothèque choisie (3), · et ses dépen-

. dances immédiates, il y est parlé d'une boulangerie, d'un
four avec fournil, d'un" pavillon pour le carrosse ",. d'écurie,
volière, maison à pressoir, étables et autres bâtiments de la
métairie, jardin, puits, vivier, etc. Ce n'était pas un simple
manoir, c'était comme une petite cité au fond des bois .... En
· 17:59, après la mort de Anne-Thérèse de Kern~zne, . le château

délaissé par ses maîtres depuis des· années avait besoin de
réparations. Mais cet. état de choses ne s'était pas amélioré
quand, sous la Restauration, le chevalier de Fréminville vint
le visiter. Ne nous en a-t-il pas laissé une description peu
flatteuse ( · 4)? . .
Non loin du château s'élevait dès t:50'1 · une · chapelle sous
le vocable de Notre-Dame. Une chapellenie . de trois messes
(1) Nous n'adoptons pas l'orthographe fautive de Trévarez, que nous
avons rencontrée pour la première fois dans une pièce de i739. (Arch. du
Fin., B. 856). La carte de Cassini porte Trévarès. Ogée écrit Trévarez ;

cette graphie est devenue l'orthographe officielle. Le nom véritable est
Trévarré (1.486, 1561, '1601,1674, 1p91, {759, 1777) ou Trévaré (168!, 1763, 1768,
1i75) qui représentent la prononciation actuelle, ou encore Trévaray (1426,
i735). pour une forme plus ancienne Trévarrec, encore employée cepen­
dant dans des actes de 1602, 1603 et {720.

(2) Arch. du Grégo.

(3) CAMBRY. Catalogue des objets échappés au vandalisme révolutionnaire.
Edit. Trévédy, p. 2:12 et suiv.
(4) DE FRÉMINVILLE. Antiquités du Finistère, II, 197.

f H t
HiS

par semaine y était desservie, entretenue sur les revenus de
la seigneurie (1). Cette chapelle fut reconstruite en 1700 (2)
et le clocher suivant la tradition ne serait rien moins que
Fœuvre de Vauban ... (3). Au XIX

siècle elle est dédiée à
saint Hubert et la baronne Bonté obtint de l'empereur un
décret, signé à Tilsitt, le 6 août 1807, l'autorisant comme
oratoire domestique (4).
La baronnie de Laz était d'une consistance très compacte.
Elle comprenait la vaste paroisse de Laz, dont Saint-Goazec
ne formait qu'une trève, la presque totalité de Trégourez, où
cependant la seigneurie de La Châtaignerie comptait d'im­
portantes mouvances et enfin une notable partie de Coray l~) .
. Le proche fief de Laz ne s'étendait pas sur tout ce terri-

toire : . plusieurs seigneuries ou manoirs en relevaient.
C'étaient, en Laz, Coatbihan, Kerorhant, Les Salles, Stan-
corven, Rosilis-Ploué, Guern-an-Bastard, Le Plessis, . dans
la trève de Saint-Goazec, Kerbigodou et La Salle-Penquélen, ·
- en Trégourez, La Villeneuve, Crec'hanveil et Kerguiridic,
- en Coray, Keromnès . .

Les droits honorifiques ne faisaient pas défauLà un fief de
cette importance et le baron de Laz pouvait se dire premier

prééminencier dans les églises ou chapelles de Saint-Ger-

main, de Notre-Dame et de Saint-Augustin en Laz, de Notre-

Dame de Trévarré, de Sajnt-Pierre et de la Madeleine, en
Saint-Goazec, de Saint-Idunet et de Notre-Dame'de Ponthouar
en Trégourez.

(i) Une somme de blé, une somme de seigle et 101. mon.
(2) Communication du V" du Halgouet.
(3) Notes manuscrites' sllr Saint-Goazec, par M; Le Bec, conservées à la

mairie de cette commune. Mais que ne rapporte la légende? On raconte
bien qu'étant à l'école militaire de Brienne, Napoléon venait passer ses
vacancès à Trévaré chez le baron de Marbeuf, son protecteur, qui ne fut
jamais d'ailleurs propriétaire de Trévaré .
(4) CHAN. PEYRON. Eglises et chapelles du Finistère. Bulletin de la Société
Archéologique du Finistère, XXXVII, i68.
(5) Le reste de cette paroisse relevait des Regaires de Cornouaille à cau-
se du manoir des Salles . .. . .

. Au nord de la batonnie de Laz,.·mais ~ sur 'la 'rive droite de
l'Aune, s'étendait la seigneurie de Botiguigneau, en Château­
neuf-du-Faou. Autant ses dépendances sont nettement déli­
mitées, autant ses origines et son dèveloppement sont igno­
rés ('1). Dès 1486 elle appartenait à la famille de Laval,
comme la seigneurie de Laz dont elle pa.rtagea les vicissi-
tudes (2). . .
La seigneurie de la Roche-Helgomarc'h avait des limites
plus imprécises que Botiguigneau et Laz. Elle était comprise
dans les domaines de Châteaulin et de Quimper (3). Un grand
rrombre de manoirs en dépendaient ; c'étaient Poulinor-

gant et Kernalec en Saint-Thois, La Motte, Stanglevenen,
Kerautret, Parc-Jean, Kervenou, Rosquillec, ' Roc'hou, Ker-

calédan, le Guern, Kerhervé, Kergolhuezen, Kereffran, Lan-
nuchuezen, Kerampéoc'h et Quénec'hdu en Briec, Kerigou
et Kervaségan, en Edern.
L'ensemble de cette terre se composait de deux tronçons
principaux: l'un, formé par la paroisse de Saint-Thois, envi­
ronnait le château de La Roche-Helgomarc'h, antique forte­
resse audacieusement construite sur un roc escarpé, mais
démantelée depuis une époque très ancienne. Et là, comme
à Laz, on avait oublié le véritable chef-lieu de la 'seigneurie
pour le transporter a u manoir du Merdy, où dès le XVIe siècle
devaient être payées les redevances féodales.
Le second tronçon, séparé du précédent par le fief de
Guellevain dépendant de l'abbaye de Landévennec, couvrait

une grande partie de l'immense paroisse de Briec avec ses
trèves de Langolen, Landudal et Quilinen. La Roche-Helgo­
marc'h possédait encore des terres en Landrévarzec, en

(i) La tradition locale affirme que cette seigneurie appartint aux Tem­
pliers.
(2) Arch. de la Loire-Inf., B. 2017 (Comm. du V,· du Halgouet).
(3) A Châteaulin mouvaient les possessions de La Roche en Saint-Thois,
Gouézec, Pleyben et Lothey, ainsi que le manoir de Kerigou, en Edern,
le reste de la seigneurie faisait partie du domaine de Quimper. '

160 ' .

Edern, en Gouézec et jusqu'en Ple'yben et en Lothey, ce qui
lui donnait l'aspect d'une seigneurie déchiquetée par les en,

vahissements de ses voisines. Même en Briec, ses dépendances
étaient morcelées et ses ligences fréquemment contestées.
Un grand nombre de vassaux y relevaient d'ailleuTs soit du roi
à cause de ses domaines de Quimper et de Châteaulin, Soit
de deux hautes justices, Les Salles de Landrévarzec appar,
tenant comme Guellevain à l'abbaye de Landévennec et QUis,
tinit ou La Châtaigneraie. '
Les barons de La Châtaigneraie furent en Briec les adver,

saires opiniâtres des marquis de La Roche. Profitant de l'en,
chevêtrement des fiefs, ils soutinrent contre eux au sujet des
prééminences dans l'église de Briec, un procès qui, c' ommencé

en 167t, était pendant en '1789 et ne fut par conséquent
jamais terminé ('1). La seigneurie de LaRoche , avait encore
des prééminences dans les chapelles de Quilinen, Sainte­
Cécile, Saint-Guennec, Le PéniLy en Briec, Notre' -Dame-des­
Fontaines en Gouézec, 'en l'église tréviale de Langolen et

paroissiale de Sain t -Thois.

Le procès, dont il vient d'être question, n'aurait eu, paraît­
'il, d'autre cause que l'incurie du procureur fiscal en exercice,

lors de la démolition de l'église de Briec. Il est en tout cas

'certain que 'l'administration de cette partie de la seigneurie

de La Roche laissait beaucoup à désirer à cause de son éloi-

'gnement du membre principal. Les devoirs seigneuriaux n'é-
taient pas rigoureusement exigés. Ainsi lessergenteries , féo-

dées au nombre -de quatre (Lesmais, en Gouézec, Kerigou, en
Edern, Kerautret et Lannuc'huezen, en Briec) (2), deviennent
bientôt ' de simples appellations féodales , sans signification

(t) Arch. du Fin., B. 484.

(2) Lannuc'huezen ne devait le service que tous les trois ans. (Arch. du
Grégo.) , "

161 ,

pratique (1). Leurs propriétaires sont simplement tenus dE!
se faire representer aux plaids généraux de la juridiction.

Par contre, les droits immédiatement utiles sont perçus
très régulièrement. De nature très diverse, devoirs féodaux,
fermes muables, droits casuels, leur multiplicité en rend
J'énumération difficile. Mais avant tout la suite de cour
est exigée, non pas tant à cause des protits directs qu'en
retire la seigneurie, que parce qu'elle constitue une recon­
naissance formelle de la mouvance féodale. Aucune pièce
n'est parvenue des grefIes de La Roche, de Laz, ni de Boti­
guigneau, au temps de leur autonomie (2). Après la
création du marquisat, la juridiction était exercée par les

mêmes officiers, sénéchal, bailli, et procureur fiscal assistés
de cinq à six sergents et d'environ dix-huit procureurs qui
cumulaient le plus souvent leur charge avec les fonctions
de notaire. Les audiences se tenaient assez régulièrement de
quinzaine en quinzaine, alternativement à Laz et à Briec, en
exécution d'un arrêt du Parlement de. 166Q. Il Y avait un au­
ditoire dans chacune de ces localités (3). Les prisons se trou­
vaient à Laz (4). où se voyait également un pilier armorié aux

(1) Il est à remarquer que deux des sergenteries féodées étaient situées
dans une région où la Roche-Helgomarc'h n'avait pas de mouvances. Il a
dû en être différemment dans le principe. Aux plaids généraux de 1781, il
est question d'une sergenterie en Trég'ourez ; Penguernic, en la trève de
Landudal et Parc-Amou, en Landrévarzec, reçoivent également cette qua­
lification. Par contre, il n'est pas fait mention de Lesmais. La seigneurie
de Laz n'avait pas de sergenterie féodée. '
(2) Nous savons seulement qu'en 1501 le sénéchal de Laz recevait 51. de
gag'es et le bailli 50 s., qu'en 1520 le sénéchal et le procureur de La Roche
étaient payés 21. par an : ces magistrats recevaient en outre des épices.
(3) De juin 1742 à juin 1743, il Y eut vingt-six audiences (y compris les
plaids généraux), dont dix-huit à Laz et huit à Briec. De décembre 17 \·8 à
.iuin i 749, il y eut treize audiences, dont six à Laz, six à Briec et une qui
fut délivrée près de la chapelle de Saint-Yves, en Gouézec, : il s'y tenait,
en effet, tous les ans des plaids le vendredi après la fête de sàint Yves
(t9 mai).
' (4) Extrait du registre d'écrous de la juridiction de La Roche et de Laz:
« Concierg'e des prisons de la juridiction du marquisat de la Roche et
baronnie de Laz, située au bourg de Laz, vous êtes par moy soussigné
Guillaume Villepinte, sergent de la dite juridiction charg'é du cadavre du
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXIX (Mémoïres 11).

p 162-

armes de la juridiction avec cep et collier' servant de pilori.

les fourches patibulaires à quatre' piliers s'étaien t autrefois
élevées , à proximité du bourg; mais depuis longtemps elIes
étaient ruinées. De celles de La Roche-Helgomarc'h, on ne
trouve aucune mention. Les juges seigneuriaux se déchar_
geaient, en effet, très volontiers sur les officiers des séné­
cha ussées du soin de poursuivre les criminels.
Laz relevait de Quimper et La Roche-Helgomarc'h, partie
de Châteaulin, partie de Quimper. Les seigneurs justiciers
étaient convoqués aux plaids généraux de ces sénéchaus_
sées. Dans le principe, ' ils étaient accompagnés de leurs
vassaux ; dans la suite ils se con tentèrent de se faire

représenter par. le procureur fiscal de leur juridiction.
Cependant l'ordre de convocation fut toujours jalouse­
ment envié et âprement défendu. A Châteaulin, le sei­
gneur de La Roche prétendait être appelé le premier jour des

plaids immédiatement après le vicomte du Faou et à Quimper,
le troisieme jour, aussitôt après le sieur de Guergorlay, c'est­
à-dire après la menée de Laz. Conformément enfin aux règles
féodales, lorsque la juridiction tombait en régale ('1), par suite
du décès du propriétaire, elle était exercée pendant une année
par les juges de Quimper ou de Châteaulin, dans l'étendue de

leur ressort respectif. En définitive, et sauf en ce qui con-
cerne les procédures criminelles négligées à Laz comme dans
les autres juridictions seigneuriales, la justice parait y avoir
été rendue normalement par des magistrats suffisamment
instruits, consciencieux, sauf quelques défaillances indivi~
viduelles, et remplissant d'autant plus volontiers leurs fonc­
tions, qu'ils en retiraient immédiatement un bénéfice. '

nommé Luc Lamour du lieu de Rozelis-Bloas, en la paroisse de Laz, et
ce à req~ette de M. le procureur fiscal et en exécution d'ordonnance de
M. le juge de la même juridiction en datte du jour d'hier, duquel cadavre
vous t'aires bonne et seure garde, à Laz le 30 janvier 1.785, environt les
trois heures de l'après-midy. Villepinte sergent. »
, (1.) En Cornouaille une juridiction était dite en régale lorsqu'elle était
exercée par les juges royaux pendant l'année de rachat.

d p i

tes agents seigneuriaux, receveurs, procureurs fiscaux ou
fermiers généraux donnent nat.urellement le meilleur de leur

temps à la perception des revenus de la seigneurie. Les rentes
féodales payables les unes en nature, les a utres en argent, ne
varient pas, ou du moins très rarement lors de nouveaux
arrentements. Parmi ces droits, certains sont particuliers à
une seigneurie: à La Roche, on rencontre un droit personnel,
appelé statilaige, que le seigneur fait percevoir sur les lieux;
mais il n'est dû que lorsque la tenue n'est pas habitée par le lon­
date1J,f (t) lui-même et à défaut de paiement le seigneur peut,
en certains villages, faire abattre la porte de la maison. De
leurcôté, les habitants de Laz doivent à leur baron le Puchol­ deliou, montant à 8 livres. Plusieurs tenanciers de cette
paroisse doivent. encore un droit de verragc de 10 deniers par
tènement. '
Les revenus casuels et les fermes muables, notamment les
dîmes inféodées et les moulins sont une importante source

de recettes (2). Moindres, mais non négligeables, sont les

produits des champarts, des glans et paissons (3), des
garennes et des herbages (4), du voyerage et des épaves
(v). Le droit de recueillir les successions vacantes est sou­
vent aussi une cause de bénéfices importants. Les revenus
des greffes de la juridiction sont cependant moins aléa­
Loires : au prix de location (6) produit Elirect du droit de
justice, viennent s'ajouter les amendes prononcées par les
juges au profit de la seigneurie.
(' 1) Nous ig'norons le sens exact de ce mot. Actuellement à Gouézec, le
mot propriétaire se traduit en breton par fondatour.
(2) En 1765 le produit des dîmes des parcelles de Laz, Garros, Gorré-Laz
et Botig'uigne'au est de 779 1. La même année les moulins sont loués 2060 J. ;
il Y en a, il est vrai, cinq à Laz et trois à La Roche.
(3) Droit payé pour l'enlèvement des glands et des faînes et le pacag'e
des bestiaux dans les bois. Il était de (j 1. à Laz en 1501.

(4) de 27 L, iD s" à Laz, en 1!~86. Arch. de la Loire-Int., B., 2017, .
. (5) Affermés 'J 7 s. (j d. à La Roche en 1520.
(6) 2001. par an en 1766. .

- 164 ·

Le seigneur tire enfin parti des richesses naturelles de SOn
domaine. Il a, dans l'Aune et dans l'Odet, des pêcheries
louées parfois moyennant un prix élevé. La terre de Laz COll1-
prend un certain nombre de forêts, celles de Laz proprement
dite, du grand et du petit Runanhaye (aujourd'hui Runail'e)

de Quéinnec, de Roch-Daniel (aujou rd'hui Royal), de Saint-
Anogot et de Quilvern. Au dix-huitième siècle la marine Pour
ses constructions de Brest et de Lorient y fait faire des coupes
nombreuses et importantes.

Plusieurs carrières sont exploitées. La plus intéressante
est l'ardoisière de Saint-Goazec. Ouverte à l'exploitation dès
1486, elle est louée à des particuliers. Mais le prix de location
a beaucoup varié: de 10 1. en 1486, il est de 5 1. en 1D01, de
138 L en 1700, de 60 l. en 176D. En 1790 un mauvais entre­
tien de la carrière, met en procès le marquis de La Roche et
son locataire. .
Une autre industrie s'est développée à Saint-Goazec au

XVIIIe siècle. Près du bourg se trouve un moulin à papier
affermé en 176D, 217 1. pl us quatre rames de pa pier qui doi-
vent être fournies au procureur fiscal. .
Ce dernier est chargé de la gestion de la métairie dont il
vend les produits. Les prairies donnen t un grand nombre de
milliers de foin (1) ; on y élève des veaux, on y engraisse des
bœufs, pour être ensuite conduits aux foires des environs.
Enfin les habitants de Châteauneuf viennent se fournir des

légumes du jardin. Les auberges placées près des auditoires
ont des clients assidus: celle de Laz est louée 210 1. à un
marchand de vins de Châteauneuf. Luc de Kernezne n'avait
pas hésité à faire faire des démarches: près du fermier des

tabacs à Quimper pour établir un dépôt à Laz, où il y avait
plusieurs foires par an. En 1648 son père Charles de Ker­
nezne avait même obtenu des lettres patentes l'autorisant à

(i) Vendu à raison de i21. le millier

y faire tenir un marché tous les mardis: il percevait, en
èffet, la ~outume sur les marchandises vendues.
Commerce, agriculture, industrie, rien n'était négligé dans

les seigneuries de La Roche et de Laz pour en augmenter les
revenus. Quel en était en moyenne le total ('1) ? La marquise
de La Roche déclarait en 1700 qu'il atteignait 4.6941. '10 s. 7 d.
mais qu'après défalcation des douaires, soultes de partage, il
ne restait net que 1.427 l. 12 s. 6 d. Cette estimation doit
être exacte. Charles Colbert évaluait quelques années aupa­
ravant ces seigneuries à D.OOO livres de revenu (2). Ce chiffre
n'a rien qui doive surprendre; car si leur ressort était étendu, il
comprenait une surfa~é considérable de landes incultes dans
les paroisses de Laz et de Saint-Thois.
, III
Perdues au cœur de la Cornouaille, ces terres ne peuvent
avoir d'autre histoire que celle des familles qui les ont pos-
'sédées. Celles-ci, à la vérité, ne furent pas 'des moindres de la
province. Le marquisat de La Roche appartint successivement
aux Mesgouez, Coatanezre, Kernezne, Huchet de La Bédoyère,
du Bot du Grégo et de Pontbellanger. Mais Laz et La Roche
avaient eu auparavant leurs seigneurs particuliers.
Au début du xv

siècle, la seigneurie de Laz appartenait

(i) En 150i, les fermes muables de Laz s'élèvent à i47 sommes 7 bois­
seaux de froment, 97 sommes un boisseau de seigle. ' Du 1

' mai i5I8 au
31 août 4521 le receveur de la Roche-Helgomarc'h perçoit en argent 607 1.
8 s. 3 d " en froment 93 sommes 3/8 de la mesure de la Roche, 53 sommes
un boisseau et quart de la mesure de Brasparts, 844 bassinées et demie
de froment, 59 sommes un boisseau et quart de seig'le, 173 sommes d'a­
voine, 372 gélines et 9 livres de poi ne.
(2) « Le marquis de la Roche-Conchar, gouverneur de Quimper, à cause
de la dite terre et baronnie de Laz a environ 5.000 1. de rente; il a
d'autres terres en · Léon et ailleurs. (Bibliothèque nationale, ms. 291 de la
Collection Colbert, fo 145 vo. Corp.munication de M. H. de la Rogerie).
Voici l'évaluation donnèe pour les seigneuries voisines: le marquisat du
Tymeur, iD.OOO 1. de rente ; Kergoat-Trévigny, ID.OOO 1. ; Trésiguidy,
4.000 1. ; Pommerit ou Boisgarin, 4.000 1. ; Pratulo, 3,000; Kersalaun, 7 il.
8.000 1.

166 " ,
aux Guergorlay (1). Elle pasRa dans la famille de Montfort
puis dans celle de Laval par le mariage de Raoul .. VIII de
Montfort avec Jeanne de Guergorlay, fille de Jean de Guergor_
lay et de Marie de Léon. Son fils, Jean de Mon Lfort épousa Anne
de Laval, et, après la mort de son 'beau-père, Guy XII, en
exécution d'une clause de son contrat de mariage, prit les nom
et titres de Guy XIII, sire de Laval et de Vitré. Il mourut le
12 août 1414, laissant plusieurs enfants, don t André de Lohéac
et Louis de Laval-Châtillon. C'est à André de Laval, maré-

chal de France, connu sous le nom de maréchal de Lohéac

qu'échut la seigneurie de Laz. Il mouru l sans postérité en
1485. Après lui, son frère Louis de Laval-Châtillon, devint
seigneur de Laz (2). Né en 14'11, il fut successivement capitai.
ne de Jugon, gouverneur du Dauphiné, de la ville de Gênes
et de Champagne, puis en 1466, grand ·maître des Eaux et
Forêts: il mourut à Laval le 21 août '1489, sans enfant. Son
neveu Guy XV, né à Moncontour en '1435, comte de Laval au
décès de son père en ' 1486, hérita de la seigneu rie de ' Laz et

décéda lui-même à Laval le 28 janvier 1501. Son union avec
Catherine d'Alençon avait été stérile: la terre de' Laz échut
donc à l'un de ses neveux, Nicolas, fils de Jean de La Roche­
Bernard, qui prit le nom de Guy XVI. Il venait d'épouser
Charlotte d'Aragon, princesse de Tarente, fille de Frédéric III
d'Aragon, roi de Naples; il en eut qUÇl.tre enfants, dont Anne,

née à Vitré le 23 septembre 1505, filleu le d'Anne de Bretagne. .
Anne de Laval épousa, en 1521, François de La Trémoille,
prince de Talmont. C'est ainsi que la seigneurie de Laz,
comme celle de Guergorlay, sortit du patrimoine des Laval (3),
pour entrer daris celui de La Trémoille (4); Pour peu de
(t) En t426, nobles et métayers : Le sire de Guerncorlle, au manoir de
Trévaray, exempt. (Bibl. nat. ms. fr. 3812. Ev. de Quimpei', v· Laz.)
(2) Arch. de la Loire-lnf., B. 20n.
(3) DE BHOUSSILLON. La maison de Laval, Ill, !-17, 2I2-2!~4,325-339; IV, 5-19,

65, H2).
(4) L. DE LA TnÉMoILLE. Inventaire de François de la Trémoille et comptes
d'Anne de Laval, 93, H3, 174, 175. 2-13. Les La Trémoille pendant cinq siè~
cles, Ill, v-x, 72, 9i-96.

167 ' ,.
temps, il est vrai. Ces terres étaient trop éloignées des rési­
dences ordinaires des La Trémoille et d'accès trop difficile
pour être administrées avec profit. En 1631, François de La
Trémoille se déchargea de ce souci sur sa femme. Celle-ci
mourut en 1553, ayant survécu ' onze ans à son mari. Elle
laissait huit enfants: un partage intervenu entre eux' en ' 1554
attribuait les seigneuries de Guergorlay et de Laz à Georges
de La Trémoille, seigneur de Royan, d'Ollone et de Gençay,
abbé de Notre-Dame de Chambon et de Saint-Laon de

Thouars. Après s'être démis de ces abbayes, Georges de La
Trémoille épousa Madeleine de Luxembourg, fille de François
de Luxembourg, vicomte de Martigues et de Charlotte de Bre­
tagne. Il servit très fidèlement Charles IX et Henri III et

mourut à Poitiers en 1584 .

Il n'était plus depuis longtemps seigneur de Laz. Dès 1558,
le dépècement de cette terre était commencé. Le bois . de
Quéinnec était vendu, puis le fonds afféagé (1). Le 8 septem-

bre 1561, la seigneurie de Botiguigneau était aliénée (2). Le
même jour Henry Kersaudy, sieur de Coatanguern achetait
de Georges de La Trémoille les rentes dues sur les terres qu'il
tenait de la seigneurie de Laz, en Trégourez et en Coray (3).
La vente de cette seigneurie elle-même doit avoir été passée
vers la même époque.

De même que Laz, le fief de La Roche-Helgomarc'h fut

possédé par des familles célèbres. En 1426 il appartenait au
sire de Rostrenen (41. Il s'agit évidemment de Pierre VIII de
Rostrenen, mort à Paris en 1440 et qui épousa Jeanne du

Guermeur, dame du Ponthou, nièce du fameux Tanguy du
1 (i) Arch. du Grégo.
(2) Arch. de la Loire-Inr., B. 20i7. (Comm; du V" du Halgouet).
(3) Arch. du Grégo.

(4) Rib. Nat. ms. fI'. 38f2. Ev. de Quimper. v· Santoez. .

'. 168 7
i 1 7 i
Châtel (1). L' une de ses filles Jeanne eut en partage La
Roche-Helgomarc'h et J'apporta dans la maison du Faou par
son mariage avec Guyon du Quélennec, vicomte du Faou (2).
Après elle, les seigneurs . de La . Roche-Helgomarc'h furent
successivement son fils Jean du Quélennec, vicomte du Faou,
. mort en 1520 (3) et son petit-fils Charles, également vicomte
du Faou. La fille de ce dernier, Marie du Quélennec reçut en
partage La Roche-Helgomarc'h et épousa Joachim de Sévigné.
Pierre de Sévigné, seigneur de Vigneu, baron de Crespon
recueillit la terre de La Roche dans la succession de sa mère.
IlIa conservait encore en 1559 (4). Mais en raison de sa

situation, il ne tarda pas à s'en défaire.

Sous le règne de Charles IX. les terres de La Roche-Hel­
gomarc'h et de Laz étaient aux mains de la famille de Mes­
gouez. Le manoir de Mesgouez était situé à gauche de la route
menant de Saint-Renan au Conquet, dans la trève de Lam-

per, en Ploumoguer. La famille qui en portait le nom tenait
une place importante dans le Bas-Léon. Au xv

siècle Bernard
de Mesgouez épousa Jeanne, héritière de Coatarmoal, et par

son mariage devint propriétaire de cette seigneurie (5). Un

siècle après, le chef du nom, Guillaume de Mesgouez, de son
mariage avec Françoise Campir, eut au moins trois 'enfants :

1° Françoise de Mesgouez qui épousa Jean du Dresnay, de-
meurant en 1574 au manoir de Trédiec, en Riec; 2

René de
Mesgouez, sieur de Kermoalec, qui pendant les guerres de la
Ligue pilla, comme son frère Troïlus , les biens de l'abbaye
de Landévennec (6) et 3° Troïlus de lV,Iesgouez qui recueillit

(t) Elle mourut en 1444. (M·ch . du Gr. égo .
. (2) COMTESSE DU LAZ. La baronnie de Rostrenen, 17, 18, 40.
(3) Arch. de la Loire-Inf., B. 2035. Arch. du Grégo.
(4) Arch. du Grégo.
(5) P. DE COURCY. A .rmorial, II, 267-268 .
(6) P. DE COURCY. Itinéraire de Nantes à Brest, 32L II. BOURDE DE LA
ROGERIE. Le prieuré de Saint-Tutuarn (Bull. de la Soc. Arciléol. du Finis­
tère, XXXII, 148)

- · 169
dans l'héritage de ses parents les terres dont fut constitué son
marquisat. Sa vie mouvementée et pleine d'aventures attend
encore un biographe~ Dès 11)!)0, il est page de Catherine de
Médicis et en devient l'un des favoris. La protection de cette
reine lui vaut tous les honneurs; de son côté il ne lui mé~
nage pas son dévouement. En '11)68, le poste de gouverneur
de Morlaix est créé pour lui. Chevalier de l'Ordre du Roi
il préside la Noblesse aux Etats de Nantes en '11)74. A cette
époque, il résidait ordinairement au château de Liscuit, en
Laniscat qui appartenait à sa femme Claude du Juch (1).
L'érection du marquisat de La Roche et de Coatarmoal date,
on le sait, de ' 11)76. En mars 11)77 Troïlus de Mesgouez est
autorisé à équiper une flotte pour se rendre à Terre-Neuve et
le 3 mars 11)78 il en est nommé le vice-roi. Il était, en 11)8~,

gouverneur de Fougères et accourait au secours de cette
place menacée par Mercœur; quand il fut fait prisonnier à
Sablé; ses papiers et ses titres lui furent enlevés. Il ne recou­
vra la liberté qu'en 1!)96 et en profita aussitôt pour essayer
de s'empaff~r de l'Ile d'Ouessant, mais il échoua. Gouverneur
de Saint-Lô et de Carentan en '11)97, il obtintl'année suivante
de Henri IV Je titre de lieutenant général « pour la conquête
« des terres du Canada, Hochelaga, Ile du Sable, La Grande­
« Baie, Labrador et pays adjacents (2) ». Mais il n'apparaît
(i) Arch. du Grégo.

(2) D'après Pierre Bergeron, le marquis de La Roche se serait rendu en
Amérique sou,s Henri III ; une tempête le rejeta de l'Ile du Sable sur les
côtes de Bretagne, où Mercœur le retint prisonnier cinq ans. Dès
sa libération, il s'occ,upa de faire rapatriet' ses compagnons restés à l'Ile du
Sable et obtint une seconde commission, mais la mort mit fin à ses projets.
Le récit. de Bergeron est inexact en partie. D'autre part Luc de Kernezne,
dans un factum de 1696, prétend que c'est au Canada que son prédéces­
seur fut fait prisonnier de guerre et que pendant son absence, le château
de La Roche, où étaient conservés les titres de la seigneurie, fut brûlé.
(4,l'ch. du Gl'égo). C'est une au tre erreur : la destruction de ce chà teau
est antérieure aux guerres de religion. M. Le Bec s'est fait l'écho d'une
tradition différente dans ses Notes SUl' Saint-Goazec; ( La Fontenelle
« aurait incendié La Roche, en Saint-Thois, et pillé les possessions du
« baron de Laz, dont il était l'ennemi personnel». Voir 4. DE BJiRTllÉ-

170
pas qu'il traversa de nouveau l'Océan. Il mourut sans enfant
'vers 1606. Il s'était marié d'abord à Claude du Juch, pUis à
Marguerite de Tournemi ne. .
Son marquisat passa donc à sa nièce Anne de Coatanezre
épouse en premières noces de Charles de Keroezne, d'une
famille originaire du Bas-Léon, puis en secondes noces de
Jean de Carné, seigneur du dit lieu et de Coatcanton. Elle
vivait encore en 1624 et habitait en Scaër le château de Tré~
valot, propriété de la famille de Carné ('1). Son fils Charles
de Kernezne lui succéda. Marquis de La Roche et de Coatar­
moal, baron de Laz, vicomte du Curru, châtelain de Penna~
néac'h, Languéouez; Keruzas et Kercharles, vicomte de Caren­
tan et de Saint-Lô ('2), il était chevalier de l'ordre du Roi et
gentilhomme ordi.naire de sa Chambre. Il fut nommé gou­
verneur de la ville de Quimper et mourut en 1677, laissant
au moins quatre enfants de son mariage avec Robine de
Marbeuf, trois fils et une . fille.
L'aîné des fils Charles-Robert possèda les mêmes biens et
jouit des mêmes honneurs que son père: mais il ne lui sur­
vécut que deux ans. Sa femme Marie Barbier ne lui ayant
. pas donné d'enfant, sa succession fut recueillie par Charles­
Louis de Kernezne, fils de son frère Jean-François-Antoine .
Charles-Louis de Kernezne, marquis de La Roche épousa
Gabrielle de Lescu, mais mour.ut aussi sans postérité en 1687 .
Sa veuve épousa Jean d'Acigné et se retira au château de La
Mancellière en Baguer-Pican (3).
Le marquisat de La Roche fut alors recueilli par Luc de
Kernezne, troisième' fils de Charles. Déjà âgé quand il hérita

LEMY. Documents sur la Ligue en Bretagne, 1.9, 223. OGÉE. Dictionnaire
V' Laz. DUSSIEUX. Les . grands faits de l'histoire de la géographie, III , 23-24.
G. TOSCER. Le Finistère pittoresque, II, 59.
(t) Arch. du Grégo.
(2) Arch. de Kerwazec. Aveu de Laz. (Comm. du V" du Halgouet).
(3) CHAN. PEYRON. Notice ilistol'ique sur les retraites de Quimper et d'Angers,

- 171
de son neveu, il mourut en '1699 laissant quatre en-fants de
son mariage avec Anne-Françoise de Robien : Joseph-Luc,
Anne-Thérèse, Marie-Angélique et Luce-Corentine (1).
Joseph- Luc de Kernezne, marquis de La Roche, né en 1692,

fit ses études à Paris puis revint se fixer à Trévaré, d'où il
prit part à la conjuration de la noblesse bretonne. En janvier
1720 il se rendit à Paris pour solliciter, déclara-t-il plus tard,
aU sujet du procès relatif aux prééminences de l'église de
Briec, alors pendant au Conseil du roi. Ses démarches n'a­
boutirent pas; il apprit bientôt une nouvelle qui y coupa .

court: la Chambre royale établie à Nantes, depuis quelques
mois, venait de rendre contre lui, le '12 janvier '1720, un dé­
cret de prise de corps. Il gagna donc à Nantes et le 2'1 février
il fut arrêté « sur le bon plaisir du roi )) et confié à la garde
du sieUl'du Clos, major du château. Le même jour, le conseiller
Nicolas-François Midorge lui fit subir un interrogatoire. A

l'en croire, son voyage à Paris n'avait d'autre but que ses af-
faires : il y était resté quinze jours seulement, passant tout son
temps, chez les prêtres de l'Oratoire, où il logeait avec son
oncle le président de Marbeuf venu à Paris pour consulter
des médecins. Ses relations fort restreintes se bornaient au
prince de Tingry, à la présidente douairière de Marbeuf et
aux praticiens et' il n'était question entre eux que des sou f-

frances du malade. Il n'ignorait point (la chose étant de no-
toriété publique) que la noblesse de Bretagne avait formé une
association; mais il n'en connaissait ni le but ni l'organisation.
Midorge s'étonna fort de cette ignorance, l'accusant précisé­
ment d'être l'un des trois commissaires de l'évêché de Quim­
per chargés de correspondre avec Albérorii et la Cour d'Es­
pagne et de soutenir le zèle des conjurés? Le jeune marquis
de La Roche répondit n'avoir jamais rempli ces fonctions; il

nia de même avoir assisté aux réunions tenues dans les forêts
(1) AI·ch. de la Loire-Inf., B. 2017 (Comm. du V,· du Halgouet).

-172

de Lanouée, de Lanveaux el de Pontcallec. Il ' s'était bien
rendu à la dernière foire de La Martyre, mais pour y acheter
des chevaux, il y rencontra d'autres gentilshommes venus
dans le même but et notamment le sieur de Villeneuve Ker~
sulguen, qu'il avait déjà Vlt deux fois par hasard à Quimper ('1);
les autres lui étaient inconnus. Midorge se montra de nouveau
surpris. Le marquis de La Roche, « né gentilhomme avec de
« gros biens devait s'en faire honneur et connaître les gentils~
« hommes de sa province! » Celui-ci répliqua que le château
de Trévaré était à quatorze lieues de La Martyre et qu'il y
vivait très retiré avec sa mère, ne connaissant par suite que
fort peu les autres inculpés comme Talhouet-Bonamour et du
Groesquer (2), qu'il avait rencontrés quelques fois à Rennes.
Du Groesquer était venu cependant au printemps 17'19 lui
demander l'hospitalité à Trévaré ; mais il partit de très grand
matin. De même Pontcallec, accompagné de Muzillac (3) avait
dîné chez lui un soir de l'été précédent; toutefois, pendant ce
repas, il n'avait été rien dit de contraire au service du Roi.
Cet interrogato,ire conduit mollement ne fournit aucune
charge sérieuse contre le marquis de La Roche: on semblait
lui faire surtout grief de ses relations avec Kersulguen ; or à
ce dernier aucune question ne fut posée touchant ces eotre-

vues! Etait-ce un dessein? .. On sait l'horrible épilogue de
cette triste affaire de Pootcallec et comment se termina sur la
place du Bouffay à Nantes l'un des derniers soubresauts de vie

de la nation bretonne: en exécution de l'arrêt du 26 mars 1720,
Pootcallec, Montlouis, Talhouet-Le Moyne et du Couëdic fu­
rent décapités; seize fugitifs, dont Talhouet-Booamour et du

Groesquer furent, le IAndemain, exécu'lés en effigie. Joseph-
Luc de Kernezne voyait les portes de sa prison s'ouvrir de-
(i) Marc-Antoine de Kersulguen, sieur de la Buissière, çlemeurant. au
manoir de la Boissière, en Pluguffan.
(2) François-Augustin du Groesquer .

(3) Propriétair~ de ,Pratu1q, ~n Cléden-PÇ>her,

173 . ,

van t 1 ui (1). Il se retira à Trévaré et mou ru t vers 1737 .
. Sa veu ve Françoise-Thérèse-Cla ude-Hélène de Lescouet
beaucOup plus jeune que lui (elle était née vers '1716) lui sur­ vécut de longues années. Fidèle à sa mémoire, elle se mêle
activement à l'affaire de Bretagne, qui, sous le gouvernement
du duc d'Aiguillon, divisa le Parlement et souleva la province.
Tant au château du Bochet, en Bourg-des-Comptes, qu'à
paris, elle lutte contre le pouvoir royal représenté par le duc
d'Aiguillon: comme elle entretenait de Paris une correspon­ d ance suivie avec Rennes, on l'emprisonna pour la faire ces­ ser (2). Le 25 juin 1765 en exécution des ordres du roi,
Miché de Rochebrune, commissaire au Châtelet, accompagné
de l'inspecteur de police Buhot se transporta à dix heures
et demie du soir, rue des Grands-Augustins où demeurait l~
marquise de La Roche. Ses papiers furent mis sous scellés;
ils ne laissaient aucun doute sur ses opinions (3) ; elle fut le
soir même conduite à la Bastille. Son état de santé et les
attaques de gravelle, auqllelles elle était sujette,. lui rendirent
son incarcération particulièremen t pénible. « Si les personnes
« qui ont la bonté de s'intéresser à moi, écrivait-elle le 9 juil­
« let, connaissaient l'état où je suis, elles redoubleraient leurs

« instances; mais on ne sait rien de ce qui se passe ici et j'y
« mourrais, sans qu'on en fût informé ... Je ne crois pas,
« ajoutait~elle, que les fautes que j'ai commises ne soient pas
« très expiées par quinze jours de Bastille )). On la laissait
bien sortir dans une co. ur, mais qui était encombrée de maté­
riaux et surplombée de dangereux échafaudages. On lui prê­
tait des livres, mais quels livres! (4) De plus el· le avait mille

(1) Bibliothèq ue de l'Arsenal. Arch. de la Bastille, cartons iO.685 et iO. 687.
(2) B. POCQUET. Le duc d'A iguillon et La Chalotais.

(3) Rennes 23 février 1753 : « Mille remerciements, Madame, de la chan-
« son que vous avez eu la bonté de m'envoyer ·; elle est charmante et fait
t( fortune ici. Vous êtes le seul soulagement à nos maux. »
(4) Les i4

et i5

volumes des voyages de l'abbé Prévost et les voyages
de l'amiral Xanton. . .

' 174'" .

difficultés à obtenir du linge de rechange et sa 'femme de
chambre, dont les soins lui étaient si nécessaires, lui fut en­
levée. A la fin de juillet, sans doute avec l'espoir d'une pro­
chaine libération, sa santé s'améliora. Le séjour de la Bas­
tille lui demeurait aussi odieux; et elle multipliait ses
lettres pour réclamer son élargissement. Le 10 septembre elle
fut enfin prévenue qu'elle allait être exilée à Moulins et le 19

de bon matin, elle ,montait dans une berline attelée de six

chevaux, qui prenait la route du Bourbonnais, précédée de
deux domestiques à francs étriers; Au bout de quatre jours de
voyage, la marquise de La Roche arrivait à Moulins et se
présentait devant le maire, qui lui délivrait un certificat de
présence (1).
Du Bourbonnais revenons en Bretagne. Les trois belles­ sœurs de la marquise douairière de La Roche étaient mortes
depuis bien dès années. La plus jeune Luce-Corentine de Ker­
nezne, demoiselle du Curru, s'était consacrée aux œuvres de
piétié et de dévotion. Elle avait fondé une mission qui devait
se donner 'tous les dix ans alternativement à Laz et à Milizac
par les Jésuites de Quimper; la suppression momentanée de
de cet ordre fit disparaître cette fondation. Mais, délaissant la
Basse-Bretagne, Luce de Kernezne, s'était retirée à Rennes,
dans la communauté de Saint-Yves (2) et était morte en 1743.
Sa sœur Marie-Angélique, dame de Coatarmoal, mourut vers
la même époque (3). Quant à Anne-Thérèse, l'aînée des filles
de Luc de Kernezne, elle s'était d'abord fixée à Rennes, puis
à Paris, où elle mourut sans alliance en '1759. En 1737 elle
avait hérité, après la mort de son frère Joseph-Luc, du mar-
quisat de La Roche. .-
Sa succession fut recueillie par Marie-Aude-Jacquette du
Châtel, veuve de Hugues-Humbèrt Huchet de La Bédoyère.

(i) Bibl. de l'Arsenal. Arch. de la Bastille, carton !2.263 .
, (2) Semaine religitmse de Quimper et de Léon, X VIII, no' !3, 1.4, 1.5, !7.
(3) Arch. du Fin., B. 64.

1 Ir j
- 175 -'

Elle résida peu à Tréva' ré, mais eut à cause de son sénéchal

des démêlés avec ses vassaux de Laz. Il fut, paraît-il, questi'on
aU Conseil du roi d'exiler 1 es habitants de cette paroisse et de
les remplacer par des Canadiens.
La comtesse de La Bédoyère mourut en 1768 ; sa fille
Jeanne- Charlotte, de son mariage avec Thomas-Scholastique
du Bot du Grégo, avait un fils Charles-François-Jules, qui au

décès de son aïeule devint marquis de La Roche, il habita

Le Grégo, Trévaré et Quimper, où il faisait partie de la Loge

Maçonnique. Il mourut à Trévaré le 23 mai 18' 12. Sa fille
Louise-Exupère-Charlotte du Bot du Grégo, issue de son union
avec Jeanne-Françoise-Vincente-Thomas de La Caunelaye,
épousa en premières noces Antoine-Louis-Henri d'Amphernet
de Pontbellanger, qui succomba , dans les guerres de la
Chouannerie, puis le général Michel-Louis-Joseph Bonté. Elle
mourut au château de Trévaré le 27 janYier 1826, laissant un
fils, né en '1788, Charles-Félix de Pontbellanger. Celui-ci ne
survécut que quelques mois à sa mère (1). L'aîné de ses en­
fants, Michel de Pontbellanger, recueillit dans son lot ce qui
subsistait, après la Révolution, de l'ancienne baronnie de Laz,
groupé autour de Trévaré; Mais ces biens ne tardèrent pas à
passer par acquêt dans la famille Monjaret de Kerjégu.

... Le château de Trévaré reconstruit récemment apporle
une vie nouvelle dans ces solitudes. Il détache sur les tona­
lités changeantes des frondaisons de Laz, l'harmonieuse sil­
houette de ses constructions magnifiques ... Mais de ces,

seigneuries qui jadis s'étendaient entre Quimper et Château-
neuf-du-Faou, qui furent le patrimoine de grandes familles,
constituant comme de petits états avec leur justice, leur admi­
nistration, leurs finances et même leurs usages particuliers, que

(i) Il mourut en i827.

176
r'esle-t-il aujourd'hui? A Laz, peut-être une dénomination
cadastrale, à La Roche, un pan de muraille et quelques.
sapins croissant sur des décombres, çà et là des écussons
. martelés, une inscription à ~emi effacée, d'imprécises légen_
des (1) et, fidèles gardiennes du passé, quelques liasses pous-

siéreuses d'archives.
RAYMOND DELAPORTE.

(t) On raconte que le seigneur de Kergonniou, en Lennoll, avait le droit
de pénétrer dans la cuisine du manoir de Trévaré, d'y faire éteindre le
feu, balayer les cendres et placet· un fau teuil pOUt· s'asseoir dans la cheminée.
Cette tradition doit être le souvenir mal expliqué d'une des solennités
prescrites par la coutume de Bretagne pour la prise de possession des
droits immobiliers. Le seigneur de Kergonniou aurait agi à la requête
du propriétaire de Trévaré et en qualité de procureur ad l'em. Cette
hypothèse se fortifie de ce fait que parmi les seigneurs de Kergonniou
on compte plusieurs hommes de loi du xv' au XVIIIe siècle .

DE'UXIÈ E ·PART'IE

Table des Mémoires publiés en 1913

Pages
Les Mégalithes de la commune dé Spézet par A.

JARNO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II. Les tumulus· du Ruguello en Trézény (Côtes-du-

Nord) par ~. MARTIN et l'abbé PRIGENT ...... . 6
III. Eglises ' et Chapelles du Finistère par le Chanoin~
PEYRON (CanLon de Lanmeur) (suite) .. , ..... . 20
IV. Première contribution à l'Inventaire des monu-

ments mégalithiques du Finistère' par AIL

DEVOIR .. ' ........................ . .... 42-77-142·264

v. Norges Oldtid par G.' GUSTAFSON~ traduction du
Commandant LE PONTC)IS. Chapitre VIII. Con-

servation des monuments; dispositions de

la loi ............. , ......................... ~ 47 .

VII.
VIII.

Danvez Gériadur. Màtériaux pour compléter les

Dictionnaires Bretons-Français par G. ESNAuLT 55-110
Note SUI' la Chapelle et le Calvaire de Perguet en
Bénodet par Ch. CHAUSSEPIED ... " " ..... " .
Note SUI' l'Arc de Triomphe de Sizun par Ch.

CHAUSSEPIED .. , ..... ' . " ... ....... .. . . . .. .. .. 74

IX. Le Cahier du Seigneur de Roslan par L. LE
GUENNEC lOlO ~ ". 85
X. Notice sur les Seigneuries. de la Roche-Helgo-
marc'h, Laz et Botiguigneau par R. DELAPORTE . 155

XI. La Révolution en Bretagne. Les Derniers Mon-
tagnards 1795 par PR. HÉMON.. . ........... ; 177 ·271

XII. Etudes sur le. Cap-Sizun. V. NoLiee historique

sur la Seigneurie de Lezoualc'h e:r;t Goulien et
ses Anciens Seigneurs par D. BERNARD. . . . . . 193
XIII. Pêcheurs cornouaillais et XV· siècle par H.
W AQUET.. lOlO......................... lOlO..... 249
XIV. Le Marquis de PontIez, légende par le Chanoine
PEYRON .... ..... .

261