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Bulletin SAF 1913


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Première contribution à l’inventaire des monuments mégalithiques du Finistère

Alf. Devoir

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1913 tome 40 - Pages 142 à 154

PRE 1ÈRE CONTRIBUTION

A L'INVENTAIRE DES MONUMENTS MEGALITHIQUES

du Finistère

(suite)

PRKMIÈRE PARTIE

L'Arrondissement de Brest

Canton de Landerneau, partie nord
La partie Nord du canton de Landerneau appartient tout
entière aux phyllades, aux gneiss de Brest et au granit de Ke l'-

saint qui s'y montrent en trois bandes, parallèles à la vallée de

l'Elorn.

Les tumulus y sont encore assez nombreux, ainsi que les
fortifications de diverses époques, mais on n'y voit plus de
monuments à ossature mégalithique apparente. Plusieurs
auteurs ont signalé, au lieu de Pen-ar-créac'h en Guipavas,
un menhir et un dolmen: une note de Cariou, dans le Diction­ naire d'Ogee, donne les renseignernentssuivants : « Une
« enceinte de pierres superposées à une hauteur d'un mètre,
« sans chaux ni matière quelconque, d'une forme trapézoïde,

{( dont les extrémités sont S.-E. et N.:'O. se trouve dans un

{( bois taillis dépendant du lieu dit Pen-ar-créac'h. Elle off re

« le caractère d'un sanctuaire druidique. Cette enceinte a
« 7 mètres de longueur sur un côté et 3

50 de largeur à l'ex­
« trémité N.-O. ; l'auti'e est moindre, une entr, ée existe au

-' 143 ' cl
({ A l'extrém'ïté S.-E., on trouve placé à l'intérieur un
« menhir de 2 mètres de ha li teur ofIran t évidemmen t des

« traces du travail de la main de l'homme, par la netteté
« de ses faces et ses angles ' aigus, assez bien conservés. La
« largeur de chaque face à sa base est de Om6a, celle du som­
« met Om3a ; le sommet présente une surface plane. A envi­
« ron 200 mètres de cette enceinte et lü 'mètres plus à l'Ouest,
« on voit un autre menhir, taillé aussi de main d'homme, et
« de la même forme que le précédent; il porte une cannelure
« peu profonde à chacun de ses angles et présente une hau­
« teur de 1 m70. La largeur à la base est de Om~a pour cha­
« cune des faces, et de Om30 au sorrimet, qui est terminé
(e comme celui du précédent. »
Ce monument n'existait plus en 1904. M. le Dr Kermarec
croit retrouver dans une borne de champ, portant une canne-

lure, l'un des , blocs signalés par Cariou comme menhir. La
description , donnée par le commentateur d'Ogée ne donne
guère l'impression d'une ruine mégalithique, mais bien plu-

tôt de traces d'occupation romaine ou gauloise: une monnaie

en or, trouvée, d'après M. P. Chatellier, à Pen-ar-créac'h, et
(e portant d'un côté une tête barbare tournée à droite, la cheve­
(C lure figurée par deux boucles, sanglier en cimier, au revers,
« cheval androcéphale, galopant à droite, entre ses jambes
« un cercle perlé» tendrait à confirmel' cette opinion.
Je n'ai relevé, dans les communes qui formen t la partie'
nord du canton de Landerneau aucune trace mégalithique
offrant quelques garanties de probabilité.
'Canton de Lesneven

Les communes du sud de ce canton, très intéressantes,

pour la plupart, par les restes romains qu'elles ont conservés,

sont très pauvres en souvenirs des temps préhistoriques:
M. Paul du Chatellier mentionne seulement la découverte

1 d'une hache en pierre polie, dans l'intérieur du camp de Pen~
léclan bras, et celle d'une cachette de fondeur au village de
pen-ar-prat ; le camp et le village sont sur le territoire du

Folgoët. . .-
. Par contre les èommunes du nord renferment des monu_

ments de la plus haute importance, celles de Goulven et de
Plouider ont chacune· un groupe de dolmens, Plonéour-Trez

a encore conservé un dolmen et deux menhirs énormes.
Commune de (jouLven

Ceite commune appartient aux gneiss, sauf vers l'Ouest, où
apparaît la granulite; au voisinage de la mer, les dunes
recouvrent les assises rocheuses qui s'abaissent en pente

douce vers la grève. .

A 1'HiO mètres au S.-E. du clocher se voit l'un des plus
remarquables monuments du Léon, malheureusement mutilé
en certaines de ses parties; la création d'un chemin d'exploi­
tation rurale l'a entamé à l'Ouest, et l'éboulement de quel-

ques éléments ne permet pas de'reconstituer le tracé primitif

. dans son ensemble.

La partie moyenne est en assez bon ét.at ; elle est constituée
par quatre piliers supportant une table à peu près elliptique
de 2

tiO sur 3

aO : ces supports ont des hauteurs variant de

80 (S.-E.) à 2

W (N.-O.) et des largeurs de I

1 m;)O. (Vue 1.)
Parallèlement à l'axe de cette chambre vers le S.-O., est
une ligne de quatre grands blocs debout (vue 2), entre celle­
ci et les supports de la table d'autres semblent indiquer l'exis­
tence d'une galerie, dont une énorme dalle, de 2

tiO de largeur
actuellement renversée formait peut-être la couverture (vues
2 et 3).

. Au N .-0. apparaissent les traces d'une autre cha\ mbre,

ayant sa dalle de fond commune avec la première; le chemin
l'a complètement bouleyersée (vue 4). .

- : 1415 -

L;enseinble devait donc comprendre: deux chambres à dalle

de fond commune et une troisième, beaucoup plus étroite
et parallèle aux deux autres; les blocs épars tout alentour, dans
un rayon de sept à huit mètres, permettent de penser que le
monument avait un développement plus important encore. '.
L'orientation moyenne est à peu près N. !)Oo O. S. !)O° E;

c'est celle de l'axe de ' la chambre principale et qes quatre

blocs debout du S.-O. ; nous nous trouvons donc en présence
d'un ensemble solsticial, correspondant au lever d'hiver et aq
coucher d'été. . '
Tous les éléments sont en ' gneiss amphibolique dont un

pointement se remarque à une cinquantaine de mètres vers
le N.-O.: les supports n'ont en général que 3~ à 4!) c/m d'é­
paisseur. La complexité de ce monument dont les photogra­
phies ci-jointes donneront, mieux que la descriptionprécédente,
une juste idée, autorise à en reporLer l'édification à une épo­
que préhistoriquement récente: j'y veux voir une construc-

truction de l~âge du bronze et non une œuvre néolithique.
Cette opinion est corroborée par le témoignage du chevalier
de Fréminville qui-dit avoir fait fouiller entre ces pierres et y
avoir trouvé, « à :,2m33 de profondeur, 20 haches en bronze et ,

des lingots même métal, ainsi que deux vases, dont l'un , con-
tenait des restes incinérés ».
. Ce monument qui doit prendre le nom du village voisin, le
Cosquer, n'est pas classé; je tiens le renseignement du pro­
priétaire lui-même .: cette omission très regrettable, donne
lieu à une remarque inLéressante.
La liste officielle des monuments placé's sous la sauvegarde
de l'Etat mentionne, dans la commune de Goulven,un « dol­
men de Tréguelc'hier. »
. Il n'existe pas de lieu dit « Tréguelc'hier » en Goulven, mais

en Plonéour-Trez près de la limite des deux communes, un

(1) Antiquités du Finistère. Tome l, p. 1.12.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXIX (Mémoires 10) .

146 -

. village porte le nom de TréguéIier : on 'n'y 'voit d'ailleurs

aucun dolmen, et le chevalier de Fréminville qui parcOùrut
cette région vers 1830, avec un guide qui la connaissait pal'­
faitement, ne signale aucun monument aux en virons de Ce
village; on y remarque toutefois un pointement de granulite
orienté sensiblement O.-S.-O. E.-N.-E. et dont certains
blocs peuvent donner à un observateui' peu attentif 'l'impres_

sion de menhirs (1), aucune hésitation n'est possible pour qui
regarde de près les formes de ces pierres et leur liaison au

sol. Donc pas de monument à Tréguelier ou Tréguelc'hier en

Plonéour-Trez, qui ait pu faire l'objet d'un . classement en
Goulven; la liste officielle est erronée (2).
Je dirai pour terminer ce qui se rapporte au monument du
Cosquer que les lignes tracées de ce point et orientées vers les
levers solsticia uxd'hiver et d'été passent la première par la cha­
pelle de Croazou, en Kerlouan, dont il sera parlé plus loin,
et l'autre pi'ès des monuments situés à la pointe Ouest de la
commune de Plouescat: ceci à titre de simple indication, les
jalons intermédiaires m'étant encore inconnus .

, Il ne reste pas de traces du tertre de construction, quel-
ques · blocs ont pu appartenir à son cromlec'h . de soutène-
ment.

Commune de Kerlouan

Aparl une étroite bande de 'granulite en bordure du

rUls~
, (1.) La vue 1.2 a. représente la partie de ce pointement comprise entre la
route nationale n° 1.62 et la voie ferrée; on en voit un prolong'ement au
dernier plan .

'. (2) En, supposant que le monument du Cosquer ait été classé « d'inten- .
tion », une confusion peut se faire entre le nom de Tréguelc'hier et celui

du' champ ou se trouve le monument. Tréguelc'hier peut se traduire
Trez Kelc'hier grève de l'enchanteur, le champ du Cosquer est dénom-.

méParc Enkel~red. Or Enkeler ou Enkelc4er· . feu follet, lutin_ Le mot
' Kelc'her a pour radicalKelc'h. , cercle; l'enchanteur trace des cercles
. pour ses incantations; le lutin en décrit dans ses danses. Les deux noms
se rattachent donc à une idée de' magie.
J'ai entendu qualifier de dolmen par un jeune garçon assez instruit la
pyramide en pierres de taille voisine de Tréguelier, qui marque l'extré­
mité ouest de la base Plonéour-Plouescat (Carte de l'Etat-Major). .

147 -,....

seau du Pont o\) Quillimadec, la commune de Kerlouan est
tout entière dans le granit de Plouescat dont les boules, de
masses énormes, affectent les formes les plus fantastiques;
quelques blocs, au village de Minioc (2 k. 8 au N. 8

Est du
clocher) forment un ensen1ble que certains auteurs ont signalé
comme dolmen: c'est une simple bizarrerie naturelle qui
intéresse le touriste et non l'archéologue. D'autres blocs, près
de Kervilduff et de Poulallec, pourraient être pris pour des
menhirs, sans la liaison de leur base avec la roche de fond.
Il semble d'ailleurs que les architectes préhistoriques aient

toujours tenu à établir leurs monuments à quelque distance
des roch' es naturelles de grandes di~ensions ; le cas contraire
est l'exception.
Le manteau de limon qui s'étend sur une grande partie du
territoire de la commune et les dunes qui l'envahissent, sur~

tout vers le N .-0. peuvent toutefois cacher des restes préhis-
toriques encore inconnus, je compte explorer cet été la bor­
dure du rivage, sans grand espoir d'ailleurs.
Les monuments suivants sont dignes d'attention.

Au Nord-Ouest du village de Languerch, près Kermarguel
(2 k. 7 au S. 82

O. duclocher) un dolmen en ruines (vue 5 et 6),
de dimensions considérables parait avoir été orienté N, tiO

S. tiO

E. ; un autre, encore visible il y a quelqùes années, a
maintenant presque entièrement disparu: il se trouve à

60 mètres dans le S. 00

E. du premier.
Celui-ci montre encore des supports très importants et une
table effondrée (vue 7) vers l'Est (1) ; des blocs alignés, ~
huit et dix mètres dans l'Ouest et le S. E., donnent à penser
que ce monument était très complexe et de grand développe­
ment. Les cultivateurs y jettent des détritus, c'est à cette uti­
lisation que nous devons sans doute la conservation de cette
ruine; elle mériterait . d'être $auvegardée.

(1) Une dalle peepelldiculaire à la direction générale semble avoir été
commu~e à deux chambres, comme au Cosquer. .

- ' '148 -

A Kermarguel même, petit menhir de deux mètres, encastré
dans un talus (vue 8).
Entre les villages du Goas et 0 de Kervisoual'n, dans Un
champ appelé Méchou-ar-menhir (1 k. 3 au N ~ 67 O. du clocher),
menhir de 2

60 légèrement incliné vers le Sud et de formes
assez régulières. Au dernier plan, à gauche, énorme pointe"
ment de granit (vue9). 0
Un monolithe de plus de deux mètres, bien taillé et formant
l'angle S.-E. de la petite chapelle deCroazou, fait naturellement
penser à une superposition de cultes: c'est peut-être un menhir

retaillé (1 k. 3 au N. 33 O. E. du clocher, vue [) a).
La commuI)e de Kerlouan renferme en outre quelques
o tumulus assez importants; l'un d'eux, fouillé, a donné des
vases, des cendres et des ossements, enfermés dans des cham­ bres à murailles de pierres sèches. 0 M. duChatelIier y
signale Une cachette de fondeur et une grotte, où les docteurs

Marion et Pichon ont récolté une hache polie en diorite et de
nombreux vases cinéraires de diverses époques (Goarem ar
ménez) .
Commune de Plouider

Je n'ai point exploré dans toute son étendue la vaste com-
mune de Plouider, et me contenterai ,de décrire le très impor­
tant monument de Kerbervez, 2 k. 4 au S. 310 E. du clocher
de Kerlouan (vues 10, Il , 12).
Il comprend encore une chambre mégalithique formée
d'une table et de trois supports qui paraissent se trouver
dans leurs positions primitives, une autre chambre

dont un 0 su pport et la table sont effondrés ; de nom-
breux blocs indiquent une liaison entre les deux chambres et

des traces ·du cromlech de soutènement; l'ensemble à un
développement total de 18 mètres, suivant une ligne N. nOo 'O.

. S. [iOo E. approximativement.
La table de la chambre N .-0. a 3

[iO .sur 2

7 ; elle porte à

. . 149 _ .

sa ·partie supérieure ' une petite cupule, creusée sans doute
par les pluies et qui semblerait montrer que ce dolmen
n'a jamais été recouvert; le tertre qui l'entoure est un simple

tertre de construction.
Table et supports sont de roche locale, et d'épaisseurs
médiocres, généralement inférieures à Om50 ; le support Est,
le plus volumineux a l

75 de hauteur sur 2

30 de largeur,
celui du Nord-Est, 1

3!) de hauteur sur I

05, celui du Sud­
Ouest, l

7 de hauteur sur .l

15 de largeur; les hauteurs
sont prises au dessus du sol actuel de la chambre. .
La table du dolmen S.-E. était plus épaisse, Om60 en
moyenne, la vue no 12 montre le support debout; l'autre s'est
effondré à l'intérieur de la chambre. Entre les deux parties
principales du monument existe un talus, sur la ·face Sud
duquel apparaissent les blocs de la galerie . ; on en distingue
encore cinq; à l'extrémité Est, ils se confondent avec les élé-

ments du cromlech de soutènement. La direction générale est
celle d'un ensemble correspondant au lever solsticial d'hiveret
au couchersolsticial d'été; nous avons déjà trouvé cette orienta-

tion pour le monument du Cosquer et les dolmens de Lan-
guerch Kermarguel.
Ces dolmens intéressants ne sont pas classés; tout alentour

se trouvent des carrières qui ne semblent pas exploitées régu-
lièrement, des blocs épars sur le sol des champs voisins don­
nent à penser que des monuments secondaires entouraient

l'ensemble principal.

Commune de PlounéouT- Trez

Au temps où écrivait le chevalier de Fréminville la com-

mune de Plonéour-Trez était célèbre pour l'importance de ses

monuments, cet archéologue en a décrit cinq avec beaucoup
de détails; il n'en reste aujourd'hui que trois. .

(1) Le monument de Kerbervez est IParqué comme menhir sur la carte
au iltOOOOO·, comme dolmen sur celle de l'Etat-Major.

... 150 - '

Cette commune se rapproche de celle de Kerlouan au point
de vue de l'. aspect et de la structure géologique; les massifs
granitiques aux formes étranges y émergent du . limon Ou
du sable des dunes: quelques tourbières se sont formées dans les
vallées à pente très faible de minces ruisseaux: ces tourbières
sont peut-être une des réserves de l'archéologie future; les
anfractuosités des massifs ont pu, d'autre part, être utilisées
comme abris sous roche, à diverses époques et même aux
temps paléolithiques.
Cette dernière hypothèse repose sur un fait: j'ai découvert

il Y a quelques années, dans un champ voisin de la mer et
non loin de l'amer de Coatanguy, une · pointe en silex brun
retouchée sur une seule face et d'allure nettement mousté­
rienne (1 k. au N. 40° E. de Brignogan) ; la pointe qui SUpporte
le corps de garde Nord est sujette, sur sa face Ouest, . à des
éboulements qui laissent apercevoir d'assez nombreux éclats

de silex. J'ai parcouru, à basse mer de fort cœfficient, la grève
da'ns la région comprise entre Tréguelier et l'entrée du petit
port de Pentusval sans y découvrir aucune trace probable de
monument ensablé; les dunes peuvent toutefois " recouvrir des
restes préhistoriques. . .
Ceci dit, je passe à l'étude des menhirs et du dolmen exis­
tants : les deux premiers ont été achetés pour le compte de
l'Etat en 1881 (1), mais aucune borne n'indique qu'ils sont
. propriété nationale; peu nombreux sont, 9ans la commune,
les gens qui ont connaissance de ce fait, ainsi que des péna­
lités qui frappent les destructeurs ou mutilateurs de monu­
·ments historiques.
La liste officielle mentionne ces deux' menhirs sous le nom
de « menhirs de Pontusval n. Fréminville en a donné dans
ses « . Antiqu.ités du Finistère)) de très bonnes descriptions .
(i) Pour la somme de iSO francs, je ne crois pas qu'une somme égale
ait été dépensée depuis lors pour la conservation des monuments mégali-
tiques finistériens . .

. -, ifS! ".

Menhi1' Nord de Pontusval. Je prends cette dénomination
pour ne pas créerdeconfusion avec la liste officielle ; l'usagea fait
prévaloir l'appellation menhir de Brignogan, menhir du Sclus
serait plus juste (vues 13 et 14) ; le nom local est Men marz
: : pierre du miracle (2 k. 5 au N. 30° O. du clocher de Plo­
néour-Trez). Le Men marz a près de '10 mètres de haut: sa
face Sud est assez régulière tandis que·de profondes cannelures
naturelles, à contours très adoucis, se voient sur la face Nord;
elles indiquent que cette face a été soumise aux intempéries
pendant de longues durées géologiques, et sans doute à l'éro­
sion marine, lors des diverses progressions océaniques· qui
ont fait des environs une pénéplaine d'abrasion.
Un massif rocheux existe à quelques mètres au Sud du men­
hir : celui-ci en provient sans nul doute; il a été relevé du
Sud au Nord.

La partie supérieure est beaucoup plus effilée que la base:
le sommet a été surmonté d'une petite croix de pierre; une

autre se voit gravée à l'angle S.-E. ; il est impossible de dire
à quelles· époques remontent ces deux indices de superposition
cultuelle,

Ce monument offre l'un des rares exemples de voisinage
immédiat avec des roches na:turelles de fort relief, quelques­
unes de ces roches apparàissent sur la vue 13 ; leurs formes
arrondies diffèrent d'ailleurs du massif Sud, d'aspect grossiè­
rement feuilleté.
Menhir Sud de Pontusval. Ce menhir se dresse au lieu de
Menognon sur un mamelon bordé à l'Ouest par une vallée
tourbeuse (800 mètres au N. 35

O. du clocher de Plounéour­
Trez, vues 15, 16 et 17) : il est étonnant, dit Fréminville,
« par la forme d'une de ses faces à qui le hasard a donné la
figure d'un triangle isocèle presque régulier. Ce monument à

12 de haut et 4

55 de large à sa base» (1).
Bien que le chevalier ne dénomme pas le lieu d'implantation,

({) Guide du voyageur dans le département du Finistére

152 -

il est bien évident que les lignes précédentes s'appliquent au

menhir de Menognon, l'examen des vues 14 et 16 ne laisse
aucun doute à ce sujet: le triangle isocèle y apparaît nette~
ment; la vue 15 montre que le menhir lui-même présente, du
Sud une figure semblable.
La régularité de la surface triangulaire est-elle naturelle
, ou intentionnelle? La question paraît b.ien difficile à résoudre .

la seconde hypothèse n'est pas toutefois inadmissible Pour
qui a vu le quasi polissage des grands menhirs du canton de
Ploudalmézeau et leurs formes géométriques.
J'ajouterai que l'épaisseur moyenne de ce mégalithe, comp­
tée perpendiculairement à la face plane, est voisine de
:2 mètres sur les 2j'q de la hauteur; le cubage hors du sol est
donc d'environ 34 mètres cubes, ce qui correspond à un poids
voisin de 100 tonneaux, partie enfouie non comprise.
Dolmen du Diévet. Ce dolmen situé à 600 mètres 'au N.- E.
du clocher de Plounéour-Trez (vue 18) a été fort bien décrit
par Fréminville: « il est composé d'une seule table de pierre très
« massive et de forme à peu près carrée, supportée par trois
(c pierres verticales. La longueur de la table ou plate-forme
« est de quatorze pieds, sa largeur de sept et son épaisseur de
« deux et demi; la hauteur totale du monument est de sept
« pieds. En avant sont trois autres pierres plantées qui servent
« comme d'avenue ou de péristyle au dolmen .. ~})
Cette description convient encore parfaitement ; il est

regrettable que le monument serve de débarras pour les , culti-
vateurs voisins, et que ceux-ci y jettent des tas de racines et
de mauvaises herbes qui rendent difficile la' tâche du photo-
graphe. .', '
En réalité nous nous trouvons en présence d'un dolmen à

galerie orienté N.-N.-E. S.-S.-O., c'est-à-dire perpendicu-
lairement à la ligne intermédiaire qui correspond au point du

lever solaire 45 jours avant ou après le soltice d'hiver, et dont
la table ou les tables N.-N.-E. ont disparu. ,

153 -'
J'ai visité fi plusieurs .reprises ce m'onument sans jamais le
trouver dégagé; il n'est pas classé. . ,
Monuments disparus. Je crois utile de citer ici le texte des

« A ntiquités du Finistère» rela tif à deux monuments très

irnportantsdont je n'ai pu retrouver trace; ce texte mon-
tre les pertes subies par l'archéologie, dans la . commune de

Plounéour-Trez, depuis moins de 80 ans. .
« Dès que j'eus mesuré et dessiné celui-ci (le dolmen du
« Diévet) nous nous dirigeâmes vers la mer et nous trouvâmes
« bientôt un second dolmen très beau et très bien conservé .

« Cet autel druidique avait vingt pieds de longueur totale, sa
({ plate-forme était composée de deux énormes pierres dont la
(1 plusgrande avaitdouze piedsde long sur autant de large et
{( une épaisseur de deux pieds. Ces massives tables brutes
cc étaient supportées à cinq pieds du sol par six pierres verti-

(c . tic~les ; nous admirâmes ce monument qui s'est conservé
(c intact, après avoir traversé, pour venir jusqu'à nous, peut-
« être plus de , vingt siècles. )) ,
Le temps présent a malheureusement fait ce que n'avaient
pas fait les époques précédentes.
Le Chevalier parle aussi « de quelques pierres druidiques
« groupées ensemble et qu'on appelle dans le pays les Dan­
« seuses. » Elles sont, dit-il « dans le voisinage du chemin de
« Kerlouan à Plounéour près d'un hameau nommé Kerroc'h.
« En approchant de ce monument, je vis qu'il n'était question
(1 que d'un dolmen, mais d'un dolmen des plus 'gigantesques,
({ ayant trente-quatre pieds de long sur quinze de large et
« divisé intérieurement en deux chambres. Malheureusement,
« il n'en reste plus que les pierres verticales, celles de la

« plate-forme ont été détruites, sans doute par les premiers
« missionnaires chrétiens dans cette contrée. Les pierres dis­
(c posées sur la figure d'un trapèze sont au nombre de '14 dont
« la plus haute a cinq pieds d'élévation; une '15

et une 'J6

sont
« abattues et hors du rang. Ii

, . HS4-
Jfai parcouru les environs de Kerroc'h ou Keréoc sans y
rien retrouver des « danseuses », dont le souvenir même . est

effacé chez des hommes de 40 ans, ayant vu ailleurs des dol~
mens et connaissant la valeur exacte de ce mot.
Brest, 23 Avril 1913.

AIL DEVOIR .
(A suivre.)

DE'UXIÈ E ·PART'IE

Table des Mémoires publiés en 1913

Pages
Les Mégalithes de la commune dé Spézet par A.

JARNO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II. Les tumulus· du Ruguello en Trézény (Côtes-du-

Nord) par ~. MARTIN et l'abbé PRIGENT ...... . 6
III. Eglises ' et Chapelles du Finistère par le Chanoin~
PEYRON (CanLon de Lanmeur) (suite) .. , ..... . 20
IV. Première contribution à l'Inventaire des monu-

ments mégalithiques du Finistère' par AIL

DEVOIR .. ' ........................ . .... 42-77-142·264

v. Norges Oldtid par G.' GUSTAFSON~ traduction du
Commandant LE PONTC)IS. Chapitre VIII. Con-

servation des monuments; dispositions de

la loi ............. , ......................... ~ 47 .

VII.
VIII.

Danvez Gériadur. Màtériaux pour compléter les

Dictionnaires Bretons-Français par G. ESNAuLT 55-110
Note SUI' la Chapelle et le Calvaire de Perguet en
Bénodet par Ch. CHAUSSEPIED ... " " ..... " .
Note SUI' l'Arc de Triomphe de Sizun par Ch.

CHAUSSEPIED .. , ..... ' . " ... ....... .. . . . .. .. .. 74

IX. Le Cahier du Seigneur de Roslan par L. LE
GUENNEC lOlO ~ ". 85
X. Notice sur les Seigneuries. de la Roche-Helgo-
marc'h, Laz et Botiguigneau par R. DELAPORTE . 155

XI. La Révolution en Bretagne. Les Derniers Mon-
tagnards 1795 par PR. HÉMON.. . ........... ; 177 ·271

XII. Etudes sur le. Cap-Sizun. V. NoLiee historique

sur la Seigneurie de Lezoualc'h e:r;t Goulien et
ses Anciens Seigneurs par D. BERNARD. . . . . . 193
XIII. Pêcheurs cornouaillais et XV· siècle par H.
W AQUET.. lOlO......................... lOlO..... 249
XIV. Le Marquis de PontIez, légende par le Chanoine
PEYRON .... ..... .

261