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Bulletin SAF 1913


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Première contribution à l’inventaire des monuments mégalithiques du Finistère

Alf. Devoir

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1913 tome 40 - Pages 77 à 84

PRE CONTRIB OTION

A L'INVENTAIRE DES MONUMENTS MEGALITHIQUES
du Finistère
(suite)

PREMIERE PAR rIE

L'Arrondissement . de Brest

a) 'Je sol et les matériaux. -La profonde dépression de

l'Elorn divise l'arrondissement ùe Brest en deuxparties aussi
différentes d'étendue que de structure et d'aspect.
Au Nord, le Léon occidental forme plus des deux tiers de la
surface totale; il montre de puissa'ntes venues gl~anitiques
encadrant des bandes gneissiques et micaschiteuses.
Les terrains sédimentaires anciens apparaissent sur les

deux rives de l'Elorn ; plus au Sud, par delà les falaises de '
Plougastel, on ne rencontre, dans les cantons de Daoulas et
de Ploudiry que les divers étages dévoniens avec de minces

filons éruptifs, microgranulites, diabases et kersantites.
Sans discuter ici les âges relatifs des roches prédominantes,
dans l'une et l'autre de ces régions, on peut dire que les
agents· érosifs les ont, .au cours des temps géologiques, atta­ quées fort inégalement: ainsi se sont accentuées les difiéren­
ces résultant · de la diversité des formations premières. ' .
J'essaierai tout d'abord d'esquisser, à grands traits, la face
du Léon occidental. .

Cette région se présente sous la forme d'un plateau s'abais-

sant en pente rapide vers la dépression de ' l'Elorn, très dou-

cement vers le Nord et l'Ouest, jusqu'à une ligne de crêtes
dominant de 30 à 50 mètres des avant-pays à faible altitude Ou
partiellement immergés.
Les bandes de contact des divers terrains s'y alignent sui­
vant une direction générale O.-S.- O. E.-N .-E., et sont cou­
pées presque normalement par d'anciennes fractures, où les
ruisseaux côtiers ont creusé leurs lits.
La plus importante de ces fractures correspond à la longue

faille qui, du chenal de la Helle par Morgat. et Douarnenez,
s'étend jusqu'à la Baie de la Forêt ('1), d'autres, très sensible­
ment parallèles, ont donné naissance aux rias de l'Aberbenoit
et de l'Aberwrach où les eaux sont encore profondes, et à celui
du ruisseau de' Guissény que les apports sableux ont presque
complètement obstrué.
Les plus fortes altitudes moyennes se rencontrent à la bor-

dure Sud du plateau, dans le gneiss de Brest et le granit de
Kersaint: elles varient de 80 mètres à 130 mètres aux envi­
rons de Saint-Divy: plus au Nord, le mamelon de KerIoas,

qui appartient au granit de Saint Renan, dépasse seul cette
hauteur (145 mètres), tandis qu' a la ligne des crêtes dorr.inant la

, Manche reste tout entière au-dessous de la côte 80 : le granit
de Plouescat y alterne avec la granulite et les gneiss ou'
micaschistes.

Les falaises de la côte Ouest montrent ces derniers éléments,
et de plus le remarquable granit syénitique de L'Aberildut,
qui apparaît aussi dans la partié N .-0. du plateau de
Molène. '
Ces falaises du front Atlantique, génMalement 'abruptes,
forment en téalité la ligne de crètes, surplombant un avant-

pays envahi par la mer: sur la Manche, au contraire,. une

plaine basse, d'altitude inférieure à 25 mètresbOl~de les, riva-

ges, des blocs énormes y percent un épais ,ma'ntea'u de limon:

(1) Colonel Azema. Note sur la tectonique de la partie. ouest du Finistère.

leurs formes arrondies ne diffèrent guère de celles des roche!)
actuellement baignées par le flot. .
Cette similitude d'aspect dérive d'actions érosives identi­
ques, ml1is d'âges divers: il est en effet démontré que certai­
nes parties de'la Bretagne, et notamment du Finistère, ont
été, à plusieurs reprises, recouvertes par les eaux marines,
puis ' abandonnées par elles: la pénéplaine qui s'étend de
Plouescataux.a bords de Portsall est une région d'abrasion
nivelée par les mers anciennes, et où les parties résistantes

des écueils de jadis sont les témoins de ces lointaines progres-
sions: · un relèvement de 20 mètres du niveau marin transfor­
meraitcetteplaine en ·. un amas de récifs et d'îlots comparable
à l'archipel de Molène; pareil abaissement ferait de ce der­
nier plateau un avant~pays peu différent des environs de
Gtlissény et de Plounéour-Trez . .
Ces considérations justifient le rapprochement fait entre les
deux régions, en dépit de la différence de leurs altitudes:

rUne s'est déja partiellement immergée, du fait du mouvement
eustatique (1) succédant au dernier effondrement atlanti­
que, alors que l'autre, avec ses « écueils en terte ferme»
témoigne de la régression qui suivit cet effondrement.
LéS sommets encore émergés de l'avant-pays, sur le front
Atlantique, sont d'autant plus intéressants pour nous qu'ils
renferment de nombreux restes de l'ère monumentale préhis­
torique: la zône alternativement couverte et découverte par
les marées en conserve quelques-uns, dans des endroits abrités
du choc des grandes lames (2) ; beaucoup d'autres sont aujour­
d'hui confondus, sous les eaux, avec les assises rocheuses
qui les supportaient lors de leur mise en place . .
, Les effets prédominants de l'érosion marine ne doivent pas,
toutefois, faire perdre de vue les autres causes modificHtrices
" oP . n . . .
({) Ed. Suess : La face de la terre.
(2) Témoins mégalithiques des variations des rivages armoricains . in
Bull. S. A. F.

du relief: les précipitations atmosphériques (1} ont isolé et
déchaussé les noyaux résistants des roches, en même · temps.
qu'elles arasaient les hauteurs, les eaux sauvages ont agi de
même, dans les dépressions et plis de terrain; l'influen€e de
l'humidité de l'air marin s'est fait sentir surtout à proximité
des rivages.
Ainsi se sont constitués, même en dehors de l'atteinte des
mers anciennes, ces champs de blocs à 'contours arrondis, où
les archéologues bretons du siècle passé voyaient des « car­
neillou » ou cimetières druidiques, toutes les fois que les mas-

sesTocheuses n'étaient pas de volume trop considérable.
Cette formation (( en boules » des . divers types de ' granits
devient moins fréquente quand la distance àIa mer augmente:
dans l'Est de l'arrondissement, la roche ne fait le plus souvent

qu'affleurer, telle est vraisemblablement, l'une des causes
de la · très inégale répartition des monuments mégalithiques

depuis longtem ps constatée .

Les architectes préhistoriques ont accumulé menhirs et .
dolmens là où les matériaux, dépassant nettement le sol"
étaient d'un débit facile; ils n'ont édifié, dans les autres

régions que des sépultures à relief généralement faible, dont
la couverture seule est mégalithique: ce genre de constl'UC-

tions, de réalisation relativement aisée, semble correspondre
aux débuts de l'âge armoricain du bronze; elle se répandit ulté­
rieurement dans tout le pays. J'ai déjà cité, dans ce qui pré-'

cède, les principaux éléments rocheux du. Léon, il reste à en

indiquer, avec les caractéristiques, les divers gisements, je
les énumérerai daDs l'ordre où on les rencontre, du S.-E. au

N.-O. Les phyllades de Saint-Lô, (2) ·qui forment les deux

versants de la dépression de l'Elorn, sont en contact, vers le

(1) Ces précipitations ont eu leur paroxysme à la période des grandes

g-laciations. .
(2) Notice de la carte géologique de France, fréquemment utilisée dans
ce qui suit. . .

Nord avec tIne longue bande de roches stra iformes dites
cc gneiss de Brest », produit de leur modification par le granit
de Kersaînt. . . ,
phyllades ,et gneiss se débitent en fragments à grossier cli­
vage et de volume médiocre; ils devaient être, pour cette
dernière raison, peu appréciés des architectes préhistoriques:
aUcun monument appartenant à ces formations ne s'est con-

serve Jusqu a nous.
La largeur :de la bande gneissique varie de 600 mètres
dans l'Est à plus de 3000 mètres en bordure du goulet.
Au Nord du gneiss de Brest, les terrains s'entremêlent; à
· ,'Ouestune enclave granulitique, visible de Plougonvelin à

plouzané, avec boutonnière vers Coat-Enès, renferme deux
menhirs et des ~uines ; puis appa raissent les micaschistes et
schistes cristallifères, métamorphisés à l'approche du granit

de Saint-Renan, qui ont fourni les matériaux des construc- '
tions mégalithiques de Kermorvan et des îlots Sud ·du ,plateau
de Molène.
Des lits de quartzite ont été utilisés pour deux alignements
dont l'un a disparu depuis moins de . dix ans: l'autre subit,

chaque année de nouvelles mutilations.
Les granits de Kersaint et de Saint-Renan, qui ·succèdent ·
aux gneiss vers le Nord et l'Est, ne sont représentés que par
·de rares mon uments; ces roches de bonne résistance et actue'l-

lement très employées n'ont que d'assez rares affieurements ;
une bande de granulite, adjacente au granit de Saint-Renan

et se prolongeant par des boutonnières jusqu'au grand massif
de Kernilis se comporte tout. différemment, surtout vers
l'Ouest; à cette bande appartient l'impo'rtant groupe de Molène.
Le granit syénitique . de L'Aberildut remarquable par la

grandeur de ses cristaux de feldspath. orthose a fourni les plus
beaux menhirs du Finistère et peut-être du , monde: on ne
peut leur comparer que les éléments du celèbre cromlec'h de
Stonehenge. .
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO . ,,' TOME XXXIX (Mémoires 6)

. A côté de ces monuments grandioses, des enceintes formées
de blocs de dimensions modérées, 1 m30 au plus de hauteur

restent encore mystérieuses; elles ne se voient guère qu'aux
. environs de Melon et sur la rive Sud de L'Aberildut, où le
granit prend un aspect différent, en se ' chargeant de micas.
Dans 'toute ,cette région, les aille'urements sont innombrables

et les blocs déchaussés parfois énormes; quelques-uns dépas-
sent tOO mètres cubes; des lentilles, de la. même roche trans­
gressent jusqu'à Landunvez. Le granit de Portsall et celui de
Plouescat, ainsi que le granulite, constituent la ligne de crètes
vers la Manche; les deux prerriiers, assez peu résistants, se
découpent en silhouettes étranges ; des monuments très
importants le'ur ont été empruntés.
Le gneiss 'amphiboIique des environs de Goulven dot la

liste des Toches exploitées par les architectes de l'ère monu-
,mentale (1). -
b) Répartition des monuments à la surface du sol. L'é-
tude précédente permet de préjuger de la répartition des
monuments sur le sol Léonnais' : les granits de L'Aberildul et
de Plouescat-Portsall en fournissen'tla plus grande part; la
granulite et les roches gneissiques, le reste presque ' tout
entier.
Ces formations se rencontrent surtout en-bordure de l'Atlan­
,tique et de la Manche: c'est dans les cantons maritimes que
, nous trouverons les groupes les plus importants.

Fait remarquable, les menhirs et dolmens du Léonocciden-
tal ont presque tous des vues plus ou moins étendues sur le
large: une dizaine, au plus, fait exception. "

Les cantons du Centre et du Sud-Est sont, au contraire, très
.pauvres en monuments; comme ils renferment, aussi ,bien
que les autres, de vastes espaces ' incultes où les mégalithes
, auraient pu se conserver dans les mêmes conditions qu'aux

(i) D'un emploi très limité d'ailleurs (environs de Goulven) .

approches ae la mér, nous sommes amenés à penser q'u'ils
y furent relativement peu nombreux, ou que la médiocrité de ,
leurs dimensions en a' facilité l'exploitation aux temps
modernes.
Dans cette même région, les, tumulus sont rares; la 'sylve
y recouvrait peut-être de vastes espaces. '. '
Ce qui est certain" c'est que l'exploration méthodique, d'a­
p"rès les 'données récentes de l'astronomie préhistorique, ne
donne pour les cantonsélo.ignés de la mer que des, résultats
insignifiants: l'archéologue n'opère qu'au hasard ou d'après
des indications locales généralement très vagues: tout ce
que l'on peut espérer c'est recueillir quelques renseignements
sur les orientations des eléments constitutifs d'un même

monument complexe (1).
CHAPITRE 1
Les monuments du Léon occidental

Après avoir esquissé les relations des monuments avec le

sol j'aborde la description de ceux.,ci et l'étude des relations
astronomiques dont nous pouvons encore reconnaître l'exis­
tence. La tâche sera souvent ardue, ce n'est pas une raison
pour ne pas l'entreprendre.
Cantons de Brest

Le premier canton ne paraît garder aucun reste préhïstori­
que, la construction de nombreux édifices a depuis longtemps
utilisé tous les matériaux à fleur de sol. '
L'importance des vestiges romains recueillis au Château,

notamment par M. JOurdan de la Passardière, rend possible

(1) L'étude des cantons situés au Sud...de.l'Elorn formera le début du 2"
chapitre.

l'existence en ce point d'une superposition d'ailleurs nOn

constatée jusqu'à ce jour.
Le 2

c~nton (Saint-Pierre,Quilbignon) appartient presque
entier au gneiss de Brest; deux noms: la e Pierre du coq »
et « Castel daol » au lieu dit les Quatre moulins, sont peut

être des souvenirs de mégalithes détruits. .'
Des poteries et une cachette de fondeur ont été découvertes
dans le 3

(1) ou sauf un tumulus mutilé, non loin de Boudi­
guer, je ne connais aucun reste préhistorique apparent.
. (A suivre)

(l) M. P. du Chatellier. Epoques préhistoriques et Gauloise dans le Finis.
tère .

DE'UXIÈ E ·PART'IE

Table des Mémoires publiés en 1913

Pages
Les Mégalithes de la commune dé Spézet par A.

JARNO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II. Les tumulus· du Ruguello en Trézény (Côtes-du-

Nord) par ~. MARTIN et l'abbé PRIGENT ...... . 6
III. Eglises ' et Chapelles du Finistère par le Chanoin~
PEYRON (CanLon de Lanmeur) (suite) .. , ..... . 20
IV. Première contribution à l'Inventaire des monu-

ments mégalithiques du Finistère' par AIL

DEVOIR .. ' ........................ . .... 42-77-142·264

v. Norges Oldtid par G.' GUSTAFSON~ traduction du
Commandant LE PONTC)IS. Chapitre VIII. Con-

servation des monuments; dispositions de

la loi ............. , ......................... ~ 47 .

VII.
VIII.

Danvez Gériadur. Màtériaux pour compléter les

Dictionnaires Bretons-Français par G. ESNAuLT 55-110
Note SUI' la Chapelle et le Calvaire de Perguet en
Bénodet par Ch. CHAUSSEPIED ... " " ..... " .
Note SUI' l'Arc de Triomphe de Sizun par Ch.

CHAUSSEPIED .. , ..... ' . " ... ....... .. . . . .. .. .. 74

IX. Le Cahier du Seigneur de Roslan par L. LE
GUENNEC lOlO ~ ". 85
X. Notice sur les Seigneuries. de la Roche-Helgo-
marc'h, Laz et Botiguigneau par R. DELAPORTE . 155

XI. La Révolution en Bretagne. Les Derniers Mon-
tagnards 1795 par PR. HÉMON.. . ........... ; 177 ·271

XII. Etudes sur le. Cap-Sizun. V. NoLiee historique

sur la Seigneurie de Lezoualc'h e:r;t Goulien et
ses Anciens Seigneurs par D. BERNARD. . . . . . 193
XIII. Pêcheurs cornouaillais et XV· siècle par H.
W AQUET.. lOlO......................... lOlO..... 249
XIV. Le Marquis de PontIez, légende par le Chanoine
PEYRON .... ..... .

261