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Société Archéologique du Finistère - SAF 1913 tome 40 - Pages 47 à 54
"NORGES OLDTID" (1)
PAR G. GUSTAFSON
TRADUCTION DU COMMANDANT LE PONTOIS
CHAPITRE VIII
Conservation des monuments; dispositions de laloi(2).
C'est avec «( amour et honneur» que nous devons traiter les
monuments des temps passés. Les monuments qu'à grand'
peine et à grands frais on élevait autrefois au-dessus des morts,
doivent être conservés jusqu'au plus lointain avenir. Souvent,
et pendant longtemps, il a été malheureusement péché contre
ces commandements. La principale faute a eu pour cause l'a-
vidité. .
On s'imaginait qu'au vieux temps des objets de grande valeur
étaient déposés dans 'les tombes; et, pour s'emparer du mobi
lier funéraire des ancêtres, le premier venu bouleversait hon-
teusement de beaux ( haug » (3) et de beaux « r.0is )) (4). Le
travail, souvent peu facile, d'éventrer une sépulture, n'était
généralement d'aucun profit, mais le monument était perdu
pour toujours, le dommage irréparable restait sans utilité
pour qui que ce fût.
Bien différentes sont les explorations.entreprises par les
hommes de science; elles sont autorisées par ce fait que nom;
avons le droit de nous procurer des connaissances sur les
(i) Les temps anciens de la Norvège.
(2) Traduction intégrale et littérale. drrVlII' et dernier chapitre de l'ou
vrage précité.
(3) « Haug », tertre (généralement (llnéraire), fait de terres, sables, tourbe
ou de te rre, (etc.) avec pierres. .
(4) « Rois », tertre funéraire fait de pierres seulement .
epoqües aridennèS, et ces connaissances ne peuvent s'acquérir' .
que par la fouille des monuments. .
Mais c'est avec « égards et amour» que procèdent les archéo
logues, ils ont conscience de la gravité de leurs travaux et de
leur responsabilité: ce n'est pas l'or qu'ils recherchent, ce
sont des documents. Leurs efforts ne sont ras déçus, car lors
même qui n'obtiennent pas de résultats positifs, ils trouvent
ce qu'ils se proposaient de trouver.
D'autre part, il n'est pas douteux que les exigences de notre
époque doivent prédominer sur toute autre considération; le
progrès ne peut être sacrifié aux égl;lrds que méritent les anti-
quités. Un peuple ne peut conserver ni tous les monuments
des temps passés, ni même tous ceux qui sont les plus impor
tants; leur destinée est de périr, en partie pendant l'existence
de notre génération, et tous dans un avenir plus ou moins
lointain. Mais ce n'est là qu'une raison de plus pour que l'on
veille à ce qu'-ils ne soient ni endommagés ni détruits quand il
n'est pas néces~aire de les faire disparaître, et avant qu'ils aient'
cessé d'être utiles à nos études .
Une loi vient de donner une heureuse solution à cette ques
tion, et l'an 1905 est une date dont il sera gardé bon souvenir .
En vertu de la loi du 13 juillet 1905, aucun reste des temps
'. anciens ne pourra plus être déplacé, même par le propfiétait;e
du terrain qu'il occupe, sans avertissement préalable sanc-
tionné par une autorisation. Cette permission s'accordera
naturellement surtout quand il s'agira d'une amélioration du
sol, à moins que le monument ne soit d'un très grand intérêt.
Dans ce ·dernier cas, on prendra soin de l'explorer avant qu'il
soit déplacé ou détruit. Les {Jrescriptjnns de la loi reposent
sur cette notion bien autorisée que ce qui appartient à l'anti-
quité ou peut nous renseigner sur cette époque ne doit pas
être laissé à la fantaisie du propriétaire fixe ou temporaire du
sol, mais que le Pays et la Nation ont leur part et leur charge
de la conservation de ces restes .
La loi antérieure édictait expressément que l'Etat avait droit
aU tiers de la valeur de toute trouvaille des temps · anciens:
cette disposition est aujourd'hui abrogée, et le sens intime de
la loi a acquis une expression qui répond mieux à l'intérêt
que peut avoir l'Etat à s'occuper de cette question; maintenant
toute antiquité est mise sous la protection de l'Etat. .
Quiconque envisagera la question de près applaudira à cette
mesure; dans chaque paroisse il est aujourd'hui devenu facile
à touS ceux qui s'intéressent aux choses de l'antiquité 'de con
tribuer à ce que rien ne soit détruit
Petit à petit, à mesure que le pays comprendra mieux l'esprit
de la loi, la surveillance de la police deviendra inutile pour
empêcher de toucher aux « haug >l, aux «'q6is », aux « bautas
tën » (1) et autres monuments qui demeureront en paix tant
que les travaux d'amélioration du sol ou les besoins de l'ar-
chéologie ne contraindront pas à les endommager.
Autrefois on ne songeait pas à fouiller les tumulus, l'archéo-
agie des siècles passés ne pressentant pas les enseignements
qui résuIteraientde ces recherches; aux jours actuels; c'est tout
le contraire: il n'est pas rare d'entendre des gens se plaindre
de ce que tel ou tel tumulus n'ait pas été exploré, et la faute
en est imputée il la négligence des savants. C'est là une grave
erreur de jugement. .
Sans doute, comme nous l'avons vu, la science a constam
ment besoin d'entreprendre de nouvelles fouilles, mais il n'est .
pas nécessaire d'excaver chaque tumulus, au cas même où il
serait possible de le faire.
En l'espèce, la scienèe d. oit apporter du scrupule, il n'y a ni
'Convenance, ni nécessité de fouiller un tumulus par cela seul
qu'il est beau et vierge; certaines périodes sont déjà bien étu
diées, certains districts le sont ' également. Il faut travailler
d'après un plan rationnellement arrêté, orienter les recher-
(i) Bautastën = menhir, stèle funéraire avec ou sans inscription runique.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXIX (Mémoires 4.)
ch es sur les questions encore obscures, et ' avan t'tout, é : pcirgner
ce qui peut être épargné.
Il existe quelque analogie entre les sciences riaturelles et
l'archéologie: les unes comme l'autre détruisent les matériaux
d'étude qu'elles ,emploient. Un animal marin disséqué, Un
tumulus excavé disparaissent pour toujours: mais si le natu.
raliste dïspose d'assez d' e sujet.s pour les dépenser sans souci,
il n'en est pas de même pour l'archéologue vis-à- vis des restes
de l'antiquité: il est forcé de les traiter avec parcimonie,
autant par égard pour l'archéologie de l'avenir, qui vraisem_
blablement disposera de moyens perfectionnés pour tirer meil .
leur parti des fouilles, que par respect pour la mémoire de nos
aleux. ,/ ' ,
Si notre désir d'acquérir des connaissances pouvait être
satisfait par quelque autre moyen, nous devrions laisser en
paix les vieilles sépultures. ' .
- Par décision royale en date du 30 juin 1906, la loi accorde
aux musées des privilèges, mais leur impose aussi des charges.
, Avantages et obligations sont détaillés dans tine circulaire
du Département de l'Eglise et de l'Instruction, sous la forme
suivante qui résume les principales prescriptions de la loi.
, L'attention du public est appelée sur ce que, en vertu de la
'loi du 13 juillet '190Q, les monuments immobiliers de l'anti
quité et du Moyen-Age ne doivent d'aucune manière être
détruits, endommagés" modifiés ou déplacés par le propriétaire
,ou l'usager du sol, ni par 'toute autl~e : personne. Il est donc
, interdit de pratiquer des excavations dans les « haug » et dans
les « r~is ». "
, Lorsque, dans ie but d'exploiter le sol, ' un propriétaire fon
cier ou un usager désire entreprendre des travaux qui intéres-
sent des monuments anciens existant sur sa propriété, ou
lorsqu'il se propose de déplacer ces restes, (par exemple pour
les exposer dans un musée), il doit en faire la déclaration au,
Laodsmand ("'1), pour ce qualifié (dans les villes à la police),
et en - même temps fournir des renseignements sur les monu
ments visés et sur la nature des travaux qu'il-veut entrepren
dre.Il devra lui être répondu aussitôt que -possible, ét indi
qué jusqu'à quel point et dans que- lles conditions pourront.être
poussés les travaux. Si l'intéressé n'est pas satisfait de la
décision qoi, pour les monuments immobiliers du Moyen-Age,
est prise par la « FOl~.eningen tit. norske fortidsmindersmerkers
Bèvaring » (2), et, pour les autres monuments ' immobiliers,
par le musée pour ce qualifie suivant le district, il peut en
appeler au Département « de l'Eglise », et en dernier ressort,
aU 1'01. . .
Si, au cours de travaux d'amélioration du sol, le propriétaire
ou l'usager découvre des monuments immobiliers dont il n'avait
p 'as encore connaissance, il doit sans retard, ' aviser de sa
découverte le Landsmand (dans les villes, ]a police), et le
travail est arrêté au point où ont été rénéontré'èsles antiqui
tés, pour n'être repris que quand la « Fortidsmindesmerkersfo-
reningen n" (2) ou le musée pour ce qualifié ' intervient après
décision prise. ' ' -
. Si la conservation du monument conduit' à des dispositions
pouvant occasionner difficultés, dégâ ts ou peéles aù proprié-
taire ou à l'usager, il est accordé à celui-ci une indemnité à
régler à l'amiable, ou à fixer par les tribunaux.
De · plus- , la Foreningen til norske fortidsmindesmerkers
Bevaring, et les musées pour ce qualifiés ont le droit; après
avertissement aU propriétaire ou à l'usager, de - parfaire, sui-
vant arrangements, les travaux de conservation ou de recher.:
che d'un monument ancien. En' ce cas, le propr- iétaire ou l'usa~
(i ) Landsmand, administrateur de herred . canton.
(2) Association pour la conservation des anciens monuments norvégiens .
ger reçoit une indemnité pour tou t dommage qui pourrait lui
a voir été ca usé .
. En ce qui concerne les monuments mobiliers, la loi prescl'it
que quiconque, dans la terre, dans l'eau, dans d'anciennes
constructions ou dans tout autre endroit, trouve des objets de
Pantiquité ou du Moyen-Age, tels que: monnaies, armes,
instruments, meubles, bijoux, bateaux, ancres de bateau ou
fragments de pareils objets, pierres avec ins~riptLons ou figu- .
rations, devra, sans délai, faire connaître sa trouvaille. La
déclaration se fera au Landsrnand qualifié (dans les ville~,
à la police), ou au musée auquel la loi du 30 juin a constitué
droit et fonction pour les recevoir.
Ces musées sont:
Pour les « Stift )) ('1) de Kristiania et de Hamar, pour les
« Amt )) ( 2), de Bratsbert, de Nedenas, de Lister-et-Mandal,
le M usée de t'Université ; .
Pour l'Am t, de Stavanger, le Musée de Bergen et celui de
StalJanger ;
Pour le Stift de Bergen, le Mu-sée de Nergen ;
Pour le Stift de Trondjem, pour le N~rdre et S~ndre
Helgeland, à l'exception des cantons de Mel~, Rod~
et Lur~, la Société scientifique de Trondhjem ;
Pour le reste de l'Amt de Nordlan, et pour les Amt de
Troms~ et de Finmarken, le Musée de Tromsff.
Le musée qualifié apprécie la valeur de la trouvaille, le pro
priétaire du sol ou l'inventeur reçoit une indemnité qui, poor
chaque objet d'or ou d'argent, est fixée à la moitié de la valeur
métallique de l'objet, équitablement majorée de 10 0/0.
Si la trouvaille n'est ni d'or ni d'arg~nt et à défaut d'arran
gement à l'amiable, le litige est porté devant 1'« amtmand ))
(préfet) qualifié comme arbitre .
(1) Stift, évêché, mais aussi division administrative comprenant plu
sieurs départements ou préfectures.
(2) Amt, préfecture.
Si l'inventeur n'a pas fait déclaration de la trouvaille, ou si
le propriétaire du sol, d'une manière quelconque, ne s'est pas
conformé aux prescl'iptions de la loi en ce qui concerne ladite
trouvaille, il est déchu de tout droit à une indemnité.
Aucun objet d'antiquité de la Norvège ne peut sortir du
pays sans autorisation du Département de l'Eglise et de l'Ins
truction. Tou t contrevenan t à cette loi, toute personne recélant
ou conservant des objets d'antiquité, toute personne complice
de ces infractions à la loi, est passible d'une amende d'une à
5000 couronnes (1), et les objets en question, ou leur valeur
sont confisqués.
Conformément au paragraphe 2 de la loi, sont considérés
comme antiquités: .
a) Les sépultures quelconques établies sur le sol ou sous le
sol, telles que: gravhanger (2), gravkamre (3), stenlagninger
et stensœtninger (4), circulaires, ovales, quadrangulaires, tri
angulaires ou de toute autre forme (tingpladser (5), etc. ; tom
bes en forme de talus que ['on appelle skibnoster ou baad
stpr (6) ;
b) Les monuments de l'antiquité ou du Moyen-Age: bautas
tene (7), croix, signaux et choses de même nature;
c) Les inscriptions et figurations d'espèce quelconque, des
temps antiques ou du Moyen-Age, sur pierre, sur roche fixe
ou sur toute autre matière, telles que les hellerstringers (8),
les inscriptions runiques, les pierres seul ptées, les inscri ptions
en majuscules et en miniscules, lettres gothiques, etc. ;
(i) de 1 fI'. 4i à 7050 fl'ancs.
(2) Des erreurs ont pu se produire dans la transcription des inots nor-
végiens qui suivent. Bravhanger tertre funéraires .
(3) Chambres funéraires.
(4) Pierres debout disposées de diverses façons, croix, trian gles, cercles
en forme de barque.
(5) Cercles de Roches. . .
(6) Abris de navire, parfois avec sépultures.
(7) Menhirs, stèles.
(8) Roches à gravures.
d) Les habitations et édifices quelconques de l'antiquité et
du Moyen-Age, qui ùe sont pas légalement. employés ou uti
·lisés par des part.iculiers, ainsi que les fondations de murail-
les ou restes d'édifices des temps précités; . .
e) Les stations, les kjokkenm~dinger (1), les ateliers et
autres témoins du travail humain dans les temps préhistori-
ques ; . .
t) Les fortifications de l'antiquité et du Moyen-Age, telles
. que: murailles, talus, bygdeborge (2) et autr.es restes de
même nature, ou ce qu'il en subsiste .; ,
g) Les autres ruines, d'espèce quelconque, qui peuvent avec
raison être considérées comme datant du 'Moyen-:Age èt pré
sentant quelque intérêt pour l'étude de l'histoü'e ancienne du
pays. . "
Les monuments compris sous les paragraphes d et {[habita
tions et édifices du Moyen-Age] sont placés sous le contrôle de
la Société Archéologique de Kristiahia et de ses filiales. .
Tous les autres mon uments ressortissent des musées précités~
Les dispositions de cette loi assurent aux monuments une
protection depuis longtemps désirée; elles ont été accueillies
·dans le pays avec une vive satisfaction: à l'étranger elles ont
éveillé une flatteuse attention; . '
Mais une protection de bien plus haute valeur est le chaud
intérêt que les personnes les plus intelligentes des districts~
hommes et femmes, attachent depuis longtemp~ aux restes du
passé, intérêt qui va croissant à mesure que se répandent les
notions relatives aux époques les plus anciennes de notre
civilisation, et que de plus en plus on comprend que pour
enrichir nos connaissances des antiquhés norvégiennes, il est
nécessaire de rassembler ces antiquités dans des musées.
(Communiqué par M. le Commandant LE PONTOIS.)
(i) Amas de débris de cuisine.
(2) Borgs bâtis::: retranchements.
DE'UXIÈ E ·PART'IE
Table des Mémoires publiés en 1913
Pages
Les Mégalithes de la commune dé Spézet par A.
JARNO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
II. Les tumulus· du Ruguello en Trézény (Côtes-du-
Nord) par ~. MARTIN et l'abbé PRIGENT ...... . 6
III. Eglises ' et Chapelles du Finistère par le Chanoin~
PEYRON (CanLon de Lanmeur) (suite) .. , ..... . 20
IV. Première contribution à l'Inventaire des monu-
ments mégalithiques du Finistère' par AIL
DEVOIR .. ' ........................ . .... 42-77-142·264
v. Norges Oldtid par G.' GUSTAFSON~ traduction du
Commandant LE PONTC)IS. Chapitre VIII. Con-
servation des monuments; dispositions de
la loi ............. , ......................... ~ 47 .
VII.
VIII.
Danvez Gériadur. Màtériaux pour compléter les
Dictionnaires Bretons-Français par G. ESNAuLT 55-110
Note SUI' la Chapelle et le Calvaire de Perguet en
Bénodet par Ch. CHAUSSEPIED ... " " ..... " .
Note SUI' l'Arc de Triomphe de Sizun par Ch.
CHAUSSEPIED .. , ..... ' . " ... ....... .. . . . .. .. .. 74
IX. Le Cahier du Seigneur de Roslan par L. LE
GUENNEC lOlO ~ ". 85
X. Notice sur les Seigneuries. de la Roche-Helgo-
marc'h, Laz et Botiguigneau par R. DELAPORTE . 155
XI. La Révolution en Bretagne. Les Derniers Mon-
tagnards 1795 par PR. HÉMON.. . ........... ; 177 ·271
XII. Etudes sur le. Cap-Sizun. V. NoLiee historique
sur la Seigneurie de Lezoualc'h e:r;t Goulien et
ses Anciens Seigneurs par D. BERNARD. . . . . . 193
XIII. Pêcheurs cornouaillais et XV· siècle par H.
W AQUET.. lOlO......................... lOlO..... 249
XIV. Le Marquis de PontIez, légende par le Chanoine
PEYRON .... ..... .
261