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Bulletin SAF 1912


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Le dolmen de l’isthme de Kermorvan, en Ploumoguer et ses gravures

Capitaine de frégate A. Devoir

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1912 tome 39 - Pages 105 à 119

en Ploumoguer .
ET SES GRAVURES

Le monument qui fait l'objet de la présente note est situé à
l'extrémité orientale du massif rocheux de Kermorvan ; il do-

mine de quelques mètres l'isthme étroit qui le réunit à la
terre ferme. .

. La presqu'île de Kermorvan fut, au temps de la civilisation
mégalithique, un centre monumental des plus importants;
deux énormes dolmens en occupent encore - la partie moyenne,
ou deux menhirs debout et trois autres renversés indiquen t
l'emplacement d'un cromlech elliptique, mutilé vers 1830;.
plus à l'Est des alignements orthogonaux sont nettement jalon­
nés: puis, sur tout le plateau qui porte ces monuments, des
restes épars, de nombreux éclats de silex bien caractérisés et
des fragments de poteries. ,
Les abords de l'isthme, vers l'Ouest, sont dominés par des
retranchements d'époques diverses, à superpositions incon­
testables; c'est lors d'un remaniement effectué en 1898 que
fut remis au jour un dolmen à galerie de dimensions modérées,
mais tirant une très grande importance de l'ornementation de
ses supports.
Au moment de la découverte, la chambre mégalithique était

partiellement obstruée par du sable et des pierres provenant

sans nul doute du galgal primitif; elle n'est encore que très
incomplètement déblayée du côté de l'Ouest, et l'on n'en con­
nait pas l'entier développement: une tendance à l'atfaisse-

- 106-

ment se manifeste d'ailleurs, et l'exploration du fond du
dolmen nécessiterait un assez sérieux étançonnage .

Cet que f (rl) peut voiri du ,monument suffit toutefois à en
faire l'un des 'plus importants du Finistère, région où, surtout

dans le nord, les gravures pré4istoriques sont extrêmement
rares; les matériaux dont' les architectes' 'ïnégalithiques pou­
vaient disposer y sont pour la plupart très résistants: les grès

et quartzites du silurien et du dévonien, dans la presqu'île de
Crozon, les granits porphyrciïdes·dl.Î · Léon, pour ne parler que
, des cantons les plus riches en restes de l'ère monumentale,
se laissaient mal enta'mer par 'les ciseaux / et les burins, de
pierre et de bronze. ' ,, : ' ,., ..
" Le massif.de Kermorvanest au contraire cons,titué par des
assises de dureté modérée: ce sont des granulites gneissiques

passant par endroits à des micaschistes, d'uh travail encore

plus facile. ., ' .
Sur le versant Sud, la roche se présente en couches de 30
à 40 centimètres d'épaisseur, avec· pendage bien net vers le
ria du Conquet, tandis que dilllS les falaises tombant vers le

Nord l'aspect rappelle plutôt la texture de la granulite pTopre-
ment ·dite. "
Les tables du dolmen de l'isthme et tous les supports, sauf
un, sont de cette dernière espèce de roche; les signes gravés '
sur' les parois verticales sont espacés et de faible creux, il
n'eh existe pâs au'plafond de la chambre mégalithique:sa

faible ,hauteur au dessus du sol naturel" un mètre, 'eut don-
né'peud'aisance de travail à l'artiste préhistorique.
, Sur:le .support micachisteux les gravures sont, au contraire

très nombreuses; on y compte des lignes droites et des cupu-
les tr.ès profondes: Vuile d'elles a 3D millimètres de creux pour
un diamètre . de 60 millimètres au piveau de la paroi. ' .
Le gra,veur s'est donc donné libre carrière .là où la nature

de la pierre le lui permettait; sur les supports plus ' durs il
s'esfborné fi quelques cupules et traits bien , moins apparents:

. 107;-
ceci est un solide argument en faveur de l'opinion émise plus
haut que c'est à la dureté des roches finistériennes qu'il con­
vient d'a. ttribuer I~ rareté , des gravllres préhistoriques dans les
régions gréseuses, quartziteuses et granitiques du départe­
me. nt; ou plus exactement des arrondissements de Brest.et ·.de ,
Châteaulin. . .. , . . '. :.
Le dolmen de l'isthme de Kermorvan a été signalé pour la .
première fois par notre regretté président M. P~ul du Cha­
tellier qui a décrit et figuré, en 1903 (1), deùx des supports
ornés, ceux de l'extrémité orientale du .monument. .

. Un fait nouveau m'a engagé à reprendre l'étude de M ..
dolmen; "été dernier mon collaborateur et ami le comman- ,
dant Grandjean, en villégiature au Conql1et, trouva déblayé .
partiellement un support du côté Nord et· y distingua des
signes qui lui parurent des plus importants: nous les exami-. .

nâmes e. nsemble et je pus reconnaître que le croquis à vue du
commandant Grandjean se rapprochait beaucoup·de la réalité .
. Après mensui'ations et photographies, je fis part à la Société,
le 26 octobre 1911, de cette intéressante . découverte ; sur
laquelle je reviendrai plus loin. . .
. Je commencerai par .résumer mes observations pérsonnel­
les sur le dolmen et les gravur: es déjà signalées, m'excusant
par avance de revenir sur un sujet traité par M.Paul du
Chatellier: n'ayant en main qu'un court résumé de son élu. de,
je m'expose à reproduire en ce qui concerne les deux supports,

de l'Est, des remarques déjà faites :en tout cas les clichés et ·
croquis que j'ai pris à diverses époques compléteront la docu­
mentation existante sur ce groupe de mégalithes ornés, ' le

seuI.qui, à ma connaissance, ~it encore été signalé dans Je
Léon (2). . .

(i) « La pointe de KermOl:van en Ploumoguer, ses monuments, pierres
à cupules» (Mémoires de la Société archéologique du Finistère)
(2) A l'extrémi~é Est deyalignement de Keréven, en Plouzané, se voyait
il y a cinq ans une dalle micaschisteuse portant deux cupules; elle a

disparu. " '.

. 108 _ .

. 1. Le dolmen: description et hypothèses

, C'est un fait hors de doute que le dolmen de l'isthme était
ignoré des archéologues avant l'exécution des travaux d'e
terrassement ordonnés lors de l'alerte .de Fachoda: le cheva­
lier de Fréminville qui a décrit avec nombreux détails les.
monuments de'la presqu'île, n'en fait aucune mention. J'ai
moï-même reconnu, dès 1895, et visité à plusieurs reprises
dans le cours des années suivantes, cet important ensemble
mégalithique sans remarquer rien autre, aux abords de
l'isthme, que les retranchements et les restes d'une · longue et
étroite galerie, visible encore aujourd'hui et qui dominent
d'environ quatre mètres le dolmen à supports ornés.
De quelle époque datent ces retranchements qui recou-

vraient complètement la chambre mégalithique? . ,
. Faute d'explorations, toute réponse à cette question me ·
paraîtrait bien imprudente. ".
Ce ' qui est vraisemblable, c'est que la presqu'île, rédui t
naturel commandant un étroit chemin d'accès, a: du être, à
juste titre et depuis de longs siècles, considérée comme une'
position défensive de valeur exceptionnelle, et occupée comme
telle par les groupements humains qui se sont succédés dans
cette région.
A l'époque romaine son voisinage du port Staliocan dut lui
donner une très grande importance et nous. voyons encore, à
quelques mètres de l'établissement préhistorique, les ruines
d'une tour du moyen-âge surmontant une motte: au pied de
célIe-ci les retranchements du temps de Vauban, et, un peu

plus loin, les restes des batteries de la République et du
premier Empire.
Tout n'est donc, aux abords de l'isthme, que superposition,

et nous ne pouvons savoir si le précieux monument fut primi-
tivement recouvert d'un galgal plus ou moins conique, ou
enfoui sous des terres et des pierres accumulées pour ,barrer

~ 109-
l'isthme de part en ' part: l'existence-de -la galerie dont j'ai
parlé précédemment peut 'donner quelque valeur à cette
dernière hypothèse, qui laisserait entrevoir la possibilité
d'autres découvertes dans la masse du rempart.
Quoi qu'il en soit les éléments mégalithiques du dolmen ' de
l'isthme 'se présentent actuellement sous l'aspect suivant: la
chambre, orientée O.N .0.-E. S.E. est délimitée par quatre
supports visibles et deux tables : le support de fond, s'il
existe, est entièrement masqué par le sable : vers l'Est un
bloc de moindre hauteur que les autres supports appartient
incontestablement au monument: un deuxième qui a glissé
jusqu'au pied de la falaise, faisait peut-être partie de la
galeriè : il est à remarquer que le grain de celle pierre est
différent de celui des roches de fond sur lesquelles il repose
aujourd'hui.

Je désignerai, dans ce qui suit, le petit 'bloc de l'Est par la
lettre Ales autres supports du côté Nord par B et C, C étant
le plus à -l'Ouest; ceux du côté Sud par B' et C'.
B 'e1:6' correspondent à la table d~ l'Est, C et C' à la table

de l'Qllest. C'est presque complètement ensablé et je n'en
parlerai pas davantage, A, B, B' et C portent des gravures:
les deux tables en paraissent dépouvues.
Support A. Deux petites cupules, peu profondes, se voient
à la partie supérieure du bloc qui penche vers le Nord : il est
probable que les intempéries les feront assez rapidement
disparaître: leur existence suffit à montrer la liaison de ce
bloc avec les autres éléments du dolmen.
Support. B. Ce support a un développement de 110 centi-
mètres dans le sens de l'axe de la galerie; sa hauteur est
voisine de 90 centimètres.
Un groupe de huit cupules bien nettes occupe la partie Ouest
de ce mégalithe; une autre est douteuse sur la partie Est.
Ces cupules sont à peu près circulaires: trois d'entre. elles
ont 6D millimètres de diamètre, une DO millimètres, deux 40

f10
'niillîmè'tres, deux2a 'millirriètres'; lès distances des 'Centres
de deux cupules voisines, ' comptées suivant. des lignes ' peu
'inclinées 'sur l'horizontale varient de -[2 à 26 centimètt'es ; lès
profondeurs sont comprises entre 4 millimètres et ' 26 inilli-
mètres~' '. " .
" Le tableau ci-dessous ré' sume d'ailleurs les dimensions de

ces· cavités suivant les deux axes tracés sur la vue n° 1, . qui.
. : portè des lettres in'dicatrièes en corrèspondanceavec lui.

a hauteur
7 cjm
largeur
a cjm Q
creux
1 cjm 5

b 7,a .

c a,O

3,a 0,7

.6,0. . 6,0 20

5,0· a,5 1,0

4,0 0,5

h .4,0 4,0 0,5

l'w. L Le SUppOl't E, d'apl'ès cl'oquis et .clichés de l'auteul'.

L'éc,helle est indiquée sur les deux axes (Voir pLanche 1, fig'ure 2) .

, 111 _.

Support B. Les gravures de ce support sont beaucoup
pl us nombreuses et im portan tes que celles du précéden t.
M. Paul du Chatellier y a reconnu « n8 cupules rondes de

dimensions et de profondeurs différentes, :2 très grandes cupu-
les oblongues, et 13 lignes droites plus ou moins longues, peu
profondément gravées, parallèles ou se coupant· à . . angle
droit (1). » "
Certains d. e ces sign~s sont peu .apparents et se confondent
par endroits avec des rainures ou stries, naturelles ou prove, ­ nant d'un premier trava.il de dégrossissement du, ' bloc : j'ai

dessiné la vue de la figure :2 d'après des croquis sur l'original '

et divers clichés très soigneusement ex~minés : l'~troitesse de

la galerie ne permet d'ailleurs pas facilement d'obtenir ep

même temps un bon éclairage de tout~s les .partiés du sup-

port, et un recu 1 suffisant. : .1
La vue précitée figure n4 cupules et 13 lignes droites,
. à mon sens d'existence indiscutable : certaines cupules sont

isolées, d'autres 'associées à des 'lignes. Les ' gravures sont
réparties sur presque toute la surface ,du support : deux
régions seules en sonLdépourvues, l'angle de gauche (Est)
vers le haut, et, à la partie inférieure, aux environs de la
verticale milieu, le bord gauche d'une bosse saillant forte­
tement sur le reste du bloc.
Cette bosse présente d'ailleurs une texture différente de

celle des parties voisines, on y remarque un gros cristal qui
parait être du feldspath ; c'est dans cette saillie qu'oht été
creusées les cupules les plus profondes et les plus régulières:
l'une d'elles, pour 60 millimètres de diamètre pénètre de 3n
millimètres dans la pierre. ,

, Le reste du support est à peu près plan et à surfaces douce-
ment arrondies vers les bords. .. " '
Les signes les plus importants sont incontestablement ceux

(1.) cc Les Epoques préllistoriques et gauloises dans le Finistère, »

FIG. 2.

1f2

Le support B' (paroi St/d) d'après croq uis

et photographies de l'auteur.

113

qui comprennent à.la fois des cupules et des lignes droites :
deux d'entre eux sont particulièrement remarquables: '
10 à la partie haute 3 lignes figurent nettement une hache
bipenne très allongée et son manche; une cupule est creusée
à J'extrémité du tranchant gauche: deux lignes verticales peu

distinctes descendent du tranchant droit;

à la gauche du support une ligne presque droite traver-

sant deux cupules et se prolorigeant bien au-delà de la plus
basse pourrait être la représentation d'une épée ou d'un
poignard : cette hypothèse parait renforcée par l'exis­
tence, de part et d'autre du trait principal, d'un trait
court qui lui est · perpendiculaire, et figurerait la garde de
J'arme.
Deux a'utres signes composés restent encore plus incertains:
llun, à droite et en haut est formé de deux cupules reliées par
un trait vertical, le second comprend une très grande et très

profonde cupule avec deux diverticules dirigés vers la droite

et vers le haut: celui-ci est coupé par une petite ligne hori-
zontale, paraissant aboutir à une cupule. . " .

Le support B' dépasse actuellement le .sol de 90 centimètres
sa largeur maxima est de 75 centimètres; il n'a guère plus de
25 centimètres d'épaisseur moyenne. . .

Support C. Ce support semble avoir fléchi vers le Sud- ·
Ouest; ce déplacement a eu pour conséquence un commence­
mentd'affaissëment de la table correspondante :les traits dont
il est orné ne .sont plus verticaux, mais inclinés d'une ving-
taine de degrés sur la direction du fil à plomb. '
La partie basse est enfouie dans le: sable, on ne peut actuel­
lement voir que l'angle supérieur droit du bloc et Je .. milieu:
les signes qui y sont tracés ,font 'regretter qu'une exploration
plus profonde soit dangereuse .et risque de provoq. uer . un

complet effondrement.

Je crois tout d'abord devoir reproduire le premier croquis

BULJ.ETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO .... TOME XXXIX (Mémoires 8).

-114 -

que m'adressa le Commandant Grandjean (1), le 23 septem­
bre 1911, et les réflexions qui l'accompagnaient.

(SUPPORT C)
table

1 1 1 1 /
1 1 1 /

a l'e

---------sable -------

FIG. 3. Fac simile du croquis du Commandant Grandjean .

« J'ai pensé, m'écrivait-il à cette dat~, qu'en m'enfonçant
« un peu sous terre et en grattant le sable, je découvrirais,
« peut-être des cupules et des rigoles semblables à celles que (
« vous avez photographiées à plusieurs reprises. Mon étonne-
« ment a été grand en voyant apparaître une figure régulière,
« qui n'est pas sans analogie avec certaines sculptures signa-
« lées dans le Manuel d'Archéologie de Déchelette et qui
« pourrait bien être une représentation grossière de la figure
« humaine. »

Les photos et croquis que j'ai pris quelques jours plus tard

montrent l'exactitude du dessin du Commandant Grandjean:
ayant creusé un peu plus profondément, le t er Novembre
suivant, j'ai pu constater que les lignes de et gl ("fig. 4) se pro-

(i) Voir ci-dessus, fig'. 3.

Tft.

ta hl e

lot

S q b l

FIG. 4. - Support C

Echelle de 1/10

a, b, cupules de:32 ",/m de dia-

metre.

fis - .

longeaient jusqu'à deux cupules, et que l'ensemble de l'orne-
mentation comprenait, pour la partie visible du support: cinq
lignes droites, dont deux, de et gr, perpendiculaires à une troi­
sième ge et deux autres, ' hi et ik, se coupant sous un angle
assez aigu; une courbe mn, et au moins six cupules de pro­
fondeur médiocre.

Les deux genres de signes sont encore ici associés, comme
ils le sont sur le support B'. .
La position du support C rend difficile l'investigation photo­
graphique: j'ai dû, pour obtenir des clichés assez nets, estom.,.
pel' légèrement, avec le doigt frotté sur de la craie, les traits

et les cupules. La prise de croquis est de même peu commode
et je ne veux pas prétendre que les signes de la fig. 4 sont
les seuls existants sur la surface visible du support: mais je
puis affirmer qu'ils existent. Je compte reprendre d'ici peu de

nouveaux clichés, dans les meilleures conditions possibles ·
d'éclàirage ; il faut bienreconnaitre que la situation du sup­
port C s'y prête assez mal .

Une interprétation de ces gravures
. est'!""elle possible '1
Les cupules sont de toutes les manifestations de l'art préhis­
torique, celles qui peuvent le moins nous documenter sur la
pensée suivie par leur graveur et sur l'époque possible de
leur exécution.
En dépit d'hypothèses nombreuses, le plus souvent stellai­
res, les cupules sont des traces évidentes, m' ais indéterminées,
de travail humain, et rien de plus.
Il en est tout autrement quand l'ornementation des méga­
lithes comprend des lignes, mélangées ou non aux cupules :
tel est le cas des supports B' et C, les seuls dont je m'occupe-

raI ICI.

-117 -

Gravures de fi'. On peut se demander tout d'abord si les
signes des deux genres ont été gravés à la même époque ou .
s'il y a eu superposition et utilisation ultérieure de cupules
préexistantes.
Cette manière de voir n'est pas insoutenable si l'on veut
bien remarquer que des cupules sont intercalées dans les des­
sins de la bipenne et du poignard .
. S'il en est ainsi c'est la pensée du second artiste, et cette
pensée seule, que nous pouvons chercher à pénétrer.
Ces deux figurations, bipenne et poignard - , nous
permettent de formuler une hypothèse sur l'époque où elles
ont pu être tracées
La bipenne, très allongée et à tranchants peu développés

en largeur ·ne représente vraisemblablement pas une hache
marteau en pierre, mais bien plutôt une arme métallique
formée soit d'une seule pièce, soit par l'emmanchement de
deux haches à douille sur Ulle même traverse. L'aspect de
cette figuration, si différente de toutes celles où les graveurs
préhistoriques ont pris comme modèles des haches de pierre
à larges tranchants, place l'ornementation du support B' en

pleine époque du bronze.
L'existence du tracé d'une arme d'estoc, munie d'une garde,
sur le , même support est un solide argument dans le même
sens.
Le dolmen de l'isthme de Kermorvan aurait donc été orné

au morgien ou même au larnaudien : devons-nous en être
étonnés'? Aucunement. L'allée couverte du Mougau porte
également des figurations d'objet.s métalliques ; la présence
. de haches polies dans les couches archéologiques des grands
dolmens de Locmariaker ne saurait, d'autre part autoriser à
faire remonter leur construction jusqu'au néolithique. Callaïs
et jadéïtes sont des minéraux introduits dans nos régions par
voie de terre, en même temps que le bronze; les monuments
qui en renfermaient sont simplement, à mon avis, du temps

du bronze « antéphénicien » c'est-à-dire antérieurs d'environ
dix siècles à l'ère actuelle.

Des fouilles pratiquées dans le dolmen de l'isthme de
Kermorvan pourraient donner d'utiles renseignements à cet
égard; je ne pense pas qu'il en ait encore été fait.
Gravures de C. Le problème est ici beaucoup plus ardu.
Certes l'impression ressentie par le Commandant Grand­
jean est à première vue très séduisante, mais je ne retrouve

pas, à un examen approfondi cet « air de famille» commun à
toutes les gravures des grottes artificielles du Petit Morin,
ainsi qu'aux supports ornés et aux statues-menhirs du Gard
et de l'Aveyron.
Je ne vois pas davantage comment les gravures du sup­
port C pourraient se relier aux restes précités de l'art méga­
lithique, ni comment elles en pourraient en dériver.
Le Commandant Grandjean n'avait distingué que deux
cupules; il en existe au moins six, dont deux aux extrémités '
des deux parallèles. Les premières figurent-elles des yeux,
les autres des mains au bout de bras représentés par de et gr;

les traits convergents sont-ils une esquisse de nez ou de lame
de poignard; l'ensemble est-il une figuration sexuelle?
Dans l'état actuel de nos connaissances, la plus élémen­
taire prudence commande le silence.
Ce qui est certain c'est que cette ornementation diffère
notablement comme allure générale, de ce que nous montrent
les dolmens du groupe de Locmariaker, et que nous nous
trouvons en présence d'un motif nouveau pour nous.
Comme je l'ai dit plus haut, je compte d'ici peu en repren­
dre l'étude, et livrerai le résultat de me, s recherches à la
sagacité de nos collègues. .

Epilogue
Le dolmen de l'isthme de Kermorvan, malgré les mutila-

tions subies, reste l'un des plus intéressants du Finistère.

119

Notre regretté président a émis un vœu pour sa conserva­
tion : actuellement encore ce monument n'est pas sauvegardé.
Des classements ont été jadis effectués dans la presqu'île,
mais antérieurement à 1898 : les textes officiels sont d'ailleurs.
d'une rare imprécision. Nous ne pouvons que demander
l'intervention du département et de l'Etat: j'ai, il y a trois
ans, agi dans ce sens, mais ignore les résultats de l'enquête

commencee.
Il importerait, en tout cas, que le dolmen fut défendu contre
les fouilleurs d'occasion que l'été attire, assez nombreux, dans
la région et qui pourraient compromettre par des excava-

tions imprudentes non seulement leur propre existence, mais
aussi l'équilibre, peut-être très fragile, des tables et des
supports. .
Brest, 2.? avril 1912
ALI". DEVOIR .

III.

DEUX·I· E
, E . PARTIE

Table dés Mémo, ires publiés en 1912

L'Histoire de Cornouaille d'après un livre récent
par M. ANDRÉ OHEIX ......................... .
Les fusaïoles en pierres ornementées du dépar-

Pages

tement des Côtes-du-Nord, par M. A. MARTIN . . J 25
Eglises et. Chapelles du Finistère (suite) (Canton

de Morlaix), par M. le Chanoine PEYRON ..... . 38
Les Saints Bretons et les Animaux. Etude
hagiographique et iconographique, (suite, voir
T. XXXVIII) par M. le Chanoine ABGRALL ..... 51-267
V. Notice sur la Chapelle Saint-Jean Balanant, par

M. CHAUSSEPIED.. . . . .. ...................... 60
. VI. . Les Mystères bretons de la Bibliothèque de Les-

quiffiou, par M. LE GUENNEC . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
VII. Le dolmen de l'isthme de Kermorvan, en Plou­
moguer et ses gravures, par M. le Capitaine de

VIII.

frégaLe A. DEVOIR ........................... .
Remarques sur certaines étymologies citées par

M. H. -P. HIRMENECH dans son ELude sur le
Men Letonniec, Monument Celtique de Locma­ riaquer (Morbihan) par M. le Dr PrCQUENARD ..
Le Tombeau de Saint-Ronan à Locronan, par

Conrad Echer, traduction de l'allemand par M .
105

120
l'abbé PHILIPPON. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
X. Le Trésor découvert à Runabat, en Tourch (Fi-
nistère) par M. de VILLIERS DU TERHAGE . . . . . . 155
XI. Vestiges gëUlo-romains de Lansaludou, en Gui-
lers-Plogastel, par M. Le Chanoine ABGRALL. . 161

XII. Rannou Trélever, (légende et histoire) par M.
Louis LE GUEN NEC.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

XIII.

Esquisse biogr~phique de M. Gabriel-Honoré de
Miollis, 1758-1830, Préfet du Fir1jstère\ sous ·le
premier Empire de 1805· à 1812, ' tiré du livre
de raison de M. Francis Saint-Pol-de":Léon de

Miollis, son fils, écrit en 1865., . . .. , , . , , . , ,.' 179
XIV. Les Anciens Seigneurs de la Coudraye, en Tré­
méoc, par M. le Ct

le NEPVOU DE CARFOR'l' ... 201-240
XV. Témoins mégalithiques . des variations des
lignes des rivages armoricains, par M. le

Capitaine de frégate A. DEVOIR, .... , ,', , . . . . . . 220
XVI. La coiffe bretonne, par M. LE CARGUET . . . . . . . . 283

:'.. . .. . " ott .. " oC