Responsive image
 

Bulletin SAF 1912


Télécharger le bulletin 1912

Les Mystères bretons de la Bibliothèque de Lesquiffiou

L. Le Guennec

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes

Société Archéologique du Finistère - SAF 1912 tome 39 - Pages 65 à 104

DE LA

" " BIBLIO-rHÈQUE DE LESQUIFFIOU

Le plus considérable fonds de papiers de famille qui
soit aux Archives départementales du Finistère, . et qui
"ne comporte pas moins, paraît-il, de lt)O cartons ou lias-

ses, provient . du château ' de . Lesquiffiou (en Pleyber-
, Christ, canton de Saint-Thégonnec), saisi nationalement sous
la Révolution comme bien d'émigré. Une telle perte eût ruiné
sans rémission tout autre chartrier seigneurial. Cependant,
les archives de Lesquiffiou offrent encore des débris fort res­
pectables de leur opulence ancienne, et Mme la marquise
de Lescoet, que notre Société a l'honneur de comp~er . parmi
ses membres, s'occupe en ce moment de faire classer et inven­
torier les très nombreux titres échappés à la râfle révolution-

naire. Les travailleurs pourront trouver dans ces archives
d'appréciables renseignements sur de vieilles familles léonai­
ses, et même des pièces d'un haut intérêt historique, comme
ce précieux dossier relatif au comte de la Magnanne, le ligueur
,célèbre, que M. du Cleüziou a publié en 1904 dans le Bûlletin
de la Société d'Emula.tion de Saint-Brieuc, après l'avoir exhu­
-mé d'une des armoires 'de Lesquiffiou,' où il dorm'ait confondu
: avec les paperasses jaunies et les parchemins gothiques. L'a·
mabilité de Mme de Lescoet m'a permis de faire récem­
ment, dans la bibliothèque de son château, une trouvaille
,d'un autre genre, mais qui a aussi sa valeur, et qui sera cer-
tainement bien accueillie des celtisants. C'est celle d'une col­
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. '" TOME XXXIX (Mémoires 0).

lection de vingt-six mystères, tragédies et manuscrits bretons,
acquise sans doute par feu M. le marquis de Lescoet,décédé en
1871, père du propriétaire actuel de Lesquiffiou, et de son vi­
vant bibliophile émérite. Cette série semble être la plus riche
collection particulière de pièces théâtrales bretonnes qui exis­
te, si l'on s'en rapporte à la liste donnée par M. Anatole Le
Braz (1). Il possède lui-même quinze mystères manuscrits;
M. Vallée en a quatorze; M. de la Borderie en avait trois .

D'autre part, M. Picot possède quinze « tragédies», provenant

toutes de la médiocre fabrique morlaisienne de Jobic Coat (2) .

La collection de Lesquiffiou, jusqu'ici complètement Ignorée,
l'emporte donc, et de beaucoup. avec ses vingt-six numéros.
Grâce à l'extrême obligeance de Mme la marquise de Lescoet, à
laquelle je ne saurais trop témoigner ièi ma respectueuse gra­
titude, j'ai pu feuilleter à loisir les manuscrits bretons
de sa bibliothèque et y prendre les notes nécessaires à la ré­
daction d'un état descriptifde cette collection pour notre· Bulle-
·tin. Il est, d'ailleurs, d'autant plus utile de signaler les mys­
tères bretons de Lesquiffiou que Mme de Lescoet serait.disposée
à faciliter à tout travailleur sérieux les moyens d'en prendre
communication et d'en tirer parti dans l'intérêt des études
celtiques. .

A deux ou trois exceptions près, la collection de Les-

quiffiou paraît. avoir une provenance unique et avoir été
acquise d'un seul bloc. Presque toutes ses pièces sont, en effet,
contenues dans des cartons de confection identique" et prése,n­
. tent une même cote d'inventaire, datée du 10 décembre 18Q7.
Comme ces manuscrits ont une origine lannionaisé établie sans

(1) Théâtre Celtièjue, 13ibliogTaphie, pp. 519-523.
(2) Revue Celtique, t. V. p. 330. Le Gofflc cite aussi: (L'Ame Bretonne. t. I.
i902, p. 278) « la collection que M. Léon Bureau, de Nantes, acquit à la ven­
te de Je:m-Marie Le Jean, instituteur et poète brelon »

conteste par lès ex..; li bris q 'u'iIs portent, on est amené à sup­
poser que leu'r collecteur fut M. de penguern, le glaneur infa­
tigable de vieux chants et de traditions populaires, qui laissa
en mourant un ensemble de ,plus de deux mille complaintes et
légendes bretonnes recueillies par lui aux environs de Lan­
nion. Ce' qui subsiste de cette moisson précieuse forme aujour­ d'hui sept volumes (Nos89-95) du fonds celtique de la Biblio­
thèque Nationale, mais le, s mystères n'y sont représentés que
par dèux spécimens, la Vie de saint Garand et celle de saint
GuÛwlé.Il serait cependant étrange qu'au cours de ses bat-

tues, si fructueuses à tant d'autres égards, à travers les can-
tons de Plouaret, Belle-Isle-en~Terre, Plestin, Bégard, ter­
res d'élection de la Muse théâtrale bretonne, M. de penguern
n'eut réussi à découvrir que trois exemplaires de ces productions
dramatiques dont il ne se désintéressait sûrement pas. Les deux
premiers sont les Vies de saint Garand et de saint Guénolé
nommées plus haut; l'autre est une Vie de sainte Hélène qui

fa it partie de la collection de LesquifIiou, eL sur les marges de
laquelle le savant folkloriste a maintes fois apposé son cachet:

J.-M. de Penguern, arocat à [jannion. Bien que les autres
manuscrits n'ofIren t pas le même ex-libris, il est permis
de croire qu'ils lui ont également appartenu, dti moins en ma­
jeure partie. M. de Penguern étant décédé le '12 août
18~6, ses livres durent être vendus l'année suivante, et c'est
ainsi que sa collection de mystères entta presque en tièrement
dans la bibliothèque du marquis de Lescoet, où elle devait
sommeiller, inconnue à tous, durant un demi-siècle.

Des vingt-cinq manuscrits qui la forment (deux des mystères
sont sur un seul cahier), huit seulementremontent au dix-hui­
' tième siècle et la pl us ancien ne date est, 1757. Par ail-

leurs, notre confrère M. l'abbé de RoquefeùiI a bien vou-
lu me confier u'n mystère de la Résurrection qu'il possède
et qui fut rédigé en '17'19. Je le décrirai plus loin.
Le dix-neuvième siècle est représenté par dix-sept manus-

o fi8 ~

crîts. Douze de ces derniers sont de la mê'me main, d'une jolie
écriture aisée et nette de scribe professionnel, et d'une belle

ordonnance, avec des titres et des indications scéniques soi-
gneusement calligraphiés. Il est très possible q\le M. de Pen-

guern ait fait transcrire, par un copiste à ses gages, ou un 0
sien commis, les anciens mystères qu'on lui prêtait. Enfin,
les cinq autres sont d'écritures différentes. 0

Pour donner à la description de ces pièces 0 un ordre

rationnel, je les ai partagées, selon la méthode de M,
Anatole Le Braz ('1) en quatre cycles : cycle de l'An­
cien Testament; cycle du Nouveau Testament, renfermant
l'histoire du Christ et celle des apôtres; cycle des Saints;
cycle des romans de chevalerie. Le théâtre comique y est aussi
Jieprésenté par la bouffonnerie de Ruez Sant Malargé. .

:li: :li:

CYCLE DE L'ANCIEN TESTAMENT

o (1) La Création du monde et le Déluge Universel

XVIIIe siècle, in-folio papier; 264 pages; demi-reliure.

Le premier feuillet manque à sa place; il a été reporté en­
tre les pages 22 et 23 ; il porte ce titre:
ff Istoar deus a creation ar bet man, a formation an den
hac e vué, al' hentan philosof a oa A dam hac e varo, cà bué al'
proffet Enoch hac ELLy, an delug, a vué Noë hac e varo, a
commancet da scri/an antry voarnuguent deus a vis gouelen
en bla mil seiz cant eiz a pevoar ugent. Ar .' quintan proloc a
o commans breman, scri/et gant Joseph Guegan deus a guer
Lannion eri paroas Sant J a , n ar Valy, deus a RuK ervarùi. ))
Vers alexandrins. Les pages 27-28 manquent. . .,

(t) Théâtre Celtique, p. 272.

Ce mystère est en deux journées: la première compte cinq
actes et autant de prologues, mais la division en actes n'exis~
te plus dans la seconde. L'épilogue (al' qu,inta impiloc) de la
première journée contient cet appel à la 'générosité des audi-

te urs :
c( Enfin, davantage, j'ai encore la hardiesse de venir vous
prier de la part des acteurs, si vous venez tous de nouveau
nous voir dimanche comme humblement de cœur vous êtes
suppliés, d'apporter chacun avec vous une pièce de six réaux.

Des pièces de douze sols, des rouleaux de deniers, des pièces
de deux sols ne seront pas refusées, pour nous aider à souper
ensuite. Et vous, compagnons, si vous voulez boire aussi une
goutte avant de nous séparer, nous trinquerons avec vous de
bon cœur. Aussi quiconque manquera est prié d'en envoyer trois

ou quatre autres pour remplir sa place. Enfin, je dis adieu, sans
adieu cependant. A vous revoir dimanche si vous nous faites
cette grâce-là, car la nuit vient et elle s'approche vite. Il est
temps que chacun prenne congé.» (pp. 116-1'17). .
M. Anatole Le Braz a donné une analyse de ce mystère (1).
Les passages traduits par lui se retrouvent identiques dans le
présent manuscrit, et la naissance de Caïn et d'Abel a lieu
aussi sur la scène. Pourtant le tableau de l'invention des
arts par Tubalcaïn et Jubal forme ici l'entrée ~e la seconde
journée, au lieu de terminer la première. ' ,
Le dernier impiLo'c est suivi d'une excuse en vers du copis­
te à l'adresse du lecteur. « Mon ami lecteur, lui dit-il, je de­
mande excuse de toutes les fautes qui ont été faites ici, car
si vous lisez tout, vous trouverez, je crois, que c'est lçmg et
difficile à comprendre. Mais si celui qui l'a composé demande
excuse, moi qui l'ai copié je dois en demander aussi, car j'ai
certainement bien moins d'esprit que n'en avait l'auteur.» (p.
261). Cette humble déclaration èst signée: « Joseph Guegan,

(i) Théâtre Celtique, pp. 273-278.

o serviger amabI, dous a gracius deus a guet' Lannion, paroas
Sant Jan ar Valy, deus arru Kervaria el' bla mil seis cant
eiz a. pevoar uguent a pempvetde deus a vis guengolo », puis
vient la triomphante formule par quoi, selon M. Le Braz, se
terminent presque tous , les manuscrits. : Finis coronat opus.
Joseph Guegant a donné là un assez rare exemple de rapidité,

en transcrivant son mystère en moins d'un mois et demi, du
23 juillet au 5 septembre 1787, soH une moyenne de six pa-

ges par Jour.

(2) La Vie des Patriarches Jacob et Joseph

XIX

siècle, in-folio papier, 173 feuillets; non relié.
Cette tragédie et celle de Moïse qui lui fait . suite, se trou-

vent sur le même cahier. La première s'étend jusqu'au folio

78. Le commencement ma'nque; on a réservé trois folios

blancs pour pouvoir à l'occasion compléter le manuscrit, qui

débute à la troisième scène par une tirade d'Azer. Les indica-
tions scéniques sont en français. On n'y trouve ni prologues

ni épilogues, ni division en actes et en journées. Le texte est
écrit avec soin, entre de belles marges; les noms des person­
nages sont en grosse ronde soulignée de forts traits de plume,

ainsi que le mot initial de chaque tirade. Vers alexandrins .
Voici le début de la scène où paraît le Pharaon (fol. 14 verso) .
(( Sc'eine. ",' Pharaon Roy Degipte et suite, savoir le Roy de
Pharaon et deux page, le prince Putifar et sa suite, le som­
melier et les héraut, le premier anhanteur (magicien).» ,
. Le Roi parIe:
Mon nom est Pharaon. comme je l'entends, roi et souverain
des Egyptiens. J'ai été le vainqueur de toutes les nations qui
sont présentement sous l'horizon. Je possède un grand nom­
bre de pr' ovinces, de manoirs, de beaux châteaux, de juridic-

tions. Les rois même rendent loi et hommage à la couronne

d'Egypte par la vertu de mon courage. J'ai porté la guerre en

Maison Potami(sic)en Sichen, en Chanaan, en Gessen, en
s yrie. J'ai 600.000 soldats vaillants dans mes armées~ sous les
ordres de mon intendant et de mes commandants. Mars , me se­
conde et je frappe mes ennemis comme la foudre. Dans les plus

grands dangers j'expose ma fortune; peu m'importe pourvu
que je sois vainqueur. Je crois et j'espère qu'un temps vien­
dra où je conquerrai le monde entier ... ))
M. Le Braz a comparé (1) la version littérale d'une scène

de la Vie de saint Guillaume à la traduction fortement embel-

lie et « roman tisée » qu'en donne Emile Souvestre dans ses
Derniers Bretons. Le même rapprochement serait .curieux à

établir pour la scène où Joseph résiste aux séductions de la

princesse Putiphar ou plutôt, comme la désigne le mystère, de

« Madame le Putifar». On y rrouverait un nouvel exemple d~
ces adroites sollicitations de textes, fort en honneur dans la

première moitié du dix-neuvième siècle et qui noUs ont valu,
entre autres , œuvres, le fameux ' Barzaz-Breiz de M. de la

ViIlemarqué. Je me borne à comparer les quatre premières
répliques. " ' '
Texte-du Mystère '
Joseph entre; elle va lui
trouvé, et elle dit à Joseph:
Joseph, mon écuyer, pre­
nez votre épée et venez, s'il
vous plaît, vous promener
avec moi. Je trouve le temps
long quand vous n'êtes pas

opjet

en ma presence, vraI
de mon esprit. . '

Joseph parle
Votre bonté, Madame,

Texte de Souvestre (2)

La princesse

Joseph, prenez votre épée
et suivez-moi. L'air est pur

aujourd'hui, et votre pré-
sence me réjouit. ,

Joseph
Je suis prêt et à vos or-

, (t) Théâtre Celtique, pp. H2-11~7.

- (2) Les Derniers Bretons, éd. Calmann-Lévy, t. I. p. 235.

vÛ'us fait croire cela, et non
pas mon esprit ni ma capa­
cité; mais j'obéis ' à ce que
vous dites. Venez quand il
vous plaira là où vous vou­
drez.
La princesse parle

Joseph, mon ami cher, vos

regards admirables m'ont
charmée. Je n'y puis résister
~t je suis conquise par eux

. de telle sorte que je me trou·

ye comme en pflson .
Joseph parle
Madame, je ne sais de
quelle manière répondre à

votre preposition. Mes re- .
gards ne sont d'ordinaire
occupés qu'au service de la
maison, et non pas à un tel
effet.

dres, princesse . . ··

La princesse, le regardant

avec tendresse.
Joseph!. .. que vous êtes
beau! Vos regards me pren­
nent ; ils m'enlacent, ils
m'isolent de tout, et je suis
enfermée dans leurs l'avons

comme dans une prison .
Joseph
Princesse, je ne sais que
vous répondre. Mes regards
sont uniquement occupés de
mes devoirs, et ils n'osent se

porter vers vous .

(3) La Vie de Moïse

. Elle forme suite au mystère précédent (folios 78-173), et
n'& non plus de divisions en actes et journées, ni de prologues
et épilogues. Le titre est en français : L'~istoire .de Moyse ti­
rée de La Sainte Bible, de même qu~ les indications scéniques.
Lorque les'Juifs tra versent à pied sec la Mer Rouge, Pharaon
débouche sur leurs traces avec ses troupes et s'écrie: .
« La route est à nous comme à eux. Ils sont au milieu dela
mer. Sautons sur eux prestement, et cassons-leur la tête com-

me à des chiens enragés, pour leur apprendre à s'échapper
après nous avoir volés!
IL entre dans .l'a mer et il fit du tonnère
Le Putifar dit:

Grand Roi Pharaon, ne vous obstinez pas. Dieu s'est
tourné contre nous, et il protège Israël, ces mutinés ingrats.

Retournons tout de su~e et bien nous ferons.

Le Roi dit :
. Allons donc, Plitifar, faites vite reculer l'armée. Je tremble

de peur que nous ne perdions notre vie.

Dieu tout puissant dit à Moïse:
Tourne-toi encore vers la mer, Moïse, mon ami, pour voir la
fin de Pharaon. Lui et ses soldats doivent périr. Dans la Mer
Rouge il exhalera son dernier soupir, pour montrer au peuple,

dans l'avenir, que quiconque combat mes fidèles combat con-
tre moi.
La mer les étoufFent. (f

128r.)
Le dernier vers de ce texte breton est assez bien frappé:

IV ep a combat ma zut a combat am en cp ! '
L'action se termine à la mort de Moïse et à l'entrée des

Israélites dans la Terre Promise, sous la conduite de Josué .

CYCLE DU NOUVEAU TESTAMENT

(4) La Passion

XVIIIe siècle, in-folio papier, 237 pages, demi-reliure .

. Titre de la page i : ((Ar Passion a Jésus Christ ebars en
!orm a dragidien bresonnec, ar guentan prolog a commans,
rac se selevettan j). (La Passion de Jésus-Christ en forme de
tragédie bretonne ; le premier prologue commence; aussi
écoutez~le.) .

Ce prologue ne compte pas moins de 272 vers, distribués,
selon la règle, en laisses ou marches de quatre vers, ainsi
nommées paœe qu'entre chacune d'elles, l'auteur qui les dé-

clamait faisait une évolution sur le théâtre (1). La première
journée comprend deux actes. La seconde en a trois et débute
par un dialogue entre l'Ange de la Justice etl'Ange de la Mi­
séricorde ; puis vient la tentation de Judas par Désespérance,
fille de Satan, qui lui persuade que son crime ne peut être
. pardonné et que l'enfer seul lui offre un refuge. Judas dicte à

Satan son testament, cri de désespoir etde rage contre Dieu,
et se pend ensuite. Le dernier acte s'achève àla mort du
Christ. Vers alexandrins. .

" Dans l'épilogue'final, le porte-parole de la troupe, ' après
les interminables excuses d'usage, se plaint de la malignité
coutumière aux jeunes filles et semonce vertement celles
de l'auditoire: «( S'il vient des gens aux représentations (cam:

mediancho) pour bien com'prendre et pour s'édifier, je puis
assiIr~r qu':il en vient d'autres nous voir pour le plaisir de se
moquer de nous. Et Surtout les jeunes filles, qui .'dorment à

l'église,ne.sont pas aussidévotes qu'elles sont curieuses de venir
nous 'railler tant qu'elles peuvent, et de remarquer une· faute
quelconque des acteurs. Cependant, cela n'est pas d'un bon
exemple, de voir la jeunèsse si moqueuse, car les jeunes tilles
devraient être sages et parfaites, et n'agissent pas bien en se
montrant trop malignes. Aussi, jeunes filles, je vous prie d'a­
bandonner cette fâcheuse habitude, de peur qu'il ne finisse

par arriver quelque maI.. .. )) (pp. '234:-3;)).

A la page 32, nom de Claude 'Gode ; à la page 4:1, nom de
Gilone Le Buz. Aucun ex-libris ni date. '

. (5) . La Passion

XIX~ siècle, in-folio papier, 293 pages, demi- reliure .
. ' Le relieur s'est trompé et a interverti l'ordre des cahiers.

(i) Théâtre Celtique, p. 479

Après la page 93 vient la page 187. Les feuillets intermédiai~
res (pp. H4-186) ont été placés à la fin. Vers alexandrins.
Titre de la page 1 : Passion hon Salver Jésus-Christ. La
première partie ou journée du précédent mystère manque à
celui-ci, qui commenCé au dialogue des anges de la Justice et

de la Miséricorde, mais en revanche, il · comprend les sept
scènes de la Résurrection. Après le trépas de Jésus-Christ,
survient le Centurion, qui chasse les Juifs en leur reprochant

le crime dont ils viennent de se souiller. « Centurion, dit une
note explicative qu'il est inutile de traduire, a voa eur provost
bras evit ar polis dindan art impaLaër romen, pa-rtoutdre an
étendu deus an imparlae-rdet, da hout petra a vije a neve dre

ar broyou, bean voa philosoph bras, den savarita den, onest .

(p. 2DO). . ,
Les cinq actes de la Passion sont suivis (p. 2D1) de" la Des~

c9nte de Jésus aux Limbes (Disken hon Salve?' Jésus Christ
ellimbou da annons ho deliVloans da}'/; .Tadou A ct uniq.)

(6) La Passion .

XVIIIe siècle, in-folio papier, DO. feuillets environ, demi~
reliure. ,;
Ce manuscrit est dans le plus déplorable état et n'offre que

des débris. Les 32 premières pages sont lacérées en tout ou
partie. Il reproduit avec quelques variantes de peu d'impor­
tance le texte des deux mystères qui précèdent. L'écriture en

est nette et lisible. Au folio D7,onlit: Fait par moy, Michel
Jerry de Lannion, ce jour ... Après le' folio ·67 paraissent les
fragments d'une vingtaine de feuillets arrachés. . .
On a relié sous la même couverture les restes d'un autre

mystère encore plus màltrai~é, si c'est possible, tout rongé de
crasse et de moisissure ; C'est la Vie Je saint JuLien, ainsi
qiJenous l'apprend un « tr.oisième prologue)) demeuré à peu
près intact au milieu de lambeaux décomposés. Cette pièce es.t

d'allure toute guerrière, à en juger par les titres des acteurs: .
le duc, Je connétable, le capitaine du régiment chismatique,
le lieutenant, le sergent, les soldats catholiques, etc., et aussi ·
par leurs discours belliqueux en vers de six pieds. Un des sol­
dats déclare: .
... Gant ma hLeve luizant
A ma brech puissant,
Avec mon épée luisante
Et mon bras puissant

Jw. e ra cals a vaiUantis

E-veL un den gardis.
Er pen al' 1'égiment
Me gombatto vaiLLant.

Je fais force prouesses
Comme un homme intrépide
A la tête du régiment,
Je combattrai vaillamment.
L'auteur fait même parler ses héros en mauvais vers fran-

çais. A la page 32, on lit : «( Les trois soldats diront en-
semble:

IVos armes sont prêts

Nous ne manquerons jamais

Nous irons au Combat

Vaillants soLdat. ))
En français aussi sont rédigées les
Le sergeant vat en santinele. (p. 35).
indications scéniques:

(7) La Résurrection.

XVIIIe siècle, in-folio papier; non paginé; demi-reliure.
La couverture porte au dos .· ce titre fautif: Mystère de la,
Passion de N. S. J. C., mais il s'agit bien de la Résurrection.
Ce mystère est incomplet du commencement et de la fin. En
le comparant à l'exemplaire de M. l'abbé de 'Roquefeuil, dé-

crit ci-après, et dont il n'est qu'une copie à peu près littérale,
on voit qu'il lui manque le prologue initial, la première scène,
les derniers vers de la tirade de saint Thomas, qui termine
le cinquième acte, et l'épilogue en entier. Il n'y a ni ex-libris

ni date. .· ' ..

La Résurrection

(7 bis)

XVIIIe siècle, petit in-fqlio papier, 60 folios numérotés, plus
7 feuillets de prologues et 3 manquants; demi-reliure (Collee­
tionde M. l'abbé de Roquefeuil). , '
Les quatre prologues sont ici placés en tête du manusçrit.

Des trente marches' du premier, il:ne subsiste que six. Le se-
cond est cbmplet ; le troisième le paraît aussi, avec ses vingt­
huit marches; quant aux quatrième et au cinquième, fondus

en un seul, ils ne commencent qu'à la onzième marche. '
Au fo 1, cet ex-libris: « Ce presant livre,de la Résurection de
Jésus apartient amoy ,Henry Costiou demeurant en l~ paroisse
de Tredarzec, et commencé Decrire cette copie par moy le 2

novembre 17' 19 ». .
Un autre possesseur a rayé le nom d'Henry Costiou, dont
l'écriture ferme et droite annonce peut-être quelque notaire
royal du temps de la Régence, et l'a remplacé par le sien:
Jean Hamon. De plus, il a tracé en marge: Apartient a moy
Jean Hamon, nagete (acheté?) 1747.
Au-dessous est le titre: Resurection Jésus Christ map doué
Eternel ha redempteur dar bet, composet evit reprcsanti en
lorm a tragedien en verzio brezonnec da, l' hopl. Evit bezan

choariet dre acterien Evit discoe ar guir moraLlité f'aciloch a
sé. elo repl'e. ;antet Dre al' personnageo ha hel'vé ma e' Instruet
pep hini hervé e représantation Evel ma sedy . breman vour
lerch.
(Résurrection de Jésus-Christ, fils de Dieu éternel et ré.:.
dempteur du monde, composée pour représenter en forme de
tragédie en vers bretons au peuple; afin d'être jouée par des
acteurs et de montrer plus facilement la vraie moralité, elle

sera représentée par des personnages selon qu'il est expliqué,
chacun d'après son rôle, comme il suit maintenant ci-après).
Viennent plus bas la liste des acteurs, au nombre de 34; puis
« le rang et la marche pour aller sur le théâtye, le diabJe avant .

tous les autres et - faisant des gambades' )}, 'Les indications scé­
niques sont presque toutes en français: « Icy, il faut dire le

premièr prologue. ' Vive Jésus ' et ' Marie, ' la Résurectionde

Jésus. (f

2-recto). Jésus entre , aux limbes et tire aveq luy
les ames qui sont détenues.-Luciffer sautera -et fera ' grand

bruit.»W 3 v' .).

, Le troisième acte contient une scène comique , très ' vivànte,

eùtreThôtelier d'Emmaüs etses serviteurs, '« Or ça, mes bon-

nes gens, s'écrie l'hôte, hâtez-vous de vous remuer! Mettez
la cuisine en ordre, ' préparez-vous à bien servir ceux qui

viendront dépenser de "l'argent. dans mon , auberge. 'Faites

d'excellents plats; les passants (tremenery) sont nombreux
aujourd'hui. Que la rôtissoire soit devant le feu et que la mar­
mite bouille! Préparez de bonne cuisine; faites vite votre
service; ne soyez pas en retard. Montrez-vous diligents à
servir et à , desservir, puis touchez bie'n votre 'argent. Faites
attention à chaque écot et à ce que vo~s recevrez, de crainte
que des: affronteürs, par leur impudence et leur friponnerie,
ne veuillent voler l'hôtesse. ,Aussi je me 'fie à vous, mes gens.
Faites bon compte; sinon mon auberge s'en ira vite à plat!».

31 recto). La donnée de cette scène se retrouve, sous une
forme plus concise, dans le Mystère breton de La Passion ct
de la Résurrection, imprime en 1Q30 par Yves Quillevéré.
' . Au folio 38 recto: Fin d~ troiziesme acte. lcy on doit dire
prologues par le quatriesme et cinquiesme acte. Au folio 57

verso: Amen, Jésus., Reverans, fin. An epilog goude an
Tragedien; ' . , ' '
, , La 'langue de la pièce- est relativement pure. Ce n'est pas

Taffreux jargon des, tragédies modernes , d'Auguste Corre ou

de Jobic Coat. Les prologues, plus incorrects, semblent moins
anciens. Ce manuscrit est sans doute celui que M. de la

ViIIemarqué signale da' ns Le (;rand Mystère de Jésus. (Intro-

duction, CIV, 2

édition) ~ comme appartenant a M. Pol de
Courcy, lequel, écrit-il, possédait « une dernière transcription

refondue el remaniée de la seconde partié ' du Mystère)) ayant
c( pour titre: Resurrectiori Jesus Ch.rist map Doue )), et ayant
c( été commencée le 2 novembre 1719 ». ' '

(8) Le Trépassement de la Sainte Vierge. "

XIX

siècle, in-folio papier, 128 pages; demi-reliure.
, Mystère en cinq actes, avec prologues et un épilogue. Vers
alexandrins. Titre' : Trepassamant al' Voerc' hes. '

L'une des " premières scènes est une discussion entre la

Terre et le Ciel. L'une' veut garder, comme son plus bel orne- .
ment, le corps vÏl'ginal de la Sainte Vierge, « la rose incarnat,
la fine fleur azurée qui embaume le monde entier 'de son
parfum odoriférant , ». Mais l'autre réclame au nom de Jésus

le « beau lis» qui ~oitêtre la parure, des cieux. La Terre résiste;
elle fait valoir ses droits, elle expose ses titres en un poétique
langage: « Je porte, dit-elle, toutes sortes de biens, de fruits,

de blés, de semences; je soutiens les murailles de tous les
édifices; je suis douce et patiente ... J'ai un beau manteau
brod'é de fleurs, passementé de plantes, bigarré de couleurs ...

Je suis' l'épouse du Ciel et le fondement de chacun dés étages
du firmament. Je suis ,aussi la mère nourrice et l'hôtelière des

hommes, des animaux, de tout ce qui a vie. En ma faveur 'et
pour m'éclairer, les Cieux font tourner sans cesse les astres,

le soleil, la lune, les étoiles. oÔ L'air m'évente et me rafraîchit ;
l'eau m'abreuve; la ,mer, les' fontaines, les rivières, forment
les veines de mon corps. » (pp. 18-19).

Le Ciel riposte par l'étalage éblouissant de ses splendeurs;
' il se dépeint entourant la Sainte Vierge d'une ' auréole de

rayons et l'abritant sous un dôme d'azur décoré de houppes

d'or fin. Le soleil et la lune ~ont ses deux yeux ardents; il
est pommeléde haut en bas de vives flammes, moucheté de
feux brillants, constellé d'étoiles. Il éclaire, il réchauffe tous
les êtres de la terre, et les fait croître et multiplier ...

'. Au second acte, dialogue de la Sainte Vierge et de l'Ankou,
qui se refuse longtemps à frapper la Mère de Jésus et ne

consent à l'effleurer de son «( coutelas)) qu'après en avoir reçu
la permission de Dieu. Dans l'acte suivant, la scène des trois
Juifs, dont l'un complote de brûlel' le précieux corps de
Marie, rappelle une des figurations du retable de Kerdévot où
l'on voit des soldats châtiés cruellement pour avoir porte une
main téméraire sur le brancard où la Sainte Vierge trépassée
était étendue. Ici, la punition prévient l'aete: à peine le
plus enragé des trois Juifs se dispose- t-il à réunir des compli­
ces pour accomplir son sacrilège, que l'Ankou surgit, l'apos-

trophe et l'abat mort à ses pieds .

L'épilogue final est suivi d'un tableau qui nous apprend que
les acteurs sont au nombre de 45, qu'ils ont à débiter 4'13

reparties, et que la pièce compte 3218 vers.

(9) La Destruction de Jérusalem
XIVe siècle, in-folio papier, 73 feuillets, demi-reliure.
Mystère en cinq actes, sans prologues ni épilogues. On y

. trouve des vers de douze, de huit et de six pieds. Des scènes
entières sont en vers de huit pieds, et c'est sur ce mètre que

'parlent communément l'empereur Vespasien et le roi de
Jérusalem. . .

Cette pièce paraît ancienne. C'est celle que Miorcec de
Kerdanet dans sa. Vie de saint Hervé (1), attribue, sous le
nom de P.rise de Jérusalem, à « dom fiacre Mesanstourm, en,
son vivant prêtre ou recteur de Lanhouarneau». J'aurais
bien voulu pouvoir . préciser ce renseignement et l'étayer
d'une date, mais je me suis adressé sans succès à M. le rec-

teur de Lanhouarneau, et le nom de FiacI'e Mesanstourm ne

. figure pas dans les notes que notre confrère, M. le chanoine

. , (1) Le CollectionneuI' BI'eton, t. Ill, i863, 1>. 26L

peyron m'a très obligeamment communiquées. L'auteur de
la rrise de Jérusalem ' a pu être recteur de cette paroisse à
une époque comprise entre 1585, date de la résignation de
Guillaume Dall et celle de 1647, 'date de. la nomination de
Vincent Berthou, acolyte de Plouider. Quoique le texte pri­
mitif ait été bien altéré, on retrouve encore, en maints
endroits, les rimes internes de la vieille prosodie bretonne.
En voici quelques exemples pris au hasard:

.. . Rac ennes so eur crim certen a so quen bras·
... Red eo querhad an tad da glevoat e zoare
... Pas guelan a unan ac 0 volante vale
. ' .Imaginet 0 deus bean bet trahisset.

La Bibliothèque Nationale possède (No 61 du fonds celtique) .
. une Destruction de Jérusalem incomplète du commencement
et de la fin. Le présent manuscrit ne débute non plus qu'au
cours de la seconde scène, mais il n'a pas d'autre lacune. Cette
pièce est une sombre tragédie, où le sang ruisselle à flots.
Elle s'ouvre par le supplice du traître Mathias et s'achève par
celui de Ponèe Pilate. Entre les deux, ce ne sont qu'égorge­
ments, cascades d'étain fondu et d'huile bouillante, luttes sans

merci, famine et désespoir. En vain le roi offre-t-il de se rendre,
Vespasien et Titus refusent tout quartier. La ville est prise

d'assaut, et ceux qui n'ont pas péri dans la bataille sont
écorchés ou pendus. Puis l'empereur, son fils et leur
suite reçoivent le baptême par les mains de saint Clé~

ment.

Les dernières scènes représen tentla condamnation de Pilate.
Pour venger le Christ, il est voué aux plus cruelles tortures

et sera lentement coupé en morceaux. Mais à peine l'a-t-on

exposé, selon la sentence, au sommet d'une tour, attaché à
un pilier haut de dix brasses, que l'édificé vacille, croule et
s'engloutit dans un abîme sans fond, communiquant directe-
ment avec l'enfer. '
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO . ... TOME XXXIX (Mémoires 6) .

(10) L' Antechrist .

siècle, in-folio pa'pier, 169 pages, demi-reliure.
A la page 1, titre: An diDezan jujamant hanvoet al' Varn
General, ha Donnedigues an Antechrist. (le Jugement derniel',
appelé le jugement général, et la Venue de l'Antechrist\.
'. . Cinq actes avec prologues et épilogue final. Vers de huit

pieds. ' .
Le Théâtre Celtique de M .. Anatole Le Braz contient (pp. 290-

300) l'analyse d'une autre version plus complète de ce mystè-
re. Ici, l'on ne trouve pas le passage où le prologueur ferraille
. contre « le monstre infernal » et son escorte, ni l'appel des
Quatre Morts, ni la « Danse Macabre», ni le Débat du corps
et de l'âme. Tous ces préliminaires font défaut, et l'action

commence à l'enuée en scène de l'Antechrist, auquel Satan

inculque un Evangile diabolique. Protégé par les démons Livitan
(Leviathan), Belzébuth, Mormon, Asmodeus, soutenu par les
« sept rois infidèles» Got, Mogol (Magot) et leurs comparses,
l'Antechrist règne en entassant profanations sur crimes
jusqu'à ce que l'Ange Gabriel, ministre de la colère de Dieu,

l'ait décapité et précipité dans l'Enfer. Au quatrième acte
paraissent et discourent les Quinze Signes du jugement.
Le prologue du Jugement dernier (p. 127) compte 268 vers.

. Ce terrifiant morceau, récité par Jean Le Moullec à un repas
de noces, à Ploulec'h, effraya tellement une jeune fille qu'elle
se mit à hurler tout à coup que des flammes l'environnaient
et qu'elle se sentait entraînée par les démons. Elle faillit en

rester folle (' 1). Non moins émouvantes sont les scènes qui
. suivent, le Chœur des Instruments de la Passion, le tragique
réquisitoire de Sàtan, du Ciel etde la Terre contre les pécheurs,

les supplications des réprouvés à la Sainte Vierge, qui ne peut
que leur répondre: « Trop tard! il est trop tard!», ·puis la

(i) Théâtre Celtique,p. 485

sentence de condamnation et la lugubre complainte des dam-
nés clamant avec désespoir leurs regrets stériles. Tandis qu'ils
s'engouffrent dans « le feu maudit)l, les , Elus montent triom­
phalement au Ciel en un Te Deum d'actions de grâces.
III
CYCLE DES SAINTS

(11) La Vie de saint Jean-Baptiste.

XIX

siècle, in-folio papier, 196 pages, demi-reliure,
Mystère en deux journées et quatre actes. Vers alexandrins.
Manquent les prologues de la première et de la seconde
journée. Aucun épilogue. Le titre: Huez Sant Yant Badezour
s'accompagne de l'épigraphe latine: Fuit homo missus a Deo

etc., aiQsi traduite en un distique breton:
Beian voa eun . den just. deus ar pec' het di vIam,
Digasset gant Doue ac e voa hanvet Yan.

Au deuxième acte est figuré le trépas d'Hérode, dévoré par
la lèpre. Son fils Antipas n'attend pas sa mort pour lui enle­
ver la couronne, et, comme le moribond s'en plaint, il lui
rétorque grossièrement: « Vous ne méritez pas d'être assis sur
le trône, carvous'empestez comme un poison. Charogne, c'est

une douve qui dQit maintenant te servir de palais! Corn ment ose-
riez-vous rester ici, vous, homme exécrable, pourri de lèpre'?»
Hérode meurt en maudissant son fils, en suppliant la terre

de l'engloutir pour mettre fin à ses tortures. A son appel les

démons surviennent : «( Console- toi, Hérode, dit Belzébuth,
Lucifer t'a entendu, et nous venons te quérir. Tu avais une

chaise dMée dans ce monde, nous te donnerons un trône de
feu. Empoignons-le promptement et portons-le en Enfer.
Allons, camarades, attisez les flammes!» (1 Ils le jettent, dit
la rubrique, dans un trou au milieu du théâtre; il en sort des
flammes et du bruit.»

Après le martyre du 'Précurseur, . Hérode Antipas,. détrônê
par une irruption de Sarrasins, en est réduit à mendier sur
les chemins, en compagnie de Salomé et d'Hérodiade. Ils

implorent la pitié de deux marchands en route pour la foire
de Marseille, sans réussir à les émouvoir. Exténués de misè­
re, ils se pâment tous trois. Arrivée des démons, qui promet­
tent aux affamés un « banquet de serpents et de sourds», et

avec de grosses plaisanteries, les précipitent, malgré leur
résistance, dans l'abîme infernal.
Ju1ieh l'Apostat paraît aux dernières scènes. 11 ordonne de
rechercher et de brûler le corps de saint Jean-Baptiste. Deux
soldlÙS facétieux déterrent les restes de « Jean le mauvais
sorcier» et les déposent sur le bûcher ,qu'on allume en présen­
ce de l'empereur. Lorsque celui-ci s'est retiré, les disciples
duPrécurseur, Gamaliel, Cléophas, Sophonias, AbiasetManas­
sès viennent fouiller le brasier et recueillent précieusement
les reliques épargnées par le feu .

(12) La Vie de saint Pierre.

XVIIIe siècle, in-folio papier, '188 feuillets, demi-reliure.
Mystère en deux journées et six actes, avec un prologue
pour chacun et deux épilogues. Vers alexandrins. Les cinq
premiers folios manquent.
Le parchemin de la couverture est un acte passé devant les
notaires de la juridiction de Tonquédec en '1669. Au folio 71
verso, nom de Gabriel Lezcouale ; au folio 92 verso: groet
tout bete aman (fait tout jusqu'ici). L'épilogue final offre un
exempledeces prolixes remerciements, toutfarcis demots fran-

çais, que les acteurs devaient présenter à leur auditoire, et dont
M. Le Braz acité d'amusants passages (1). « D'abord humhle­
ment, dit le poète, je remercie les prêtres, la noblesse et tous

ceux qui sont ici, tout autant que ceux qui sont restés à la

u' " T ' · ' X ' " '7 ,"' XPE"' 57?

(1) Théâtre Celtique, pp. 408·442. .

maison, de nous avoir permis avec prudence et douceur de
représenter une tragédie dans notre canton; nous sommes
obligés avec un cœur LoyaL de prier la Trinité, les Saints et
les Anges, de leur donner toutes sortes ' de prospérités, les
biens temporels de ce monde et les joies éterneLLes de l, 'autre.
pour leur rëcompense, je les leur souhaite en les remerciant
les uns et les autres. Ensuite, je me mets avec un cœur fervent
à remercier tous les jeunes clercs de nbus a voir prêté leur
capacité et d'être venus nous entendre aujourd'hui. De plus,
jé remercie 10us les bourgeois, tous les gens d~ plume, de nous
avoir .prêté leur esprit fer' Dent et d'être venus entendre des
gens si ignorants ... Je ne pourrai jamais oublier de remercier
les personnes du canton de nous avoir prêté de leurs biens
des charrettes, des planches, des toiles et quantité de barriques

pour faire un théâtre auquel rien ne manquait. Nous sommes
bien obligés à votre franche complaisance, et nous vous en

remercions avec un cœur loyal; plein de soumission comme
des gens cordiaux. Toute mon obUgation à qui m'entend, à
tous ceux qui sont ici de toute qualité. Je suis obligé avec
largesse de remercier les maris et le'urs femmes et toutes les
héritièrf!s qui nous ont prisés .. . Je les remercie de leurs peines
et leur souhaite une prospérité sans fin. J'ai encore dans mon

cœur un merci à dire aux maîtres et aux maîtresses d'avoir

permis à leurs domestiques de venir nous entendre. Encore,
je remercie tout ceux qui sont ici d'avoir pris aujourd'hui le
plaisir d'écouter des gens bas, ignorants et chétifs. Enfin, en
général, je remercie tout le monde; nobles, partables, com-
1nun, enfants, orphelins, gens de peu de fortune, je vous
remercie du fond de mon cœur. » (folios 187-188).
(13) La Vie de saint Guénolé.

XIX~ siècle, În-folio papier,' non paginé, non relié .. Titre : La

vie de saiitt G-uéiwlé en vers bretons .

Enorme registre où le texte occupe seulement le recto des

feuillets, entre deux grandes marges, et où il est tracé d'une si
large. écriture que chaque vers alexandrin prend deux lignes.
Le copiste devait avoir sous les yeux un manuscrit ancien,
car en transcrivant les passages latins, qu'il n'entendait sans
doute pas, il a reproduit, à certains endroits d'une lecture
difficile, les formes graphiques de la cursive du seizième
siècle .
La même pièce a été analysée par P. Le Nestour (1) d'après

un manuscrit de la Bibliotnèque Nationale (N° 97 du fonds
celtique). L'épisode du boiteux et de l'aveugle qu'il a publié
se retrouve textuellement ici. Dans le discours bouffon et

sacrilège que le « vieux Satan » adresse à ses démons,
plusieurs vers ont des rimes internes régulières:

« Homan so caër laëron en pep façon on rez,'
Certen on vision en oraison on fez,
Disquet y dan dud vat en pep stat nos a de. »
... A sacrileg gardis ra cris impocrisy ...
« Ma breur quer Belfegor gant enor jollol'Y,

Te veo prins guirionmignon d'al' gloutonnery,
Ma car quer Astorots tud devot a assotty ».

Notons,' parmi les épisodes touffus du mystère, ceux de la
mamelle d'or que deux anges apportent à Alba pour . nourrir
Guénolé d'un lait intarissable, de l'oie arrachant l'œil de
Clervye (il faut avoir- une oye, recommande le texte), de
Tégonus (Th. égonnec'?) mordu par un serpent et guéri par son

maître Guénolé. Le second prologue qualifie l'assistance de '
compagnie ador-able. On ne pouvait mieux conquérir les bon-
nes grâces de l'auditoire. . ,

(14) La Vie de saint Garan .

XVIIIe siècle, in-folio papier, 87 feuillets, demi-reliure. .
Mystère en deux journées et quatre actes; deux prolo-

'h C iL " :

(1) ReVI1C Celtique, t. xv, pp. 245-27L

gues ; deux épilogue~. Vers alexandrins et de huit pieds.
Ex-libris à la 'ire page: « Ce livre appartien à Yves Goarin
de la paroise de Langoat. Celui ou celle qui le trouvera sera
récompensé de sa peine. Fait ce jour 29 out mil sept cent
quatre vingt dix. Il Le nom d'Yves Goarin est souvent répété
sur les marges; on l'y voit même accolé à une épigramme
libertine. Folio ~~ recto: (C Goarin de l):martain Joseph Le
Noan.») Folio 6~ recto: « Comme pour vQir si ma plume est
bonne ou mauvaise. Au Dieu tout puissant, donnez la faveur

de remporter la victoire sur mes ennemis qui me persécute
jour et huit tant à cause de ma grandeur que de ma petitesse.
Oui, j"aimerai mieux mourir mil fois que de commettre une

fa u te. »)
Folio 8~ verso: «Fait par Yves Goarin de Langoat. «Ce
livre appartient à Yves Goarin, fils de François, ménager,
demeurant en la paroisse de Langoat, originaire de la parois­
se de Ploubalanec, celui ou celle qui le trouvera aura la bonté
de le lui rendre, et sera bien récompensé de sa peine. A
Langoat ce vingt huit Juin mil sept cent quatre vingt onze.
Fecit quod potui, sic miserere fiei. Finis opus coronatur.
La première journée est consacrée à saint Denis, et son
disciple saint Garan ne paraît qu'à la seconde. Le « Prologue
de Plestin» cité par Le Braz ('1) manque ici, et. l'on n'y trou-

ve pas davantage la , gracieuse comparaison inspirée à saint
Garan par la vue d'un verger fleuri. Le héros du mystère
guérit une fille possédée, un paralytique; il évangélise le
pays. Enfin, il est décapité par quatre voleurs, et des anges
viennent inhumer son corps.
Dans le premier épilogue (f

46 verso) l'auteur s'excuse de

son ignorance: « Si j'avais été à Rennes, ou bien à Paris, ou
à la Flèche, ou à Quimper, j'aurai pu vous contenter mieux
que je ne le fais. Jevoudrais avoir pu étudier comme vous ... ».

------ ,-------~ . ~ ' . ' , ' c " e . k.' " _. " . . . .. :.:
(i) Théâtre Celtique, pp. 31O-3H.

Au folio 82 sont transcrits 17 couplets d'un cantique breton
à 'saint Yves. Au folio 83 verso: « Impilogue pour le dernier
(jour) et distribution de bouquets». Le manuscrit s'achève sur

cette réflexion pieuse, signée Jacques Goarin : « Le plus grand
bien qu'on puisse faire, c'est de servir la religion chrétienne
et catholique. )) ' . .

(15) Sainte Tryphine et le roi Arthur.

XVIIIe siècle, in-folio papier, 66 feuillets, demi-reliure.
Mystère en deux journées et h.uitacles. Huit prologues. Pas
d'épilogues. Vers alexandrins.
Sur la page de garde: « Henry Le Bihan, tous les jours à .. ))
et·: François Hamon. Les dix premiers feuillets sont en mau­
vais état, à peu près complets, mais d'une lecture difficile. Le
folio 44 est à demi déchiré. Au folio 31 verso: « Scene tou t "
Fin dan de quentan : '
Ar pempet proloc deus ar vuhe
Hac ar chentan evit an eil de

1757. J. 'Turban.))
Au folio 43 : Je, soubsignéde céder quitte le present livre
a jamais sans nule espoir a Yves Le Bihan, de la paroisse de

Bù.Ilien (Buhulien), sans aucun recherche vers luy. Ce jour
vingt- neuf septembre 1762. J. Turban )) .
. La conversation de l'intendant et de la duchesse, citée par

Le Braz (1) d'après la copie de Jean Le Ménager, se trouve
presque textuellement dans le présent ' manuscrit, ainsi que
l'ingénieux dialogue du prologueur et de la demoiselle, au
début de la seconde journée.

(16) La Vie de saint Guigner . .

. XIX~ siècle; in-4 papier, 215 pages"demi-reliure.
Tragédie en cinq actes, en vers alexandrins. C'est un ouvra-
_____________________ 'r ______ ~ _______ '~ , _h--_C>"~ O ,-,~ .

(i) Thérître C!!ltigue, pp. 169-170.

ge moderne d'une langue détestable. L'auteur en est peut-être
le Lannionnais Auguste Corre, émigré à Morlaix et fondateur
d'une troupe rivale de celle de Jobic Coat. Le roi d'lrlande
Clyto, père de Guigner, se présente ainsi au public: : 1
Me eo Clyto; roue an Hibernianet, ' ' .. ,

A gommand el' vro-mâ voar an oH sovaget. (p .. 4) "

Arlequin joue aussi son rôle, comme garçon de cuisine et

bouffon. On y cha nte force chansons sur des airs variés:

Plein de tendresse; le Muet de Saint-Malo; Je vais combattre,
Agnés L'ordonne; Pa " eo caël' an amzer; Pardon ar Yeodet,
etc. Guigner est converti par une jeune chrétienne prisonniè­
re, A stalia. Son frère Macuré, demeuré fidèle à ses idoles, le
bannit; il vient aborder sur la grève de Carantec, mais Ouli­
ma, lieutenant de Théodoric, gouverneur de Léon et de Cor­
nouaille, prend l'arrivée des proscrits pour un débarquement
de pirates, se jette sur eux, et tue le malheureux Guigner. Le
mariage de Théodoric et d'Astalia termine la' pièce, que la nou­
velle épousée clôture par une courte « excuse» aux assistants.

(17) La Vie de Saint Patrice .

XVIIIe siècle, in-folio papier, 89 feuillets ; d~mi-reliure. '
Mystère en deux journées, et cinq actes. Cinq prologues,
deux épilogues. Vers alexandrins. " ,
Surla page de garde: «Yves Toussin, jardinier, auprès de
chez Le BIon, tailleur, 1835. - 1835, Yves Toussaint jardinier.

Au verso, «Toussaint Guéguan, jardiniër, 1835.» Au folio 1,
ce titre: ' '
(( Rué an otro Sant Patl'is, escQb en lbel'ny a bué Louis
lnius en vergo bl'esonec, al' quentan proloc a coms )). :

Au folio 89, ex-libris: « Cette tragédie est à son maître '
Qui n'est ni religieux ni' prêtre,
Mais en cas de perdition, " '
Yves Marie Le Flem est mon nom .
, A Lannion, ce jour 10"Ayril177.6 . . )~ ,

Plus bas ': ~(Cette tl'agédieàFrançois Salaun de
US mars 1790. »

Plouber, '
Au folio 47, titre de la seconde journée: (( Ar vue a gonver­
sion a Louis Enius, map da undigentil deus an Hiberny a
ma teu en Toulouse ebars en France; ellech ma rondu eur
vue libertin, gant istoar Theodosia, religiuses ».

L'analyse de cette pièce a été faite par M. Le Braz ('1) et
la précision de son étude ne peut laisser aucun doute sur la
nature exotique, très probablement espagnole, de son inspi­
ration. La présente version de Louis Eunius offre certaines
différences avec les deux qui suivent.

Après l'ex-libris de la fin, on a inscrit quelques additions

et variantes, puis une « Oreson pour des mander la pay avec

un image de vironie (Véronique), la personne qui portera
cette image et réciter cette oreson.)) ,
, (18) Louis ,Unius (sic)

XIX

siècle, in-folio papier, '129 pages, demi-reliure. ,
Mystère en deux journées'; la première comprend deux
actes, la seconde, un' seul à douze scènes. Deux prologues.
Vers alexandrins. "
Ici, il n'est question de saint Patrice qu'à la fin de la pièce,
après la conversion de Louis Eunius. Ce dernier est un

jeune gentilholllme débauché et batailleur qui rosse les auber-,

gistes, enlève sa cousine du couvent, étrangle les maltôtiers,
détrousse et assassine les voyageurs. li s'enrôle ' dans les

hussards de Chamboran (houssardet Sangboran) sous le
nom de Lamontagne, culbute à lui seul l'armée des Anglais

« en leur faisant la barbe avec un rasoir de cinq pieds de
long )),tue leur général Cobourg et poursuit jusqu'en Mésopota­
mie les survivants épouvantés. Le Braz a traduit ces l'odo-

montades d'après un texte identique à celui-ci, où l'on trouve

(1) Théâtre Celtique, pp. 340-356.

aussi (p. 62) une copie du dessin de Jean Conan (1) représen­
tant Louis Eunius sous les traits d'un homme mort, étendu
de son long sur le dos, . tel que sevit figuré le héros de la
pièce lui-même, SUT le mystérieux papier qui décida de sa

converSIOn.
La seconde journée le montre se rendant à Rome, obtenant

du pape l'absolution et la permission de descendre dans le

purgatoire de Saint-Patrice, en Irlande, afin d'expier ses
péchés. Il y est en effet cruellement malmené par les démons
qui l'accrochent à une potence, le rouent, l'entourent de flam­
mes, le précipitent du haut d'une montagne, le plongent dans

l'eau bouill~nte, sans réussir toutefois à lui ôter la vie ni à
lasser sa constance. Une main invisible le soutient à la péril­
leuse traversée de l'étang de l'enfer sur un pont de glace, et

"lui permet d'arriver sain et sauf en ,un beau jardin où il
rencontre saint Patrice, qui lui donne sa bénédiction. Il retour­
ne alors sur la terre,et, devant le peuple remplissant l'église,
fait un long récit de son étonnante aventure, puis il abandon­
ne le monde pour finir ses jours dans la pénitence et la soli-
tude. .

(19) Louis Unius. (sic)
XIX

siècle, in-folio papier, 85 pages, demi-reliure.
Mystère en trois actes, sans prologues ni épilogue. Vers
alexandrins.

Au verso de la page de garde, liste des acteurs, au nombre
de 3L Cette pièce est un abrégé de la précédente, dont elle
s'écarte notablement à la fin. L'épisode de Lamontagne est
aussi tout différent. Le roi d'Hibernie vient assiéger Toulouse,

et le capitaine de la ville embauche des soldats pour renforcer
la garnison. Deux fanfarons se présentent, nommés l'un Jac­
ques an Dambroqhuillet, l'autre Jean Farisdibolatès. Ce
- ------ - --____ __ Q= L .i. ' oC , ,.' " ,=
(1) Théâtre Celtiqije, p. 204.

o 92. -
dernier est, à l'entendre, ({ le plus vaillant homme qu'il y ait
dans la ville et la campagne. J'ai été autrefois, dit-il, au
combat de Landagonnec, où j'ai tué dix-neuf. chevaliers d'un
coup de bonnet. Le vingtième, je l'aveuglai d'un coup de poing
car auparavant, capitaine, il était borgne, et je frappai par
bonheur sur son bon Œil» (p. 62). Louis Eunius fait mieux

encore, tue le roi d'Hibernie et met son armée en déroute. Le
gouverneur de Toulouse, désireux de s'attacher un pareil fou-

dre de guerre, lui offre «50.000 pistoles de rente et une belle
charge dans la ville J), mais Louis Eunius préfère partir pour
l'Irlande, afin de s'emparer du trône resté vacant. Il cherchait
un navire, lorsqu'il voit voltiger sur la grève le billet fatidique
qui fait de lui un autre homme. Converti, et descendu dans

le purgatoire de Saint-Patrice, il refuse de retourner sur la
terre, de peur de retomber dans son péché, et meurt dans les '
bras d'un ange, qui emporte son âme « au Paradis de Dieu,
au Palais de la Trinité.» .
Deux vers seulement constituent l'épilogue:

Oditoret, cetu fin bue Lonis Unins

En dens gret pinigen dre' ar c' hrass a J esns .

(20) La Vie de Saint-Hélène.
XIX

siècle, in-folio papier, 52 feuillets, demi-reliure .

Mystère en trois actes, un projet, deux prologues, un épilo-
gue. Vers alexandrins . .
Titre: [.la 'Die de Sainte Etienne, écrit par Joseph Calloch
et Jean Le Carvennec, à lareqnête de Toussaint Guégan, et par
lui payé. .'

Sur les marges, plusieurs empreintes du cachet à l'encre
grasse de J.-M. de penguern, avocat à Lannion.
· Au folio 47 verso: Ecrit en grande ' partie par Jean Le

Carvennec, meunier de Lannion, le 7 avril 1838, au prix .
d'argent payé par Toussaint Guégan, jardinier dudit Lannion.»

ta pièce est en effet, à partir du folio 12; de l'écriture de Lé
Carvennec, qui a composé de plus: « Le dernier impiloch etle
Boquet de la vie de sainte Hélène)). '
D'après M. Le Braz ('1) la douloureuse héroïne de cette
tragédie n'est autre que celle du livre de colportage intitulé:
Histoire de la Belle H eLeine de Constantinople, mère de Saint
Martin de Tours en Tour'ai1~e et de saint Brice, son ri-ère.
Le prologue est ici précédé d'un projet, sorte d'avant­
propos où l'auteur fait appel à l'indulgence des assistants,
tout en invoquant les Muses, en réclamant « une rasade à
boire de leur fontaine» et en déplorant de n'avoir point « l'é­
loquence de Cicéron, d'Aristote, de Platon, de Salomon ou
de Virgile, pour déclamer des vers aujourd'hui» (folio '1 verso).

Il attire pourtant l'attention de ses auditeurs sur l'intérêt
qu'offre son œuvre. « Ne laissez pas passer cette histoire
comme un souffle, car vous ne trouverez aucun livre où elle

soit écrite en entier, croyez-le si vous voulez, comme je l'ai
fait avec beaucoup de peine d'esprit n. Les indications' scéni,­
ques sont en français et très détaillées: « Le 1er tirant e'ntre

ayant une'épé au coté, le comte sort. Ellenne parle pendant
que le tirant le coupe le brasgoche»(f

37). «Ellenneacca­
blé par le someil se couche par terre, ses enfans auprès d'elle,
un loup et un lion vinrent pour dévorer, mais au même ins­
tant, un ermite qui avoit sa grotte auprès dans le mème bois,
se troUve et emporte les enfans avec lui sans oublier le bras n.

L'épilogue qui est, nous l'avons vu, de la façon de Jean Le
Carvennec, débute par une citation de Saint Augustin. Ses
384 vers comportent la longue distribution d'un bouquet à
l'assistance. « Vous ne trouverez pas, dit-il, de plus belles
fleurs dans le canton que celles que j'ai cueillies entre le mont
,du Calvaire et le 'jardin des Oliviers, en un joli parterre rem- '

... . te " .. ' O F'. . oe . " , t , , , '7 ,'_
(1) Théâtl'e Celtique. p. 323.

_ 5 94-

. ph de fleurs de lis blanches portant écrites sur leurs feuilles:
« Qui veut arriver à la gloire doit souffrir des peines. » Chacun
reçoit son lot: aux prêtres, la robe de pourpre du Sauveur,

les lanières et les fouets pour corriger leurs ouailles; au roi

de France qui est à Paris, la couronne d'épines et les clous;
aux juges, l'écritoire et la plume qui ont servi à l'inscription

de la croix « spécialement à ceux qui sont à présent dans l'ar-
rondissement et le département, et au juge de paix du canton
N ... n. Les gens affligés sont gratifiés de la lance, les veuves
de l'image de Véronique, les pères et les mères de famille, 0

des clous et des tenailles, les danseurs d'un des soufflets que
reçut Jésus, etc ... »

(21) La Vie de Saint Yves.
XIX

siècle, in-folio papier, 187 pages, plus 14 feuillets non

o chiffrés. Demi-reliure. 0

Ce manuscrit n'est pas un mystère, mais une 0 biographie
versifiée en 1829 par Jean Conan, le vieux tisserand de Plou­ rniliau dont M. Le Braz a si bien restitué la peu banale
physionomie (1). La passion des livres le possédait; ainsi que
la rage de traduire en vers tous les ouvrages qui lui

tombaient sous la 0 main. Chaque soir, il écrivait à la lueur
de la chandelle, maugréant ] ui-même contre sa manie, se

jurant d'abandonner désormais plume et encre et de ne plus
se fatiguer l'esprit à pourchasser des rimes. Il continua pour­
tant jusqu'à sa fin, et mourut à 76 ans sonnés, léguant à ses
° enfants son métier à' tisser et un bahut plein de manuscrits,
en leur recommandant de ne jamais s'en défaire. Luzel put
cependant obtenir d'eux une Vie de sainte . Gene' l.Iiève, mais
plus tard, pressés par le besoin, ils vendirent pour un écu de

o trois francs tous les écrits de leur père à la marchande de
tabac de Plufur, qui en fit des cornets (2). Deux ou trois manus-

(i) Théâtre Celtique, pp. 441-44(J.
(2) Ibid., p. 178.

crits à peine ont échappé à ce désastre; aussi, la découverte
d'une œuvre nouvelle de l'endiablé rimeur présente-t-elle un
certain intérêt, augmenté encore par les réflexions personnel­
les dont Conan a, comme de coutume, enrichi son ouvrage,
et qui, on en jugera plus ,loin, ne manquent pas de
saveur.
Il a d'abord transcrit sur la première page son acte de
baptême, daté du 0 décembre 1760 et signé: M 'aurice Derrien, .
prieur de l'abbaye de Sainte-Croix de Guingamp. Son fils a
apposé plus loin son ex-libris : « Ce .livre appartient à moi
Pierre Louis Conan, de Plumilliou a'Tredezll, puis vient, sous
le titre de « Eur plesantiry a vadinago Conan », une pièce de

vers où l'auteur expose dans quelles circonstances il eut mail-
le à partiravec le trépas; peut-être quelques bribes de vérité se
cachent-elles sous ces racontars fantastiques et Conan a-t-il
réellement fait naufrage. « Mon ami lecteur, déclare-t-i1, si tu

lis cette histoire, et que tu trouves une faute quelconque, ne

me méprise pas pour cela, car je suis accablé d'années, et il

me faudra soudain partir avec la Mort. Je l'ai vue déjà, et me
suis battu avec elle; à cette époque, j'étais jeune et je lui

donnai le saut, mais maintenant, si j'ai ' le ma'lheur de la
rencontrer, je n'eh aurai plus de grâce, car elle m'en veut.
Par deux fois, elle m'a jeté à l'eau, mais je sautai sur elle et
j'en triomphai. Après, elle m'atteignit bien loin de ce pays,
entre l'Amérique et le Canada. Là, nous luttâmes pendant
vingt-quatre heures. A la fin, elle jeta sa malice sur le bâti­
ment, et, grinçant des dents: « Tu perdras pourtant, me dit­
elle; je vous enverrai au fond, ton navire et toi )). La méchante ,

inhumaine fit tant qu'elle défonça le bâtiment et noya quaran- ,

te personnes. Quand je vis son mauvais tour, moi de faire un
saut sur un glaçon. Après qu'eurent péri le - navire et mes
camarades, elle vint, encore me trouver sur le glaçon. Depuis
' minuit jusqu'à quatre heures après-midi, nous nous battîmes

comme deux lions sauvages, A la fin, je lui donnai le saut par

.i.- ; 96 - "

1a grâce de Dieu, si bien qu'elle ne pouvait plus se relever. Lor8-

que je la vis si rompue et si anéantie, je filai prom pte-
ment. .. )
. Suivent le récitd'autres rencontres non moins extraordinai_
res avec l'A nkou, puis des variations sur le thème cher à
Conan: « Maintenant, je trouve qu'il est temps pour moi
d'abandonner mon métier à un autre qui, comme moi, perdra
. ,encre, plume et papier. Rimera qui voudra; pour moi je ne le
ferai plus. J'ai gâché ma vie et épuisé mon esprit. Je voudrais
bien sa voir pour quoi et pour qu'elle affaire il m'est jamais
arrivé de me faire rimeur. Un mauvais esprit jaloux de ma

tranquiIité m'inspira le désir d'écrire poLiment. Mes cheveux
se sont blanchis, j'ai abrégé mes jours à barbouiller du papier
depuis soixante ans. Laisse cela maintenant, Conan, et va te
coucher. Voilà encore pour un sou de chandelle d'usé. D'ici
'trois jours, tu iras à la foire de Saint-MiChel, et tu boiras une
goutte avant de tevenirà la maison. )) .
On trouve ensuite un Avis ' au lecteur, un « Proloc de Can-

lic » de 22 couplets, puis, en regard de la page '1, où s'étale
le titre: AT Vue a Sant Ar Voan, une vieille image sur bois
coloriée, représentant saint Yves debout devant un autel; il
porte les ornements sacerdotaux, le bonnet d'avocat ou d'offi­
'cial; et appuie sa main droite sur ' son cœur; à sa hauteur
planent un globe entouré de flammes et une tête d'ange.
DelTière, on voit saint Yves faisant l'au·mône. Urie autre
. gravure semblable est intercalée au milieu du manuscrit.
Celui-ci est la traduction de quelque ouvrage français dont
ConaO a conservé les divisions et même les titres: son dormir,
son soin des malades, son apLicasion pour l(j trrwaile. sa toy
apostoLeque . .
Après la « (,onclusion Jene1'aL» vient une prière (c pour
demander à Dieu de bons pasteurs et · des gens de justice
. aimant à faire bonne chère ». L'ironie du début laisse prp.s­
sentir ce 'qui va süivre. Conan interrompt brusquement sa

, ' , 97 _t

pieuse requête et se livre à une sortie virulente contre les
juges et le~ prêtres, « gens que je n'ai aimé et que je n'aime­
rai jamais. Je n'ai jamais eu de procès et ne puis en avoir.
Je ne puis rien perdre, n'ayant jamais eu qu'une vie triste,
pleine de simplicité. La justice, les prêtres, ne veulent conver­
ser qu'avec les riches et non pas avec les gens de 'ma sorte.

Je suis souvent allé trouver des prêtres pour demander ' en
grâce l'absolution. Ils eussent préféré, je crois, la donner à un

loup ou à un chien plutôt qu'à moi.., Si Saint Yves eut
encore été de ce monde, j'eusse hardiment pu aller le trouver;
celui-là aimait les pauvres, et non pas loin de lui, contraire- ,
ment aux prêtres d'à présent». Ici se peint à vif cet esprit
trégorrois à la fois dévot et anticlérical, craignant Dieu et
frondant ses ministres, dont j'ai relevé une curieuse manifes­
tation dans' les registres de Plougasnou, lorsqu'en pleine Ter­
reur la municipalité ardemment patriote de cette commune

vote nn crédit de 108 livres pour faire repeindre les quatre '
statues de la chapelle de Saint-Nicolas « en bon ocre et pro' -

portionné à l'art». Le vieux Conan, ' ayant exhalé sa bil~,
revient à des idées plus saines r.t se livre à de graves médita­
tions : « Te ' voilà bien âgé, songe-t-il. Fais attention que
n'arrive la mort et que tu ne sois surpris. F, .. cela est vrai!

quand je pense à ,la mort, je vois qu'il est temps que je délais-
se mes rimes et ma pacotille 1.. Allons! tout de s~ité ' je
renonce au métier. Rimera qui voudra, .pour perdre encre et

papier, comme je 'l'aï' fait depuis soixante ans ... Je suis char-
gé d'ans, que ce m'est ' une peine ' de ' marchet~ . Bientôt, je
verrai mon histoire écrite par Dieu. Alors, je senii peut-être
attrapé, car j'ai dit et fait beaucoup de choses. Mais . allons

toujours avec la volonté de Dieu!.. » (1.)

__ _ .~. _. __ -: .-'---_ ,--~ ,~ ,'-'- .. , _" _' __ " _,_ " __ , _ _ , _'t" _ , _ , . .,.... ' ! "':" ", · .. ~,_ t'_ '3i_ M_t_ " ..

(i)Je dois la traduction des'vers de Conan à mon ami F. GourvÙ, le
jeune barde Bar-IWo, qui par ailleurs a été pour moi d'une aide pré-

Cleuse.

BULI,ETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. -, TOME XXXIX (Mémoires 7)

CYCLE DES ROMANS DE CHEVALERIE

(22) Robert-Le-Diable

XIX

siècle, in-folio papier, 203 pages, demi-reliure .

, Tragédie en deux journées et dix actes. Vers alexandrins.
Page 3, liste des personnages, au nombre de 29. Page 4: :

, Distribu.tion,al' Rollo. Page ~, titre: Histoal' admirabl eu' s a

, vué RobaTt~an-Diaoûl, map dar prinç Hubert, Duc , deus an '

'Normandy" arranget a Lacaet en l'arm tragédien. Page 10~ :

Pinijen Ràbart-an-diaoûl"ac ar victo1'iou pere en ' neus bet

ramportet en Rom voar ar Sultan braz demeus al' l'ul'quy, e

pad ma en e bet binijen dre urs Doue, arranget a lacaet en

{orm tragedien. ,

M. Le Braz a cité ('1) la réponse faite à Ropert-Ie-Diable,

devenu Robert-le-Repenti, par un de ses anqiens bandits

qu'il ~ssaye d'entraîner dans sa, conversion ,: « Ecoutez le

larron qui sermonne la poule». Dans le texte breton, 'il Y a

journée, '1

acte, ;Sme scène):

« A c', houi glev al louarn 0 tont da sarmon dar yer. )) ,

.. L,'iInag~ est encore plus joUe, ét rappelle les sculptures des
sàblières de nOs vieilles églises, où l'on voit lerenard prêchant

aux poules qu'il s'apprête à saigner. Les scènes de l,'irruption

'des Sarrasins sont d'une naïveté réjoui, ssante. L'empereur de

Rome interpelle ainsi les envahisseurs :, « Vous êtes terrible-

ment effrontés d'entrer sur ma terre, sans ma permission,

'en ,faisant. un pareil tintamarre! )) Vu de leurs chefs invoque

à la fois: ({ Ma Doué JupIter, Calvin ac Alcorant!» Malgré

l'appui du diable armé de sa faux, les rangs des Turcs , sont

enfoncés par Robert, a'u grand dam du sultan qui ' sacre et

tempête: ({ 0 pestete Mornon ! Palajarni ventré ! Palatete

morbleu! » et traite ses soldats de ({ Poultronet execrabl,

(i) Théâtre . Celtique, p.423.

bougréet inhumén ! » Après mille péripéties, Robert reçoit · en
récompense de savaleur la main de Massin, fllle de l'empe­
reur, retourne en France avec sa jeune femme, trouve sa.
mè're veuve et devient duc de Normandie. .

(23) Jérusalem délivrée

. XIX

siècle, in-folio papier, 2;)2 pages, demi-reliure,

Ce n'est ·pa.s un mystère, mais une adaptation en ve' rs
alexandrins du poème du Tasse. Elle s'ouvre par un dialogue
entre Dieu, Godefroi de Bouillon et un ange, mais dès la
cinquième scène, il n'y a plus que du récit. La division en
scènes semble correspondre aux chants. A partir de la page
69, au lieu de scène,on trouve: Chabistr. pagè '177 : fin d'ar

henta 1jolum. Page 179 : Jerusalem delivret, daouvet ' IJolum,
chabistr quentan. Quelquefois, les longues tirades sont sépa­ rées du texte à la manière'des tragédies: Guetta coms :(p. 247).
Le manuscrit s'achève après ce discours de .Guelfe en faveur
de Renaud (chant XIV). ' ' . . ':

. (24) Ruffo, chef-brigand.

XIX

siècle, in-folio papier, 97 pages, demi-reliure.

Tragédie en trois actes. Vers alexandrins. Probablement
d'Auguste Corre, à en juger par l'affreux jargon francisé des
personnages, parmi lesquels le duc et la duchesse de Marialva,

le comte Albano (Ruffo) le duc de Ferrare~ Fernandine,

l'héroïne malheureuse, les deux valets comiques Presto et
Retardo, etc ... L'un des acteurs dit en guise d'épilogue: « Au-

diteurs prudents, voici achevée la vie de la famille de Marialva,

puisque nous venons de terminer la pièce. ' Donnez-en, s'il
vous plaît, connaissance àvos parents et à vos amis. »

(25) Chedoni.

XIX

siècle, in-folio papier, 1'16 pages, demi-reliure. ,

Tragédie en quatre actes; vers' alexandrins. La Bibliothèque

" 100 -

natIOnale possède (Fonds celtique No 40) le « Mystère de
Chedoni et Helena Rosalba, copié à Lannion ep 1839 par
Joseph Prigent ». Ici, l'héroïne se nomme Rosalma. Cette piè­
ce est une adaption de quelque livre de colportage, ainsi
qu'en convient le prologue: « Ce n'est pas un auteur qui a
fait la pièce; pourtant il est difficile de tOurner du français
en breton; j'y ai appliqué tout mon esprit et ma mémoire.
Vous me justifierez quand vous aurez vu la pièce ».
Chedoni est un grand inquisiteur espagnol, (( a1" general en
chef d'an Inquisition)), tribunal dont le poète semble totale­
ment ignorer la nature,et qu'il transforme en une formidable
association de brigands. Chedoni en est l'âme; sa toute-puis­
sance ~'étend en Espagne, en Italie, en Hongrie. Le roi se
soumet à ses ordres. Il dit de lui-même : « La croix dans
une main, le poignard dans l'autre, j'en impose à tout homme,
si puissant soit-il ». Il persécute sa nièce Héléna pour l'obliger

à entrer au couvent et s'emparer de sa fortune, mais le
chevalier Vicentio Vivaldi, fiancé de la belle, s'oppose aux .

noirs desseins du scélérat. On se provoque, on se bat, on
s'égorge tout au long de la pièce. Vicentio et Héléna, réfugiés
à Rome, y reçoivent la bénédiction nuptiale des mains d'un
pape affàbfé et paterne, qui les salue d'un ( Bonjour, ma buga­
le, respectueusament». Au moment où il prononce la form ule :
Ego conjungo vos in matrimonium,
Doue zo voar ar bed, eb" ars en En 0 chom,
Chedoni surgit avec sa bande. Nouvelle batailIe; le Saint
Père est quelque ' peu malmené; Hélèna et sa ~ère sont
entraînées par les cheveux. En guise de consolation, le pape
invite à dîner le désolé Vicentio : «( Entrons . d'abord au salon,
lui propose-t-il, pour nous rafraîchir ». Fort de la bénédiction

pontificale, Vicentio délivre sa femme, et Chedoni, char-
gé de chaînes, est conduit sur une place de Madrid où la foule
l'assomme en criant: Vive la liberté! .

- 101
La collection de Lesquiffiou possède aussi un exemplaire
de « l'œuvre comique la plus importante que nous ait léguée
le théâtre armoricain») (1). C'est la

(26) . Vie de Saint Malargé .
. XIX

siècle, in-folio papier, 30 feuillets, demi-reliure.

Folio 1, titre: (( Ruez Sant Malargé, comedy, sur une copie
de 1767 (scrivet gantFrançois Salaun, deus al' barous Plouber}
appartenant aujourd'hui à M. Th. de la Villemai'qué )i. -
Folio 29 verso : Hanoyou an Actorien deus a vuez Malargé -
184;).

Je ne recommencerai pas l'analyse que M. Le Braz R si
bien faite de cette pièce mouvementée et amusante (2), dont
« un Mardi-Gras vivant, agissant, haut en couleur et bien en'
chair, est vraiment l'âme bouffonne». Le texte de Lesquiffiou
. ne présente avec celui qu'il a utilisé que d'insignifiantes d· iffé­
rences. La femme de Malal'gé est ici anonyme. Malargé pafle
de mutiler le président sans le saigner (ep e '/jOadan), tandis
que Le Braz le fait menacer son juge et de l'un et de l'autre.
Guillery répond au cri des marchands de verre et d'étain: .

Qui veut acheter des verres?
Qui veut de l'étain bien clair?
par ceux de: Oui veut la cerenade '?
. . Qui veut savoir?
Les expressions et les exclamations fran~aises plus ou moins
estropiées surabondent dans cette comédie : Palemorbieu !
Charnibiach! pallecharny / ma t'oy, . salut, parbleur, n'im­
porte quet, bon par ma toy, voilà qui est fait, etc.

Je terminerai cette étude par trois notes qui pourront ser-

vil' à l'histoire du théâtre breton. La première est un extrait,
(i) A. Le Braz, Théâtre Celtique, p. 395.
(2) Ibid. pp. 395-401.

_ . 102
pris aux archives' communales de Morlaix; d'un registre de
« Travail journalier du bureau municipal Jl, ' de Février 1790
à Mars 1793. "
«( 20 Février 1792. Le Bureau municipal a permis aux
nommés Prigen t, Yves Pappe, 'Guillaume Vidal, Jacques
Porhel ~t autres jeunes citoyens de leur Société, . de · donner
une représenta tion d'une pièce drp.matique en idiome breton,
dans une chambre de la maison du sieur Piriou, Rue ' des

Nobles;, en observant les règles de police et en prévenant la
municipalité des jours et de l'heure à laquelle · ces l~eprésen- ;

tations auront lieu ». .
C'est une conséquence imprévue de la Révolution, comme
l'a remarque Le Goffic. (1), que d'avoir provoqué le réveil
d'un théâtre foncièrement religie, ux, et qui agonisait · depuis
un demi-siècle sous les ;interdictions des évêques et les ordon­
nances du Parlement. La chut~ de l'ancien régime permit à
la « société» de Prigent et à plusieurs autres de naître et de
prospérer sans entraves, Il est pl'Obable . que la , troupe . mor­
laisienne de Jobic Coat, qui florissait sous Louis-Philippe, se
relie à la précédente. S'il est diffic. ile de croire, comme son
fils Vincent Coat l'affirmait à Le Braz (2), que l'imprésario bre­
ton ait cùmposé plus de trois cents pièces, sa production fut

cependant des plus abondantes, et la quantité y remplaç. a,,fort
mal, la qualité. Le triomphe de Jobic Coatètait,' paraît-il, sa

pièce de la Tour' de Nesle, dont un distique lapidaire surna-
ge encore dans la mémoire des vieilles gens ·: '
Ha nape'Us ket a sonch., Marc'harit a Vourgogn,
Panoas en Tour de Nesl oc'h oberda charogn?

En souvenir du drame où Jobic Coat avait revêtu d'un
breton « déguenillé à faire honte» l'armature de la. pièce de

D!1mas, une vieille tourelle; située dan~ un'e arrière-:cour d, u

(I) L'Ame bretonne, t. I. 1.902, p. 270.
. (2) Théâtre Celtique, p. 450.

: 103-

quartier populaire de Saint Matthieu, a conservé le nom de
Tour de Nesle. '. . .
Le second document est l'acte de décès de ce Tanguy
Guéguen, chanoine et organiste de la collégiale du Mur, à
Morlaix, qui a publié chez l'imprimeur Georges Alienne, entre
autres ouvrages traduits ou adaptés, une seconde édition un
peu moderni$ée du mystère de la Passion et de la Résurrection
suivi des poèmes Tremenvan an ytron Maria, puis he pemzec
Levenez et Buhez mab den (1622), « en quoi; écrit M. Ernault,
il a rendu un grand service à la langue et à la littérature de
son pays)) (1). Ce devait être un personnage d'importance

que « Maistre Tanguy», comme l'appellent le~ comptes de
l'église du Mur (2)" car son acte de décès se trouve porté, nOQ
seulement sur les registres de Saint Matthieu sa paroisse,
mais encore sur ceux de Saint-Melaine. Voici le texte ,trop
concis de ces deux pièces :
. (( Dominus Tanguidus Gueguen, . pbr, chapetlus (sic) in
EgLisia (sic) diva Maria de Muro, obiit die decima octava

mensis juUii anno dnî milleo sexcentessimo trigesirriO secundo.
," J, Silliau, pbr. (3)) .,
H Vénérable Mire Tanguy Guéguen, prebtre, chanoine et

organiste en leglise' collegiale de Nre Dame du Mur deceda le

jour.d'hier après avoir receu les Sets Sacrements de péniten- .
ce, communion et extrême onction, et a esté enterré.' ce jO~Ir
vingtiesme juillet an mil six centz trante et deux.
Geffroy Le Gualès (4) ».

Ma troisième note apporte une rectification partielle à ce

que dit Le Braz au sujet de la localisation de la littérature des
mystères dans, les évêchés de Vannes, Tréguier et Saint-

(1) Le Fureteur Breton, III, pp. 262-263.

(2) Archives du Finistère, G. i86. V. Revue Celtique, XIII, 344.

(3) Archives de la mairie de Morlaix. Paroisse de Saint Matthieu. Registre
des décès 1.629-1657, fo H recto.

(4) Id. Paroisse de Saint-Melaine. Registre des décès i662-i667, f· 52 verso

" 104-

Brieuc. « Il n'y a pas trace, à ma connaissance, écrit-il~ que
cette littérature ait... franchi, vers l'Ouest, la rivière {{e
Morlaix ... Tout le Léon, toute la Cornouaille, ainsi que l'an,
cien co' mté de Poher, restent complètement en dehors ' de
l'histoire du théâtre breton. S'ils ont eu des annales drama-

tiques, nul écho ne nous a transmis le souvenir » ('1). Certes,
nul n'admire plus que moi la conscience et l'érudition que
l'éminent écrivain a mises dans son beau et sincère livre sur
le Théâtre Celtique, mais, malgré l'étendue de ses recherches,
il n'a pu tout voir et tout compulset'. C'est ainsi que lui a

échappé- cet article, pourtant si significatif, du « Livre de
Compte du sieur de la Haye», publié dans notre Bulletin par
Mo . Le Men: « Le dimanche 3dud. mois (Juin 1576) à Lan­
paul, pour la collation du sieur de Lanuzouarn, sa sœur Kera­
mtulou, deux hommes, led. tutteur et troys chevaulx, auquel
lieu L'on jouoyt l' histoire )) (2). Cette histoire, a jugé M. Le

Men, ne peut être q~'un « mystère breton », et il a: ajouté cet

éclaircissement en note. Comme il s'agit sans nul d'Oute ici de
Lampaul-Guimiliau, localité voisine de Plouénan, où la
famille de Lanuzouarn avait son manoir, la preuve est faite
(sans même-rappeler le prêtre léoriais Fiacre Mesanstourm et
sa Prise de Jérusalem )' que le Léon du moins n'est pas resté
absolument étranger aux émotions dramatiques de nos vieux
mystères .

L. LE GUENNEC

Errata Notre confrère M. de Bergevin me fait remarquer
que j'ai commis une erreur '(p. 70) en traduisant visgouelen

- par: mois de juillet, qui se dit vis gouere. Il faut lire: mois

de juin (vis Gouel-Yan, mois de la fête de Saint Jean) et
rectifier en conséquence la dernière phrase.

(1) Théâtre Celtique, p. 268.
(2) Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, t. V, p. 88.

au .'0 .. . 'i ' "

III.

DEUX·I· E
, E . PARTIE

Table dés Mémo, ires publiés en 1912

L'Histoire de Cornouaille d'après un livre récent
par M. ANDRÉ OHEIX ......................... .
Les fusaïoles en pierres ornementées du dépar-

Pages

tement des Côtes-du-Nord, par M. A. MARTIN . . J 25
Eglises et. Chapelles du Finistère (suite) (Canton

de Morlaix), par M. le Chanoine PEYRON ..... . 38
Les Saints Bretons et les Animaux. Etude
hagiographique et iconographique, (suite, voir
T. XXXVIII) par M. le Chanoine ABGRALL ..... 51-267
V. Notice sur la Chapelle Saint-Jean Balanant, par

M. CHAUSSEPIED.. . . . .. ...................... 60
. VI. . Les Mystères bretons de la Bibliothèque de Les-

quiffiou, par M. LE GUENNEC . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
VII. Le dolmen de l'isthme de Kermorvan, en Plou­
moguer et ses gravures, par M. le Capitaine de

VIII.

frégaLe A. DEVOIR ........................... .
Remarques sur certaines étymologies citées par

M. H. -P. HIRMENECH dans son ELude sur le
Men Letonniec, Monument Celtique de Locma­ riaquer (Morbihan) par M. le Dr PrCQUENARD ..
Le Tombeau de Saint-Ronan à Locronan, par

Conrad Echer, traduction de l'allemand par M .
105

120
l'abbé PHILIPPON. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
X. Le Trésor découvert à Runabat, en Tourch (Fi-
nistère) par M. de VILLIERS DU TERHAGE . . . . . . 155
XI. Vestiges gëUlo-romains de Lansaludou, en Gui-
lers-Plogastel, par M. Le Chanoine ABGRALL. . 161

XII. Rannou Trélever, (légende et histoire) par M.
Louis LE GUEN NEC.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

XIII.

Esquisse biogr~phique de M. Gabriel-Honoré de
Miollis, 1758-1830, Préfet du Fir1jstère\ sous ·le
premier Empire de 1805· à 1812, ' tiré du livre
de raison de M. Francis Saint-Pol-de":Léon de

Miollis, son fils, écrit en 1865., . . .. , , . , , . , ,.' 179
XIV. Les Anciens Seigneurs de la Coudraye, en Tré­
méoc, par M. le Ct

le NEPVOU DE CARFOR'l' ... 201-240
XV. Témoins mégalithiques . des variations des
lignes des rivages armoricains, par M. le

Capitaine de frégate A. DEVOIR, .... , ,', , . . . . . . 220
XVI. La coiffe bretonne, par M. LE CARGUET . . . . . . . . 283

:'.. . .. . " ott .. " oC