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Bulletin SAF 1911


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Les coffrets de pierre et les squelettes de Feunteunigou en Plouhinec

M.H. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1911 tome 38 - Pages 334 à 349

H6~,d~
8~. 531
29107

LES COFFRETS DE PIERRE

et les Squelettes de Feunteunigou
EN PLOUHINEC

La partie N .-0. de la commune de Plouhinec se termine
par un vaste plateau,' élevé de 69 ' mètres à 101 mètres, cir-
. conscrit par la rivière d'Audierne. .
La partie S.-O. dévale, du bourg jusqu'à la mer, par un
versant de deux kilomètres par son travers.

Le plateau N. sans abri est exposé à toutes les intempéries.
Mais sa situation stratégique, par son isolement et ses hau­
teurs qui dominent tous les alentours, en fait un lieu de
défense exceptionel. Là se trouvent, en effet, plusieurs camps
fortifiés. .' .

Le versant S.-O. abrité des vents froids du Nord et de l'Est, .
au sol fertile exposé au soleil, se trouve dans le-s conditions

les plus favorables pour une habitation permanente. La préco-

cité des récoltes et le voisinage de la mer y rendaient la vie
facile. .
Partout, dans cette région, l'on trouve des traces des
anciennes occupations.
-L'époque néolithique se montre, surtout, au plateau Nord
et sur les coUines rocailleuses du versant Sud, là où la pierre
est à fleur de sol. Il semble que les hommes de cette époque .
aient recherché pour asseoir leurs établissements, les endroits

élevés, les gorré, au sol ferme, où le piétinement ne pouvait

. ' , . 33!S

enceinte circulaire, à une centaine de mètres au Sud du

village de Saint Jean, sur la crète du versant qui aboutit au

Goyen, rivière d'Audierne.

L'occupation gauloise avait une station importante à l'angle
N.-O. du plateau, au coude de la rivière, 'près du village de
Kersigneau. . ,

Cette occupation est surmontée d'un camp romain. (1)
. Le bronze est représenté, sur le plateau, par une cachette de
fondeur, près du village de Kervanna.
Mais les occupations les plus importantes de la région se
trouvent aU versant S.-O. Les quatre principales sont: celles

, du Soc'h, de l'époque néolithique; à côté, une station romai-
ne que nous signalons pour la première fois, bien que nous
l'ayons découverte en 1884 ; plus près d'Audierne, l'Dccupa-

tion gauloise de Kerouer et celle de Feunteunigou. L'explora-
tion de cette dernière fait l'objet de cette étude .

Sur le versant qui a son point culminant au bourg de Plou-

hinec (101

), on rencontre, à l'altitude de 61

10 à 64

64, un

espace couvert de pierres brûlées. Çà et là sont des substruc-
tions de I

50 à la base, implantées, parfois, de pierres debout,
supports probables de troncs d'arbres. Ce sont les vestiges

d'une occupation, de caractère assez récent, mais que cértai-

nes traces, quelques objets épars permettent de rattacher à la
période gauloise. Les pier.res brûlées sont très friables, indice
d'un violent incendie.
Plus bas, se trouve une plate-forme, quasi circulaire,

(altitude 54

22 à 58

77), appelée Goal-a-vester, éta.ge dange-
reux, cernée, à la partie déclive, par une muraille de blocs de '

(i) Voir au bulletin de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, i890, le corn-

pte rendu de ces explorations .

- J - 336 ~ '-

pier'res. D'autres constructions, faites pour retenir ' les terres
sur la pente, se relient - à cette enceinte. Dans' ceUe partie,
nulles traces d'incendie. ' ,

Entre la station gauloise et l'enceinte, ' est un champ en
pente, paTC Raster, l~ champ de l'incendiaiTe, (B. nO '1763 du
cadastre) ; : à l'angl' e N .-0., un amoncellement de terre rappor­
tée, de 2

86 de hauteur, sur 20

environ de diamètre. Sur
la partIe déclive du champ, cette butte se prolonge, à 22

cause du tassement et du glissement' de let terre. Son, sommet

est à l'angle même du mur et ne semble pas se prolonger au
delà de 'let clôture, dans le champ voisin. Cet butte recouvre
un, éertÇiin n'om'bre' de sépultures ou coffrets de pielTe, dont
doUze ont été découverts. ' , . '

III. .

'La butte, en forme de (au, 1) tumulus, était com'posée de'

tet're argileuse .- rapportée, homogène, saris cailloux, dans
laquelle ont été enfouies les sépultures. Rien ne fait supposer
qu'elle ait eu une chape pierreuse, ou galgal. Les couvercles
de quelques coffrets étaient seulement surchargés de deux à

qüatre pierres,ét le's grandes parois étançonnées en leur

milieu, par quelques gt'osses pierres, entre lesquelles étaient

des galets fortement coïncés. A côté, se trouvaient des percu-

teurs qui avaient servi à cet agencement.
Le's sérmltures, en coff'rets quadrangulaires, 'étaient faites

de quatt'e pierres plates posées de champ pour les parois, et

d'une autre patène pour le couvercle. L'épaisseur de ces pierres

est de Om09 à Om12.

Les grands côtés avaient 9 leurs extrémités, des rainures

ou des assemblages, dans l'épaisseur de la pierre, pour rece-
VOIr les extrémités des peLits côtés. Les couvercles étaient

aussi rainurés pour s'adapter sur les tranches des parois, ou
entaillés par leurs bords de manière à faire un relief -qui

s'emboîtât dan's le coffret. _

- 337 ' -

Beaucoup de ces pie'rres avaient reçu, du côté interne hon

un polissage, mais un piquetage assez fin, dû, probabl'emènt,
au travail d'un outil métallique. Les rainures et les entailles,
profondes . de Om025,. environ, étaient toujours finement

pre parees. ' " " ' ,
. Un lutage de mortier reliait encore' les' couvercles.

Tout indiquait qu'on recherchait, comme ' condition essen-
tielle, une étanchéité la pl us parfaite poss. ible. '
, Les sépulLures ont été, faites en l;abattant la terre de la

butte, jusqu'au sous-sol ,sur lequel on posait,' à plat, les parois
du coffret, de manière à faire ,coïncidel' les angles de' là base
et déterminer un quadrilatère. Puis, si,les gl~ands côtés étaient

à rainures, on relevait les deux bouts qu ~on maintenait verti-
calement, pendant que les grands côtés, alors relevés, venaient
s'y appliquer par les entailles. Les grands ' côtés étaient
ensuite étançonnés par leur milieu. Ce genre de ~sépultures a
presque toujours les quatre parois verticales; et l'orifice peu
différent de la base. , '. , " ..
. Au contraire, si les grands côtés étaient entaillés par ·.de~
assemblages, on relevait d'abord ces' Côtés qu'on appuyai!
, verticalemènt contre des'grosses pierres. Puis on relevait le~
bouts qu'on faisait basculer et glisser de force jusqu'au~
rebords des entailles. Dans ce genre de sépulture, souvenl
l'orifice était plus étroit q'Ue' le fond. les bouts, pal' le haut
se trouvant inclinés vers l'intérieur du coUret.
Dimensions intérieUl~e~ de quelques sépultures: ,

A l'orifice, grands côtés ........... '. . . 1 m 06 - 1 ID JO
-' . petits côtés ................. , 0 60 0 62
Profondeur ................. -. . . . . . .. 0 75.
Longueur moyenne, à la base ......... . 1 20.

A l'orifice, grand diamètre. ': . ....... . o 28.

Alabase, ' ........ ~ .. o 40.

Profondeur . .- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 0 45.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXVIII (Mémoires 22;

- 338 ' "

A l'extérieùr, longueur des grands côtés ' 1

.. A l'intérieur, . 0 8n
1 ID »» .
"longueur des , petits côtés . .
o .. 70
0 SO.
Profondeur ....................... . 0 7n. "

Grand diamètre de la base .......... . 1

4°' A l'orifice, grands côtés ........... '. .. 0 no . 0 Dn.
. . petits côtés. . . . . . . . . . . . . . .. 0 40 O · '3D.
Profondeur ................ " ........ . ·0 30.·· "
.. A IR base, grands côtés ......... " . . . . . o ·. 6n 0 69.
: . petits côtés .... ~ . . . . . . . ... 0 ' 40 0 · 39"
nO A l'orifice, grands côtés ...... ~ ...... '0 ms " 0 nn.
· ..... . pe lits côtés . .' .... : . . . . . ... 0 ·40 " O · 37 .
Profondeui ...... ~ .......... '" .. " . " .: ..0 34. ""

: A la base, grands côtés ..... : .. : ..... . O·. 6n 0 62.
petits côlés ....... : .... " . . .. : 0 · 40

39 .. 0

6° A l'ori"fice, grands côtés .. : . . . . . .. . . . . . O· n'2

. petits côlés ............ " ., 0 31' 0 33;

Profondeur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 30 ~

; Ala base, grands côtes; " . : ........ ; .. 0 " 70 - 0 68. .

petits côtés. . . . . . . . . . . . . .. 0 48 0 4

. Couverclè débordant le coffret de tous les côtés

.: Longueur ...................... ~ . .. 0 7n. ·
: Largeur ...... , . ~ . ~ .................. . 0 36.
Dimensions du relief s'emboîtant dans " le coffret"

Longueur. , ......... , ..... .- " . .-...... 0 48. . . - , .
La rge ur. ! ....... , 0 .

A l'orifice, grands c-ôtés. . . . .. ....... 0 82 0 8n.
petits côtés .......... " ..... : ·0 52· . 0 ·n2.
. . Profondeur .... r . 0 6n.
A la base, grands côtés. . . . . . . . . . . . .. 0 90 ' 0 -90.
pètits côtés .............. " 0 nn 0 n4 .

8(, Cette sépulture a été détruite le 2 avril 1910. .
Dimensions du couvercle, longueur. .. 2 10.
. largo l ' j»). "

- 339

Partie entaillée et finement travail"lée, '

formant relief, côtés. . . . . . . . . . . . . . . ....
1 fi 30 - 1 ID Q;) ,
Haute' ur ........... ............... . 1 » »

Toutes les sépultures étaient à inhumations. Le fond de~
coffrets contenait une couche de sable calcaire provenant df
la mer, ou de granit brûlé et broyé menu, (lU d'un mélangf
des deux étendu sur le sous-sol, et, parfois, sur un dallagf
de pierres plates. Un lit semblable séparait encore les sque·

lettes superposés dans les sépultures à inhumations multiples
Seulement le premier mort reposait ordinairement sur un li
de sable. Il semble que le granit broyé n'ait été mis en usage

qu'à une époque postérieure à la première inhumation. On If

rencontre toujours dans les coffrets renfermant un seul corps
et probablement dans les dernières sépultures établies.

, Nous attirons l'attention sur ce granit brûlé rencontré

pour la première fois, dan s les sépultures à inhumations

Dans les . coffrets de Roz-Kriben et de Kerbuzulic, en Au

dierne, c'était du sable de rivière avec ' des petits caillom
roulés; à Trez-Goarem, en Esquibien, un sable jaune . d'or
de nature silicieuse; au Castel et à Kerandraon, en Primelin

le sable du rivage contenant peu de calcaire .
. . Les couches de sable calcaire et de granit brûlé, employé:
dans les sépultures. de Feunteunigou, étaient mieux ' appro
priées pour la conservation des squelettes: les inhumation:

successives permettaient 'de s'en rendre compte. Ce choix dl

matériaux n'a pu être fait qu'après expérience, ou par SUitl

d'une circonstance locale fortuite, l'amoncellement de pierre,

brûlées dans le voisinage. . .
. Sur le lit de sable et de granit, les squelettes reposaient
en chien de fusil, sur le côté gauche, les jambes repliées su
. les cuisses, les genoux relevés contre la poitrine; les coude:
s'appuyaient sur. les genoux, et les bras relevés vers la face

- 340 .-

tes cadavres orientés S . .:.E., parfois dans la 'diagonale des
coffrets, avaient la face tournée vers le N.-O. C'étaient donc
des sépultures païennes; car, dans les anciennes sépultures
chrétiennes, la face du mort était tournée vers l'Orient d'où

est venue la lumière du Christianisme.
. 'Pour renfermer les cadavres dans des sépultures si res­
treintes il a fallu attendre la disparition de la rigidité cada-

vériqoe. Pendant ce temps, se préparait la sépulture et s'ac-
complissaient des rites funèbres qui ont laissé peu de
. traces. X . . "
L'usage d'inhumer les morts dans des cercueils trop petits
a été pratillué par diverses civilisations. Dans les anciennes
alluvions du lac Tchad, vers l'embouchure du Chary, l'on

rencontre des jarres de un mètre de hauteur, contenant,
accroupis des squelettes, les cOlldes appuyés sur les genoux,
les paumes des mains appliquées l'une contre l'autre, et" le
dos des mains appuyé sur l'une ou l'autre joue, selon le sexe
du défunt; le front était entouré d'un - bandeau de cuir avec

des appliques en bronze. La tradition rapporte que cet usage
était pratiqué, au XVIe et au XVIIe siècles, par une population
dont les descendants .ont disparu (1). Au Japon, un antique
usage était aussi de « renfermer les morts dans une paisse
« carrée ou un tonneau, (ou plutôt la moitié d'un tonneau),
« dans lequel le mort était accroupi de façon que les genoux
« viennent rencontrer le visage. Cet usage se pratique encore

« aujourd'hui (2) »).
Mais ce sont là des sépultures à une seule inhumation.
A Feunteunigou, au contraire, les coffrets contenaient de un
à trois squelettes, ceux-ci superposés. Mais quel que fut le
nombre des cadavres, il existait toujours un vide de 0 m 10 à

(i) C. F. Le capitaine Louis Cotten, de l'Infanterie Coloniale, qui a. bien
voulu faire don, au Musee archéologique, de l'une de ces appliques de
bronze.
(2) L'Empire Japonais, par Joseph Dautremer, p. 77.

. _ .. 341

o ID Hl entre les derniers ossements inhumés et le couvercle.
Quelques sépultures avaient en outre servi plusieurs fois,
après avoir été entièrement vidées de leurs premiers conte­
nus. Les débris en provenant avaient été recueillis et déposé8
dans d'auti'es coffrets, à déborder; le couvercle en avait fait
le tassement et v adhérait. Dans l'un de ces coffrets nom

avons recueilli, avec des ossements épars, une centaine dE
dents. Nulle part dans la terre qui entourait les coffrets, nom
n'avons rencontré d'ossements. C'est un indice du soin avec
lequel on recueillait les restes des anciens morts. A Keran
draon, un cercueil contenait aussi des fe' uilles de chêne? et
dansun coin, une poignée de dents ('1) .
Nous n'avons pas trouvé, comme à Keroullou, de sépulture,
d'attente, préparées d'avance, entièrement vides, avec l,
fond seulement recouvert d'une couche de sable fin. Mais ur

fait commun aux sépultures en Kist-ven, c'est la rencontre
dans la butte ou ses environs, (Feunteunigou, Keroullou, Ros

Kriben, etc.) d'une meule plate, creusée en auge par le mou

Vement de va et vient, à bout de bras, de la molette. Ce genr
de meule est encore en usage chez la plupart des peuplade

de l'Afrique Centrale, à partir du Sénégal.
D'après le volume, le poids et l'aspect de certains os, nou
pensons que des morts, cie sexes différents, avaient été réuni

dans une même sépulture. A côté de celle-ci se trouvait u
petit coffret contenant un squelette d'enfant. Pareil fait a ét
rencontré à Trez-Goarem.
Avec les squelettes, deux cercueils contenaient seulemel
les débris d'un vase grossier et quelques silex.
Ces objets se trouvaient dans la même couche que le pr
miel' des squelettes inhumé.

(-1) Dans le Cap-Sizun, on découvre, très fréquemment, des cercueils,
pierre avec des ossements. Comme o. n sait qu'ils ne renferment pas ,
trésor, on se contente actuellement de broyer la tête du [{orrik d'un co'
de pioche et de disperser ses restes. Dans les premiers temps de no!
séjour à Audierne, nous étions toujours prévenu de ces découvertes .

'_.. 342-
, Dans un autre coffret, 'servant de chainier, bondé jusqu'au
couvercle, d'ossements; principalement d'enfants, et de terre
provenant de plusieures sépultures, nous avons aussi re-,
cueilli deux grains de collier, faits d'une composition blan-

châtre, très friable, de l'aspect de coquillages décomposés,

mais entaillés de torons parallèles et non de spires. Ces '
grains" l'un cylindrique, l'autre ellipsoïde, étaient perforés,
dans leur plus grande longùeur, d'un trou d'un demi milli-
mètre de diamètre. "

Grande est toujours l'émotion devant une découverte ar­
chéologique, par le mystère de la trouvaille, l'imprévu de

son exploration. Plus forte encore, cette émotion, devant u, ne
sépulture inviolée, dégagée , seulement de la terre qui l'en­
tourait. De tous les villages voisins, l'on accourt, l'on se
groupe; l'on commente: ' ,

' t'? , K' k ? E
- « est un resor .... non .... un orn .... )) n

tous' cas, chose mystérieuse qui intrigue les assistants.

Cependant, le couvercle, de mains fermes, précautionneu-
ses, est saisi, soulevé. Un rayon de lumière pénètre là où

depuis des milliers d'années, reposait' le mort dans la nuit de

la tombe.
Le cercle des curieux se recule, se masse en groupes écar­

- « Quelque chose peut sortir de là et faire du mal ? ...
« On ne sait! )) . ,
Les moins émus, au premier rang, bravent; les autres"
derrière, regardent, inquiets: Plusieurs se découvrent.
« Rien ne sort du coffret! » ,-
L'on s'enhardit; la curiosité s'éveille:
. « C'est un trésor!)) -

L'on s'approche; l'on regarde: déception!
- . « DeLiou dero ! Des, feuilles de chêne.! ))

- 343 -'

.. Le tr:ésdr: s'est tra.nsformé. Vite, qu'on jette dessus un

objet. bénit qui lui fera reprendre. son premier aspect! .
, Cette scène se passait le 30 janvier, à l'ouverture d'un cer~
eueil d'enfant. . " . .
, Le COl~pS reposait sur 'le côté ·· gauche. Le milieu, dans-la
région du foie, avait une coloration verdâtre: " biliverdine
ou sel de cuivre (1) '? A l'une des extrémités, se trouvah une '
couche éLalée de 'lamelles brunâtres, plissées, erispées, ' con­
tournées. Lé poids de 'l'encéphale, la pression des gaz avait

sr"55
' .. ~:~ ' 52. "'-Jj

G. . Station gauloise incendiée.

B. Pierres brûlées.
A. Goal-a-vester - Station non incendiée . .

R. - Parc-ar-Roster.
t. Faux tumulus avec Kist-uen .

disjoint les sutures du crâne ;' la tête s'était ' aplatie contre

le sol; la voûte affaissée; les os, disjoints; ~t l'ensemblE
avait bren la couleur et l'apparence de feuilles sèches dE

(i) Il serait utile t'en faire l'analyse. .

, 344 · -

chêne ~ A part cette déformation de la tête, le corps était intact.
A l'extrémité N>O. de cette sépulture, et séparé pat un
intervalle de 0 m 40 était un . autre coffret avec trois squelettes
superposés. Le premier personnage, âgé de 20 à 2;5 ans;
os relativement grêles; attaches musculaires peu saillantes;
la tête aux courbes hêumonieuses, de la haute série des
mésaticéphales; épaisseur cranienne, au temporal 0 ID 0051.
Dentition saine et bien rangée, malgré un fort prognatisme

~lvéolo-dentaire. Dans l'ensGmble, aspect féminin . .

Le deuxième sf[uelette a le crâne disharmonique ; brachy-
céphalie; arcades sourcil-lières saillantes; OI'bites inégaux
comme indice et superficie. Orthognate. Au maxillaire infé­
rieur, atrophie du menton et des incisives; à 2 centimètres
du bord alvéolaire interne, dans la ligne médiane, saillie de
la racine d'une dent en surnombre. Au maxillaire supérieur,
gigantisme des deux incisives médianes; racine bifide de la

' canine gauche; carie profonde des première et deuxième .
molaires droites; usu re plus prononcée des dents à gauche .
Affaissement de la voûte cranienne du côté droit; plus
étendu en ' arrière de la suture fronto-pariétale, mais attei-
. gnant les deux os et la fontanelle Au pariétal droit, quatre
cupules intra-craniennes, dont l'une, ronde, creusée à pic,
large de Q millimètres 1/2, lésant les trois quarts de l'épais­
seur de l'os qui parait fissuré à l'extérieur; une autre cupule,
de '1 millimètre de diamètre, est fermée par une petite exos­
tose externe éburnée. Projection, en arrière, de 0 ID 011, de
l'occipital qui est relié . aux pariétaux par un chapelet d'os
Wormiens, ou os Incœ spurium (1). Ces lésions et déforma­
tions sont probablement les effets d'une ancienne hydrocé­
phalie qui a dù longtemps tenir l'individu dans des conditions
d'infériorité pour pourvoir à son existence. Pour avoir atteint,
sinon dépassé la moyenne normale de la vie humaine, il a

(1.) Georges Buschan, l'Anthropolps'ie, 19!Q.

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_.' "346

dû, sans doute, avoir été reçu à la charge de sa famille et de
sa tribu. .
Le troisième squelette qui occupait le fond de la sépulture
était celui d'un vieillard; épaisseur cranienne 0 mOtO ; un
seul fragment du maxillaire inférieur gauche contient les
racines cariées des première, deuxième et quatl'ième molaires.
Un vase brûlé et désagrégé accompagnait ces squelettes (1).

C'est avec un sentiment de tristesse que l'explorateur
découvre ces ossements qui ont gardé, à travers tant de siè­
eles, l'ordre et l'agencement qu'ils avaient quand la vie les
animait. Mais c'est avec respect qu'il les touche, les compte,
les décrit pour connaître " s'il est possible, l'origine de l'hu­
main à qui ils ont appartenu; qu'il retire de sa tombe, · les
objets témoins de "" son époque, de ses habitudes, de sa civilisa­
tion. Souvent, à ces interrogations, à ces recherches, rien,
comme à Fetinteunigou, ne peut satisfaire, si ce n'est, que,
bien imparfaitement, quelques faibles déductions.

Les sépultures, · en coHI'ets de pierre, par inhumation,

sont communes dans le Cap: Sizun et les environs de la baie

d'Audierne. Nous avons connaissance de plUs d'une centaine

qui nous ont été signalées, découvertes, çà et là, dans le Cap,
par les labours. "
Les constructeurs de ces sépultures semblent avoir recher­
ché des terres meubles pour les y établir.Ils ont trouvé ces
terres appropriées à leur genre de construction:

1° En construisant de !aùx tumulus, sans les recouvrir
d'un galgal, comme à Feunteunigou. Ils déblayaient la terre
pour établir la tombe, et la relevaient pour l'en couvrir, après
chaque inhumation;
(i) Ces deux coffrets sont déposés au Musée départemental d'Archéo­
logie, aveç le çontenu de toutes les sépultures explorées.

" 347
. Dans les plis de terrains des b01~dsde la mer, contre les

versants et à la base des coUines, là où s.e sont amoncelées
les terres charriées par les pluies. (Kerandraon, en Primelin;

Kerbuzulic, en Audierne) ·; .

A la base même et sur le pourtour des grands tumulus,
dont l'aire s'est étendue aux dépens du sommet affaissé par
tassement et dénudé par les pluies; tel le tumulus de
Saint-Michel, à Lescoff, en Plogoff. Dans ce cas, souvent les
. coffrets, Men que pou' oant être postùieuTs au doLmen central,
se trouvent placés dans une couche de terre, au même niveau

que ce dolmen, et même à un niveau inférieur.
Lorsque les coffrets sont placés dans l'œuvre d'une occupa~
tion plus ancienne, ils en sont séparés par un petit muretin

(tumulus de Saint-Michel, de Lescoff; station gauloise et
camp romain de Kersigneau).
Il est rare que les coffrets renferment autre chose· que les
. squelettes. Lorsqu'ils contiennent un vase, c'est d'une poterie
grossière ayant de l'analogie avec la poterie néolithique des

dolmens à incinération. D'où l'on serait peut-être amené à
conclure à une identité de civilisation, entre les grands
dolmens et les petits kist-ven, comme ' aussi à l'unité de
crovance entre l'incinération et l'inhumation: toutes choses,

pourtant bien distinctes. .
Plusieurs caractères anthropologiques des squelettes, tels
que la canine à racine bifide, le tibia aplati, le prognatisme,
etc., permettraient encore de leur attribuer une affinité avec
certaine race ancienne, telle que celle de Cro-Magnon. Mais
combien, à travers le temps et l'espace, de modifications
dans l'ossature, ne serait- ce que la disparition de la doli­
chocéphalie '? Combien d'alliances hétérogènes dans ses
rnigrations des cavernes de la Dordogne, aux ' rivages de
l'Océan? Nous disons, surtout à travers les temps, car il est
permis. d'assigner, à l'occupation de Feunteunigou, une
époque relativement r~cente. L'. emploi dans les coffrets. de

- 348 ~ ,

résidus des pierres bt~ûlées provenant de hi station gauloise

adjacente, serait même une indication que cette station gau-

[bise sérait antérienre aux kist-ven de Feunteunigou.
De toutes les données que nous avons recueillies, on peut
déduire' que tous hs rivages de 'la baie d'Audierne, à une

époque peu éloignée de la conquête romaine, étaient occupés
par un groupe elhnique odis habitants des riDages dont
une tribu nombreuse s'était établie sur le versant de Feun ;;

teunigou. Placée au centre du versant, cette tribu occupait
un vaste territoire: les pienes des coffrets viennent de dis­
tances variant de 2 à 4 kilomètres, limites probables de son
étendue. Cette occupation a été de longue durée, les nom­
breuses inhumations successives et à intervalles éloignés,
dans certaines sépultures, en donnent la preuve. "
Cette tribu se divisait en familles, da ns lesquelles l'assis­
tance aux déshérités physiques était donnée. L'altruisme
était donc une des qualités du grou pe ethnique.
Le respect pour les morts était profond. Les sépultures de
la tribu étaient gl'Oupéessous la même enveloppe de terre;
mais chaque famille avait sa tombe séparée. ~
Toutes les précautions étaient prises, dans la construction
et les dispositions intérieures des coffrets funéraires pOlt}, la
conservation indéfinie des cadaDres ; peut-être aussi pour les
ptémunir de toute violation. '
A cette demièreintention, disposait-on, dans les sépultures
des herbes magiques, oleramagica, tels la verveine, le laurier,
la baguette de coudrier écorcée d'après certains rites, qui
avaient la propriété de faire revivre les morts, quibus mortui
ad vitam reDOcarentur? des vases à incantation, olla sub
terrâ de/ossa, dans lesquels on brûlait, ad maleficium hostile,
diverses compositions destinées à' jeter le maléfice sur celui
qui oserait porter une main profane sur le cadavre? Les ­ plus anciens écrits parlént de ces rites et des objets déposés,
peut-être à l'imitation de civilisations plus anciennes encore,

349

dans les sépultures et retrouvés (1) dans la suite des temps.
A Feunteunigou, 'il n1est rien resté, sinon les débris infoemes
d'un vase brûlé. .

Audierne, le 22 novembre 'l9lL

H. LE CARGUET.

(i) Sunt multa terrâ effossa varUs charactel'ibus insig'nita oracula, qure
multi credunt, nulla alia de causa, qllà.m vetustate esse co'rw'sa, quia
maxima est, antiqllitati reverentia .... , malta Macula sepulcris gentilium
effosa..... (Torreblanca, de Mag'ia.)
Pages
XVII

l{XIX
XLI
XLIV
XLV

. LVII

III.

VII.
VIII .

353

DEUXIE E PARTIE

table des M émoi tes publiés en 1 [) 11

Les grands ensembles mégaiilhiques de .lapres­
· . qu'île de Crozon et leul' drstination originelle,

Pages

par M. le capiLaine de frégate DEVOIR ........ - '.

Un sénéchal de Chàteauneuf-du-Faou, Guillaume

Pic de la Mirandole (1694-1778), par M. RAYMOND

DET..JAI:JORTE . .......... . ........... '.' ........ , . ' . ~ .39

Convoca tion du ban et de l'arrière-ban de l'Evêché

de Léon et de la châtellenie de Modélix-Lan meur

(1534-1708), par lVI. LE GUENNEC ............ " .

Le . tumulus à dolmen de Kermaric, en Langui-

dic (Morbihan). Les dolmens à cham bre
circula'ire ef les dolmens il enceintesmur'ales

de-l'Armorique. L'uniLé de mesure de lon- .. .
gueur dans les conslrucLions mégalithiques , .'

. de la période rréoliLhique, par M. A. MARTIN. . 8E
Etudes sur le Cap-Sizun. IV. Le fief des Regai-
res de Cornouaille au Cap-Sizun. Appen­
dice : Hivernage des bateaux à Audierne en
1573, et Rôle des Fouages cl' Audierne en 1616,
par M. DANIEL BERNARD .................. ' .. .
M. Paul du Chatellier, notice biographique, par
M. le chanoine J.-M. ·ABGRALL ............... .

Sépulture gallo-romaine découverte à Pont-de-
Buis, par M. le chanoine J.-M. ABGI:tALL. " ....
Episodes et anecdotes (5° série), par M. l'abbé

18i

NTOTNE ~AV ............................

IX. Cachette d~ cen t vingt-six haches de bronze dé-

couvertes à Méné-Justis, en Tourc'h, par M. le
comte DE ' lLLlEl1S DU TERRAGE.. . . . . . . . . . . . . . 22~
Eglises et chapelles du Finistère (suite, voir
lomes XXX à XXXII, XXXIV; XXXVI et XXXVII) ;
doyenné de Morlaix, par M. le chanoine
PE" YRON ... ï . . . ' . 0 0 0 - 23(

- 354

Pag
. XI. Découverte d'une cachette de fondeur en Plo-

névez-du-Faou, par M. A. JARNO... ... . .. . .. .. . . . .. 2
XII. Liste des juridictions exercées au XVIIe et XVIII'
siècles dans le ressort du Présidial de Quimper
(suite, voir t. XXXVII); sénéchaussées de Châ-
. teaulin, Châteauneuf et Concarneau, par M. H.
BOURDE DE LA ROG ERIE ........ : ............. .

XIII. Documents pour servir à l'hist.oire des guerres
de la Ligue en Basse-Cornouaille: ExploiLs du
baron de Camors .. (1596), par M. DANIEL BER- ..
NARD.~ . .... ............................. 2
XIV. Essai d'interprétation d'une gravure mégalithi­
que. Le grand support orné de la ({ Table
des Marchands », par M. le capitaine de fré-
gate A. DEVOIR .................. ; ........... .

XV: Les saints brelons et les animaux. Etude hagio-
logique et iconographIque par M. le chanoine
ABGRALL "0 ' ...... o' " .............. " ........ .
X VI. Les coffrels de pierre et tes squelettes de Feun­
teunigou en Plouhinec, par M. H. LE CAR GUET.

FIN

'mprimerie COTONNEC, LEPRINCE, Suce. ' - - Quimper