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Société Archéologique du Finistère - SAF 1911 tome 38 - Pages 229 à 235
CACHETTE
e cent vin t-six hac les ronze
DÉCOUVE'RTES A MÉNÉ-JUSTIS
en TOURC'H (Finistère)
_L _ _ LO ' ,, _ _ ._
Une trouvaille importante d'objets en bronze a été
faite au commencement de l'année (t9 H), au lieu dit Méné-
Justis, près du village de Keradfln, en Tourc'h. Je me mis de
suite en rapport avec le propriétaire, qui consentit à me
céder 121 haches, mais il en avait précédemment donné
CInq.
Dans cette localité existent plusieurs carrières de pierre (1)
groupées sur le flanc d'une colline dont la route de Rosporden
à Coray longe la base. Elles sont desservies par un chemin,
qui a son origine près de Keraden à 1400 mètres de Tourc'h,
et aboutit au village de Kerloc'hiou (2), après avoir passé RU
point culminant de la colline, précisément au lieu dit Méné
Justis. D'après la tradition se trouve, dans un champ voisin
un hêtre, planté sur l'emplacement d'un arbre auquel
étaient jadis accrochés, les corps des pendus bien
(:1) Le granit, qui s'extrait des carrières de Tourc'h et de plusieurs peti
tes carrièl'es voisines, est analogue à celui des carrières de pierre de taille
de Coat-loc'h, en Scaër, qui sont exploitées sur une grande échelle. -
(2) C'est dans les terres du village de Kerloc'hio u, limitrophes de Keraden,
qu'a été trouvé en :1.902, un lingot d'or estimé de 8 à 900 francs. (Bulletin de
la Société archéologique du Finistère. Vol. 30, :1.903.)
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en vue de toute la région environnante. C'est probablement
un souvenir de la répression exercée lors de la Révolte du
Papier timbré, quand les cloches de l'église paroissiale de
Tourc'h furent enlevées et transportées au château de Concar
neau, d'où elles ne revinrent qu'en 1680. _
. La découverte des haches a été faite par un nommé La
mandé, maçon de son état, et carrier par occasion, dans la
parcelle dite Méné-bian, portant le no 237, (section C du
cadastre de la commune de Tourc'h), parcelle très ancienne
ment exploitée comme carrière, sans que l'on sache à quelle
époque l'exploitation a été abandonnée. C'est en piochant
dans un talus à 50 mètres de l'arbre des pendus que Lamandé
a trouvé les haches. Elles étaient enterrées à '1 mètre envi-
ron de profondeur, soigneusement rangées quatre par quatre,
mais il ne rencontra aucune trace de ce qui aurait pu servir
à les protéger, pierres, bois ou poteries.
J'ai eu la possibilité d'examiner la totalité de ces haches,
et j'ai reconnu que, si elles ont été fondues dans plusieurs
moules différents, elles appartiennent toutes à la même caté
gorie de haches préhistoriques, en bronze, avec douille
rectangulaire, bords droits et anneau sur le côté. Ce type, qui
se rencontre à la fin de l'âge du bronze, est partout très com- .
mun, mais surtout en France, et particulièrement en Armo-
rique, où elles ont été trouvées par milliers .
L'ornementation, nulle pour un petit nombre de haches, se
réduit pour les autres à la présence de barres en relief paral
lèles au bourrelet du col et parfois d'une sorte de bouton très
sàillant.
A part cinq haches beaucoup plus lourdes qui, sans doute,
ne proviennent pas de la même fabrication, toutes les autres
sont munies de deux barres en relief, plus ou moins bien
marquées, parallèles entre elles à la distance d'environ
quatre millimètres. Un peu plus de la moitié, bien que pro
231
HACHES TnOUVÉES A MÉNÉ-JUSTlS, EN TounC'H
(réduites d'un cinquième)
- 232
séder ent.re les deux barres, quelquefois sur la barre la plus
éloignée, un bouton toujours placé SUl' la même face de la
hache par rapport à l'anneau. Sur une seule hache il se
trouve sur la face opposée. Deux haches présentent des
points placés symétriquement. .
Ce point, évidemment intentionnel, ne serait-il pas une
sorte de marque de fabrique du fondeur?
II a été trouvé dans le Finistère par M. du ChateIliel', et
dans le Morbihan, par M. Aveneau de la Grancière des
haches excessivement rares, qui portent des barres verticales
et des points entourés de petits cercles placés quelquefois
jusque sur le tranchant, ce qui leur donne bien un caractère
d'ornements.
La longueur des haches trouvées à Mené-Justis varie de t 1 ,5
à '13 centimètres, et la largeur du tranchant de 2,9 à 3,4
centimètres.
Leur poids présente des différences considérables; il varie
en effet de '164 à 345 grammes. Huit d'entre elles n'atteignent
pas le poids de 200 grammes ('164, '170, 172, ' 182, '188, '189,
193.et 'l99 grammes), neuf dépassent 250 grammes (254, 255,
256, 260, 262, 268, 278,289, et 345 grammes). Rappelons que
les qua tres plus lourdes appartiennent au type ' A, sensible-
ment différen t au type B.
Une seule de ces haches, celle qui p ,èse 278 grammes,
contient encore à l'intérieur du plomb que l'on peut voir par
. une fente latérale, car la hache est très bizarrement éclatée
sur un seul côté, bien que le tranchant soit demeuré intact.
L'àccident s'est-il produit au moment de la coulée du plomb
liquide, ou bien quand le plomb solidifié, renfermant des '
graviers, aUl'ait été refoulé trop énergiquement? Il est
difficile de se faire une opinion, en tous cas, le propriétaire de
la hache l'avait conservée, vraisemblablement pour en tirer
parti dans une refonte ultérieure .
Ces haches, à part un petit nombre, n'ont jamais servi; la
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plupart n'ont même pas été terminées et présentent des
bavures de fonte faciles à enlever, mais qui auraient empêché '
leur emploi immédiat, si le propriétaire n'avait pas été en
même temps un de ces fondeurs ambulants dont les, cachettes
ont été découvertes en grand nombre dans le Finistère. E-n
Tourc'h même, à I);bronnen, distant de Mené-Justis d'environ
quatre kilomètres ('1) j'ai signalé en '1896 une cachette de
fondeur contenant uniquement des lingots, dont l'un, analysé
à l'Ecole des Mines, a été déclaré « cuivre pur, légèrement
oxydé à la surface, pas d'étain ». '
Plusieurs analyses du métal des haches de Mené-Justis
auraient été , certainement très utiles, s'il était possible d'en
tirer une conclusion ferme, mais les analyses donnent trop
souvent des résultats inattendus. M. du Chatellier écrivait à
ce sujet à notre ancien collègue, le docteur Corre (2) :
, « Le mélange des métaux ayant servi à la fabrication de ces
«( haches est souvent si imparfait que, dans deux haches prises
«( dans la même cachette de fondeur, on en trouve une
« donnant du cuivre avec étain et plomb, l'autre ne contenant
«( que du cuivre. Mieux encore : dans un de ces lingots qui
« accompagnent to'utes les cachettes, j'ai vu trouver dans une
(( petite partie du lingot, l'amalgame du cuivre, étain et plomb
«( et dans une autre partie du cuivre seulement. A cette époque
« les amalgames étaient très mal faits ». '
Malgré l'incertitude que pourrait laisser une analyse isolée
faite sur une seule des ' 121 haches de la trouvaille, je me suis
décidé à en envoyer une au Conservatoire des Arts et Métiers.
Voici le résultat de l'analyse.
Cuivre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. _..... 70,20
E ta 1 n . . . . .'. . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10,50
Plomb, avec traces de fer. . . . . . . . . . . . 19,30
(t) Blllletin. Volume 23, 1.896.
(2) Bulletin. Volume 24,1807.
' 100,00
- 234-
Or, si certaines analyses de bronze d, ont j'ai eu connaissance
donnent des chiffres très différents, j'ai trouvé pour des haches
provenant de la trouvaille de Vénat, classées par M. Déchelette
comme appartenant à la dernière période de l'âge du bronze,
la composition suivante, très analogue à celle de la cachette
de Méné-Justis.
U 1 vr e . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . .. . .. .. . . . 67,68
Etain .......... " ........................................ .. 10,2ti
Plomb ...... ................. . ..................... .. 2'1,00
"Fel~ .. . .. .. .. .. . .. .. .... .. .................................. .. 0,66
Zi- nc .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. . .. .. .. .. .. .. . .. . . .. . .. .. .. 0,20
Il Y a donc lieu d'admettre que les haches . de Méné-Justis
appartiennent à la dernière période de l'âge du bronze .
La plupart du temps l'emplacement des cachettes de fondeur
découvertes dans les landes ne peut donner lieu à aucune
observation, toutefois, dans le cas présent, on peut se demander
si le propriétaire des haches n'en a pas fait intentionnellemen t
le dépôt dans' le voisinage des carrières de Méné-Justis. Pour
répondre à cette question, il faut se reporter à l'état où étaient
ces carrières à peine exploitées à las urface quand elles
devaient satisfaire simplement aux besoi,ns des populations
qui habitaient l'Armorique à la fin de l'âge du bronze.
Plusieurs siècles devaient s'écouler avant que ces peuples
primitifs eussent la pensée d'édifier des constructions en
moëllons réguliers. Ils se contentaient d'habitations creusées
en contre-bas du sol, avec une couverture en bois et en
branchages s'appuyant sur des murs en pierres sèches. M. Paul
du Chatellier à plusieurs reprises a constaté l'existence de
pareilles habitations daos les temps préhistoriques .
Au point de vue d'habitations analogues, s'il en existait en
Tourc'h, cet approvisionnement de haches paraît dépasser les
besoins d'une population qui a cependant dù extraire
quelques blocs dans les environs de cette carrière .
- " 23B-
En effet j'ai fouillé quatre tumulus entre Rosporden et
Tourc'h, dont troissituésàI}:anbriguen, l~anbroc et Penfoënnec
présentaient une enceinte circulaire en petits moëllons posés .
à sec. A I}:anbroc, on tl'Ouvait même une tombe à l'intérieur
du cercle, également en petits moëllons. A Penfoënnec,
le cercle renfermait un dolmen incomplet comprenant une
grande dalle de 2
111
15 de longueur, et trois autres dalles plus
petites, destinées à lui servir de support à ses extrémités.
A penbuel, au-dessus du foyer principal, il y avait une
accumulation extrao'rdinaire de fragments de vases cassés
intenlionnellement, tous différents. Aucun n'a pu être recons
titué; j'ai recueilli plus de 25 kilog. de fragments.
Ces quatre tumulus n'avaient pas été violés, et dans les
foyers intérieurs et extérieurs au cercle, il n'a rien été trouvé
qui mérite d'être signalé.
Quoi qu'il en soit cette énumération très sommaire (1) suffit
pour démontrer, qu'en s'attaquant seulement à la partie
supérieure des carrières, et en se laissant guider par ' les lits
de la roche, les carriers cIe jadis ont pu extraire les dalles de
Penfoënnec, en se servant comme coins, de haches analogues
à celles du dépôt de Méné-Justis. .
VILLIERS DU TERRAGE .
(1) Bulletins. Keranbriguen, Vol. 25, 1898. Keranbroch, Vol. 26,1899.
Pages
XVII
l{XIX
XLI
XLIV
XLV
. LVII
III.
VII.
VIII .
353
DEUXIE E PARTIE
table des M émoi tes publiés en 1 [) 11
Les grands ensembles mégaiilhiques de .lapres
· . qu'île de Crozon et leul' drstination originelle,
Pages
par M. le capiLaine de frégate DEVOIR ........ - '.
Un sénéchal de Chàteauneuf-du-Faou, Guillaume
Pic de la Mirandole (1694-1778), par M. RAYMOND
DET..JAI:JORTE . .......... . ........... '.' ........ , . ' . ~ .39
Convoca tion du ban et de l'arrière-ban de l'Evêché
de Léon et de la châtellenie de Modélix-Lan meur
(1534-1708), par lVI. LE GUENNEC ............ " .
Le . tumulus à dolmen de Kermaric, en Langui-
dic (Morbihan). Les dolmens à cham bre
circula'ire ef les dolmens il enceintesmur'ales
de-l'Armorique. L'uniLé de mesure de lon- .. .
gueur dans les conslrucLions mégalithiques , .'
. de la période rréoliLhique, par M. A. MARTIN. . 8E
Etudes sur le Cap-Sizun. IV. Le fief des Regai-
res de Cornouaille au Cap-Sizun. Appen
dice : Hivernage des bateaux à Audierne en
1573, et Rôle des Fouages cl' Audierne en 1616,
par M. DANIEL BERNARD .................. ' .. .
M. Paul du Chatellier, notice biographique, par
M. le chanoine J.-M. ·ABGRALL ............... .
Sépulture gallo-romaine découverte à Pont-de-
Buis, par M. le chanoine J.-M. ABGI:tALL. " ....
Episodes et anecdotes (5° série), par M. l'abbé
18i
NTOTNE ~AV ............................
IX. Cachette d~ cen t vingt-six haches de bronze dé-
couvertes à Méné-Justis, en Tourc'h, par M. le
comte DE ' lLLlEl1S DU TERRAGE.. . . . . . . . . . . . . . 22~
Eglises et chapelles du Finistère (suite, voir
lomes XXX à XXXII, XXXIV; XXXVI et XXXVII) ;
doyenné de Morlaix, par M. le chanoine
PE" YRON ... ï . . . ' . 0 0 0 - 23(
- 354
Pag
. XI. Découverte d'une cachette de fondeur en Plo-
névez-du-Faou, par M. A. JARNO... ... . .. . .. .. . . . .. 2
XII. Liste des juridictions exercées au XVIIe et XVIII'
siècles dans le ressort du Présidial de Quimper
(suite, voir t. XXXVII); sénéchaussées de Châ-
. teaulin, Châteauneuf et Concarneau, par M. H.
BOURDE DE LA ROG ERIE ........ : ............. .
XIII. Documents pour servir à l'hist.oire des guerres
de la Ligue en Basse-Cornouaille: ExploiLs du
baron de Camors .. (1596), par M. DANIEL BER- ..
NARD.~ . .... ............................. 2
XIV. Essai d'interprétation d'une gravure mégalithi
que. Le grand support orné de la ({ Table
des Marchands », par M. le capitaine de fré-
gate A. DEVOIR .................. ; ........... .
XV: Les saints brelons et les animaux. Etude hagio-
logique et iconographIque par M. le chanoine
ABGRALL "0 ' ...... o' " .............. " ........ .
X VI. Les coffrels de pierre et tes squelettes de Feun
teunigou en Plouhinec, par M. H. LE CAR GUET.
FIN
'mprimerie COTONNEC, LEPRINCE, Suce. ' - - Quimper