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Société Archéologique du Finistère - SAF 1911 tome 38 - Pages 188 à 192
Pont-de-Buis a
Dans la dernière quinzaine du mois d'avril de cette année
1911, des ouvriers maçons, creusant les fondations d' une
,maison à lToaz-an-Eyet (ruisseau des Sources), à 800 mètres
en aval du Pont-de-Buis, sur la rive droite de la rivière,
trouvèrent une maçonnerie de forme ronde, toute composée
de pierres brûlées. L'intérieur, mesurant:2 mètres de
diamètre était rempli d'un mélange de terre, de cailloux cal cinés et de débris de chaux. Ils enlevèrent ces déblais jusqu'à
2 mètres 30 de profondeur et, à ce niveau rencontrèrent un
squelette assez bien conservé, couché sur le dos, posé la tête
à l'Ouest et les pieds à l'Est. A la hauteur de la ceinture
étaient trois petites plaques carrées en bronze et une boucle
de même métal . . Le bas du tibia de la jambe gauche était
entouré d'un anneau en bronze de très faible épaisseur et qui
se réduisit en miettes dès qu'on le toucha. Pl'ès du pied gau
che était posé un vase ou coupe en verre ornementé, qui était
intact en ce moment, mais qui fut bientôt brisé en passant
de mains en mains.
M. Desmaroux, ingénieur des poudres à la Poudrerie Na
tionale, fut mis au courant de celle trouvaille' et m'en donna
avis,' en me faisant passer les plaques de bronze qui en fai-
saient partie. Plus tard je fus le voir et m'entretenir avec lui
pour me rendre compte des différents détails qui pouvaient
intéresser l'archéologie. Nous fûmes sur place interroger les
- 189' --. '
ouvriers', et nous pûmes appTendre, d. 'eux' les , points' qué j'ai
déjà relatés et la nature de la maçonnerie 'qu'ils: avaiènt ren-
conti'ée et.explorée. ' . . " :
C'était très pl;obabl'emel1Lun four à . chaux; car tout.e' S les
pierres qui eh formaient les parois; ' de Orn~)G d'épaIsseur,
étaient calcinées par l'action d'un feu violent et cOntinu.
Après avoir rencontré le squelette . ils ont · poursuivi ' leur
fouille' jusqu'à 1 mètre plus , bas, donc à une profondeur
totale de 3
30, mais sans atteindre , le fond ~ ' S'ils 'avaient
déblayé jusqu'à la :base, ils auraient pu trouver l'ouverture.
d'évacuation pOlIr la chaux et mie: ux reconnaîtr'e la destina-
tion de cette sorte de puits; ,mais·.il sémble qu'î! n~y ait pas'
de doute sur ce point. ' , . ' .' .. :"
Et c'était un four gallo~l'omain~ Tout à côté on ti'ouv'e des
débris de 'tuiles et de brique's, inqices certains' (l"une ' :maisü'n
gallo-romaine, probablemeht l'habitation de l'industriel qui' .
exploitait ce four. Pour l'alïmenter, il devait aV·bir recours aux
calcaires de la rade de Brest, qui ont été u tilises 'enCOre à une
époque récente, dans un four à chaux que j'ai 'vu vers ' 1880
dans les ruines de l'abbaye de Landévennec. Les annotations
du Dictionnaire d'Ogée signalent deux fOUliS de chaufoumi.ers
à Saint-Ségal ; et le terrain tout voisin de: Logonna-Quimerch-
contient, dit-on, des gis~menls .de ' calcaîre: 'Cet endroit de
Goaz-an- Eyet était tout à fait propice pour une industrie de
celte 'nature: abondance de bois pour le combustible, 'facilité
de trarisport des Qùtière's premières et d'exportation de la
chaux cuite, grâce à la proximité de la rivière à marée. Sans
compter que, dans le voisinage même il pouvait tl'Ouver à
écouler sa marchandise, car on . signale, dans un rayon très
rappl'Oché, les traces d'un certain nombre de constructions
romaines, à Coat-ty-Beuz, à Boutariec, à [(erguden, du ·même
côté de -la rivière, à Kel'anêarOc en Logonna, puis au châlea: u
du Drénit près de la gare du Pont-de ~Buis. Il est même à cl'oire
que, à l'endroit où se trouve mainte'nant l'établissement , de ,la
Ct' , 190 -'
Poùdrerie~ on a dû trouver des, vestiges de même naturé ; le
nom même : Pont~de-Buis, Pont-ar- VeuZl'n, semble une
présomption. Partout où il est question de buis, huixière,
boixière, Reuzit, selon la remarque de notre confi'ère et
secrétaTre,M. 'le docteur Picquenard, on rencontre; presque à
coup sûr, des restés gallo-romains. Justement sur la hauteur,
à 1 kHomètre au Nord au Pont-de-Buis, se trouve 'un ,village
portant cette dé'nominatiorr de · Buzit. Faisons remarquer: en
pfus que, à 4, kilomètres au 'nord, à 200 mètres de la voie
romaine allant de Brasparts au Faou, se trouve le très. beau
cam-p du Muriou, en.core admirablement conservé, et où les
rroupe.s romaines ont dû faire un séjour prolongé.
On s'expUqQe d'-antant mfelIx la présencè d'établissements
romains dans ce's 'parages, qll ' raucienne voie de Quimper et
Châteaulin à Landerneau passait au P"ont-de:-BtllS',' et qüe
l'endroit avait des charniès particuliers grâce à son orienta tion, à sa position abritée et ensoleillée, et aussi à la présence
de la rivière la Doufine, allant se jeter dans l'Aulne et ensuite
dans la rade de' Brest. ' ,. " '
Arrivons maintenant a'u genre 'singulier de cette sépulture.
- Il est Î'are 'qu'e l'on trouve dans notre ' pàys des sépultures
gallo-romaines par' in'humàtion directe; presque toujours on
a eu 'recours à l'incinération, et c'est ée qui a fait rencontrer
des centaines d'urnes cinérait'es dans la nécropole de Carhaix
et en bien d'autres points du territoire. Un exemple d'inhu
mation directe s'est produit cependant dans le tombeau à
cercueil en plomb, trouvé au Guel, rue de La Fontenelle, à
Douarnenez, le Hi février 188~. '(Rulletin de .la Société ar-
chéologique d'u Finistère, 1884, p. 43,) D'autres exemples
encore, à Plomarc'h en Ploaré, où l'on a exhumé une dizaine
de squelettes. Si tous ne sont pas gallo-romains, quatre ou
cinq 'semblent l'être sans conteste, vu le m' obilier qui lés
accorripagnàit :' ossements d'animaux, coquillages, fragments
de vases samiens; monnaies. ' "
Dàns le cas actuel, là sépulture est toutë particulière. On
a utilisé un four à chaux désormais hors d'usage. A-t-on
voulu y chercher des conditions plus sûres de conservation
pour les l'estes du défunt ou de la défunte'? S'est-on souvenu
des puits funéraires, puteoli, de Rome et de la campagne
romai ne, ou encore de ces puits que le P. Dela Ure a explorés
assez nombreux autour de Carthage'? Ce qui est certain,
c~st que l'inll-umation a été faite avec soin et en observant
cetlallfs l'itQS en usage ,- C"est ce qu~in.diqu.e la coupe ou
patère' en yerre déposée intentionnefle. merü à- sas: pteds_ Si.
l'exploration -a-vaH été faite avec précision, il est à croire
qu'on aurait pu trouver qu-elq:ue.s vestiges des vêtements,
SUI'tout des traces de la ceinture en cuir dont les plaques de
bronze formaient la fermeture et l'ornementation.
Examinons ces plaques; elles sont très décorées, couvertes
de gravures faites au burin et d'excellent style. Comme l'oxy
dation en a un peu altéré le tracé, il a été impossible d'en
faire une bonne photographie directe, et fOl'ce a été de re.cou-
rir à un relevé à la plume, ma. is · ge--tl-es-sin ne peut rivaliser
avec la finesse du burin. Ces plaques mesluent Om040 et
Om041 de côté, deux d'entre-elles sont carrées et l'autre est
rectangulaire, avec OmO~O de longueur. Elles sont encadrées
de riches bordures faites de filets perlés ou guillochés, seJ~is-
sant des frises de postes ou ornements en S; des s..u.j.tes d'oves
allongés, ou autres ornements moins .. ..cbarges. Le milieu est
occupé par des compartiments carrés dans lesquels sont ins
crits des losanges enfermant des rosaces à lobes aigus, avec
pois ronds dans les angles; l'un des losanges est rempli par
une grecque simulant un peu la croix gammée. -
T-oute cette décoration est éminemment romaine et rappelle
le tracé des caissons dans les voûtes et plafonds des édifices
romains, et aussi les compartiments des pavés en mosaïque.
La boucle a été découpée dans une pièce analogue, son
contour égalemen-t décoré d'oves allongés. L'ardillon devait
.' .. '192 _.
être eIT ' fer" ; il n'en reste 'que quelqu' es' parcelles oxydées.
Aux angles de chacune de ces plaques ' se trouvent enco're les:
rivets qui les fixaient à une ceinture d~ cuir. .
. La richesse d. e leur ornementation semble indiquer qu'elles
appartenaient à la toi. lette d'une femme plutôt qu'au ceintu-
l'on d'un homme ou d'un soldat. En effet au , troisième"etau
qU'atrième siècles de notre ère les ceintures . des femmes ro
maines 'étaient très luxueuses'; ornées de broderies ou de
plaques (lam'inœ) , traitées en œuvre d'orfèvrerie. La pré,:
sence œun anneau à l'un des pieds (crurale), serait encore
un indice dans' ce sens. ' '. ,'" :. " .
. " Le vas'e en verre placé aux pieds du cadavre, démontre
.une tradition dans les rites funéraires. Tantôt ce sont des
urnes lacrymatoires ou des' fioles de parfums, ' comme à la
s'épulture du Guet· à 'Douarnenez;· ici c'est ·une pa.rère, une
coupe en verre· sans' pieds, de ' OlUl~ de diamètre; c'est un
vase à libations pour les dieux' Lares ou ·les autres divinité"S,
c'est aussi U11e coupe à usage 'habituel dans les repas. Cette
· pal· ère,: dont il ne nou~ reste malheureusement 'que la moitié,
décèle une grande habileté dan-s rart de la verrerie. La forme
en est parfaite; le profil élégant; elle est décorée d'une série
de-filets ohtenus non point par 'Ia gravure, mais ·par'l'· applica
lion de fiis de verre très tén us et très déliés ; . pu is . a u bas de
la l. panse · est une suite de redents. , dont les porntes sont
terminé' es par une goutte coulée. Dans ·l'ensemble· de la pâte
on observe une sorte de filigrane formant des · stries en sp. i-
l'ales . d'uIT effet décoratif peu vulgaire. . ..
Ces produits de la vieille civilisation gallo-romaine feront
bonne figure d. ans notre musée archéologique, et nous devons
,adresser nos meilleurs remerciements à M. Desrnaroux,
;l'ingénieur si bien attentionné qui nous lesa;conservés. '
.. , ' ' ChanoinB J .-M.; ABGRALL.
M. BAUL MAUFRAS DU CHATELLIER
Pttésident de la Soeiété Httehéologique du Finistètte
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
ET DE L'ORDRE DE SAINT-OLAFF DE NonvÈGE
VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D'É~JULATION DES CÔTES-DU-NORD
LA UHÉAT DE L'ACADÉMIE DES INSCHIP1'IONS ET BELLES-LETTRES
SÉPULTURE GALLO-ROMAINE AU PONT-DE-BU\S
(~~- - ---O~O 4.0-- --'Ji i4---~ - - --O~O~ ------~
-------:o~04{-- ---~
.. - LYnt'Otr. - DI t.I Irl'LI ,
PLAQUES DE CEINTURE EN BRONZE
COUPE EN VERRE
Pages
XVII
l{XIX
XLI
XLIV
XLV
. LVII
III.
VII.
VIII .
353
DEUXIE E PARTIE
table des M émoi tes publiés en 1 [) 11
Les grands ensembles mégaiilhiques de .lapres
· . qu'île de Crozon et leul' drstination originelle,
Pages
par M. le capiLaine de frégate DEVOIR ........ - '.
Un sénéchal de Chàteauneuf-du-Faou, Guillaume
Pic de la Mirandole (1694-1778), par M. RAYMOND
DET..JAI:JORTE . .......... . ........... '.' ........ , . ' . ~ .39
Convoca tion du ban et de l'arrière-ban de l'Evêché
de Léon et de la châtellenie de Modélix-Lan meur
(1534-1708), par lVI. LE GUENNEC ............ " .
Le . tumulus à dolmen de Kermaric, en Langui-
dic (Morbihan). Les dolmens à cham bre
circula'ire ef les dolmens il enceintesmur'ales
de-l'Armorique. L'uniLé de mesure de lon- .. .
gueur dans les conslrucLions mégalithiques , .'
. de la période rréoliLhique, par M. A. MARTIN. . 8E
Etudes sur le Cap-Sizun. IV. Le fief des Regai-
res de Cornouaille au Cap-Sizun. Appen
dice : Hivernage des bateaux à Audierne en
1573, et Rôle des Fouages cl' Audierne en 1616,
par M. DANIEL BERNARD .................. ' .. .
M. Paul du Chatellier, notice biographique, par
M. le chanoine J.-M. ·ABGRALL ............... .
Sépulture gallo-romaine découverte à Pont-de-
Buis, par M. le chanoine J.-M. ABGI:tALL. " ....
Episodes et anecdotes (5° série), par M. l'abbé
18i
NTOTNE ~AV ............................
IX. Cachette d~ cen t vingt-six haches de bronze dé-
couvertes à Méné-Justis, en Tourc'h, par M. le
comte DE ' lLLlEl1S DU TERRAGE.. . . . . . . . . . . . . . 22~
Eglises et chapelles du Finistère (suite, voir
lomes XXX à XXXII, XXXIV; XXXVI et XXXVII) ;
doyenné de Morlaix, par M. le chanoine
PE" YRON ... ï . . . ' . 0 0 0 - 23(
- 354
Pag
. XI. Découverte d'une cachette de fondeur en Plo-
névez-du-Faou, par M. A. JARNO... ... . .. . .. .. . . . .. 2
XII. Liste des juridictions exercées au XVIIe et XVIII'
siècles dans le ressort du Présidial de Quimper
(suite, voir t. XXXVII); sénéchaussées de Châ-
. teaulin, Châteauneuf et Concarneau, par M. H.
BOURDE DE LA ROG ERIE ........ : ............. .
XIII. Documents pour servir à l'hist.oire des guerres
de la Ligue en Basse-Cornouaille: ExploiLs du
baron de Camors .. (1596), par M. DANIEL BER- ..
NARD.~ . .... ............................. 2
XIV. Essai d'interprétation d'une gravure mégalithi
que. Le grand support orné de la ({ Table
des Marchands », par M. le capitaine de fré-
gate A. DEVOIR .................. ; ........... .
XV: Les saints brelons et les animaux. Etude hagio-
logique et iconographIque par M. le chanoine
ABGRALL "0 ' ...... o' " .............. " ........ .
X VI. Les coffrels de pierre et tes squelettes de Feun
teunigou en Plouhinec, par M. H. LE CAR GUET.
FIN
'mprimerie COTONNEC, LEPRINCE, Suce. ' - - Quimper