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Bulletin SAF 1911


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Le tumulus à dolmen de Kermaric, en Languidic (Morbihan). - Les dolmens à chambre circulaire et les dolmens à enceintes murales de l’Armorique. - L’unité de mesure de longueur dans les constructions mégalithiques de la période néolithique

M.A. Martin

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes

Société Archéologique du Finistère - SAF 1911 tome 38 - Pages 88 à 118

EN LANGUIDIC (Morbihan)
Les dolmens à chambre circulaire et les dolmens
à enceintes murales de l'Armorique

L 'unité de mesure de longueur dans les Constructions
mégalithiques de la période néolithique .

Sur la route nationale d'Hennebon t à Auray, à deux kilo­
mètres dans l'Est de Brandérion, s'amorce, sur la gauche, un
chemin charretier qui, se dirigeant vers le Nord , conduit au
bout de quelques cents mètres au village de Kermaric, situé
tout à fait à " la limite méridionale de la grande commune
de Languidic, riche en monuments préhistoriques. C'est une
agglomération de quatre ou cinq maisons de ferme bâties au
pied du versant Sud d'une colline de 62 mètres d'altitude

dont les flancs Nord, Ouest et Sud, aux pentes rapides et
régulières forment promontoire de près de 30 mètres d'éléva­
tion sur le terrain environnant, donnant l'impression d'un
énorme tumulus isolé, alors que, dans ,l'Est, un col peu pro­
fond la relie à des hauteurs voisines.
En gravissant le sentier' qui du village monte à la lande
inculte du sommet de la colline, on aperçoit bientôt, vers le
milieu du plateau, une élévation de terrain ayant toute l'ap-

parence d'un tumulus affaissé. Arrivé à son pied le doute
n'est plus permis. Cinq tables de granit, jointives, dont une
tout à fait dégagée et les quatre autres à moitié enterrées,

puis, dans le N.-O. des têtes de piliers émergeant du sol
indiquent la présence d'un dolmen à galerie enfoui dans son
tumulus qui mesure encore 22 à 25 mètres de diamètre
et 1

30 de hauteur .. L'ensemble de ces grosses pierres porte
le nom de Men-brec'h (pierres tachetées). La position est
admirable, la vue embrasse un vaste horizon, et les gens du
villagr, nous ont dit et répété; non sans quelque fierté, que de
ce point l'on peut voir, par temps clair, seize clochers. Mal-

gré son état de délabrement ' apparent, nous résolûmes de

fouiller cette sépulture si bien placée, si perdue dans la cam-
pagne et si ignorée jusque-là. Elle nous avait été signalée
par un prêtre dont elle avait plusieurs fois' attiré l'attention
quand les devoirs de son ministère l'appelaient de ce côté.
Un vieillard de plus de 80 ans, de Kermaric, nous affirmàit
que, depuis sa petite enfance, aucun étranger n'était ven u
fouiller ni même visiter cette butte et il s'étonnait que nous
la connussions. Je crois qu'il disait vrai; mais après notre
exploration très complète, qui eut lieu en mai 1896, et qui ne
nous a rien procuré, pas un éclat de 'silex ni un fragment de
poterie, nous restons convaincu que nous avions eu un pré­
décesseur à une époque antérieure aux souvenirs du vieillard,

peut-être au siècle précédent, et que ce n'était pas un cher-
cheur de trésor, un amateur de rencontre, mais bien un
véritable archéologue, un fouilleur professionnel, ne négli-

geant aucune trouvaille, si minime fut-elle, et ne laissant,
par suite, rien à glaner après lui. Si pourtant; sous le pied
du plus gros pilier de la chambre, et très en retrait, nous
avons recueilli deux grains de colliers perforés, en pierre,
qui avaient échappé à ses minutieuses recherches (1).

(i) J'ai pensé au Président de Robien, archéologue et collectionneur,
qui, pendant 30 ans, a habité le Morbihan.

Aurions-nous retrouvé la trace de ce consciencieux explo­
rateur à la limite orientale de la commune de Languidic,
près du village de Rolas, où une grande allée couverte boule­
versée, ruinée, placée sur un sommet couvert d'affleurements
granitiques, montre actuellement '18 monolithes dont 4 tables
et n'a absolument rien livré à nos nouvelles recherches?
Peut-être en eût-il été de même si nous avions entrepris la
fouille de l'allée couverte, à énormes matériaux, située dans

le champ du Rolec'h, près du village de Kerscoul, toujours
en Languidic. Sa place dans un des talus du champ où de
de grands ctJênes ont poussé, disloquant, déjetant, renver­
sant piliers et tables, nous a découragé; mais plus d'un

siècle avant, l'opération a pu être faisable. Une des tables
porte, sur sa face extérieure, une série d'une douzaine de
cupules, dont une double ('1 ).
0' Si le collectionneur a été déçu à Kermaric, il n'en a pas été
ainsi pour l'archéologue qui a découvert dans le tumulus du
Men-brec'h une sépulture mégalithique dont le plan primitif
n'a subi aucune modification, à laquelle pas une pierre ne
manque et la seule jusqu'ici, parmi les monumen~s de l'es­
pèce, qui nous soit parvenue intacte dans toutes ses disposi­
tions architecturales. A l'objection qui pourrait être faite que
la chambre n'a pas ses tables ou son unique table de recou­
vrement, nous répondrons que la présence de toutes celles,
bien en place, de la galerie, et a ussi de tous les piliers,
autorisent à faire croire qu'il n'yen a pas eu. '
De mémoire d'homme on ne les a jamais vues. Dans ce
lieu écarté, de difficile accès, le monument a été préservé des
muLilationsdont beaucoup de ses pareils, placés au bord des
routes, ont été, trop fréquemment, l'objet de la part des can­
tonniers. Qu'on l'eût exploité, comme carrière, pour la cons-

(i ) Les trois monuments de Kermaric, de Rolas et de Kerscoul ne sont
signa'lés ni dans" Le Morbihan " de Cayot-Delandre, 'ni dans le répertoire
archéologique de Rozenzweig.

truction des maisons du villàge, il serait bien extraordinaire
qu'on se fût borné à débiter la table de la chambre sans
loucher à aucune des autres ni aux supports. Souvent aussi
les pierres de nos dolmens ont été enlevées pour servir
de pierre à piler la lande, de pierre de foyer, de ponceau
pour ruisseaux ou fossés, de piliers pour barrière de champ,
etc. Mais on prenait celles qui, par leurs dimensions, répon­
daient à ces . desseins et dont le transport était possible.
L'énorme table de la chambre eût été, en pareil cas, la seule
dont on n'aurait pu faire usage. Toutes ces considérations ne
donnent-elles pas à penser qu'elle n'a jamais existe?
En outre, le tumulus de Mèn-brec'h montre, dans sa masse
un dispositif nouveau, jusque-là unique dans notre pays
Morbihannais, une . enceinte murale circulaire à pierres
sèches rappelant celles des cairns de l'âge de la pierre dans le
Nord de l'Ecosse. Enfin nous a vans relevé, dans ses mensura­
tions, des rapports de longueur très curieux.
A ces divers titres, nous avons pensé que le monument de

Kermaric, malgré l'absence de tout mobilier funéraire, méri-
tait d'être signalé et décrit en détail. Il se compose de 29
pierres debout, presque toutes jointives, de hauteur inégale
variant de Om80 à 1

72, d'une épaisseur allant de Om20 à
Om40, les faces intérieures plus régulièrement unies que
celles du dehors, dessinant les contours d'une chambre à peu

près ronde et d'une galerie qui y donne accès (fig. 1, 2, 3).
La longueur totale est de 8

40 dont la moitié, q,

20, pour

l'a liée et 4

:W pour la chambre. Celle-ci est asymétrique par
rapport à l'axe passant par le milieu de l'allée et -orienté
S. 40° E. ~ N . .{Oo O. du monde. La partie N.- E. composée de
dix piliers forme un demi-cercle régulier dont le centre C se
trouve à Om30 à droite de l'axe, avec un rayon de 2

10. La
partie S.-O. n'a que cinq piliers, rangés aussi sur un arc de
cercle plus brisé que le premier à Gause de la dimension des

pierres, mais dont on a pu néanmoins déterminer le rayon de

(Fig. L) - Plan dll dolmen de Kermaric, en Langllidic .

(Fig. 2) Eléuation du côté gauche de la galerie Projection sur l'a;re du côté S.-O. de la cbambre
e ..AI
(Fig'. 3) Projection SUl' l'axe du côté N.-E.
de la chambre. .

40 et le centre C' situé à Om90 à droite de C et sur la
même ligne transversale AB de plus grande largeur de la
chambre et mesurant 3

60, dont l

20 entre le pilier 2' et
l'axe et 2

40 de cet axe au pilier 6. C'est la sécante commune
à ces deux cercles qui constitue l'axe du monument prolon-

gement de celui de l'allée. La chambre est donc un ovale
. irrégulier, La galerie comprend douze piliers bien alignés,

six d'un côté, et six de l'autre; l'un d'eux P est fendu de
haut en bas pr~sque par son milieu ('1). Ils supportaient cinq
tables jointives dont la plus grande2

7t> sur 1 mètre et plus
de Om60 d'épaisseur maximum est entièrement hors de terre
alors que les quatre autres, plus, petites, sont aux trois quarts
enfouies. L'une d'elles, la seconde à partir de l'entrée, avait
été déplacée sur la gauche, peut-être par notre prédécesseur
inconnu. Largeur moyenne du couloir Om90. Enfin deux
menhirs M et N de 1

70 et 1

72 de hauteur cornplèten t
l'ensemble architectural du monument. Placés à- la jonction

de l'allée et de la chambre, sur laquelle ils empiètent de toute
leur épaisseur, ils semblent ne faire partie ni de l'une ni de
l'autre et avoir été mis là dans un but spécial pour répondre
à un besoin dont nous essaierons plus loin de déter,miner la
nature. Nos fouilles ont entièrement mis à nu, jusqu'au sol
naturel, l'aire de la sépulture et, dans cet espace à, ciel
ouvert, nous avons pu opérer des mensurations assez précises
par une série de triangulations. C'est en dégageant les piliers
d'entrée de la galerie pour en prendre les mesures que l'on a

découvert, à notre grande surprise, qu'ils servaient d'amorce
à une muraille à pierres sèches, de la hauteur des piliers, un
mètre environ. Construite en moellons informes disposés
cependant dans un certain ordre horizontal et avec un pare­
ment voulu. Le mur très dégl'adé en certains endroits entou­
rait la sépulture mégalithique et, comme elle, était entière-

(1) Les trois du milieu de la paroi de gauche se sont inclinés en dedans
en enle-vant les tables.

ment enfoui dans la masse tumulaire. Le rayon de cette
enceinte circulaire a été trouvé de 6

30 en prenant pour
centre de la circonfére[)ce le point C de la chambre.
La photographie ci-contre (fig. 4) prise au cours des
fouilles représente l'entrée de l'allée, dégagée de ses quatre
, petites tables pour en faciliter l'exploration, avec les mu­
railles à pierres sèches qui la flanquent, cellè de droite en

parfait état, celle de gauche très endommagée.

Les dolmens à chambre circulaire

La sépulture rencontrée dans le tumulus de Kermal'ic est
l'exemplaire le plus complet d'une classe tout à fait à pa rt
dans la série des monuments mégalithiques si nombreux

dans la presqu'île armoricaine. Elle est 'caractérisée par la
forme plus ou moins régulièrement circulaire de la chambre
d'où résulte une dimension en largeur inusitée dans les autres
cryptes rectangulaires ou à forme de P ou de Q, et par les
dimensions restreintes de la galerie dont la longueur ne
dépasse guère celle de la chambre et lui est quelquf:'fois in-

férie. ure, proportions bien différentes de celles observées
dans les dolmens à galerie ordinaires. Dans ceux-ci l'allée
est partie intégrante de la sépu Iture et arrive à prendre une
importance telle qu'elle finit par se confondre avec la cham­ bre pour donner naissance à ce qu'on a appelé l'allée cou­ vert.e. Dans les dolmens que nous étudions ici la galerie

semble réduite au rôle de simple chemin d'accès à la chambre
sépulcrale.
Ce genre de mo'nument paraît· avoir été particulier au
Morbihan où son champ d'extension n'aurait même pas
dépassé les limites des régions Lorientaise et Carnacaise. Je

dois dire cependant que dans la commune de Kerbors (Côtes-

du-Nord), nous avons relevé le plan d'un monument mégali-

thiq ue ruiné que G. du Mottay dans son Répertoire A rchéolo-

(Fig. 5).
Monument de Kerbors (au 1/1.00°)
gique des Côtes-du-IVord, p. 287
désigne . sous Je nom de
Cromlec'· h, et qu'on pourrait
prendre à la rigueur, pour un
dolmen de l'espèce. Situé à 60
mètres dans le Sud de l'allée
couverte dite Men-ar-Rumpet
(Pierres du géant), à l'entrée
de la rivière de Tréguier, tout
près du rivage, il se compose
de sept piliers disposés en de­
mi-cercle régulier, d'un hui""
tième isolé, placé sur la même
circonférence d'environ 3

de diamètre, et enfin d'un
neuvième, situé en dehors du
cercle, son grand côté dirigé
vers le cen tre de ce cercle et
qui serait un support d'une allée

orientée approximativement à l'E.-S.-E. vrai. (fig. 5). Pas

de tables. L'allée couverte voisine a les siennes.
Revenons aux sépultures morbihannaises.
L'année qui a suivi celle de la fouille de Kermaric, nous

avons exploré le tumulus affaissé et dévasté du Nelhouet, en
Caudan (R. A. Septembre-Octobre 1898, p. 201). On y a mis
au jour une grande chambre circulaire de 4

80 de diamètre
moyen, délimitée par quatorze piliers de granit de l

2 mètres de hauteur et d'une épaisseur allant jusqu'à plus
de 1 mètre. Deux de ces piliers avaient été enlevés à une date
asse~ récente et je les ai vus, l'un servant de pierre à piler
la lande dans une ferme voisine, l'autre formant ponceau sur
un petit ruisseau. On accède à la chambre par une allée au

profil irrégulier ayant six supports à droite et quatre à gau­
che, hauts de Om7!) à 1

3Q. Des rangées superposées de galets
et moellons bouchent les intervalles entre les piliers de gauche
et éga lisent, pour faire parernen t, les défectuosités de forme

(Fig. 6). Plan (au 1/'100c ) du Dolmen du Nel1wtlet en Calldan

et de place de ceux de droite ( fig. 6). Longueur de l'allée,

90; largeur à l'entrée, t

20; orientation , S. 76° E. vrai.
Restes importants de mobilier funéraire. Pas de trace de tables.

Fig. !~.
ENTRÉE DE L'ALLÉE DU ~lE1\-BHEC'H ET LES MUHS A PIERRES SÈCHES
QUI LA FLANQUE;'I;T.

A environ deux kilomètres dans le N.-E. du Nelhouet, près

(Fig. 7).
Plan (au i jIOOc ) du Ty-Nwziganed
du village de Lainmat, se
voit un monument simi­
laire. plus ruiné que le
précédent. On l'appelle Ty­
neuziganed (maison des
Nains, des Korrigans). Sa
chambre circulaire de 3m~0
de dia mètre est formée de
onze piliers informes. en
quartz blanc dont deux ont
été légèrement déplacés .
L'allée, ouverte au S. 40° E.
vrai, n'a plus que les deux
piliers, aussi en quartz
blanc, qui touchent la cham­
bre (fig. 7). Quelques restes
seulement du tumulus. Pas

de tables.
Les trois monuments qui
vont suivre, malgré la plus
grande irrégularité du cercle
des chambres, paraissent
répondre à la même conception architecturale. Nous devons à

M. le Commandant Le Pontois, les renseignements et les
plans qui les concernent.
Sépulture néolithique à incinération de Lann-
Blaën, en Guidel. Comme à Kermaric le tumulus

ne laissait voir qu'une table et quelques sommets de piliers.
Les fouilles ont mis au jour un monument très complet
composé d'une grande chambre, grossièremfmt circulaire,
avec des diamètres de 3m2~ à4 mètres, limitée par
quinze supports bien jointifs ayant de Om8~ à t

30 de
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XXXVIII (Mémoires 7) .

hauteur, et d'une allée étroite, om60, formée de quinze

(Fig'. 8).

Plan (au 1/iOO') du Dolmen de
Lann-Blaën, en Guidel.
piliers jointifs, huit d'un côté
et sept de l'autre, dont les
quatre les plus voisins de
la chambre, à l'entrée de

laquelle ils dessinent une
sorte d'antichambre, suppor­
tent une table de '1 m80 de
long sur Om7!) de large (fig. 8).
Longueur totale de la sépul-

ture 7 mètres, dont 3

pour la galerie, .mesurés sur
son axe, orienté S. 68° E.,
N. 68

O. vrais, et venant
couper la chambre en deux
parties inégales, dans des pro­
portions sensiblement les mê­
mes qu'à Kermaric. Riche
mobilier funéraire. Pas d'au­
tre table que celle de l'allée .
Dolmen de Parc-Trion

ou Parc Krion, près de
Kerescant; en Quéven. -
Une exploration datant d'une

cinquantaine d'années a mis le roc à nu dans la chambre et
une partie de l'allée et les di~ensions qui ont servi à dresser
le plan ci-contre (fig. 9) ont pu être prises au pied même des
menhirs. Même irrégularité du cercle de la chambre dont les

diamètres varient de 2

2!) et que délimitent treize

supports jointifs de '1 mètre à lm!)!) de hauteur. L'allée, large

de Om90, montre cinq pilliers dressés, hauts de 1 mètre, deux

à' gauche et trois à droite, sur lesquels une table repose. Elle

s'est peut-être prolongée jusqu'aux deux têtes de roche 0: et

(1.\ pr~'sque à fleur de sol,

.s ),o 'E.
(Fig. 9).
Plan (au 1jWO') du Dolmen de
Pal'c-Krion, en Quéven.

où ulJe seconde table gît!3n travers, :

Sa longueur eut été alors de

111
60 et celle totale du monu­
ment de 6

70. Son axe, orienté
S. 40

, E., N. 40° O. vrais,

vient passer par le (:entre ap-
proximatif de la chambre. Pas
d'autre table que celles de la
galerie.
Dolmen de Locmiguel
Méné, en . Guidel. ' Son
tumulus montre sur le som­
met des têtes de menhirs
émergeant de quelques déci­
mètres ' qui lui assurent une
forme comparable à celle de
Lann-Bloën, avec des dimen­
sions ' peut-être plus faibles.
Pas de tables en vue.
Dans la région de Carnac
nous retrouvons nlusieurs mo-

numents de la même catégorie.

Dolmen de Kerzu, en Crach. Le plan ci-con tre '

(fig. 10) levé en 1909, montre une grande chambré à peu

près régulièrement circulaire de 4 mètres de diamètre, déli-
mitée par dix supports debùüt"ayant 1 metrè à 1

W de hau­
leur, et une allée, ouverte au' S.-E., formée de cinq piliers de
t mè tre denaut, trois à gauche et deux à droite, avec une

longueur de 3

20 suri mtO 'de largeur. En A, et en B, deux

gran : des pierres reposent à plat sur le sommet du tumulus,
fai saht un peu saiLlié sur la chambre vide. A semble' un pilier
déplacé; B pourrait être un fragment de la table signalée' à
cette place, par 'les explorateurs de 1866. Ils lui donnent,

- '" 100 .

dans leur rapport

60 de long sur 1

20 de large, tandi's
que sur le plan qui y est

,.........." . joint, et où elle figure en

projection horizontale,

(Fig. 10) .

Plan (au 1/100

) du Dolmen de Kerzu,
en Crach.

ses dimensions attein­
draient 4

80 . sur 2

par comparaison avec le
diamètre de la cham-
. bre, car il n'y a " pas
d'échelle de proportion
accompagnant le dessin.
Ces dernières dimen-
sions répondraient mieux
à celles exigées par une
table de couverture d'u-
ne pareille chambre.
( Bulletin de la So­
ciété polymatique du
Morbihan, 1866, p. 89.)
Dolmen de Parc-
Guren, en Crach.
Il est situé à DOO mètres
environ dans l'Ouest dA
Kerzu. Tumulus d'à peu
près iD mètres de dia· ·
mètre, arasé au niveau des piliers. La chambre se com-

.pose de · onze piliers (un douzième probable est caché
sous des déblais), ayant . de 0

40 à 0

80 de hauteur,
qui · forment, à gauche, une demi-circonférence assez l'égu lière
dont le centre serait sur l'axe passant par le milieu de l'allée,
et, à droite, un arc de cercle à plus grand rayon; disposition
qui rappelle beaucoup celle de Kermaric. Notre relevé n'est

'l01

les tArres éboulées du tumulus et pal' les ronces et ajoncs.
Dimensions de l'ovale, 4

20 de long sur 3

40 de large. L'un
des supports, B, porte des cupules, et un autre, C, des signes

gravés. L'allée, ouverte à l'E.-S.-E., a 2

60 de longueur sur
f1~20 de largeur, réduite à Om90 à l'entrée de la chambre où
. le pilier degauche fait saillie de Om30. Les supports, deux à

(Fig. H) .

Dolmen (au l./iOO

) de Parc-Guren, en Crach.

gauche, trois à droite, n'ont aussi que Om40 à Om80 de hau­
teur. Cette faible hauteur de tous les piliers étant insuffisante
pour y faire reposer une toiture sous laquelle on put pénétrer
facilement, on y a remédié en les surmontant d'épaisges et
larges pierres disposées en encorbellement sur lesquelles
repose encore une table · de 2

Hi sur 1

90 placée à la
jonction .de l'allée et de la chambre sur laquelle elle déborde
de plus d'un mètre et dont la fac~ inférieure se trouve être

102 ' -;

ainsi à 1

05 au-dessus du sol actilel. Enfin, au fond de la
chambre, se voit un menhir de 1m]iS de haut, brisé ' en deux
dans le sens de sa long, ueur, dont le pied repose à, terre et la

tête sur un des supports. A-t-i,l été un 'pilier c'entral comme

ceux que ' va nous montrer en place le mon ument qui suit? .

Dolmen de la Haye, en Saint-Gravé. Le docteur
Fouquet donne le nom de Cromlec'h-Tombeau à ce curieux
monument découvert sous un tumulus oblong de 1

iSO de

EST
(Fig. 12).
Plan (a'u ' 1/100

) du Dolmen de la Haye,
en Saint-Gravé.

hauteur. Quatorze gran-
des pierres de granit,
presque toutes posées sur
leur grand côté, délimi­
tent un cercle de 4 mè­
tres de - diamètre. Quel­
ques-unes ont près de
deux mètres cie largeur,

et toutes, au plus 1 mè-
, tre de hauteur. A l'Est,
une étroite ouverture

en tre deux petits piliers
de Omi)O et O

60 de
haut, donne sur une
allée . très dévastée qui
pourrait avoir eu 4 mè­
tres de longueur. Il en
, reste quatre 'piliers de­
bout et un renversé et
'déplacé, B (fig. 12). La
" pierre A, longue et plate,
a pu servir de pierre

de fermeture de l'en-
, trée de la galerie ou de

table pour celle-ci. Aucune trace d'autres ,tables. L'intérêt

" .' '103 . .:._

principa,I. de ce q-lqnur,nent réside dans la présence, -au centre
de la chambre, de deux menhirs de lm?5 placés l'un près

de l'autreet dont les têtes viennent se toucher.

(Bulletin de la Société polymatique ' 1874, p. 122.)

Dolmen de Lann-
er-Vein, près Kerca­
do, en Crach. -- Cham­
bre ovalisée ayant 4

de pl us grand dia mètre
et 3

25 de pl us peti t,
limitée par quinze sup­
ports jointifs dont l'un
est renversé A et l'autre
a dispai'u (fig. 13). Une
courte allée, avec deux
piliers de chaque côté,
s'ou vre à l'Est de cette
grande chambre. Sa lar­
geur est de 0
11l
90. Mobi­
lier funéraire varié. Pas
de tables .
(Fig. 13). . (F. GAILLAHD, '1906,
Plan (au '1 /100

) du Dolmen de Lallll-er-Véin, l . . J 1 L
. en Crach. m prIm~rIe ume " o-
rient). .
Dolmen de Rogarte, en Carnac. Avec son énorme
chambre de près de 5 mètres de plus grand diamètre et sa
très courte allée, ce monument très .ravagé, mais auquel
cependant pas un support ne manque, est bien du type 'de
ceux qui font l'objet de cette étude. Sur les treize supports
qui en dessinent les contours dont quelques~uns ont 2

50 de
largeur sur 1

50 de hauteur; huit étaient renversés. On a pu
en rétablir la position sur le plan, où ils sont indiqués par
des hâchures ponctuées, grâce aux vides laissés dans les blo-

- '104 -

cages qui entouraient leurs pieds (fig. 14). Dans ce monu­
ment dévasté, un important mobilier funéraire a été recueilli.
Ni tables ni restes de tables alors que tous les piliers sont là

(Fig, i4).
Plan (au 1/100") du Dolmen de Bogarte, en Carnac,
chavirés ou debout. Ce sont ces derniers, émergeant de 20 ou
trente centimètres sur le tumulus, qui ont fait décider la
fouille. L'allée s'ouvre au S.-S.-E.

(Bulletin de la Société polymatique, 1883, p. 24:'1.)

Dolmen de Rohènèzel, en Crach. Situé au sommet
d'une pointe, plantée de pins, qui s'avance sur la rive gauche
de la rivière de Crach, à 4·00 mètres environ au N .-0. de la
chapelle Saint-Jean. C'est une chambre à peu près ronde, de

3 mètres à 3

20 de diamètre, formée de neuf supports pres-

- 105 _ .
que jointifs dont l'un 1 est renversé en dehors et à moitié
-enfoui. Leur hauteur varie de OIllSQ à I

3Q ; un seul H n'a
que om60. Dans le N. \ en J, se voit un pilier de '1

30, comme

C' "J N - ;

(Fig. 15). -
Dolmen (au 1/100°) de Rohénézel,
en Crach.
ses trojs voisins C, D, E, placé
extérieurement au cercle et

dont la destination est difficile
à saisir. Dans les constructions
mégalithiques, chaque élément
a sa raison d'être; mais ici la
cause échappe pour laquelle
on a renforcé, en ce point,
l'enceinte de pierres. Au mi­
lieu de la chambre gisent de
larges et épaisses pierres po­
sées l'une sur l'autre, peut-

être les débris de tables de
_ couverture autrefois plus gran­
des, car leur largeur ne répond -

pas à l'idée d'anciens men­
hirs centraux renversés. Aucun vestige d'allée. Si elle a existé,
comme c'est probable, on pourrait en voir l'amorce entre les

supports F et G où il ya un vide de omQo, ouvrant à l'E.-S.-E.
Dans la même région plusieurs autres dolmens ont été
signalés comme ayant des chambres circulaires; mais outre
que les renseignements sont incomplets -et souvent contradic­
toires, aucun plan n'en a été dressé, ce qui, d'ailleurs, est le
cas pour le plus grand nombre de nos monuments mégalithi­
ques bretons des cinq départements.
En voyant ces grandes chambres circulaires, dont quelques­
unes atteignent près de Q mètres de diamètre, une question
se pose. Comme les autres sépultures néolithiques, dolmens
avec ou sans galeries, allées couvertes, avaient-elles des
tables de recouvrement en pierre'? Le fait que pour beaucoup
d'entre elles, les mieux conservées, celles où tous les sup-

-.- . 106 . -
ports étaient encore en ' place au moment des explorations
dont nous venons de donner les résultats et où, par suite, les
- monuments ne semblaient pas avoir subi de mutilations, le
fait qu'on n'avait rencontré aucune table des chambres, soit
en place, soit ' tombée ou renversée, pourrait . faire penser
qu'il n'yen avait j'amais eu. Et la présence d'une ou plusieurs
tables . .sur les gaLeries, de toutes les tables comme à Kerma­
ric, viendrait à l'appui de cette manière de voir, car il serait
au moins singulier qu'on eut enlevé partout les énormes
table.s des chambres', difficiles à déplacer, alors qu'il y en

avait de. plus' .petites '~ sans compter les piliers, auxquelles on
n'eut pas tOQché. Si· donc l'observation était générale, la
question semblerait résolue en faveur de l'absence de tables
sur les chambres, , seules les' galeries, peu larges, en étant
pourvues .. Mais, ainsi qu'on a pu le voir dans l'énumération
ci -dessus des monuments de l'espèce, les uns ont montré des
tables renversées, comme au .Rohénézel, et d'autres en ont .

eu qui n'ont disparu qu'à une époque ré'cente, comme à Kerzu.
Une mauvaise chance a voulu qu'on n'ait jamais trouvé de

~olmens à chambre circulaire et à courte allée, intacts sous
leur tumulus, dont la fouille méthodique eut fourni des indi­
cations précises sur leur .. en: semble architectural. Tous
avaient été plus ou moins violés, le plus grand ' nombre bou­
leversés. Dans de pareilles conditions de documentation on
ne peut avoir la prétention d'établir une règle commune à
tous ces monuments en ce qui concerne le mode de couver­
ture des chambres, et les probabilités semblent être pour la
variété des procédés. Qu'il y ait eu des chambres circulaires

recouvertes de dalles de pierre, la chose parait indiscutable;

que toutes l'aient été, on ne saurait l'affirmer. Le dolmen de
Kermaric, avec ses deux hauts menhirs à l'entrée de la cham­
bre nous avait fait songer à un mode de couverture en bois,
à double rampant, où ces deux colonnes auraient servi d'ap­
pui, en la surélevant, à la pièce de faîtag~ disposée suivant

.- .107 ··-
l'axe de la chambre. A la Haye, les deux ' menhirs centra llX
auraient eu . une destination semblable, mais cette fois, pour
soutenIr une tüÏ.ture en bois conique. AuPare-Guren, on peut
supposer une conception du même genre. Dans ces trois cas
la présence des menhirs semble devoir faire rejeter . l'hypo~
thèse de gra. ndes tables de . recouvrement en pierre; sans
s'opposer toutefois à un dispositif compléme'ntaire de pierres.
d'encorbellement, comme au Parc-Guren, ou de pe.tites dalles
rangées tout autour de la chambre, s'appuyant sur les sup-,
ports et venant, en position inclinée, recouvrir les chevrons
en branchages d· e la toiture. Nous aunions ' là quelque chos, e,
de comparable à ce que M. G. Chauvet a appelé lesdolrnens;
en bois de la Charente ('1). Nous sommes très port, é à cr: oire
que le bois a joué un rôle impprtant daos l'architecture ,furié-'
raire dès les temps néolithiques. Pour la période suivante, le
commencemen t du bronze, les preuves en , sont ,nombreuses
et certai nEls. . .
On s'est demandé souvent comment pouvaient être couver­
tes les chambres mégalithiques des nombreuses nécropoles,
du Finistère dites cc à ciel ouvert)) parce qu'on n'y a, jamais,
trouvé de dalles de fermeture. D'autres monuments et en par­
ticulier celui très remarquable du Tuchen-Poi (butte du
diable) à Keram, en Plœmeur (Morbihan), fouillé par M. le
Commandant Le Pontois (chambre rectangulaire de ' 12 mè­ tres sur a

50, le grand axe dirigé S. 35° O., N. 35° E. vrais,
avec deux cabinets extérieurs, aux anglr,s N. et N.-E., et

deux galeries d'accès sur la paroi Est, l'une orient~e S. 40° E .

et l'autre S. 60° E. vrais) ont été rangés par leurs explora-

leurs parmi, ceux dont on ignore le mode de t.oiture.· Le grand

monument mégalithique · de Parc-Corrigez, île · de Groix, est
dans le même cas, (BuLletin de la Société archéologique du
Finistère, 19'10, p. 240). N'en auraient-ils jamais eu? Les

(1) G, CHAUVET" Deux dolmens en bois · à Fouquwre " Association fran­
çaise pour l'avancement des Sciences. Congrès de la Rochelle 1882 .

108 -

sépultures néolithiques dénotent, dans leur construction, un
tl'Op réel souci de protection pour les morts et, dans leur
mobilier, une intention trop évidente de pourvoir à leurs
besoins d'outre-tombe, pour qu'il soit possible d'admettre que
ces dé'pôts sacrés et précieux ait pu être brutalement écrasés
sous les matériaux de l'enveloppe tumulaire ou laissés à
décoUvert, exposés aux injures du climat, des animaux et
des hommes. Le toit protecteur a été une nécessité pour la
demeure des morts comme il l'était polir celle des vivants.
Le toit en bois des cabanes n'a pas laissé de traces; cplui des
cryptes sépulcrales', où la même mqtière a été employée, a

aussi disparu. .
Si la sépulture néolithique armoricaine à couverture en
bois ne peut être qu'une conjecture tant qu'une nouvelle
découverte ne sera pas venue en confirmer l'authenticité, on
reconnaîtra cependant qu'il y aun ensemble de considéra-

tions dont nous avons énuméré quelques-unes à propos du
tumulus de Men-Brech, à Kermaric, lesquelles pourraient
s'appliquer à bien d'autres monuments, et qui viennent
plaider en sa faveur .

Les dolmens à enceintes murales
à pierres sèches

Le Men-Brech est le premier des tumulus de la presqu'île
bretonne où l'on ait constaté la présence d'une muraille cir­
culaire à pierres sèches entourant le dolmen central et,
comme lui, enfouie dans l'enveloppe (1). Nous avons bien

(1) Au Sud de l'embouchure de la Loire, dans la région de Pornic, M. le
bal'On de 'Vismes, au cours de ses fouilles du grand tumulus dit « des
trois squelettes)) (Bulletin de la Société archéologiqlle de Nantes, 1876, p. 227)
signale la rencontre d'un mur de schiste à pierres sèches tout près du
dolmen de la Groix et ayant dû le circonvenir. Pas d'autre détail. Le
tumulus des Mousseaux, un peu dans l'Ouest du premier et fouillé en 1840

109

quelques lumulüs à base entourée d'un cromlec'h dont url
certain nombre de blocs dt~ pierre ou de petits menhirs, dis­
posés en cercle, sont " encore en place. Tel est celui de Kerva­
zic, en Erdeven (No 6 d'Erdeven, de l'inventaire de F. GAIL­
LAHD. Hevue des Sciences naturelles de l'Ouest, . Paris-Nantes
1892). Quelques autres.de la région Carnacaise montrent, à
leur pied, deux ou trois menues pierres dAbout qui doivent
être les restes de cromlec'hs. Le plus remarquable et le plus
complet exemple de ce genre de monuments nous est fourni

par le très curieux dolmen dit « La Maison trouée » à la
Ville-Auvoyer, commune de La Chapelle, arrondissement de
Ploërmel, avec ses deux cercles concentriques de ri1enhirs.

Mais il n'y a rien là de comparablé au mur flanquant les
" deux montants de l'entrée de la galerie du Men-brec'h, puis
enveloppant le dolmen d'une enceinte protectrice continue, le

tout constituant un ensemble bien lié. On trouve quelque

chose d'approch" ant dans les tumulus à chambre (Chambered
Cairns), de l'âge de la pierre, du Nord de l'Ecosse et des
Orcades. Ces cairns variés de forme et de dimensions; les
plus grands subrectangulaires, atteignant 60 à 80 mètres de
longueur, les quatre coins développés en longues eornes ; les
moyens, carrés avec les mêmes cornes; les petits, ovales ou

ronds, n'ayant que 'US, 120u '10 mètres de diamètre, présen-

tent cette particularité bien caractéristique d'avoir, à leur
par M. Verger qui ya rencontré deux dolmens jumeaux, était flanqué, à
l'Ouest et au Nord, de petits murs à pierres sèches que M. de Lisle du
Dréneuc croit de l'époque du monument et destinés à soutenir les terres
de l'enveloppe (Dictionnaire archéologiqlle de la Loire-Inférieure, p. 270).
Mais, dans les deux cas, aucune recherche n'a été faite pour détcl'millel'
les tracés, lès dimensions de ces murailles, et la façon dont elle se reliaient
aux dolmens. Malgré l'absence de renseig'nements plus précis on ne peut
s'empêcher de faire un rapprochement entre ces deux monumcnts de la
Loire-Inférieure et ceux du Morbihan que nous allons décrire et cie
regretter cet habituel désintéressement des fouilleurs pour tout ce qui est
en dehors de la crypte sépulcrale et qui, dans la circollstance, aurait pli
jeter un peu de lumière sur la raison d'être des murailles circulaires à
pierres sèches dans les tumulus, et permettre d'utiles comparaisons avec
celles découvertcs plus récemment et celles d'autres pays.

base; dont 11s dessinent les contours, un ou deux mUrs pai'al­
lères à pIerres sèches qui auraient eu pour objet de délimiter
l'aire primitive du tumulus et d'arrêter et soutenir les maté­
riaux de son enveloppe, d'après l'opinion des archéologues
Anglais qui l~s ont étudiés. Ils les ont partout retrouvés sous
l'amoncellemen:t des' déblais proven· ant de la masse tumù­
raite qui s'est , écroùlée au cours des sièCles en éla'rgissant la
base du cairn. La galerie conduisant aux chambres fun' érai-

l~es s'ouvre sur un point du mur limite extérieur, c'est-à-dire
dfreétem'ent à l'air libre, et il est probablé qu'une grande
pierre mobile enfennait l'entrée. Le plan entier d'un des
petits' cairns , ronds, avec ' sa 'Chambre, centrale,. sa galerie
d'accès et son mur circulaire de délimitation et de soutien

véIiant' aboutir aux deux jambages de la porte, 'présente une
grande analogie avec celui du tumulus du Men-btec'h réduit

à la panie circonsorite par là muraille. Mais c'est une simple
appal~ence. A Kermaric; l'enceinte circulaire à pierres sèches
rùist'pas,'un 'Ïnur de soutènement, rôle que la petitessede , ses
matériau'x et leur grossier agencement ne ltii eussent, d'ail­
leùrs, pâs permis de remplir efficacêment ; puis, loin de servir'

de li'mite àîa base du tumulus, 'dont le diamètre est double
du si'en, elle ést enfoUie, ainsi que le dolmen dont elle est une
dépendance, sous la masse' tumulaire qui, dans tous nos mo­
numents, : recouvre la ' sépultlJre entière et rend invisible
l'entrée des galeries.
, En octobre 1"909, MM. Ch. Keller' etZ. Le Rouzic ont opéré
l'exploration méthodique et complète du tumulus du Notério,
en Carnac. Le dolmen à galerie centrale avait été fouillé, en
1867, par la Société Polymatique du Morbihan; mais il était

réservé aux nouveaux fouilleurs, grâce au procédé de travail

qu'ils innovaient, de découvrir, dans l'enveloppe tumulaire,

des dispositifs de 'construction jusque-là inconnus dans la

région et de mettre au jour le monument funéraire dans soil
entier développement. Trois murailles circulaires concentri-

que's à pierres sèches ' enveloppent le dolmen, éelle extérieure; ; .
de H5

50 de diamètre, venant" aboutïr des deux côtés d 'e j'en­
trée de la galerie. D'ans l'espace compris entre le mur "inté­
rieur et le dolmen, son t'deux coffres en pierre (1). Cette très :
in téressante découverte vient apporter un document nouvea u
à l'appui du rapprochement que nous avions crû pouvoir éta­
blir entre le tumulus breton du Men-brec'h et certains cairns
du Nord Ecossais. Le triple mur à pierres sèches est une
cu rieuse particularité d'un certain nombre de cairns ronds

ou à cornes du Comté de Cailhness et de l'Archipel des

Orcades dont IHlUS donnons les plans de deux d'entre eux (2)
avec celui du Notério réduit à la mêmeéchelle (fig. '16, '17, 18).

(Fig. 16).
Plan du Cairn à clwmbre de Quoyness, près Elnêss, Sanday-Orcafjes. " !

(1.) Bulletin de la Société , PQlymatique du lVlorbihan, te" semestre 191.0. : ,

(2) J. ANDERSON, (( Scotland in pagan limes )) Tome II (( The bronze and
stone Ages )) p. 245 et 284. . , "

112 -"
Ils permettront de saisir d'un ,coup d'œil les points qui ·les
rapprochent"et ceux qui les diflérencient. On y verra qu'au
Notério, comme au Men-brec'h l'ensemble des murs était
noyé dans le tumulus qui avait plus de 22 mètres de diamè-
(Fig. i7) .

Plan du Cairn à chambre d'Orllliegill Caithness (0,0045 par mèil'c)
tre tandis qu'à Ormiegill et à Quoyness les murailles exté­ rieures bordent la base du cairn en en suivant les contou rs
variés. Si donc certaines dispositions architecturales sont

communes aux monuments de la Bretagne et du Nord de

113 -
l'Angleterre, la même préoccupation ne paraît pas avoir pré­
sidé à leur exécution. Dans le premier cas, elle serait d'ordre
religieux, que ce fût dans la pensée d'agrandir l'aire consa­
crée aux cérémonies funèbres, comme les coffres de Notério

(Fig. 1.8).
Tumu lus cl dolmen du Notério, en Carnac (0,0045 pal' mètre).

pourraient le laisser supposer, d'offt'Ïr un surcroît de protec-

Lion à la sépulture centrale ou tout autre motif ayant le
même caractère d'être en dépendance d'honneurs à rendre
aux morts. Dans le second cas, le mur extérieur, le plus sou­
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXVIII (Mémoires 8) .

-114

vent double embrassant le pourtour entier du cairn quelles
que soient ses dimensions et ses formes, répond bien à la

destination de mur de soutènement . qUA les archéologues
Anglais lui ont attribuée. Seul, le troisième mur intérieur

entièrement caché, toujours circulaire, enveloppant la cham-

bre, rappellerait les nôtres: mais étant donné son mode de
construction en gros matériaux identique à celui des autres
murailles, on penserait plutôt qu'il a été dressé, lui aussi,
dans le but d'offrir un nouveau centre de résistance à la
poussée des remblais du cône tumulaire central et de dimi­
nuer d'autant l'effort à supporter par les enceintes du pour­
tour. Il n'existe d'ailleurs que dans quelques monuments, où
il aurait été jugé utile à cause de la nature des remblaisJl)
alors que le mur extérieur, simple ou double, dessinant le

contour des cairns, est la règle générale pour tous, grands et
petits.
Nous devons ajouter que l'impression, ressentie en face
des murailles circulaires du Notério, mises à nu, n'a pas été
la même qu'au Men-brec'h; elles répondraient mieux par
l'agencement et les dimensions des matériaux, à l'interpré­
tation de murs de soutènement, comme en Ecosse, avec cette ·
différence toutefois qu'ils n'auraient pas servi de délimitation
à l'aire du tumulus sous lequel ils étaient entièrement
. enfouis.
En définitive, dans l'état actuel de la question, nous ne
croyons pas qu'il y ait parenté entre les cairns des régions
Nord de l'Angleterre et les tumulus bretons à murs circu-

laires concentriques à pierres sèches; mais j'ai pensé qu'il
pouvait y - avoir intérêt il signaler les particularités de cons-

(1) Dans le grand tumulus du Tossen-ar-run, en Yvias, la tenue du cône
central de l'enveloppe, consistant en un galgal de très petites pierres rou­
lantes, sans cohésion, était assurée par un cercle de pierres plus grosses
entourant sa base. Celle du tumulus entier, avec son revêtement d'argile
pur, s'étendait à 8 mètres au-delà de ce cercle.
Mémoires de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord,1900 .

-" 115 .
truction qui les rapprochent. Une étude approfondie de nos
tumulus, explorés dans leur entier, pourrait seule venir
confirmer ou infirmer les conclusions que je n'émets que
sous la plus extrême réserve.
Jusqu'à ce jour, l'on s'est généralement borné à fouiller. les
chambres et les galeries. parce que la recherche d'objets mo­
biliers à recueillir pour les collections a primé toute autre

préoccupation d'ordre archéologique pur qui eut souvent
fourni d'intéressants et utiles renseignements pour la plus
complète . connaissance des populations néolithiques. Si les

armes, outils, bijoux nous donnent une idée de leurs bèsoins,

de leur goût, de leur industrie, de leur art, en un mot de .
leur civilisation matérielle, un examen attentif des grands

monuments funéraires qu'ils nous ' ont laissés, peut nous
aider à pénétrer leur plus intime pensée, à entrevoir la
nature des sentiments qui les avaient inspirés en les dressant,
sentiments de respect, de vénération, de culte pour les morts
dont nous devons ' retrouver la vivante expression dans la
façon dont les plans de la sépulture ont été conçus pour
répondre à ces pieuses intentions, à mieux ' faire connaître
enfin la série des cérémonies variées qui accompagnaient les

funérailles d'un puissant personnage .
. Un ' pareil examen permettrait encore d'établir des compa­
raisons entre des peuplades, éloignées les unes des autres, et

qui auraient gardé. d'une commune origine antérieure, les

mêmes procédés pour honorer les morts. Aussi est-il vive-
ment à souhaiter que MM. Keller et L - e Rouzic. puissent être
autorisés à poursuivre leurs recherches dans quelque impor­
tant tumulus, propriété de l'Etat. Ils ont ouvert une voie
nouvelle, en dehors des sentiers battus jusqu'ici, et l'archéo-

logie peut attendre les plus précieux résultats d'une collabo-
ration où la plus large libéralité s'unit à une expérience et un
zèle scientifique éprouvés. . ' .

L'Unité de mesure chez les Néolithiques

L'étude du tumulus de Men-brec'h soulève une question

d'un intérêt tout particulier. Les Néolithiques ont-ils eu une

unité de mesure de longueur et les monuments mégalithiques

qu'ils ont dressés et qui nous sont parvenus intacts, dénotent-
ils l'usage de cette mesure pour l'établissement d'un plan de

construction systémathique préconçu'? Des archéologues de
haute valeur y répondent par l'affirmative en s'appuyant sur
un grand nombre d'observations faites avec un soin scrupu-

leux et une précision aussi grande que possible (1). Ils ont
reconnu qu'elle était de om30. Avec des matériaux tels que
ceux employés dans nos cryptes sépulcrales, c'est-à-dire des ,
blocs de. pierre, la plupart ' qu temps informes, comme 'la

nature les a produits, arrondis, bosselés, sans . surfaces
planes, sans arêtes et angles vifs bien définIs, le plus souvent
mal d'aplomb une fois dressés, les mesures prises en long, en
large, en diagonale, ne peuvent avoir qu'une valeur approxi­
mative ; elles peuvent être 'erronées dans des proportions
telles que leurs rapports avec une unité aussi faible que Om30

deviennent d'une détermination .incertaine ' et quelquefois
trompeuse. Le dessin d'un plan, aux proportions voulues,
bien arrêtées, aurait-il été préalablement tracé sur le terrain,
que l'irrégularité seule des matériaux, sans tenir compte de

leurs dimensions et des difficultés de mise en place et de
qressage, n'eût guère permis d'en suivre exactement les .
contours. On ne pouvait obtenir qu'un à peu près" des parois

aux lignes ondulées ou brisées, des angles et des encoignures
aux sommets vagues, des murs de longueurs imprécises faute

(1.) C. J. (( Les mesures de longueur, le nombre 7 et les connaissances en
arithmétique, en géométrie et en astronomie chez les constructeurs de monu­
ments mégalithiques en Armorique» par R. KERVILER. (AL Cathrine, impri-
. meur, Lorient 1.903.) .

.- '1'17

d'arêtes verticales terminalAs. Où retrouver· actuellement,
sur une aire aussi peu géométrique les points de repère ayant
servi à l'établissement du plan primitif pour en reconstituer

le tracé? Si nous avions un parti-pris il serait donc plutôt
contraire à la thèse de ces archéologues. Et cependant · les
résu'ltats obtenus, dans les conditions que , nous venons
d'énumérer, c'est-à· dire la concordance des mesures relevées ,
sur un dolmen avec des multiples d'une même unité est bien
faite pour éveiller l'attention, Et l'intérêt redouble si ces mArnes
concordances se retrouvent dans d'autres monuments. C'est

ce qui nous est arrivé. En mettant au net le plan du Men­
brec'h, à Kermaric, avec les nombreux croquis cotés pris sur

place, nous avons été frappés des rapports de proportioll exis-
tant entre les dimensions principales du monument. Avec des

difTérences de quelques centimètres seu lement, elles repré-

sentent des multiples de Om30. L'année suivante nous explo-
rions, en la commune de Caudan (Morbihan), le dolmen à

chambre circulaire du Nelhouet, avec l'aide de deux jeunes
officiers de marine. Nous rappelant ce que nous avions
observé à Kermaric, nous résolûmes de soumettre le nouveau
monument à une mensuration aQssi mathématique que pos­
sible avec le concours de nos deux collaborateurs. Ici encore,
nons obtînmes des résultats pareils, c'est-à-dire des nombres
ayant Om30 comme diviseur commun, avec une approxima­
tion variant de Om à Om06 pour des longueurs comprises entre

20 et 'li

4:0. N'y aurait·il là qu'un effet du hasard, une .
simple coïncidence toute fortuite? Ces rapports de proportion
dûment constatés entre les dimensions principales de ces
deux sépultures mégalithiques ne seraient-ils pas, au
contraire, la conséquence naturelle de l'emploi d'une unité dé
longueur pour le tracé du plan des monuments, qu'il fût
d'usage courant poUl' toutes les constructions de la période
néolithique, ou réservé exclusivement à celles consacrées aux
morts, en vertu d'un rite religieux .

-118 .

Entre 0 les deux hypothèses, hasard ou intention, 0 nous
restons très hésitant; mais il nous a paru utile de signaler
ces deux cas qui pourraient militer en faveur de la seconde.
L'archéologie est une science toute d'observations et aucune
d'elles ne doit être négligée .

Rennes, 23 décembre 191().
A. MARTIN.

Pages
XVII

l{XIX
XLI
XLIV
XLV

. LVII

III.

VII.
VIII .

353

DEUXIE E PARTIE

table des M émoi tes publiés en 1 [) 11

Les grands ensembles mégaiilhiques de .lapres­
· . qu'île de Crozon et leul' drstination originelle,

Pages

par M. le capiLaine de frégate DEVOIR ........ - '.

Un sénéchal de Chàteauneuf-du-Faou, Guillaume

Pic de la Mirandole (1694-1778), par M. RAYMOND

DET..JAI:JORTE . .......... . ........... '.' ........ , . ' . ~ .39

Convoca tion du ban et de l'arrière-ban de l'Evêché

de Léon et de la châtellenie de Modélix-Lan meur

(1534-1708), par lVI. LE GUENNEC ............ " .

Le . tumulus à dolmen de Kermaric, en Langui-

dic (Morbihan). Les dolmens à cham bre
circula'ire ef les dolmens il enceintesmur'ales

de-l'Armorique. L'uniLé de mesure de lon- .. .
gueur dans les conslrucLions mégalithiques , .'

. de la période rréoliLhique, par M. A. MARTIN. . 8E
Etudes sur le Cap-Sizun. IV. Le fief des Regai-
res de Cornouaille au Cap-Sizun. Appen­
dice : Hivernage des bateaux à Audierne en
1573, et Rôle des Fouages cl' Audierne en 1616,
par M. DANIEL BERNARD .................. ' .. .
M. Paul du Chatellier, notice biographique, par
M. le chanoine J.-M. ·ABGRALL ............... .

Sépulture gallo-romaine découverte à Pont-de-
Buis, par M. le chanoine J.-M. ABGI:tALL. " ....
Episodes et anecdotes (5° série), par M. l'abbé

18i

NTOTNE ~AV ............................

IX. Cachette d~ cen t vingt-six haches de bronze dé-

couvertes à Méné-Justis, en Tourc'h, par M. le
comte DE ' lLLlEl1S DU TERRAGE.. . . . . . . . . . . . . . 22~
Eglises et chapelles du Finistère (suite, voir
lomes XXX à XXXII, XXXIV; XXXVI et XXXVII) ;
doyenné de Morlaix, par M. le chanoine
PE" YRON ... ï . . . ' . 0 0 0 - 23(

- 354

Pag
. XI. Découverte d'une cachette de fondeur en Plo-

névez-du-Faou, par M. A. JARNO... ... . .. . .. .. . . . .. 2
XII. Liste des juridictions exercées au XVIIe et XVIII'
siècles dans le ressort du Présidial de Quimper
(suite, voir t. XXXVII); sénéchaussées de Châ-
. teaulin, Châteauneuf et Concarneau, par M. H.
BOURDE DE LA ROG ERIE ........ : ............. .

XIII. Documents pour servir à l'hist.oire des guerres
de la Ligue en Basse-Cornouaille: ExploiLs du
baron de Camors .. (1596), par M. DANIEL BER- ..
NARD.~ . .... ............................. 2
XIV. Essai d'interprétation d'une gravure mégalithi­
que. Le grand support orné de la ({ Table
des Marchands », par M. le capitaine de fré-
gate A. DEVOIR .................. ; ........... .

XV: Les saints brelons et les animaux. Etude hagio-
logique et iconographIque par M. le chanoine
ABGRALL "0 ' ...... o' " .............. " ........ .
X VI. Les coffrels de pierre et tes squelettes de Feun­
teunigou en Plouhinec, par M. H. LE CAR GUET.

FIN

'mprimerie COTONNEC, LEPRINCE, Suce. ' - - Quimper