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Bulletin SAF 1911


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Les grands ensembles mégalithiques de la presqu’île de Crozon et leur destination originelle

Capitaine de frégate Devoir

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1911 tome 38 - Pages 3 à 38

ORIENTATIONS 'MÉGALITHI UES

DE LA
PRESQU'ILE DE CROZON
Latitude 48° 15'

Réponse à la question mise au concours, en 1862, pal'
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres .

LES

DE LA

Presqu'Ue de' Crozon

ET LEUR DESTINATION ORIGINELLE

Communication faite à la Société Archéologique
du Finistèrë, le 29' Décembre 1910.

AVANT-PROPOS

Les monuments mégalithiquès de la presqu'île de Crozon
ont depuis longtemps attiré l'attention des curieux et des a1'-
0 chéologues; le Chevalier de Fréminville me paraît toutefoi~
avoir été le premier à en donner une énumération assel
complète, et une description quelque peu détaillée (i ).

La çaractéristique des monuments crozonnais ne fésid(
pas dans la masse des éléments, généralerrJent de dimensiow
modérées (2), mais dans le nombre de3 éléments qui consti
tuent les divers ensembles, et la complexité des tracés des
si nés par ceux-ci; à ces derniers points de vue, une seuIl
région armoricaine, les environs de Carnac, peut se compare]
à la presqu'île finistérienne.
(i) Antiquités du Finistère.
t2) Les menhirs de 3"'50 y sont tt'ès rares.

Quant aux roches utilisées par les architectes préhisto-

riques, elles se rapportent uniquement aux étages sédimen-
taires : les grès siluriens, et surtout le grès armoricain, ainsi
que les quartzites du dévonien inférieur ont foumi des
matériaux résistants, et parfois susceptibles d'un grossier

clivage, dont de nombreux menhirs montrent les traces.
Les roches éruptives, granulites et kersantons, porphyrites
diverses, qui n'apparaissent qu'en filons minces, n'ont pas
été employées dans la construction des monuments : les
dia bases se présentent sous formes de masses plus ou moins
décomposées, englobant des noyaux moins altérés, mais de
dimensions trop restreintes; quant aux venues granitiques
importantes, elles font complètement défaut dans la pres-

qu'He.
La nature des matéI'Ïaux utilisés permet de préjuger de
l'aspect des éléments constitutifs des ensembles: ces éléments
affectent généralement des formes grossièrement parallépipé­
diques dans les régions gI'èseuses, fort irrégulières quand ils
ont été taillés dans un quartzite: on ne trouve jamais, dans
la presqu'ile, ces surfaces soigneusement parées qui carac­ térisent les grands menhirs granitiques du nord du Finistère.

Les monuments cL'ozonnais ont subi de nombreuses muti- . .
lations, mais le nombre même des éléments entrant dans leur
composition permet encore de retrouver les tracés primitifs
de certains d'entre eux, au moins dans quelques parties. .
Ce sont ces tracés qui forment aujourd'hui et formeront
dans l'avenir le principal intérêt des grands ensembles que
je vais sommairement décrire, et qui, à ce titre, sont dignes

de toute l'attention des archéologues, et de la sollicitude des
pouvoirs publics.

CHAPITRE 1.

DESCRIPT S GRANDS

DE LA

Presqu'île Crozonnaise

Les grands ensembles mégalithiques de la pl'esqu'île soni
au nombre de six; trois d'entre eux, ceux du Toulinguet, df
Landaoudec et de Ty-ar-c'huré ont une grande étendue, dem
autres, ceux de Leuré et de Lostmarc'h son t très mutilés; Il
dernier, situé près du village de Raguénès, aura d'ici pel
disparu.

1. Alignements du Toulinguet. Le monumen
généralement connu sous ce nom est voisiu du village dt
Lagatjar : il borde à "Ouest le chemin de Camaret à la pointt
de Penhir (ou des Pois). .
Il comprend, comme parties principales:
Un alignement AA', dirigé N. 3

o E. S. 3

o O. ('1) .

Deux alignements BB' et CC', presque perpendiculaires al

premIer. .
L'alignement AA', encore visible distinctement sur 210 mè
tres de longueur, possède actuellement 43 menhirs de dimen
sions médiocres; dix-huit sont debout, aucun d'eux n'attein

QO de hauLeur, les vingt-trois autres ont été renversés su
place, quelq ues- uns récem ment.

(-1) Le Chevalier de Fl'éminyille donne pour cet alignement une direclio
« exactement Nord-Sud ». Nous verrons que toutes les orientations de Cf

L'alignementBB', ou du Sud est orienté, au voisinage de AA\
N.oOoO. S.~OoE. environ;àsa partie Ouest, il s'incurve vers
le Nord: les menhirs qui le forment sont tous renversés, à
l'exception d'un seul qui paraît avoir été brisé; leur longueur,
de 2 mètres en moyenne vers l'Est, se réduit à '1 m4:0 vers
l'autre extrémité. .
Cette remarque suffit à montrer que la ligne BB' devait,
dans son état primitif être d'aspect plus imposant, et par
suite,' plus importante que la ligne AA'.
Ce fait est hors de doute pour l'alignement du nord CC',
dont deux menhirs debou t ont 2

40 et 3

60 de hauteur; dix
autres, renversés ont des longueurs comprises entre 1

60 et
4 mètres; I.e,menhir d'intersection de CC' et de AA' n'a que

les dimensions médiocres caxactéristiques des éléments de
cette detnière ligne .

L'orientation de CC', définie par trois menhirs debout est
N. 50

30' O. S. 00

30' Est, sa direction prolongée passe
un peu au Sud du remarquable pointement rocheux connu
sous le nom de piton de Kerloc'h (cote 6'1).

Le Chevalier de Fréminville signalait en outre des aligne-
ments précédents « un menhir haut de 1

95, placé hors du
rang et près des déhris d'un dolmen )), le menhir étant,
d'après un de ses croquis, plus Sud que le dolmen ruiné.
Ce menhir a été renversé; il mesure 3 mètres de longueur;
quant au dolmen, il n'en reste que deux très gros blocs qui
ne permetten t pas de voir quelles pouvaient être les disposi­
tions primitives de ce monument.
Nous ne possédons évidemment plus qu'une faible partie
de l'important ensemble du Toulinguet dont le développement

atteignait encore, au commencement du siècle dernier, 600
mètres suivant la direcLion de J'alignement AA' (1) : des men­
hirs renversés se voient près du village de Kerbonn, d'autres,
plus loin vers le S,-O. ; deux blocs de faible hauteur. plantés

(t) D'après l'Amiral Thévenard, cité par le Chevalier de Fréminville.

sur la falaise, à l'ouest des maisons de Penhir semblent indi-

quel' que l'alignement AA' pouvait se prolonger jusque-là; il

aurait eu dans ce cas une longueur de plus de 1.000 mètres .
Des blocs existaient jadis entre BB' et CC', d'autres sont

encore debout sur la croupe qui domine l'ensemble vers
l'Ouest et d'où ses éléments ont été vraisemblablemen t extraits;
ils se rattachent. sans doute à cet ensemble, ainsi que les
ruines d'uh dolmen dont je parlel'ai au chapitre suivant.
. Il semblé t.outefois que le monument n'a guère dû dépasser,

vers le S.-E., l'alignement AA' ; celui-ci se trouve, en effet,
près de la limite du grès armoricain, les schistes d'Angers.
qui s'appuient SUl' ce grès (2), ne pouvaient fournir de maté­
riaux résistants aux tailleurs de menhirs.
2. Alignements orthogonaux de Leuré. Ce
monument comprend deux lignes perpendiculaires de menhil's,
se prolongeant de part et d'autre de leur point d'intersection.
L'une des lignes est orientée N.-N.-O. S.-S.-E., elle est

, jalonnée par n menhirs debout et 3 menhirs renversés, en-
castrés tous dans un muret, sur le bord Est d'un chemin;
6 se trouvent au Nord de la croisée, 2 au Sud: les hauteurs
des menhirs debout sont comprises entre '1

40 et 2

De l'autre ligne, orientée O.-S.-O. · E.-N.-E., il reste

n blocs de dimensions médiocres, (dont un à l'Ouest de la
croisée) renversés et mutilés, suffisants toutefois pour mon­
trer que leur direction prolongée passe vers la partie Sud-Est
de l'ensemble de Landaoudec, dont les alignements de Leuré
n'étaient peut-être qu'une dépendance. Dans celte hypothèse,
la distance entre les points extrêmes de l'ensemble Landaou-

dec-Leuré n'aurait pas été inférieure à 2.300 mètres, avec

interruption probable dans un bas-fond correspondant à

l'étage des schistes d'Angers.

(2) Le grès armoricain se présente en stratificatîon presque verticale SUI'
le flanc Ouest de l'éperon Penhat Penhir orienté N.-N."E. . S.-S.-O. ;
sur le flanc Est le pendage est d'environ 50· vers le S.-E .

3. . Ensemble de Landaoudec. - Ce monument est
d'un tracé très complexe. D'après un croquis des (( Antiquités
du Finistère )) il comprend, de l'Ouest à l'Est: une enceinte
rectangulaire formée de 2Q menhirs, avec 2 menhirs exté­
rieurs (A) ; une enceinte semi-circulaire, adjacente au côté
Sud de la précédente et jalonnée par 10 menhirs et . un dol­
men (B) ;
Une allée d'accès, débutant à l'Ouest par une partie large,
se rétrécissant ensuite (C) ; le côté Sud de cette allée prolonge
le côté Sud de A ; le croquis précité y figure 1G menhirs. Le
côté Nord, partant de l'angle N .-E de l'enceinte rectangulaire
est d'abord convexe vers le Nord-Est, puis parallèle au côté
Sud (19 menhirs dont 9 pour la partie rectiligne, où se remar-

queot plusieurs lacunes) ;
Des alignements parallèles (D), au S.-E. du bout de l'allée,
comprenant 2 et 6 menhirs dont l'un, brisé en deux parties,
est figuré sur un cartouche, dans l'angle haut de droite d'un
croquis que je possède; ,
Un dolmen (E) situé à l'Est de l'allée, à 200 mètres de son
extrémité.

Entre cette extrémité et le dolmen E est représentée une
butte surmontée d'un moulin à vent; c'était sans doute un
tumulus.
Le Chevalier de Fréminville mentionne, en outre, un
c( Carneillou », c'est en réalité soit un pointement rocheux,

soit des débris de- mégalithes taillés au moment de l'édifi-
cation du monument, ou mutilés depuis cette époque.
L'état actuel de l'ensemble de Landaoudec est le suivant:
L'enceinte rectangulaire est encore bien dessinée, sur ses
faces N., Est et Sud, par 't8 menhirs, dont 3 seulement
debout; les menhirs dela faèe Ouest ont été brisés, les cieux
menhirs extérieul's sont renversés;
L'enceinte semi-circulaire possède encore ses menhirs, il
n'en reste que deux debout;

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11, : 1 ,

Le dolmen est effondré, table et supports ont été mutilés
Le côté Sud de l'allée, voisin d'un talus ou encastré dan

sa masse a conservé 8 menhirs debout et 7 renversés: le côt
Nord a été beaucoup plus dégradé, il n'en resté que 3 men
hirs debout et 7 renversés; .
Des alignements D, le menhir fendu subsiste, tous les au
tres sont à terre, brisés pour la plupart;

Le dolmen E a encore ses 7 supports, mais la table a disparu
A l'emplacement de la butte du moulin, un petit ouvrag
fortifié a été construit il y a vingt-cinq ans; c'est de son édi
fication que date sans doute la ruine des alignements D.
Quelques blocs, non figurés sur le croquis des ( ( Antiquite
du Finistère )) montrent que le monument s'étendait dans 1
Nord de l'enceinte A; cette remarque, rapprochée du trac
· des enceintes et de l'allée me donne à penser que la parti
Ouest de l'ensemble de La ndaoudec n'présen le II ne hach
emmanchée dont l'allée serait le manche~ B le tranchant, j
l'emmanchement et les blocs précités, les restes du talon
. Les alignements D auraient figuré un ressaut du manche, e

la ligne de pierres qui borde à l'Ouest, sur le croquis de Fré
minville: l'espace marqué « Carneillou » serait la corde dl

suspenSIOn.

L'hypothèse de la hache peut être remplacée par celle dl
la charrue, nous nous trouverions en présence d'une repro
duction, à très grande échelle, de la gravure qui orne la fact
inférieure de la Table des Marchands .

Le développement actuel de l'ensemble
de l'Est à l'Ouest de plus de 400 mètres,
dolmen E .

de Landaoudec est

sa ns y com pter II
Le croquis des « Antiquités du Finistère )) est exact da w
ses grandes lignes; mais l'orientation en est erronée; le côtE
Sud de l'allée est dirigé E.-N.-E. O.-S.-O" c'est-à-dire ven
Leuré, les alignements D ont pu être orientésN.-E

U.J u ... · tJ~ UJ '"
\ .., 1 l l.l

MONUMENT DE LOSTMARC'H

EN CROZON
Croquis à l'échelle 1 / 1000

(sauf pOlir les distances bb' et CD)

(recemment brisé) ,0/

'h=i~1)

oLm en(rui nè)

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le. -nt . .de, /(e/l~t d ~ -at, Jt: ?J~ tft;.,
eL ci j'/(3 VlYU l'U-é

jvzè4 JoU ?n

. Jalonnements:
DG, lever solsticiaux d'été .
AA' -BB', levers intermédiaires d'été (6 ~Iai·8 Août)

DE, levers équinoxiaux (?)

~ouL. _

~€/Ule.

4. ' Ensemble Lostmarc'h . Moulin Blanc. - Ce'

ensemble occupe la crête d'un éperon situé au S.-O. de Crozon
Fréminville le signale en ces termes: « SUl' la partie de l~
« côte qui regarde l'Occident, au-dessus de l'anse de la PallUE
« ou de Lostmarc'h, carneillou avec fiilenhir de 4 mètres, e
« deux alignements de pierres celtiques dirigées Est et Nord
« au Nord-Est de Lostmarc'h, à peu de distance d'un moulir
« à vent, dolmen accompagné de 4, menhirs de 2

4,3 de hau
« teur. »
Voici ce que j'ai trouvé dans cette région, du S.-O. au N .-E
(A) Menhir de 1 m20 de hauteur;
(B) A l'est de ce menhir, ruines d'un beau dolmen à gale
rie, ouvert au S.-E.

et dépourvu de sa table; .
(C) A 't50 mètres au N. DaO E., beau menhir de 3

90, don
la section est gl'Ossièrement elliptique, le grand axe dirig'
S.-E. , N. -O. ;
(D) Près et au N .-0. 'du grand menhir, origines de deu:
alignements parallèles, orientés O.-S.-O E.-N.-E: le plu:

Nord ne comprend que deux petits blocs, dont l'un a été toul
récemment mutilé.
L'alignement du Sud a encore, sur une longueur de 17(
mètres, 'li menhirs dont a debout: cette ligne devait êtrl
beaucoup plus étendue: des blocs èncastrés dans deux mai­
sons, à la partie Est du village de Lostmarc'h, en faisaien
sans doute partie;

(E) A t.500 mètres dans le N.-E. du Moulin Blanc, menhi
de 3 mètres, près du village de Kerellot, sur le bord dl
, chemin de Morgat à Lostmarc'h ;
(F) A t50 mètres au Nord-Est du Moulin Blanc, groupe dl
trois menhirs, les deux pl us gros debout jalonnent une lign(
0.-8.-0 E.-N.-E., le troisième se trouve sur la perpendi
culaire à cette ligne passant par le menhir S.-O. ; tout auprès
des ruines informes sont peut-être ' celles du dolmen signal
par le Chevalier de Fréminville.

Tout cet ensemble est en bien triste état; tel qu'il est,. il
nous donùe néanmoins de précieuses indications, qui seront
utilisées au chapitre suivant (1).
5. Ensemble de Ty-ar-c'huré. Ce vaste monu-
ment s'étend entre la route de Morgat au Cap de la Chèvre et
la côte de la baie de Douarnenez, à 1.200 mètres au S -O.

de Morgat; il occupe le versant N .-0. d'un éperon stérile de
grès armoricain dont -le flanc S.-E. descend ,en pente très
rapide vers la baie.

Le tracé en est très complexe et fort difficile à établir en-
tièrement.
La partie la mieux conservée est celle du S.-E.; on y ,

remarque une enceinte de 10 mètres de côté, formée de blocs
de dimensions assez faibles, mais présentant cette particu­
larité d'être établis sur deux rangs: le rang intérieur, infé-

rieur à l'autre, lui sert d'accotage ; dans chaque rang les blocs
sont presque jointifs. -

Deux côtés de cette enceinte sont orientés N. Q2° O. -
S. Q2° E. ; les autres leur sont perpendiculaires: ceux du
S.-O. et du S.-E. sO,nt les moins dégradés. Ce grand carré en
embrasse deux autres, beaucoup moins nets, dont les côtés

S.-O. et S.-E. se confondent avec les siens, l'angle Sud leur

est commun.
En dehors du grand carré, près de son sommet Est se
trouve un petit tumulus. A l'Ouest, au Nord-Ouest et au
Nord de ce carré sont d'autres enceintes, généralement rec­
tangulaires; la plus Nord est curviligne, à la partie' Ouest de
son périmètre: ces enceintes sont, pour la plupart, assez
mutilées pour qu'il soit difficile de reconstituer leur tracé
général. __
De l'angle Nord du grand carré se détache une allée ; on

(1) Au S.-S.-O. du grand menhir, et à l'Est du corps de garde de la
pointe se voient des coffres ruinés ; sur la pente, quelques blocs sont peut­
être les débris d\m cromlec'b.

y trouve une ligne de petits menhirs orientés S. !)3°. 0

N. !)3° E., puis la direction s'incline au N.-N.-E., 1
Crozon et vers un remarquable pointp.ment rocheux au N(
Ouest duquel se voient en grand nombre des blocs épars
le sol et quelques pierres plan tôes, restes possibles d'
autre partie de l'ensemble, presque complètement ruin
J'ai remarqué au nord du pointement précité un très g
bloc allongé dans le sens N.-O. S.-E. (c'est-à-dire perp
diculairement à la direction des strates du grès sous-jace
et qui peut bien être un menhil~ renversé, de dimensions
périeures à celles des autres menhirs de!a région.
Cet amas de blocs renversés et de pierres plantées ser
utilement étudié sur des clichés pris à bonne hauteur r
un cerf-volant photographique; j'ai regretté de ne pouvoir 1
livrér l'été dernier à cette étude.
Pour terminer ce qui se rapporte à l'ensemble

Ty-ar-c'huré, je dirai que tous les éléments entrant dans
composition sont de masse modérée et pour la plupart man:
bles par un nombre d'hommes assez restreint: ils ont do
pu être placés exactement sur des points bien définis
l'avance. Une dernière remarque: la direction du côté S._I
du grand carré, prolongée vers le N.-O. passe très près (

menhir de Kerellot et au milieu des alignements du Touli

guet.
6. Alignements de Raguénès ou de Kerglintin. -

Le Chevalier de Fréminville décrit ainsi ce monument:
« Sur la côte qui regarde la baie de Douarnenez, un peu 2
(1 Sud de la ri vière de Laber, et près de la ferme de Kerglil
« tin sont cieux alignements Est et Ouest de pierres celtique:
« les unes plantées et les autres posées à même sur le sol.
Quand j'ai visité cette région pOlIr la première fois, e
1900, on voyait nettement le tracé de deux alignemenl
perpendiculaires entre eux.
Le moins mutilé comprenait cinq menhirs, dont un de 3
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Tome XXXVIII

Sud

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BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. .. TOME XXXVIII (Mémoires 2)

et un de 2

DO debout; les trois autres renversés avaient d
dimensions égales ou supérieures; l'orientation de l'align
ment était N.-N.-E. S.-S.-O., son développement 1
DO mètres. Il n'el.1 reste plus aujourd'hui que le menhir

50; tous les autres ont été briséspour l'empierrement d'I
chemin.
Un petit menhir de 1

30, planté li quelques mèll'es
Nord du menhir de 2

;S0, existe encore (septembre 19'iO
c'était sans doute l'amorce d'un alignement perpendicula:
au premier, en son extrémité Nord.
Le deuxième alignemen t, encore visible en 1900, compi
nait alors deux grands menhirs renversés et les débris d'

troisième; son développement atteignait Mi mètres à par
de la croisée. Les trois menhirs ont été bri~és, et il n'en re
qu'un menu cailloutis. L'orientation était O.-N.-O. E.-S .
Un menhir de 2 mètres, paraissant isolé, est deboul
80 mètres Est de ces ruines.
Il est probable que le monument de Raguénès, déjà f
délabré à J'époque où écrivait le Chevalier de Fréminville,
jadis très important: c'était sans doute une enceinte car
de 50 mètres de côté, jalonnée par de beaux menhirs
en formait la partie principale ; le menhir de 2 mèt
indique en effet un plus grand développement vers l'Est, Ir
toute reconstitution du tracé primitif est désormais imf.
sible.
Je n'en · aurais pas parlé si mes notes n'avaient
conservé tine dernière trace de son orientation.
Autres Monuments. · La presqu'île renferme d'au
restes d'ensembles mégalithiques, notamment à Men-Caer
Rosca n vel et à Kerna véno, sur la côte Sud de la Baie de Di n
je ne les ai pas étudiés assez soigneusement pour les déc

1 CI.
Des restes d'alignements se voient RU S.-E. de Crozon,
une falaise grèseuse, et non loin d'Argol; chacun ct

Ire

'li l'
ste

ort
fut

Tee

Tes

laiS

pas
t1'es

:rire
sur
'eux

ne possède qu'un seul menhil' debout. Je me bornerai à citer
comme monuments à éléments multiples mais de faible
développement, les dolmens mentionnés ci-dessous:
Dolmen cie Rostuclel, ouvert à l'Est (N. 87° E. ) ;
Dolmen de Kerbéneon (sans table) à 4 kilomètres Est
cie Crozon, ouvert à l'Ouest;
Dolmen cie Penanguer, à t kilorn. D N. -O. de Telgruc,

ouvert au S.-O .
Les dolmens de Camaret (SLyvel), clu fort et clu bourg
(Crozon), ceux de Kerdreux de Kerguividic et d'Argol sont
très mutilés et ne fournissent pas cI'indications précises; les

deux belles allées couvertes cie Quiniquidec (3 kilom. S. -O.
. de Landévennec) montrent encore, malgré leur délabrement,
leur ouverture au S.-E. (1). -

CHAPITRE 11.

REMAR UES SUR · LES ORIENrrArrIONS

Tels sont les remarquables ensembl-es dont la réunion, sur

un territoire relativement restreint, dut faire de la presqu'île,
aux temps lointains de l'ère monumentale préhistorique, une
des « capitales mégalithiques » cles bords de l'Oc. éan.
Ces monuments ont grandement souffert des outrages des
siècles et des hommes, mais, même dans leur état actuel de

(1) Il n'est pas inutile de rappder ici la situation « administrative» des
monuments mégalithiques crozonnais. La partie principale de Ty-ar-c'huré
app- artiE'nt à l'Etat: des bornes y out été posées, quelques-unes sont ren­
versées, la surveillance est pratiquement nulle. Les alignements du Tou­
linguet, propl'iété de la commune de Camaret, sont classés, ainsi que
le monument de Landaoudec, mais j'ignore les limites dQ. classement.
Tout le reste est san~ protection.

délabrement, ils doivent être comptés parmi les plus précieu
des trésors archéologiques de la France ; nous commer
çons seulement à entrevoir la haute yaleur de ces ruine~

qui paraissent presque informes à qui ne les étudie pa
de très près .

Remarquons toutd'abord qu'aucune restauration n'a encor
été effectuée SUl' les ensembles Crozon nais : ceux de leLll
menhirs qui sont debout occupent la place même où les or
dressés les architectes préhistoriques : les orientations c
leurs faces sont ce qu'elles étHient au moment de l'érection
ce sont des pierres dont La liai.'w'j't avec Le sot n'a pas ' Gan
dfpuis un grand nombre de siècles.
Ces menhirs sont incontestablement ce gui nous reste ci
plus important des ensembles mégalithiques; nous devor

les' considérer comme les éléments principaux de toute obsel
vation comme de tout essai de reconstitution. .
Les menhirs renversés, même sur place, ne peuvent êll
que des éléments secondaires; nous ne sommes pas rense
gnés, en effet, même par un examen approfondi du bloc et d
calage, si celui-ci subsisté, sur la position exacte du mége
lilhe, sur la quantité dont il dépassait le sol, sur l'orientatio
primitive de ses faces; à tout le moins ces renseignemen
n'ont rien d'absolu et des appréciations diverses peuvent ~
produire.
Certaines restaurations faites dans la région de Carne
présentent, à ce point de vue de sérieux inconvénients pOl
l'avenir (1).

(1) De lels travaux ne dcvraient êtr(~ entrepris qu'avec la plus gT::tW
prlldence scienlifiql1c, ce qui n'a pas toujOUl'S eu licli. Quand les liche:
aurOllt poussé SUl' les pal'lies ' jadis enfou ies dc menhil's l'edl'cssés, on 1
dislingu el'a plus ces menhirs de ccux qui l'estaient debout, au moment,
l'opératioH. A mon sens toul menhIr recll'essé devrait êtl'e marque d'I
signe spécial, hien visil>le el non sujet à alterations . La même pl'éeauti
est nécessaire pour les Sil pports de dolmens qui, bien plus que les tabl
de à'couvrement, caractérisent ces monuments; lUlC resLauration ne de
jamais engager l'a venir, ce qui ad viendrait si le monument lui-même n ',
fait pas mention.

ilS

Les orientations mentionnées au premier chapitre sont
celles de lignes jalonnées par deux, · et généralement par plus
de deux menhirs debout; exceptionnellement par un plus
grand nombre de me[lhirs renversés sous l'expresse condi­
tion que ces menhirs soient très voisins d'un menhir debout
et que la lig'ne joignant leurs pieds passe par ce dernier (1).
Mes observations ont été faites à la boussole à viseur:
je n'ai pas cru devoir rechercher, jusqu'à présent une préci­
sion plus grande ; les architectes préhistoriques ne se
. préoccupaient sans doute pas d'une erreur d'un ou deux
degrés dans l'établissement de leurs jalonnements . .

Si nous nous reportons a u premier chapitre nous y rele­
vons les orientations suivantes, comptées dans ;ie demi-cer­
cle Est:
Toulinguet.,. .. . . .. N. 3;S° E. S. t)O° t)' E.
Leuré. , , ... ' .... ,. E.-N .-E S.-S.-E .

Landaoudec .... ,., . E.-N .-E S.-S.-E.

Lostmarc'h .. , , .. ' .
N "{.o E
::>-1 Est (?) E.-N.-E.
T 'h' y-ar-c ure ....... N.-N.-E. -- N. 3)° E . N :f~oE

S.t)q,°E.
Ragllénès, . , ....... N .-·N .-E.

E.-S.-E.
soit en résumant:

N.-N.-E .. ......... .

N3/J

N: t)2° E. (moyenne). 2.
E.-N.-E ............ 3.

Est. . . . . . . . . . . . . . .. '1 ('1)

(1) Pour le monument de Raguénès, j'ai du me contenter de cl'oquis
per;;onnels, antérieurs à sa destruction. totale. D'une façon générale, ne
doivent être considérées comme présentant des garanties que les lignes
d'ol'Ïentation jalonnées . en outre de celles définies ci-dessus, pal' un .
dolmen dont les supports solit (( en place llet un menh iL' dressé dans l'axe
ou sensiblement dans l'axe de la chamb\'e limitée pal" ces supports, De
même pour le,; galel'ie3 des allées cJuvertes. Un dolmen actuellement
isolé ne fournit que des indications secondaires. .

E.-S.-E ........... .
S. ~2° E. (moyenne) .
S.-S.-E ........... .

Un fait doit tout d'abord retenir l'attention : sur ce
huit orientations, trois, N.-N.-E., N. 35° E., S. -S.-E. ne s

rencontrent que dans des monuments comprenant au moin
deux lignes perpendiculaires, ou presque perpendiculaires­
en tre elles: on ne les observe pas à Lostmarc'h.
Dans l'ensemble du Toulinguet, l'alignement N. 35

n'est formé que de menhirs de petites dimensions, tandis qu
les deux autres, et surtout celui du Nord, le sAul rectiligne, e
avaient de beaucoup plus gros.
Le premier de ces trois alignements semble n'avoir ét
qu'une limite, vers le Sud-Est, de la partie principale dl
monument, limite très voisine de la séparation du grès arme
ricain, blanc et résistant, et des schistes d'Angers, noirs E
friables à la surface du sol.
A Ty-ar-c'huré, l'allée orientée N. N.-E. est jalonnée pa
des blocs de hauteur moyenne inférieure à un mètre. Bie
que ces blocs soient jointifs sur quelques points du tracé, E
l'aient sans doute été sur tout son développement, le contrast
est frappant entre la structure grossière des deux sortes d
murs qui forment l'allée, et celle beaucoup plus compliqué
de l'enceinte principale. L'orientation importante dans cet!
dernière paraît d'ailleurs être celle des côtés S.-O. et N.-~ .

dirigés au N. 52

O. S. 52

E. : il est en effet remarq- uablf

comme je l'ai signalé plus haut que ces directions prolongéE
passent très près du menhir de Kerellot (' 1) et traversent lE
alignements du Toulinguet, parallèlement ou presque para
lèlement aux directions principales de cet ensemble .
Les remarques qui précèden t, bien que dignes d'attentior

(1) Elles passent, de plus, près des menhirs existant au Moulin Blanc, ,
qui donne à penser qu'un alignement dont nous ne possédons que clell

peuvent prêter à des divergences d'interpretation : elies nè
suffiraient pas, à mon sens, à faire classer comme secondaires
les orientations lesplus voisines du méridien ; d'autres obser­
vations viennent heureusement établir leur moindre impor­
tance. Ces observations se rapportent à une région très
voisine, le Nord du Finistère, où .les monuments diffèrent
profondément de ceux de la presqu'île. ,
Ils sont, en effet, caractérisés par le petit nombre de leurs
éléments souvent très volumineux, mais aussi par la simpli­
cité des tracés. Ce sont des alignements de '2, 3 ou 4: men­
hirs (1) : un seul s'étend sur plusieurs centaines de mètres,
mais ne comprend qUè deux lignes droites aboutées (2).
Dans ces monuments les orientations voisines du méri­
dien ne se rencontrent pas; on n'y trouve que les cinq autres.
Le même fait se remarque, dans la même région, pour des
groupes formés d'un dolmen et d'un menhir situés à faible
distance l'un de l'autre (3), pour oes lignes de dolmens dans
un même long tumulus (4 ), ainsi que ponr certaines allées
couvertes de grand développement (5).
Les orientations de tous ces monuments sont d'ailleurs, à

un ou deux degrés près, et j'ai montré que de pareilles diffé-
rences semblent négligeables, les mêmes que celles relevées
dans la presqu'lIe de Crozon.
Les orientations voisines du méridien (N. N.-E., N. 30

('1) Alignements de Molène; de Mesdoun, Saint~Doul'zal, Saint-Dé nec, en
PorspodU'r ; Keréléoc en Landunvez; Kermorvan ; Coaténès en Plouzané
(récemment détruit).
(2) Keréven en Locmaria-Plouzané, E. N.-E. et Est.
(3) Dolmen et menhir de Kerivoret, en Porspoder (Est) ; dolmen et
menhir de Creac'h-al'-Vrenn en Plouescat (S. (W E.).

(4) Dolmens de Kermorvan (N. 66° E.) ; dolmens ruinés du N. -E. de
Molène (N. 55° E. environ).
(5) Allées convel'tes de Bal'-ar-Lann (dite Gll illig"uy) en Ploudalmézeau
(S. 54" E.I; dn Rib, en Lampaul Ploudalmézean (E. S.-E.); de Lilia en Plou­
guerneaù, de Caravel, entre Saint-Pol et Roscoff (Est) ; de l'Ile Grande
(Plœmeur Bodou, Côtes-du-Nord) S. 54° E. L'allée couverte ensablée du
Kernic en Plouescat (S. 22° O.) fait exception.

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cie Vauban .

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Ensemble
M É GAL 1 rr H 1 0 U E

TOULINGUET

(Commune

CAMARET)

Echelle
de 1 / 20000

Jalonnement
des dellx solfiees
(OH, OE)

S. 30° E., S.-S.-E.) sont donc bien secondaires; elles ne sont

que perpendiculaires aux o1'Ïentalions principales (N. 02° E.,
E.-N.-E., Est, E.-S. -E.; S. 02° E.).

Toute solide que me paraît cette démonstration, je la confir-
merai par deux autres observations.

A Ty ·ar-c'huré, le raccordement de l'enceinte principale
(S. 02° K) à l'allée se fait par une ligl~e orientée N. 0;3

alors qu'il aurait pu se faire directement si l'orientation de

J'allée n'avait pas été, par les constructeurs, considérée comme
secondaire.

Au Touling~et, le chevalier de Fréminville signale « un
menhir de ' lm 90 placé hors du rang et près des débris d'un

dolmen )). Ce menhir aujourd'hui renversé, existe ainsi que
les débris du dolmen.

Si du menhir nous traçons une ligne orientée N. 02? E.,
cette ligne passe un peu à l'Ouest du moulin Nord de Camaret,
or, près de ce moulin se voient les ruines d'un dolmen. Ceci
montre que la construction de l'alignement N. 30° E. ne
constituait pas, pour les architectes de l'ensemble un jalonne­
ment de première imporlance, puisqu'ils 'en ont établi un

autre, symétrique à la direction des alignements principaux
par rapport à la Ijgne Est-Ouest.
Le terrain schisteux, au N.-E. de la croisée des aligne­ ments était défavorable; or le dolmen de Cam~ret se trouve
précisément en un point où réapparaît Je grès armoricain: ce
dolmen doit donc être considéré comme faisant partie de
l'ensemble du Toulinguet.
Les conclusions de cette longue discussion peuvent se résu­ mer ainsi: les orientations principales des monuments Cro­
zonnais sont au nombre de cinq: N. 02° E., E.-N.-E., Est ('1),
E.-S.-E , S.-52° E. ; elles se retrouvent seules dans les groupes
de monuments alignés du Nord du Finistère. Dans la pres­
qu'île, les lignes de menhirs dirigées suivant ces orientations
principales sQnt généralement coupées par des lignes secon·

daires, perpendiculaires ou presque perpendiculaires aux

premières.
L'aspect du monument de Raguénès, dans la période qui
s'écoula entre la destruction de l'alignement E.-S.-E. et celle
de l'alignement N.-N.-E., l'aspect de l'ensemble de Leuré en
cas de disparition, possible et 'même probable à brève
échéance ,de l'alignement E. N .-E., permettent même
d'énoncer l'hypothèse suivante : . l'existence d'une ligne de
monuments d'orientation voisine du méridien indique que ces
monuments faisaient partie d'un ens~mble aujourd'hui mutilé,

qui comprenait au moins une ligne perpendiculaire ou pres-
que perpendiculaire à la première. Cette figne ou ces lignes
ont complètement disparu, ou bien il est possible: en s'inspi­
rant des considérations qui précèdent, d'en retrouver des

vestiges.
C'est là une voie nouvelle ouverte aux archéologues, voie
pleine d'intérêt; non moins passionnante sera la recherche
des relations d'orientation entre des monuments plus ou moim
distants les uns des autres, et qui, à première vue, paraissent
isolés (' 1). .
Mais dans le cas de relations à bonne distance, plus enCOrE
que dans tous les autres, il conviendra de se montrer trè~
prudent, el de n'accepter comme lignes présentant une valeUJ
respectable que celles jalonnées au moins par trois monu
ments; une ligne d'orientation, au point de vur archéologiqlH
ne se définit que par trois points au moins. -.
Les orientations principales ayant ainsi été définies, il nou~
reste à rechercher leur raison d'èlre el l'idée qui a pu guide

(1) Une ligne passant pal' le gl'Und menhil' de Los tmal'c'h et orien lé
N. 52·

E. (environ). S. 52· O., rencontl'e au S.-O. l(~s ruines du dolmen men
Hom. té pag'e 5 (B); vers le N.-B. elle passe entre le menhir de Kel'f'llot e
ceux du Moulin Blanc (restes pl'Obables d'un même ensemble mutilé) pou
aboutir au menhil" situé au Sud du fort de. Cl'ozon ; à premièt,(> vue eelu.
ci peut paraîtl'e isolé, tandis qu'il appartient en réalitè à l'ensembl
Lostmarc'h. Moulin Blanc (5 km. 5).

, 27 --o.

les architectes préhistoriques dans l'exécution de leurs gigan-
tesques travaux.
C'est ce qui fera l'objet du troisième chapitre .

CHAPITRE III

LA RAISON D'Êrl'RE DES ORIENrrATIONS MÉGALrrHI UES

Il résulte de ce qui précède que les architectes préhisto­
riques du Finistère-Nord ont établi leurs monuments suivant
un très petit nombre d'orientations bien déterminées
Ces orientations sont, deux par deux, symétriques par
rapport à la direction Est-Ouest : cf~tte dernière direction,
dont les monuments étudiés ne fournissent qu'un seul
mauvais exemple, se rencontre assez fréquemment bien
jalonnée dans la partie Nord du département; j'en parlerai
donc, dans ce qui suit, au même titre que des autres.
Le choix de ces orientations ne peut pas ne pas être inten­
tionnel ; s'il en était autrement, les grands ensembles jalon­
neraient des directions quelconques et l'on ne remarquerait,
entre des monument.s complexes plus ou moins distants,
aucune trace de parallélisme ou de subparallélisme.
Or, le parallélisme existe, à un ou deux degrés près; nous
sommes donc amenés à admettre que les constructeurs des
ensembles crozonnais ont obéi à des règles constantes, fixées

par eux ou par leurs devanciers, et qui paraissent avoir été
rigoureusement observées dans la presqu'île; il en a été de
même dans la région située au Nord de la vallée de l'Elorn
et cie la rade de Brest.

Une prochaine note montrera que les grands aligne­
ments des environs de Carnac sont établis dans les mêmes
conditions: ce que nous dirons des monuments complexes de

l'Ouest et du Nord du Finistère s'applique également au plm
remarquable groupement d'ensembles mégalithiques qui nom

a été conservé.
La généralisation, ' pour audacieuse qu'elle peut paraître!
se justifie par la seule observation: c'est aux seules positiom
des monuments ou des éléments, les uns par rapport aU)
autres, que je demande mes arguments; je n'ai recours f

aucune hypothèse ethnique, les résultats des fouilles n'inter·
viennent en rien: des blocs bruts ou grossièrement débité~
suffisent à évoquer le passé et à faire revivre des idées qu
dominèrent, il y a plus de trente siècles, toute l'ère monu·
mentale préhistorique.
Je crois utile de retracer ici, avant de développer le
théorie nouvelle, l'évolution de mes conceptions à son sujet

Mes premières ' recherches sur les orientations mégati

thiques datent déjà de loin, et j'ai conservé des graphique:
tracés alors que j'accompagnais le commandant Le PonLoi:
dans ses fOllilles au tumulus de Kerham, en Plœmeur
il y a bien de cela vingt ans.

J'ai repris cette étude en J894 de concp.rt avec le colone
Grossin, alol's capitaine de gendarmerie à Brest, qui s'occu
pait de la question et me flt connaître les remarquable

monuments voisins de Porspoder .
Quelques observations insuffisantes nous avaient fai
entrevoir dans cette commune, une prédominance d'orienta
tions Est et Ouest; elles furent bientôt rectifiées: je revoi
toujours avec un vif plaisir ces monuments qui servirent
mes premières déterminations précises, auxquelles les explo
rations faites dans la presqu'île crozonnaise vinrent, pe
après, apporter de solides confirmations.
J'estimais, dès lors, que les orienL;ilions mégalithique
sont des orientations astronomiques .
. Je n'eus que plus tard connaissance des travaux de M. F
Gaillard sur les monuments de la région de Carnac: CE

archéologue avait eu une heureuse intuition :
d'observations l'empêchèrent d'arriver à la
problème.
des erreurs

solution du
Il avait remarqué, comme je l'avais fait moi-même, que
certains alignements paraissaient dirigés vers les points de
lever du sol'eil, à certaines ' époques de l'année: cette idée,
juste en elle-même, fut par lui mal interprêtée, puisqu'il
en arriva à la conception, singulièrement fragile, du « menhir
index ») ('J l, liée à celle du centre d'observation, dont la
détermination peut paraître quelque peu, arbitraire et in-suffi-

ment étayée. Pour M. Gaillard, deux points seuls importent,
le centre d'observation et le menhir index; ou peu t se de­
mander, dès lors, à quoi servent les centaines de mégaJi.thes
qui entrent dans ·la composition des alignements et du
cromlech voisi n.

L'archéologue morbihannais n'a pensé qu'aux levers solsti-
ciaux et équinoxiaux; il a essayé d'établir une relation entre
ces points et les a li gnements mégalithiques: c'est déjà beau­
coup d'avoir posé le problème.
En réalité, ce sont les monuments eux-mêmes et non deux
de leurs élémen ts qui :ialonnell t les directions astronomiques.
Au début de ce siècle, la queslion franchit la Manche;
l'illustre astronome Sir Norman Lockyer publie un « essai
de détermination de l'âge ») d'un admirable monument méga­
lithique anglais, le grandiose cromlech de Stonehenge (2) .
Je n'oublierai jamais eomment furent accueillies, par Sir
Norman Lockyer, les communications que je lui fis sur nos

('l) F. G AILLAlW, AsirOHOlll ie préhistorique, pli bliée pal' l~ (( Bevue des
Sciences ]lOpulaires », .1895. Pour se l'end t'c compte de la valeut' de la
théorie des « m enhirs il\Clex ", il sllfIil dc cOllsulLel' les gTaphiques repré­
scntali L lcs alig'llcrncnls du i\lénec (p. '11), de Saint-Picrre-Quiberon (p. 17),
dc I ct'mario (p. 31) el de Kel'zeill'o (p. 4 · 5) ; l'azimut duleycl' solsLicia! d'été,
mesllt'é SUi' les graplliques, y yarie du N. û6° E. au N. 50° E. (valeur réelle
N. 53

5. 2' E. j.
(:.!) Les travaux de Sir Norman Lockyer ont fait nailre, en Angleterre,
une société « pour l'étude astronomique des anciens monuments de

plerre ».

ensembles mégalithiques : sa vaste érudition, les donnée
qu'il recueillait depuis longtemps sur de nombreux monu
ments antiques, éclaircirent pour moi certains points encor
obscurs, Ilotamment 'en ce qui concerne les orientation
E,-N.-E . et E.-S.-E., si communes dans nos régions: j'
reviendrai pl us loin.
'J'aborde maintenant l'exposé de la théorie à laquelle je m
suis arrêté aprés mûres réflexions.
La symétrie des orientations observées par rapport à. l
ligne équinoxiale, perpelldiculaire à la ligne des pôle~
indique lout d'abord une relation entre ces orientations et d~
éléments constants ou très lentemeut variables de la planètl

La constance ou la variabilité de ces éléments ne ~

peuvent constater par la Terre elle-même, à cause de sa
apparenLe immobilité, et il est uaturel de recourir à u
repère céleste, seul variable aux yeux des primitifs. Le pll
remarquable de ces repères est incontestablement le soleil.
C'est donc chose très rationnelle de penser que les orienti
tions mégalithiques sont des orien talions solaires.
Mais l'orientation d'un astre, son azimut pour emploYI
une expression plus juste, sont d'autant plus aisés à déte
miner, par visée directe, que cet astre est plusprèsde l'horizol
C'est dans ces conditions, au moment des levers et dl

couchers, que les hommes des temps lointains durent observi
le soleil, élément principal, pour eux comme pour nous, (

la mesure des durées.
Or tous les points de lever et de coucher de cet astre so'
compris, pour la latitude de notre Bretagne, dans cet angle (
72" environ que limitent les orientations extrêmes, parmi cell

que . nous considérons désormais comme principales, (
N. :52

E. (environ) et du S. 52, ) E.
Les orientations mégalithiques correspondantes sont dO l

des orien tations solsticia les .

est diaméLralemp.nt opposé sur le cercle de l'horizon au point
du lever solsticial d'été, on voit qu'un seul jalonnement suffit
à déterminer les époques des deux solstices; il permet de
diviser l'année en deux parties, pendant l'une d'elles les jours .
vont en augmentant progressivement puis antiprogressi­
vement de longueur, pendant l'autre ils diminuent dans des

conditions analogues .

Supposons jalonnées les directions correspondant aux deux '
. solstices, la division en deux parties égales de l'angle formé
par ces deux directions donnera une ligne équinoxiale.
Cette division peut se faire aussi bier} dans J'espace que

dans le temps: les orientations Est et Ouest indiquent les
équinoxes (1).
Quant aux lignes E.-N.-E. et E. -S.-E., il suffit de consulter
une table d'azimuts pour voir qu'elles se rapportent aux
époques où la déclinaison apparente du soleil est de 16° 20',
. Nord ou Sud; c'est-à-dire quand elle atteint à peu près les
7 jl0

de sa valeur maxima.

Dans l'espace ce chiffre peut paraitre bizarre, il ne l'est
poin t dans le temps. La déclinaison '16°20' (Nord et Sud)

correspond en effet aux dates suivantes: 8 Novembre, 4 Fé-

vrier,6 Mai, 8 Août, distantes chacune d'un mois et demi, ou
à peu près d'un équinoxe et d'un solstice.
La remarque faite plus haut sur les jalonnements solsti­
. ciaux est encore applicable ici: un seul jalonnement suffit à

déterminer les quatre époques que j'appellerai intermédiaires,
deux par l'observation des levers solaires, deux par l'obser­
vation des couchers.
Les jalonnements intermédiaires permettent de diviser, en
parties sensiblement égales, les ' durées comprises entre
solstices et équinoxes.

(' 1) Les variations azimutales du level' étallt r a pides vers les équinoxes
l es orientations correspondauLes doivent êtr e mal jalonnées ; c'est ce qui
se constate fréquemment sur Je terrain.

Tout est donc comme si les architectes préhistorique~
avaient voulu réaliser, au moyen de jalonnements approprié~

des cinq orientations principales. la durée de J'année solairE

en huit parties sen~iblement égales, ' et pratiquement égale~
pour des populations barbares ou plutôt très barbares.
Un rapprochement entre nos ensembles mégalithiques el
certains monuments des anciennes civilisations de l'Orient
dont l'originelle destination nous est révélée p:u des inscrip
tions ou par des textes, a suggéré à Sir Norman Lockyer un{

très inléressante hypothèse. POUl' lui, les jalonnement~
intermédiaires auraient indiqué aux peuplades préhistorique~
les quatre dates les plus importantes de l'a.nnée a.gricole. Al
début de novembre, les lignes E.-S.-E. auraient marqu!
le temps des semailles et annoncé, quatre-vingt dix jours plu~
lard, la germination prochaine: le lever du soleil à l'E.-N.-E
coïncidait avec la floraison; puis, le solstice passé, réuniss .ù

les moissunneurs (1). .

Cette bypothèse qui superpose à la notion d'une anné(
purement astronomique, celle d'une sorte de calendriel
agricole, esL assurément très séduisante et solidement étayée
mais, que l'on y souscrive ou non, l'existence des :jalonne
men ts intermédiaires n'en est pas moins une réalité; le~
constalatioz1s faites sur le terrain ne relèvent d'aucun(
hypothèse.
Quant aux orientations voisines du méridien, que j'a
qualifiées de secondaires, Sir Norman Lockyer y von de~
jalonnements correspondant aux levers d'étoiles bt'illantes
Arcturus, la Chèvre, Antarès.
Ne peut-on pas les attribuer plus simplement à unt
tendance traditionnelle, don t les « dents de scie » des poterie:
dolméniques représenteraient une antique matérialisation'

(i) Des al'g'uments nombreux à l'appui de cette assertion sont réuni
dans les premiel's chapitres de l'ouyrag'e de Sil' ~. Lockyer: (( Stollchellg
and otlIers brilislI stone mOlluments astronomically cOllsidel'ed »,

L'angle droit se retrouve aussi bien dans les temples gran ..
dioses de l'Egypte et de la Grèce que dans le simple
swastika: aussi je pose la question, sans chercher ici à la

résoudre.
Parmi les objections qui peuvent être faites à la théorie qui
vient d'être exposée, les unes invoquent « le sentiment » ; je ne '
pense pas qu'il soit utile de réfuter ce qui ne dépend que de
l'imagination (1),
'D'autres, basées sur des mesures sérieuses, méritent d"être

discutées: on peut soutenir, par exemple, que les ensembles

mégalithiques, et notamment certaines enceintes, sont tracés
de telle sorte que les dimensions de leurs parties aient, entre

elles, des rapports numériques .simples et constants: les
éléments traditionnels seraient, dans cette hypothèse, des
longueurs, dont les relations angu laires découleraient à titre
de simples conséquences trigonométriques. Remarquons, tout
d'abord, que cette conception paraît vérifiée en Bretagne, ,
mais n'explique, en aucune façon, la constance des orienta­
tions, indiscutables dans la région qui fait l'objet de ceLLe

étude; l'hypothèse des rapports linéaires définit les angles,
abstraction faite des orientations de leurs côtés: elle ne suffit
donc pas à relier entre eux tous les résultats d'observations
obtenus sur le terrain.
,D'ailleurs ce qui est applicable aux enceintes à éléments

rectilignes délimitant une aire rectangulaire ou carrée ne

saurait l'être a ux simples alignements ou aux groupes d'aligne-
ments parallèles, dont la destination primitive demeure mys-

térieuse et sans explication.
Tout au contraire la théorie astronomique suffit à tout_
éclaircir, Complètement satisfaisante pour notre région, elle
l'est également pour d'autres, fort éloignées, ainsi que je vais
le montrer.
(1) Voir CAHTAILHAC, « La France préhistorique ); les légendes et les
premières études,' chap. X.
BULI,ETIN DE LA SOCIÉTÉ AnCHÉO. ' TOME XXXVIII (Mémoires (3)

Les azimuts des levei's solaires (ou plus généràlement dee
levers d'un astre quelconque), dépendent, pour un lieu donné,
de la déclinaison de cet astre; pour une même déclinaison :
en des lieux différents, des latitudes de ces lieux, l'azimul

compté du pôle élevé étant d'autant plus faible que la latitudf
est plus forte.

Si donc notre théorie est générale, les orientations jalonnéef
se rapprocheront du méridien à mesure que nous nous a'van·
cerons vers le pôle; 01' tel est precisement le 1'ésultat d' obseT
vations (aites fi diverses latitudes.
Par exemple les azimuts des jalonnements solsticiaux: son
en moyenne de ;)2° en Bretagne, pour une latitude de 48°; ;
Stonehenge (L ;)1° 'i0') on trouve 49

34' ; dans le Nord dl
pays de Galles (L ;)3°),46

40' (1).
Il est impossible de désirer une pl us éclatante confirmatioI

de la solidité de la théorie des orientations astronomiques.
Ces orientations subissent d'ailleurs des variations trè
lentes et de très faible amplitude, corrélatives des inégalité
du mouvement terrestre: la principale cause de ces variation
est la non-constance de l'obliquité de l'écliptique.
C'est dans cet ordre d'idées que Sir Norman Lockyer
cherché à déterminer l'âge du monument de Stonehenge, 1
ultérieurement d'autres ensembles mégalithiques. Ses calcu
font remonter la construction du premier à seize siècles env
rOll avant l'ère actuelle, ce qui n'a rien d'inadmissible; ma
j'eslime que dans beaucoup de monuments, d'une architectu i
moins savante et d'une facture moins parfaite (2), les odeJ

tations n'ont pas été jalonnées avec une aussi remarquab

precIsIOn.

(1) D'après Sir N. Lockyer; l'ouvrage précité mentionne de nombl'e-Iu
opservations faites dans touLes les parLies du Royaume-Uni, et parfaitemf
conCOl'dantes (de L 50° à L 59°).
(2) Les élémenLs du monument de Stonehenge repl'ésenLent le summl
de l'art dü Lameur de pierre préhistorique, dans l'Europe occidental
seuls les grands menhirs à formes géométriques du Nord-Finistère peuYI
leur être comparés. .

ent

, Multiples sont, d'ailleurs, les causes auxquelles nOus pou ~
vonsattribuér les légères différe'nces (un ou deux degrés)
constatées en beaucoup de cas entre les directions desjalo.n­
nements mégalithiques et l'es résultats des ca lculs ou des
observations solaires faites de nos jours.

Tout d'abord l'azimut du bord supérieur du disque, au

moment de sa première apparition et l'azimut du centre de
l'astre, quand son bord inférieur tangente l'horizon, diffèrent
entre eux, pour nos latitudes, de plus d'un degré, certains
observateurs préhistoriques ont PLI chercher à repérer la
première émergence, d'autres l'a'pparition du disque entier.
. La hauteur de l'horizon intervient d'autre part pour

éloigner les points de levers du pôle élevé, d'une quantité qui

atteint trois degrés, à la latitude de 49\ pour une hauteur
d'hodzon d'un degré.

Si l'on observe en out.re vers un horizon terrestre. il

convient de remarquer que cet horizon a pu se modifier depuis

l'éta blissement des jalonnements mégalithiques.
Certes la configuration générale du sol n'a guère varié, ­ sauf vers les rivages p), dans une période géologiquement si
brève, mais on ne saurait en di- re autant de la végétation: il
a suffi de vicissitudes climatériques, d'un déplacement du
Gulf stream (2), pour que des forêt~ se développent ou dispa­
raissent, élevant ou abaissant l'horizon .
Bien souvent aussi des conditions atmosphériques fâcheu­
ses sont venues troubler les observateurs préhistoriques alors
qu'ils avaient déjà commencé leurs travaux de repérage.
Pour toutes ces causes il semble que les déterminations
d'âge, , d'après les variations d'orientations, seront bien 80U-

('0 Des preuves indéniables établissent l'existence d'un mouvement d'af­
faissement du massif armoricain, mouvement qui a pu commencer avant
les temps néolithiques.
(2) Il taut peut être rapporter à une modification de ce courant, consé­
cutive au dernier effondrement atlantique, l'émigration du renne et la fin
de l'époque glaciaire. .

vent tant soit peu aléatoires; il convient donc de ne s'y livrer
qu'avec prudence, au moins dans l'état présent de nos
connaissances ; il est bien évident, d'ailleurs, que cètte

remarque ne sauraIt réduire en rien la valeur et l'importance

d'observations précises: de telles observations fournissent
des données qui, fort utiles pour le présent, le seront encore
plus pour l'avenir: elles peuvent, e, n effet, subsister après
dispa\'ition des jalonnements qui . les ont motivées, et les
remplacer en quelque sorte; un ensemble mégalithique dont
un plan exact a été conservé ne s'évanouit pas tout entier,
même dans le cas de complète destruction.
Actuellement il nous suffit d'étudier nos vieux monuments
en les regardant comme des œuvres grossières à orientations
approximatives.
Ne leur demandons que ce qu'ils peuvent nous donner
sûrement: les indications qu'ils fournissent, dès maintellant,
sont infiniment précieuses et susceptibles de nous guider vers
des résultats immédiats.
La science de demain fera, sans nul doute, bien davantage .

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

Nous sommes autorisés, par ce qui précède, à considérer
les ensembles mégalithiques Crozonnais et Nord-Finistériens

comme des repères astronomiques, établis en vue de la mesure
du temps.
Ils ont en outre servi à la définition des dates principales
de l'année agricole; ceci est possible et même probable .

Les observations de Sir Norman Lockyer et de ses collabo-
rateurs d'Outre-Manche prouvent qu'une conception identique
a guidé les architectes préhistoriques, des rivages méridio­
naux de la Grande-Bretagne jusqu'à l'extrême pointe de
l'Ecosse et aux archipels voisins.

il en est de même, ainsi que j'e le montrerai dans un autrè
travail, pour les grands alignements de la région de
Carnac.
La théorie des orientations astronomiques est donc appli­
cable, dès maintenant, aux deux Bretagnes, et il n'est pas

absurde de penser que des observations basées sur cette
théorie permettront de l'étendre aux principaux centres
mégalithiques de l'Ouest européen, où se voient des monu­
ments absolument analogues à nos grands-dolmens à galerie,
à défaut d'alignements à vaste développement.
Nous pouvons d'ailleurs calculer, en fonction des latitudes
des divers pays, les azimuts de leurs jalonnements méga~

lithiques.

Cette notion s'élargira dans l'avenir, et la détermination
des positions exactes de tous les monuments d'une même
région permettra sans doute de constater l'existence de
relations astronomiques encore insoupçonnées, soit entre
ensembles, soit entre certains d'entre eux et des mégalithes
paraissant isolés. .
En effet, dans la théorie nouvelle, un monumen t isolé n'a
pas de raison d'être; s'il nous semble tel, c'est que les jalons

voisins ont disparu, ou bien qu'on n'a pas su, jusqu'à présent,
les retrouver.
On le peut maintenant: LeI bloc renversé sur le sol, pres
d'un monument incontestable, et jalonnant avec lui une
orientation astronomique principale, devient un monument ,
probable, susceptible de nous guider vers de nouvelles décou" .
vertes; les régions mégalithiques sont loin d'avoir livré tous
leurs secrets.

D'autre part, la limitation aux ensembles à contour fermé

des orientations voisines du méridien donne à penser que les
jalonnements correspondants sont l'indice de monuments

complexes, dont les jalonnements principaux, perpendiculaires
ou sub-perpendiculaires aux premiers, sont ruinés ou incon ..

nus; il est désormais possible d'en retrouver lès traces, si
elles n'orlt pas complèlement disparu. _, '. .
Il semble d'ailleurs que les jalonnements mégalithiques
peuvent aussi bien comprendre de.s dolmens que des menhirs,
et que les plus remarquables de nos tumulus ont été ,parfois
des centres d'observatfon, " -

Abstraction faite de toute hypotbèse, les constatations failes
sur le terrain nous apprennent qu'aux 'temps lointains de l'ëre
monumentale préhistorique, les groupemputs Ouest européens
étaient en possession de riotions astronomiqu'es ,. simplés;
suffisantes néanmoins pOUl' la détermination d'une ann: ée
, solaire et pour la régulaLion des travaux agricoles. ­ Pour arriver à ce résultat, l'étude des relations de positions

entre les divers monuments est seule nécessaire: c'est dire

que la conservation de tout ce que nous possédons de méga~ ,
l-ithes doit devenir le principal souci des archéologues, et que
les pouvoirs publics ont le droit et le devoir de s'en constituer

les vigilants gardiens. Ainsi ceux qui viendront , après nous
pourront, comme nous-mêmes, retrouver ~lJr le terrain la
solution de ce problème si longtemps resté mystérieux: la

raison d'être des ensembles mégalithiques.

Brest, décembre 1910.

Capitaine de frégate DEVOIR,
lIfelllbre de la Sous-Commission
des 1lI01WlIlellts ' mégalithiques.

Pages
XVII

l{XIX
XLI
XLIV
XLV

. LVII

III.

VII.
VIII .

353

DEUXIE E PARTIE

table des M émoi tes publiés en 1 [) 11

Les grands ensembles mégaiilhiques de .lapres­
· . qu'île de Crozon et leul' drstination originelle,

Pages

par M. le capiLaine de frégate DEVOIR ........ - '.

Un sénéchal de Chàteauneuf-du-Faou, Guillaume

Pic de la Mirandole (1694-1778), par M. RAYMOND

DET..JAI:JORTE . .......... . ........... '.' ........ , . ' . ~ .39

Convoca tion du ban et de l'arrière-ban de l'Evêché

de Léon et de la châtellenie de Modélix-Lan meur

(1534-1708), par lVI. LE GUENNEC ............ " .

Le . tumulus à dolmen de Kermaric, en Langui-

dic (Morbihan). Les dolmens à cham bre
circula'ire ef les dolmens il enceintesmur'ales

de-l'Armorique. L'uniLé de mesure de lon- .. .
gueur dans les conslrucLions mégalithiques , .'

. de la période rréoliLhique, par M. A. MARTIN. . 8E
Etudes sur le Cap-Sizun. IV. Le fief des Regai-
res de Cornouaille au Cap-Sizun. Appen­
dice : Hivernage des bateaux à Audierne en
1573, et Rôle des Fouages cl' Audierne en 1616,
par M. DANIEL BERNARD .................. ' .. .
M. Paul du Chatellier, notice biographique, par
M. le chanoine J.-M. ·ABGRALL ............... .

Sépulture gallo-romaine découverte à Pont-de-
Buis, par M. le chanoine J.-M. ABGI:tALL. " ....
Episodes et anecdotes (5° série), par M. l'abbé

18i

NTOTNE ~AV ............................

IX. Cachette d~ cen t vingt-six haches de bronze dé-

couvertes à Méné-Justis, en Tourc'h, par M. le
comte DE ' lLLlEl1S DU TERRAGE.. . . . . . . . . . . . . . 22~
Eglises et chapelles du Finistère (suite, voir
lomes XXX à XXXII, XXXIV; XXXVI et XXXVII) ;
doyenné de Morlaix, par M. le chanoine
PE" YRON ... ï . . . ' . 0 0 0 - 23(

- 354

Pag
. XI. Découverte d'une cachette de fondeur en Plo-

névez-du-Faou, par M. A. JARNO... ... . .. . .. .. . . . .. 2
XII. Liste des juridictions exercées au XVIIe et XVIII'
siècles dans le ressort du Présidial de Quimper
(suite, voir t. XXXVII); sénéchaussées de Châ-
. teaulin, Châteauneuf et Concarneau, par M. H.
BOURDE DE LA ROG ERIE ........ : ............. .

XIII. Documents pour servir à l'hist.oire des guerres
de la Ligue en Basse-Cornouaille: ExploiLs du
baron de Camors .. (1596), par M. DANIEL BER- ..
NARD.~ . .... ............................. 2
XIV. Essai d'interprétation d'une gravure mégalithi­
que. Le grand support orné de la ({ Table
des Marchands », par M. le capitaine de fré-
gate A. DEVOIR .................. ; ........... .

XV: Les saints brelons et les animaux. Etude hagio-
logique et iconographIque par M. le chanoine
ABGRALL "0 ' ...... o' " .............. " ........ .
X VI. Les coffrels de pierre et tes squelettes de Feun­
teunigou en Plouhinec, par M. H. LE CAR GUET.

FIN

'mprimerie COTONNEC, LEPRINCE, Suce. ' - - Quimper