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Bulletin SAF 1910


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Une ardoise gravée trouvée dans un monument mégalithique de l’île de Groix

A. Martin

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1910 tome 37 - Pages 240 à 247

Trouvée dans un Monument mégalithique
de l'ILE DE GROIX

Elle a été découverte par M. Le Commandant Le Pontois,
après la publication, dans le bulletin de la Société archéolo- '
gique du Finistère, année 1909, de mon étude sur « Les
Ardoises dans les Sépultures Néolithiques Armoricaines )),
que ses fouilles antérieures avaient contribué à enrichir de
nombreux documents. L'importance de la nouvelle pièce et
aussi l'originalité du monument qui la renfermait, monument

bien probablement unique en l'espèce, m'ayant semblé
mériter qu'on les fit connaître, je viens ajouter un post­
scriptum à la brochure de l'année dernière. Je 'dois à l'obli­
geance de l'inventeur les dessins de l'ardoise et les plan et
coupes du monument. C'est dire leur sincérité, leur scrupu­
leuse exactitude, et je n'ai fait que copier presque littérale­
ment le texte descriptif qui les accompagnait:
LE MONUMENT

Sur la face N .-0. de Pile de Groix, entre les abrupts des
pointes dites « Beg-Grogneü » (pointe des bulles) et « Beg­
Melen ») (pointe jaune), s'arrondit une conque à pente rapide
et concave vers le haut. Sa moitié supérieure est occupée par
des rochers et d'énormes blocs éboulés; sa moitié inférieure,
par de maigres et glissants gazons percés de place en place
de grosses pierres. C'est sur un ét~'oit palier qui sépare les

- 241

deux parties ques'élèvenL les ruines d'un monument mégali- .
thique appelé, comme la pâture qui le borde au Nord, Parc­
Corrigez (champ de la petite naine). La conque porte le nom
de Tréhor (le passeur). '

En plan, le monument a la forme d'un trapèze dont deux

angles sont à peu pres droits. Les parois mesurent: celle du .
Sud, Q m. 60; celle de l'Ouest, 4: m. 30; celle du Nord,

6 mètres et celle de l'Est, 3 m. 70. Une entrée, large de
1 m. tiO, s'ouvre à l'extrémité Sud de la paroi Est, entre deux

menhirs de 1 m. 60 et de ' 1 m. 40, orientés perpendiculaIl'e-
ment à éette paroi, celui du Sud prolongeant la paroi Sud.
Elle regarde l'E.-S.-E. (la paroi Sud étant alignée S.-63

Le menhir Nord de cette entrée est à demi renversé; mais sa
pierre de calage, épaisse et large de ° m. 30, indique claire-

ment que la place de son pied n'est pas douteuse (croquis no 4).
Les parois Ouest et Sud sont quelqlle peu boulevel'sées,
certaines de leurs pierres sont déchaussées, d'autres sont
tombées sous le choc cles roches éboulées et la pression de
terres en mouvement; mais il a été facile de reconnaître les
emplacements qu'occupaient leurs pieds et de les poser sur
une file bien rectiligne comme le montre la figure L Tous f:es
menhirs ont reposé sur le roc. Il n'en est pas de même de
ceux de la paroI Nord. Afin de racheter la différence de
niveau entre le côté Sud et le côté Nord du palier; ies cons-

tructeurs ont amassé un remblai de grosses pierres sur

lequel ils ont planté les menhil'sde cette dernière file (fig. 3) .

Ceux-ci sont bien jointifs, mais légèrement déversés vers
J'extérieur. Rectiligne était aussi le côté Est avec ses deux
menhirs posés sur le roc. En somme l'enceinte se compose de
29 piliers, dont la largeur varie de 1 m. 40 il 0 m. 40 et l~
hauteur de ' 1 m. 60 à 0 m. 60. C'est ia plus grande chambre

mégalithique de notre pays. . '

Un dallagê recouvrait toute l'aire de celte vaste chambre;
il n'était pas horizontal et plongeait légèrement vers l'E.-S.-E.
BULÏ,ET"ui DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXVII (Mémoires 16)

242

lo- ___ - ---7

PLAN à l/IOO. - Fig. L

COUPE suivant 111 11. - Fig. 2,

COUPE suivant Iil' ]1'. - Fig. 3.

f. /.Jo

.;. l, fO" ""

ENTREE vue de l'mterleUl',

Ig. 4 .

--. ' 243 -,
et le N.-N.-E. Ses éléments étaient de. dimensions très ine. -

gales; les trois plus grands sont figurés dans le plan fig. 1. à
la place où ils ont été trouvés; ils mesurent: a. '1 m. 60 ;
b. 1 m. 40 et c. 0 m. 90, ce dernier servant de seuil entre les

deux pierres de calage des menhirs d'entrée. Ce dallage mis
à nu, le sous-sol a été sondé en plusieurs endroits jusqu'au
roc, qui a été rencontré à des profondeurs très variables. Au

point où il était le plus profond, contee l'arête Est . de la dalle
b., était une fosse circonscrite par neuf menhirs (fi. 1, 2 et 3),
trois à l'Ouest, quatre à l'Est, un seul au Nord et au Sud.

Les sept premiers étaient hauts de 0 m. 90 et les deux autres,
dans les bouts, de 0 m. 70 et 0 m 80, Les trois de l'Ouest

supportaient le bord Est de la grande pierre de dallage b.

Deux autres dalles, de dimension moyenne, ~ecouvraient le
reste de ce beau coffre en s'appuyant sur les tranches des

menhirs, tous posés SUl' le roc. Le coffre orienté N.-N.-E.
S.~S.-E., était long de 1 m. :SO, large de 0 m. 70 et profond
de 0 m. 90, la paroi Ouest était rectiligne et la paroi. Est un
peu convexe vers l'Est. Il contenait de l'humus avec, au fond,

une quantité assez notable de m~nu charbon de bois. Il est
digne de remarque qu'on n'a constaté la présence de charbon
dans aucune autre partie du monument, pas plus au-dessus
qu'au-dessous du dallage. Pas un silex, pas un morceau de
poterie; il n'a été recueilli qu'une molette à écraser le blé, en
quartz, et l'ardoise. .

Quelle a pu être la destination de ce monument? '

Rien n'est venu indiquer que le Parc-Corrigez ait-contenu

une sépulture et il serait tout aussi difficile de soutenir qu'il .
fut un monument funéraire que de prouver le contraire ..
Même embarras en ce qui concerne l'époque de sa construc·
tion. La molette n'a aucune valeur pour ' élucider ces deux

points. Reste l'ardoise.

C'est une ' pierre étrangère à l'lie et à toute la région, les
signes qui la couvrent ont la technique et tous les caractères

~es gravures des ardoises rr,nconlrées dans les sépultures .

néolithiques. ]a place où elle a été recueillie donne lieu de

Croire qu'elle est bien contemporaine du monument. Elle y
aurait donc été apportée au même titre que ses pareilles et

dans le même but. Mais ce n'est pas une certitude. Le Parc-

Corrigez garde son secret. Toujours est il que sa situation,

ses dimensions i 'nusitées dans notre pays, les particularités

très variées de sa construction, absence d'allée, porte à seuil,
dallage général, . coffre souterrain, en font un monument

différent de nos dolmens-sépultures et d'un intérêt tout spécial

pour les Archéologues qui ne se bornent pas à la seule

recherche d'objets de collection Il est de ceux dont on ignore

quel a pu être le mode de toiture~ S'il avait eu des tables de

recouvrement en pierre, on les aurait retrouvées sur place et

peut-être quelques-ùnes éboulées sur le versant Nord de la

falaise. ' Qui, dans cet endroit presque inabordable, serait

venù les enlever ou les débiter'? A quoi bon d'ailleurs, dans

C"e lieu désert où la pierre abonde. Et puis, il est douteux que

les constructeurs aient pu trouvel~ sur les lieux, puis mouvoir
ei mettre en place des tables assez grandes pour recouvrir

une pareille chambre, tandis qu'ils avaient à profusion, sous

la main, des blocs détachés naturellement, d'une dimension

moyenne, d'un tran'Sport i'elativement facile et aptes à cons-

tiLuet les menhirs de l'enceinte et les pierres de dallage de la
. chambre dont nous avons vu que les plus grands ne dépas.:

saient pas 1 ni. 60, alors qu'il eut fallu des tables de 5 mètres

et plus pour la couverture. Tout doit donc faire supposer l1n~
toiture d'un autre ' gent~e, en admettant toutefois 'que nous

ayons affaire ici à UlJe vraie chambre sépulcrale, à un d'olmen
funéraire plus grand que les autres, et qu'on aurait eu recol1l~s
li tin dispositif en bois, à des troncs d'arbres recouverts de
branchages pour soutenir les terres de l'enveloppe' tumulaire .
;. Une autre 'penséè peut venir à l'esprit en facè dEi ce singll­
liel~ nl0nllment; que l'enceinte quadrangulaire de menhirs

jointifs aurait été dressée comme délimitation d'un lieu sacré
dans lequel on avait libre accès pal' une large , entrée, dont l~
sol dallé ofIrail un solide promenoir, qu'une toiture e:n bois

aurait aussi recouvert et protégé, et que ,1a crypte sou, terraip: e,

19 . cofIre en pierres cach~ sous ,I.e dallage, ~erai.t la :rai~~n

d'être 'de cette construction d'une conception nouv~lle . qu.i

pourrait faire songer à l'Égypte, à une , sorte de : lrès : pl'irqiti,f
Mastaba avec sa .chambre à offrandes ouverte à tout veOê,lnt

et son puits funéraire bien dissimulé.

L'ARDOISE

Elle est dessinée en vraie grandeur-("l ) (fIg. 5et 6). Il y .. a
tout lieu de croire qu'elle n'a jamais été , plus complète que
maintenallt; aucun morceau ne semble en avoir été brise ni
même détaché par eli vage. Ses cieux faces sont couvertes de
traits qui, à première . vue, · paraissen-t incohé' rents . · Un
examen plus attentif, .le rapprochement clesfigurations de, s
cieux faces, permettent cependant de remarquer qu'au . milieu
de cet assemblage cie traits rectilignes en .tous sens.paraU
ressortir, au centre des deux pages, un dessin fermé, aux

traits coutbes, donnant la vague impression du très grossier
schéma d'un corps d'animal. A celte hypothèse on pourrait
objecter, non sans raison, que l'art cie nos populations néoli-

thiques armoricaines semble n'avoir jamais tenté la représen-

talion d'êtres animés. On n'en retl'OU ve cie traces certaines
ni dans leurs nombreuses gravures rupestres, ni sur les pote­
ries ornementées; mais en préhistoire, on doit toujours

(-1) Les petits trollS longs ou oyales, de faible profondeur, visibles sur
plusieurs points de l'ardoise (P) sont les logemen ts vidés d'un' minéral ou
d'un fossile,
La partie ombrée MM sur la face 1 est usée par frottement. ,
En N, face 2, l'ardoise a été comme rabotée av(~c broutement..
L'abrupt des traits larges est indiqué par une ligne de force.
Les traits larges, sans ligne de force, sur la face :l seulement, sont peu
visibl(~s et d'une profondeul' infime. .

On peu L remal'qùer'-que toutes les lignes~-ta.rges son L tl'ucées dans le
sens longitudinaL .

, 246-

s'attendre à des ·surprises et être prêt à accueillir toute cons-
tatation nouvelle. · Sont aussi à noter: sur la face 'l, les

32 peliJs traits obliques parallèles compris entre deux

longs traits longitudinaux se prolongeant vers la gauche
. par un trait unique en zig-zag ou tire-bouchon; sur la face 2,
le même assemblage de traits obliques parallèles, mais plus
longs et moins nombreux occupant une placé différente;
. puis, sur la gauche, à l'extrémité de la grande ligne courbe

supérieure et du long trait longitudinal inférieur, deux

signes demi-ronds très accentués. Enfin, sur l'une et l'autre
face, deux signes (a) attirent l'attention par leur forme parti­
culière, le tracé net de leur contour, leur grande ressem-

· blance, leur direction à peu près la même et la position cor- ,
, resp'ondante qu'ils occupent à gauche et en bas de l'ardoise.

Quoiqu'il en soit de notre complète incapacité à interpréter
les signes de ces deux curieuses pages, nous pensons que le
graveur n'a pas tracé ces lignes au hasard. La plus grande
diflicullé consiste à discerner les Il:aits qui ont un sens de
ceux qui sont parasites .

Fig. 7.

Fig. 8 .

- 247

Fig. ~.

Puisque l'occasion m'est offerte d'ajouter un appendice à
l'étude des « Ardoises des Sépultures Néolithiques », je veux en
profiter pour rectifier une erreur, due à un oubli, au sujet de

. celles provenant deîa chambre à coupole du Tù'ssen-ar-Run,
en Yvias. Je me rappelais que la boîte qui les renfermait
avait été perdue; mais trois d'entre elles, les premières ·
découvertes, mises dans une autre boîte, avec des fragments
d'ossements, ont échappé et je les ai retrouvées. dûment éti­
quetées,au musée de Kernuz où le mobilier funéraire de cette

sépulture est déposé. Deux d'entre elles (fig. 7 et 8) sont de

petits fragments de 2 et 3 millimètres d'épaisseur peut-être,
grossièrement découpées en pointe. Quant à celle représentée
(fig. 9) épaisse de 9 millimètres au talon, il ne peut y avoir
. de doute qu'elle a été intentionnellement taillée en pointe, en

opérant sur une des faces seulement, à la façon des pointes
moustériennes, simulacre probable d'un javelot.

Bennes, 18 NO'/Jembre 1910.

A. MARTIN .

302

DEUXIE E PARTIE

Table des Mémoires et Documents publiés en 1910

PaO"es

r. DocumenLs sur- te-- Ca- p-Sizun. ' 1. Lettre de

III.
M. Le Gçtllo, curé de l'île, 17'14, par 1\'1. DANIEL
BERNAR.D; ......... " ............. :.. .... 3

Le Cap-Sizun (suiLe): La Morue du Raz de Fon- "
tenay, par M. H. LE CARGUET ... .... , ," ... ,.: 8
Qpelques .testaments des ' XVe et XVIe siècles "
(Arc,hives de l'Hôpital de,l\1orlaix), par·M. JEAN ' "

l\1ARZIN. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 27

1 V. Episodes et anecdotes (4

série). Quelques ,
types de plaideuses en Basse-Bretagne au
. XVIIIe siècle, par M. l'abbé ANTOINE FAVÉ. .... 65

V. Eglise de Sizun et ses annexes (petite monogra-
. phie), par 1\'1. le Chanoine J.-M. ABGRALL ..... . 128

VI. Note sur une ancienne ' bannière conservée

VII.
VIII.

(lans J'église. de Taulé, par M. H. BOURDE DE
LA ROGERIE.. .. ...................... .... ... 139

Note sur trois vieilles pierres trouvées à
Carllaix, par M. E. CHARBONNIER .... ... ' ....... "

Etudes sur le Cap-Sizun. -- III. A propos de la
c- hapelle de Monsieur Sainct-They, en Cléden-

Cap-Sizun, par l'IL DANIEL BERNARD .......... .

Eglises et Chapelles du FinisLère (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXIV, XXXVI).
Doyennés de Cbâteaulin (fin), Crozon, Le Faou,
Le Huelgoat, Pleyben, par M. le cbanoine
143
145
PEYRON. . . . . . . . . . . . . .. o 16'1, 292,
Notes sur Cbâleauneuf-du.,.Faou et ses environs

. pendant les guerres de la Ligue, par M. RAY-
MOND DELAPORTE.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

Xl. Les peinLures de la voûLe du chœur dans l'église
de Pouldavid, par Douarnenez, par M. le cha-
noine J.-M. ABGRALL. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206

XII. Voyage d'Henrielte de France, reine d'Angle-
t.erre, en Bretagne (1644), par M. H. BOURDE
DE LA ROG ERIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214

XIII. Une ardoise gravée trouvée dans un monument
mégalithique de l'île de Groix, par M. A.
MAR'rIN (planches).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
XIV. LisLe des JuridîcLions exercées au XVIIe et au
XVIIIe siècles dans le ressort du Présidial de
Quimper (1 el' arlicle : sénéchaussées de Brest
et de Carhaix), par M. H. BOUHDE DE LA ROGERIE. 248

FIN -'

Imprimerie -;0 TONNEe, LEPR!fI!CE. Suce. - Quior.fJe,