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Société Archéologique du Finistère - SAF 1910 tome 37 - Pages 214 à 239
REINE D'ANGLETERRE
ETAGNE
1644
Quatre fois ' en deux siècles les côte~ du pays de Léon
virent aborder des princes de la maison royale des Stuarts
vaincus et pours'uivis par des escadres anglaises. Le 24 aoùt
1548, la jeune Marie Stuart, reine d'Ecosse, arriva à Rosçoff
pour rejoindre son fiancé, le petit Dauphin qui devait devenir
le roi François II. Le 26 juillet 1644, le petit port de Melon,
dans la paroisse de Porspoder, accueillit la reine Henrietle de
France, femme de , Charles l, qui venait chercher dans sa
patrie un asile contre ' ses sujets révoHés. Le '19 juillet -1690,
son fils, ]e roi Jacques II, arriva à Brest. au retour de la
malheureuse expédition d'Irlande, le dernier effort qu'il fi
pour reconquérir son trône. Enfin le 10 octobre '1646, ce fut '
enCOl'e à Roscoff, qur.l'arrière petit- fils d'Henriette de France,
le prince Charles-Edouard, trouva un refuge a près la défaite
de Culloden, échec suprême des droits des Stuarts~ , '
C'est au ' second de ces évènel11ents, qu'est consacrée cette
notice, au départ de la reine , Henriette-Marie de la Cor-
nouailles anglaise, à sa trayersée pénible de Falmouth jusqu'à
la côte , bretonne et enfîn à son voyage presque triomphal à
travers la Bretagne de Brest à Ancenis. ' , '
On sait que Henriette-Marie de France, née en '1609, était la
pl us jeune enfant de Henri IV et de Marie de Médicis; ,
elle était par conséquent sœur du feu roi Louis XlII et taille
du jeune roi régnanl Louis XIV. Elle avait épousé le 11 Mai
t62a le roi d'Angleterre Charles 1. La plus vive affection
unissait les deux époux; elle n'était même pas diminuée par
la ·différence de religion quoique la Reine fut aussi zélée
catholique que le Roi était protestant convaincu .
Les anglais prenaient moins facilement que leur souverain
leur parti de la religion de la Reine; sa qualité de française
contribuait encore à la rendre impopulaire. Aussi était-elle
considérée par les rebelles les Parlementaires ' . et même
par les royalistes fidèles, comme une des causes de la guerre
civile. Très . brave et très énergique, cette digne ' fille de
Henri IV avait pris une part active à la lutte. En ' 16lf,2 'et '1643,
elle était allée chercher des secours en Hollande et malgré
mille difficultés elle avait amené · au Roi toute une armée.
Mais l'année suivante, malade, enceinte de l'enfant qui devai t
devenir Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, elle. était
à bout de forces et.désirait ardemment aller se reposer ' dans
sa patrie. Elle croyait aussi qu'en France elle pourrait rendre
. plus d :eservices qu'en .Angleterre à la ca use bien compromise
de sop mari. Le 1
avril 1644 elle sortit d'Oxford, qui était
alors la capitale du parti royaliste, et elle s ~enfuit vers l'Est
'du royaume d'où il était plus facile de gagner la France. Elle
voulut s'arrêter à Bath, à Bridgewater, à Bristol; mais,
talonnée par l'armée du cornte d'Essex, elle dut fuir jusqu'à
Exeter. Ce fut en cette ·ville qu'elle mit au monde le . 16 juin .
la princesse Henriette-Anne. Quelques jours plus tard, par .
une lettre datée .« De mon lit, ce 28 juin )), la Reine qui
signait ({ la plus malheureuse créature du monde », informait
le Roi que menacée de tomber aux mains du comte d'Essex, .
elle allait partir pour la France: « Je vous ferais voir par
cette dernière action que je n'ay t'ien si fort (à cœur) dans
mes peines que ce qui est de votre préservation, et que
ma vie est fort peu considérable en "comparaison de cela; car
comme sont vos affaires, .elles seront en danger si vous me
venez secourir, et je . sais que votre affection vous fera tout ·
" 216 '
hasarder pour cela; ce qui me fait aussi hasarder une chose,
qui de soy est fort peu considérable, ma' misérable vie, sauf
en ce que vous ln considérez n. Elle laissa sa fille à Exeter,
aux soins de Lady Morton, et partit déguisée, accompagnée
d'un petit nombre de serviteurs; elle s'arrêta à Trurow, d'où
le 9 juillet elle envoya au Roi une sorte de testament, et quel-.
qLies jouts plus tard, elle était enfin en sùreté au château de
J;>endennis, sur la rive occidentale de la rade de Falmouth.
Ce fut îà qu'elle s'embarqua pour la France. Il e , xiste plu
sieurs relations de la fuite de la R , eine, de son voyage et de
son arrivée en Bretagne, mais la plupart dès historiens
modernes ne paraissent avoir connu que le récit de ses aven-
tures fait par la Reine elle-même à Mme de Motteville ('1). Ce '
rècit-fait ou transcrit plusieurs années après les évènements
qu'il' rapporte est sur quelqu~s points dénué . de précision et
même d'exactitude; mais les relations laissées par trois
témoins du voyage de '1644 permettent heureusement de
compléter et de rectifier les mémoires de l'amie de la Reine.
Le commandeur Coulster, capitaine - du navire hollandais
qui transporta la Reine, de Falmouth en Bretagne, fit à son
arrivée à Brest le récit de son voyage' à un de ses compà-
triotes Huygens de Zuylichen. Celui-ci le transcrivit aussitôt
et envoya le 9 aoùt à la princesse d'Orange, fille aînée de la
Reine, une relation d'une rem, arquable précision qui a été
publiée dans lcs A-rch'Ïvcs de la maison de Nassau (2) .
Le sieur de L a Boullaye-Le Gouz, gentilhomme angevin,
qui avait' parcouru une partie de l'Europe, de ·l'Asie et de
l'Afrique se trouvait par un singulier hasard au port de
(1) Cto DE BA1LLON, Henriette-.VIarie de France, reine d'Angleterre, Paris
1877, in 8~, p. 212-217, . A. STR!C'KLAi'm , Lives of' the Queens of England, '
London, 1877, in 8°, p. 233-23~, . TAYLOll, The lire of queen Henrietta-Maria"
London, H105, T. l, p. 304. SCOTT, The king in exile, London, '1904 ,
p. i8 et sUl Yantes. . .
(2) 2° Série; tome IV, p.106-i07,reproduiteen Ilote pal'CUl~nUEL dans son
édition des Lel/res 'dll Cardinal Mazarin (collection des documents inédits,
T. II, p. 21). , .
-, 217-
Falmouth lorsqu~ la Reine attendait une .occasion fa- voràble,
pour passer en France. La Boullaye-Le Gouz avait servi quel.:
ques années auparavant dans l'armée royaliste anglaise; il·
avait été · présenté à Charles 1 et à Henriette qui l'ava)ent
traité avec bonté, aussi a· t-ilinscrit leurs noms dans la liste'
des « noms et ' qualités des amis et connoissances )) q. u'il
s'était acquis en Angleterre. A Falmouth, La Boullaye s:inté
ressa aux anxiétés de la Reine; il n~ put embarql,ler àbord
du même navire, mais il fut témoin de son départ; il partagea
la plupart des dangers auxquels elle fut exposée; quelques
jours plus tard il la retrouva en sûreté à Brestet recueillit;
encore des détails complémentaires sur lesincidents dela tra-,
versée. Sa relation perdue dans le volumineux ouvrage . qui .
renferme ses Voyages et Observations paraît avoir été ignorée.
de tous les historiens (1).
Enfin un habitant de Quimper, Guy Autret de Missirien,
qui s'était institué le « correspondant» en Basse-Bretagne.
de la Gazette de France, dirigée par son ami Renaudot, envoya.
à plusieurs reprises des informations sur le voyage de . la
Reine. Jamais encore Guy Autret n'avait eu à annoncer" un
évènement aussi important: il fit de son mieux pour fournir
des nouvelles complètes et exactes; il n'y réussit pas com
plètement pour la partie du voyage antérieure à l'arrivée en
Bretagne, mais il fut bien renseigné sur les solennelles récep
tions faites à la Reine à Brest, à Landerneau~ à Châteaulin, à .
Quimper et à Nantes. Ce lent voyage de la Reine dans la
Province ne fut marqué par aucun incident dramatique, mai· s
les détails donnés par Guy Autret ne manquent pas d'inté
rêt (2). Les registres des délibérations des villes de Vannes
(I) Les voyages du sieur de la BOl/llaye-Le GOl/Z, angevin, Paris, 1657, in 4°,
p. !~80 et suivantes. .
(2) Une première information datée de Kimper, ter août 1û!~4 fut publiée
dans La Gazette du H. Une autre relation fut insérée dans le n° du 31 sous
le titre « Les honneurs rendus à la Reine d'Angleterre à son arrivée en
France ». Ces deux documents ont été reproduits dans le précieux
- 218-
et de Nantes, les lettres écrites par Mazarin et par la Reine
confirment et complètent les articles insérés dans la
Gazette.
Dans les pages qui suivent nous essayerons de combiner
les renseignement~ fournis par toutes ces sources d'informa-
tion. .
Refugiée au château de Pendennis, la Reine malade et
fatiguée attendit plusieurs jours avant de s'embarquer. Quel-
ques bâtiments envoyés pal' son gendre le prince d'Orange
étaient à ses ordres: un vaisseau hollandais de 800 tonneaux,
armé de 44 canons, commandé par le commandeur Couister,
un autre bâtiment hollandais, armé de 38 canons,capi taine
Smitz, deux ou trois «( ramberges )) ou frégates anglaises,
montées - par des marins royalistes, enfin une petite chaloupe
de Dinan. En face du port croisaient des navires « parlemen-
taires )),qui étaient aùssi nombreux et peut-être mieux armés
que les bâtiments de la petite escadre royale; Là Boullaye-
te Gouz compta trois frégates et deux ramberges. La situation
était périlleuse et la Reine hésitait à partir, mais sur ce
qu'on remontra que l'escadre des rebelles recevrait de nou
veaux renforts si on tardait davantage, le départ" fut résolu.
Il paraît hien certain que l'on décida de gagner le port fran
çais le plus pi'oche, c'est-à-dire Brest ou l'un des havres de '
la côte occidentale de Bretagne. car ce fut au'Conquet et il
Brest que tous les bâtiments royalistes réunis à FalmouJth
vinrent les ·unS après les autres rejoindre la souveraine. La
Rei-ne montée à bord du vaisseau hollandais du comman
deur Coulster que Guy Autret et d'autres écrivains qualifient
de « Vice-amiral de Hollande », sortit du port de Falmouth le
24 juillet entre midi et 4 heures, surprenant ainsi les vais
seaux rebelles quine prévoyaient pas que les royalistes
ou vrage de M. le Ct, de Rosmorduc : Guy A uiret. seigneur de Missirien, cor
respondant de P. d'Hozier en Basse-Bretagne, Saint~Brieuc, in 4° p. 83-85. On
trouve aùssi la transcription des passages de La Gazette relatifs à la Reine
dans le mss. t8 de la Bibliothèque de Brest. .' .
219 ---
osassent tenter de forcer le blocus en plein jour. La Reine
ordonna à Coulster de 'fuir le plus rapidement possible sans
s'arrêter à riposter aux coups de canon qui pourraient être
tirés contre lui; on laissait au vaisseau du capitaine-SmiLz la
charge de soutenir seul l'attaque de l'ennemi, mais on négli-
gea volontairem' ent de prévenir le malheureux Smitz du, rôle
ingrat- qui lui etait réservé. La chaloùpe de Dinan montée par
six marins bas-bretons; accompagnait le vaisseau de la Reine,'
qui était résolue à passer à son bord en cas d'extrême péril,
notamment si le vaisseau tombait , au pouvoir de l'ennemi.
Les récits de Coulster et de La Boullaye Le Gouz, témoins
oculaires, portent que dès la sortie de la rade les rebelles
vou'rurent engagr.r le combat, mais que, grâce à une habile
mariœtivre deCoulster, son va'isseaù dist.ança très rapidement
le plus dangereux de ses ennemis, le Paramour,ef laissà le
vaisseau du capitaine Smitz se défendre comme il pourrait
contre' tous les autres. Il essuya cependant « cinq,rolées de
canon qui toutes passèrent dessus» ; la Reine était descendue
dans la' 'cale où le bon capitaineCoulster , « lui avoit acco-
modé quelque lieu de seureté contre les coups de canon, .
mais de senteur et logement peu agréable pour une femme
de trois sepmaines a' près sa couche. » Tous ses serviteurs
étaient éprouvés par le Inal de mer et ne pouvaient lui donner
aucun secours: elle ne reçut quelques soins que d'un moine,
ancien chevalier de Malt.e, qui avait l'habitude des pénibles
traversées. La Reine se rappela longtemps les angoisses
qu'elle avait éprouvées dans le misérable l~éduit où elle était
confinée: ( Dans la créance qu'elle allait être prise par eux,
rapporte Mme . de Mottevile, étant à fond de cale pour se
garantir des coups de canon, elle fit venir le pilote et lui
commanda de ne point tirer, mais d'avancer toujours chemin,
et de mettre le feu aux poudres s'il voyait qu'elle ne put
échapper. ,Elle ne l'auroit peut-êtl'e pas souffert, mais sur
cette résolution ses femmes et ses officiers jetèren t des cris
-, 22Q
horribles'; elle seule'demeura dans un silence courageux mon trant braver la mort et ses ennemis par le mépris qu'elle
, faisoitde l'une et ,des autres. Elle ne sentit en cette rencontre
rien de violent en son âme que le désir de fuir la honte de se
voir' soumise à, la volonté des Parlementaires, et la seule
pensée de : voir qu'en ordonnant sa mort, elle ne faisoit pas
c.e.-qu'une chrétienne devoit faire la fit repentir de sa résolu
tion. N'ayant pas le courage de vaincre elle-même son orgueil
~lle 'demeura indécise sur la gloire éternelle et la mondaine;
lJlais Dieu la sauva, la faisant heureusement échapper de ce
péril.») (1 )- Au récit de ' Mme de Motteville, le commandeur
CQulster ajoute C!3 trait: «(' Le danger passé, la Reyne remon-
ta dans la galerie et après s'être fait monstrer ces navires '
du Parlement grinça des dents' et laissa tomber quelques
larmes de des pit. ))
, Quoi qu'en aient dit 'quelques historiens modernes il parait
certain que les royalistes n'eurent pas à supporter une
sec: onde attaque, ,et qu'ils ne furent pas poursuivis par le
Paramour jusqu'aux abords de .J'île de Jersey. Nous avons
dit que Brest et la côte voisine 'avaient été dès le départ choi
sis comme but du 'voyage de la Reine qui par conséquent
devait passer fort loin à l'Ouest de Jersey: d'autre part le récit
de la traversée fait par Coulster à Huygens de Zuylichen ne '
fait 'aucune mention ni de ce second combat, ni de l'énorme
et : invraisemblable détour que son navire aurait accompli
pour aller en douze ou vingt heures de Falmouth à Jersey et
de Jersey au Conquet [2). Il semble certain, au contraire, que
la Reine acheva son voyage sans courir de nouveaux dangers .
, (1) Mémoires de Mme de Motteville. Edition Petitot, T. II. p. 85 et suivantes .
. (2) 1\1 iss Strickland et le Cte de Baillon racontent tous deux le combat li vré
près de-Jersey : Miss Strickland fait même aller les royalistes jusqu'aux
environs de Dieppe, Ces deux aute~rs font aborder la Reine dans « la sau
vage baie du Chatel non loin de Brest ». Ce nom pourrait désigner la baie
de Portsal située près des ruines du château de la famiHe du Chatel. Les
t émoins oculaires, La Boullaye-Le 'Gouz et Coulster ne parlent que du
combat d'e F'almouth.
Mais son départ précipité et sa fuite périlleuse à, inivers la:
flotte ennemie émurent ses contemporains. Bossuet 'nértù.ln·
qua pas d'en rappeler le souvenir dans l'oraison funèbre , de
la Reine prononcée le 16 Novembre 1669 ... ' ci Elle partit
des ports d'Angleterre à la vue des rebelles qui la poui'sui-
vaient de si près qu'elle entendoit presque leurs cris et.leu rs'
menaces insolentes. Voyage bien difIérent de celui qu'elle
avait fait sur la même mer, lorsque venant' prendre pos'-:
session du ' sceptre de la Grande- Brelagne, elle , voyait,:
pour ainsi dire les ondes se courber vers elle, et soumettre'
toutes leurs vagues àla · dominatrice des rilers '! Mainte-'
nant chass~e, poursuivie par des ennemis implacables qui'
avaient eu l'audace de lui faire " so' n procès, -tantôt ;sauv~e,
tantÔt presque prise; changeant de fortune à chaque: quart
d'heure, n'ayant pour elle que Dieu et son cou'rage inébr~n .. '
lable, elle n'avait ni assez de vent, ni assezdevoilès polir,
favoriser sa fuite précipitée. '. » .'
La nuit qui suivit le départ fut belle -et lesvehtsfu-t'ent
favorables: le 25 juillet le vaisseau , étâit en vue du CO'nqueL
« Toutefois ayant été surpris ' d'un grarid calme, il ne put.en
approcher que sur le soir. Sa Majesté prit terre en un petit
havre nommé Mellon )) (Guy Autret). La chaloupe des·
braves marins bas-bretons, qui , ne l'avaient pa's abandonnée; .
« la descendit dans un village au travers des rochers Où 'elle
eut de la peine à passer ' ») (Motteville), mais il s'en fallut de ,
peu que la Reine courut encore quelques dangers. Ce gros
vaisseau étranger qui croisait depuis, le matin et ses nia~
nœuvres pour approcher du Conquet avaient ému ' tout ,le
littoral. Les côtes du Bas-Léon avaient été , pillsieufs - fMs ·
attaquées par les ennemis, aussi le s' ervice du guet E:!t de la
garde-côte y était-il fait avec une vigilance particulière:
« Toute la coste estant en armes l'obligea de faiTe mettre un
mouchoir au bout d'un baston» pour arrêter tout combat
(Guy Autret). Les fatigues du voyage et le séjour à fond de ;
222 " .
cale avait(ort éprouvé la princesse qui, racontait-elle à Mme de
Motteville, « paroissoit plutôt une misérable héroïne de roman
qu'une-reJne véritable (1). Ondit que l'arrière petit-fils, de la
Reine Henriette, le prince Charles-Edouard Stuart, lorsqu'il
débarqua à Roscoff le' 10 octobre 1646, fut, lui aussi, accueilli
. avec quelque surprise: le bruit s'était répandu à Roscoff et.
dans les villages. voisins qu'un prince vanait d'al~river, accom-
pagné de seigneurs d'Ecosse et d'Angleterre: paysans et ma-
telots se portèrent en foule aux abords du port, mais lor9qu'au
lieu . d'un. prince .tel qu'ils se le figuraient, ils ne virent· qu'un
malheureux mal vêtu, exténu: é par. pl usieurs mois de misère:
dans le~ montagnes d'Ecosse, ils couvrirent de plaisanteries
~t !de sarcasmes le pitoyable cortège (2). . .
~' , Le· port de Melon où , aborda le petit bateau qui portait la '
Reine d'Angleterre est situé sur le terrnoi~e de la commune
de P_ orspoder à :milleou douze cent mètres : du port plus impor-
tant de f'Aber-IJdut (3). ' .
, Le~ ' nolic~s , que lui consacrent .les annuaires m~riti,mes
montrent qQe .ce havre n'est guère qu'un lieu ,.d'. échouage :
. «Le port de Melon. est formé par une petite crique d'envil'On
~OO mètres de larg~ur qui s'étend de l'Est à l'Ouest e ,ntre l'île
ét . le .village . de .MeIQn. Ses passes ne sont praticables sans
pilote que pour les marins du pays. Il assèche à toutes les
marées et ne possède aucun ouvrage pour l'accostage et le
débarq!-lement. Il n'est guère fréquenté , que par des navires en
relâohe. ~p,s bateaux de pêche y sont peu nombreux et le
commerce de la .so, ude a seul quelque import. ancé )). Les côtes
(1) Lorsqu'au mois de Février _ H)l~3 la Reine avait été en Hollande, elle
. débarqua en un' ausSi pitoy-al>le état: {( Elle descendit au port dans lln éta. t si
étrange qu'fI était impossible de l'f!.pprochet· à CtlUSe de la puantellr de
se' s habits.: lis étaient pleins de tout ce qu'on pen t imagine!' de plus ,'ilain,
à cause gue le bouleyeJ:sement du vaisseau avait fait un m~lange des
pel'sonnes et de -toules les saletés possibles. » (Motteville). .
(2) Pagnerre, Un coin de Bretagne: Roscoff; Pat'js, 1888, in 8° p. 36. .
' (3) Situé presqu'à rentrée .de · l'Aber-Ildut, Melon peut être considéJ'é
cOlnIne ùne annexe ou une dépendance de ce pt>rt. La seconde 'note
envoyée à la Gazette par G. Autret porte que ~a Reine « mit pied il. terre
en un lieu nommé Aber Idant »
223' -
d'e cette 'région so'nt d'accès singulièrement difficile. Dans : l'es
o pauvres églises du pays tout rappelle,Jes dangers de la mer.
A Porsporder, pàr exemple: , on voit. de curieux tableaux _ du
XVIIIe siècle', qui représentent des navires luttant contre la
tempête; ils furent donnés en ex-voto par des matelots à
l'ancienne chapelle Notre-Dame (1 ), . Eglises et chapelles sont
dédiées à des saints dont les noms sont tout empreints de la
rudesse celtique: Saint Arzel, Saint Budoc, ',Saint Ourzal~
Saint Gonvel, Saint.Tuznou, Saint I1duLCe fut à Land:unvez
et à Porspoder que Saint-Samson et.Saïnt Budoc 'abordèrent,
dit-on, dans des auges de' pierre ou dans de «grandes pierres
cavées 0 miraculeusement rendues flottantes 0 )). " Vrmonoc
raconte que l'île Melon (.tledion, a,J vit aussi débarquer près du
rocher ' noir (ai' marc' h du) le grand Saint Pol d'Aurélien
quandjl vint d'Ouessant pour évangéliser le Léon 0 dont il
dévait êtreJe premier évêque. L'église de Porspoder est dédiée à
Saint Budoc qui est aussi le patron d'une paroisse 'voisine de
Falmouth: Albert Le Grand, affirme que Bûdoc ou Buzoc
signifie Rauüé des eaux: sa ' mère le mit aU monde dans lé
, tonneau où elle avait 'été jetée et abandonnée en pleine, mer
par ordre d'un mari barbare. Ce pays est plein de traditions
et de légendes émouvantes ou tragiques ; de ' tous côtés à
Kerouezel, à Saint-Denec, à'Kerivoret, à Kergadiou se dressent
des menhirs ' qui contribuent à lui donl)er un aspect de ' sau-
vage 'et triste grandeur. Il faut noter cependant que depuis un
demi-siécle les progrès accomptis dans le commerce et dans
l'agricùltureont amené une aisance inconnue au, temps du
voyage d'HenrieÜe de France. Tout le long : dé la côte de
Lanildut et de Porspoder; on trouve de jolies maison's corifor~
(1) Lors de son voyage de Hollande en Angletel're (2-11 Février 1643) la Réinè
avait fait vœu d'offrir à la chapelle de N.-D. de Liesse, ell Picardie, un na'é ire
en argent avec tous ses agrés et d'y fonder une messe à perpétuité.. Le P.
Cyprien de Gamaches, un de ses aumôniers, qui rapporte ce fait a transcrit
une lettre de la R~}ne' du 7 septembre 1644 relative à l'exécution de ce vœu,
on voit que la Reine ne s'occupa de l'accomplir qu'après que le.s dangers
d'une seconde traversée lui eurent rappelé sa précédente promesse. 0 ,
tables et propi'es, construites pàr des marins retraités : j\
serait maintenant difficile de rencontrer une cabane telle que
celle où la Reine entra à son arrivée sur la terre de France~
« des paysans la logèrent dans une petite maison ' couverte
de chaume» (Motteville).
: Les gentilshomrr.es du voisinage vinrent l'y trouver et lui
procurèrent sans doute un abri plus décent, le pays, quelque
pauvre qu'il fut au XVIIIe siècle, possédait de nombreux
manoirs: à Porspoder même, on voit encore les ruines très
pittoresques du manoir de Kerenneu.r ; un peu plus loin était
Kergroadis, un des plus beaux châteaux de Basse-Bretagne.
On petit encore supposer que la Reine reçut l'hospitalité ou
tout au moins s'arrêta au château de Keroualle sur la route
de Melon à Brèst. Ce château appartenait à Guillaume de
Penancoet, comte de Keroualle, qui, à raison de ses fonctions
de capitaine de l'arrière-ban du diocèse de Léon dut être des
premiers ,à se rendre à la côte lorsque la présence de navires
étrangers fut .signalée. Ce fut peut-être en reconnaissance du
bon accueil qui lui avait été fait le 25 ou le 26 juillet '16~4
que la Reine protégea plus tard la famille de Penancoet: elle
facilita lacarrière de Sébastien de Penancoet, filsdu comman -:
da nt de l'ar.rière-ban, et elle admit Louise-Renée de Penancoet
au nombre des dames d'honnel~ de sa fille. On sait comment
Louise ·de I~eroualle passa de la maison d'Henriette d'Angle-
terre à la cour de Charles II et corhment elle devint duchesse
de . Portsmouth en Angleterre et duchesse d'Aubigny en
France. Si c'est aux évènements de juillet 1644 . qu'il faut
reporter l'origine des relations, ·entre la maison royale et la
famille de Penancoet, il faut avouer qu'e.n cette année-là : Ia
fatalité s'acharnait contre les Stuarts, car trente ans plus tard
Louise de r{emualle, agent vénal de la politique de Louis XIV
près de 'Charle~ 'II, ' contribua grandement . à ~airr naître ~n
Angleterre le sentiment général de désaffection et de mépds
àr'égaJ'd d~s fils, de Charles r qui ame.na la ré\'oluti. on d. e .'1688, .,
225 -'
François de Carheil, seigneur de . Rédunel, capitainè,
enseigne et commandant du château de Brest en l'absence du
baron de Pontchasteau, son parent, était venu à la rencontre
d'Henr. iette de France. D'après une lettre envoyée à La Gazette
lè 26 juillet, elle entra ce jour-là à Brest; d'après Ja seconde
relation de Guy AuLret elle n'y arriva que le 28.
« Elle est tellement incommodée de ses couches qu'elle a
demandé qu'on lui envoyat promptement des personnes
entendues pour la traiter. » (l,a, Gazette, lettre du 26 juillet).
Elle refusa de descendre au château et logea dans une
maison de la ville .
. Elle eut bientôt la consolation d'apprendre l'arrivée dans '
les ports de la côte dB$ bâtiments fidèles qui étaient groupés.
autour du sien dans la rade de Falmouth.
Nous avons vu comnwnt la fuite rapide du vaisseau hollan~
dais du commandeur Coulster laissait celui de son compa
triole, le capitaine Smitz, exposé seul aux efforts des vais
seaux des Parlementaires. La Boullaye-Le Gouz a raconté le
combat qu'il eut à soutenir:
« - Nos deux frégates angloises et la fIute d'Hambourg
tirèrent du mole (1) et nous demeurasmes seuls embarrassés
entre deux rem berges et trois frégates ennemies, nous defIen·
dant à coups de canon, suivant J'ordre de nostre admirai qui
nous avoit laissés dans le piège, et la lascheté des capitaines
des frégates qui nous avoient abandonnés. Le capitaine Smitz
voyant que la partie n'étoit pas tenable, fit m~ttre le cap.
adroitement entre les deux rem berges atin de gagner la mer,
parce qu'elles ne vont pas si viste que les autres vaisseaux;
l'admiralle seulle avec une frégate nous suivit, la vive
admiralle donna la chasse à notre flutte, et une des frégates
s'en retourna à Londtes, pt l'autre à· Milfort, au pays de
Galles, porter la nouvelle de la sortie de la Reine. La nuit fut
fort claire et nous eusmes les cieux vaisseaux si proches du
(-1) Se retirèrent vet'S le mole de Falmouth, relltrerent au port.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO.-- TOME XXXVII (Mémoires 1~)
- ' ~ 226 ' --;_.,
nostre"que le'scanons d'e la rem'berge· pou'vèrent oife. liser ,la
frégate qui estait de l'autre bord. Le matin, le ventse raffrai~
chist un peu, nous lespassasmesd'assez loin ;: mais vers le:
inidy nous fusmes derechef joints. Alors le capitaine Smitz,
sanss'estonner, tint ce discours:
« Escoutez, mes mestres: j'ay desja une fois' esté pris par
(i' les Parlementaires; lorsque je fis' naufrage en passant sur ,
« mon vaisseau des troupes 'de Hollande pour le service de sà
« ' Majesté. Je mour'ray plutost millefois que de tonlber entre
« leürs mains, parce que je leur ay promis et juré sur
« l'Evangile de ne porter jamais les armes contre eux ('1).
« Vous devez tous paroistre sur le tillac, afin de les ' repous"
« Sel' s'ils nous abordent. Je suis 'résolu ayant fait toute la
« résistance imaginable de mettre le feu à mes , poudres et
(r m'ensevelii' de cette façon. Au reste, messieurs les Fran-
«( ' çois, ' vous estes ' dix-huit, ' tous bràves cavaliers dans
« lesquels je mets mon espérancè: Ne nous es'tonnons point
« dans le combat. » ' ;, ' "
«( Un chacun ' parut avec le rriousquét et l'espée hors du
fourreau, afin de faire voir que nous estions beaucoup d'e gens.
Ce stratagème ' fut que la frégate n'o' sa nous aborder et se
, contenta de nous envoyer ' force boulets et chesnes, afin de
desmater nostre vaisseau. Nous luy en i"envoyasmesdes
nosùes et. coupasmes beaucoup de ses cordages.
: « A la fin du combat' qui dura deux joUrs et deux -nuicts,
nousvislIiès la coste de Bretagne: Nos ennemis nous lais·
sèrent'et à la mesme heure 'notre grand voille 'tomba'l'hissaa
ou la ' grosse corde estant coupée d'une volée de canon, s'ils
n'eussent point tourné la proue; ils nous auroient pris parce
(1) Huit jours aupal;avant Je navire irUançlais à, hord duqùel était
La Boullaye Le Gouz venant d'Irlande à Falmouth avait été poursuivi par
des navires de Salé (Maroc) puis par des navires anglais; (~ Nous'ellssions
mieux aimé tOIilber entre les mains des Turcqs que des Parlementaires
parce qu'aux uns nous étions assurés de la vie, et aux autres assurés de
périr à cauSe du carnage que les Trois (irlandais) ont fait en leu1' pays des
çolonies angloises. Il ' '
- . 227 ." ,
quen, o,tre' capit~il'le n'avoH point fait mettre de chaisne pour
tenir les antennes, soit qu'il n'en eust pas, ouque' l'ardeur dp
combat luy en e '~st osté la mémoire, ne nous estans souvenus
de 'nos~re faute qu'après le péril échappé.
. . « Estans près d'arriver au Conquet, nous retournasmes
~n pleine mer, à cause d'un brouillard qui s'esleva sur la
coste de Bretagne, qui est fort dangereuse pour plusieurs roqs
ql1i s'y rencon~nmt. Le lendemain nous arrivasmes au Con
quet, petite ville, où nous prismes un pilote pour Brest qui én
,est éloigné de djx~septmilles. Ce pilote nous dit qu'il n'y avoit .
po.int eu de la faute du capitaine hollandais s'il n'avoit poin. t
combattu, parce que la Reine lui avoit défendu, ce qui ne
satisfit point le capitaine Smitz et le fit entrer en fougue,
disant dans Je rencoQ-tre ce que la passion peut exprimer par
~es justes ressentimens, parce que le capilaine hollandois lui
avoit donné l'ordre de rendre coup pour coup, et cependant
I.'avoit abandonné, au milieu de cinq vaisseaux. .
. « Estans à Brest, la Sérénissime Reyne accomoda et paci~
fia leur différend en quelque façon, mais le capitaine Smitz
ne peut .jamais oubli~r l'offence de l'au tre ... ») (1)
La Boullaye Le Gouzne resta que très peu de temps à
Brest ; il ad,mira ce « magasin de l'admirauté de ' France,
clef de la Basse-Bretagne » et la rade qu'il trouva la plus
grande et la plus belle qu'il eu t Vu après celle d'Ormuz,
Il repartit pour la Hollqnde dès' le ter aoùt sur le vaisseau du .
capitaine Smitz, qui fit escale le ;S devant Calais « où .l'on
mit à terre une femme qui estoit entrée ·en habit d'homme
dans le vaisseau. Il est à juger que cette femme avoit esté
trouvée propre pour passer, incognito en Angleterre, et en
mander des nouvelles èn France, parce que l'on ne nous per.-
'. (I)Couls'ter resta IJendant 'un cel'tain: temps aU. sei'dce de la Reine; des
lettresqu'eile éCrivait au Roi au l'nois de llovembl'e -lM4 font mention des
\'oya.gés que faisait Co ulster ou Cols tel' I>our apporter en Fl\allCe l'étain des
inities' de ' la.' Cornouaille ang'laise qui uppartenaien t à la maison royale.
(BAILl.OX, Henriette de France, p. 52' 1)
_ . 228 -'"
mlst en aucune ' façon de descendre à Calais, de crainte
d'esvanter Ja mèche. » ,
Après le vaisseau de Smitz Oll vit arriver à Brest le 29 les
frégates ou fIutes qui étoient rentrées prudemment le 24 à
Falmouth mais qui en étoient ressorties le 26; elles porlaient
les domestiques, les carrosses, les chevaux et les bagages de la
Reine qui eut dès lors une suite de deux cents personnes et
tous les moyens de se mettre en route pour le centre de la
France. '
.La Gazette de France du 31 août publia sous ce titre
« Les honneurs rendus à la Reine d'Angleterre à son arrivée
en France )J, le récit de ce voyage était fait comme nous
l'avons dit par Guy Autret. · ' .
La Reine partit de Brest le Je
de ce mois d'août.'
Elle partit le 1 er août, coucha à Landerneau et arrivà le 2 à
Châteaulin. Elle y reçut des hommages plus solennels que
ceux qui lui avaient été rendus jusqu'alors. Brest n'était à
cette époque qu'un château·fort et une modeste bourgade.
Quimper était la capitale du pays et Ja résidence de toutes les
« autorités ») qui se portèrent, comme il convenait, à la ren
contre de la tante du Roi. Le recit de Guy Autret fait connaî
tre tous les honneu'fS qui lui furent rendus (1). A Châfeaulin,
la Reine « reçut les complimens de l'Evesque de Cornouaille
et des députés de la ville de Kimper-Corentin qu'on envoit
envoyés au devant d'elle. Elle arriva le 3 audit Kimper
Corentin, ville capitale de la Basse-Bretagne et siège de
l'Évesché de Cornouaille, ou Sa: Majesté Britannique fut. reçue
a plus d'une lieue par 60 gentilshommes conduits par le sieur
de- Kerharo en l'absence du marquis de Molac qui en est gou-
verneur (2), et à demie,lieue par 800 hommes (3) sous les
(1) Nous citons in·extenso les principaux passages de ce récit de
La Gazette quoiqu'il ait été déjà reproduit dans l'ouvrage , mentionné
ci·dessus de M. de Rosmorduc. Ce livre, si important pour l'histoire de .la
Cornouaille au milieu du XVII· siècle, n'a été tiré qu'à 5 exemplaires non
mis dans le commerce. Jo/
(2) Nicolas de Plœuc, seigneur de Kerharo, époux e lristophlette de
__ . .. 229 · 2 . _
armes qui firent leur décharge à son abord et hors la porte·
de Medart par le sieur de Talhouet, scindic, lequel accompa
gnédes prin. cipaux habitans lui présenta les clefs dans un
bassin d'argent et un voile de velours cramoisi en broderie et
crespine d'or aux arme~ de France et d'Angleterre. Le sieur
. du Run-Furic lui fit une belle harangue à laquelle comme à
tous les autres complimens, ayant r~spondu fort gracieuse
ment, Sadite Majesté entra dans la ville dont les rues estoient
tapissées, précédée de celte infanterie et suivie de la
cavalerie. Estant arrivée à la porte de l'église cathédrale de
Saint-Corentin, elle descendit de sa litière, et le voile que
quatre des principaux habitants portoyent devant elle fut mis
sur sa personne. Lors elle fut saluée du Prési. dial en corps (1)
par la bouche du sieur de Botilieau, président, en robe rouge,
et à l'entrée de l'église par l'évêque en habits pontificaux,
suivi de tout son clergé ·qui la conduisit au chœur sous un dé
de velours, et ayant assisté au Tc Deum, qui y fut chanté en.
musique, elle fut menér en la maison du marquis de Molac
qu'on lui avoit préparée.
« Elle y demeura jusques au cinqui~sme que Sadite Majesté
en partit sur les huit heures du matin, après avoir ouy dans
sa chambre la messe de l'Évesque de Corno.uaille, et fut suivie
des habiLans en armes qui ont toujours fait garde de sa porte
Courtarvel. Sébastien de Rosmad.ec, marquis de Molac, goU\'erneur de
Quimper et de Nantes, frère de Fi'ançois de Rosmadec, comte du
ChapelIer, qui avait été décapité en 1.û27 en même temps que son cousin,
le comte de Montmorency-Bouteville, .
(3) Ces déploiements de troupes étaient dans les habitudes de Quimper.
A l'entrée dans cette ville le 26 novembre ' l6i14- du gouverneur Sébastien
de Rosmadec, mal'quis de Molac, 200 gentilshommes et 800 habitants
étaient sous les armes.
(t) Les magistrats dn Présidial de Quimper étaient a cette époque Fran~ .
çois du Kergoet du Guilly, sénéchal, Nicolas Lynfinic de ::;aint-Ternel,
bailli. Yves de la Marche de Kerl'ors, lieutenant, Hervé Corre, Jacques de
Kerguen de Kernisy, Jacques Le Goavre de Kervélégan, Louis FroUo,
Guillaume L'Honoré de Kerradenec, Pierre L'Honoré, François de Jauré
guy de Kergodelès et François de Coetsquiriou, conseillers, Hervé
Glémarec de Kergonda, juge criminel, Jacques du Hatront, procureur du
Roi, Yves Le Baron de Kerufer, avocat du Roi, Jacques de la Garde,
greffier. (Reg. de la Chambre du Conseil, 1638-1650).
......-. --230 · " .
pendant: qu'elle a' de'meuré 'en leu'r 'ville, et conduite pal' la
noblesse jusques. à Rospordin, qui est à quatre·lieues.de là, et
par cest Évesque accompagné de l'Évesque ancien de Léon et
de quelques gentilshommes .jusques à Kimperlé, qui ·sont . les
bornes du diocèse, où elle coucha, ayant reçu les' rtiêmes
honneurs.
. « Le 6, elle se rendit à Henn~bont,où elle trouva le mar~
quis de Molac qui suivit Sadlte Majesté jusqu'à Nai1tes
avant fourni à ses dames d'honneur un carosseà six chevaux
près duquel s'assembloit tous jours la ilobless' e partout: où elle
a pas· sè, jusques à cette dernière viHe. :.' .;
. « Le 7, elle alla à Sainte-Anne _ suivie des évesq.ues deLéon
et de Rieux ('1); ce dernier rie l'. ayant point quittée depQis qu'il
ta fut trouver à . Brest.. Son dessein estoiLd'yfaii'e .ses dévo-:
t.ions, mais la lassitude l'ayant obligée à chercher.dlL repos,
elle .entra dans la maison des Carmes réformés qui la I;eçu,.;
rent à l'entrée du chœur, d'où a~'.arit baisé Je ,Crucifîx:que le
Prieur lui présenta, eIleJut conduite dans la chambre q,u: i .lui
avoit esté préparée où eIle disna. Elley "donnauriaccès ~i
libré à tous ceux ;qui la voul'urent voir,' que .tous furent ravis
d'ulle si grande bonté. Estant· desGentlùe dans 1'. ÉglIse bny
chanta ' Ie o1'e Deum et l'Ex~audiat, -pour remerèier ' ~Dieu de
l'avoir délivrée-des périls de Soti voyage. puis estant l~emontée
dans sa liLière, elle alla coucher à Vannes (2) ... ». .
Dans cette ville la Rei ne reçu t à peu près .Ies même::; hon-
rieurs qü'à Quimper ainsi que l'apprend çette note inscrite à
(-1) Hené de Rieux, éYêque de Léon, a "ait été en Iû33 pd vé de soh siège
donné à Robert Cupif. Rieux n'accepta. pas 'sa condarnnatioll qui fut revi
sée en 1.645. Cupif fut en '16!~S nommé évèque de .Doi et Rieux rede'\'int
évêq ne de Léon. ; . . '. .
(2) La « Confrérie rbyale de Sainte-Anne» avait été érigée par Mgr de
Rosmaclec, évêque de Vannes, le 4.5 févriér I61~1. Ull historien de Sairitd
Anne d'Am'ay rapporte que « l'inforlunée reine d'Anglelel'l'e, Henriette
Marie, tille de Henri IV, sœUl' de Louis XIII et épouse de Charles l e .', YOll
lut s'inscl'ire de sa. main en passant pal' Sainte-Anne aussi bien qlle sa
Jille Henrietle-Anne, duchesse d'Odéans )y. La Reine y inscl'ivit, en effet,
son nom'le fi août (Gazette du - 12 août), mais à cette date sa lille HenrleLLe
Anne n'avait qu'un mois el demi et elle était en Angleterre .
231 ...
la fin d'un registre capitulaire: « La Reyne d'Angleterre, :(iJJ~
de France, vint à Vannes de Breste, où elle descendit. le
7 aoùt 1644 pour aller aux eaux de Bourbon avec petittrein.
Elle fut reçeue avec tout honneur et applaudissement du
peuple. Elle fut reçeue à J'entrée de Saint-Pierre par l'Évesque
et conduite au chœur où le Te Deum fut chanté, la ville
en armes et les rues debvoient estre tapissées, le· canon et les
feux d'artifice faicts. Elle logea à l'archidiaconé deux jours,
visitée de tous et bien reçeue » (1). . .
' . Elle partit de Vannes le H « et alla diner à Mllsillac ou arriva
. en même temps le commandeur de . Souvray envoyé par
Leurs Majestés pour la complimenter et donner ordre à sa
conduite (2), et où estoit aussi peu auparavant · arrivé le
sieul' Krack qu'elle avoit envoyé en Cour pour donner avis
de son arrivée )l, . ., '
« Elle couc. ha à la Roché Bernard où elle fut complImentée
de. Ja part du baron de Pontchasteau (3) qui estoit fort malade
et qui,Iuy en voya un carqsse à six chevaux et quelques cou-
reurs pour sa suite. . . . . .
« Le10
elle fut traitée par les tlabitants de Nantes en un
lieu appelé Sautron (4), où la comtesse deChasteauneuf Il~i
présenta grand nombre de· dames qui l'esto)ent venues saluer
(-1) Arch. Morbihan, G. 301.. '
(2) Chéruel a pliblié (Lettres de Maz.arin, ,t. II, p. 20-2i) la lettre que le
'cardinal éCl'ivit à la Rëine à la nouvelle de ' son arrivée en Frànce ;
cette lettre est inexactement datée du 16 août. Le savant éditeur a cru à
tort que Souvré avait été charg'é d'aller chercher la Reine en Anglelerre
et de la ramener en Fr:l.llce et il propose de remplacer dans la relation
de Zuylichen le nom du commandeur Coulster par celui cIu coillmandeur
de Souvré. Le passage de Guy Aull'et reproduit ci-d.essus et la leUre
même cIü cardinal prou vent que la mission de Souyré près cIe la Reine ne
commença que le 9 aoüt. Jacques de Souvré (iûIQ-1ûjO), frère du
Maréchal de Fr:allce, fut commandeur de l'ordre de Malte, grand , prieur
cIe France, abbé commanda taire du Tréport, du Mont Sainl-Michel et de
Tonnerre. '
(3~ Charles de Cambout, marquis de Coislin, gouverneur de Heest. .
(4:) Sautron, Loire-Inférieure, arr. de Nantes, canton de la Chapelle-sur
Erdre: La comtesse de Châteauneuf était Catherine cIe Hosmadec, sœur
du gouverneur de Quimper et de Nantes, femme de Guy de Hieux, couite
de Châteauneuf. , .
-; - 232 .
'en dix ou douze canIsses, qui l'accompagnèrent jusques à
Nantes . où elle fut très magnifiquement reçeue, tant par le
grand nombre d'habitants qui estoient en armes, que par les
diverses harangues qui lui furent faites à son entrée, comme
vous avez desja sceu )),
« L'unziesme ayant disné à pontchasleau (' 1 ),elle alla
coucher au Maz, maison de ladite comtesse de Chasteauneuf,
laquelle fut deux Iieues au devant de Sadite Majesté avec trois
carosses et cinquante gentilhommes n. .
« Le 12, l'ancîen évesq:ue de Léon ·et le marquis de Molac
prirent congé d'elle pour se retirer. Mais la comtesse de
Chasteauneuf et plusieurs dames l'accompagnèrent jusques à
Mauves où elle disna pour aller coucher à Ensenis Il
- '(Guy Autret).
Ce paisible voyage et ces respectueuses réceptions dans
toutes l'es villes où elle entrait durent être singulièrement
agréables à la Reine qui depuis plusieurs années était dans son
propre royaume acca-blée d'outrages. L'Eikon Hasiliké, qui ·
s'il n'est pas une œuvre - originale de Charles 1
exprime du
moins ses sentiments, prête ces paroles au Roi: « Je suis
affligé que les liens qui l'attachent à moi aient été pour une
femme si mériLante une occasion de dangers et de peines. Les
qualités qu'elle possède l'eussent protégée parmi les sauvages
indiens dont la barbare grossièretéh'est point instruiLe
comme l'esprit raffiné de quelques homme. s à la haine de
toutes les vertus ... C'est pitié qu'une âme si noble et si pai
sible ait eu à contempler, et bien pis encore à subir, la
grossièreté de ces hommes qui ne peuvent couvrir feur injus-
. lice qu'au moyen de leur inhumanité et de leur impudence ... »
. Quelques jours avant qu'elle passât en France sa tête avait
été mise à prix par le comte d'Essex et pendant qu'elle fuyait
(1) La Gazelle paraît avoir intcl'Vcl'li l'ordl'e des étapes de la Heine.
Elle avait passé le·lO à Sautron, il est inYruisemblable qu'elle son revcnue
s.ur ses pas le 11 pour diner à Pontchâteau et coucher au Maz, près dt'
Savenay. ' . _
-,' 233 -
déguisée d'Ex'eter à Falmoulth, elle avait entendu les propos
effrayants des soldats qui la cherchaient. En Bretagne, au
contraire, elle fut accueillie comme la fille de Henri IV,
et on doit croire que les nombreux irlandais et anglais réfu-
giés dans la province se joignirent aux bretons pour lui faire
u ne pl us nilectueuse réception. , .
Le commandeur de Souvl~é et le cornette de ses gen
darmes, Kraff, . lui rapportaient des lettres du cardinal
Mazarin, pleines d'assul'ances de sympathie, qui n'étaient
peut-être pas très sincères. La Reine de France lui écrivait
des lettres amicales et venait de- nouveau en . aide à son
dénuement en lui expédiant 10.000 pistoles et le brevet d'une
pension mensuelle de 30.000 livres qui lui était attribuée
comme fille de France.
La ville de Nantes lui fit une réception plus solennelle que
les petites villes où elle s'était précédemment arrêtée. La
communauté de ville s'était réunie le 3 août pour en arrêter
tous les détails (1 j.qui sont longueme. nt racontés dans une lettre
datée du '1:2 août publiée dans La Gazette dèFTance. Henriette
était entrée à Nantes entre cinq et six heures du soir~ par la
porle Saint-Nicolas, saluée par toute l'artillerie de la ville et
du château. Christophe Juchault, seigneur du BloLlel'eau,
président en la chambre des Comptes lui avait adressé un
discours auquel La Gazette décerna les élog8s ordinaires.
« Le même jour, ajoute le jo, urnal, l'ambassadeui'extraordi
naire de Portugal qui attend icy la commodité de son retour
luy envoy~ dix bassins de vermeil doré pleins de senteurs,
'confitures et autres raretés de son pays ».
Ancenis où la Reine arriva le 13 août fut la dernière
« étape » de la Reine en Bretagne (2). Elle écr~vit tle cette
(1) Archives de Nantes, Hegistres AA. 25 et BB. 40. L'Inventaire
S011lf1wil'e (tome l, page 4() donne par erreur le 26 août comme date . de
l'entrée de la Heine.
(2) Elle se rendit aux eaux de Bourbon en passant pal' Angers, Tours,
Amboise, Orléans et Nevers. .
- 234 '"'
ville à sori mari pourlui donner des nouve'lIes de , son Yo.yagé.
Il est vraisemblable qu'elle lui avait antél'ieurement adressé
d'autres -lettres. pour .raconter sa traversée et son départ de
Brest, mais ces lettres n'ont malheureusement pas été con-
servées., Celle du 13 aoùt montre que le voya' ge avait beaucoup
" fatigué]a fugitive, à peine remise de ses couchés récentes:
, . « Mon cher Cœur,
, . (i Cette Jettre yous fera savoir qu'après beaucoup de peines,
Je suis, arrivée en ce lieu qui est entre Nantes et Ange~'s; où
fay esté forcée de demeurer aujoUl~d'hui, ayant eu la fiebvre
totit hier et cette nuit. A cette heure elle m'a quittée, mais
j'espère qu.'elle n'est qu'accidentelle et callsée par le mal qui
m'est' venu au seing et aussy qu'elle me peut faire du bien à '
mon vieux mal, qui continue toujours autant que jamais. Les
'médedns qu~ j'avois envoyé quérir à Paris sont arrives; :ie
ne sais pas encore s'ils m'ordonneront d'aller aux eaux et
' bains. Il y i:l encol'e dix journées' d'icy et j'en ai desjà fait
'douze. Jermyn est allé à Paris, je l'attends tous les jours; , à
son retour il vous escrira plus amplement. Je vous dirày que
'j'ay esté receue partout avec tant d'honneurs et tant de tesmoi-
gnages d'affection par tout le ' monde depuis le plus grand ,
jùsques au plus petit que cela n'est pas pour estre imaginé:
je crois que vous en serez bien ayse.
( Adieu mon cher Cœur .
, ( Ancenis, ce3jt3 Aout 1644)) (1).
,Sept jours pl us tard dans une lettre écrite d'Amboise, ]a
Reine se louait encore de la bonne réception qui lu i était fait~.
,( Je suis si bien traitée partout, que si Messieurs de Londres
le voyoient, je crois que cela leur ferait de la peine ... ))
Les lettres de la Reine sont généralement très sèches: sauf
la suscription ou la formule « Mon cher Cœur li, il est très
rare d'y trouver des paroles de tendresse à l'égard de son
(4) BAILLON, Henriette de France ... p. 513 .
_. 235 - ,
marÏabsenL ' On ' peu t citer com me très exceptionnel ce'- 'pas~
sage d'une lettre qu'elle écrivit à Nevers, le 4 octobre, en reve-
nant de Boui~bon à Paris: « Encore que je sois bien trait€8
icy, cela· ne m'empêchera pas de désirer de ,retourner en
Angleterre ;j'ay. là ce que je n'ai pas ici,quiest t1OUS, sans
Lequel je ne puis être heureuse et céoisque .le n'auray jamafs
de :~anté que-ne vous revoye ». ' , ' :
Quand Henriette de France écrivait au Roi ce · n'était pas
pour se livrer à des effusions sentimentales, mais elle lui
fournissait des };enseigneI11erits sùr tout ce qu'elle faisait en
France pour soutenil' sa . cause: ses lettres sont pleinesdê
longs et minutiéux: récits de ses entrevues avec Mazarin et- de
ses négociations avec le duc 'de Lorraine et les délég- ués Irlan-
dais. Ce sont des lettres d'affaires écrites d'ans un style' viriL
Très différeiites sontles lettres d'u RoitùHjours empreintés de
tendresse et d'aUection en mème temps que de d-éférènce à
l'égard de ]a femme dont il admirait, sâns p 'ouvoil"l'imiter, la
t'cnace énergie. Il ' lui écrivait, pat eX' emple, en , 164:5 :
« Combien ma femme m"est , plus chère que ne l'était: ma
fiancée ... ~. Comme je t'aime plus qùe tout autre chose en ce
monde et que mon contentement est inséparable dutie'n, tou
tes mes acticinsne doivent-elles pas tendre à te servir et à te
plaire ?: .. Cl~ois-moi, ma bien-aimée, ta tendresse est aussi
nécéss~dre pour réconfol~ter mon CJBuT que ton secours ' pour
aider mes affa:ires ll. :. " " : ' . ' -
, -On sait que la lutte désespérée soutenue 'pendant cinq ans
encore pal' Charles 1
fut inutile - ("1649) ' et que les deux
époux ne devaient plus se revoir.
Hentielte de France ne revjntjamais enBreLagne; son' fils
ie prêl.èndant Chartes II paraît avoir passé q'uelques joùrs à
Saint-Malo . a ,umois d'aoùt '16iJ9 lorsqu'il suivit les côtes de
la Mancpe, tout prêt à se rendre : e .n Angleterre, si la prise
- , 236 "_
d'armes du chevalier Booth obtenait quelque succès; mais les
royalistes furent battus près de Chester et Charles II rejoignit
tristement la Cour de France. Si l'on en croit l'abbé Manet,
le peu véridique chroniqueur malouin, le jeune prince ne fut
pas à Saint-Malo complètement absorbé pal' les préoccupa
tions que lui donnait la tentative du chevalier Booth; il eut
de plus aimables sou cis, mais le succès n'en fut pas plus
heureux. Une malouine, raconte Manet, « Mlle Lelarge, fille
d'une excellente beauté, répondit par un vigoureux
soufIlet a u monarque ang.lais, Charles II, qui s'étoit hasardé
à lui faire une déclaration d'amour en nos murs où il atten-
doit incognito son rétablissement sur le trône de ses pères.
Une tradition très fondée parmi nous porte qU. e ce prince,
rentré en possession de ses États, fit plusieurs fois témoi
gner à notre jeune malouine les sentimenls d'estime que
sa vertu lui avoit inspirés ». (1)
De nombreux partisans des ' Stu~rts étaient réfugiés en .
~retagne, particulièrement à Nantes, à Saint-Malo et à
Morlaix. Dans cette dernière ville résida pendant quelque
temps en 1646, le secrétaive du prince de Galles, Thomas
Fanshawe, et on trouve à la même époque dans les registres
pal'Oi~siaux des mentions de lord Janson, de lord Shirley, de
. lady Dafnev-an, de François Fynes que son acte de sépulture
en l'église Saint-Melaine qualifie ainsi: « fils de très illustre
Jean Fynes, milord d'Ayes et pair d'Angleterre, bon catholi
. que, apostolique et romain, qui a quitté son pays d'Angleterre
et s'est réfugié en cette ville à çause d .es persécutions des
huguenots et a laissé tout son bien pour la foy » (2) .
Marie Shirley, fille d'un autre réfugié de Morlaix, devait
être une des amies de la Reine, car celle-ci alla assister à sa
profession dans le couvent des religieuses du Calvaire du
Marais (Paris); Henriet, te de France lui donna le yoile et
(t) Manet, Biographie des Malollills célèbres, Saint-Malo, 1824, in-8°, p. t7 .
(2) Archives de Morlaix, registres de Saint·Melaine, acte du 8 avril tM6.
- Dans ces actes les noms anglais sont très incol'l'ectemen t reproduits
231
accomplit toutes les cérémonies que la prieure a coutume de
faire (· 1). La Reine, qui avait toujours été très pieuse, vécut à
Pâris très entourée de religieux et de religieuses: elle s'inté-
ressait aux communautés et usait du crédit dont elle jouissait
près du Roi, son neveu, pour leur rendre quelques services .
Lorsque les mères Claude de Krrouartz et Jeanne Cheville,
religieuses Ursulines de Tréguier, voulurent fonder une
maison de leur ordre à Quimperlé, elle obtint que Louis XIV
écrivit le 28 février 16:52 aux officiers et habitants pour les
inviter à donner leur consentement à l'établissement · du
nouveau couvent (2).
La Bretagne n'oubliait pas la Reine et,. malgré les embarras
financiers où se trouvait la province, les · Etats de Bretagne
lui firent; le 6 décembre 16:57, un présent de 20.000 livres (3).
De son côté Henriette de France n'oublia pas la bonne récep-
maire · de Quimper, à son entréé dans la ville lui avait
adressé une très longue harangue qu'elle avait patiemmen t
écoutée : bien plus elle déclara « que Quimper était le
royaume de l'Eloquence française et l'orateur le roi de
l'Eloquence », et elle demanda une copie du discours qu'elle
fil imprimer à Paris « à la gloire de son orateur ». Ces éloges
cOIüblèr~nt d'aise Furie du Run et le consolèrent un peu du
(1) Gazette de France, 30 décembre f644. La Gazelle du 10 décembre
annonçait quela Reine avait entendu aux capucins de la rue Saint·Honoré
le P. Joseph de MOI'laix, provincial des capucins de Bretagne, et qu'elle
l'avait choisi pour prêcher l'Avent devant elle au LouVI'e ... EUe avait un
agent en Bretagne, Jean HoU, marchand anglais à Nantes; le Roi ordonna
en 1650 au Maréchal de la Meilleraye de le protégel' (Archives des Affaires
Etrangères, France, vol. 1507, fol. 284).
(2) AUDIlAN, Fondation des Ursulines de Quimperlé dans Bulletin de ICI
Société Archéologique du Finistère. t. VII (-1878), p. 34.
(3) Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 2656. A la même époque les Etats accor·
dèrent plusieurs fois des secours auX. tl\'êques et a u x prêtres anglais et
irlandais réfugiés en Bretagne. .
(4) Sur ce personnage voir LEVOT, Biographie Bretonne, I. 750; KEIlDANET,
Vie des Saints, d'Albert Le Grand, p. 750, et Cte DE Ros~roRf){tc, .
Guy Autl'et.
" '238 _ .
dédain de ses compa triotes; il' fit réimprimer soo' œuvre
à Quimper et la fit suivrede·ce commentaire :' « Et cependant,
à Quimper, on ·doute s'il est éloquent ou' s'il est estranger en
ceste: langue · ; et des gens qui ne scaveot pas mettre trois
mots ensemble de bonne grâce se veulent faire juges de ' la
plus belle et délicate façon ge parler qui soit (peut estre) en '
uSÇl:gedans la province. Sa conduite est 'pleine d'honneur,
d'esprit et de civilité, et cependant il ne · peut eschapRer à la
censure de ses 'envieux. D'où l'on conclud que c'est u:n ;gr~nd
malheur à un , homme poly de vivre parmi des ·gens qui ne le
sont pas » (1).
. ' . HenrietLB de France avait défendü 'l'éloquence de Fùric
contre ,ses compatl'ioJes; elle voulut' aussi défendre Ici l'épu-:- '
tation de ' Quimper: Corentinc. ontre les coul'tisans __ , c'était
une-' meilleure cause filais aussi :difficile ' à soutenir.'
Les mémoires ' de Mme de ·Motteville nous . 'apprennent
que ,la Reine . cDnservait , ainsi un durable ' souvenir des
'étapes · de , son voyage :enBretagne. Neuf ou dix ans .après
son retour de I,a Fl'ance, à la fin dela Fronde, quelques con-
seillers ' au Parlement de 'Paris ayant · , été exilés par la
1 . 'Régente « un d'eux fît pitié à toute la compagnie à cause qu'il
1 allait à Quimper-Corentin; en Basse-Bretagne, parce 'que 'les
cl)oses: qui ne se . connaissent · point s' ont
pour l'ordinaire,
jugées-ou plus mauvaises ou meilleures qu'elles ne le sont.
Au retour du Louvre, avant que de me retirer en mon appar
tel'ùenfdll,Palais-Royal, j'allai rendre mes devoirs à la Reine
d'Angleterre. Je lui contai l'histoire du jour. Elle m e
fit l'honneur de me direèn se moquant de moi que
Quimper-Col'entin était le plus agréable séjour du' monde (2) .
Elle y avait passé en venant d'Angleterre en France, et m'en
(i) Cité par LE VOT , Histoire de Bres!, Bre~t 186lt , in-12, tome l ,
pages 'ÏÛ!)~HO. .'
, (2) ()n doit remarquer qu'elle n'y avait séjourné que pendant quarante
hUit heures. ' . . . ' . . .
1 1 1
.. 239
fit une si belle description, tant de sa situation que de la
bonne compagnie qu'elle y avai t vue, qu'elle me fit quasi . .
estimer,heureuse la destinée de l'exilé, ce qui me fit conclure
avec le poële italien ': . . '. . , " . i
Ch.' a valent huomo ogni pae se e patrta. )) (1) '.
H. BOURDE DE LA ROGERIE.
0) L'honnête homme trouve eu tous pays sa . patrie . .....,. Mémoires de
Madame de Motteville, p. 364.
302
DEUXIE E PARTIE
Table des Mémoires et Documents publiés en 1910
PaO"es
r. DocumenLs sur- te-- Ca- p-Sizun. ' 1. Lettre de
III.
M. Le Gçtllo, curé de l'île, 17'14, par 1\'1. DANIEL
BERNAR.D; ......... " ............. :.. .... 3
Le Cap-Sizun (suiLe): La Morue du Raz de Fon- "
tenay, par M. H. LE CARGUET ... .... , ," ... ,.: 8
Qpelques .testaments des ' XVe et XVIe siècles "
(Arc,hives de l'Hôpital de,l\1orlaix), par·M. JEAN ' "
l\1ARZIN. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1 V. Episodes et anecdotes (4
série). Quelques ,
types de plaideuses en Basse-Bretagne au
. XVIIIe siècle, par M. l'abbé ANTOINE FAVÉ. .... 65
V. Eglise de Sizun et ses annexes (petite monogra-
. phie), par 1\'1. le Chanoine J.-M. ABGRALL ..... . 128
VI. Note sur une ancienne ' bannière conservée
VII.
VIII.
(lans J'église. de Taulé, par M. H. BOURDE DE
LA ROGERIE.. .. ...................... .... ... 139
Note sur trois vieilles pierres trouvées à
Carllaix, par M. E. CHARBONNIER .... ... ' ....... "
Etudes sur le Cap-Sizun. -- III. A propos de la
c- hapelle de Monsieur Sainct-They, en Cléden-
Cap-Sizun, par l'IL DANIEL BERNARD .......... .
Eglises et Chapelles du FinisLère (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXIV, XXXVI).
Doyennés de Cbâteaulin (fin), Crozon, Le Faou,
Le Huelgoat, Pleyben, par M. le cbanoine
143
145
PEYRON. . . . . . . . . . . . . .. o 16'1, 292,
Notes sur Cbâleauneuf-du.,.Faou et ses environs
. pendant les guerres de la Ligue, par M. RAY-
MOND DELAPORTE.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
Xl. Les peinLures de la voûLe du chœur dans l'église
de Pouldavid, par Douarnenez, par M. le cha-
noine J.-M. ABGRALL. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
XII. Voyage d'Henrielte de France, reine d'Angle-
t.erre, en Bretagne (1644), par M. H. BOURDE
DE LA ROG ERIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
XIII. Une ardoise gravée trouvée dans un monument
mégalithique de l'île de Groix, par M. A.
MAR'rIN (planches).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
XIV. LisLe des JuridîcLions exercées au XVIIe et au
XVIIIe siècles dans le ressort du Présidial de
Quimper (1 el' arlicle : sénéchaussées de Brest
et de Carhaix), par M. H. BOUHDE DE LA ROGERIE. 248
FIN -'
Imprimerie -;0 TONNEe, LEPR!fI!CE. Suce. - Quior.fJe,