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Société Archéologique du Finistère - SAF 1910 tome 37 - Pages 145 à 160
III. ~Apropos dela Chapelle de Monsieur
Sainet-They, en Cléden-Cap-Sizun
Notre confrère, M. Le Carguet a déjà publié sur cette
Chapelles deux intéressan.tes études (1). Celle que nous
dohnons aujourd'hui a tout simplement pour objet d'ajouter
quelques renseignements à l'aide de documents extraits des
Archives départementales.
En 1612, la Chapelle était devenue insuffisante et il fut
jugé utile de démolir le pignon oriental. Les troubles de la
Ligue avaient sans doute empêché les paroissiens de Cléden,
et surtout les ( Potred ar Gornok », de s'occuper plus tôt de
la Chapelle de leur patron vénéré, le « Bon Saint They' ». La
tradition affirme que la Fontenelle et ses partisans firent de
fréquentes incursions dans ces parages; elle les accuse
même d'avoir volé la croix d'or de l'Eglise de Cléden, et
d'avoir établi un de leurs repaires au Castel-Meur. C'est pro
bablement ce qui fit dire à un Dr L ... , professeur agrégé
libre de la Faculté de Médecine de Paris, visitant cette région
vers 1843 : « Le Camp (de Castel-meur) était l'une de ses
places d'armes (2). De là il se lançait à la tête de ses bandits
sur les bourgs, sur les châteaux fortifiés, sur les villes
murées de la Cornouaille. Son camp lui offrait une retraite .
assurée lorsqu'il se trouvait trop pressé par ses ennemis ...
Et plus haut, parlant du pardon ~e Saint-They, il écrivait:
« Au moment de notre arrivée, la cloche tintait l'office du
(1.) Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, t. XXX et XXXII.
(2) A la Fontenelle.
BULLETIN DE LA Soclin~ ARGItÉO . ' TOME XXX VI (Mémoires 10)
SDIr. Réunis dans des groupes nombreux, les fidèles, en
attendant vêpres, se livraient à des conversations tr, anquilles ;
de longues files d'hommes et de femmes, qu'attirait le son de
Ja cloche, suivaient, dans des directions convergentes à la
Chapelle, des sentiers qu'on n'apercevait pas. Vous eussiez
dit des processions cheminant à travers champs dans un
religieux recueillement. Sur le placître et dans toute la
plaine, pas un seul jeu, pas un divertissement profane; mais,
ce qui me paraissait bien plus merveilleux encore dans une
Assemblée de Basse-Bretagne, pas un buveur, pas une
guinguette! ... » ('1). .
La reconstrucliondu pignon' de la ChapeHe donna lieu à
un procès de pl~ééminences devant le présidial de Quimper,
entre écuyer Jacques de Saludem, seigneut' de I);azan et Mr
Morice du Rusquec, seigneur dudit lieu, I>engar, Lannoan,
. etc., ce dernier se ' plaignant « qu'on avoit fait novalité en la
Chapelle de Saint-Hily (sic) ou Saint-They».
Une enquête fut ordonnée et conduite les 24 et 25 septembre
'16Hi, par le Sénéchal de Cornouaille, René Mocam, écuyer,
sieur du Pérennou, et François Bougeant, commis greffier
civil. Vers 1576, nous dit le Chanoine Moreau, Maître Jacques
Mocam, procureur du Roi de Quimper, .« requis que defIenses
furent faites aux habitants voisins du camp romain de '
. Treguer, d'en démolir les murailles qui avaient encore à
cette époque trois toises de haut » (:2) .
Et le 26 juin 1618, le même René Mocam venait encore à
Cléden vérifier les prééminences de la ' maison de I);azan, en
l'église paroissiale,
Il est à présumer que Jacques de Saludem de I~azan était
très jaloux de ses droits honorifiques. Car en ' 1636, il était
encore en procès avec M. de Kéridiern pour le' même motif.
(i) Revue de l'Armorique, t. II, i8!~3, ' p. 204 : Excursion dans la presqu'He
. du Cap ." ' .
(2) Hisloire de la Ligue en Bretagne. .
- l47 . .
Toujours est-ii que l'enquête de 1616 fut d'abord exécutee
aux environs de'la Chapelle et ensuite au bourg de Cléden.
Voici les prîncipales dépositions recueillies:
«( Noble homme Michel Le Doulcic, demeurant au Village
de Troloan, parroisse d'Esquibien et agé de soixante douze
ans ou environ comme il dit; thémoin jure par son serment
de dire vérité, purgé de conseil, affection et sollicitation requis
sur les faicts dudit Sieur de I);azan contre le dit Sieur du
Rusquec, dépose cognoistre les parties au procès et il voir
remarqué puis les six ans derniers, les armes dudit deffendeur
qui sont (( d'OT à trois fleurs de lictz et mollette de gueule )}
en une chapelle estante au costé de l'espittre en l'enclos du
cœur de la Chapelle Monsieur Sainct Hey sittué en ceste
parroisse de Clérten-Cap-Siun et oultre ung escusson en bosse
et pierre au pignon méridional de la dicte Chappelle, dict que
lorsqu'on construict ung nouveau 'pignon oriental et qu'on
agrandit la dicte Chappelle de Monsieur ' Sainct Hey, ledict
defIendeur fist apposer ses armes audict nouveau pignon et
na ouy dire qu'ileust esté opposé de personne dict dayantaige
que lors qu'on fist l'enclos du cimetière de la diqte Chappelle
de Sainct Hey, le Sieur de l~losquet ageant du dict deman-
deur (1) fist mettre les armes d'icelluy demandeur au hault
, du portal princippalle dudict cimettière, mais ne scait quy ,Y
fist mettre celles du deffendeur} et est tout ce qu'il di ct
scavOIr )).
Jehan Archan, marinier, demeurant au villaige de Trosen t,
parroisse de Cléclen-Cap-Siun, aagé c1 ~environ quatre vingt
, cinq ans comme il c1ict.
. . . Dépose a voir en tout temps remarqué les armes de la
maison de l~azan en la vittre de la Cilappelle Madame Saincte
(1) Le demandeur est l\laurice du Rllsquec, le derendeur M. de Kerazan
....... 148 -
Barbe sittué du costé de Lévangille de la Chappelle Monsieur
Sainct They; dict ne scavoir qui! y ait aucun seigneur quy
prétende droict aux villaiges de I }uret et de Kguiochque le
déffendeur, mais que au villaige de I~ninon Yvon , Le Foll du
bourg Daudiernne a la moytié depuis peu de temps et pour le
regard du villaige de T1'oke1' ne scait si le deffendeur y a
, auchun droit bien dict avoir ouy par bruict commun, que les
débtanteurs du villaige de I { uret , profIltent la montaigne
nommé Ros-bannier . en laquelle est sittué la Chappelle de
Sainct Rey et y couppent des mottes aussy bien que ceux du
villaige de Troke1' et est tout ce qui! dict scavoir. c
Yvon Le Bourdon, laboureur de terre dRmeurant au villaige
de Lesanquel, en Cléden, agé denviron cinquante ans .
, '" Dépose que 'la première mention qu'il a veu faire des
prééminences en la Cha ppelle de Monsieur Sainct They sittué .
en la pa!Toisse de Cléden, fust trois ans sont lorsquon
desmollict le vieux pignon oriental de la Chappelle auquel
temps Simon Michellet, son cousin, estoit fabricque d'icelle
et aînsin quant le dict' Simon s'absantoit du pais, il ,alloit à sa
requeste voir travailler les oupvriers quy y estoit à faire la
dicte démolition qu'à resbatir et agrandir la dicte Chappelle,
et à certain jour, comme Daniel Filly, masson, hostoit la
'vittre du vieux pignon y remarqua entre autre un escusson'
où y avoict trois fleurs de lictz et une roue desperon rouge
sur une vistre jaune ainsin que ce parlant le describe et
disoint tous les assistants les dictes armes appartenoict au
dict deffendeur et estant la dite viUre descandue fuct mise en
la chambre quy est auprés de la Chappelle où elle est encore
à presant, dit le seavoir pour l'avoir veue dimanche dernier,
dict avoir ouy dire que depuis six ans on ayoict mis des
armes au hault du portal du cimettière de la Chappelle mais
ne les avoir remarqué,ny à quy ils appartenoict comme aussy,
il ne scait sy aultres prétandent droit aux villaiges de ~guioch
et ~uret que le defiendeur .. : et pour le re"ard dil villaige
149 -
de Troker ne scaH quel droict le· deffendeur y prétand ~l ce
nest un droict qu'il y lève qu'on appelle « droict de gasteau )J
Jean Sinquin, meulnier, demeurant au moulin 'du manoir
de &haro, p.n Cléden, agé de quatre vingtz ans, dépose que
vingt ans sont ou environ il a veu en la vittre de la Chappelle
de Saincte Barbe estante du costé méridional de la Chappelle
de Sainct They, trois fleurs de lys et une roue desperon quon
disoict estre les armes cl u defIendeur; ne se souvient de la
couleur des fleurs de lys et roue desperon ni de les avoir veu·
au hauIt dù portal du cimettière deux escussons dont l'un 'est
efIaczé quon dict estre les armes du demandeur quy y auroit
esté mis à la sollicittation du Sieur de I):losquet son ageant,
en faveur de vingt solz qu'il bailla aux oupvriers lors qu'on
fist bastir l'enclos du cimettière a ce qu'il a ouy dire par les
oupvriers. Oultre dict avoir ouy que la Chappe'IIe est fondée
en la terr~ de Pratauras; dict avoir veu les hommes des
villaiges de Troker et de ~uret, mottoyer en la montagne de
Ros-bannier en laquelle la Chappelle est sittuée.
Yvon 1}loch, mariniér, demeurant au villaige de &ninon, .
, et Yvon Le Carval, maréchal, demeurant au villaige de
Trevennan, en Cléden, font des dépositions analogues aux
précédentes.
Missire Eutroppe Carval) pbre, demeurant au villaige de
~vo (ou 1>no) agé d'e:lviron cinquante deux ans, dépose que
dimanche dernier apprès l'office le defIendeur estant en la
Chappelle d, e Monsieur Sainct They, demanda où on avait
mis les armes et vistraiges quon avoit hostés de· la viUre q· uy
estoit antérieurement au vieux pignon oriental de la Chappelle
desmoly depuis les trois ans sont ou environ, et sur ce, Yvon
Le Bourdon tira de la chambre quy est auprés de la Chappelle,
la dicte vittre en laquelle il y avoit seulement un escusson
des armes du defIendeur quy porte (( d'or à trois fleuTS de
tiz et mollette de gueule )), et avoir ainsin de tout temps veu ·
- 150-
ladicte vittre avant la démolition du vieux pi'gnon mais ne les
avoir remarqué ailleurs en la dicte Chappelle de Sainct They,
et est tout ce qùil dit scavoir . .
Pierre Le Goff, marinier, demeurant au villaige de Tréo
rénec, en Cléden, âgé d'environ quarante cinq ans. .. dépose
que avant la' démolition du vieux p 'ignon de la Chappelle de
Sainct Hey, du bout oriental d'icelle, et « depuis la paix Il il
a remarqué en la vittre quy estoit au vieux pignon les armes
du dict déffendeur ...
, Lorans TroguenoUl~, marinier au villaige de 1>no confirme ·
la déposition précédente.
Damoiselle Marguerite :&ydiern, dame douairière de Loc-
quéran, demeurant au villaige de Kno, parroisse de Cléden-
Cap-Sizun, âgé de quatre vingts ans, ou environ, dépose avoir
ouy dire que au temps passé, les seigneurs d~ Rusquec
avoient des armes en l'esglise ou chappelle de Sainct Hey .
mais ne les avoir veux; bien a veu en une Chappelle à coUé
de la dicte esglise de Sainet Hey les armes du Sieur de 1>azan
quy sont trois fleurs de lh et moLette de gueule . .. dict que
les p;irties respectivement ont des terres aux environs de la
Chapelle mais ne scavoir a quy est la terre ou elle est bastie
ou construite et est tout ce qu'elle dict sea voir sur les faicts
et sa déposition luy leue la affirme contenir vérité et (c ne
seavOlrslgner )l. '
Véllërable personne Missire Hervé Jahouen, pbre et euré de
ceste parroisse de Cléden, demeurant au . bourg parroissial
d'icelle, âgée d'environ cinquante huit ans, dépose que trois
ans dont il est curé de ceste parroisse, et depuis ce temps
avoir remarqué les armes du deffendeur en la ma'jstres~e
,. vitre du vieux pignon de la Chapelle de M. Saint They,
... aussy veu au haut du portal du cimettière deux éscussons :
scavoir celuy devers midy au defIendeur et celuy du costé du
septentrion ' au demandeur picqué et effaczé, ne scait par
151
quy."
Yvon Kermabiou, laboureur de terre au village de ~loch, .
âgé de trente ans, Marie Michellet veuve de Nicolas le Nor-
ruant du village de ~uret, Missire Simon Belbuch, . pbre,
. demeurant au village de I)carn-an-melin, Michel ~loch, labou-
reur de terre du village de ~ninon, en Clédeh-Cap-Sizun,
Maryp. ~Ioch veuve de Jean I}rogel de I}ninon, Jeanne I}ochel
veuve de Pierre Normant de I~ninon, font des dépositions qui
n'ajoutent aucun détail intéressant aux déclarations précé-
dentes.
Enfin Marie Choariel, femme Guillaume Cozie, pêcheur du
village de Troker, dépose que les détenteurs de terres aux
villages environnant la Chapelle de Sainct They, devaient .
respectivement un comble de blé aux seigneurs de I§az~n, du
Rusquec et de ~haro (1). .
III .
Nous allons donner quelques renseignements sur les parties
engagées au procès, ainsi qtJe sur' quelques témoins entendus;
ensuite nous rechercherons quelles étaient les possessions
des seigneurs de I~azan et du Rusquec aux villages qui entou-
rent la chapelle de Saint-They . .
Jacques . de Saludern, seigneur de I}azan, Mescran,
Le Costy, etc., était fils de Michel et d'Hélène Le 'Vestie. Il
épousa le 1
février 1612, Marguerite du Liscoet, 4
fille de
Mef:sire François du Liscoet et de Bonaventure Flé, seigneur
et dame de Coetnempren en Tréillaouénan. .
Jacqu'es de Saludem mourut vers 16Dl; sa femme fut
enterrée au couvent des Ursulines de Quimper (2).
La famille d'lI Rusquec est originaire du manoit de ce nom,
en Loq~effret, célèbre surtou t par sa superbe vasque mono-
(1) Archives du Finistère. E. 840. Fonds Tréanna. . .
(2) Nous donnerons de ·plus amples. détails sur les possesseurs de la
terre de Kerazan dans une Etude que nous préparons sUl:· .cettè seiglleurie.
-, 152 -"- '
Iithe mesurant près de 4 mètres de diamètre.
Jacques du Rusquec qui épousa Jeanne de Lézouzar, tille
de Rolland de Lézouzar de Pratanraz, fut tué à Tréguier en
1;)90. II eut un fils, Maurice 'dont il est question dans l'en
quête ci-dessus et une fille, Jeanne qui fut mariée à René
1 de Kerlec'h et mourut vers le mois d'août '1625. A la mort de
leur mère Suzanne de Carné, en 1;)9;), ils furent placés sous
la tutelle du sieur du Quélennec, de Charles de Goasvennou
et d'Alain de Kerloaguen ('1) .
Maurice du Rusquec épousa Mauricette du Châtel fille de
François du Châtel de Chat.eaugal et de Marie de Kéroulas,
immortalisée par un chant du Barzaz-Breiz « L'héritière de
Keroulas )). Il mourut le 2;) avril ' 162;), el sa veuve se remaria,
en 1626, a Jacques Visdelou, seigneur de Délien et du Hi/le-
guit. Elle mourut sans enfants, en 1627 et fut enterrée en
l'église des pères cordeliers de Quimper. Dans son testa men t
daté du 8 aotît de l'année de sa mort, au Hilleguit en Plogas-
tel Saint-Germain, elle « hypothèque ses immeubles au paye-
ment d'une rent de soixante li.vres aux pères cordeliers de
Quimper, afin qU'lIs prient Dieu pour son âme, et règue une
rente de pareille somme « au collège des pères Jésuites qui
se bastit en la ville de Quimper-Corentin et enfin une autre
rente de douze livres aux Ursulines de la même ville)) (2).
Charles de Goasvennou , institué · tuteur le 4 août 1597,
mourut le 12 mars 1600. Dans son compte de tutelle, « il
demande ' d'être excllzé de faire charge des rantes et revenus
en entiers des terres, seig'neuries et convenants et moulins et
dépendances, appartenances au dit sieur du Rusquec, d'autant
que les métayers, colons et fermiers des dites terres avaient
pour la plupart quitté ou abandonné les dites terres et conve
nants,s'étant retirés du païs, la plus grande part, autrf~S
(i) Archives du Finistère. E. iO.
(2) Gast.on de Carné: , f l'Héritière de Keroulas )J. Revue historique de
J'Ouest. 3* Anné~l 1887, page {9. _ ,
153
morts de famine, postilance et férocité de loups, autres deve-
nus insolvables et réd~its en telle extrémité et pauvreté qu'ils
n'avoient le pouvoir de payer aucune chose, le tout par le
malheur des guerres civiles et maladies contagieuses qui ont
eu cours au temps de la dite charge et en précédant,. non seu
lement en ces quartiers, mais aussi par toute la province,
tellement que les terres et convenants de cet esyéché avoient
été pour la pJus grande part entièrement délaissé en friche et
sans aucune culture, voire même plus de quatre ans après le
finissement de la dite charge, chose si notoire que le deman-
deur ne peut ignorer (1). .
Le . 26 juin 169ti, la dame douairière du Rusquec (Suzanne
de Carné) obtint u'ne sauvegarde du Duc de Mercoeur 'et cette
sauvegarde fut étendue à son . fils par le même Düc de
Mercoeur et par la Fontenelle, gouverneur de l'Ile~Guyon,
en 1ti97. .
Le ti Décembre 1608, la chambre des comptes de Bretagne
rendit un arrêt portant délai à Maurice du Rusquec pour
fournir aveu au Roi, fondé sur l'allégation de perte de titres
et renseignements, durant les troubles. de la Ligue (2).
Le manoir du Rusquec était située au milieu des bois, non
loin de la belle chapelle de Saint-Herbot. Les batiments du
manoir comprenant un grand corps de logis à deux longères
de ti7 pieds, une chapelle, une maison à four, des écuries etc.
et les dépendances, cour, basse-cour, jardin, s, vergers, occu-
paient une superficie de six journaux de terre enclos entière-
ment de murailles. Non loin se trouvait un vaste colombier.
Tous ces batirnents sont actuellement en ruines (3).
Mais ces débris d'une splendeur passée, ajoutés au pittores-
(1) Archives du Finistère. E. 844.
(2) Voir le texte de ces différentes pièces au Tome IX du Bulletin de la
Société Archéologique du Finistère pages 128 à 132.
(3) On peut lire Une poéti lue description du Rusquec et de ses environs
dans le roman de Ch. Le Goffic : « L'Erreur de Frorence )J. Paris
A. HATIER. i904. '
154
que du lieu où ils se trouvent, arrêtent et intéressent encore.
. vivement le touriste:
Et devant mes yeux un chateau gothique,
A ux pignons aigus ornés de fleurons,
Ouvrait largement son portail gothique
Qui, depuis longtemps n'a vantaux ni gonds.
La vigne sauvage el la clématite
Pendent aux créneaux des murs de granit ;
Sur le toit croulant qu'un fermier habite
Un beau genet d'or se penche et frémit » .
J. Rou SSE: Le e hâteau du Rusquee. Chansons bretonnes.
Noble homme Michel Le Doulcic, ou le Doulce, était issu '
d'une vieille famille d'Esquibien qui avait été possession née
des manoirs de Kermabon et de Kerouarné en . cette paroisse .
Yvon Le Doulce parut à la montre de 1481 comme noble
d'E~quibien (1). En 1540, Alain le Doulcyc et Jacquette de
Tremyc, sa femme, étaient seigneur et Dame de Kerouarné
et possédaient en outre le manoir de Kergatouarn en Beuzec-
Cap Sizùn. Yves et Guillaume Le Doulce se trouvèrent mêlés
à l'affaire du « coup de Jarnac)) arrivé à la foire de-Saint-
Corentin, à Quimper le 11 décembre 1551. Ils demeuraient
en la tour du chastel. Le fief de Kermabon passa à la famille
de Rospiec par suite du mariage de Jean de Rospiec, avec
Marie Le Doulce. Cette dernière épousa, en secondes noces,
le 4 août 15ï4, écuyer François de la Tour de qui elle n'eut
pas d'enfants . .
La famille Le Doulce s'est également alliée aux Rougeart
de Locquéran en Plouhinec.
Nous empruntons quelques renseignements sur cette
(1) Freminville. Antiquités du Finistère, 2' partie. Cet Yvon Le Doulee
ayait épousé en i41f2, Marguerite Tréouret :liUle puinée de Louis et de
Marie Buzic, seigneur et Dame du dit lieu. Ceux-ci assuraient à leur fille
la jouissance de 4 livres iD sols .de rente, plus les cheffrentes dûs sur les
villages de Trémarc'ha, en Esquibien (3 raz froment et une r'az avoine) et
de TrobrecJh, en Goulhien (42 sols, 6 'deniers monnaie).
(Archives du Finistère: E. 360).
155 -
famille Le Rougeart à l'excellente publication de M. Le Comte
de Rosmorduc sur la Réformation de 1668-71.
Le 13 octobre 1516, Henry Le :Rougeart, seigneur de Loc-
quéran, épousa demoiselle Jêanne Le Doulce, fille aînée de
feu noble homme Yvon Le Doulce et de demoiselle Marie
Salludem, sa femme. De ce mariage issurent deux fils, Henry
. et Jean. Le premier épousa Jeanne Godé qui mourut en H568,
et le second Marguerite Kéridiern qui fut citée comme témoin
à l'enquête' au sujet des prééminences à la Chapelle de Saint
They.' Du mariage de Henry Le Rougeart et de Jeanne Godé
naquit au moins un fils, Jean qui épousa Clémence de Gouan
dour ; Jean Le Rougeal't et Marguerite Kéridiern eurent 'éga-
lement un fils. Jacques, qui mourut sans hoirs et dont la
succession fut · adjugée ' à son cousin par sentence du
13 mai 1588.
Alain Le Rougeart, fils de Jean eL de Clémence Gouandour,
déclare, dans un acte du 25 août 1641, . « s'estre retiré en sa
maison par l'ordre et commandement du Roy, après l'avoir
servy pendant le temps de 30 ans dans la compagnie de
200 chevaux-légers de sa garde ordinaire, et ayoir aussi servi
sa Maje~té en qualité decapitaine et garde-coste des ports et
havre d'Audierne, l'isle de Saint, la.rade et parroisses,circon-
voisines, voyant le dit Rougeart être incommodé, ayant -atteint
l'aage de 70 ans, il-se démet de la dite charge de capitaine et
et garde-coste entre les mains d'escuyer Allain Le Rougeart,
son fils, principal héritier et noble ».
Cet Alain Le Rougeart doit être celui qui fut témoin lors de
l'enquête de 1599 sur les désordres de la Ligue en Cornouailles.
De son mariage avec Marie de Tréanna, il eut un fils nommé
également Alain q. ui épousa, le 3 oclobre 1648, Marie Hamon .
Marie de Tréanna se sépara . de corps et de biens de son mari
en 1624 et alla demeurer au manoir du Huibléré, en Plouhi-
nec (1). . ,
(1) Dani ses notices chI:Qnologiques, MlORCEÇ DE KERDANET cite Jucquel
156 -
La maison de Kérazan possédait en fonds une grande partie
des villages situés près de la Cha pelle de Saint-They: Tro
guer, Kerhuet, Kerninon , Kerguioch, même en HS60, et en
' 16' 10, Jacques de Saludem fit acquisition de terres à Kerguioch
et à Kerninon. En 1579, 3 détenteurs de Kerninon, 4 de
, Keruret,2 de Kerguiochet 2 de Troguer, furent condamnés
à rendre aveu à la seigneurie de Kerazan et à' lui payer pour
arrérages, 14 renées combles froment et 16 sols tournois de '
cheffrente., En général, les avouants de ces villages mention-
nent tenir « leur portion de la montagne de Roz-Banier »
oÙ est bâtie la Chapelle de Saint They, et de celle de « chas
. tel Meur )J. A Kerguioch et à Kerninon quelles tenues appar-
tenaient en 1550, à René de Kermel et Marie Le Barbet, sa
femme, seigneur et Dame de Kerjagu. Kernault, Kerléau,
étaient au fief de Suguensou acquis par le Marquis de Molac
de Christophe Fouquet de Chalain et de Mauriçette de Ker
saudy, sa femme, par contrat du 29 juin '1647.
Les seigneurs du Rusquec possédaient en Cléden ; le ma-
noir de Lannouan dont les tenanciers 'payaient par an dix-
huit renées froment et deux merlus secs; le village de Ker-
venyzic'quidevaient treize renées froment et deux merlus
secs; le village de Kerferguel ; le manoir de Kerspernenn ;
une partie de Troguer dont les détenteurs devaient vingt six
renées froment, deux merlus secs et onze sous tournois; une
partie de Kernynon dont les fermiers payaient douze renées
froment et deux merlus secs.
Ces divers renseignements nous sont donnés par un compte
du « procureur-négociant» de la seigneurie, Jean de Kéra-
minou, sieur de Kerlosquet, agissant pour Charles de Goas-
vennou, tuteur de Maurice du Rusquec, pendant les années
Le Roug'eart qui pu bUa à Paris, en 1578, un recueil de Poéiies. Nous n e .
savons pas s'il était de cette famille .
157
1096, 1597 et ' 1598. En 1595, de Kéraminou disait ne pouvoir
faire charge de recettes pour le lieu de Kergasec ' en Ploulan,
( : le détenteur n'ayant pu payer; le dit lieu étant voisin du
fort de Douaranevet (sic), avait été ruiné » ('1).
Selon la tradition, la chapelle à dû être déplacée à diffé- . ....
rentes reprises par suite des éboulements de la falaise qui
aujourd'hui encore menacent d'emporter le mur du cimetière .
En 1675, le pignon occidental et le clocher dûrent être
rebâtis complètement. · . '
Je c~de la plume à « honorable homme Jan Arhan, fabric-
que dp. la chapelJe » en cette année, qui nous détaillera les
dépenses occasionnées par ce travail.
« . Plus il demande descharge de la somme de 18 1. Hi s.
qu'i l a payé pour de la pierre de taille et le charroy d'icelle
de la parroisse de Plogoff . en laq. chapelle pour y batir un
clocher .
. Plus il demande descharge de la somme de 15 1. 10 S.,
scavoir: 4 1. 1U s. qu'il a payé à Pierre ~maviou pour de la .
grosse pierre à batir led. pignon, comprins les fraits et peine
de la tire, et 8 1. pour le charroy d'icelle et de l'argille néces-
saire à construire led. pignon.
Plus il a payé à Jacq Raoul et consorts pour deffaire le
vieux pignon et vuider les attraits, 46 sols ùont il demande
descharge.
h Plusil a payé aux massons pour leurs journées de travail,
scav : à Jacq et à Jan Le Coz, maistres massons, la somme
de 69 livres. .
Plus il a payé aux darbareurs pour servir lesd. massons,
. 1'1 1. 18 s.
Plus il a payé;) 1. 2 s. 3 d. pour esguyser et raccommoder
lBS marteaux et autres outils desd. ouvriers"
' : , .. , '-0 " 7 " X " . , " D? ' q
('1) Archives du Finistère. E. 827.
- 158 . -
Plus il a payé deux coigns de fer onze sols; en bois pour
faire les chaffaux, 40 s., en gresse et roussine pour faire du
. cimant à cimanter lèS pierres du clocher, 27 s.
Plus il demande descharge de la somme de 8 1. HS s. qu~'il a
employé en . fer pour garnir la tour de neuf et les portes de la
d. chapelle. .'
Plus il a payé a Guillaume Le Dréau, maréchal, pour
œuvrer led fer, 12 l.
Plus il a payé sept l. dix s. pour une barrique de cheau.
Plus il a payé en onze cents de lattes, 8 l. 9 S.
Plus il demande descharge de vingt livres un sol, qu'il a
payé en cloux, sçavoir ; dix milliers de cloux de lattes et cinq
milliers de cloux de touppe ou greniers .
Plus il a payé pour quatre milliers d'ardoises 24 1.
Plus il demande descharge de la somme de 36 1. 14 s. qu'il
a payé à Alain Quidau et ses compagnons couvreurs d'ardoises
pour amployé /les mathériaux si devant à l'entour de lad.
chapelle .
Plus il a payé 7'1. 8 s. aux darbareurs pour les couvreurs .
Plus il dit avoir payé S L pour cha royer lad. barricq de
cneau, ardoises et lattes de la ville d'Audierne à la chapelle.
Plus, il a paSé en pièces de bois de frenne pour un mouton
' pour y enchasser la cloche, 10 s. ; 28 s. à un charpentier
pour avoir fait led. mouton et accomoder le lambry de lad.
chapelle, et 9 s. en cloux .
Plus il a payé 21 s. pour dresser, escrire calculer et publier
le présent compte il demande descharge ... )l (1) .
Les traditions du ,Cap-Sizun relatives à Saint They ont été
données par , M. Le Carguet dâns sa première Etude; nous.
nous contenterons, de mentionner celle qui' se rapporte à
(1.) Comptes de la Chapelle de Saint They. Archives paroissiales de ,
Cléden·Cap-Sizun.
- 159 -
l'existence d'une chapelle sous son vocable au village de
Kerermen, en Cléden-Cap-Sizun. Elle n'est citée dans aucun
document, que ' ,je 'sache, mais une prairie située non loin du
village porte le nom de « Foennec Sant They)) et un chemin
menant au même village est appelé « Hent an lliz n.
Nous ne dirons rien de l'hagiographie du Saint: tout ce '
qui s'y rapporte a été suffisamment développé par M, Le
Carguet; cependant nous ferons remarquer que c'est la
première fois que nous voyons identifier Saint They avec
Saint HUy qui est inconnu des hagiographes bretons.
D'autre part, dans un aveu de 1MiQ, fourni à la seigneurie
de Rosmadec par Jehan de Kersaudy, le lieu de Sain t They,
en Plouhinec, est appelé « Saint Dey ou Saint Davy».
Saint They est invoqué pour la guérison des rhumatismes; ,
autrefois , on pouvait voir dans la chapelle de nombreuses '
béquilles laissées en souvenir de guérisons obtenues. '
Les habitants de l'Ile de Sein sont très dévots à Saint Thev.
Autrefois la procession de l'île venait au pardon et débarquait
au Vorlen. Celle de Cléden se rendait à sa rencontre le long
de la falaise, et àprès l'accolade, elles revenaient de concert
à la chapelle.
Pendant la Révolution la chapelle et les deux « appentis ))
du cimetière dont l'un comprenait une salle, une cuisine et
une chambre, furent vendus comme bien national et achetés
,au prix de 2.500 livres par Rozen, de Cléden, agissant pour
Jean Goardon.
La vente des objets mobiliers et , des ornements produisit la
somme de 129 livres; l'inventaire constata qu'il s'y trouvait
' 1 caliçe, l lampe, 1 cloche, 2 chandeliers, etc, ..
Le 16 janvier 1818, la chapelle qui servait de corps de
garde à la batterie djte de Saint They, fut remise par l'admi
nistration de la guerre au Maire de la Commune, Alain
Barbeoc'h. A cette époque, le monument était sans couver~ ,
ture, sans portes ni croisées et à l'intérieur se trouvaient un
i60 - '
lit de camp en bon état, un ratelier d'armès, un banc et unè
ta bl e. .
Depuis la chapelle a été recouverte d'un solide toit en zinc
qui la préservera longtemps encore des fortes tempêtes du
Raz: '
Ra jommo pelIs c'hoaz en he za
Ar chapellik var ribl ar mor,
M'hello Sant-They divar he zor
Gwellet ar bagou 0 treiza !
Daniel BERNARD.
Quimper, le 15 Juin 191(),
302
DEUXIE E PARTIE
Table des Mémoires et Documents publiés en 1910
PaO"es
r. DocumenLs sur- te-- Ca- p-Sizun. ' 1. Lettre de
III.
M. Le Gçtllo, curé de l'île, 17'14, par 1\'1. DANIEL
BERNAR.D; ......... " ............. :.. .... 3
Le Cap-Sizun (suiLe): La Morue du Raz de Fon- "
tenay, par M. H. LE CARGUET ... .... , ," ... ,.: 8
Qpelques .testaments des ' XVe et XVIe siècles "
(Arc,hives de l'Hôpital de,l\1orlaix), par·M. JEAN ' "
l\1ARZIN. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1 V. Episodes et anecdotes (4
série). Quelques ,
types de plaideuses en Basse-Bretagne au
. XVIIIe siècle, par M. l'abbé ANTOINE FAVÉ. .... 65
V. Eglise de Sizun et ses annexes (petite monogra-
. phie), par 1\'1. le Chanoine J.-M. ABGRALL ..... . 128
VI. Note sur une ancienne ' bannière conservée
VII.
VIII.
(lans J'église. de Taulé, par M. H. BOURDE DE
LA ROGERIE.. .. ...................... .... ... 139
Note sur trois vieilles pierres trouvées à
Carllaix, par M. E. CHARBONNIER .... ... ' ....... "
Etudes sur le Cap-Sizun. -- III. A propos de la
c- hapelle de Monsieur Sainct-They, en Cléden-
Cap-Sizun, par l'IL DANIEL BERNARD .......... .
Eglises et Chapelles du FinisLère (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXIV, XXXVI).
Doyennés de Cbâteaulin (fin), Crozon, Le Faou,
Le Huelgoat, Pleyben, par M. le cbanoine
143
145
PEYRON. . . . . . . . . . . . . .. o 16'1, 292,
Notes sur Cbâleauneuf-du.,.Faou et ses environs
. pendant les guerres de la Ligue, par M. RAY-
MOND DELAPORTE.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
Xl. Les peinLures de la voûLe du chœur dans l'église
de Pouldavid, par Douarnenez, par M. le cha-
noine J.-M. ABGRALL. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
XII. Voyage d'Henrielte de France, reine d'Angle-
t.erre, en Bretagne (1644), par M. H. BOURDE
DE LA ROG ERIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
XIII. Une ardoise gravée trouvée dans un monument
mégalithique de l'île de Groix, par M. A.
MAR'rIN (planches).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
XIV. LisLe des JuridîcLions exercées au XVIIe et au
XVIIIe siècles dans le ressort du Présidial de
Quimper (1 el' arlicle : sénéchaussées de Brest
et de Carhaix), par M. H. BOUHDE DE LA ROGERIE. 248
FIN -'
Imprimerie -;0 TONNEe, LEPR!fI!CE. Suce. - Quior.fJe,