Bulletin SAF 1910

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Note sur une ancienne bannière conservée dans l’église de Taulé

M.H. Bourde de la Rogerie

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1910 tome 37 - Pages 139 à 142

NOTE

SUR UNE ANCIENNE BANNIERE
CONSERVÉE DANS L'ÉGLISE DE TAULÉ

La paroisse de Taulé (1) possède une bannière ancienpe
qui a été signalée et décrite par plusieu rs archéologues
bretons :c'esL une oriflamme de soie rouge, bordér, et frangée
d'or, semée de fleurs de lys d'or, qui porte ' au centre les

armes de France et de Pologne surmontées de la couronne

royale. Cette bannière diffère complètement des bannières
anciennes qui se trouvent dans d'autres églises du Léon, à Gui-

miliau, à Lampaul, à Saint-Thégonnec; elle présente surtout

ceci de très particulier pour une bannière d'église qu'on n'y
voit aucun emblème religieux. La présence des armes de

Pologne accolées à celles de France, a fait naître dans le pays
une tradition d'après laquelle la bannière aurait été offerte
en ex-vota à la Chapelle de Notre-Dame de Callot par la
reine Marie Leczinska : cette tradition a été admise par

quelques auteurs bretons bien qu'il soit peu vraisemblable
que la renommée du petit sanctuaire de l'île Callot ait jamais
pénétré jusqu'à la Cour , de France. .
La présente note n'a d'autre objet que de faire connaître

l'origine exacte de la bannière, sa destination primitive et le
nom du donateur: tous ces renseignements se trouvent dans

un acte inscrit sur le deuxième registre des délibérations du
général de la paroisse qui est ainsi conçu:
« Du Dimanche.13

Avril 1749, assemblée des douze delli­
bérans de la paroisse de Taulé en conséquence de l'avertis­
sement leur donné au prosne de la grand'e messe de Dimanche

{!) C4ef-lieu ~e çlmton qe l'arrondissement de Mprlaix (Finistère),

140

dernier à laquelle assemblée ont assisté Jean Le Roux, Guil-
laume Mérer, Guillaume Tanguy. Jean Le Brelivet, Allain

Le Bian, Claude Jourdren, Jean Quéguyner, Gabriel Quiquer,

Claude Cozie, Jacques Guillou, Jean Mérer et Gabriel Briant,
présent Monsieur le Recteur de ladite paroi· sse .
. « En l'endroit s'est présenté noble maître François Drillet,
sieur de Penamprat, conseiller du Roy, controleur des deniers
d'octi'oys, dons et patrimoniaux de la Ville et communauté

de Morlaix, faisant pour haut et puissant messire Charles-
Thomas-Marie de Morant ('1), comte de Penzé,etc., mestre
de camp des dragons de la Reyne, lequel dit Sr de Penamprat
a requis aete de ce qu'il a déposé entre les mains des délibé­
l'ans un étendart de damas cramoysy brodé de fleurs de lys
d'or en bosse, au milieu duquel sont aussy en brodure d'or
les armes du Roy et de la Reine, duquel étendart (2), qui est
l'un de ceux dudit régiment de la Reyne, ledit seigneur '

. comte de Morant fait présent à l'église paroissiale. dudit
Taullé, et a ledit Sr de Pennamprat signé n.
« (Signé) Pennamprat Drillet ».

« Duquel dépot et don les soussignants délibérants ont

donné acte audit sieur de Pennamprat qu'ils chargent de
faire les remerciements au nom des paroissiens audit seigneur .

comte de Penzès »

« (Signé) Jean Le Roux. Guillaume Tanguy. . Jan

Brellivet. A. Bian. Merer. - G. Jourdren. . Queguiner.
- Jan Merer )) (3).

La brève description donnée par le Sieur de Penamprat
s'applique parfaitement au 'gonfanon conservé à Taulé : elle

(1) Les prénoms exacts du mestre de camp de dragons étaient Thomas­
Charles; l'acte lui donne par erreur les prénoms de son père Charles. ­ Thomas-Marie de Morant, conseiller au Parlement· (1706-1750).
(2) Ce mot est mal à propos employé pour celui de guidon. Les enseignes
de l'infanterie étaient appelées drapeaux, celles de la cavalerie et des
hussards étendards, celles enfin de la gendarmerie et des dragons guidons.
(3) Fo 12 1'0 du deuxième registre des délibérations conservé à la mairie
de Taulé. · .

concorde également avec celle des guidons du régiment de là

Rei, ne. On lit dans l'Abrégé de la carte générale du militaire de

France que ce régiment formé de, quatre escadrons possède
(( quatre guidons de soye rouge, les armes de la Reine au
milieu, semés de fleurs de lys, brodés d'or et frangés en or et
en argent ». La couleur et les emblèmes des guidons variaien t

dans chaque régiment, ainsi les dragons de Condé avaient
des' guidons ventre de biche; les guidons des dragons d'Or-

léans étaient de soie rouge semés de fleurs de lys d'or comme
ceux du régiment de la Reine, mais au milieu on voyait (c un
Hercule avec des lauriers et ces mots: Nomen laudesque
manebunt, et le chiffre d'Orléans, couronné au haut, brodé » .
Le régiment des 'dragons de la Reine est de nos jours
représenté par lé 6

dragons en garnison à Evreux.
Le donateur de la bannière,T.-C. de Marant, appartenait
à une branche d'une famille noble de Normandie qui s'était
fixée en Bretagne, à la fin du XVIIe siècle, par le mariage de
Thomas Morant, ancien intendant de Bordeaux, Rouen et
Touraine avec Louise Le Meneust de Bréquigny. Thomas-

Charles de Morant, dit (( le marquis de Morant », comte
de Penzé, seigneur de Bréquigny, Guernisac, ~angomar,
Coatilès, I):ohant, devint colonel des' dragons de la Reine puis
maréchal des camps. et armées du Roi; il mourut en 1 1763,
laissant, de Anne-Françoise de la Bonde d'Hybcrville qu'il
avait épousée en 175' 2, deJ]x filles el un fils, Thomas- Louis,
qui servit comme son père aux dragons de la Reine (1).
L'acte du 13 avril 1749 affecta au service de l'églis' e parois-

(1) On peut trouver des l'enseignements sur la généalog'ie de la brimehe
. bretonne de la famille Morant, aux Archives du Finistère, série E, et
dans les ouvrages suivants: GU1LL, O'l'lN DE COllSON, Grandes Seigneuries de
Haute-Bretagne, dans Mém. de la Soc. flrc1!éol. d' Ille-et- Vilaine, t. XXIII
(i894), p. 1.13-11.5 ; Ct. DE L'EsTOURBElLLON, Les familles françaises à Jersey
pendant l'Emigration, Nantes, 1886, in-8°, p. 'i42; LE GUENNEC, Excursion
à Garlan dans Eull. de la Soc. Arcltéol. du Finistère, T. XXXVI (1.909),
p. 180-181; , SAULNlER, Le Parlement de Bretagné, Rennes, 1909, in-4°,
p. '437 et 658. '

siale la bannière qui avait sans doute flotté sur plusieurs
champs de bataille, mais elle guida peut-être les paroissiens
ailleurs qu'à de paisibles processions. La compagnie garde­
côtes de Taulé qui comprenait . cette paroisse et ses deux
tr'èves de Carantec et d'Henvic était une des plus nombreuses
du Léon et elle était chargée de garder un poste considéré
'Comme très important, l'île Callot. Or comme aux revues et à

toutes les prises d'armes les compagnies paroissiales étaient
ordinairement munies d'enseignes et de. bannières H), on peut
supposer que le vieux guidon des dragons de la Reine fut

. arboré sur les batteries de Callot. Ainsi s'expliquerait que au

lieu d'être conservée à l'église paroissiale, la bannière ait été

très longtemps et jusqu'à une date récente déposée à la cha-
pelle de Notre-Dame de Callot.
H. BOURDE DE LA ROGERIE

(i) Un registre des delibérations de Baye, près de Quimperlé, apprend
que J. Uhel s'engagea en t740 à fournir l'enseigne de la paroisse à condi­
tion · qu'il serait exempte du logement des gens de guerre. La paroisse
voistne de Clohars-Carnoet possédait un drapeau pris sur les espagnols.
Louis XV donna aux pàroisses de Belle-Ile des bannières qui portaient de
belles devises telles que: In o111ni nialo fidelis ou Vil'tutem anctol'i l'etel't .

302

DEUXIE E PARTIE

Table des Mémoires et Documents publiés en 1910

PaO"es

r. DocumenLs sur- te-- Ca- p-Sizun. ' 1. Lettre de

III.
M. Le Gçtllo, curé de l'île, 17'14, par 1\'1. DANIEL
BERNAR.D; ......... " ............. :.. .... 3

Le Cap-Sizun (suiLe): La Morue du Raz de Fon- "
tenay, par M. H. LE CARGUET ... .... , ," ... ,.: 8
Qpelques .testaments des ' XVe et XVIe siècles "
(Arc,hives de l'Hôpital de,l\1orlaix), par·M. JEAN ' "

l\1ARZIN. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 27

1 V. Episodes et anecdotes (4

série). Quelques ,
types de plaideuses en Basse-Bretagne au
. XVIIIe siècle, par M. l'abbé ANTOINE FAVÉ. .... 65

V. Eglise de Sizun et ses annexes (petite monogra-
. phie), par 1\'1. le Chanoine J.-M. ABGRALL ..... . 128

VI. Note sur une ancienne ' bannière conservée

VII.
VIII.

(lans J'église. de Taulé, par M. H. BOURDE DE
LA ROGERIE.. .. ...................... .... ... 139

Note sur trois vieilles pierres trouvées à
Carllaix, par M. E. CHARBONNIER .... ... ' ....... "

Etudes sur le Cap-Sizun. -- III. A propos de la
c- hapelle de Monsieur Sainct-They, en Cléden-

Cap-Sizun, par l'IL DANIEL BERNARD .......... .

Eglises et Chapelles du FinisLère (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXIV, XXXVI).
Doyennés de Cbâteaulin (fin), Crozon, Le Faou,
Le Huelgoat, Pleyben, par M. le cbanoine
143
145
PEYRON. . . . . . . . . . . . . .. o 16'1, 292,
Notes sur Cbâleauneuf-du.,.Faou et ses environs

. pendant les guerres de la Ligue, par M. RAY-
MOND DELAPORTE.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

Xl. Les peinLures de la voûLe du chœur dans l'église
de Pouldavid, par Douarnenez, par M. le cha-
noine J.-M. ABGRALL. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206

XII. Voyage d'Henrielte de France, reine d'Angle-
t.erre, en Bretagne (1644), par M. H. BOURDE
DE LA ROG ERIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214

XIII. Une ardoise gravée trouvée dans un monument
mégalithique de l'île de Groix, par M. A.
MAR'rIN (planches).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
XIV. LisLe des JuridîcLions exercées au XVIIe et au
XVIIIe siècles dans le ressort du Présidial de
Quimper (1 el' arlicle : sénéchaussées de Brest
et de Carhaix), par M. H. BOUHDE DE LA ROGERIE. 248

FIN -'

Imprimerie -;0 TONNEe, LEPR!fI!CE. Suce. - Quior.fJe,