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Bulletin SAF 1910


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Le Cap-Sizun (suite). - La Morue du Raz de Fontenay

M.H. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1910 tome 37 - Pages 8 à 26

(SUITE)

La orue du Raz de Fontenoy. :

« Après la Fontenelle, dit le Chanoine Moreau , demeura
« telle ruine que Penmarck ne pourra de cinquante ans se

« relever, ni possible jamais (1) . ))
Ces paroles du Chanoine ligueur devaient se réaliser. Pen­
marc'h avait perdu son ancienne importance et ne la retrouva
plus.
Beaucoup de ses habitants, échappés a" uxguerres, préfé­
rèrent émigrer plutôt que de reconstituer, sur des ruines, leur
industrie. .
Audierne reçût, de là, un surcroit de population et devint

le centre du commerce maritime et de la pêche qui existaient
auparavant à Penmarc'h. " . ".

Divers documents donnent les noms des poissons préparés,

dans les pêcheries de la baie d'Audierne.

. Une bulle d'Innocent VIII, en 1488, érigeant Saint-Guénolé
en succursale de Beuzec-Cap-Caval, obligea les trèviens à

octroyer, au desservant de la trève, un merlus Loyal et mar-
chand-
~es comptes de la chapelle de Saint-Tugen, en 1537 et 1538,
prerinent en charge le produit de la vente des merlus secs,
donnés en offrandes par les maU' l'es de barques.

(1) La Ligue en Bretagne .

, Les comptes fabriciels de Spint-Rumon d'Audierne, en

1643, font recette de 164 livres 10 sols « resçu de la cha-
rité descapitaines et maUres de barques )). "
, L'extrait du « minu pour le payement du rachapt deub
au Roy)) à la mort de Messire René du Ménez Lézurec,
capitaine des gardes-côtes, mort le 24 may 172,1, mentionne,
parmi les redevances dues par ses tenanciers, trente merlus
secs et six lieus secs.

La seigneurie de I);azan recevait aussi, pour le manoir de

I}-is-Bleis, en Plogoff', si,x merlus secs. '

Les ' comptes de l'Isle de Sein, au XVIIIe siècle, mention-
nent les congres secs et l' huile de lieus, vulgairement goulou

malaouen, servant à l'éclairage. ' '
Trois sortes de poissons, ]e merlus, le lieu et le congre
en'traient donc dans les pêcheries d'Audierne. Nulle part,il
est fait mention de la morue (Gadw; morrhua). Cependant,
dans ]e langage populaire, ce nom était usité. Il est' problable
qu'il servait à désigner tous les poissons secs, ou viande de

caresme.

La pêche la plus importante était celle des merlus. Une

'Venelle d'Audierne, descendant du couvent des Capucines, au

passage de Poulgoazec, portait le nom de ce poisson ;: venelle

du merlus. Les habitants reçurent aussi ce blason: Pen-mer-
l-us, tête de merlus, ' « à cause d'e l'abondancé de mer: lus

qu'on y pêche )), dit le P. Grégoire de Rostrenem,dans son

dictionnaire François-Celtique, au mot Audierne.
Afin qu'Audierne ne pût mentir à cette origine, une an­
cienne municipalité qui détenait encore, par tradition de
famille, le souvenir du passé, a donné, 'sur nos indicàtions, .à
I~ ville, en 1895, ces armes parlantes, rapportées par ' M, Le
Me'n, à la séance du 29 juin 1878, de la Société archéologique:

, « S'ur ehamp ondé d'azur, une ancre de marine accostée
de deux homards, avec un m~rlus en pointe ». '

L'azur représente la mer; l'ancre, la navigation et le com- 0
merce maritime; le merlus, les anciennes pêcheries ; les
homards, la pêche côtière actuelle. 0
Ces armes parlantes sont gravées au fronton de la nouvelle
Mairie. 0 '.;

Pendant les troubles de la Ligue, les nobles et les bourgeois
d~Audierne, craignant les incursions de la Fontenelle, s'étaient
réfugiés à Brest, avec leurs richesses (1). 0
o La population de la ville fut alors réduite à un groupe de
pêcheurs, sans commerce, sans industrie. Le poisson ne trou·­ vait plus acheteurs: les bateaux, faute d'argent pour les
réparer, devinrent bientôt hors d'usage. Une expression bre­ tonne du Cap-Sizun a caractérisé cette époque: ( Na

bag, na coqttet ! )) Il n'y avait plus ni bateau, ni canot.
Après la capitulation, entre les mains de Sourdéac, en HS97,
du fort de Kerity-Penmarc'h, où tenaient les derniers solda ts

de La Fontenelle, toute la contrée reprit vie. ' Les marchands .

de Penmarc'h transportèrent à Audierne, le siège de leurs an-
ciennes pêcheries. Les bourgeois et l~s nobles, réfugiés à
Brest, revinrent aussi à leurs demeures; tous apportant, aux

pêcheurs, l'argent et les engins nécessaires pour s'équiper à
nouveau. Mais ce ne fut pas sans prélever, sur le produit de
la pêche, la dîme la plus forte, pour se rembourser de leurs

avances.

Les marchands qui achetaient le poisson~ vendaient égale-
ment aux pêcheurs, tous les objets indispensables à leur pro­
fession, à leur existence. L'~rgent qui sortait de leurs comp-

toirs enachats de la pêche, y rentrait à nouveau par la vente de
leurs produits. De là double bénéfice! Des fortunes rapides

et considérables se sont ainsi créées, pendant que l~ pêcheur,

(i) La Ligue en Bretagne.

donnant; d'une main, ce qu'il recevait de l'autre, restait tou·
jours pauvre et dépendant, en tout, des marchands.
Cette situatïon a donné, au pêcheur d'Audierne, obligé, en
tous temps, d'avoir recours aux g~ns fortunés, ce.caractère
craintif et quémandeur, mais résigné à force d'habitude, qui
a persistéà travers les années. Nous l'avons suivi, dans les
registres paroissiaux, dès le début du XVIIe siècle, durant de
nombreuses générations, et, souvent, nous l'avons trouvé
qualifié de: (( pauvre pêcheur )) par le clergé, rédacteur. des
actes, qui compatissait à son sort.

III

Le merlus est un poisson chasseur qui suit les bancs
d'alevins et se rapproche des côtes aux premiers . beaux mois
de l'année.
La pêche débutait autrefois, fin avril, à dix lieues environ, .
f(ornaugt (Ouest) de Penmarc'h, au Lec'hid-melen, sur . un
fond de vase jaunâtre très-ténue.
Dans le courant de l'été, le poisson se rapprochait de terre
et la pêche se faisait alors, en pleine baie, en face du port

d'Audierne. .
La pêche avait lieu de nuit. Par temps clair, avec lune bril­
lante, le poisson ~e tenait sur un banc de sable roux, allant
de l'Ouest à l'Est, de la côte de Bon voyage de Plogoff à celle
de Poulhan, en Plouhinec, à moins de deux lieues distantes
de la terre, à Bigorn. Par temps couvert et sans lune, c'était

sur le banc de vase qui encercle la baie, du Nord au Sud, de

l'anse de Poulhan~ à la Torche de penrriarc'h, en face de la
chapelle de Penhors. Ce banc de vase est connu sous le nom
de alléchid.
Les bateaux qui pratiquaient cette pêche avaient une seule
voile carrée, étarquée au mât par le milieu d'une antenne.
Ils étaient montés par six ou sept hommes . . Toutes les églises
du Cap-Sizun représentent ces bateaux sculptés dan.s la pierre

de leu" rs portails. L'édièule au cintre surbaissé avec petit
appareil allongé, qui surmonte la fontaine de Saint-Ono, au
Trèz-Goalarn, en Esquibien,'les montn~ sous voile, gravés à la
pointe du couteau sur l'enduit intérieur, à la date de 1642 .
. Des peintures sur bois de la' chapelle de Saint-Collodan, en
Lescofl, paraissant remonter à 1770. représentent deux bateaux
pêchant. ' , ' '
, ,Dans l'un, au mouillage, les pêcheurs tirent à bord le pois­ son accroché à leurs lignes. Dans l'autre, armé de deux avi­
rons, deux lignes traînent dans le sillage. C'étaient les deux
anciennes manières de pêcher le merlus.
Plus récemment, la pêche s'est faite dans dés bateaux de dix
pieds ,de quille, montés par deux hommes et un mousse. Cha­
cun tenait deux lignes, de côté et d'autre du bateau, leur
imprimant continuellement un mouvement de va et vient pour
attirer le poisson. C'était un genre de pêche très fatigant à '
cause dubalanc, ement continu qu'éprouvait le corps.
L'amorce, pour le merlus, consistait en lanières de peau
prises sur le ventre de poissons: bars, merlus, lieus, etc.
: Les hameçons se fabriquaient à Audierne, durant les mois
d'hiver. Un forgeron, du village de I~buzulic, en avait le
monopole. Il était aussi l'armurier attitré du seigneur de
Lézurec, et, par privilège seigneurial, avait le droit de nouer
sès chev.eux sur la nuque, par un ruban de soie blanche, tan-:
dis que 'les autres roturiers ne pouvaient le faire qu'avec des
brins d'étoupe de chanvre. .
, Au mois de mars, ce forgeron, accompagné de sa femme
et de son fils, ou d'un voisin , quittait Audierne pour aller
débiter sa marchandise. Celle-.ci faisait la charge d'un cheval ,
que les vendeurs suivaient à pied, longeant les bords de la
mer, s'arrêtant aux villages des pêcheurs, mangeant et cou­
chant dans les fermes, payant leurs dépenses par l'échange
de leuts engins, et surtout, en armatutes de fuseaux, inkinou,

autres, produits 'ajourés et ciselés de leur fabric~tion. Leur com-

13 " h

mérce les menait ainsi jusqu'aux Iles du Morbihan; quelquê~
fois jusqu'à la Loire. Ils rentraient au mois d'août, pour la
récolte. . ' ,

Quand la pêche aux merlus se faisait au mouillage, les
pêcheurs avaient, autrefois, des pratiques curieuses dont il
reste encore des traces. ' .,

'Aussitôt l"ancre jetée, ils faisaient l'invocation aux 'pois ':

sons:

- Peskig·bien, peg e m' fç,,1'd !
Na meus na, kig na Lard, "

Nag aman d' oher souben: '
Peskig-bien, peg e m' linen !

- Me a garfe ' ne ar mou!' '
E kichanik touL 1 )a dour , ; ,
Ar peskedigou
E c' harzik ant1'eujou ;
Ar bi1'inik ac ar mouskLed

8tag dioc'h men an oaled. -

- Petit poisson, mords à ma palangre !
Je n'ai ni viande, ni lard,
Ni beurre pour faire la soupe:
Petit poisson, mords à ma ligne!
" Je voudrais que la mer
Fut tout près de ma porte;
Les petits poissons
Touchant le seuil :
Les berniques et les moules,
Collées à la pierre du foyer. - "

Après cette invocation, le silence était complet. Car toute
parole, prononcée sans nécessité, devait amener la Boche,

la malchance. Certains ,mots l'attiraient infailliblement :

G' 14

Laouarn;gad, blei, renard, lièvre, loUp, même prononces
par hasard, sans intention, au courant de la conversation
entre les pêcheurs. Ces animaux qui personnifient la ruse,

la crainte et la gloutonnerie. d~vaient, aussitôt leur nom dit,
donner aux pOIssons leur caractère et empêcher toute capture.
Le nom du loup était surtout fatal. Les anciens pêcheurs,
à ce mot, rentraient leur lignes, levaient l'ancre et gagnaient \..: .
le port. Aujourd'hui l'on se contente de jeter à la mer, l'un
'. des poissons capturé: (( Dal, ki-koad, setu da lad! )) -
« Tiens, chien des bois, voilà ta part! » Et l'on continue

de pêcher; cela suffit pour conjurer la boche.

La pêche aux congres se faisait au pied des falaises ou sur
les basses couvertes de goëmons, dans les petits canots, appe­
lés Coquet, de neuf à douze pieds de quille, sans voilure,
montBs par deux ou trois honimes et mûs à l'aviron. L'amorce
préférée consistait en fragments de maquereaux.
Elle se pratiquait surtout aux nuits les plus sombres., et
était fort dangereuse. 11 · n'était pas rare de capturer des
poissons de plus d'un pied de diamètre et huit pieds de long.
Lorsque l'un de ces monstres avait mordu à l'hameçon, tout
l'équipage réunissait ses forces, du même côtéde la barque, pour
. le hâler à bord. Lorsque le congre était hissé contre la lisse, la
tête hors de l'eau, la lutte commençait pour se terminer dans ~
la barque~ C'est à coups de crocs qu'on cherchait à asso'mmer
la capture. Le congre se défendait, fustigeant de son long

corps, l'eau} la barque, les hommes, disloquant les bordages,
brisant quelquefois jambes ou bras, faisant chavirer la barque.
Beaucoup de bateaux ont ainsi disparu, sans laisser de
traces.
. Et pourtant le cDngre est ('un des poissons le plus facile à
étaler. Les nerfs de .son corps se connectent, à la dernière

vertèbre caudale, en un faisceau très sensible qui a ses

oc 1 5 .- '

retlexes dans lès 'pl'ihcipaux organes, Un lég'ercoup pottê
sur l'extrémité de la queue, détermine la syncope. Le congre
se contourne, une ou deux fois sur' lui-même, puis s'étale
tout de son long, le ventre en l'air. Nous en avons souvent fait
l'expérience. Les pêcheurs d'aujourd'hui comme ceux d'autre­
fois, ignorent ce fait. Ils frappent à tort et à travers sur.le
poisson pour l'étourdir, et l'accrochent par le nombril pour
le tirer dans le bateau .

Le lieu est tin poisson chasseur qui se tient, . au-dessus
des fonds de goëmohs, guettant au passage les poissons flot-

tants, sardines, lançons, etc., fonçant rapidement sur
totit pelit poisson qui passe à l'accore de la roche et du sable .

Tout ce qui remue provoque son attaque.
La pêche aux lieus se faisait surtout sous voile. Elle était
. pratiquée par les pêcheurs de "l'Ile-de-Sein, de Camaret, etc.,
dans les courants du Raz, alias raz de Fontenoy, et les remous
de la chaussée de Sein.
. Les bateaux étaient · montés par deux hommes et un

mousse. Le patron ne pêchait pas; il dirigeait la barque
dépourvue de gouvernail. Pour cela, assis à l'arrière, tenant en
mains les deux écoutes de la voile carrée, il frappait cette
voile pour diminuer la vitesse ou gagner au vent, la bras­
sait carrée pour forcer la marche dl! bateau.
De chaque côté de la barque l'équipage laissait traîner deux
lignes, armées d'un hameçon et de plombs cachés dans la peau
d'une anguille, ou cousus dans une lanière de poisson, bar ou
mulet. La vitesse du bateau donnait à cette amorce les mou­
vements d'un poisson nageant.
On donne à cette amorce le nom de Temen. .
Ce genre de pêche s'appelle Kalaoua du nom du galet KaL,
ou Gal, qu'on attachait, autrefois, en guise de plomb, pour
faire plonger la ligne. . .

affronter les dangers des courants contraires et des remous
des rochers, au risque de périr, plutôt que de se résoudre à
faire le (( (OUT des rats)) (t) . .

La gratlde pêche se terminait ordinairement à la Saint­
Michel ~ mais les bateaux restaient armés jusqu'à la Tous­
saint. Le jour des morts, après l'office, si le temps le permet-
, tait, les bateaux reprenaient la mer pour faire la dernière
pêche. Les femmes des pêcheurs étaient reçues à bord, et
c'étaient elles qui dirigeaient les barques, ordonnaient le
mouillage, et présidaient à la pêche. Cette coutume s'appe­
lai t : « Ober poulladic dn A naon j) « faire la pêche des

Trépassés ». La tradition admet que cette pêche était l'une'
des plus fructueuses,de l'année. "
Le lendemain toutes les barques étaient désarmées. Les plus
grandes étaient conduites à Audierne, pour hiverner, à l'abri,
dans le port et la rivière du Goayen.
Les petits canots, ou Coquet, étaient hissés, à bout de bras,
le long des falaises, où ils passaient l'hiver, de rupe pen·
dentes, suspendus aux plateaux de rochers de la pointe du
Raz, de Plogoff et de Cléden, à soixante ou quatre-vingts pieds, '
au-dessus des atteintes de la mer.
Cependant, si la tempête amenait en vue des côtes, la bonne

aubaine, un navire désemparé, bien vite ils étaient remis à
flot pour courir à l'épave.

(1) Voici le fait qui a donné lieu à cette expression:
Au XVIIl' siècle, un navire hollandais fit naufrage à la pointe S. E. de
Filot de Kilaourou. De ses flDncs s'échappèrent d'énormes rats roussâtres,
bien différents des rats noirs et de taille plus petite, seuls connus alors à
l'Ile de Sein.
Aprés un cel-tain temps, les nou veaux yenus émigrèrent en bande, au Nord
de l'Ile en contournant le rivage il l'Ouest, évitant de passer par le bourg
qui se trouve il l'Est.
Aujourd'hui le rat noir a complètement disparu de l'Ile de Sein, tandis
que le rat étranger ' se rencontre, à chaque pas, dans toutes les' parties
de l'Ile. '
BUI,LETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XXXVII (Mémoires 2)

Cet usage de hisser les bateaux, à bout de bras, dans les
anfractuosités des roches du Cap,a persisté jusqu'en 1884-1888,

époque où les conseils municipaux, sur notre initiative, ont.
provoqué l'établissement de plates-formes et de treuils dans
les principales criques de la côte. Mais, aujourd'hui, les bar­
ques du Cap, dont beaucoup font la pêche même sur les côtes

d'Angleterre, sont toutes d'un fort tonnage et viennent désar.:
mer au port d'Audierne, comme autrefois les gros bateaux du .
XVIIe siècle.

VII
Les anciens titres ne mentionnent que les sécheries de poi.f)-
, sons.

Ce terme comprend-il aussi les salaisons?
La régie du sel, les droits, les transports, le débit dans les
greniers du Roy rendaient difficile un approvisionnement
suffisan t de sel. ,

Les droits qui étaient, sous François Jer, de 20 livres par
muid (ordonnance de 1542), du poids actuel d'environ 1600

kilos et qui varièrent souvent, puis la surveillance exercée pour
la perception de ces droits, rendirent cet impôt odieux.
Bien que la Bretagne fût pays rédimé, les entraves apportées
par les règlements, y occasionnaient des soulèvements. Si bi, en
que le mot seul de gabeLLe suffisait pour mettre en émoi les
populations des campagnes.
Il est donc probable que l'industrie implantée à Audierne

et dans le Cap-Sizun, aux dernières années du XVIe siècle, ne
comprenait que le poisson se!..:, sans mise préalable au sel.
Le climat du Cap, plateau élevé de 70 mètres au-dessus du
niveau de la mer, au ciel gris presque'toujours couvert, exposé,
en été, aux brises continues, se prêtait bien au séchage du

pOIsson.
Bien que 18 séchage du poisson se fit sur tout le pourtour
de la baie, Plogoff devint le principal centre de production
. comme Audierne le siège des exportations. ,

Le centre de la pêcherie de la paroisse de Plogoff était à
Pènnéac'h, et surtout au port de Feunteun-ad, à l'orée du
Raz de Fontenoy, nom donné, dans les anciens portulans, au
Raz de Sein, et qui devint aussi celui de la pêcherie.
VIII
La préparation du poisson sec se faisait à terre, sur toutes
les grèves à galets, ar groae, dans toutes les criques où atter-
rissaient les barques de pêche. .
Le poisson à chair feuilletée du genre gade (merlus, lieux),

après avoir été habillé et désossé, c'est-à-dire l'arête dorsale
enlemie, était étendu à plat sur les galets et les roches. Les deux
côtés du poisson se séchaient ainsi en même -temps; la face
supérieure par la chaleur directe de l'air et de la brise; la
face inférieure par la chaleur réfléchie de la pierre. Quand le
soleil dardait, le poisson était relevé et mis en tas, car la cha­
leur trop vive racornissait la surface et concentrait à l'inté-

rieur de la chair toute l'humidité, ce qui nuisait à la conser-
vation.
Le poisson à chair ferme, comme le congre, recevait une
autre prépara tion. L'arête était laissee adhérente,et des entailles
à mi-chair, perpendiculaires à l'arête, activaient ladessication.

Le congre n'était pas déposé sur des galets. Il était suspendu à
des chevalets, reliés par des madriers horizontaux; hérissés de
clous pour la suspension. Le poisson restait ainsi exposé,
ballotté par la brise, jusqu'à dessication complète.
Le mousse de chaque barque restait à terre pour surveiller
la préparation. Si le soleil dardait ou si la pluie menaçait, il
avait pour .mission de prévenir aux villages et toutes les fem­
mes accou.raient pour mettre à l'abri le poisson exposé à se

détériorer.

Au mois d'octobre toutes les preparations étaientterminées,
Le merlus sec, cordé par bottes de cent livres, était embar;'

qué sur les navires, et,. au jour convenu, toute la flottille d'Au-
dierne quittait le port, faisant route vers Bordeaux.
Là, le poissotl était livré, à destination de l'Esppgne, la
Catalogne surtout. Au retour, les navires apportaient du vin,
de la résine, des cordages, des poteries .
C'était fête, à Audierne, au départ de la flotte. Les barques
de pêche accompagnaient les navires jusqu'en rade. Toute la
population les suivaient des yeux, massée sur La Montagne et
à la Pointe du BaOLtlic, déposant, dans les troncs, placés là par
la Fabrique de Saint Rumon, le sou de La bonne chance, des­
tiné à conjurer le mauoais a}iL ou drouk a-vis, et les dangers
du voyage, car la flolle allait afIronter l'inconnu du large: la
tempête et l'ennemi .: corsaire et pirate.
L'émotion était grande, parmi la fonle, au moment où tous
les navires à la fois, penchant leur voilure sous la brise, pre-

naient la route du Sud, tandis que les barques de pêche après
un dernier adieu des patrons aux cap-itaînes, regagnaient lé
port. .

Un jour surtout l'émotion fut à l'extrême .
La tradition rapporte que la foule, massée sur la Montagne,
vit, dans les nuages, au-dessus des navires, se dessiner une
grande croix couleur de sang. '
C'était un mauvais présage que suivit bientôt la catastrophe.
Au retour, entre la saint Clément et la sainte Catherine, le
24 novembre, la flotte, trompée par les feux qu'il était d'usage
d'allurner, la nuit, dans les églises, . se jeta, au plein, sur

la côte, de Penmarc'h à Plozévet. Nous avons donné la
relation de ce naufrage dont le souvenir s'est perpétué dans
un chant populaire ('1). .

La première moitié du XVIP siècle fut pour Audierne, une
époque de prospérité inouie. La population atteignit au moins
(t) C. F. Bulletin de la Société archéologique. L'Eglise de M. saint Rumon
d'Audierne. Revue des Traditions populaires. Le Haz de tiein et les Phares .

2300 habitants, d'après un calcul proportionnel, basé sur la
moyenne dps naissances de dix années. C'est de cette époque,
aussi que datent beaucoup de maisons aux élégantes moulu­
res, aux arcs en anse de panier, que l'on voit encore aujour-

, d'hui.
Les marchands, uniquement occupés à accumuler les riches­
ses, avaient un caractère particulier d'âpreté au gain qui a été
stigmatisé par Michel Le Nobletz, en '161-~~.
La fortune acquise servait à acheter des biens ruraux. C'était
de mode que chaque marchand d'Audierne eût son manoir
dans les paroisses rh'eraines de la baie. à Plouhinec, Plozévet,
Plovan surtout. Ils y villégiaturaient pendant le mois d'août
pour la récolte,jouissant du spectacle des barques occupées à la
pêche; retournant à leurs magasins, pour l'expédition du
poisson. Plus tard, leurs enfants, pour s'ennoblir, ajoutèrent,
à leurs noms, celui de ces propriétés. .
La décadence de cette ' prospérité survint vers le milîeu du
XVIIe siècle. Elle a pour causes:
La perte de la flotte sur Penmarc'h ;
La rivalité commerciale de Pont-croix;
Le départ de ses habitants enrichis.
Les marchands avaient fait rapidement fortune. Après la
perte de leurs navires, ils ne jugèrent plus nécessaire de
reconstituer leur flotte marchande. Audierne fut livrée à la
seule population besoigneuse : petits commerçants et pêcheurs.
" L'exportation de poisson diminua insensiblement.Le portfut
a, ussi négligé. «( Les piquets fichés en terre pour l'amarrage
des navires ne furent pas renouvelés: les quais s'écroulèrent

peu a peu ». -
Pendantla grande prospérité, des foires s'y tenaient. Comme
Audierne n'était pas un pays de production agricole, ces
foires, attirant le commerce des campagnes, portaient un pré­
:iudice considérable à Pont-Croix qui, avec son escale de Poul-

goazec, sur la rive gauche du Goayen, avait le monopole de

l'expédition des produits de la terre. Un procès survint ~ntre
les deux villes, au sujet de la tenue de ces foires. Audierne

le perdit, et les foires n'eurent plus lieu. La ville fut réduite

au seul rôle de port de pêche et de relâche des navires.
A la fin du XVIIe siècle, l'émigration acheva la ruine de la
ville: ' ( les descendants des anciens marchands, jaloux .
de se procurer des alliances, avaient emporté toutes les
richesses» ainsi que le constate une délibératiou · du
Conseil général de la paroisse, du 8 septembre 1790 .
La ruine fut si complète, qu'à cette époque (1790) il n'y
avait plus à Audierne « que 1080 habitants, dont 78 actifs et

au moins 600 misérables dont il est nécessaire de pourvoir

aux besoins et nécessités ". -

. La pêcherie de Feunteun-od et de Plogoff, eut le sort
d'Audierne, dans sa propérité et dans sa décadence.
Le nombre des marchands, aux premières années du
XVIIe siècle, y étaient de dix à· douze. L'un deux, Jean
Hervichon est même qualifié de .McrcatoT Ispagn .....
Autour du port de Feunteun-od, on trouve encore les traces
des pêcheries. Sur la falaise existent des emplacements de
maisons où l'on découvre de nombreuses pierres à aiguiser,
qui ont dû servir à affùter les couteaux pour l'habillage du

poisson. Leur nombre indique un personnel assez considéra-

ble se livrant à ce travail. Au fond du port on découvre aussi
des c' ra.paux, ancres de pierre, qui ont servi au mouillage des

barques, et des gaLLes, pierres entaillées pour faire couler les
lignes de pêche.
La décadence de cette pêchArie est due à un coup de vent de

bise qui, un jour de pêche, au printemps, chassa, vers le large
où elles périrent, les barques, incapables de regagner la terre,

bout au vent, avec leurs voiles carrées; puis à la peste de

. 1641 à 1643 qui fit à Plogoff de nombreuses victimes. Plusieurs

villages, dont il reste quelques traces dans le voisinage de
Feunteun-od, perdirent tous leurs habitants, et, pas plus que

Feunteun-od, ne furent rebâtis. Ce sont les villages de
~veur, l~varok, ~otiès, l}eign, I }vassé et Foss·ar-Grill.

XII
La ruine des pêcheries de la morue du Haz de Fontenoy,
ou merlus, ne fit pas disparaître du pays, l'industrie du pois-
son sec. .
Si l'exportation se trouva réduite, la consommation locale
s'accrût. Le commerce ne donnait plus, aux pêcheurs, l'argent
nécessaire à leurs besoins. Ils procédérent alors par échanges.
Aux mois d'août,de septembre et d'octobre, ils parcouraient les
campagnes, portant, sur leurs têtes des faix de poissons secs,
qu'ils livraient qans les fermes, contre des produits agricoles .
C'est ainsi que les sacs qui avaient contenu le poisson, étaient
au retour remplis de blé, filasse et autres objets.
Le règlement pour les gabelles de Bretagne, de février 1681,
permit de se procurer plus facilement le sel, qui dût servir
alors à de nombreuses salaisons.

Plus tard, un arrêt du conseil, du 24 mai 1740, proportionna,
au nombre des poissons capturés, la quantité de sel à délivrer: .
deux muids et demi par millier de morue, le poids du muid
et demi étant évalué sur le pied de 4800 livres anciennes, ou
2400 kilos.
Cependant }'Ile-de-Sein conserva toujours le monopole du
congre sec. La fabrique de Saint·Guénolé fit même construire
une jetée .pour acc$der aux bateaux du port. et y préleva un
droit de passage. Ce droit, payé en congres verts et en congres
secs, en avril et en août, atteignait 30 livres par année
moyenne La vente de 17tiH produisit même '114 livres

argent.
A Audierne s'imp.lanta une industrie mixte. Le poisson,
d'abord mis au sel, était ensuite séché. Il était livré soit en

baril, soit en greni(r. Une JeUre de M. Guesno, receveur des
Douanes d'Audierne, du 2 Janvier ' 1809, proposa d'assimiler
aux merlus, lieus et juiiennes, pour la fixation de la quantité
de sel, les congres que l'on salait à Audierne. Une dé~i- .
sion ministérielle du 4 juillet ' 1809, fixa à 7;) kilos de sel par
100 kilos de poisson, salé en baril. Une circulaire du ' 16 dé- '
cembre 1809 accorda ' 25 kilos de sel en plus, pour le poisson
expédié en grenier. .
L'Ile de Sein et l'Ile Molène reçurent même le sel, exempt
de tous droits de l'Etat. Cette franchise existe encore aujour­
d'hui et cela de commun avec l'une des îles d'Hyères.
Le poisson ainsi préparé était connu sous le nomcte
Morue du Raz de Sein, ou Morue du Raz. Au cpmmence­
ment du XIxe siècle, il donna lieu à un commerce impor-

tant. La M01'ue du B.az, disponible dès le mois d'août,
devançait avantageusement la morue des pêches du Nord,
Terre-Neuve, et Islande, qui n'arrivait en France qu'en sep­
tembre et plus tard.
Les navires embarquaient ce poisson à quai d'Audierne et
de Douarnenez. Il était mis à fond de cale et saupoudré d'une
couche de se] ; par dessus, on disposait un lit de genêts, sur­
monté d'une autre couche de morue et de sel, et ainsi ju"qu'à
toucher le pont. Les 25 kilos de sel accordés par la décision du
16 décembre 1809, servaient à cela. Les lits de genets avaient
. pour but d'isoler le poisson et de le préserver du contact dp

l'eau de mer qui, par trop gros temps pouvait embarquer. Ce
qui arrivait souvent, car cette morue du Raz s'expédiait au
loin .

Les .navires chargés gagnaient Bordeaux, pour chercher

acheteurs à leur cargaison. S'ils ne trouvaient pas de "ente,
ils faisaient escale à Bayonne, puis dans les ports d'Espagne
et du Portugal, et entraient en Méditerranée. Leut' dernière .
destination était Cette (1). Là, la marchandise était toujours la

(:1) Itinéraire ordormé au eapitaine Denie, en 1817.

bienvenue, car on ne pouvait s'en procurer assez pour satis-
faire les Catalans. .
La morue du Raz, débarquée à Bordeaux et à Bayonne, sui­
vait aussi la destination dè l'Espagne à travers les Pyrénées.

La facilité avec laquelle on obtenait du sel donna naissance
à la fraude du poisson salé. Un groupe de pêcheurs du Cap.en
avait la spécialité. Il introduisait, dans les .cordées de po'Îsson
de vente, parmi les poissons de choix, lieus, merlus, etc., des .

chiens de mer, des peaux bleues et autres squales et poissons
de rebut. On donna, pour ce fait, à ce groupe de pêcheurs, le
blason de Potred Pesked chass, ou Pennou-chass, têtes de
chiens de mer qui lui est resté. Un jour, le re.cteur de la pa­
roisse, M ' . . Billon, prAchant contre' le vQI, fit allusion à cette
fraude. Aussitôt les coupables de quitter l'église, insolemment,

comme, autrefois, les marchands d'Audierne devant les pré-
dications de Michel Le Nobletz. Et toute les fois que le pauvre
recteur montait en chaire, cette scène se renouvelait Si bien
qu'un dimanche, M. Billon, ou tré de la conduite de ces ouailles,
les fustigea, au premier pas qu'ils firent pour quitter l'église,
de ces paroles réellement prophétiques qui sont passé'es, dans .
le Cap, en dicton populaire: (( Sod, an tad!... Sod a1'
mab !... Sotoc' h ar vuiJale 'vien! )) « Sot, le père! Sot

le fils ! Plus sot encore le petit fils ll. -

L'industrie du gros poisson salé a cessé depuis l'extension
de la préparation du poisson par le procédé Appert.
Mais le congre' sec fait encore aujourd'hui une des princi­
pales exportations de l'Ile-de-Sein. Ces exportations ont encore
doublé aux dernières années. En '1904, nous avons mis en
relations, un négociant de la Haute-Garonne, avec l'I1e-de-Sein.
Les expéditions se font sur Bordeaux. De là elles gagnent le
val d'Andorre. Les Andorrains et une partie des Espagnols
pyrénéens, ne prisent un dîner de gala ou, de cérémonie,
s'ils n'ont une brandade de congre sec qui est pour eux, de

tradition lointaine, un mets nationa}.

L'industrie de la Morue du Raz de Fontenoy et les anciennes
pêcheries de la baie d'Audierne, ont entièrement disparu .

Mais le procédé du XVIe siècle pour le séchage du poisson et
le procédé mixte, salaison et séchage du XVIIIe siècle, sont
toujours en usage chez les pêcheurs du Cap-Sizun. Ils con­
servent ainsi, pour leurs provisions d'hiver, une partie de
leurs pêches d'été .
Seule, l'industrie du congre sec de l'Ile-de-Sein s'est main­
tenue, ainsi que ses anciens débouchés commerciaux.
H. LE CARGUEr.

A udierne, le 25 jan'pier 1910 .

302

DEUXIE E PARTIE

Table des Mémoires et Documents publiés en 1910

PaO"es

r. DocumenLs sur- te-- Ca- p-Sizun. ' 1. Lettre de

III.
M. Le Gçtllo, curé de l'île, 17'14, par 1\'1. DANIEL
BERNAR.D; ......... " ............. :.. .... 3

Le Cap-Sizun (suiLe): La Morue du Raz de Fon- "
tenay, par M. H. LE CARGUET ... .... , ," ... ,.: 8
Qpelques .testaments des ' XVe et XVIe siècles "
(Arc,hives de l'Hôpital de,l\1orlaix), par·M. JEAN ' "

l\1ARZIN. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 27

1 V. Episodes et anecdotes (4

série). Quelques ,
types de plaideuses en Basse-Bretagne au
. XVIIIe siècle, par M. l'abbé ANTOINE FAVÉ. .... 65

V. Eglise de Sizun et ses annexes (petite monogra-
. phie), par 1\'1. le Chanoine J.-M. ABGRALL ..... . 128

VI. Note sur une ancienne ' bannière conservée

VII.
VIII.

(lans J'église. de Taulé, par M. H. BOURDE DE
LA ROGERIE.. .. ...................... .... ... 139

Note sur trois vieilles pierres trouvées à
Carllaix, par M. E. CHARBONNIER .... ... ' ....... "

Etudes sur le Cap-Sizun. -- III. A propos de la
c- hapelle de Monsieur Sainct-They, en Cléden-

Cap-Sizun, par l'IL DANIEL BERNARD .......... .

Eglises et Chapelles du FinisLère (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXIV, XXXVI).
Doyennés de Cbâteaulin (fin), Crozon, Le Faou,
Le Huelgoat, Pleyben, par M. le cbanoine
143
145
PEYRON. . . . . . . . . . . . . .. o 16'1, 292,
Notes sur Cbâleauneuf-du.,.Faou et ses environs

. pendant les guerres de la Ligue, par M. RAY-
MOND DELAPORTE.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

Xl. Les peinLures de la voûLe du chœur dans l'église
de Pouldavid, par Douarnenez, par M. le cha-
noine J.-M. ABGRALL. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206

XII. Voyage d'Henrielte de France, reine d'Angle-
t.erre, en Bretagne (1644), par M. H. BOURDE
DE LA ROG ERIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214

XIII. Une ardoise gravée trouvée dans un monument
mégalithique de l'île de Groix, par M. A.
MAR'rIN (planches).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
XIV. LisLe des JuridîcLions exercées au XVIIe et au
XVIIIe siècles dans le ressort du Présidial de
Quimper (1 el' arlicle : sénéchaussées de Brest
et de Carhaix), par M. H. BOUHDE DE LA ROGERIE. 248

FIN -'

Imprimerie -;0 TONNEe, LEPR!fI!CE. Suce. - Quior.fJe,