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Bulletin SAF 1909


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L’Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes pour servir à son Histoire)

M.H. Bourde de la Rogerie

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1909 tome 36 - Pages 324 à 366

Notes pour servir à son histoire

Les pages qui suivent ne sont ni une histoire, ni une des-

cription de l'église de Saint-Jean-du-Doigt: ce sont de simples
notes prises dans la belle série decomptes de fabrique des années .
1553 à 1790 qui est conservée à la mairie de Saint-Jean. Dans
cette collection, la plus considérable qui existe dans le Finistère,
nous nous sommes attachés à relever les noms des artistes et
des ({ ouvriers d'art )Jo qui de 1553 à 1790 concoururent à la
construction, à l'ornementation et à l'ameublement de l'église
et de ses annexes. On a beaucoup écrit sur les monuments de
Basse-Bretagne, mais on n'a guère étudié leur histoire et on

a bien rarement cherché à découvrir le nom des architectes
qui les édifIèrent, des verriers, des « imaigiers », des peintres,
des orfèvres qui les meublèrent. Cependant, dès 1877, Le
Men, dans sa Monographie de la Cathédrale de Quimper, avait
montré qu'il n'était pas impossible de découvrir le nom et
même la biographie d'auteurs d'œuvres très importantes;
mais depuis 1877, il n'a été publié qu'une seule description
d'église dans laquelle l'auteur a voulu donner des renseigne­ ments de ce genre: c'est l'excellente Monographie de l'Église de
Saint-Thégonnec de M. l'abbé Quiniou ; ce petit livre a fait
connaltre les noms de deux véritables artistes: l'architecte du
magnifique ossuaire, Le Bescond, et celui du sculpteur de la
chaire, Let'rel (1).
(1) Mo FAVÉ a publie d'intéressants documents sur les beaux autels d e
Bodilis dans cet article: Un procès d'art à Bodilis (Bulletin de la Société
Archéologique du Finistére. T. XXVII, année 1.900). MM. AnGRALL et LE Coz
ont donné des extraits des comptes paroissiaux dans leur petite brochure:
Pleyben, Église, ossuaire, ca lvaire, Quimper, 1908, in-16.

325 -

Les comptes conservés à Saint-Jean ne constituent pas
malheureusement une « source » d'informations aussi abon­
dante que les actes étudiés par MM. Le Men et Quiniou, car
le plus ancien est postérieur de quarante ans à l'achèvement
de la chapelle. Ces documents n'apprennent donc rien sur la
construction de cet édifice non plus que sur l'origine des
magnifiques objets d'orfèvrerie qui constituent le trésor: ce
sont donc - il faut en avertir le lecteur les pièces concernant
ce qu'il y a de plus remarquable à Saint-Jean qui manquent.
L'histoire de Saint-Jean-du-Doigt antérieurement au XVIe
siècle est peu connue; on sait seulement que dans le v~lIon
situé à l'est de l'église de Plougasnou existait dès une époque

très ancienne une chapelle dédiée à saint Mériadec. Le chef de
ce saint y est encore conservé, ainsi que le bras ' de saint
Maudet, mais la célébrité de ces reliques fut complètement
éclipsée lorsqu'on eut apporté dans la chapelle une phalange
d'un doigt de saint Jean-Baptiste: on ne sait rien sur l'origine
de cette relique et sur les circonstances qui accompagnèrent
sa venue à Saint-Jean, sinon une extraordinaire légende
insérée dans la Vie des saints de ta Brctagnc armo1'ique d'Al­
bert le Grand; la date de la translation est inconnue mais
elle est antérieure à 1429. Sur la construction et sur l'histoire
primitive de la chapelle on n'est pas mieux renseigné: tout
ce qu'en on dit divers auteurs est tiré du récit d'Albert Le
Grand, mais il n'est aucune des assertions de cel écrivain qui
résiste à l'examen (t). Miorcec de Kerdanet, quelque respec­
tueux qu'il fut du texte qu'il annotait, n'a pu se dispenser de
(1) Une intéressante notice sur Saint·Jean·du·Doigt par III. F. de KEII·
GRIST est insérée dans le tome LXI! (année i896) des congrès tenus par la
Société française d'Archéologie de France (congres tenus à Morlaix el à
Brest). - On doit aussi consulter le 0' fascicule du Liure d'Ol' des Eglises de
Bretagne, de M. le chanoine ABGRALL ; la Vie des saints d'ALBERT LE GRAND
annotée par KERDANET; les Mélanges d'histoire et d'archéologie df' LA BOR­
DERIE et DELABIGNE-VILLENKUVE.

- 326-

remarquer que les dates données par Albert Le Grand {dates
de l'arrivée de la relique, de la pose de la première pierre
etc.) sont toutes inexactes. Albert Le Grand a composé son
(( histoire de la translation miraculeuse du doigt de saint Jean-

Baptiste de ,Normandie en Bretagne », comme tous ses autres
récits: les données fournies par les documents ou les textes
anciens ont été copieusement augmentées à l'aide de préten­
dues traditiôns locales, et comme ces traditions étaient bien :
singulières et difficilement acceptables,l'auteur 'a voulu donner ' .
à toute son histoire une apparence de vérité en semant au
milieu de son récit quelques dates et quelques noms de person­
nages historiques.

C'est aussi dans le livre d'Albert Le Grand que l'on trouve
de minutieux et merveilleux détails sur le pèlerinage accompli .

à Saint-Jean par la reine Anne le 1er avril 1506. Pendant les '
vingt-six années de son règne (1488-1514) la rei ne visi ta une
seule fois la partie occidentale de son duché: la Basse-Breta-

gne. Le chroniqueur Alain Bouchard a raconté ce . voyage en
termes charmants, « et estoit quasi chose miraculeuse de

veoir par les champs, chemins et boys si grant multitude
d'hommes, femmes et petis enfans qui accouroyent pour veoir
leur dame et maistresse, regraciant et merciant Dieu de quoy
illuy avoit pieu envoyer ladite dame, pour visiter sa contrée

et duché, pour ce qu'ilz n'avoient pas accoustumé dela veoir)J.
Les villes que visita la souveraine sont nommées par Bou­
chard: elle passa à Vannes, Hennebont et Quimper, suivit
le bord de la mer jusqu'au Folgoët, descendit au sud jusqu'à
Brest et revint au Folgoët. Elle y accomplit un VŒU, puis se
rendit à Saint-Pol, Morlaix et Tréguier où elle pria près du
tombeau de saint Yves. Elle visita ensuite Guingamp et rentra
dans le royaume pàr Saint-Brieuc, Lamballe, Dinan el Vitré.
Bouchard ne mentionne pas le pèlerinage à Saint-Jean raconté
avec tant de détails cent trente ans plus tard par Albert Le .
Grand: il se peut que le chroniqueur ait commis un oubli, et

- 327-

il serait téméraire de tirer de son silence cette conclusion que

, le 'pèlerinage ne' fut pas accampli. Mais on ne saurait accepter
les assertions d'Albert Le Grand, reproduites eL amplifiées

par la plupart des écrivains qui se sont occupés de l'histoire

de Saint-Jean, assertions d'après lesquelles la r.hapelle, la

fontaine, la i( maison du gouvernement)), le trésor, les ban-

nières et les chemins mêmes qui conduisent à Saint-Jean
seraient dus à la libéralité d'Anne de Bretagne,
Si la générosité de la duchesse s'exerça en ce lieu, ce fllt

sans doute a u profit de la chapelle qui fu t en partie cons-
truite pendant son règne, mais cette église elle-même, les
œuvres d'art qui s'y trouvent, les biens qu'elle possédait' jadis
furent presqu'intégralement payés ou donnés l'examen des
comptes le prouvera par les offrandes de la foule de pay­
sans et de pèlerins qui venaient prier à Saint-Jean_

Les comptes de la chapelle correspondent aux années

11)1)3-1556,
1647-161)0,
1697-1699,
1714-17115,

11)62-11)68, 1iS91-1595, 11)~6-11)98.
1660-1674, 1680-1682, 1684-1693,
1700-1701, 1702-1704, 1707-1708,
1719'172, 1, 1721)-1726, 1727-1728,

11)99-1600,
1694-16915 ,
1710- 171'1,
1729-1732,
1734-1737, t745-1746, 1748-1749, 171)4-171)6, 1758-1761,

1764-1769,17/1-1774,1778-1779, 1784-17815,1789-1791 (1),

Pendant ces deux siècles et demi, le mode d'administration

des biens de la chapelle subit quelques modificalions, mais
le trait caractéristique fut toujours que Saint-Jean était un, e
simple chapelle succursale de la paroisse de Plougasnou, et

non une trève, quoiqu'elle possédât dès le XYle siècle des
fonts baptismaux et qu'un vicaire y exerçât les fonctions

curiales, Au XYe siècle, le patrimoine de Saint-Jean était
administré par un « gouverneur » ecclésiastique et un
(i) On trouve à la mairie de Plougasnou le compte de i762-i763, et aux
Archives du Finistère ceux de i692-i693 et i777-i778 (incomplet).

- 328 ~ .

gouverneur laïc (Mss. CLech); au siècle suivant, d'après un
arrêt du Parlement du 28 août 1560, le tiers des offrandes
était, suivant l'usage, perçu par le recteur; les deux autres
tiers étaient employés à l'entretien de l'église sous la direction
d'un prêtre et d'un gentilhomme élus par les habitants et
confirmés par l'archidiacre de Plougastel (1). Cette organi­
sation fut modifiée au cours des XVIIe et XVIIIe siècles,
mais les paroissiens de Plougasn.ou conservèrent la haute
main sur la gestion des biens de la chapelle; ils élisaient les .
marguilliers, et ceux-ci au bout d'un an, à l'époque de Pâques,
préseotaientleurs comptes à deux prêtres, deux gentilshommes
et deux roturi ers, désignés au prône de la messe paroissiale;
les comptes étaient ensuite soumis, suivant la règle ordinaire,
au général de la paroisse, puis à l'évêque. Les habitants de
la section de Plougasnou, qui étaient sous la juridiction
spirituelle du vicaire de Saint-Jean, ne paraissent pas avoir
songé à former une paroisse ou une trève distincte avant '1780;
leurs réclamations devinrent très vives quatre ans plus tard;
elles ne furentompl ètement exaucées qu'en 1790 (2) .
. Les habita s de Plougasnou avaient le plus grand intérêt

à conserver sous leur dépendance l'opulente chapelle; ses
~naMes' servirent plusieurs fois à combler les vides de la
Gaisse paroissiale. Quant au recteur la perception du tiers des

offrandes rendait sa cure une des plus lucratives du diocèse
de Tréguier.
Plusieurs fois des intrigants cherchèrent à faire ériger à
leu r profit la cha pelle de Sain t-J ean·ct u-Doigt en bénéfice.
L'évêque 'de Tréguier se laissa mê. me aller en 1552 à 'pronon­
cel' cette érection (Mss. de Clech), qui lésait gravement les

droits de Plougasnou. Le bénéficiaire était probablement un

(1) Copie du XVIll' siècle conservée aux archives de la mairie de
Plougasnou.
(2) Sur les yelléités séparalistes des habitants de Saint-Jean, voir à la
mairie de Plougasnou les registres des délibérations eL surtout un
mémoire de 1784.

329 -
certain Pierre Chouart, recteur de Saint-Aubin, souvent
nommé dans les premiers comptes; les paroissiens soutinrent
contre lui un procès dispendieux, mais Chou art étant devenu

vers 1555 recteur de Plougasnou, put jouir légitimement du .
tiers des offrandes; il se joignit dès lors à la résistance
opposée par ses ouailles aux prétentions d'un nouveau
chapelain, Jean Eudes du Vivier. C'était un normand de
Honfleur qui, de 1574 à 1577, fut associé à d'aventureuses
expéditions maritimes que ses compatriotes organisaient à
destination des côtes de Guinée et du Brésil. Il avait été
pourvu de plusieurs bénéfices en Basse-Bretagne, qu'il
dilapida sans scrupule. Il était doyen du Folgoët et vendit en
1565 quelq ues propriétés de la collégia le; il était a bbé de Saint­
Maurice de Carnoët, et ses moines lui reprochèrent entre autrtls
choses, d'avoir vendu les cloches de l'abbaye « pour envoyer à
La Rochelle fondre du canon Il (1). Il aurait vraisemblable­
ment dissipé les biens de 13. chapellenie de Saint-Jeàn, qui
lui avait été donnée par le Roi et par l'Evêque, si les habitants
de Plougasnou ne s'étaient résolus à plaider, puis à lui
payer une très grosse somme de iOOO livres, pour le dé ter-

miner à renoncer à ses prétentions (Accord du 9 juin 1559 et
quittance de Richard Eudes, recteur de Moëlan, fr8re et
procureur de l'abbé de Saint-Maurice) (2).
L'arrêt du Parlement du 28 août 1560, cité ci-dessus,
confirma les droits de Plougasnou; cependant vers '1627
1. Fouquet, doyen du Folgoët, fut encore pourvu de la
chapellenie de Saint-Jean; les habitants furent dans l'obli­
gation d'engager un noUveau procès. Pendant près de trois
quarts de siècle, ils furent ainsi contraints de défendre en

(i) BRÉARD, Document.' relatifs à la Marine normande, RQ.uen, l.8Sg, in-S',
p. i50, 160·161,204. - Arch. du Finistère, H. : S9 (Saint-Maurice). - KERDANET,
Vies des Saints, p . 157. - Arch. d e Plougasnou et de" Saint-Jean. - Richard
Eudes succéda à son frère en qualité d 'abbé de Saint-Maurice.
(2) Les paroissiens firent le l.I juin 1559 un premier payement de 300 livres
représentées par 5 écus d'or sols, 6 croisades, IS doubles ducats,
9 angelots et SO pistolets (Arch. de la mairie de Plougasnou). .
- 330
justice leur chapelle contre les prétentions des intrus. Ce
furent presque les seuls procès qu'ils soutinrent; les gouver­
neurs et fabriqu es de Saint-Jean ne furent pas possédés par
l'esprit de chicane comme tant de corps politiques de l'ancien '
régim e, et ils gérèrent toujours leurs finances avec sagesse et

economle.
Chaque compte comprend deux chapitres, la charge et la
décharge. Au chapitre de la décharge les dépenses sont ins­
crites sans ordre: on ne sépare même pas les dépenses ordi­
naires des dépenses extraord inaires. Au contraire, à la charge,
on distingue toujours les recettes provenant du revenu des

terres et conslÏtuts du produit des offrandes ou aulnices . Les
comptables n'inscrivent jamais que les deux tiers des offran­
des et ne font pas état du tiers appartenant au recteur qui lui
était remis sans passer par les coffres de la fabrique. Le mon­
tant des offrandes était extrêmement variable: il atteignit
(déduction faite du tiers remis au recteur) 288 livres en 1553,
386 en 1662, 621 en 1672, 276 en 1692, 850 en -1748, 695 en
1764,1003 livres le chiffre le plus élevé en 1791. Nous
nous bornerons à donner les recettes et les dépenses pour
quelques années prises au hasard (1).
Hi77-Hi78. Recettes: 922 1. Dépenses: 740 1.
1584-1585. 1016 846
1591-1592. 558 617
H:i97 -1598. 196 337

1599-1600. - 741 697
1647-1648. 2641 1206
1662-1663. 826 824
1672-1673. 1363 1335
1692-1693. 714 651
1721-17:22. 3251
-- 5974
17 48-174!:J. 1556

556
1758-1759. 1270 - 823
(1) No us omettons de noter les sous et les deniers. Les recettes compre­
naient parfois un reliquat de l'exercice précédent.

331

1664,-1761). - Recettes: 1264,1.
1768-1769. 1256
1791-'1792. 1119
Dépenses: 613 1.
1231 '
1527

On remarque le fléchissement dans les recettes qui se

produisit à l'époque des guerres de religion: c'est le seul-
événement historique qui ait laissé trace Jans nos documents.
Au XVIe siècle, la Bretagne était paisible; une seule dépense
de caractère militaire se trouve dans les comptes antérieurs
à 1591 : l'achat en - L553, moyennant 30 livres, de deux pièces
d'artillerie, qui à ce prix ne devaient pas être bien redoutables.
Elles étaien t destinées à la défense de la chapelle et des côtes ,

voisines; Bernard du Val reçut 25 sols pour faire (t les molles
(moules) à faire les boulets n. La Basse-Bretagne ignora les
discordes religieuses plus longtemps que le reste du royaume,

la guerre ne commença qu'après l'assassinat d'Henri III;
mais, dès lors, on trouve dans les comptes le reflet de la ,

misère qui désola le pays: le pardon cessa d'être fréquenté et
la chapelle ne reçut plus d'offrandes, l'inséc'urité fut complète,

les terres ne furent plus cultivées et par suite les fermages
et les rentes dues à la fabrique demeurèrent impayés ;
les recettes annuelles qui atteignaient 1016 livres en '1585,
tombèrent à 558 livres en 1592, à 386 en 1593, à 250 en 1594,
à 206 en Hi95; elles remontèrent à 3'17 1. en 1596 pour
redescendre à 205 l'année suivante, et à ,196 en 1598.
Toute les dépenses somptuaires furent supprimées; la cha­
pelle ne fut plus réparée, les prêtres et l'organiste furent à
peine payés et cependant la (( décharge ,) dépassa la «charge»
en 1592 : 658 1. ; en HjH3 : 392 1.; en 1596: 322 1. ; en
1597 : 327 1. et en '1598 : 337 1.
Une partie des dépenses fut consacrée à mettre en sû'reté
les reliques et les vases sacrés de l'église, ou à aller deman­
der du secours aux gentilshommes voisins: les marguilliers
firent ainsi plusieurs voyages de 1591 à 1594, : l'année sui­
vante le péril devint plus menaç.ant; une nuille gouverneur
- 332

alla avec un maçon « percer en ung endroit pour mettre et
maçonner lesdits ustensiles II (du trésor) ; puis cette précau­
tion paraissant insuffisante on les mit en dépôt au château du
Tau reau; ce fut la sourcp, de plusieurs menues dépenses,
frais de voyage et gratifications données au capitaine et aux
soldats; des ca lices furent mis en gage à M orlaix. La précau­
tion n'était pas inutile , car Saint-Jean fut visité par les gens
de guerre du comte de la Maignanne, un des chefs ligueurs
du pays; on rem boursa 6 1. 5 s. aux marguilliers « parce
qu'ils furent occupés à curer et nettoyer la cbapelle après les
chevaux des gens de guerre du comte de la Maignanne quand
ils furent sur le château de Primel au mois de mai ». Roland
Keruolet reçut 25 sous pour avoir porté sept ca lices à bénir à
Lanlréguer « parce qu'ils avaient été polluz par les gens de
guerre II (compte de 1594-15, 95). Les comptables de l'année
suivante s'excusèrent de ne pas représenter les vases sacrés
qui étaient cachés au Taurea u et ailleurs; « il fut advisë de
de les lesser où ils estoient à cause des gens de guerre qui
hantoient pour lo rs en ladite paroisse et - entendu aussy que
partye des lin ge ri es de lad ite chapelle avoient esté emportées
auparavant par les gens de guerre du comte de la Maignanne
qui arrivèrent audit bourg sans y penser ll . Après les gens
de guerred u ligueur La M aignann e, vinren t les « so uldarts ))
du royaliste G oesbriant qui com mirent des dégats dans une
maison appartenant à la chapelle JI (1). La grande armée
royale ne visita pas Saint-Jean, mais pendant qu'elle assié-
(1) Les comptes de Plougasnou citent des dépenses semblables : 68 s. 4 d.
pou l' avoir nettoyé l'église apres qu'elle eu t été fortifiée par des m oLLes et
aLLl'a\t~ par des gens de guerre qui y faisaient la garde contre les
espagnols de Primel; 40 s . pour ' avoir caché les contrats, vêtements,
accoutrements de l'église, et avoir été plusieurs fois de jour et de nuit
occupé à les cacher et parfois à les sortir de leur cachette pou r l es
mettre à l'air; 10 s. pour voyage a u château du Taureau; 12 s . 6 d. au
comptable et au recteul', dépu tés par les paroissien s pour aller à Morlaix
devers M. de Coetnisan lui demandel' permission de fréqu enter les Espa­
gnols de Primel (Notes sur le compte de 1595-1596 communiquées par M. le

- 333-

geait le château de Morlaix occupé par les ligueurs, le
maréchal d'Aumont demanda trois vaches grasses à la
paroisse de Plougasnou qui furent payées, l'une par la mère­
paroisse, l'autre estimée 101. 12 s. 6 d. par la fabrique de
Saint-Jean et la troisième par la confrérie du Sacre (comptes
de -1592 à 1596). Les comptes présentés avec quelque irrégu­
larité pendant les années suivantes énumèrent de nombreuses
dépenses du même genre, mais après que le duc de Mercoeur
eut fait sa paix avec le Roi, la situation s'améliora très vite.
Les recettes de Saint-Jean remontèrent en Hi99-1600 à
74L livres, somme supérieure de 44 livres au chapitre de la
(c décharge)) quoique les marguilliers eussent fait plusieurs
dépenses pour réparer les maux de la guerre: par exempie
des payements de 36 1. au peintre Pezre Barazer qui avait
nettoyé et peint les statues de la chapelle, et de 40 s. à Yves
Bégar, prêtre, qui avaient porté deux calices à (c Chasteau
Pol)) (Saint·Pol-de-Léon) pour les faire bénir.
L'orage avait été violent mais il avait passé vite et les
maux qu'il avait causés furent assez vite réparés. Ces guerres
cependant laissèrent un très vif souvenir, peut-être parce que
la Basse-Bretagne n'avait été depuis le XV' siècle le théâtre
d'aucune guerre et parcequ'elle ne devait plus connaitre ce
fléa u.
Saint-Jean-du-Doigt ne vil plus d'autres soldats que les
gardes-côtes. En 1702-n03 lp,s comptables demandèrent allo­
cation de 2 1. 45 en remboursement du vin qu'ils avaient
laissé boire aux gens du guet, le capitaine, M. de Penanvern

cc leur ayant remontré qu'un pot de vin était très peu de chose
entre quarante personnes ll. Celte remarque de M. de Penan­
vern était judicieuse; cependant les paroissiens n'accordèrent
que 20 sols comme les années précédentes. En 1704, les
comptables exposèrent en termes émus et prolix. es qu'ils
n'avaient pu refuser aux exigences de M. de Penanvern le
renouvellement. de celte dépense: 40 sous leur furent alloués

fiaIS sans tIrer a consequence.

- 334
Les autres petits faits hi >toriques que l'on pourrait glaner
dans les comptes concernent des épidémies ou pestes, en
1567 et '1599. Citons encore une aumône en 1:)67 pour le
rachat d'un jeune homme captif chez les turcs (Mss. Clech)
et une aumône analogue en 11)81 à quatre femmes de la
paroisse (1 pour les aider à payer la rançon et rachat de leurs
maris estant pris et détenus en captivité par les turcs infi­
dèles )).
Un examen méthodique des compte3 fournirait des rensei­
gnements précieux sur l'histoire économique : prix des
denrées, salaires, valeur de l'argent. Il faut souhaiter qu'un
érudit entreprenne cette étude; on y trouverait aussi la révé­
lation de bien des petits faits concernant l'histoire de
Tréguier: en 1586-1587 création de deux foires et d'un
marché à Saint-Jean grâce à l'intervention de Guy de
Scépeaux, seigneur de Plougasnou, et payement par les mar­
guilliers d'une gratification ou d'un pot de vin de 100 livres
au sieur de la Combe, secrétaire de Guy de Scépeaux (1); en

'1599 et années suivantes, destruction de loups et payement

d'une taxe de 20 sols par bête abattue au veneur du seigneur
de Coetnisan (2); en 1672, frais de chancellerie à l'occasion
de la délivrance de lettres d'indulgence.
Certaines dépenses sont reproduites dans tous les cahiers: .
frais du culLe, nettoyage de l'église après le grand pardon,
payement des prêtres chargés de desservir les fondations,
salaires des bedeaux, de l'horloger, de l'organiste, frais des
missions données par les capucins ou les récollets, traitement
(depuis 11)53) des maitres qui, dans la chapelle Saint-Georges,
(1) Les foires et le marché furent établis par leltres patent.es données
à Saint-Maur-Ies-Fossés en juin i586 (comptes de 1587-(588).
(2)En Tréguier comme en Cornouaille (eLla Relation du chanoine Moreau),
les loups se multiplièrent à l'époque des guerres de religion; les comptes
de la chapelle du Christ en Guimaec (.1rch. Finis/ère, G. 538) et ceux de
Plougasnou citent plusieurs payements au veneur du seigneur de Coet­
nisan. du devoÎ!' du loup» : celte taxe fut payée six fôis en i599-1GOO par
les fabriques de la chapelle du Christ.

tenaient école pour les enfants de Plougasnou et ceux - de

Saint-Jean, célébration en la chàpelle c!e Saint-Sébastien de
Kermouster d'une messe fondée par les -paroissiens pendant
une épidémie, frais de voyage du prêtre envoyé à Tréguier
pour rapporter les saintes huiles, payement des décimes, des
droits d'amortissement, etc" etc,
Quelques dépenses sans avoir le caractère de dépenses ordi­
naires se produisent presque tous les ans: réparations aux

vitraux, aux canaux de la fontaine, aux chemins et payement
d'un salaire aux personnes qui portaient la croix d'argent
doré a ux pardons des sa nctuai l'es voisi ns, , à Sai n t-J acq ues de
Locquirec, Kernilron, Chapel-Christ, Saint-Georges, Saint­
Antoine, Plouézoch (Comptes de 1647-1648) .

La « nourriture )) des enfants trouvés est inscrite dans un

certain nombre de cahiers : on sait que ces enfants étaient

'élevés aux frai s de la paroisse sur le territoire de laquelle ils
étaient découverts: or on en trouvait assez fréq uemmen t à
Saint-Jean, non pas que la moralité fut plus relâchée qu 'ail- _
leurs, mais parce que les (1 mères dénaturées)) qui voulaitmt
abandonner leur enfant avaient du moins cette précaution de

ne pas l'exposer sur Je territoire d'ûne paroisse dénu ée de

ressources, Lorsq u'un enfant était trouvé près de la chapelle,
les marguilliers s'empressaient de faire des recherches dili­
gentes pour découvrir la mère coupable; leurs recherches
furent poussées parfois jusqu'à Tréguier et Saint-Pol (Comptes
de 1564,1578, etc,).
Le pardon était jadis comme aujourd'hui la grande fête du
pays de Plougasnou : à la fin du XVIIl" siècle on commença
à l'accompagner d'une misfl en scène qui a été décrite en
1794 par Cambry et qui subsiste encore de nos jours, En
'1760-1761 on paya 9 livres à M, Lesné, recteur de Plougasnou,
({ pour la matière à faire le feu d'artifice )), qui fut renouvelé
les années suivantes et coûta 13 1. 10 s. en '1768 et 20 en
'1771. Le compte de 1771-1772 inscrit en o-utre 4 1. 6 s. « pour

336
des rubans pour garnir les'babits des anges et enfants desti ·
ner pour le feu (1) la veille de saint Jean; 381. 8 s. pour

une corde pour le feu d'artifice, 7 1. au tailleur pour les habits
des anges, 3 l. pour la collation des ellfants qui sont destinés
et appelés pour orner la procession le jour de la veille (sic)
de saint Jean, 3 l. pour attacher le guidon de saint Jean )).
Mais un examen plus détaillé des comptes nous entraîne­
rait trop loin du but que nous nous sommes fixé. Nous
revenons don c à l'histoire monumentale de la chapelle et après
avoir rappelé que commencée dans les dernières années du
XV· siècle, sur un plan qui ful très certainement remanié au

cours de la construction, elle ful dédiée par Antoine de Gri-
gneaux, évêque de Tréguier, le 18 novembre HS13. Les
comptes de fabrique ne remontant qu'à 1:5:53, nous n'aurons
que peu de choses à dire de cet édifice . Les jolies construc­
tions qui l'entourent : oratoire, fontaine, portail ... nous
retiendront plus longtemps, ainsi que les objets mobiliers qui
ornent le sanctuaire (2).
Flèche de l'église. - Les comptes de '1:566 li 1:571 renfer-
ment de nombreuses mentions relatives à la construction de
. (( l'hoguillon )) c'est-à-dire de la fl èche de charpente recou­
verte de plomb qui s'élève au-dessus de la tour. Ce ne fut pas
une simple réparation mais une réfection complète qui coûta
(1) On comprend que le marguillier a voulu dire: pour la procession du
feu .. . Le feu de joie est allume la veille de la fêLe en plein jour. En 1771,
était-ce aussi en plein jour qu'était liré Je fell d'artifice du recL eU l' Lesne?
(2) Presque Lous les renseignemenLs qui suivent sont extl'aits des
comptes de Saint-Jean. Quelques indications sont empruntés à la copie
obligeamment communiquée pal' M. Le Guennec, de Morlaix, d'un manus­
crits de notes prises .dans les archh'es de Saint-Jean à la fin du XVIII­
siècle pal' un travailleur anonyme qui était probablement l'archiviste de
Saint-Jean, J .-F. Clech. M. l'abhé Le Roy, recteu r de Saint-Jean, nous
a prêté des documents intéressants : nous tenons à lui exprimer ici touLe
notre:·gralilude.
" 3 37

- plusieurs milliers de liVl'es . Ce travail fut fait sur le devis et

sous la direction de Fiacre Hamon, maître pinlier ou plom-
bier à Morlaix. Une flèche existait antéri eurement à 1566
_ mais elle était peut-être reco uverte d'une simple toiture
d'a rd oises. L'éléga nte aiguille éd ifiée par Fiacre Hamon a
été bien des fois réparée et il es t prése ntement difficile de
reconnaître ce qui fai sait parti e de l:œuvre primitive : les
clochetons placés à la base de la flèche so nt des œuvres
récentefi et médi ocres : la grande fl èche es t au contraire très
élancée, trop svelte même ; elle paraît grêle quand on la com­ pare à la chapelle et à la tour monumentale qu 'elle couronne.
M. F. de Kergrist croit qu e les marguilliers préfèrèrent un e

flèche de plomb à urie fl èche de pierre pour des raiso ns d'éco-
nomie : si tel fu t leur calcul il fut assez maladroit car toute la

sé rie des co mptes al(este qu e des répa rati ons fréqu entes et
coûteuses dU- l'eut être faites aU clocher qui se désagrégeait et

se disloquait sous l'effort du vent marin. D'a utre.s fl èches

de plomb furent co nstruites à ce tte époq ue : celle de la chapelle
de Saint-Gonéry subsiste encore; d'a utres plus im portantes

qui ava ient " été éd ifiées à Sain t-Cài 'entin de Quimper et à

Saint-Trémeur de C arhaix, so nt dep uis longtemps détruites.
_ Oratoire. Tous les éc ri va ins qui ont étudié Sa in t-Jea n­
du-Doigt orit décrit le joli « oratoire l) du cimetière : c'est
un e co nstru cti on gracieuse el très ori gin ale : un so ubassement
de granit orné de quelques reliefs da ns le go ût de la Renais­ sance porte .des piliers en ga ine qui eux-mêmes so utienn ent
une fri sfl sculptée et le toit (1). On célébrait probabl ement la

messe dans cet édifi ce les jours de grande fête : les fidèles
qui n'ayant PU " entrer dans l'église s'entassaient dans le

(1) On tro uve la description détaillée de l'oratoire, de la fontaine, de
l'arc de triomphe, dans l p-s o uvrages de MM. DE KERGR IST, P ALUST RE,
A BG IULL, cités supra. .
B ULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - T OME XXXVI (Mémoil'es 22)

- 338
cimetière pouvaient ainsi assister au Saint Sacrifice (i). Les
comptes donnent les renseignements les plus complets sur la
co nstruction de ce charmant monument.

rJompte de 1576-15ïi. Dépense de 20 sols pour frais d'un
acte notarié constatant qu e le dimanche 26 août Hî76, les .
paroissiens résolurent de fond er un oratoire au bout «susain))

du cimetière.
7-1 s. 8 d. « payé à M e Michel Le Borgne, architecte, pour
sa lai re d'avoir, luy et Yvon Tanguy, son compaire, esté par
deux jou rs l'un visiter le lieu de l'œupvre et délivrer ausdits

paroissiens en leur prosne le pourtraict et prothocole que
led it Borgne avait faict dudit œupvre )) .

50 s. au même Le Borgne, architecte, à raison de 12 s. 6 d.
par jour, « pour avoir été quatre jours, tant à prendre la
place dudit oratoire, que donner instruction et pourtraicture
aux autres ouvriers pour y besoigner )) .
. '1'18 s. 11 d. « pour ce que dès le ... jour de mars dernier
lesd its comptables par l'advis de certains apparans person·
nai ges de ladite paroisse firent marché vers lesdits M es Michel

Le Borgne et Pierre Texier dfJ parachever l'oratoire susdit. ..
pour 200 1. - monnoi e, laquelle somme auraient lesdits pardis­
siens, ayant agréable ledit marché, ordonné estre payée aux
ou vriers. _. payèrent en despens ausdits person nages et

ouvriers , tant en co ncluant le marché et en dressant l'acte
d'icell uy ... que en vins et despens ausdits ouvriers le jour
qu'ils commencèrent et meirent les pierres fondamentales
d'i cellui oratoire la somme de 118 s. 'li d.
Comptes de 1577-1578. Le maître architecte Michel Le
Borgne n'est plus appelé que tailleur de pierre, ainsi que son
compagnon Pierre Guyader, dont le nom avait été traduit en
fran çais (Pierre Texier) par les comptables de l'année précé-

(1) D'après PALUSTRE, l'oratoire n'aurait servi qu'un jour pal' an: «c'est
tou t simplement un oratoire des tiné à célébrer la messe le jour des

339
dente. Les marguilliers demandèrent qu'une indemnité de 20 1.
fut accordée à Le Borgne et Guyader « parce qu'il fut trouvé
pal' les députés à voir le renable du dit œuvre que iceux
ouvriers avaient fait plusieurs honnêtes décorations entour
icelluy oratoire oultre leur marché)). La gratification qui
avait été d'abord accordée fut plus tard réduite à 101. Le
l'en able (procès-verbal de réception dp. l'ouvrage) fut dressé
en présence du scholastique de Tréguier, de trois gentils­
hommes penanguern, Thoumelin et Kerlaziou, et de deux
tailleurs de pierre Paul Bégal et Yvon Guillesser (1). La
maçonnerie de l'oratoire était terminée: on dépensa 00 sous
« en despens ausditz Le Borgne et Guyader et leurs compai­
gnons après la perfection d'icelle maçonnerie pour leur vin
de parachèvemen t ».
Yvon Le Lavyec vint dresser le devis de la charpente qui

fut adjugée à un ouvrier du pays,Raoul Bégyvin. Les sablières
et les poutres de l'oratoire ont grandement sou(Jert de l'humi­
dité ; les frises sculptées par Le Lavyec et Bégyvin ont en
partie disparu: ce qui subsiste est cependant encore fort
remarquable et donne une haute idée du talent de ces imagiers .
. L'édifice fut couvert en ardoises et comme la couverture est
très haute, on eut soin de J'orner en employant des ardoises

de forme et de natures diverses et rie les disposer de façon
agréable à l'œil. Il reste quelque chose de celte recherche
ornementale mais aujourd'hui toute la couverture est formée
de grosses ardoises du pays. En '1578, on employa aussi des
ardoises bretonnes tirées de la perrière de Jehan Henry au
Dourdu, mais les dessins et les imbrications furent formés
d'ardoises beaucoup plus fines apportées d'Angleterre (2).
(i) Guillesser travailla à la construction de la tour de Plougasnou,
en i604; un de ses parents, Jean Guillasser, était menuisier et sculpteur.
(2) La pierre nécessaire à la construction fut extraite des carrières de
File Grande et de Trévezvor ; la qhaux fut apportée de Roscoff, le bois fut
acheté il. l{eranCl'as, à Kerlémareè et à Kerm'ldeza: l'ardoise d'Angle­
terre, achetée à Morlaix, coûta 50 sous le mille, celle du DOUl'du valait

- 34.0 . .
Compte de 1578-1579. Sur le soinmet du toit s'éleva uri

clocheton. Maître Aubin Morin, pinti er, couvrit « J'aiguillon ))
avec des lam es de plomb qui furent en partie dorées, ce qui
coûta environ 80 livres plus quelques frais accessoires: on

paya dix sous pour le tran sport des « timbres et plomb doré
que Aubin ne voulait être porté par mer à ca use de la dorur e)) .
Une cloche payée 18 livres, fut placée dans le clocheton, qui
ne fut jamais destiné, comme on l'a dit, à abriter un fanal. ­ Un chaudronnier vendit pour deux réaux (8 s. 4 d.) unE'
cro ix et un e girouette en form e de croissant. Salaun Geffroy,
peintre-verrier, plaça une vitre dans la petite fenêtre circulaire
qui est au fond de l'oratoire coût 5 livres 5 sols. Une
somme plus importante 36 1. 5 s. fut versée (( à Jacques
Chrétien, statu aire à Morlaix, tant pour deux imaiges mis
audit oratoire, l'un e de Notre-Dame, l'au tre de Saint-Jea n­ Baptiste, qu e. pour avoir doré lesdits imaiges, timbres ou
autres choses dudit oratoire )) .
Quelques détaillés que soient les comptes il est impossible de
savoir de fa çon précise ce que coûta la cons tru ction de l'ora­
toire. Le total ne dut guère dépense r 1100 livres ' Le revenu
annuel de la chapelle était à ce tte épo qu e d'environ 900 livres .
Ce petit monument fut sans doute fort admiré dans ce
pays; ca r peu après les paroissiens de Plougasnou construi-

siren t un oratoire près de leur égli se et en 16'11, Jeanne de .
Keréda n fit bâtir dans le champ des M éjou le pelit oratoire
de NoIre-Dame de Lorette qui est encore plus élégant et plus
original que celui de Saint-Jean-du-Doigt ('1) .

Il est heureux qu e les comptes nous aient co nservé les noms
des auteurs de ce petit chef-d'œuvre, l'architecte Michel Le
Ü) Un oratoire beaucoup plus simple fut construit à Plouzelambre au
XVII' siècle: on l'appelle Je Reposoir. En Cornouaille et en Léon n ou s n e
connaissons aucun édifice de ce gpnre : la cbapelle de Notre-Dame des
Fontaines il. Daoulas q ui s'en rapproche un peu n'est ouverle à l'ail' libre

que d'un seul côté. - L'oratoire de Saint-Jean fut reproduit en i900 au
_. 341
Borgne, le taill eu r de pierre, Pierre Le Guyadel', les ehal'pen­
ti ers -se ul pteurs, Yvon Le Lavyee et Raoul Bégyvin.

Michel Le Borgne fut en HiSI et 1 582 « maître de l'œuvre 1)
de la tour de Saint-Mathieu de Morlaix. Le dessin de ce monu­
ment avait été donné en 15~8, par Yve!i. Croazec . qui dirigea
la construction pendant quelques années seu lement. Les
maîtres qui lu i succédèrent modiflèrent son plan de façon

fâcheuse; Michel Le Borgne paraît avoir été particu lièrement
mal inspiré: la construction de l'oratoire montre que cet
- architecte éta it cependant un bomme de talent.
Le charpentier, Yvon Le Lavyec ou Le Layec qui vint
donner le dessin de la cha rpente, éta it probablemen t un
Morlaisien ou un Trécorrois. On doit cependant remarquer
qu'il portait le même nom que le charpentier-scu lpteur Jehan -
Le Layec, auteur de remarquables scu lptures exécutées de

1524, à 1545 pour la chapelle de Saint-Nicolas-des-Eaux en
Pluméliau, çle Notre-Dame de Burgo en Grandschamps et de
Saint-Yvi en Moréac (1) . La\'yec ne donna peut-être que le
Aessin généra l de la charpente; Raoul Bégyvin fut en grande

partie chargé de l'exécution matérielle; il appartenait à une
famille qui est encore représentée dans le pays.
Le scu lpteur J. Chrétien sera plusieurs fois cité au cours
de cette étude, car de 1562 à 158l il ne cessa d'être employé
par les marguilliers de Saint-Jean-du-Doigt. Nous retrouverons
aussi plus loin le nom du peintre-verrier GelIroy,
Fontaine du Cimetière.
célèbre que l'oratoire. QiJelqueg
constru ction aux libéra lités de la
Ce .monument est plus
ec rivain s en attribuent la
Reine Anne. Le cheva lier
de Fréminville écrit: « La belle et élégante fontaine quise
voit près de cette ég lise, parait avoir été faite vers la

(I) ROSE"zwElq, Répertoire archéologique du M~orbih(!Il,Pal'Îs, 18G3, in 4', col.
· 77, H2, 185.- Au siècle suivant on trouve André Lav'yec de Kerbleuzinou,
Qrfèvre à Brest .

342
même époque, c'est-à-dire dans les premières années du
XVIe siècle. A la grâce r:le ses ornements et à la correction de
leur style, on croit y reconnaître l'œuvre de quelques-uns de
ces artistes que Louis XII et la reine,son épouse, firent venir
à grands frais de l'Italie pour enrichir la France des monu­
ments du meilleur goût 1) . M. Palustre déclare que la fontaine
«( ne ~aurait appartenir qu'aux derni ères années du
XVIe siècle. » (1). M. de Kergrist est moins affirmatif: « Elle
doit être d'une époque beaucoup plus récente (que la Reine

Anne). Les formes pesantes du bassin inférieur et. les masca-
rons qui la décorent appartiennent au XVIIe siècle. D'un
autre côté, les figurines représentant la scéne du baptême,
ne me paraissent rappeler en rien les œuvres des artistes
qui vivaient en 1505. Si je ne me trompe, si la fontaine de
Saint-Jean est contemporaine de la Reine Anne, c'est qu'alors
l'artiste italien qu'on dit en être l'auteur, aurait apporté dans
ce pays un art bien en avance de celui qu'on y prutiquaitdans
les premières années du XVIe siècle».
Il est certain qu'une fontaine existait à Saint-Jean dès
avant 1520, car plusieurs inventaires anciens des archives de
la chapelle citent Ulle «( Transaction du '15 juillet 1520,
convenue au bourg de Guicaznou, par laquelle J. Guéguen,
au nom de Rollande ar Fornier, sa femme, 'consentit pour
30 sous 6 deniers, que François Le Habasque, sieur de
Kerjescar, procureur de la fabrique de Saint-Jean-Troméria­
dec, fit réédifier, construire et réparer la plombe et conduite
d'eau de précédent construite du consentement de ladite
FOl'nier au Parc dit Truchou ». Celle plombe ou fontaine est­
elle celle que l'on admire aujourd'hui? Nous verrons qu'il
n'es t guère possible de le croire.
- Des documents aujourd'hui perdus. mais qui'ont été analy­
sés à la fin du XVIIlesiècle par J.-F. Clec'h, font connaître

(1) Nole de Fl'i!minville, p . 9, 1 du r oyage da/ls le Fi/lislcre, de C,,"PR)'. -

- 343
une première reconstruction de la pompe en '1(So6, par
Fiacre Hamon, le maître pintier de Morlaix qui construisit
la fl èc he du clocher (I). Dès 1571> il fallut faire des répara~
tions très importantes (Compte de 1571> 1576) et pendant tout
les XVIe et XVIIe siècles, la fontaine fut une des plus grosses
charges de la fabrique. Albert Le Grand l'admira en 1636 :
(( Dans le cimetière se voit une belle fontaine partie de taille,
partie de plomb. laquelle est une des rares pièces du pays,
jetant grande abondance d'eau )J. Elle était alors en bon état.

Tourfeur, maître plombier de Morlaix, la répara en 1680
(Compte de 1680-81). Huit ans plus tard, tout était à recom­
mencer et il semble bien que la fontaine fut alors complète­
ment refaite. L'Evêque de Tréguier autorisa une ( renderie ))
de fil pour subvenir aux frais de construction d'une sacristie,
de réparations de l'église en partie ruinée par le tonnerre et
de réfection de la pompe. La renderie procura '111>9 livres,
qui furent ajoutées aux recettes ordinaires de l'Eglise, environ
1000 livres par an. La part affectée à la fontaine fut particu­
li èrement importante. Il fut payé 333 livres 15 sols à Yves
Logeat, architécte et maUre picoteur de pierre de Plestin,
pour construction de la sacristie, démolition du bassin de la
pompe et sculpture de l'écusson de Mlle de Kercabin placé sur
les murs de la sacristie nouvelle. Le texte du compte
n'apprend pas si l'architecte-picoteur qui avait démoli le
bassin fut chargé de le reconstruire, mais le style de celte
lourdevasque est bien de cette époque. Le plomb fut fourni
par NicolaS Noruays, maître plombier ou ( pompier )) de
Morlaix. (2) Il fut mis en œuvre sous la direction d'un
sculpteur du pays ainsi que l'attes te le compte de la
(( renderie )) de 1691: (( A Jacques Lespaignol, maître sculp­
teur de Morlaix, qui est occupé pour form er les figures en bois
(1) Mss. CLECB. Le !llême document apprend qu'en 1566 une fontaine ful
construite à Kergarad ec par Yves Cal vez et Fiacre Bégat. -
(2) Ce nom est parfois écrit Nervois et plus tard Norois ou Noroy. En
P~2 , Noroy fit des oq~ues pour Sainte-Melaine de lIlorlai;.ç,

servant de moles aux images et ornements de plomb apposés
au tour des bacins de la pompe, durant l'espace de 35 jours,
à ses dépens, ont payé 52 livres 10 sols, à raison de 30 sous
par jour don t ils apparai ssent quittance )J . Il faut donc
restituer à l'obscur sculpteur, maître Jacques Lespaignol,
demeurant près le Pont-aux choux, paroisse de Saint-Melaine
de Morlaix, l'honneur d'avoir exécuté les délicates figurines
et les mascarons qu e le chevalier de Fréminville attribuait
aux artistes que (( Louis XII et la reine son épo use firent
venir à grands frais d'Italie pour enrichir la France des monu­
ments du meilleur goût)J; mais louvrier ba s- breton s'inspira
peut-être des sculptures de pierre ou de plomb q. ui décoraient
l'ancienne fontaine. Les documents étudi és par M. l'abbé
Quiniou apprennent que ce fut ce même Jacques Lespaignol,
qui exécuta pOUl' J'égli se de Saint·Thégonnec la mise au
.tombeau (1697·1i03), le retable du Rosaire (1697) et une
partie du retable du Maître-a lltel (1ï24) ; il fut choisi comme
expert en 1ï12 par les marguilliers de Landivisiau qui
venaient de recevoir un retable sculpté par Guillaume
Lerrel (1). Il appartenait à un e famill e dE: bons ouvriers: Jean
Lespa ignol fiL en 1710 d'importants travaux pour l'église de
Notre-Dame-du-Mur. Olivier Lespaignol sculpta en 1722-1ï23
pour Saint-Jea n-du-Doigt, un autel dont il sera parlé plus ..
loi n.
Le plomb est une matière malléable qui, au contact de
l'eau, se désagrège et se déforme assez rapidemAnt: les pièces
exéc utées en 1690 fure'nt plusieurs fois réparées pendant
le XVIII" siècle; qu elqu es- un es ont été, croyons ~nous , com­
plètement refaites au XIXe siècle; il subsiste probablement
peu de chose de l'œuvre originale de Jacques Lespaignol.
(1) F . Q UIi'nou. L'Eglise de Saint-Thégonllec, p . H4 à 130. - LE ME N.
Documents SUl' les artistes bretolls, dans Bulletil> de la Société archéologique
du Finistere, T. VII, p. 35. - Jacqu es Lespaignol signa comme témoin à
ull 'enlel'l'emenlà Sainl·Jean, Je 22 décembre l G92; sa signature est presqu e

345 -

Portail du cimetière. Deux portails donnent entrée
dans le cimetière: l'un à l'ouest, est de construction récente

et n'a aucun caractère architectural; l'autre au sud, est au
contraire un des plus jolis et des plus anciens arcs de
triomphe de Basse-Bretagne; il se compose d'une grande
baie de style gothique qui remonte au Xve siècle ou aux
premières années du XVIe siècle, accompagnée à droite d'une
petite porte cintrée, des tinée aux .piétons, moins jolie et
certainement plus récente que la porte principale.
En '1584-Hî85, il fut dépensé environ 110 livres pour
construire le (f portal devers le pavé sur le cimetière )l. Jehan
Le Taillanter, maître tailleur de pierre, dirigea les travaux .
Il est possible qu'il s'agisse ici de la petite porte cintrée
comprise dans l'arc de triomphe ; il se peut aussi que cella
dépen se s'applique à un édifice que l'on appelait (( le parapet

du cimetière )l et dont un habitant df'Plougasnou demandait
en ces termes la destruction à la fin du XVIIIe siècle: « Ce

parapet est un colosse antique plus qu'inutile, que l'on doit
plutôt abattre que répa rer, car ce serait perdre de l'argent que
de tenter d'y faire des réparations )J . (1) .
Le nom 'de l'archit~cte qui diri gea les travaux de '1584-1585
inérite d'être retenu, car Jehan Le Taillanter fut l'architecte
de deux mon uments intéressa nts, la tour de l'église de
Ploub ezre, construite en 1577 (2), et la tour de Plougas nou.
A la base de ce monument, un e in scription existe encore qui
rappell e ·ses travaux: (( Le 8

jou r doctnbre 1583. M. I.
Taillanter a faet le fond ement el en lonneur de Diu conduit
jusq. a. prése nt. '\584 )J . La construclion de cette tour marcha
très lentemen t quoique la chapelle de Saint-Jean fournit à la
(1) Lettre conservée aux archives de la mairie de Plougasnou.
(2) On lit celte inscription au-dessus du porLail de l'église de Ploubezre:
Ces le tour (U SI CO l7l en. pi. Lelaillanler J)). le 8 ma!] el le f. Le Bihan, proCL/reur
pour la paroisse lors en lan 1577. (GAULTIER "DU MOTTAV. Répertoire archéolo-
gique des Çôles-dil-No/'d, Saint-Brieuc, 1883, in-8', p. 2i8). .

- 346

mère paroisse des subsides qui, de HS82 à H)92, atteignirent
1661 livres 12 sols. Interrompue par les guerres de religion,
elle fut enfin terminée vers 1610. Ce n'est pas un édifice
parfait; les balcons qui existent aux trois étages .ont peut­
être été inspirés des jolies galeries de la tour de Saint­
Jean, mais l'imitation est bien lourde et bien maladroite: la
flèche, en maçonnerie, est aussi grèle que l'aiguillon de plomb
construit par Fiacre Hamon: elle est placée sur une plate­
forme trop large et fla nq uée de quatre clochetons.

Maison du Gouvernement ou Grande Maison de
Saint-Jean et voies d'accès à la Chapelle. Tout
auprès du cimetière s'élève une maison qui conserve d'inté-

ressantes parties des XVIe et XVII" siècles: elle était jadis
appelée la Maison du Gouvernement ou la Grande Maison de
Saint-Jean. Ces deux noms reviennent très fréquemment dans
_ les comptes et dans les inventaires anciens qui citent les baux
à ferme consentis par les fabriques ou les dépenses pour répa­
rations par exemple lorsque (( les souldarts de M. de Goez­
briant )) se logèrent dans èette maison en -1591 et y commirent

quelques dégâts. D'après l'auteur de l'article consacré à Saint-
Jean-du -Doigt dans la nouvelle édition du Dictionnaire d'Ogée,
ce vieux logis était « une auberge que Anne de Bretagne avait
fait construire dit-o n, pour servir d'asile aux dévots adora­
rateurs du doigt de saint Jean ll, mais un acte prônaI du
18 février 1603 analvsé dans un inventaire ancien renfermait

l'exemption accordée à cette date à la « maison de la chapelle ))
des tailles et fouages ordinaires dus au Roi; cette pièce a

inspiré celle judicieuse remarque à l'archivi1:te Clech. « L'acte
concernant cette exemption prouve assez la fausseté des pré­
tentions de ceux qui soutiennent que la reine Anne de Bretagne

fit don de celle maison II en effet si la maison avait été un

don royal, les paroissiens de Saint-Jean n'auraient pas eu à

- 347-
se charger en 1601 de la part afférante à cet immeuble dans le
rôle paroissial des tailles ou des fouages_
Le 21 vendémiaire an IV, la Grande Maison de Saint-Jean
et ses dépendances furent vendues comme bien national à
François Pezron, négociant à Morlaix, place du Peuple, qui les
paya 54 200 livres (assignats) ; Pezron était locataire de celte
maison pour une somme annuelle de 211 livres.
Nous citerons comme dernière « annexe» de la chapelle de
Saint-Jean-du-Doigt, les voies pavées qui y donnaient accès
dans les directions de Morlaix et de Lanmeur. Les chemins
pavés étaient bien rares en Basse-Bretagne: le pavage était
un lux~ presque inconnu et comme ce pavage s'étendait très
loin) que par conséquence il avait coûté-fort cher, on n'a pas
manqué d'en attribuer la construction à la reine Anne: « je
veux ajouter un mot, écrit M _ de Kergrist, au sujet d'une
libéralité d'un autre genre ( que la construction de l'église) due
à la bonne reine. Elle fit paver avec des galets les deux rou­
tes qui - aboutissaient à Saint-Jean. Ce fait n'est mentionné ni
par Albert Le Grand) ni par M. de Kerdanet, mais il m'a été
affirmé par un homme qui connaissait toute les vieilles chro­
niques de Basse-Bretagne ... _. )) Cette fois encore la pré­
tendue tradition est contredite par l'analyse d'un acte de
l'ancien chartrier de Saint-Jean « 1573 : la délibération du
23 novembre apprend que les pavés d'entre Saint-Jean et
Morlaix et entre Lanmeur et Saint Jean, les pa vés en Plougas-

nou aux endroits du Pont-angler, du Pont-coz,etc. ont tous été
faits aux frais de la fabrique de Saint-Jean pour l'utilité des
paroissiens et commoditè des pèlerins ». (Mss. Clech)_
Suivant un usage qui existe encore en Bretagne des croix
avaient été établies aux carrefours voisins du sanctuaira; les
marguilliers payèrent en 1684,1) livres 10 sols à Guéguen,
charpentier, «pour la croix neuve Rur le grand chemin de

Saint-Jean à Morlaix proche des Corvès pour servir de guide

- 348

la fontaine Saint-Jean et dans le cimeti ère; trois ans plus
tard Guill aume Corre, tailleur de pierre, en fit deux pour 25
livres qui furent érigées l'une près de la fontaine et l'autre
sur le chem in de Morlaix (Comptes) .
Intèrieur de l'Eglise; les Autels. Les architectes
in co nnus (1) qui construisiren t la chape lle paraissent avoir
vou lu réa li ser un vér itable tour de force en donnant à l'éd ifice
une éléva ti on extraordinaire ; la grande nef large de ;Sm 66
seu lemen t est haute de 16
111
20 ; la chapelle n'à que 36

20 de
long (21 . CeLLe hauteur exagérée des voûtes surprend quand on
entre dans l'église ql!i est cependant un des édifices les plus
r· ema rquabl es qu e l'art go thiquè à so n déclin ait laissé en
Bretagne .
Un procès-verbal dressé le 18 août 16'2ï par les juges de la
sénéchaussée de Lanmeur (3) perm et de constater que Saint·

Jean possédait alors un ri che mobilier; ce doc ument énumère
douze au tels placés dans le bautde l'ég li se, des croix et de nom­ breux chandel iers de cu ivre, les fonts baptismaux. surmont és
d'uq ( ( tabernacle Il (dôme) de menui seri e, un (( chantereau Il
(tri bu ne) au-dess us de la porte d'entrée occ upé en partie par
les orgues; deux autels dédi és à sa int Divy el à saint Fiacre
étaient co nstruits au bas de la nef; le clocber renfermait
quatre grosses clocbes et le timbre de l'horloge ; à l'entrée du
chœur deva nt l'a utel de sa int Jea n était un grand chandelier
de cuivre à douze cierges que l'o n allumait pendant la consé­
crati on, en face devant l'autel « de Jésus Il était un autre chan­ delier à seize cierges.
(i) Un cul de lam pe qui jadis soutenait une statue por te l'inscription:
M. P. Chevalier fi st faire. On a dit que c'étai t le nom de l'architecte: c'est
certainement le nom du donateur de cette statue .
(2) Voir dans l'étude de M. DR IÜBcn lsT les d imensions de la cha pelle et
sa dcscl·iptioll.
(3) Documeill communiqué pa)' M. le Recteur de Saint·Jeal~ .

.. 349
Dans le mobilier qui subsiste actuellement -on ne pourraît
reconnaltre qu'un petit nombre des objets décrits en 1627 :
les fonts ba plismaux et quelques statu es. L'art religieux du
XIX' siècle es t rep résenté par de joli es stal les, par la chaire
lourd e et sa ns styl e. par d'affreux co nfessionnallx, et par un
déplorable groupe sculpté rep résen tant le Baptême du Sau­ veur par saint Jea n-Baptiste.
Tout le reste du mobilier date de l'époq ue à laquelle corres­
pondent les comptes. Nous y trouverons l'histo ire des princi-
paux objets. .
En 1646, les paroissiens traitèrent avec le sculpteur Jea n

Bertouloux qui s'engagea à faire un autel et à fournir deux
tabl ea ux pour 1500 livres : l'au tel fut mis en pla ce au co m­
mencement de 1647 (Co mptes de 1647- tMS) , mais il ne
. subsista intact que pendant peu d'ann ées ; au pied du
retable monumental construit en 1670 par Olivier Martinet,
on voit encore un e partie du petit retable de Bertouloux:
le tabernable, les ba s- reliefs représentant l'A nn oncialion et
la Visitation (1) et des statu ettes qui sont des œuvres déli­ cates et charmantes: on en trouvera la description et la figu­
ration dans le 23

fascieule du '-ivre d'or des Eglises de
Bretagne de M. l'abbé Abgrall. Le nom du sculpteur Bertou­
loux qui ·habita M orlaix et plus tard Brest es t cité dans les
archives de Saint~Melaine : il fit pn 1 639 « un e pièce sur

l'a utel de Madame Sainte-Anne en l'ég li se de Monsieur Saint-
Melaine audit Morlaix )) . '
Son joli retnble dl' Saint-Jean parut sa ns doute trop petit

(1) D'ap rès les comptes de 1 647-161.8, Bertouloux avait liné deux tableaux
représentant la Décollation de saint Jean·Bap tiste et l'Annonciation; il
n'est pas impossible que le mol « tableaux» désigne ici non pas de,
« tableaux de plate peinture l> mai s des bas·relicfs ; comme son retable
devait comprendre quatre m édaillo ns avec bas-r eliefs, on peut su pposer
qu e le tableau de la Décollation de saint Jean-Baptiste se trouvait sur Ull
des médaillons qui furent supprimé" lorsqu'on mit en place le retable de
Martinet. - Le maître-autel de RoscoO', qui présente unc certaine analogie
a "ec celui d" Saint·Jean , compl'end un petit r etabl e- placé au bas d'un
grand retable à tableau et colonnes . .

- 350-
ou trop mesquin car en 1670 on le remplaça par un autel plus
considérable; les paroissiens s'adressèrent en 1670 à Olivier
Martinet, « architecte-sculpteur )) de Laval. Cet artiste
appartenait au curieux petit groupe de sculpteurs qui se forma
aux XVIIe et XVIII" siècles dans le Bas-Maine et l'Anjou. On
sait qu'aux environs de Laval et de Sablé (Sarthe) existent
des carrières de marbre propre à la sculpture: ce fut dans
cette région que furent exécutés la plupart des autels de
marbre qu'achetèrent, à partir du XVIIe siècle, les plus riches
églises de Bretagne: Jean Martinet, de Laval, fit des autels
pour Notre-Dame de Vitré ('1625-t626) et Saint-Etienne de
Rennes~ La clientèle de son fils, Olivier Martinet, s'étendit
plus loin encore vers l'ouest car après avoir fait un tombeau
pour la cathédrale de Nantes en 1647, il livra des autels à
Saint-Colomban de Quimperlé ('1650), Port-Louis et l'abbaye
de la Joie ('l653), Saint-Jean-du-Doigt ('lG68-1672) et l'abbaye
de Beauport (1672) (L). Les statues placées dans les niches du
retable furent faites par Delabarre, du Mans, qui à la même
époque travailla pour les églises de la Gouesnière, de Sainte­ Anne d'Auray et de Beauport. La plupart des autels que nous
venons de citer ont été détruits et remplacés par des autels
pseudo-gothiques, cependant les statues livrées en 1660,
par Delabarre à l'église de la Gouesnière existent encore,
et le retable de Saint-Jean · du-Doigt est intact; c'est une
construction curieuse et intéressante, mais ce n'est pas
un chef-d'œuvre. Haut de plus de dix mètres, il ne présente
pas ce seul défaut de masquer la magnifique fenêtre de
l'abside; il est formé d'un entassement d'éléments assez

disparates, statues, niches, frontons brisés, guirlandes,
bouquets et corbeilles de fleurs et cornes d'abondance,
(1) Cf. J.-M. RICBARD, Notes sur quelques artistes laval/ois du XVII- siècle.
les con.tructeurs de retables, extrait des tomes XXI et XXXII (1905-1906) du
Bulletin de la Commission historique de la Mayenne. Nous sommes rede­
vables à MM, Dubl'eil el P. Hémon d'intéressants l'enseignements sur les
autels de Quimperlé et de Beauporl.

et comme couronnement au·dessus des-frontons qui eux­
mêmes surmontent les niches, de grosses et lourdes balus­
trades. Martinet s'est visiblement inspiré des façades des
églises du style italien ou jésuite qui florissait au XVIIe siècle:
ces façades so nt parfois fort jolies et s'harmonisent agréa­ blement avec les constructions contemporaines, par exemple
la façade de la chapelle de l'hôpital de Guingamp construite
de 1699 à 1709 qui 'présente de curieuses analogies avec

J'autel de Saint-Jean; mais quand cette pseudo-façade se voit
aU fond d'une église gothique, l'eflet est moins heureux.
M. de Kergrist, qui a remarqué ce désaccord, parait àésirer
que l'autel disparaisse et que la grande fenêtre soit garnie
de vitraux. Nous ne saurions nous associer à ce vœu .
Comme nous venons de le dire l'autel de Martinet n'est pas
parfaitement « à sa .place ll, mais s'il était détruit, il serait
remplacé par un de ces pastiches des autels du Moyen-Age;
doré ou non , sans mérite et sans caractère comme on en a
tant mis dans nos églises. Quant aux vitraux, tous ceux qui
ont été placés depuis cinquante ans dans le Finistère font
vivement désirer qu'on ne livre pas aux verriers une fenêtre
qui a onze mètres de haut. Il est toutefois une restauration
qui est bien désirable: le très grand tableau qui forme le
centre du retable est complètement noirci par le temps ou par
la fumée des cierges; cette vaste surface noire au milieu
des somptueuses architectures est du plus fâcheux effet. Jadis,
sans doute, on voyait là quelque tableau au brillant coloris de
J'école de Rubens ou une pompeuse composition imitée
de Lebrun. dans le style des grandes colonnes et des
lourds frontons; si on .nettoyait et si on restaurait ce tableau,

si on lui rendait son éclat ancien, l'aspect général du retable
serait très heureusemen t modifié (1) .

(i) On devrait aussi nettoyer les statues du Sauveur et de saint Jean; la
barbe de l'une et de l'autre ont été fâcheusement p eintes en noir, d'un
noir beaucoup trop vif. .

- 352 _.

Aucun des historiens de Sainl-Jean n'a attribué l'autel
à la gé nérosité de la rein e Anne, mais d'après un ouvrage
récent, il aurait été donné par le marquis de Locmaria. Il se
peut que ce gen tilh omm e, qui était fort riche, ait fait qu el­
qu'offrande à Saint-Jean, qu'.il ait par exemple fait sculpter
à ses frais J'écusson à ses armes qui jusqu'à la Révolution
exista sur le cul-de-lampe placé au-dessous de la statue de la
Vierge, mais les comptes paroissiaux de ' 1668 à J672 prouvent
que tou te la dépense fut payée par les petites gens, paroissiens
et pèlerins, qui au XVIIe siècle aussi bien qu'au XV", furent

les grands bien faiteurs de Saint-Jean. Les frai s furent considé-
rables: Martinet et Delabarre touchi~rent4.000 livres ; il Y
eut en outre à payer les frai s de tran sport du monument de
Laval à Primel par rivi ère et par mer, la construction d' un
so ubassement en maçonnerie, d'importantes modifica ti ons au
chanterea u (jubé) et d'autres frai s accessoires. Les comptes
donnent les noms de deux aid es de Martinet: le statuaire

MIllet et un certain Antoine Roberea u, sieur de la VioleLle,
qui était peut-être l'auteur du tableau. Les frai s qui avaient
été en partie avancés par le sieu r de Morizur lui furent rem­
boursés lorsqu'une grand e mission eu t fait tomber d'a bon­ dantes offrandes dans le tronc de Saint-Jean.
En 1723, Olivier Lespa ignol fit pour 700 livres le retabl e de
l'autel Saint-Mériadec (Comptes de 1723· 1724 ). Ce joli autel
existe encore; l'auteur était quelque frère Ol! parent de Jac­
ques Lespaignol dont il a été parlé ci-dessus . / Les co mptes
ne font aucun e mention de l'a utel de Sainte:Eli sa belh qui

présente de grandes a[)alogies avec J'autel de Saint-Mériadec:
l'un et l'a utre sont problablement so rtis ctl! même atelier .

Vitraux, Statues et Peintures. . Les plus anciens
·comptes mentionnent fréquemm ent les vitraux qui dès le XVIe

Co 353
qu'il s'engouffrait dans le val de Saint-Jean, venait heurter les
verrières mal assujetties entre les meneaux trop hauts et
causait de véritables désastres. La manie des droits hono­
rifiques qui sévissait en Basse-Bretagne contribua à bâter leur
. ruille; d'après un mémoire de Jean Le Bel, prieur des Domi­
nicains de Morlaix, le seigneur de Goesbriant profita du désor­
dre causé par les guerres de religion pour faire mettre de

force ses armes dans les verrières de toutes les églises du pays ;
le seigneur de Bodister faisait de même et des documents
apprennent que l'église de Saint-Jean fut parfois le tbéâtre de
scènes scandaleuses: les gens du duc de Retz, seigneur de
Bodister, enlevaient les écussons de familles rivales, qui à leur

tour brisaient les armes de Bodister et sans doute aussi quel-
ques panneaux de vitraux voisins (1).
Les verriers qui exécutèrent des réparations sont cités dans
les comptes de fabrique. Charles Capt ou Cap, de Morlaix,
parent peut-être du célèbre Alai n Cap, de Lesneven, est nommé
dans le compte de 1;553. Nous avons dit ci-dessus que Salaun

Gellroy fitun vitrail pour la petite fenêtre de l'oratoire (Compte
de H:lï8-H)7\:)). L'année suivante une modique somme de 15
livres fut payée à Salaun et à Laurellt GeŒroy, (( vitriers et
peintres, pour avoir selon le marché réparé en plusieurs en­
droits la grandp, vitre en ses couleurs ». Ces GeŒroy étaient
une famille d'artistes; nous citerons bientôt les œuvres des
peintres et sculpteurs Jeban et Hervé GefIroy. Un autre Jehan
Geffroy fit son apprentissage chez son oncle Salaun Geffroy:
en '1619, âgé de 64 ans et demeurant à Térennez en Plougas7
nou, il racontait au cours d'une enquête que, vers 1574, il avait
aidé son, oncle à placer les armes de la famille de Goesbriant

(i) Arch. du Finistère: E. 759, 796 (procès de 1613 à 16\9 et enquête de
i630). - Procés-verbal des prééminences dressé le 29 seplembre 1629, publié
par M. DE LISLE DU DRÉ~EUC dans la Reine historique de l'Ou'est, tome Il,
années i886-i887, p. 21-26 (La description des armoiries p.xistant à Saint-

Jean manque dans le registre A. i9 des archives du Finistère qui renferme
les procès-verbaux des prééminences des ressorts de Morlaix et de Lan-
meur). .
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO ... TOME XXXVI (Mémoires 23)

354 ~ .
dans des fenêtres des églises de Ploujean et de Saint-Jean.
A la même époque Pierre Geoffroy ou Geffroy, verrier à Saint­
Brieuc, répara les vitraux de l'abbaye de Beauport.
D'autres ouvriers sont cités dans les comptes, mais les
mentions sont trop brèves pour qu'il soit possible de recon·
naître s'il s'agit de simples vitriers ou de peintres-verriers.
Cependant on ne peut refuser celle dernière qualité à Jean
Baradec qui en 1647 reçut 110 livres pour avoir accomodé la
grande vitre. Ce Baradec travailla en 1679 à la cathédrale de

Saint-Pol-de-Léon et refit en partie le vitrail de Saint-Lau-
rent.
L'art du statuaire d'église se confondait en partie avec

l'art du peintre de statues ou peintre doreur et on voit assez

souvent les mêmes ouvriers appelés tantôt maîtres sculpteurs
et tantôt maîtres peintres.
Jacques Chrétien « tailleur d'images)) de Morlaix qui en
1561 avait sculpté un tabernacle pour l'église de sa paroisse,
Saint-Melaine, travailla l'année suivante . à Saint-Jean en
qualité de peintre: il reçut 40 livres pour avoir « taint quatre
imaiges )) (statues). En 1571, il est appelé « maître imaigeur
de Morlaix)) : il sculpta et peignit « une imaige de crucifix )) ;
cette statue payée 300 livres devait être de grande dimension
car il fallut une charrette pour l'apporter de Morlaix (Compte

de 1571-1572\. La même année il fit pour Plougasnou un
tabernacle sur le modèle de celui de Saint-Melaine. En 1575-
1576 il n'est plus que peintre: il fut payé 30 livres « pour
avoir peint l'imaige de Monsieur saintJehan estant au porchet
et mis des vitres ès-chas (châssis) à l'entour ..... et peint
l'image de saint Aulbin au bas de ladite chapelle» (Compte
de 1575-1576). Trois ans plus tard il est qualifié « maître sta­
tuai re )) : il scu 1 pta en effet deux sta tues de l'oratoi re (Corn pte de

1578-1579). Ce titre lui est maintenu ainsi que celui de pein-
tre lorsqu'en 158l il fit moyennant 165 livres les images et

Hervé etJehan Geffroy paraissent n'avoir été que peintres:
Hervé, en 1572, peignit les statues de saint Laurent, saint
Yves, saint Eloy, saint Fiacre et saint Roch et fit « la pour­
traicture de la teste de Monseigneur saint Jehan)) (comp te de ·
1572-1573 et L583- L584).
Pezre Barazer, de Morlaix, peignit en '11)93 à la chapelle de
Notre-Dame des Joies (paroisse de Guimaec) des fresques dont
quelques parties existent encore: il travailla en 1597 à Plou­
gasnou et en 1599 à Saint-Jean en qualité de peintre de sta­
tues. Sa visite à Saint-Jean suivit l'évacuation de la chapelle
par les gens de guerre: la liste des statues qu'il nettoya ou
peignit est intéressante car élie complète celle qui se trouve
dans le compte de 1572-1573 cité ci-dessus: elle apprend qu'il
existait au-dessus du maître autel des statues de Notre­ Dame et de saint Jean, sur le chantereau (jubé) Notre-Sei­
gneur et Notre-Dame, dans la chapelle de Lisle saint Jean
l'Evangéliste, dans le porche une troisième Notre-Dame et
dan8 diverses parties de la chapelle les images de saint Mau­
det, saint Laurent, saint Aler, saint Sébastien, saint Roch,
saint Jean-Baptiste, saint Mériadec, saint-Yvon.
En 1657 Gélin, peintre, reçut 6 livres pour avoir doré la
tête de saint Jean, exposée dans l'église pendant le pardon,
et l'image saint Jean du «porchet ». Il travailla en 1683 pour
Lampaul-Guimiliau, et il est peut-être le même personnage
que le sculpteur Gellin, auteur d'œuvres importantes exécutées
à Plouguerneau (1681-1686) et que le vitrier ou verrier Geslin
employé à la Martyre de 1687 à 1697.
On paraît avoir renoncé au XVIIIe siècle à peindre les sta­
tu es, majs en '1745-1746 on dépensa plus de 1600 livres pour
peindre en bleu céleste le « lambris » (la voûte en lambris)
de l'église. .
Les menuisiers bretons étaient souvent de véritables artis­
tes; mais les prix payés pour quelques travaux au XVIle siècle
et au XVIIIe indiquent qu'ils ne firent pas à Saint-Jean des

travaux considérables:

356

63 livres en 1657 à Jean GuiIIasser et Stéphan pour faire
les balustres à l'en tour du maître autel.
. 27 livres en 168D à Yves Henry, maître menu isier à Plestin,
pour l'ameubl ement de la nouvelle sac risti e.
66 li vres en 17'iO à Nicolas Le Saou t po ur un e balustrade
en bois.
25 liv res en 1745 à Etienne Lainé pour une cassette de bois
destinée à renfermer le doigt de saint Jean .
29t. li vres en '1759 et en '1764 pour les balustres des autels
de la Décollation de saint Jean et de saint Zacha rie.
Quelqu es- un es des œuv res citées dans ce chapitre existent
encore : les statues de l'ora toire, le Chl:ist du jubé et · les
deux statu es qui l'accompagnent, et trois autres statu es di s-

persées dans l'égli se. Sous « le porchet n, on voit encore une
vieille ( ( ima ige» placée dans une très jolie niche de bois
sculpté que fermen t des (( chas 1) vitrés; mais cette sta tue
que l'on donne comme un e im age de saint Jean-Bap tiste n'a
aucun e des caractéristiques du Précurseur. Le saint fortem en t
barbu tient un livre de la main gauche et relève de la main
droite un pan de sa longue tunique pOl1r découvrir sa cuisse
nue. Cette statue nous paraît l'image de saint Roch qui se
trouvait en 1572 dans l'intéri eur de l'église.

Orgues, Horloges, Cloches. Le payement de l'or-
gan iste est un article qui figure dans tous les com l jtes,
depuis 1553 jusqu'à 1789. En 1 563; Salomon Le Trévo u
remplis~ait ces foncti ons; parfois il recevait quelques indem­
nités supplémentaires à rai son des répa rati ons qu'il savait

faire à son instrument On trouve ensuite les organistes
Ni colas Garnier, prêtre (1562), Jeban Nédélec (1564), Fran­
ço is Mad ec (1572 ), Yves Prigent, prêtre (Hi81), Jean Kerilfin,
prêtre (1647), Duval (1691 ), Jea n Le Bideau (1725), Gilles

élevé : 11'; ou:20 livres seulement; en 11)94, à raison des
malheurs du temps, Yves Pl'igent refusa tout traitement et
l'année suivante il se contenta de '12 livres 10 sols; en 16{l7,

le salaire s'élevait à 45 livres; en 1768. à 102 livres et en

' 1778, à '150 livres, Gilles Loyer, qu i fut le dernier organiste
de la chapelle fut le premier maire de Saint-Jean,
Les orgues furent plusieurs fois réparées ou renouvelées;
celles que touchaient S, Le Trévou et J. Nédélec furent
remplacées en 1585 : au prône du dernier dimanche de juin
les marguilliers exposèren t qu'il était « séant d'avoir une
nouvelle paire d'orgues» et qu'un marchand de Flandres,

Arnould Smidt, qui éta it de passage à Morlaix, en ava it de
belles paires; le marché fut conclu quelques jou rs plus tard
moyennant 180 livres (Compte deI585- HS86); le marchand
vendit cette même année des orgues à Saint-Melaine de
Morlaix. ,

, Michel ThépaulL de Rumelin, chano ine et grand péniten­
cier de Tréguier, fondateur du grand séminaire et l'u'n des
grands bienfaiteurs du diocèse, fut pendant quelques années
recteur de Plougasnou (1650-'1655) ; il fonda une mission
à Saint-Jean et, , en 1652, dota la chape ll e de llouvelles orgues
payées 1320 livres à un facteur, dont le nom se trouve dans
les comptes d'un grand nombre de paroisses de Basse­
Bretagne: Robert Dall am, gentilhomme anglais, que son
attachement à la religion ca tholique avait éloigné de sa patrie.

Il arriva en Bretagne muni de lettres de recommandation de
la reine , Henriette de France et de l'évêq ue de Chalcédoine,

vicaire apostolique en Angleterre, et fut imméd iatement
employé par les églises les plus riches du pays; ses fils,
Thomas et Toussaint Dallam de la Tour, l'aidèrent dans ses

travaux, puis lui succédèrent. Celle famille fit les orgues de
la cathédràle de Quimper (1643-1646), de Brasparts (1648),
Saint-Jean-du-Doigt (1652), Sa int-Houardon de Landerneau
- 358-
(1699), Locronan (1672), Audierne (1673), Pont-Croix (:1671)
et 1690), Saint-Melaine de Morlaix ( 1680), Pleyben et Sizun
(1688), Saint-Thomas de Landerneau (1690), La Martyre
(1693).
Le vieil orgue de Saint-Jean-du-Doigt fut donné à l'église
de Plougasnou.
L'œuvre de Dallam fut réparée en 1657 par Jean Boivaux
et Thomas Bunel, facteurs ambulants comme les Dallam. On
trouve Jean Boivaux du Mesnil à Sainte-Croix de Qujmp~rlé
en 1666 et à Saint-Houardon de Landerneau, en 1668.
T. Bunel, originaire de Guérande, travailla avec lui à
Land·ernea u et fit seul trois ans pl us tard les orgues de
La Martyre. -,
Aucun compte ne rapporte la construction du buffet des
orgues; on ne trouve non plus aucun renseignement sur
l'origine de vieilles peintures représentant sainte Cécile
jouant de l'orgue et le Roi David jouant de la harpe, qui
ornent le modeste buffet de Saint-Jean. Le 9 messidor an III .

le facteur Joseph Garden expertisa, par ordre du district de
Morlaix, les orgues de Saint-Jean ; elles étaient peu impor­
tantes et ne furent estimées que 400 livres (1).
M. Le Men remarque dans sa : 'r1onographie de la cathedrale
de Quimper que le Chapitre était ordinairement obligé de faire
venir de fort loin un horloger lorsque l'horloge avait besoin
de réparations. A Saint-Jean-du-Doigt, qui possédait une
_ horloge dès le' XVle siècle (Compte de 1553-1(55), on trouvait
généralemen t les ouvriers nécessaires à Plougasnou ou à
Morlaix: Alain Soubigou en 1553, Henri Quotton en 1573,
René Huet en 1585, André Le Chevalier en 1694. Ces
réparations étaient une lourde charge pour la fabrique. En
. 1778 elle acheta à Grégoire Le Choquer, une horloge neuve
qu'elle paya 400 livres.
(1) Arch. Finistère. L. 3i8. - Les facteurs Dallam se chargeaient parfois
de l'exécution du buffet; il se peut que le buffet de So.inl-Jcan ait été
exécuté sous leur direction.

359
Dans toute la série des comptes on trouve une seule mention
de fondeur de cloches: Julien Troussel, qui en 1714-17H5 fit
un coussinet. Nous sommes redevable à M. le chanoine
Peyron de la transcription des inscriptions des deux cloches
qui subsistent actuellement dans la tour de Saint-Jean, ins­
criptions curieuses qui rappellent le culte du patron de la
paroisse en même temps que (( l'aurore des temps nou­
veaux n. La plus grosse cloche porte: (( L'an '1791 , second

de la Liberté, a été nommée la Constitution, par les repré-
sentants de la Société des amis de la Constitution établie
à Morlaix, pat les soins de M. C. Loyer, maire, et de
MM. Troadec le Coz, U. Geffroy, G. Le Chat et Primot,
officiers municipaux, et J. Guillou, prêtre de la commune. -
M. Le Jeune et J.-M. Mahé, fabriques. - [Fondu] par
J.-F. Guillaume. n L'inscription se termine par une croix
fleurdelisée.
Sur l'autre cloche on lit: (( L'an n91, second de la Liberté.
j'ai été nommée Jean- Baptiste par les représentants de la
Société des amis de la Constitution ... Il et la suite comme sur
. l'autre cloche.

Trésor . La Sacristie de Saint-Jean renfermait jadis
un trésor d'une admirable richesse. Un inventaire dressé en
1569, le procès-verbal de la visite de l'église faite en 1627 par
les magistrats de Lanmeur et plusieurs inventaires rédigés au
XVII" siècle, énumèrent (( le doigt de Monseigneur saint
Jehan, enchassé en argent doré, la teste de Monsieur saint
M ériadec, aussi enchassée en argent, le bras de Monsieur
saint Maudette, aussi en chassé en argent, ung image d'argent

de Monsieur saint Jehan Baptiste, une face avec deux oel
d'argent, une custode d'argent pour porter ledit doigt,
deux autres chasses aussi d'argent pour porter ledit doigt,
une custode d'argent pour porter le Saint-Sacrement avecq

360
chandeliers de cuivre ... deux croix, l'une d'argent doré et

l'autre de cuivre ... )) plus une dizaine de calices d'étain, des
encensoirs et des bénitiers, douze missels à l'usage de Paris
ou de Rome, deux graduels de vélin, un antiphonaire de

vélin d'Angleterre, deux manuels, l'un vélin et l'autre papier.
La liste des ornements d'église est interminable: Ony
trouve des ornements de drap d'or, de drap d'argent, de
velours noir, de velours rouge, de velours noir et rouge, de

velours jaune, de satin blanc, de camelot roux, de damas

n 01 r ...
Saint-Jean-du-Doigt a eu le rare bonheur de conserver les
pi èces les plus précieuses de son trésor; un grand calice et
sa patène en argent doré, un autre calice plus petit et sa patène

en argent,la croix de procession en argent doré, l'étui en cristal
renfermant le doigt de saint Jean, le chef en argent de saint
Mériadec, le bras en argen t de sain t Ma udet. Parmi les pièces
que les anciens inventaires citent comme les plus précieuses,
on n'a à déplorer la perte qu e de cette énigmatique « face '
avec deux ell (yeux) d'argent )), de la petite image de Saint-

Jean ·et des custodes de même métal et d'une lampe aussi
en argent qui avait été donnée vers 'l6~O.
Le savant auteur de « l~a Renaissa.nce en France» s'étonne
que de nombreux archéologues bretons aient avancé « contre
toute vraisemblance» que la Rein e Anne avait donné la
Croix et le Calice: celle asse rtion est en eilet inadmissible;

tous les objets qui composent le trésor sont les uns antérieurs,
les autres postérieurs à l'époque du pèlerinage de la bonne
duchesse. (1)

(l) M. PALUS'r:lE se déclare « tl'ès pOI'lé à all.ribuer » la grande palène à·'
Gu iUau me et François l\1ocam, ol'fèvres à Quim per,parce cet objet porte une
marque anx initiales G. F. M. ; celle attribution nou s paraît plus que dou­
teuse: s i la patène n'a pas été l'aile par un orfèvre de Paris ou d'une grande
ville, elle vient de Morlaix, de Guingamp ou de Trégllier. Les comptes
mOnlrent que les marguilliers n'allaient pas acheler en d'autres villes les
objels dont ils aYai~n\. besoin. - SUI' le calice et la palène, voir une notice

- 361 -
Nos comptes Il e fournissent malheureusement aucun docu'
ment sur l'origine de ces magnifiques objets; ils nous donnent
se ulement les noms d'orfèv res qu i vendirent à la chapelle
d'autres vases sacrés ou répa rèren t les reliquaires : ce sont
Pierre Oriot (1575), Alain Trocler (1 585-1587) , Pierre Bellec
(1599), Lapous ('1647), Olivier Le Roy ( 1689) , La ' Hüugue
('1ï87) , Jean-Pierre Le Goll ('1ï 65- 1771), Le Goll fil s (1789).
Tous ces artistes habitaient Morlaix: les nom s de plusieurs
d'entre eux se rencontrent dans les co mptes d'autres églises

de la région: Jean Bellee à Saint-Melaine de Morlaix en 1617
et à La Martyre en 1618, et O. Le Roy, à Saint-Melaine
en 1674, Landivisiau en 1675, à La Martyre en 1675-1677,
à la cathéd rale u~ÎSaint-Pol en 1684-1686 et à Saint-Thomas

de Landern ea u en 1687. Les deux derni ers orfèvres cités,
Le Goff, père et fils, appartenaient à une famill e d'a rtistes
qui, pendant près d' un siècle, exerça avec succès l'art de
l'orfèvreri e. Leur maison , à l'enseigne de La Couronne d'or,
étend it sa clientèle dans les diocèses de Léo n et de Tréguier.
On- trouve les noms de Pierre, de Jean-Pierre et de Paul
. Le Goff dans les comp tes de Pencran ('1ï54), Pleyber-Christ
(1764 ), Saint-Jean (Iï65-1771 ), la cathédrale de Saint-Pol
('1ï76- L785), Langoat (1777 ), Squiffiec, Plourin et Plouvorn
(1778), Loq uelIret et Logui vy ( L 782), PIeu meur-Ga u tier (1783),
Botsorhel et Saint-Melaine de Morlaix ( L785), Plougasnou,
Saint-Dominique de Morlaix et Pleyber-Christ (1789), Guimaec

(1807), Lanmeur (1812), Plouignea u (1 832) .

On ne peut ranger parmi les orfèvres, mais plutôt parmi
les dinandiers, Louis Larvor, qui, en 1774, livra la croix du
tabernacle et six chandeliers de cu ivre. Peut-être serait-il
possible de les retrouver en quelque coin de la sac risti e.
Dans presque tou tes les églises du Finistère, les autels sont
encomb rés de grands chandeliers en métal argenté ou doré,

qui portent d'interminables faux-cierges en fer d'un blanc
douteux. Chandeliers et cierges dess lDent de grandes lignes

362

verticales qui coupent de la façon la plus fâcheuse l'architec-
ture des vieux retables; ces disgracieux ustensiles ont
remplacé les vieux chandeliers de cuivre; bas et trapus, ornés
de profondes moulures qui existaient au XVIIIe siécle dans
la plupart des églises de Basse-Bretagne; il serait sans doute
exagéré ·de qualifier ces objets d'œuvres d'art, mais ils ont
cependant plus de mérite que les instruments qui leU!' ont été
préférés.
Les plus anciens inventaires ne citent pas de bannières;
cependant en 1862 l'église en possédait encore trois, mais en
très mauvais état. L'une était en velours jaune semé de
fleurs de lys et d'hermines; on y reconnaissait les figures
brodées du Christ et de Saint-Jean; aux franges du bas
pendaient six clochettes. Il est inutile de dire que « la tradi-

tion » faisait de cette bannière et des deux autres, un don de
la duchesse Anne (1). Elles on t été malheureusement vendues,
mais l'une d'entre elles a été donnée au musée de Morlaix
par l'amateur qui l'avait acquise, Mme Le Fla. Sans remonter
jusqu'à la Reine Anne, on pourrait peut-être trouver dans les
comptes l'origine de ces objets: une bannière de velours noir
fut achetée à Tréguier en 1575, une autre fut acquise en 1654
et payée 200 liv.res. Les comptes citent d'autres dépenses
relatives aux ornements d'église, mais il est impossible de
savoir si Landais, qui reçut 209 livres en 1703 pour un
parement d'autel, et Pierre Branda, qui vendit pour 814 livres
d'ornements en '1730, étaient des brodeurs ou de simples
marchands_ Le compte de 1789-'1790, qui cite pêle-mêle des
dépenses religieuses et d'autres qui sont d'un caractère
purement civil, fait connaître que RioU, marchand brodeur
à Morlaix, fournit à la municipalité, par ordre du maire
(1) Description par UELADIGNE·VILLENEUVE, p. 77·78 du Tome IV (année 1852)
des m émoires de l'Association Bretonne. - C,UlLLOTIN DE - CORSON , Mélanges
bistoriques sur la Bretagne, 2' série, Hennes, 1888, in·8·, p. 258. - KERDANET,
p. 452. ~ KERGRIST, p. 261.

-" 363 -
Loyer, des .écharpes aux couleurs nationales qui furent payées
81 livres.
On ne peut quitter la sacristie sans rappeler que Saint­
Jean posséda jadis quelques livres précieux, mais il ne reste

rien des volumes vélin ou papier cités dans les anciens inven-
taires, rien de l'antiphonaire en vélin donné en 1575 par
Jehan Roussea u de Morlaix (Compte de 1575-1576), rien des
cinq volumes que Jean Jacquelin, de Morlaix, avait reli és et
en parLie écrits (Compte de 1685-1686). Il est particulièrement
regrettable qu'on ait perdu (( ung tableau estant en ladite
chapelle faisan t mention de l'advènement du doigt de Monsei­ gneur saint Jehan en icelle Il, , qui fut écrit en 1575 par
Maurice Gourmil, maître d'école ( Compte de 1574·1575), et les

litanies de Saint-Jean sur vélin, et le tableau des fondateurs
qui furent ' imprimés en 1655 par 'Du Bra-yet, de Morlaix
(Complede 1655-'1656),
Les archives même de l'Eglise se sont singulièrement

appauvries; elles avaient été soigneusement classées quelques
années avant la Révolution par l'archiviste Clec'h, mais
pendant près d'un siècle elles ont été dilapidées au profit de
collections particulières (1) . Les quelques anciens inventaires
qui subsistent permettent de constater que même au XVIe
siècle la fabrique ne p05sédait aucun document contemporain
de la découverte de la reliqu e et de la fondation de la chapelle.
Les titres les plus nombreux étaient des fonda tion s de messes
ou de pri ères. La plus ancienne dont nous ayons trouvé tra ce
avait été faite le 4 octobre 1483, par Jean de Plusquellec,

seigneur de Bruillac ; à la même époque remontait une ren te
créée par Guyomarc'h de la Haye, sieur de Kericuff, recteur
de Plougasnou (avant 1490), Le's autres anciens fondateurs
cités dans les répertoires des XVIe et XVIIe siècles, étaient
Christophe de la Forêt (150

l), Bertrand André et Louis de
(2) Voir les notes de Kerdanet, p, 446, 449, /.53,455 de son édition de la
Vie des Sainls d 'ALBERT LE GRAND,

364 -

Pen marc'h, prolono ta i re a postol ique et arch idiacre de Ma r­
seille (1505), Jean TréOl'et (HS1I), Even Trémoign, prêtre
(1528), Jeanne de Kercrist, douairière de Pontplancouet ('1542),
François Le Habasque, sieur de Kerezcar (1545), Jean Roux,
,prêtre (1579), Yves Jégaden, prêtr~ ('1582), les paroissiens de
Plougasnou ('1587), le seigneur de Kerlessy ('1589 ), Hervé
Mahé, prêtre de Plougasnou, et ses paroissiens (1589), le ·

seigneur de penanguern (1591). Plusieurs autres fondations
avaient été faites à une date inconnue, mais probablement
dans les prp.mières années du XVIe siècle, pal' exemple celle
de Yvon Le Déan, de Kerjézéquf:'l. Tous ces noms sont ceux
de prêtres, de gentilshommes ou de bourgeois du pays ': les

archives ne possédaient pas de documents attestant la libéra-
lité de la ducbesse Anne, ni d'aucun Duc ou Roi , ni des
grands seigneurs de Bretagne.
Les fondations étaient très peu importantes; l'une des plus
considérables était celle d'un espagnol, Ferrante Rodrigues,
qui avait donné '100 sous à la chapelle. Au XVIIIe siècle,
lorsque le pouvoir de l'argent eut diminué, aucune des rentes

léguées avant le XVII' siècle n'était assez élevée pour payer
la célébration d'une seule messe (1).
La pillpart des églises de Bretagne n'étaient pas mieux
dotées au XVIe siècle: ce fut seulement au siècle suivant que
les fondations se multiplièrent provoquées par la création de
nombreuses confréries et que les marguilliers prirent l'habi­
tude de placer en achats de terre ou en constituts les économies
réalisées sur la recelle annuelle des églises.
A la fin de l'ancien régime, suivant les déclarations qui
furent faites le 15 septembre 1790 par Barvet, curé, J .-M.
Pape et M. Le Court, prêtres' cbapf:'lains, et par G1l1es Loyer,
maire, le revenu annuel appartenant au clergé était de '1882
livres et celui de la fabrique d'environ 800 livres; mais le

(Il Tableau des messes de fondation dresse le -15 décembl'e Iï06 (archives
de Plougasnou).

- 365
clergé était obligé de desservir 298 messes bas~es, 237 messes
. hautes sans nocturne, 157 messes solenn ell es av ec nocturn es :
il payait qu elques impôts et supportait en outre quelques frais.
Les 800 livres de renLe de la fabrique suffisa ient à peine à
subvenir aux réparati ons de l'Egli se, au payement de l'orga­
niste et des sacristains (1 ).

Une grande partie des immeubl es qu e possédait la fabrique
furent vendus pend ant la Révolution, mais la chapelle elle-

même et les ri cbesses qu'elle renferm e tu l'en t respectées.
Sauf les écusso ns du marquis de Locmaria et de l'évêqu e
A. de Grignaux qui turent piqués, Saint-J p.an-du-Doigt ne
subit aucun domma ge .

Nous avons vu qu e les marguilliers avaient réussi à dérober
le tréso r à l'a vidité des gens d'a rm es et so uldarts, ligueurs .ou
roya ux, mais co mment purent-ils éviter les perquisitions plus
exactes, plus méthodiqu es des age nts clu go uvernement Révo­
lutionnaire? Ni les doc uments con servés à Saint-Jea n et à
Plougasnou, ni ceux qu e possèdent les arcbives du département
ne perm ettent de réso udre ce tte petite énigme historique. La
fl èche de pl om b de l'égli se fut respectée ainsi que les figures
de plomb de la fontaine, la cloche Constiwtion ne fut pas
envoyée ·aux .fonderies de ca nons en co mpag nie de la cloche
Jean- Baptiste, et l'on ne jeta pas dans le creuset de l'HÔ tel des
Moùnaies les calices, les reliquaires, la croix du célèbre tré­
sor. L'existence de ces ri chp.sses était cependant bien co nnu e :
le voyage que Ca mbry fit à Saint-Jea n en 1 794 le prouve. Si ell es
furent épargnées ce fut peut·être parce que la population de
Saint-Jean se montra disposée à les garder. Le bon archiviste

Cl ec'b , dont le dévouement à sa chapelle émut Cambry, et l'or-
ganiste-maire Loyer furent sa ns doute les orga nisateurs de la
. résistan ce. Le maire avait eu la prudence de donner un témoi-
(1 ) Arclliues du Finis/ère L. 379 bis .

-' ::366

gnage de déférence aux ordres du gouvernement en envoyant en
1790 à l'Hôtel des Monnai es de Nantes 10 marcs 6 onces d'al'­
genterie (1) ; ce sacrifice permit de sauver les pièces les plus
précieuses et les plus im portantes.
Le XIX· siècle n'a ajouté aucun chef-d'œuvre nouveau à ceux
que possède Saint-Jean·du-Doigt ; on s'est contenté d'entre­ ten ir et de restaurer l'église et ses dépendances. Cette église
et la fontaine sont inscrites sur la liste des monuments histo­
riques ainsi que le maître-autel, les fonts baptismaux, la croix
process.ionnelle, les deux anciens calices et leu rs patènes; les
reliquaires de saint Maudet, de saint M ériadec et de saint
Jean (2) . Des réparations très importantes ont été failes au
clocher et â la fo ntaine ; d'autres travaux seront prochaine­ ment entrepris pour co nsolider l'ég lise (3) . Il est à souhaiter
que les secours de l'État, du département du Finistère et de la

commune s'a joutent aux offrandes des pèlerins de Saint-Jean
pour assurer la conservati on d'un des plus jolis groupes
de monuments que possède la Basse-Bretagne.
HENRI BOURDE DE LA ROGERIE.

(t) Archives de la mairie de Saint-J, ean. - Sur la vente des biens immeu-
bles de l'église, aux Archives ou Finistère, voir registres Q. i 5, t7, i02, t85,
(2) Il est regrettable que l'arc de triomphe et l'oratoire ne soient pas
classés.

(8) Un travail bien peu coûteux rendrait à la façade occidentale son
aspect ancien : il suffirait de débarrasscl·les baies de l'ossuaire des pierres
qui y sont entassées. .

VII.
VIII .

369

DEUXIEME PA RT IE

Table des MémoiTes et Documenls publiés en 1YO!J
l'ages
Épisodes et Anecdotes, par M. l'abbé ANTOINE
FAVÉ .. . ... , ... . ... ' .. . . . . , ... , ' , ' . . " 1, 79, t 97
Églises et Chapelles du Finistèr e (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXrV) . Doyen nés
de Ploudalmézeau (fin), Ploudiry, Saint-Renan, .
Châteaulin, Châleaun euf et Carhaix, par M. le
chanoine P. PEYRON ...... . . , . . . ' . , . . . , . . .. '33, 30t
Les Hameçons préhistoriques, par M. A. MARTIN
(planche) ............... , .. . , , . . .......... ' . , .
Étude sur l'Architecture romane du Finistère.­
École régionale de Pont-Croix, pal' M. CH.
CHA USSEPIED. . .. . .. ' .. . .... . .. '. , .. . . . . . .
Outil préhistorique en pierre : le Ra bo t- Râpe,
par M. A. MARTIN (planche) .. , ...... . .. . . ' ... .
Rapport sur la Chapelle de Saint-Tugen, en Pri­ melin, par M. CH. CHAUSSEPIED (planche ) ..... '
Excursion A rchéologique dans la comm une de
Garlan, par , M. L. LE GUENNEC (3 planches) . ..
Chapelle de Notre-Dame du Crann, en Spézet,
par M. le chanoIne J.-M. ABGRALL ...... . .. . . ,
Fouille d'un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lo­ érec, le 30 juin 1909, par' M. L. LE GUENNEC
lane/le) . .. .. ~ . ..... .. . . ......... . ....... . .. .

109
113
244

255
X. Études sur le Cap-Sizun:
II. La chapelle de Langroaz et la seigneu­
rie de Keridiern, en Cléden-Cap-Sizun, par M.
DANIEL BERNARD .... .. ... . .... .. , . . .... . . , . .. , 262
XI. Les Ardoises dans les sépultures néolithiques
ar.moricaines, par M. A. MAR:I'lN (8 planches l.. 278
, XII. L'Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes poUt' ser-
vir à son histoire), par M. H. BOURDE DE LA
ROGERIE. . . . . . . .. . .... , .... , . .. ' . ' . , . , .. . . . . 324

- FIN -

vnprlmérie CO TONNEC, LEPRINCE Suce - QUimper