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Bulletin SAF 1909


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Fouille d’un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lopérec, le 30 juin 1909

L. Le Guennec

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1909 tome 36 - Pages 255 à 261

c __ 155, -

(EN LOPEREC) LE 30 JU IN .190 ;:r:"

M '. Livin ee, négociant à Morlaix, qui possède une propriété
dans la montagne d'Arrée, aux dépendances du Glujea.u,
sur les confins des communes de Sizun, Saint-Rivoal et

Lopérec, y li constaté l'existence de plusieurs tumUlus dans

la partie Ouest de ses terres, avoisinant les garennes de
Caranoët, en Sizun, où se trouvent sept tumulus dont deux
ont été fouillés en 1899 par notre Jilrésident M. du Châtellier,
et dont '-d'autres orit été', para'Ü -il, explorés depuis par

MM. Le Rouzic,conservateur du musée de Carnac et le
(focteur Kermarrtlc, ancien maire de Landerneau . Quelques­ ùns -des tumulus situés sur les terres de M. Livlnec ont

disparu, nivelés et détruits par l(:'s paysans lors des travaux
de déft'ichement et de mise en culture, et bien que le pro­
priétaire' se soit toUjOUl~S efforcé de sauvegarder autant que

possible çes monuments, ou du moins de suivre de près les,

fouilles forcément hâtives et vandaliques que ses fermiers y
ont faites, il ne lui avait pas été possible jusqu'ici d'entre­
prendre l'explDration sérieuse et méthodique d'aucùn d'entre

eux. Aussi, ayant choisi parmi ceux qui subsistent. encore;
un' tertre funéraire en parfait état de conservation, l'a~ t-ilr
fait ouvrir et fouiller sous ses yeu:x et sa surveillance, le
30 juin, après avoir eu la grande amabilité de me convier à
assister à ses recherches, au sUjet desquelles je ' crois' bon
d'adresser tin bref rapport à la Société. ' "
Nous partons donc ' le 30 juin, de bon matin, pour le Glu­
jeau, en compagnie de M. l'abbé Livineè, , recteur' de Ploué­
nan, frère de M. Livinec, et-de leur'neveu M. Le Goaziou,
imprimeur à Morlaix. L'automobile qui nous emporte sur la

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route de Quimper court rapidement vers les montagnes
d'A rrée, dont on voit grandir .à )"horizon les crêtes déchi­
quetées où s'accrochent et se déchirent les volutes du brouil­
lard. Nous passons à Pleyber-Christ, puis à Plounéour-Ménez,
nous escaladons le Roc'h Trévézel en contemplant à perte de
vue le vert pays de Léon, nous redescendons vers Comanna
parmi les tourbiéres et les rochers, nous franchissons l'Elorn
au débouché de la brèche gigantesque qu'il s'est pratiquée
dans les monts pour s'échapper des marais de Roudouderc'h,
et nous atteignons Saint-Cadou, la paroisse des ardoisiers,
d'où un dernier élan à travers les fougeraies en pente de
Roc'h Caranoët nous amène enfin a u terme de notre voyage,
à Ménez-G1ujeau.
A peine débarqués, M. Livinec nous conduit sur un pla­
teau qui borde le chemin à droite, et nous y montre plusieurs
tumulus; certains d'entre eux sont encore intacts, mais MM.
Le Rouzic et Kermarrec en ont fouillé les plus apparents. Ce
terrain ne dépend d'ailleurs pas du Glujeau. En nous menant
vers sa propriété, M. Livinec nous fait remarquer au passage
le Chemin du Comte, antique voie frayée pendant plusieurs
kilomètres presqu'au sommet des montagnes, depuis les

Cragou jusqu'à Saint-Eloi, et dont le nom, évocateur de sou-
venirs féodaux, se rapporte à ce fait qu'elle servait jadis de
frontières aux deux comtés de Léon etde Poher, comme elle

sépare encore aujourd'hui les arrondissements de Morlaix et
de Châteaulin. Le Chemin du Comte est toujours fréquenté
par les pèlerins qui se rendent à RumengoJ.
Avant d'arriver à la première des ferm es de Ménez-Glujeau,

M. Livinec attire notre attention sur une esplanade maréca-
geuse, située à l'Est du chemin, et où il a fait pratiquer
divers canaux et tranchées pour l'écoulement des eaux. Ces
travaux ont mis à jour; à une profondeur d'environ Om60,
une quantité de troncs d'arbres enfouis dans la terre tour­

- 21>7 ~
Nord-Sud. On en reconnait encore l'essence; la plupart sont
des chênes. La présence de ces troncs d'arbres à 250 mètres
d'altitude, sur la crête de l'Arrée, semble prouver que l'en-

droit n'a pas toujours été le désert dénudé et quasi-inculte
que nous y voyons actuellement. Le nom de Caranoët (Karn
ar c'hoat, le cimetière du bois) atteste que la nécropole dont

on détruit en ce moment les ultimes vestiges se trouvait dans
une forêt, ou tout au moins au milieu d'un pays boisé. Le!:>
vivants mêmes y habitaient et y exerçaient leur industrie,
comme en témoigne l'existence d'un énorme bloc de scories
ferrugineuses que M, Livinec nous montre, affieurant le sol
au milieu d'un sentier.
La garenne où nous nous rendons ensuite est en partie
défrichée; elle occupe un plateau très élevé, qui a pour
point culminant un piton schisteux appelé Roc'h a1' Verc'h
(le rocher de la fille). Nous y montons afin d'admirer l'impo­
san t panorama des montagnes, a ux grands versants roussâtres
que balaie l'ombre fuyante des nuages. La sombre silhouette
du Mont-Saint-Michel fait vis-à-vis au dÔm e bleu du Ménez­
Hom; dans la vallée de l'Elorn, les maisons de Sizun brillent
au soleil. A l'Ouest se voit la rade de Brest, et la mer borde

à l'extrême lointain , d'une indécise ligne d'azur, les CÔtes de
Guisseny et de Plouescat, tandis qu'au sud les clochers du
. Brasparts et de Pleyben paraissent dans l'échappée du vallon
du Rivoal.

Pendan t cette con tem pla tion , les trois ou vriers a vertis par
M. Livinec arrivent avec leurs outils. Notre aimable guide
nous conduit vers un tumulus situé à 200 mètres au Sud-Est
de Roc'h al' Verc'h; élevé d'environ 1 mètre 50 sur un e
circonférence.de 30 mètres, ce tertre a une régularité de bon

augure, et il nous est permis d'espérer que nos recherches ne
demeureront pas infructueuses. Il s'agit d'abord d'entamer
le sommet du tumulus pour reconnaître la position de la dalle
ou table dolménique qui doit recouvrir la sépulture. Nos
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCBÉO. TOME XXXVI (Mémoires 17)

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ouvrièrs se mellent vigoureusement à la besogne et ont
bientôt creusé un trou assez profond grâce auquel on pourra
sonder la bulle. Les premiers sondages demeurent pourtant
infructueux; partout, la tige de fer s'enfonce, sans éprouver
de résistance sérieuse, jusqu'au sol naturel. M. Livinec finit
par déLerminer le centre exact du tumulus, et fait attaquer
cet endroit. Mais sur ces entrefaites l'heure du dîner étant
arrivée, notre appétit aiguisé par l'air vif des montagnes,
nous oblige à suspendre nos recherches.
Nous les reprenons une heure plus tard avec une ardeur nou­
velle, que la chance se hâte de favoriser. En effet, en sondant la
nouvelle tranchée, on reconnaît sur divers points la présence
d'une dalle. La terre enlevée à grand coups de pelle laisse
bientôt apparaître, à une profondeur de om50, une large
table d'ardoisine qui résonne sous le choc des outils, nous
prouvant ainsi qu'elle abriLe une cbambre sépulcrale. On

s'efforce d'en dégager toute ln surface, mais la dalle, formée
d'une lame de schiste épaisse à peine de Om06 à Om08, s'en-

lève par écailles et se brise à l'un des angles; les fragments
en sont ôtés avec précaution, pour éviter qu'il ne tombent
dans la sépulture.
Enfin, une ouverture suflisante pour le passage d'une per­
sonne est pratiquée, et M. Livinec m'invite à descendre dans
celle chambre funéraire où je ne pénètre pas sans une cel'·
taine émotion. C'est une sorte de caveau r8ctangulaire,
orienté à l'Est, dont les parois Ouest et Est sont formées de
pierres maçonnées à sec; la paroi Nord se compose d'une
seule et grande dalle d'ardoisine posée de champ et la paroi
Sud consiste en une autre dalle moins large reposant sur une
base de maçonnerie. La chambre mesure 1

80 de long sur
om85 de large et la grande table qui la recouvre déborde de
tous les côtés d'au moins Om30. La profondeur est de
1 mètre. A OmiO de la dalle, sur les parois Ouest et Est,
c'est-à· dire à la tête et aux pieds, font saillie deux pierres

- 259

formant consoles ou supports, qui servaient peut-être à sup­
porter uà plafond de protection disposé au-dessus des restes
inhumés pour les préserver de toute infiltration.
Une épaisseur de Om20 de terre remplit le fond de la
chambre. M. Le Goaziou et moi en entreprenons l'exploration.
Nous déblayons d'abord la partie Est sans rien rencontrer,
sauf quelque5 traces de cendre, de menus morceaux de char-
. bon démontrant qu'il s'agit d'une sépulture par incinération,
et des débris de bois décomposé. La partie Ouest vers laquelle
nous nous tournons ensuite, nous donne bientôt un vase de
!loterie grossière, brisé el) plusieurs morceaux, qui se trou­
vait dans l'axe du tombeau, à Om40 de la paroi Ouest. Nous
en recueillons soigneusement tous les fragments et nous
bornons là nos recherches dans cette chambre funéraire qui
très probablement ne contenait rien de plus, si l'on s'en
rapporte aux résultats des fouilles entreprises par M. du
Châtellier dans des tumulus voisins, à Caranoël. et à Saint­
Cadou ('1).
M. Livinec nous a montré aussi, à 70 mètres à l'Ouest du

tumulus, une autre chambre sépulcrale d'orientation iden-
tique et qu'abrita it un tertre aujourd'hui rasé. Ce tumulus
a été fouillé et détruit il y a trois ans. II paraît que, la nuit
qui suivit la découverte de celle sépu ltur e, quelques paysans

vinrent la bouleverser, dans l'espoir fallacieux d'y rencontrer
des trésors. M. Livinec n'a pu y recueillir que quelques frag­
ments de poterie blanchâtre, dont il a donné une partie à MM.
Le Routic et Kermarrec. Ces Messieurs l'ont prié de conserver
' Ia chambre sépulcrale, qui est, à leur avis, des plus intéres-
santes par sa construction soignée. Elle mesure lm'!;) de long,

1 miO de large et '1 mètre de hauteur . Ses parois sont formés

d'une maçonnerie assez régulière et bien appareillée.
J'ai réussi depuis li reconstituer le vase trouvé par nous
(i) P. du Châtellier. Inventaire des monuments préhistoriques du Finistère,

- 260-
à l'état de débris. D'une fabrication et d'une forme primitives
il ne possède pas le moindre ornement. Ses dimensions sont:
hauteur om H;i; diamètre à l'ouverture, Om10; diamètre au
fond, OmO?;i. Le croquis ci-joint en donnera une idée. La
poteri e, peu épaisse, en est rougeâtre, mélangée de graviers
et.de petits cailloux. .
1. LE GUENNEC .

1. COUPE DU T UMULUS DE MÉNEZ- GLl'JEAU .

- VASE TROUVÉ DANS LE TUMULUS DE l\1ÉNEZ-GLUJEA U (grandeur exacte)

VII.
VIII .

369

DEUXIEME PA RT IE

Table des MémoiTes et Documenls publiés en 1YO!J
l'ages
Épisodes et Anecdotes, par M. l'abbé ANTOINE
FAVÉ .. . ... , ... . ... ' .. . . . . , ... , ' , ' . . " 1, 79, t 97
Églises et Chapelles du Finistèr e (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXrV) . Doyen nés
de Ploudalmézeau (fin), Ploudiry, Saint-Renan, .
Châteaulin, Châleaun euf et Carhaix, par M. le
chanoine P. PEYRON ...... . . , . . . ' . , . . . , . . .. '33, 30t
Les Hameçons préhistoriques, par M. A. MARTIN
(planche) ............... , .. . , , . . .......... ' . , .
Étude sur l'Architecture romane du Finistère.­
École régionale de Pont-Croix, pal' M. CH.
CHA USSEPIED. . .. . .. ' .. . .... . .. '. , .. . . . . . .
Outil préhistorique en pierre : le Ra bo t- Râpe,
par M. A. MARTIN (planche) .. , ...... . .. . . ' ... .
Rapport sur la Chapelle de Saint-Tugen, en Pri­ melin, par M. CH. CHAUSSEPIED (planche ) ..... '
Excursion A rchéologique dans la comm une de
Garlan, par , M. L. LE GUENNEC (3 planches) . ..
Chapelle de Notre-Dame du Crann, en Spézet,
par M. le chanoIne J.-M. ABGRALL ...... . .. . . ,
Fouille d'un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lo­ érec, le 30 juin 1909, par' M. L. LE GUENNEC
lane/le) . .. .. ~ . ..... .. . . ......... . ....... . .. .

109
113
244

255
X. Études sur le Cap-Sizun:
II. La chapelle de Langroaz et la seigneu­
rie de Keridiern, en Cléden-Cap-Sizun, par M.
DANIEL BERNARD .... .. ... . .... .. , . . .... . . , . .. , 262
XI. Les Ardoises dans les sépultures néolithiques
ar.moricaines, par M. A. MAR:I'lN (8 planches l.. 278
, XII. L'Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes poUt' ser-
vir à son histoire), par M. H. BOURDE DE LA
ROGERIE. . . . . . . .. . .... , .... , . .. ' . ' . , . , .. . . . . 324

- FIN -

vnprlmérie CO TONNEC, LEPRINCE Suce - QUimper