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Bulletin SAF 1909


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Épisodes et Anecdotes

Abbé Antoine Favé

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1909 tome 36 - Pages 197 à 243

197 -
(3" Série)

LES CORVÉABLES DE PLEYBEN
fortement soupçonnés de chercher profit ' dans les
corvées et prestations de leurs voisins; formelle­
ment accusés de ne pas faire les leurs.
On nomme gé néral des paroisses une assemblée politique
préposée au soin et au gouvernement extérieur de la paroisse.
Il est composé de douze paroissiens notables qui ont été Tré­
soriers et ont rendu et soldé leurs comptes, du Recteur, des
Juges, des Procureurs du Roi ou fiscaux des lieux, et des
deux Trésoriers en exercice. Il se réunit dans la Cham9re des
délibérations. Le Général a, outre l'administration des revenus
temporels et la préoccupation du contentieux à soutenir, un ,

rôle électif à remplir.
Voici comment il s'en acquitte, du moins tel qu'elle nous
l'avons -relevé dans les délibérations du corps politique d'Er­ gué-Gabéric, en ' 1776, car la coutume fait loi et les règlements
varient dès qu'on change de clocher.
Les fabriques rendent leurs comptes de gestion, non ap1"és
trois mois, Il comme cela se lait en plusieurs pal"oisses JJ , mais
mais le jour même où ils signifient leu r retraite. Ils se reti­
rent le premier Dimanche de Mai (1 suivant la coutume de
laditte pal'oisse JJ . Il s'agit donc de désigner leurs successeurs.
(( L'usage pra tique dans la paroisse est de changer le Pro­
cureur terrien, le premier Dimanche dei' année JI . On a, de plus
à nOmmAI' les asséeurs pour asseoir et faire la cueillette de la
capitation et du vingtième, les collecteurs pour les ralles de
garnison, le député deg grands chemeins (sic), etc... .

198 - .
Ces malheureux élus, choisis à leur corps défendant, sont
exposés à mille tracasseries, à mille déboires, à entendre
à leurs oreilles effrayées redire la formule comminatoire de:
fortunes, risques, périls, dépens, etc. Aussi, les plus auda­
cieux, les plus roublards parviennent, en tirant de gauche et
de droite, à échapper à ces charges écrasantes. Un notaire de
Plouguerneau fut dénoncé au Parlement de Rennes par le
Trésorier de la fabrique, en 1ï66, pour -menées tendant à
empêcher toute délibération du Général, en intimidant des
gens peu venés dans les affains : pour faire voir l'influence
que ce praticien pouvait détenir sur les gens de Plouguerneau,
le Trésorier ne trouvait mieux à dire que d'affirmer: (( c'est
U'f~ homme Tiche et accTédité dans la paroisse, même si accré­
dité qu'on n'a jamais osé le nommer à aucune charge, qu i son t
sans doute des corvées dans la paroisse. » 1 (t)
Alain Lepage, procureur terrien de Pleyben en 1692, dut
voir, un jour au moins, ce qu'il y avait de redoutable dans
ces charges qui imposaient beaucoup de tracas mais, en
revanche aussi, tant de responsabilités. Ce fut ce jour d'Octo­
bre, où il fut emprisonné à Carhaix par deux huissiers, dont
un de marine, qui avaient été le prendre chez lui. Le 18 de ce
mois, il comparait devant le Bailli. Il se défend correctement,
dignement. Mais Charles Olymant insiste pour établir que les
corvéables de Plf\yben ne faisaient pas les charrois auxquels
ils étaient tenus ; que par cette exemption qu'ils s'adminis­
traient, ils prenaient toute liberté de cha,rfoyerpour les parois­
ses voisines dont ils se faisaient payer, outre qu'arrivés au

port du Faou, ils n'hésitaient pas à toucher l'indemnité réser-
vée par le Roi à ceux qui avaient opéré le transport du bois.
Et Alain Lepage, procureur terrien étaien t accussé d'avoir
prélevé sa petite commission, un bénéfice quelconque sur cette
opération.
(i) Oans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère : nos
Episodes et Anecdotes. 2' série, page 2i de notre tiré à part.

- 199
L'accusation pouvait être fausse, mais plausible et expli­
quée par des précédents fréquents
Dans l'histoire des corvées et prestations, il reste matière à
un chapitre qui ne manquerait pas de pittoresque.

INTERROGATOIRE DU 18 OCTOBRE 1692
Interrogatoires fait par nous Conseiller du Roy et son
Bailly à Carhaix, subdellégué de Monseigneur le Marquis de
Nointel, en conséquence des ordres du 29' septembre
dernier . . .
Ce jour huiLiesme ocLobre mil six cens quatre vingt
. douze, fait venir devant Nous en la Chambre duConseil
par Luc Clairjour: geolier des prisons de Carhaix, un homme
de haule stature, porLant barbe et cheveux noirs, vestu d'un
habit de berlinge, ayant un vieux chapeau noir à la main,
auquel nous avons fait lever la main et jurer par serment
de dire vérité; ce qu'il a promis faire .
- Interrogé de son nom, surnom, âge, qualité eL demeure
avant son emprisonnement, et le sujet pour lequel il a
esté constitué prisonnier.
A dit avoir nom Allain Lepage, ménager et à présent
Procureur térien (1) de la paroise de Pleyben eL y demeurant
au village de Roslan-Vidan, agé d'environ 34 ans et nous
a dit avoir esté consLitué prisonnier aux prisons de ce siège
le jour d'hyer, environ les 7 à 8 heures du soir, par un ·
huissier de cette ville et WI autre de marine, sans sçavoir
pour quel sujet.
- Interrogé s'il n'a pas r eceu un ordre de la part de
Monseigneur de Nointel au sujet du transport des bois
apartenanlz à sa Majesté, de la forest de Botuarec en la
ville du Faou.
Répond avoir r eçeu l'ordre le seiziesme septembre der­
nier par lequel il est ordonné aux paroissiens dudit Pleyben,
de fournir le nombre de soixante chareties pour la voilure
des bois, lequel ordre il a faiL publier au prosne de la

(1) Lisez : procureur terrien .

200 .' .
grande messe cellébrée en ladilte paroisse de Pleyben le
21" de ce mois, ainsy qu'il nous l'a fait voir par le cerLifficat
estant au bas dudit ordre signé: iL Favennec, prestl'e.
- Interrogé sy en conséquance de ladite pub lication il
avoit fait un Egail et Estat des personnes qu'il avoit destiné
pour faire ledit Charroy.
Répond que lors de ladite publication, il nomma deux
habitants de chacque treuve de lad ite paroisse pour égaller

et faire un roolle dans leurs parcelles des personnes desti-
nées pour ledit Charroye.
Interrogé sy lesdits particuliers luy on t. mis entre
mains les Roolles qu'ils doivent avoir fait dans lesdites
parcelles .

Répond qu'on ne luy a déllivré aucun estat ny roolle fai t
à ce sujet à la réserve de celluy de Trefn'escob (?) qui conti en t _
seulemen t le ' nombre de cinq Œharettes, et celluy (le la
parcelle de Trefléan contenan t sept charetles, et ne sçavoir
positivement sy les particuliers dénommés dans lesdits deux
estals ont fait leildits Charroys et qu'à l'égard des Roolles
des autres parcelles qu'on ne luy en a point dellivrez, les
particuliers qui en avoient estés nommés pour cet effet ne
s'en estant voulu dessaizir . .
- pourquoy il n'a pas faiL plus de dilligence pour faire
exécu ler ledi tOrdre .

Répond qu'il croyait que les habitants de ladi te paroisse
les devaient exécuter ponctuellement, en conséquence de la
publi caLion qu'il en avait fait faire .
- Interrogé au sujet de la désobeissance des paroissiens,
lesquels au lieu de faire le nombre de charroys qui leur
estoit ordonné, on.t charroyé en acqllit de pillsiellrs particuliers
de différentes paroisses, desque ls ils ont exigés des sommes

excessives oulre le paiem ent que le Roy donne.

Répond qu'il ne peut rendre raison clu sujet qui a engagé
les habitanLs de Pleiben de charroyer pour différents parti­
culiers au lieu de commencer par les charroys qui leur
esLoint ordonnés, n'ayant aucune part ny intérest dans les
sommes qu'ils peuvent recevoir pour faire lesdits charroys:

- 201
- Luy remontré qu'il ne dit la vérité et qu'il paroist qu'il
ne s'est pas beaucoup mis en paine de faire exécutter les
ordres puisque lAS habitants rludit Pleiben charoyoient dans
les jours du bois de ladite forest de Botuarec en descharge
de plusieurs particuliers de différentes paroisses en fav eur
d'argent et exigeoient des sommes desdits particuliers pour
les charroyer outre le payement que le Roy leur donne, et
que selon touttes les apparences, il y a lieu de présumer qu'il
pariage avec lesdits paroissiens les sommes considérables qu'ils
tirent des dits Charroys, puisqu'il ne s'est pas mis en devoir
de les stimuler d'avantage pour exécutler lesdits ordres.
R. - Conteste le contenu en nostre r emontrance et
soutient comme il a cy devant fait que le retard des charroys
ordonnés aux paroissiens de Pleiben ne provient point de
sa négligence ny désobéissance, mais bien de celle des
paroissiens; il a fait publier les ordres au prosne de la
Grand'messe : sy plusieurs habitants ont fait des charroys
pour d'autres paroisssiens en fav eur d'argent, il n'a participé
ny eut interest dans les marchés qu'ils peuvent avoir faiL. ..

Et sont ses InterrogaLoires .....
CH.OLYMANT DE KERNÉGUÈS,
Bailly.

HÉMERY,
Commis au Greffe .

« MU D'UNE CHARITABLE COMPASSION»
Ecuyer David de Penguern retire une plainte crimi­
nelle contre un de ses vassaux, dont la femme
vient d'accoucher, aux prisons du Faou, en y
visitant son mari.
Au XVII" siècle, le chef de nom et d'arm es de penguern
était d'abord: M essire Jacques de Penguern, époux de dame
du Stanger, fille de Messire de Boisgelin ; puis vient Jean de
- 204 ,

represanter quand r ecquis sera, réservant .de le poursuivre
jusques à Jugement déffinitiff luy et ses complices et de les
faire condamner sollidairement aux frais et despens de la
procédure, déclarant se départir de l'aclion criminelle encom­
mencé et laisser le tout à la charge de Monsieur le Procureur
fical et de Messieurs les Juges de cette Cour, s'ils n'accor­
dent pas leurs conclusions aux compleignants qui recquiè­
rent cependant d'estre mis en la sauvegarde du Roy, et que
deffense soient faicte aux accusés de leur mesdire ny mal
faire, ny se présanter en leur présance ailleurs que dans
l'Eglise et à l'audience, ny de passer à leur porte et barrière
pouvant 'passer sans beaucoup d'incommodittés par ailleurs,
qui est une précaution nécessaire p.our leur seureté, sans
préjudice des auLres droicls et actions desdits compleignanls
et des clauses du bail de leur moulin.
Faict et déposé au Greffe, ce jour 21 e ocLobre mil six cens
soixan le et trois.
L. MÉNEZ,
Substitut.
III
DA VID DE PEN GU ERN .
PLAINTE D'UN FABRIQUE DE LOCMARIA
(TRÈVE DE PLOUGUERNÉVEL)
Contre une femme qui l'a pris aux ch~veux par trois
fois et réduit au plus complet et lamentable état de
calvitie, et cela dans l'exercice de ses fonctions
fabriciennes (1706).
Une annotation du Dictionnaire d'Ogée nous dit qu'il yavait
jadis en Bretagne cinq tTèves portant le nom de Locmaria:
1° Locmaria, trève deBerrien ; 2

Locmaria, trève de Plou­
zanné ; 3° Locmaria, trève de Grandchamp; 4

Locmaria,
trève d'Elliant; 50 Locmaria, trève de Plouguernével. Les
deux premières sont devenues chef-lieu de communes ..... .

205

Un autre Locmaria est devenu aussi chef-liéu, c'est Locmaria
en Belle-Ile. (Ogée, T. 1

. p. 513) .

Il n'est pas fait mention d'un autre Locmaria; c'est la trève
de Locmaria (( en la paroisse de PLoab ennec au diocèse de
Léon )) que l'on trouve clans un factum publié chez Julien
Vatar en 1739 et intitulé Précis du PTocès . .. que suscita le

Général de Plabennec aux Trèviens de Locmaria, dont l'Eglise
existe « suivant plusieurs titres, depuis plus de cinq siècles J) .
Quoiqu'il en soit, la trève que nous avons en vue ici, est
celle de Locmaria en la paroisse de Plouguernével. Cette
paroisse de Plouguernével fut redevable de grands bienfaits à
la famille Picot de Coëthual et au saint fondatéur des Sémi­
naires de Cornouaille. Elle était opulente avec ses belles
trèves ou fillettes de Bonen, Locmaria et surtout Goarec, ou
Saint Vill es Gouarcl;.L'Eglise-mère était si considérable qu'on
y célèbrait quatre grand'messes par dimanche et qu'elle avait
quatre fonts baptismaux. Nons croyons volontiers qu'une de
ces quatre grand'messes était chantée pro populo Santœ Mariœ
de Plouguernével ou Locmaria, où on ne célèbrait ordinaire­
ment que des messes basses. .
En 1706, le fabrique se trouvait répondre au nom d'Yves
Bacquier, du village de Kermarec, et si nous ne savons son
âge à cette époque, nous n'ignorons pas qu'il était chevelu
comme Absalon, ou tout au moins comme le roi Clodion. Ce

qui nous fournit cette indication c'est la plainte qu'il adressait
au juge de Carhaix: il fallait être riche en toison capilaire
pour être en mesure de perdre tant de cheveux, du moins
si on s'en tient aux termes de la pièce que nous donnons ici.
MESSIEURS LES JUGES ROYAUX DE CARHAIX,

Suplye humblement Yves Bacquier, ménager, demeurant
au village de Kermarec, en la Lreffve de Locmaria, paroesse
de Plouguernével, demandeur et compleignant contre Marie
Mérer, veuffve de ·deffuncL Nouel Le Méreur, défenderesse et

accusee,

266
Disan t que sur le refus deladite Mérer de paier au supliant
fabricque de ladite esglize de Locmaria, la somme de trante
sols tant pour droit d'alumage, fourniture de cierges, pour
l'anterrement de son dee"unct mari inhumé en ladite esglize
que pour l'octave, le supliant l'auroit faict signifier par la
juridiction de Rostrenan pour êLre condamnée de lui paier
ladite somme de trante sols . 8y vous remonstre que ceste
famme gendarmée, animée de coll ère auroit entré ce jour
dans la sacristie de ladite esglize où estoit le supliant, à
l'issue de la messe matinalle et ce jour, ledit Bacquier
faisant ses fonctions ordinaires, ladite Mérer se serait jetté à
ses cheveux qu'elle tenoit d'une main et de l'autre lu y donnait
plusieurs coups de poign, tant sur visage que sur la teste
et lui a arraché ta plus grande partie de ses cheveux. Ce que
que voiant ledit sieur Curé et les prebtres qui èstoient dans
ladite sacristye, et aultres personnes auraient esté ohligés
de lui arracher de sous les mains des cheveux du supliant quy
.. ne s'esL jamais mis en deffance des insulles et mauvais
traicLements qu'il a receu de ceste famme,
11 y a de plus, c'est qu'estant ainsi détachée et amenée
par le sieur Curé et aultres en ladite sacristye, jusques à la
petite porte qui donne sur le cimetière en ladite esglize
pour la faire sortir attandu le scandaI qu'eUe commettoit par
sa furie, violances et mauvais traictements, dans un lieu 8y
sainct en présence du 8aincl-Sacremant. Ayant apperceu

ledit Bacquier qui estoit. à eLleindre les chandelles quy
esloient allumées au grand Autel, elle se seroil dépettrée
des mains dudit sieur Curé et aultres personpes el trêviens
en présance d'un grand nombre de peuples qui estoient
dans l'esglize, et malgré tous, ayan te en trée dans le sanc­ tuaire et sur les marches du grand Aulel où estait ledit
Bacquier, elle se serait derechef, en pareille furie, jetté à ses
cheveux et icelluy traisné par iceux, de sorLe qu'il a la leste
touLLe enflé et qu'il ne luy est resté pour ainsi dire presque
point de cheveux, et encore l'auroit elle estranglé sans que plu­
sieurs personnes l'auroient opposé, et continuant de plus
en plus ses emporlemans et violances, elle aurait reprinse

-" 2d7
dans les cheveux de cest homme jusqu'à une troisième fois,
sans qu'il ne se soit mis en de(fance vers elle, ces raisons

eL auILres rendent ledit supliant bien fondé il requérir ce
considéré,
. Qu'il vous plaise, Messieurs, ayanl égard il ce que dessus,
permellre audit suplianL d'informer d'oillce des faicts et
aultres y résullant, mesme de se faire visiter par Maistres
Chirurgiens jurés, pour passé de ce que, le Loul communiqué
il M. le Procureur du Roy, ·etc., el ferez justICe.
Permis ains i qu'il est reqùis.
A Carhaix, le 30 sep tem bre 1706.
JEAN RAGUIDEAU.
Sénéchal.
Le Sénéchal Jean Raguideau, qui en avait vu bien d'au tres
dans son ressort de Carhaix, répondit à l'appel fait à son

équité, en ordonnant une enquête, bien sommaire, sur la
triste aventure qui arriva à Bacquier du fait d' une mégère
« gendarmée».
I NTERROGATOIRES DU 1'" OCTQl3nE 1706: .-
Le 1 el Témoin. - Missire Joseph Galloy, curé de la trêve de
Locmaria, 40 ans « auquel fait mettre la main sur la poi­
trine el" jurer par ses saincts ordres ne vit point Bacqu' ier
se mettre « en défense. r,
C'est absolument le récit de la plainte avec insistap.ce sur

ce détail auquel on attache une extrême impor:tance : il 'ne
s'est pas défendu, reproduil par Lous les témoins.

T.- Yves Le Billy, laboureur il Kerandouaren, 50 ans;
dépose qu'altaqué au grand Aulel, Bacquier cria il la force ...

T. Anthoine Le Miliner, sacriste, 27 ans, même dépo-'
silion .
4' T. - Catherine Le Toudic, de Kerjugant, 35 ans; elle
signe gentiment, raconte la scène passée sur les marches du
Maître-Autel: (( ladite Mérer, quoy qu'elle tint ledit Bacquier

aux cheveux et par le visage, crioit encore à la force ... »

T. - Louis Le Josse , laboureur il Restouarch, 20 ans,

dit la contestation sur la somme réclamée: cc Ladite Mérer et
« Bacquier se mettent de concert à clamer à la force » .

Sur réquisition du Procureur du Roy et par ordonnance
du Sénéchal Marie Mérer est ajournée . personnellement à
comparaître, et signifiée pour être interrogée à son tour.
Nous n'en savons pas plus sur cette histoire exposée avec
un charme naïf. Sans doute, on rendit au fabricien justice
mais non ses cheveux, cette luxuriante chevelure tombant sur
la nuque très bas, comme signe de franchise et d'indépen­
dance que nos pères d'Armorique estimaient avec une ja­
louse fierté.
Pauvre fabriq ue et comp table éprouvé, il tenait à ses
cheveux mais ses cheveux ne tenaient pas à sa tête, aurait
pu déclarer méchamment, quelque loustic, un second samedi
du mois, à la foire de Goarec !

UN PRISONNIER DE PONTANIOU SE MARIE

A RECOUVRANCE DEVANT UNE ASSISTANCE
CHOISIE, EN RAPPORT AVEC SA SITUATION
A la trame de quel roman pathétique, tendre et douloureux
à la fois, faut-il rattacher les documents que nous fournissons

ici, supplique et procès-verbal de mariage? Les accents de"
l'épithalame adoucissent les rêves penibles du détenu et le
reflet des flambeaux de l'hyménée éclaire la paille humide
des cachots de Pontaniou.
David Gaultier et Anne Finck ! ce ne son t pas des noms
de chez nous. Sont-ils Flamands? Irlandais? Ecossais?

Stum'tistes et Jacobites ? ..
Nous n'avons pu J e découvrir, quoique nous ayons recouru
à de bonnes adresses.

- 209-
Ce qui ressort de notre procès-1) erbal, c'est que le cor. tège
nuptial est peu ordinaire et en rapport avec la situation du
nouveau marié: homme, sans doute, qui n'était pas sous le
coup d'une peine ou d'une accusation infamante. Il se peut'
qu'il fût détenu pour raison plus ou moins politique, ou même
emprisonné pour dettes.
. La célébration du mariage a lieu l'après-midi, extra missam.
Elle set précédée des fiançailles. Cette coutume de se fiancer
en face d'Eglise était donc en vigueur dans le diocèse de
Léon, comme au reste, nous en avons trouve les dernières .
traces lorsque nous exercions le saint ministère sur les bords
de l'Aber Benoist. Préalablement au mariage, nous campions
au milieu de l'église les futurs conjoints, généralement aux
alentours du catafalque, à demeure dans la nef, pour leur faire
échanger leurs promesses, avant de s'approcher de l'autel
majeur. Mgr Joly de Choin dans ses Instructions ( de Toulon)

sur le Rituel (Romain), nous dit que « nous n'avons aucune
. loi générale qui prescrive les fiançailles ecclésiastiques. II y
a plusieurs églises en France où, ainsi que dans celle de
Toulon, elles ne sont point en usage; il Y en a me me où elles
sont défendues à cause des inconvénients qui en résultent ii .
A Saint-Sauveur, les fiançailles de Gaultier et Anne Finck
furent accomplies au Grand Autel, après quoi ils furent
confessés par le Père Gardien des Capucins, qui attendaient
ces intéressants pénitents pour les disposer à recevoir, avec
toutes les dispositions nécessaires, le Sacrement du mariage.
Puis, Messire Alexandre Lombart, . Recteur de Quilbignon
et de Recouvrance, reçut leur mutuel consentement et appela
les bénédictions du Ciel sur eux et leur postérité, leur sou­
haitant de vivre longtemps, heureux, entouré d'enfants, et ·
dans des circonstances de temps et de lieux, somme toute,

. moins sombres et moins déplaisantes.
Remarquez, que l'on sortit de Pon taniou vers 2 heures de
l'après-midi, et que le procès-verbal fut rédigé et signé environ

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XXXVI (Mémoires 14)

- 210 _.
les cinq heures du soir. Il y eut, sans doute, réception' et
lunch dans la sacristie de Saint-Sauveur? En tout cas, ce ne
serait pas le temps qui eût manqué.

13 mars 1719.
Messieurs,
. MESSIEURS LES JUGES ROYAUX DE BREST,
Suplient humblement le Sieur Louis David Gaultier et
, demoiselle Anne Fin, disan ts que par arrest de la Cour du
29 avril dernier, la Cour faisant droit sur la requeste des

supliants et le, s ·conclusions de Monsieur le Procureur.
général leur auroit permis de se faire administrer la
bénédiction nuptialle par le premier Recteur ou prestre
requis, observant les formes prescriples pal' les Suints
Canons, et ce par devan t Monsieur le Séneschal de ce Siège,

et en conséquence auroit ordonné que les portes des prisons
dé Brest seront ouvertes audit Gaultier. '

Lesdits Suppliants ont faiL observer les formes prescriples

par les Saint.s Canons en faisant publier en l'Eglise de Saint-
Sauveur à Recouvrance où ils sont dom icilliés, la première .
bannye de leur mariage lA douzième feuvrier dernier et

obtenu dispense des deux autres bannyes de Monsieur Le
Grand, vicaire de Léon.
Considère, qu'il vous plaize, Monsieur, voir cy atLaché
l'Arrest de la Cour susdatté avec la première bannye du
mariage des SuplianLs et les dispenses des deux autres
bannyes, et en conséquance, descendre il. l'heure qu'il vous
plaira fixer en l'Eglize de Saint-Sauveur à Recouvrance,
pour en vostre présence esLre par Monsieur le Recteur ou
son curé, la Bénédiction nupLlalle administrée aux suplianLs,
il. laquelle fin ledit Gaultier sera conduit par un huissier ou
sergent qu'il voudra nommer el procès-verbal estre dressé
sur les lieux, à valloir eL servir ce que de raison et ferez
bien.

LUNVEN, (1)

(t) Procureur des parties.

211-
(ORDONNANCE AU PIED DE LA SUPPLIQUE.)
Nous avons accepté la présente commission, et en consé­
quence réservé de descendre ce jour à deux heures de
rellevée en présence de Messieurs les Gens du Roy dans
laditte Eglise de Saint-Sauveur audit Recouvrance aux fins
dudit arrest il laquelle j'ai ordonné à Dehallier, huissier de
service, de se transporter aux prisons de Pontaniou, pour
mettre les décharges dudit Louis David Gaultier et le con­
duire el amener devant Nous en ladile Eglise, à ladite heure.
, Ce 13 mars 1719. "

Nous Escuier Claude de Basserode, sieur de Brétigny,
conseiller du Roy, Séneschal et premier magistplt de la
Cour Royalle de Brest, Sçavoir faisons qu'en exécution
d'Arrest de la Cour du 29 avril 1719, qui permet il Louis
David Gaultier de se faire administrer la BénédicLion
nuptialle avec demoiselle Anne Fink par le premier RecLeur
ou preslre requis, observanl les formes prescriltes par les
Saincts Canons eL nous commeL pour estre présent à laditte
Bénédiction nuplialle et en raporter nostre procès-verbal
et en exécution de la Requesle il nous présentée le matin de
,ce jour et nostre expédition rendue en conséquence, Nous
nous sommes environ les deux heures de l'après-midy
transporté de nosLre demeure jusques en l'Eglise parrois·
sialle de Saint-Sauveur, en compagnie de Messieurs les Gens
du Roy, du Sieur David Gaultier, père dudit Louis David

Gaultier, de Me Tanguy Lunven, leur procureur, de M' Joseph
Le Coz, commis juré au Greffe, suivys pour l'exécution de
nos ordonnances de François Dehallier, l'un de nos huissiers
audienciers, où Estant touts rendus de compagnie, Nous
avons envoyé chercher par ledit Dehallier aux prisons de
Pontaniou, ledit Louis David Gaultier lequel estant rendu el
laditte Anne Finck s'estant présenté, il a esté en nos pré­
sences procédé par Messire Alexandre Lombart, Recteur de

laditte parroisse de Saint-Sauveur, aux fiançailles dudit
Louis David Gaultier et de laditte Anne FinI aux Balustres

- 212
du Grand Autel, et après s'estre confessé au Révérend Père
Gardien des Capucins, a esté procédé par le dit sielir
Lombart à la bén édiction nup tialle desdits Gaultier et Anne
Fink, suivant les form es prescriptes par les Saints Canons,
aussi en nos p résences . De toul quoy nous . avons fait et
rédigé le présent procès-verbal pour estre joint audit arrest,
à valoir et servir pour ce qui sera vu apartenir. En la .

Sacristie de ladiUe Esglise, sous nos seings ...
Ce jour 13' mars 1719, environ les 5 heures du soir.
LOUIS DAVID GAUTlER(sic).
ALEXANDRE LOMBART, ANNE FINCK (sic).
Recteur de Quilbignon et Recouvrance.
DE BASSERODE. LE COZ.
Y. MILLET. LUNVEN.
LE GALL, ad. substitut. DEHALLIER.

UNE RIXE D'OUVRIERS A SAINT-POL-DE-LÉON
Trait de Mœurs locales et de Caractères (1721)
Il n'est pas sans intérêt de recueillir, patiemment et respec­
tueusemen t, les moindres docu men ts, les pl us minces renseigne­ ments touchant la condition des ouvriers de notre Finis­
tère avant 1789. Il faut reconnaître qu'il reste beaucoup à
faire pour reconstituer la physionomie de cette classe labo­
rieuse, ayant sa fierté à elle, une noble activité pour améliorer
son sort: toute lumière apportée pour faire l'histoire défini­
tive des ouvriers bas-Bretons est donc précieuse.
C'est à ce titre que nous relevons deux pièces de procédures
nous montrant à Saint-Pol·de-Léon, en 1721, les relations des
gens de métiers en tre eux. .
A Saint-Pol, comme partout; en 1721, comme en tout

temps, toute corporation locale voyait avec un sentiment de

- 213 -
contrariété non dissimulée, des étrangers venir travailler
sur leur terrain et apporter une ruineuse concurrence aux
ouvriers du pays. En 1721, Mgr Jean-Louis de La Bour­
donnaye, ancien grand vicaire de Nantes, Évêque de Léon
(170t-1745), fit faire en son palais Episcopal des travaux
considérables de réparations et d'aménagements. Il confia
l'œuvre à Louis-Jules Le Floch, maître menuisier à Au­
ray, peut-être par suite de recommandation, ou guidé par
la réputation d'habileté de ce patron, mieux outillé et
plus expérimenté dans les travaux d'art. Il est tout naturel
qu'il composât son équipe d'Alréens, comme lui. Au nombre
de ceux-ci se trouvait Guillaume Le Bider, jeune homme
d'excellente conduite, assidu au travail et n'ayant pas pour
Bachus et ses pots, le culte que leur rendaient trop souvent .
les ouvriers de Saint-Pol.
Le Bider était d'Auray et vraisemblablement il tenait de
son pays par le caractère et le Lempéramen t. Or, voici ce
que MM. Boulays de la Giraudière et Frogerais de Sainl­
Mandé écrivaient dans le Dictionnaire d'Ogée (1). « Ce qui a
distingué plus particulièrement les habitants d'Auray, c'est
la gaité et l'amou?' de la danse. Il y a quinze ans que l'on
voyait encore tous les soirs> depuis le mois de mai jusqu'à
celui de septembre, cinq cents personnes de tout âge, de tout
sexe et de toutes conditions, danser ensemble a).l son de la
musette et au chant, depuis huit heures jusqu'à dix heures,
sur la vaste plaine du Loc; cinq à six cents autres dispen:,ées
en petits pelotons autour de celle danse jouant, chantant
ou se promenant, faisaient de ce théâtre de plaisir un tableau
riant, dont la vue seule ravissait les étrangers )J.
On comprend qu'un Alréen transplanté dans un pays où
les gens sont moins expansifs, sevré des réjouissances
bruyantes de sa patrie, entendant parler « d'un party de diver-
(i) Première édition.

, 158 --" ' .
dame de [{ ergroas Quervézec, taxés à neuf livres. Il s'agit

d'écuyer Yves de Kergroas, sieur de Kervézec, fils de Julien
de Kergroas et de Marie Cam, sieur et dame de Kerbouric, et
de sa femme Catherine Le Goarant, mariés en 1673. Yves de
Kergroas mourut à,Garlan le 13 novembre 1709, à l'âge de
70 ans. Ce qualificatif de sieur de Kervézec lui venait, très
probablement, comme celui des Le Blonsar!, de l'une des
fermes qui composent le hameau de ce nom.

Avant de traverser le ruisseau de Kervézec, nous laissons
à ,notre droite le village de Kervilzic, autrefois formé de trois
maisons nobles. La réformation de 1427 attribue l'une d'elles

au sire de la Roche-Jagu, qui y avait un métayer exempt;

en 1481, elle avait passé à la famille de Boiséon, en raison
du mariage, en 1420, de Guillaume de Boiséon, seigneur
dudit lieu, et de Béatrix Péan, dame du Hellès, fille de Roland

Péan, seigneur de la Roche-.Jagu .Leur His François de Boiséon
y avait pour métayer Jehan Guyomarch, payant douze pa­
resarts froment et tenll;nt , à convénant dix arpents de terre.

Un second Kervilzic était en 1427, à Guillaume Aultret, et
en 1~81, à autre ( ( Guillaume Aultret, noble homme demeu­ rant en sa terre, et ayant maison rurale sans guère d'édifices ),.
Cet humble gentilhomme laboureur qui manœuvrait lui-

même son mince héritage, sans J'entremise d'aucun métayer,

était cependant astreint au service de J'arrjère~ban, car on

le voit paraître en équipage d'archer en brigandine, parmi les
nobles de Garlan à la montre de 1481.
Jehan Derrien possédait aussi, en '\427, un lieu noble au
terroir de Kèrvilzic. Sa fille épousa un Quisidic, de la pa-

roisse de Plestin, et fut mère de Jehan Quisidic, archer en

brigandine et arbalète parmi les nobles de Plestin à la montre
de 1481, cité dans l'enquête de cette même allnée comme ayant
à Kervilzic un métayer exempt qui tenait seize arpen,ts de
terre et payait vingt paresarts froment.

" Au seizième siècle, lès QUisidiè vinrent résider'en leur ma­
noir dE' Kervilzi c, dont la réformation de 153;) faît ainsi men­
tion: cc Kèrvill ezic, appartenant " à Pezdro'n Quisidic, noble n,
Dom Paul Quisidic, prêtre, est parrain à Saint-Mathieu de
Morlaix le 2'1 Novembre 1M3: Sous la Ligu e, Jacqu es Quisidic,
sieur de Kervilzic, avait là charge de'capitaine dela paroisse
de Garlan, et nous avons vu plus haut comment sa fidélité à
la cause royaliste lui fut funeste. Tué, dans les derniers jours
de novembre 1589, par un nommé Alain Guyomarch, que la
Chambre de la Sainte Union morlaisienne protégea co ntre

toute poursuite judiciaire, il laissait un e veuve, Louise Moal,
et trois jeunes enfants, Guy, Marie et Jea nn e, baptisés à
Garlan en 1580, 1582 et 15$7. Son fil s, Guy Quisidic, ' sieur
de Kervilzic, épousa à Saint-Melaine, le 8 juillet -1606, demoi­
selle Marie Cariou, dam e de Kerbourand , qui lui donna deux
enfants, Gilles et Françoise, bapti sés à Saint-Melaine en 16U7
èt 1608; ils paraissent être morts en bas-âge . Marie Cariou
décéda à Saint-Mathieu le 19 septembre 1635, et son mari la
suivit dans la tombe le 1'r févri er 1654.
La famill e Quisidic s'est éteinte en la personne de Sœur
Françoise Quisidic, du tiers-ordre cie Saint-François, sœur de
Jacques Quisidic, morte à 82 ans le 29 octobre 1659 et entprrée
au couvent de Cuburien, pieu se et charitable fill e, dont la
vie a été écrite par dom Lobin ea u (1). I I La conversion de
Mlle de Quisidic, fille d'un gentilhomme du diocèse de
Tréguier, fut, rapporte-t-il, un des premiers fruits des travaux
apostoliques de M. Le Nobletz à Morlaix. Cette demoiselle
étoit jeune et bien faite, et avoit bea ucoup de qualitez propres
à lui donner de la considération dans le monde auquel elle
étoit fort attachée. Elle commença d'être délivrée par un des
sermons du saint missionnaire de la vanité ordinaire aux
personnes cie son sexe, et, vivement pénétrée de ces premiers
(1) Dom Lobineau, Les Vies des Saints de Bretagne et des personnes d'une
éminente piété, etc ... , 024, pages 452-454. ""

- 180 ....... · .
pour sa mère, « laquelle possède les terres nobles de Guer- :
nisac, ~engoumarhc et Coelilès en la pal'oesse de Taulé en
Léon et la tp,rre de I);ohanl en Treguer, valant 1500 livres de
renle » (2). Elle mourut à son manoir de Kerohant le 31 mars
1641 « et le mardy de Pasques appres son corps fust porlé à
Tolé pour estre enterré » (3).
René de Kergroadez résidait d'une fa çon presque constante
à Kerohant. Le 11 octobre 1646, il se qualifie dans un acte de
baptême de (( très noble et lI'ès ill uslre René de Quergroadez,
seigneur temporel de Guernisac, I):angoumarch, ~ouchan t JJ,
el, à partir de 1659, de marquis de Kergroadez et comte de
Penzé. Sa femme Louise Le Meneust de Brequigny, qu'il
épousa assez tardivemerit, el qui ne lui donna point d'enfant,
n'est pas mentionnée une seu le fois sur les registres parois­
siaux, ce qui porle à croire qu'elle ne vivait guère avec son
mari . Ce dernier mou ru t à son manoir de Kerohan t le 7·
décembre 1666, (1 âgé de soixante ans ou environ » et fut
inhumé le 9 dans l'enfeu de la terre de Guernis&c en l'église
de Taulé.
Sa veuve, Louise Le Meneust, se remaria à Thomas de
Morant, baron, puis marquis du Mesnil·Garnier, maître des
requêtes honoraire et conseiller d'Etat, ancien intendant de
Bordeaux, de Rouen, de Touraine, etc., dont elle fut la
troisième femme. Les héritiers de René de Kergroadez
vendirent l'ensemble de ses terres à Charles-Marie Le Meneust
de Bréquigny, frère de Louise Le Meneust et président à
mortier au Parlement de Bretagne, auquel les fabriques de
l'église de Garlan rendent aveu en 1689 pour héritages à
Kergustou, sous le proche fief de la seigneurie de I{erQhant.
Le président de Bréquigny dut mourir sans postérité, car ses
biens passèrent à son neveu Thomas-Guy de Morant, marquis
de Morant, comte de Penzé, baron de Fontenay et,de Bréqui-

(2) Arc)l. de M. de Bergevin.
(3) Reg. par. de Garlan et de Saint·Mathieu de Morlaix.
- 181 -
goy, colonel du régiment de Lassay, marié en 1704 à Anne­
Josèphe Le Roux de Kerninon, et père de Charles-Ma rie­
Thomas, marquis de Morant, comte de Penzé, etc ., époux en
1726 de Gabrielle-Félicité de la Rivière. Leur fils Thomas­
Charles, marquis de Morant, comte de Penzé, seigneur de
Bréquigny, Guernisac, Kerangomar, Coatilès, Kerohant,
mestre de camp des dragons de la Reine en '1748, brigadier
des armées en 1760 ' et maréchal de camp en 1762, laissa de

son mariage avec Anne-Françoise de la Bonde d'Iberville, un

fils, officier aux dragons de la Reine en 1775, et deux filles ('11
dont l'une apporta par alliance la terre de Kerohant aux Le
Gonidec de Traissan. Elle appartient actuellement au marquis
de Carné.
Quelques familles nobles ont résidé au marioir de Kerohant,
à titres de locataires, après la mort du marquis de Kergroa­
dez. Ecuvflr Claude du Parc et sa femme Jeanne-Ursule Le

Meur, sieur et dame de Penanguer, y habitaient vers 1676,

et y furent remplacés, en 1679, par écuyer Charles Cochart et
Françoise de Kererault, sieur et dame de Kerveatoux. En
1697, on trouve à Kerohant écuyer Jean Cam, sieur de
Kerouzien, et sa femme Claude-Hippolyte du Breil de Rays.
Cette dame, qui portait un beau et antique nom, et qu'on est
surpris de rencontrer mariée à un petit gentillâtre de noblesse
contestable, était la fille, baptisée à Saint-Martin de Morlaix,
le 19 mai 1650, de Messire Julien du Breil, seigneur de Rays
et de la Godinave, et de demoiselle Anne de Ken'et, dame de

Kerserhou. Elle survécut à son mari, décédé le 24 mars 1715,
jusqu'au 24 novembre 1734 (2

Yves-Marie Potonnier meurt
à Kerohant le 10 germinal an III (1795).
Le manoir de Kerohant a subi bien des mutilations, et le

toit 'de tuiles rouges dont on l'a couvert ne contribue pas peu
à lui enlever son cachet extérieur. C'est un grand bâtiment

(i) La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la Noblesse, t. X, p. ~58-~60.
- 202-
Penguern, époux de dame de la Fresnaye et du Faouet. Dans
la branche collatérale, nous trouvons écuyer David de Pen­
guern, sieur dudit lieu et du Parc, paroisse de Lopérec. Les Pen­
guern, ramage de Trésiguidy, sont portés d'extraction ancie nne

aux réformations et montres, dès 1426. Ils portaient d'or à trois
pommes de pin de gueules, la pointe en ha u t, qui est Trésiguidy,
une fleur de lys de même en abyme. Devise: Doue da quenta.
Quoiqu'il en soit, David de Penguern eut à souffrir de gens
affidés pour le pousser à bout, par tous les moyens en leur
pouvoir, et l'amener, peut-être, à force de découragement, à
quitter le pays. Le principal meneur est Jean Fichant, meu-

. nier de Penguern, qui ne recule devant aucune brutalité,
aucune voie de fait ou insulte, saccagement et déprédation de
toutes sortes, sabotage et boycottage avant ta tettTe. David
de penguern ne recourt à la justice (( qu'au (oTçat )) . Sa vie
et la sécurité des siens est en question: le meunier révolté

demeure à cinquante pas de sa porte et on sait, et on ne peut
craindre assez les mutins qui mènent et terrorisent Lopérec.
Les procédures avaient été conduites rondement, activement
lorsque survint un accident. La femme de Fichant venue voir
son mari, accouche en prison. Dans un accès de rage,
de haine sauvage, le meunier ne cache pas qu'il ne souhai­
tait que la mort de sa pauvre compagne, afin que l'odieux du
malheur retombât sur David de Penguern et la dame de
penanguer, sa femme; afin qu'il pût faire à son maître une
réputation de cruauté implacable et en exploiter l'horreur

autour de lui. Le seigneur de Penguern réclame spontanément,
activement la liberté immÉ'diate du prisonnier, ayant conservé
devers lui la faculté de le tenir, par la continuation de la pw­
cédure jusqu'à jugement définitif.
Messire David de Penguern et sa femme. Marie Claude Le
Veyer, étaient gens de cœur. Quant à Jean Fichant, il nous
est permis de nous le figurer repassan t dans son cœur aigri

203

de ces sinistres figures de la Jacquerie bretonne, toujours
prête à éclater, et qui donna sa mesure dans l'insurrection du
Papier timbré.
21 octobre 1693.
A MM. LES JUGES DE LA COUR ET VICOMTÉ DU FAOU,
Le soubzigné procureur substitut d'escuier David de
Peng'uern et Darne MarIe-Claude Le Veyer, son espouse,

Sieur et Darne de penanguer, demandeurs et complaignans
conLre Jean Fichant et autres accusés par requesle signiffiée
et Respondue le 6 de ce présent mois et an, dict devanL
vous, Messieurs les Juges de la Cour de la Vicomté du Faou,

qu'il a fait ouir les Thémoins le 17 de ce mois. qu'il a obtenu
les conclusions de Monsieur le Procureur fiscal, levé le
décret esmané par cette Cour le 18", qu'il l'a chargé dans
vos prisons ou il l'a trouvé le mesme jour, luy a fait
signiffier les controolles, la eharge du mesme jour, enfin a
fait descendre Monsieur le Séneschal le 20', jour d'hier, avec
son adjoint pour l'interroger ; pour lesquelles informations
et InterrogaLoires, ledit accuzé et complices sont suffisam­ ment couvaincus de la félonie, excès et violances, paroles
inj urieuses et insolentes dont ils sont accusés par les
compleignants.
Mais comme il est venu à leur connoissance par le bruit
commun que sq. femm e qui l'esLoit. venu voir dans les
prisons y a acéouché d'uu enffanL, que ledit Fichant la
maltraite et la voudroit morte croiant noircir par cette cru­
auté vos compleignants qui n'ont eu r ecours à vosLre jusLice
qu'au forçat , pour assurer leur vie et le repos du public qui
seroit ruiné dans une paroisse pleine de mutins comme est
celle de Lopérec, si la félonnie commise dans leur personne
par leur propre meunier à cinquante pas de leur porte
demeuroit impunie. Continuant cependanl dans l'esprit de
douceur et meus d'une charittable compassion pour ladiLe
femme accouchée. Ils concluent à ce que les prisons soient

214 -

tisse ment )) (1) ,d'une sauterie organisée à l'auberge de LaHarpe
voulût bien s'y faire inviter. ,Le malheureux se présente, et
loin de rencontrer une hospitalité écossaise, il est reçu
comme un chien dans un jeu de quilles. C'est ce qu'avec correc­
t.ion et dignité, il explique dans une plainte au Bailli, du
15 septembre, et que trois témoins viennent affirmer dans
l'enquête à laquelle vaquait le lendemain, 16 septembre,
M. le Bailli et Lieutena nt, Sieur de Kérilleau.

On disait qu'à Carentoir, l'usage des sobriquets était tel­
lement répa ndu qu'aucun habitant n'y était connu par son
vrai nom. On constatera à la lecture de nos deux pièces de
procédures qu'il en était de même dans notre Castel-Paal, et
ces surnoms qui font oublier le vrai nom, poétiques ou réa-

listes, ajoutent à la saveur du récit et lui apportent une couleur
locale de bon aloi.

MESSIEURS LES JUGES DE LA JURIDICTION DES REGUAIRES DE
LÉON A SAINT-PAUL,

Suplie eL vous remontre humblement Guillaume Le Bider,
compagnon menuisier, demeurant à présent en cette ville
de Saint-Paul.
Disant qu'il Lravaille au Palais Episcopal en ladite qualité
de compagnon meuuisier sous Louïs-Jules Le Floc'h, maisLre
menuisier de la ville d'Auray depuis plus d'un an, sans avoir
donné occasion de trouver rien à redire en sa conduitte,cep~n-

dant le jour d'hier, fesle de l'ExalLation de la Sainle Croix,

environ les 2 heures de l'après-midy, ayant apris qu'il y avoit .
lm party de divertissement à l'oberge où pend pour euseigne
la Harpe située en ceLte ditte ville, où plusieurs jeunes gens
s'esLoinL assemblés, le supliant ne croyant pas en êLre exclus,
et s'y rendit dans le dessein d'y prendre parL, mais il fut
trompé dans son attente, car les jeunes gents qui yestoient
ilssemblés estant pour la plus part charpentiers ou compa-
(i) Une partie de plaisir, dirait-on aujourd'hui.

- 215

gnons, jaloux de voir que le supliant travaille depuis si long
temps à l'Evesch é, sous son maistre à leur exclusion, et par
une haine qu'ils auroient conceu contre lu y, auroient affecté
de lui chercher des querelles, et à la sortie de ladilte oberge,
comme on se reliroit pour aller entendre les Vêpres, le
nommé Joseph Henry, dit Dl1chesne, charpentier de profes­
sion, auroit suivi le suplianl et l'ayant brusquement atLaqué
auroit voulu le jeter par les degrés à l'aide de plusieurs
autres inconnus du supliant, lequel auroiL voulu s'en défaire,
inutilement, attendu qu'on le traînoit par les cheveux èt que

par ce moyen il receut plusieurs coups de poings et de pieds,
tant dans l'escalier que dans l'entrée et court de laditle

oberge, et ledit Henry auroil continué à l'aide de ses com -
plices, ses mauvais Lraitements Si le suplianL n'avoit été
secouru par des personnes qui luy donnèrent la facilité de
s'échaper . Quoy que cette première attaque fust assez
viole;lte pour donner lieu audit Henry d'y faire attention,

comme il avoit proj8LLé de continuer ses excès dans l1n si
bon j Ol1r. il vil sortir le supliant à l'issue des Vêpres, par la
. petite porLe nommée de Saint-Mathieu, eL l'ayant suivi proche
la maison de Jonquille, cordonnier de profession, il l'auroit
pris aux cheveux et l'auroi t Lerrassé à l'aide d'un nom mé
Richard Cam, compagnon menuisier de cette ville, qui prit
une pierre en main dans le dessein de la jeller à la tesLe du
supliant qui receut plusieurs coups de canne tant sur le dos
que sur la Leste et les épaules et par exp rés du compagnon
du ThépauL, charpentier de ceLLe ville dont il ne connoit autre­
ment le nom que la Teste d'or, pal~ rapport à sa chevelure 'rouge, ,
de sor Le que le supliant auroit succombé eL resté sous les
coups, sans le Corps de garde qui vint il. son aide et le
dégagea des mains de ses adversaires, et comme tous ces

excès sonL deffendus et que même le sup lianL est encore
menacé par ses malfaileurs d'estre malLrailté à la première
renconLre, il a recours à l'authorilté de voLre jusLice pour
requérir, ce considéré.
Qu'il vous plaise, Messieurs, ayant éguard à ce que dessus,
recevoir la juste plainte dudit Le Bider, et lui permettre

' 218
d'infcirrrfer d'office des faits contenus en icelle, circonstances
et dépendances, même si r equis est d'obtenir et faire

fulminer lettres monitoriales pour parvenir à la révélation
des faiLs cy dessus, et attendu · ces menaces prendre votre
supliant sous la sauvegarde du Roy et de la justice, sauff à
prendre par cy après telles conclusions qu'il sera veu appar­
tenir, requérant au surplus J'adhésion ·de M. le Procureur
fiscai pour les intérest du p u bli c, et fe['ez bien .

. ALLAIN, procureur.
La plainte reccüe permis d'informer des fait d:icelle par
tous moyens valables. Expédié à Saint Paul, ce 15' septem· .
bre 1721.

NICOLAS CORBEL,
Bailli et Lieutenant.
Du 16 septembre 1721-
Enqueste et information faite contre Henry, par M' Nicolas
Corbel, sieur de Kerillieau, bailli et lieu tenant, ayant pour
adjoint . Landren, commis au g['effe, et pour interprette
François Jégo, notaire el procureur à la Cour.
1 el" Témoin. Mélaine Glaizran; Me peintre, 30 ans, domi-
cilié paroisse du Minihy:
Dimanche dernier, environ les trois heures de l'après­
midy, le déposant ayant entré dans l'auberge où pend pour
enseigne la Harpe, étant au bas de l'escalier pour sortir
il entendit du bruit en haut, ce qui luy fit remonter
et étant en l'entrée de la chambre, il remarqua le fils du
Henry dit Difriel, le neveu du Thépot charpentier, dit Rougeall,
le fils de Louis Cam , nommé Richart, el le nommé Guillaume
Le Bider, compagnon menuisier qui se tenoient aux che­
veux, et le fils de L élaminer sans pouvoir autrement le
nommer, et Yvon Plougoulm ayant monlé aussi au haut de
l'escalier donna quelques coups de canne aux uns et aux
autres, el après que le déposant avec plusieurs autres les
auroil séparés il se retira et en tendit ledit Plougoulm et le
fis de Lestaminer dire que sy leurs camarades avaient esté la,
la chose se serait passée autrement .

217
Dépose de plus que lesdits Henry, Rougeau el Richart"
Cam paraissaient épris de vin. Et esl déposition (taxe: 32 sols).
2' Témoin. - Sébastien Le Minaux, imprimeur à Saint-Pol
chez Le Page âgé de 24 ans .

Dépose qu'estant il La Harpe, vers les trois heures il
estoit dans la cour de ladite maison, il entendit du bruit
dans l'escalier où ayant remonté il remarqua cinq ou six
jeunes gens qui se tenaient au poil sans autremen t les con­
naître que de veu, n'estant pas de ce pays. Et le nommé
Plougoulm ayant voulu frapper d'une canne sur eux, le
· déposant l'en empêcha autant qu'il put, et est connais­
sant que ledit Bider, complaignant, fut maltraîté par les
autres qui estaient tous épris de vin il la réserve dudit
Bider. Et a depuis atandu dire que ces jeunes compagnons
qui eurent il faire avec Le Bider se nommaient le fils du
· Difriet, le neveu du Thépot dit Rougeau, le fils de Louis Cam
nommé Richart, et après avoir aidé il les séparer se reLira.
Et est sa déposition (taxe: 32 sols). .
3" Témoin. Jacques Louis Lavis, 20 ans, compagnon

perruquzer.
Dépose qu'ayant entendu un violon jouer à l'oberge de La
Harpe et veu plusieurs personnes y entrer, il y entra aussy
et ayant monté dans une des chambres, il S'assit pour voir
danser, auprés de Guillaume Le Bider, compagnon charpan­
tier, Yves Ploug'oulm et le fils de Létatniner sans pouvoir
autrement les nommer, lesquels luy dire que s'il voulait

danser il ne fallait pas se mettre auprès d'eux, parce que on

leur aurait fait l'affront de ne pas les prendre pour danser,
et sur ce que les vêpres sonnèrent, chacun se mit en devoir
de se retirer et ledit Bider en se levant dit aux autres com­
pagnons, en ces termes, en vous rémerciont, Messieurs, à 'une
autre fois la pareille! et le déposant ayant descendu dans la
cour pour aller il vêpres, il entendit du bruit dans l'escalier
et y ayant monté, il trouvait cinq ou six qui se tenaient aux
cheveux et d'autres qui donnaient des coups de canne indif-
· fél'amment sur chacun, el après qu'ils furent séparés, le
deposant se retira pour aller il vêpres. Lequel déclare que
- ' 218' - ,

les compagnons charpanLiers qui estoien t de l'affaire se
nommoient le fils du Difriet, le compagnon du Thépot dit
Rougeau, Richarl Cam qui estoient épris de vin i3t non ledit
Bider ni sa compagnie, EL esL sa déposition (taxée à 32 sols),
(Suivent les signatures), '
Soit communiqué au sieur Procureur fiscal pour
conclusions veües, estre ordonné ce qu'il apartiendra.
A Saint-Paul, ce 16 septembre 1721.
NICOLAS CORBEL,
ses
Bailli et Lieutenant.

UNE REVUE DES GARDES-COTES
, A SAINT-POL-DE-LÉON.
Un accident jette dans la consternation
le détachement de Plouescat. -
Une mort chrétienne (1747).
1. Le 8 août 1747, dès la première heure, Me Jean-Louis

Moutier, sieur de l'Isle, avocat il la Cour el procureur fiscal
des Reguaires, remontre au sénéchal que vers les six heures
du matin, vient d'expirer en l'auberge des Trois Marchands,
où il avait été trsnsporté la veille, Jean Pleyber, ménager du
lieu de Languyerz, en Plouescat; il'avait reçu un coup de fusil,
près de la boutique de Nicolas Croum, serrurier et armurier
de cette vi ll e, sortant de la même boutique et du fu sil
que Croum tenait à la main et qu'on « lui avait envoyé de la
revue garde-cotte pour deCl'asser ». Au pied de cette plainte
d'office, le sénechal prend ordonnance po ur décider qu'à huit
heures du matin il serait procédé à l'ouverture du corps et
aux informations sommaires, sur les lieux, des véritables
causes de la mort de Jean Pleyber .

II. Le sénéchal Jean-Claude Prigent de Quérébars

- 219-
pr$lnd avec lui le procureur fiscal, décide de faire appeler des
chirurgiens, prenant pour adjoint le commis-juré au greffe,
Me Louis-Mathieu Perrot, pour interprète, M e Tanguy Rolland,
notaire et procureur, avec les sergents Guilla,ume Perrot et
Yves Couloigner. Le sénéchal prend la tête. de l'escorte pour
se rendre de sa maison, quartier de Notre-Dame, jusqu'à celle
Le Gloannec, le cabaretier de l'auberge où pend l'Image des
Trois Marchands, rue de la Croix au Lin. On y trouve An­
thoine Villeneuve, chirurgien-juré, et son fils (?) et confrère
Joseph Villeneuve, sieur Decombe, auxquels on fait prêter
le serment « au cas requis et la manière accoutumée )) .
Le sénéchal, avec sa compagnie, monte au premier étage
où dans une chambre donnant sur le derrière de la maison,
on trouve le cadavre étendu sur un lit,. couvert d'un tapis de
laine brune, ayant à ses côtés un plat de terre rempli d'eau
bénitte avec une branche de mirthe. Le cadavre ayant été
découvert fu t trouvé vêtu d'une chemise blanche et d'une
culotte de toile, la tête couverte d'un bonnet de laine blanche
sans aucun autre vêtement ni accoutrement. Sur réquisition,
le procureur fiscal fait venir Guillaume Le Gloannec ....
Déposé en fran çais que la veille, vers huit heures du
matin, il vit arriver chez lui un homm e transporté à bras
d'hommes.
S'étant informé de ce que c'estoit, il apprit que cet homme
s'appelait Jean Pleyber, de la paroisse de Plouescat. Lequel
étant venu dans cette ville/ pour une Revue gard e-côte et
étant adossé à la boutique de Nicolas Croum, il avait, par
cas fortuit, r eçu un coup de fusil dans les r ein s, qu'il fu t si
grièvement blessé qu'il en est mort ce mal in, environ cinq
heures et demie après avoir reçu ses sacremenLs, sans que
le secours des chirurgiens lui ait été d'aucune utilité.
Et es t sa déposiLion et signe.
Renée Moal, femme du précédent, fai l en breton la même
déposition. « Il a r eçu tous les secours spirituels et tempo­
rels qu'il a été possible, elle a entendu dire audit Pleyber

- 220 '~ '
'avant sa mort 'qu'il pm;donnoit de bon cœur à celuy qui la luy
avait donnée, perSuadé qu.'il estait que dans cet accident la Ina-

lice n'avait nulle part».

, Et est sa déposition.

Ensuite les chirurgiens procède à la visite de la blessure,
dont il est requis un double procès-verbal. Remise est faiLe
de la chemise et de la culotte pour être déposées au greffe.
Sur ce que lesdits Gloannec ,et femme ont it~rativement
.déclaré que ledit Pleyber a reçu tous ses sacrements avant

,de .mourir, ils ont requis du sénéchal qu'il lui plût de le
faire inhumer de moment il autre, attendu l'infection qui
c0l1!-mençait déjà à se l'épandre dans leur maison" causée par
l'ouverture et fracture des intestins du dit cadavre. '
Permis d'inhumer accordé comme il est demandé au rec-

teur du Minihy et à ses curés .

(Signatures.)

Sur les conclusions du procureur fiscal, il lui est donné
commission pour faire ~ppeler' des Lé1110ins pour 'informer

plus amplemenL des faits contenus dans sa remontrance .

III. - Informalion il requête' du proGureur fiscal, en l'au-

diLoire de la juridiction, à 2 heures de relevée.

T. - Escuier Claud, e-Marif? de La Fosse, étudiant au
collège de cette vIlle, âgé de 18 ans .
Lundi 7 août, environ les huit heures du matin, s'estant
trouvé dans la boulique de Nicolas Croum, pendant que le
déLachement de la paroisse de' Plouescat s'assembloiL pour
une Revue garde-côte assignée par les ordres de M. le Comte

du Desnay, et plusieurs soldats de ce détachement aianls
entrés dans ladiLe boutique pour attendre l'heure de la
Revue et la commodi té çle M. de Kermerziou, leur capitaine,
demeurant vis·à-vis de la maison de l'armurier, les soldats
prirenL successivement un fusil qui estoit dans ladite bou-

tique et le manièrenl pendant longtemps pour en éprouver

les ressorts, sur quoi ledil Croum ayant pris le fusil qui

venoit d'être apporté et que personne ne croioit estre chargé,

batterie èt partir tin coup .' dé fusil qui alla malheureuse­
ment donner clan s le dos dudit Pley,ber qui estoit assis en .
dehor. s de la boutique. Pleyber ayant tombé fut transporté
chez Le Gloannec où il mourut le mardi 8, à 5 h, 1/2 du

matin.

Et est sa déposition.

2' T. "Jan Le Duff,· de 1\ernéac'h. (Plouescat), 25 ans,
maJ;cha,nd, enseigne du détachement garde-côte de ladite

paroisse .

. Dépose en frança,is qu'étant venu pour la Revue assign. ée
par M.)e . C . omte du Desnay, c!lpitaine général de la garde­
côle, et s'estant .arresté avec plusieurs soldats du dAtache-

ment de Plouescat auprès de la boutique d'un armurier, . il .

en tendit . un coup ci e · fusil qui paroissoit avoir parLi de la

boutique et vit tomber en même temps Jean Pleyber qui
estoit assis sur ladite boutique et qui avoit reçu le. coup de
fusil dans les rein9' qu'il entendit dire 'tout . le monde que

ce fâcheux accident estoit l'effet du hasard et que ~a 'malice
n'y avoit·aucune part. ;
Et est sa d-éposition. .. .
3' T. René Le Duff, de Tygueun, laboureur, 25 ans, dé-
pose en breton. « Il s'assit sur la boutique de l'armurier
avec Pleyber, aussy soldat du détachement de plouescat, il
vit plusieur· s personnes manier un fusil que 'l'on venoit

d'aPPorter et qu'on .ne soupçonnoit point chargé .... Le coup
partit frappant Pleyber dans le dos et brûla une partie de la
vesle dq. dépQsant, son plus proçhe voisin. On relève Pleyber,
on le transporte, etc . .

Et est sa déposition.
IV. Certificat et procès-verbal des chirurgiens.

Antoine Villeneuve, juré, 43 ans, a retrouvé la bourre
du fusil dans la région lombaire.
2' Joseph Villeneuve, chirurgien, 18 ans.
Vue (l'expertise, information, etc.),
. ; 222 --'

Conclud a ce que Nicolas Croum .... , trouvé chargé par
lesdittes informations ...
Soit décrelté à êLre pris et appréhendé au corps et cons­
titué prisonnier aux prisons de celte ville et juridiction,
et écroué sur le cahier de la geolle pour le procès luy

estre fait el parf&.it suivant l'exigence du cas. Fait au par-
quel, ce jour 9 août 1747.
MOUTIER DE LISLE,
Procureur fiscal.
V. Le malbeureux Nicolas Croum effectivement prisonnier
et écroué, dut bénéficier de lettres de grâce et de rémission, qui
s'accordàient pour deux sortes d'bomicide: pour les homicides
involontaires, et c'était son cas, ou par les homicides commis
dans la nécessité de défendre sa vie. ( Ordonnance d'août 1670).
La famille de Jean Pleyber était admise à se constituer partie

civile, et à se faire indemniser par échéances, pour un laps
de temps marqué par le Juge, si besoin était, et Crou:n devait

être condamné à payer, outre la Geolle, telle somme indiquée
pour mettre des prières à l'intention de sa victime. Le Roi
allait déclarer, de sa pleine puissancl! et autorité royale il
mettait à néant tou.tes procédures criminelles, désirant préférer
miséricorde à 'rigueur de justice.
C'était, si cette procédure fut introduite. répondre au désir
suprême de ce brave garçon de vingt-cinq ans qui broyé par
des souffrances atroces. dans les affres de l'agonie se préoccu­
pait, nom seulement de pardonner, mais même d'excuser et
de plaider pour son meurtrier attéré, pour mourir de la mort
des saints et des prédestinés.

, - 223 .:_

VII

BAST ARDIC, LA TERREUR DES TAILLEURS

Essai de pièce judiciaire
en un acte, d'après un interrogatoire.

AVIS

Les ·uns se sont retirés sur le Parnasse pqur rimer la
Coutume de Bretagne ou ses différents U.zèmeras ;d'autrès
ont mis en vers le Code Napoléon, en tout ou en partie ... Et
pourquoi donc n'irons-nous pas chercher dans les liasses pou­ dreuses de la série B de nos Dépôts d'Archives; quelque

thème prêtant à la comédie populaire, sujet plaisant d'une

parade au théâtre de la foire?
Voyez Bastardic : justement enseveli dans l'oubli profond,

qui était son lot· dans la postérité et don t,nous l'avons évoqué
pour examiner son type de ·vagabond que l'on trouve drôle!
Comme ses congénères, il fait la .navette entre Lorient . et
Brest, à moins qu'il ne poussejusqiJ'à Paimbeuf, cherchant
de t'ouvrage, offrant ses bras et son génie, soit sur le chantier,
soit sur les vaisseaux du Roi. Nous le voyons faisant une autre
part de son temps, un autre emploi de ses facultés: faisant
la bricole et la maraude, même travaillant par effraction,
quand il n'est pas en prison.
Nous avions trouvé un interrogatoire, dans une 'procédure
criminelle le concernant. (Landerneau, '19 Jùin 1766). Le
dialogue où vaquait Bastardic et M. le Sénéchal est animé,
vécu: on sent que c'est a.rrivé. C'était un acte de comédie tout

. ' monté. Il n'y avait pour cela que peu de choses à faire: tout
simplement pour les besoins de la forme, tout en reproduisant
scrupuleusement et exactement le texte de l'Interrogatoire,
rendre la 3' personne du pronom par ta 1

et ta 2"

.:.... 224

être inconvenante, de mettre les rôles de justice en comédies,
mais c'était pour VOi1' : expérimentum (aciamus, et nous ne
r~commencerons plus.
Antoine de la Rue du FTout,
La scène se passe à Landerneau le 19 juin 1766, à 2 heures
de relevée, dans la chambre du Conseil de l'Auditoire de la
Juridiction se tenant «( à défaut de chambTe, dans la Geôlle
de la Principauté ».

DISTRIBUTION
RÉGISSEUR ET METTEUR EN SCÈNE :
,Noble maître Louis-Michel Gobert, sieur de Kerbrizio,
procureur fiscal, de son office, demandeur et accusateur.
ACTEURS:

M. le Sénéchal, Jean-François Maingant ;

Hastardic, Jean Mével, prévenu.
FIGURANTS ET UTILITÉS :

Le Greffier, Maitre Joseph-Jean Le Calvez ;
Interprète, Maître Yves Cha pplain, notaire et procureur;
Compagnon 'et confident, Jean Nicol, geôlier.
, Bas Lardie parle et m ême comprend le français.

Il prêLe sermenL de dire la vérité.
LE SÉNÉCHAL. - Vos noms, âge, quali Lés, domicile.,. ?
R. - Je me nomme Jean Mével, dit Baslardic, fils de

Jeanne Mével, originaire de la paroisse de Daoulas, depuis
longtemps à Landerneau, paroisse de Saint-Thomas, âgé de
vingt-trois ans.
N. B. - Le rôle principal est tenu par un jeune homme « de 4 pieds 6
pouces, cheveux et sourcils noirs, barbe couleur de chaLaigne. ))
« Vêtu d'un gilet de pluche grise, culotte à la matelotLe en toile de
raparon, chemise de même t oille, un mauvais bas de laine noire. ))
« Souliers aux pieds et chapeau noir sous le bras ».

- 225

, D. - Depuis quand, pourquoi, à requête de qui êtes-vous
détenu? '
R. - Depuis le 10 juin, pour avoir volé chez un tailleur,
. Hervé Guillou, près des Halles de celle ville, mais je ne sais
à requête de qui.
D. Quand a été commis le vol?

R. - Le 9 juin entre onze heures et minuit. A force de
bras nous avons écarté la port.e de la houtique des panneaux'
contre laquelle elle se fermait, moi elle jeune homme ,qui
est en' prison avec moi, le nommé Jacques Codan,tandis que
le troisième, que je ne sais nommer que Canot, parce qu'il
esl canotier dans le port de Brest, élait allé chercher un bout
de bois pour forcer la boutique. Etant enlrés tous les deux,
nous trouvâmes une pauche de toile de raparon où il y avait
de la farine que nous vidâm es par terre, pour y mettre' lout
ce qui nous tomberait sous la main.
D. Depuis quand étiez-vous à Landerneau, venant d'ou,
allan~ où ?

- R. Le 9 de ce mois \lous arrivions tous trois à 6 heures
et demie du soir, venanL de Lorient où nous avions -été
chercher Il nous embarquer. J'y suis resté six semaines
pendant lesquelles j'ai passé vingt et un jours en prison, aveo
mes deux camarades, pour - une dispute avec les employés
aux Devoirs. Arrivés en ceLle ville, nous fûm es chez un
nommé Bertrand, aubergiste sur la Place aux Pois, (1) mais
notre dessein était toujours d'aller à Brest, chercher à nous
embarquer. '
D. - Mais où furent envoyés et cachés les effets volés ' au
Tailleur?
R. - Après le,vol, nous quittâmes immédiatement la ville
et nous cachâmes notre larcin, dans un champ de seigle, à
une lieue de la ville et près de la Croix de Saint-Divy; nous
continuâmes notre route et arrivés à Brest, nolre dessein
élait bien de r evenir sur nos pas le soir même, pour repren­
dre les effets volés.

(i) « Place aux Peaux ».

D. Chez qui comptiez-vous porter ces hardes, et du
reste, déclarez chez qui vous et les autres, vous étiez habitués
de descendre à Brest?

R. - Nous n'avions point de plan arrêté, car nous n'avons
pas de maison d'habitude à Brest: quant à moi quand j'y
vais, si j'ai de l'argent, 'j e loge ordinairement chez, un
menuisier qui demeure sur la place Saint-Louis; si je n'en ai

pas, je couche à la maison àfour, donnant ~3Ur la même place.
D. Mais lorsque le tailleur volé vous retrouva et vous
fit arrêter sur les glacis de Brest, chez qui étiez-vous?
R. A bojre chez un nommé Dangers, loueur de cheveaux
el vendeur de vin de fraud e.
, D. Ne portiez-vous pas sur vous quelques-unes des
hardes provenant du vol?
R. Moi, j'étais vêLu d'une vesLe, qu(!.nt à mon compagnon
Jacques Codan, il était vêtu d'un gilet et d'une paire
de culottes et il s'était emparé ' également d'un galon
d'argent donl il avait décousu une partie: nous étions vêtu
de ces hardes quand nous avons fait la renconLre du tailleur.
D. - Mais, n'avez-vous pas commis d'autres vols?
R. Pas d'autre que celui du tronc de Saint-Sébastien, (1)
placé sur le chemin de Landerneau à Brest, que j'ai commis
avec les mêmes complices, la nuit du vol chez le tailleur.
Nous avons forc é le tronc au moyen d'u:). grand clou, de
deux bâlons et de deux grosses pierres. Nous y trouvâmes
environ onze à douze sols en liards el en deniers.

D. - Qu'avez-vous fait alors du clou et des bâtons?
R. Nous avons caché le clou dans le cimetière de Saint-
Sébastien et laissé les bâtons auprès du lronc.
D. - Le onze de ce mois, Messieurs les Juges de Lesneven
vous firen L sorLir de prison avec voLre camarade et conduire
au tronc en question: n'avez-vous pas fait voir ce clou?
(i) Il n'y avait pas de. chapelle de Saint-Sébastien, mais un tronc destiné
à recueillir les offrandes des passants. Saint Sébastien était invoqué chez
nous pour le soulagement des trépassés, et on sait combien grande était
celte dévotion de nos per es. Nous ne l"OUVOllS aucune trace de chapelle de
Suint-Sébastien, ni sur la grand'route de Landerneau à Brest, ni sur la
vieille roule qui longeait la grève pour aboutir au Grand Cerf, en Guipavas,

227 -

R. C'est lrès vrai, les 'Juges de Lesrieven nous firent
conduire par leurs huissiers, vers dix heures du matin.
Nous leur avons montré les pierres, l'endroil où avait .élé
mis le clou, mais il ne s'y trouva pas. ~> .
. D: - D'où provenaient les trente et une livres 8 sols"et ,3
deniers que l'on trouva sur vous à votre arrestation? ,:
R. - Je 1es avais gagné à LorienL én travaillant en qualite
de manœuvre sur le Quai Neuf.
D. - Combien aviez-vous en arrivant à Lorient et combien

gagniez-vous par jour?

R. - Je n'avais pas le sol en arrivant à Lorient, mais 'le

lendemain je fus reçu à l'ouvrage, à raison de treizé so1s

par Jour .

(Inci dent).
M. LE SÉNÉCHAL . Je vous remontrerai qu'il n'est pas
pas possible que vous ayez dit la vérité: voyez vous-(rJême,
De votre aveu, vous n'avez été à Lorient que six semaines,

desquelles il faudrait dêduire vingt et un jours que vous avez
ete en prison, et puis, à raison de Lreize sols par jour,
le temps que vous y aviez .élé emplo yé, sans comprendr:~
les frais de volre logement et de votre nourriture, les fêtes
et dimanches, cela ne porterait pas à beaucoup près à la

somme qu'on a trouvé sur vous 1 . . . ,

BASTARDIC. - Cela n'empêche pas que j'ai dit la vérité:
du reste, j'ajouterai que j'ai gagne aux jeux partie de cet
argent!

LE SÉNÉCHAL, On va vous représenter les hardes que
vous et vos complices vous êtes accusés d'avoir volé chez
Hervé Guillou, de cette ville: à vous de déclarer si vous 'les

reconnaissez.
- Un habit de camelol blanc doublé d'une pluche de poil,
avec des boutons de mélail blanc et plat, un devant d'habit
de velours sur collon délaillé liranl sur le violet, les ·dBux

qUll.rtiers de derrière d'un habil, la moitié d'un devant de
vesle, un e moitié du derrière ·de la même veste el une

manche; un gilet de bazin blanc rayé, un quarlier de

- 22S
derrière d'un habit bricour gris; lesquels effets appartiennent
à Toussaint Abalain, perrucquier.
- Le devant d'un habit cousu, trois quarLiers de manch es,
le devant d'une veste, un quartier de culotte et quatol'ze
morceaux de retailles, la doublure du devant de l'habit et
les deux manches, la doublure de culotte non coupée conte­ nant une aune et un douze, la doublure du devant d'une veste
en deux pièces non cousues de toile grise,' dix aunes cin q
six de petit galon d'argen ( non cousu, le tout apparLenant à
M. de Kerguvelen du Penh oal.
- Une aune et demie de panne cramoisie avec deux peaux

de chamois, appartenant au sieur Poisson, marchand de
Landerneau.
- Trois aunes et demie de drap d'Elbœuff gris, quatre'
aunes et demie d'impérialle gris e, trois aunes de bazin et
une aune de toille, apparLenant au sieur Creff, commis au
Gre~. '
One culotLe cannellée gris doublé de chamois, cieux
aunes moins un quart de calmande cramoisy et une aune
et un six de Ratine rouge en deux morceaux, appartenant au '
sieur Creismeas, de Landiviziau.
- Une vieille culotLe drap d'Espagne doublé de toille,
trouvée sur le corps de Jacques Codan, l'un des voleurs, el ·
donl on l'avait dépouillé. Une culotte de soie noire d'esta-
mine, dont a fait un sac, apartenant au sieur Kermoné-Crefl,

de Landerneau.
- Deux aunes de nanquin, aparLenanl au sieur Kermarrec,
prêtre de Landerneau.
~ , Un mauvais peLiL justaucorps de drap d'Elbœuff gris
doublé de bricour, aparLenanL au fils du sieur Mazurié,
l'ainé.
- Une peLite culotte de drap, etc ...
- Une vieille veste de drogueL sur soie rouge eL blanc
doublée de soie blanche, appartenant au sieur Onfrey,
procureur à Land erneau,
, Six pièces d'Etamine noir pour soulanne consistant

229

dans les deux devants et les deux derrières et deux chan..:
teaux, appartenant au sieur Salaün, prêtre de Landerneau.
- Quatre aunes et demie de ratine brune en deux mor­
ceaux, une mauvaise calotte de panne noire doublée de
peaux, deux devants d'une vieille vesLe d'écarlate garnie de
boutonnières et bouLons d'or, etc ...
(Suit une liste de 20 lignes formant une tren taine de lots).

Le tout éLàit dans un sac de raparon marqué d'une croix

d'étoffe rouge et dans le sac de soie dont il est fait mention
plus hauL: la culotte de soie noire de M. Kermonné-Creff
transformé en sac.
(De plus il est repré.senté à l'Interrogé une tringle de bois
de sapin pouvant avoir servie à l'effraction) .
D. - Reconnaissez-vous ces objets?
R. - Oui, excepté la triLgle de bois. Ce sont les objets
que nous avons volés dans la nuiL du 9 au 10 de ce mois .

D. - Je vous somme de dire toute la vérité?
R. - Je l'ai fait et persiste dans mes confessions et déné­
gations et ne veux riy augmenter ny diminuer.
LE SÉNÉCHAL. La Justice appréciera, (1)
(Rideau).

VIII

LES CORDONNIERS & LE BAGNE DE BREST
Corporations et Co.ncurrences (1772-1785)
La première condition pour étudier les corporations
ouvrières, et tant d'autres choses, c'est de ne les aborder
qu'en laissant de côté, tout enthousiasme, impression p!Qs
ou moins romanesque, parti pris, bipnveillance ou malvei-

lance préconçues. Les corporations sont un fait historique et

(i) Ces mots ne se trouvent pas dans le texte et sont mis lei pour Je
besoin de la mise en scène .

230 - '

relèvent de la méthode des investigations historiques. Ils
eurent une aurore, une effiorescence merveilleuse, une
apogée; ils eurent à subir aussi une période d'atfaiblissement,
de décadence et de décomposition. Ces deux stades consti­
tuent leur histoire et on ne peut faire abstraction de l'une ou
de l'autre de ces deux époqup.s, si l'on tient à avoir une notion
complète et adéquate de cettp. institution sociale.
La Révolution avait aboli le principe même de l'association
corporative: nous savons ce. qu'a coûté à notre pays cette
aberra tion, cette expérience déceva n te et destructive . Da ns

l'ordre historique, nous croyons que 1789 n'a pas tué, ce qui
s'appelle tué, le.régime corporatif, il n'a fait qu'en enregistrer
la disparition et en précipiter, peut-être, l'inhumation ..
A l'époque où se rattachent les faits particuliers que nous
rapportons ici, la décadence des associations ouvrières était
bien .açcentuée : elles étaient battues en brèche, sans défense,
sans amitiés, ignorées des magistrats qui devaient en défendre
les conditions d'existence. Elles étaient démonétisées par

leur esprit mesquin, ruinées par leur esprit processif et les

emprunts faits pour soutenir de coûteuses aventure~, des

procès sallS issue, des revendications qui soulevaien t con tre
elles, l'indignation et la haine .....

La Corporation des cordonniers de. Brest succombe sous la
concurrence; elle est débordée par le Bagne, par le travail

des soldats travaillant en ville, et fournissant la chaussure
aussi bien faite et à un meilleur marché qui défie leurs
efforts. Eux, jls ont toutes les charges de la ciré, les frais de
maîtrise et les faux -frais; l'administration centrale qui, en
justice, -devrait tenir compte de leur état d'infériorité dans la
lutte pour la 'vie, et des charges fiscales qui les y main­
tiennent, les abandonne ' et ne fait rien pour les soutenir et

les défendre.
En dépit de la boursouffiure du style, la plainte des cordon~

231

niers, en 1772, est un document d'une conviction communi­
cative, et malgré sa longueur, mérite d'être lue et retenue .

(1772)
MESSIEURS LES JUGES ROYAUX DE POLICE ÉTABLIS A BREST,
Supplie humblement la Communauté des maîtres eordon­
niers dudit Brest.
Suite et diligence de Jean-Marie Allain, Quintin, Le Duc,
ToussainL Brevant et François-Fidèle Mettent, ses prévots

en charge.
Disant que le redoublement des attentats commis sur ses
droits les force à redoubler leurs plaintes et à récourir à
votre tribunal pour en sOlliciler les oracles, ce n'est pas
d'aujourd'hui qu'ils gémissent des contraventions ouvertes
qu'exercent à leurs yeux les forçats de ce port, leurs
baraques s'érigent pour ainsi dire en universités et il semble
qu'ils veuïllent s'arroger par la force le privilège de faire
et de vendre des souliers à l'exclusion de ceux mêmes qui
en payenL des maîtrises: une longue possession les a enhardis
dans le désordre.

C'est le propre des abus populaires de croîLre à raison
proporLionnelle de la tolérance; plus le mal a pris pied, plus
il est difficile d'en exLirper le germe dangereux. C'est une
hydre à cent têtes qui renaît de sa destrucLion, si d'un
même coup, on ne détruit toutes les sources de sa vie .

La Communauté suppliante voit avec peine un désordre
si invéLéré et si actif à se répandre, ses membres affiigés
seuls sujets aux corvées, loyers, aux garni sons, aux tailles,
aux maîtrises eL à tant d'autres impositions onéreuses, se

voyenL' la plus part sans ouvrage et sans espérance d'en
trouver. La nécessité naturelle de subvenir aux besoins
devenus urgents de leurs familles, les force à faire de
leurs propres intérêts un sacrifice douloureux que suivra
bientôt leur ruin e entière; ils n'ont que le choix triste de
perdre en vendant 'ou de renoncer à leur commerce et par
conséquent à l'espérance de vivre, puisque la vie de l'arti­
san consiste dans les marchandises. Ce n'est pas tout : cet
232
a.bus en généraf qui influe d'une manièr9 bien aggravante
sur toute la Communauté, entraîne des conséquences parti-

culières encore plus terribles qui forment un motif à part.
Non contents de contrevenir ouvertement à des statuts
authentiques qui r enferment le cercle de leur débit dans les

bornes du Bagne, ils se portent effronLément à des excès, à
des voyes de fait dangereux, qui laissent peu de sûreté à
quiconque ose leur faire de justes remontrances. LèS
exemples de lem criante témérité ne se sont déjà que trop
multipliés. Ce n'est point en cachette et à la dérobée qu'ils
bravent un règlement que la Communauté doit à votre
équité, Messieurs, c'est le fer il. la main, c'est par une espèce

de guerre civile qu'ils entendent frayer un chemin à leurs
conlravenLions publiques. Il est à la connaissance de plu­
sieurs de vous, Messieurs, et particulièrement à celle de
M. de Kerbrézan-Cabon, qu'ils n'en viennent que trop sou­
ventaux voyes de fail. Les suppliants en pourraient admi­
nistrer des preuves nombreuses, sans compter celle que
fournit la voix publique. Des gredins ténébreux connus par
leur seule infamie, dégradés de toute branche de com-

mèrce, retranchés pour ainsi dire de la classe des vivans,
osent porLer leur impude nLe audace jusqu'à entreprendre
ouvertement sur des prérogaLives dont leur infamie les
rend incapables. Ils ne craignent poinL d'afficher l'appareil
d'un commerce autorisé et de s'ériger despotiquement en

gros commerçants dans l'exempLion privaLive des subsides
que ceux qui ruinent les supplianLs, Messieurs, qui attendent
que vous corrigerez les abus, que vous renouvellerez leurs
sLatuts el vos règlements, qu e vous trouverez des bornes
légitimes à la contrebande, que vous ferez r égner les loix et
l'abondance au lieu du trouble et de la famine.
Vous êtes, Messieurs, les pères des citoyens ainsi que
VQUS en êtes les juges , vous avez toujours été jaloux de ce
dbuble' tUre que vous avez si bien mérite. L'occasion d'en
soutenir l'eclat se présente autanL que jamais, il est de
voLre intégrité ainsi que de votre affection paternelle de
jette!' l'œil sur vos règlements qu'on viole et sur vos enfans
que vous outragez.
233

Il existe une loi connue émanée de votre tribunal et qui
défend aux particuliers de rien acheter des forçats hors de
l'enceinLe de leurs boutiqnes, sous peine de confiscati'on el
d'amendes. Le mépris qu'on en fail vous intéresse ... , etc:, elc.
Ces motifs, Messieurs, sont sans douLe bien forts et bien
'décisifs, mais il en est un bien plus pressant, c'est le risque
que courent vos suppliants de la fervescence (sic) d'une

conjuration ouverte qu'on trame contre eux, inv. estis par
des armes cachés qui les attendent en tout lieu,. ils n'osent
plus marcher qu'en tremblant et à peine sont.-ils en seureté
tandis qu'ils se trouvent sous vos yeux. Les suppliants ne
croyenL pas devoir poursuivre uue narration si effrayante ...
Sans doute que la volonté de notre monarque, en con­
damnant les forçats à la mort civile qui les dégrade de
LouLe disposition pour quelqu'état que ce puisse être, n'a
pas été de les favoriser et de leur accorder des privilèges
civ ils sans l'obligation d'en payer les charges : c'est cepen­
dant la position heureuse des forçats cordonmers de Brest.
Il suffira donc d'avoir les fers aux pieds, de s'être signalés
par quelques scélératesses notoires, de s'être attIré l'indi­
gnation du souverain, de s'être mis en état de mort infame,
pour avoir gratuitement les mêmes prérogatIves que les

honnêtes gens, que les citoyens, que les membres utiles
de la République n'achètent qu'avec des sorllmes considé-
. rables gagnées par la sueur de leur front. Faudra·t-il donc
que leurs propres enfants restent sans pain, sans vie, fau­
dra-t-il qu'ils se retirent chez l'étranger chercher une
subsistance que l'étranger leur arrache chez eux.
Ce que les suppliants ont exposé jusqu'ici, ils l'appliquent
avec ln. même justesse aux soldats de diffàents r égi mens
qui exercent la même profess ion. La ville en est pour ainsi
dire inondée ; ils y ont des maisons particulières pour le
libre exercice de leur état. Les troupes eL les forçats se
mulliplient de jour en jour et par conséquent les artisans

de leur corps. Le métier de cordonnier comme le plus facile
à apprendre, à exercer esL celui qui en occupe le plus grand
nombre, les uns concourant avec les auLres, leurs ouvrages

234 · .

en commun sont plus que suffisants pour remplir toute la
ville et même toule la campagne lymitrophe. Les exemplions
donl ils jouissent les mettent en pouvoir de faire bonne com­ position de leurs denrées de contrebande. Cette considération
leur attire une foule d'acheteurs et les maîtres cordonniers
grevés par toutes sortes de charges tant royales que muni­
cipales resLent oubliés dans le coin de leurs bouliques
désertes.

Qu'il vous plaise, M essieurs, voyant tout ce que devant
exposé et y ayant égard répéter en tant que besoin vos pré-

cédents règlements, en faisant premièrement défense aux
forçats de ce port exerçant le métier de cordonnier, de

vendre et distribuer les souliers en ville par eux ou par
personnes interposées, à peine de confiscation des marchan­
dises au profiL de la Communauté supplianLe et de trois
livres d'amende, vers les acheteurs et porteurs desdites
marcllandises et de plus grande peine.
Secondement, faire aussi défenses aux soldats de la gar­
nison de travailler ailleurs qu'en le.urs cazerhes au m éLier
de cordonnier, défendre pareillement aux particuliers de
leur donner des loyers en ville pour l'exercice de ces tra­
vaux et à tous habiLants d'acheter de leurs marchandises
à peine de confiscation et d'amende, et pour l'exécution des
ordres qu'il vous' plaira de porter, ainsi que pour sûreté .
des prévots et visiLeurs leur permettre de se faire escorLer

de bonne et suivie garde. El ferez justice.

ALLAIN, LE GUIFFANT.
On est étonné du chiffre de personnel que la Corporation
mobilisait, chaque jour, pour surprendre les délinquants et
contravenants. Vraiment ce métier, pouvait-il, nourrir son
homme, et mieux, faire prospérer la Collectivité?
Voici ses prêvôts flanqués d'huissiers et de sergents ois à vis
la pOTte de la gTille du Bagne pour entreprendre Marie

235
Keravel. ' Le procès-verbal du 18 mars 1781>, ci-dessous,
relatant l'expédition du jour, n'a rien à ajouter au prestige
de la Corporation.
(18 MARS 1785)

, Procès-veTbal de saisie de soulieTs
à la Tequête de la Communauté des maîtres cordonniers
de cette ville.
L'an 1785, le 18 mars après midy, soussigné Me François

Le Roux, huissier-audiencier au siège Royal de Brest, y
juré el. reçu, demeurant Grande Rue, paroisse de Saint­
Louis, certiffie et rapporte qu'à la requête ' de la Commu­
nauté des maîtres cordonniers de la ville et faux bourgs de

Brest S. et D. des sieurs Louis Pichot, Pierre Du l'lantier
et Léonard Pérovis, ses prévois et visiteurs en charge,

demeuranls à Brest, paroisse de Saint·Loui::;, demanderesse
qui con Linue pour son procureur au siège Royal de police
de Brest, M' François Le Guiffant, avec élection de domicile
en son Etude rue de Siam,
Je me suis en compagnie de Mes Pierre Laurignat et Goul­
ven Normant, premier des huissiers-audienciers au siège
Royal de Brest, y demeurants séparément paroisse de
Saint-Louis, mes témoins, el en celle des prévols visiteurs
exprès transportés de ma demeure jusques dans la rue de
la Communauté proche le quartier de la Marine et vis-a-vis
la porte de la grille du Bagne, à l'effet d'empêcher les abus
qui se commettent journellement contre les statuts de
ladite Communauté et contre l'esprit de l'ordonnance ren­
due au même siège de police en conséquence le 25 juillet
1772, qui a été bien et duemenl publié et affiché, lesquels
font déffense à lous particuliers de cette ville et autres
d'acheter ni sortir d'u Bagne aucune paire de souliers neufs
à peine de confiscation d'iceux, de trois livres d'amendes

et de tous dépens, dommages et intérêts conlre les conlre-

venants,

Ou estant rendus environ les quatre heures de relevée,
nous avons apperçue une particulière à nous inconnue

236' -
sortan~ du Bagne, eL sOupçoilllà.nt qu'elle portait sous sa
cappe des souliers neufs, l'avons suivie jusque au coin de
la rue de la Communauté et de la rue de la Filerte, ou
l'ayant alteint ot parlanl il. sa personne lesdits prévots et
visiteurs l'ont par notre ministère sommé de déclarer si oui

, ou non elle ne sortait pas du Bagne d'acheter des souliers
neufs, il. quoi elle a affirmativement répondu que oui, Som­ mée ladite particulière de représenter les souliers qu'elle
venoit d'acheter et de se déclarer par nom, surnom,
demeure et qualilés, a sur-le-champ remis en tre les mains
des prévoJs visi Leurs trois paires de souliers en cuir et
moyens pour hommes, et a déclaré se 'nommer Marie­
Jeanne Keravel, du Conquet, eL qu'elle venoit effectivement
de sortir du Bagne où elle avoit acheté les trois dites paires
de souliers. Ce que voyant, les prévots visiteurs après avoir

observé les formalités prescrites par l'ordonnance de 1667
concernanle les saisies, conformément il. leurs statuts et il.
l'ordonnance susdatée, toujours par notre ministère, déclaré
il. ladite particulière soi-disante Marie-Jeanne Heravel, la
saisie desdites trois paires de souliers, pour être conOs­
quées au profit de leur Communauté, Réservants de la
poursuivre par les voies de droit aux fins de lui faire sup­
porter l'amende de trois livres par elle encourue, et pour
cel effet ont les prévots visiteurs, encore par notre minis-

lère, interpellé ladite Marie-Jeanne Keravel de nous suivre

au Greffe du siège de police silué en celte ville, rue de Siam,
tant pour êLre présente il. la rédaction de 'notre procés­
verbal de saisie, prendre copie d'iceluy et du dépôt que
nous allions faire des Lrois paires de souliers, attendu l'im­
possibilité ou nous sommes de rapporter sur cette rue vu
l'affluence du peuple assemblé aut01lr de nous, même de signer
ses dires et déclarations si· bon lui sem ble, il. quoi elle dit
répondre ne vouloir nullement nous suivre, ni pour signer,
ni pour recevoir copie de notre procès-verbal de saisie,
avec d'aulant plus de raison qu'elle n'a eu en aucun temps
connoissance des prétendus droits des cordonniers, qu'elle
préfère de leur abandonner lBS souliers qu'ils onL saisis ,

Ce que voyant, nous nous sommes tous de compagnie
_ rendus jusques au tablier dudiL Oreffe , et rio(ls 'l avon s
rédigé ce que devant et y avons attendu jusqu'à 6 heures
de relevée sans q'ue Marie-Jeanne Keravel ni qui que ce soit
de sa part se soient présentés pour êLre présents au dépôt
et recevoir coppie_ En cons,équence, M' Bodin, . commis-jure
de ce Greffe" a été reg uis de rapporLer le dépôt des souliers
donl il est cas; ce qu'iJ a fait sur-Je-champ, comme suit .:
Ce jour 18 mars 1785, ont comparu au Greffe Louis Pichot,
Pierre Du Plan lier eL Léonard Pérovis, p l'évoLs visiteurs de
l, a Communauté des maHrescordonniers de Brest, lesquels
ont déposé trois paires de souliers en cuir pour hommes,
lesquels ils ont déclaré avoir saisi sur une particulère sor­
tant du Bagne, laquelle particulière a déclaré se nommer
Marie-Jeanne Keravel, du Conquet, ainsi qu'il est constalé
par procès-verb, al de Me Le Roux, assislé des Me. Lauvignat
et Normant, elc .......
De toul quoi j'ai, susdit huissier, rapporLé le présent
procès-verbaL.. pour servir et valoir auxdits prévots visi­
Leurs ce que de raison, lesdits droiLs de leur CommunauLé
en général réservés sous leur seing, le mien et ceux de nos
rJits témoins, LesdiLs jour el an que devanL.
LOUIS PICHOTZ , DU PLANTIÉ . LE ROUX, '
, NORMANT, LAUVIGNAT. Huissier-Audiencïer.
(Vacation 3 livres, assisLant.
Contrôle et aulres droiLs en outre.)

Contrôle à Brest :
Trente-neuf sols: 1 livre 19 .

Un prisonnier détenu en prévention à Carhaix,

obtient sa liberté pour et moyennant son engagement

au s.!'lrvice des Armées du Roi (1672).
Mo" 1
_. 238 -

son t préoccupés du chiffre croissan t des repris de justice
admis à faire leur période de service militaire, répartis
dans nos régiments métropolitains. Autrefois, où on recru­
tait commme on pouvait, on n'était pas très difficile sur la
qualité. On sera édifié, à ce sujet par la requête gracieuse­
ment exa ucée, qu'adressait au sénéchal de Carhaix, Nicolas
Marion, en 1672. En Angleterre, il était de même pour les
équ ipages " de la flotte .....
Requête présenté par Me Nicolas Marion,
prisonnier aux fins d'aller à la guerre.
A Monsieur, '
MONSIEUR ' LE SÉNÉCHAL, PREMIER MAGISTRAT DE LA COUR
ET SIÈGE ROYAL DE KERAHÈS,
Supplye el Vous r emontre humblement Nicollas Marion,
prisonnier debLenu aux prisons de ce sièg"e,
Disant que quoy quil fusL accusé du crime sur lequel il a
sti.by InlerrogaLion et quil ne s'est point trouvé ,des preuves
des mauvaises Vyes quoy qu'accusé toujours debtenu

prlsonmer.
Ayant eu ad vis qu'il y a un capiLaine de la pa- rL de Sa
Majesté pour lever des soldals en ceste province pour- le
soustien de son armée, il désire, aussy soubz le bon plaisir
de vostre justice, estre enrollé au nombre de l'un d'eux.
En ordonnant Luy faire ouverLure 'des prisons où il est
debLenu comme dit est, et ferez bien.
N. MARION .
Soit communiqué au sieur Procureur
du Roy. Ce 29 mars 1672.
DE LA BOESSIÈRE, Sénéchal.
Veu la requeste cy-dessus Je consens pour le Roy que les
portes des prisons soienL ouvertes audiL Nicolas Marion,
Observant ses ofl"res eL les effecluant, et payant sa dépense
à la Geolle. FaicL et conclud à Carhaix ce jour vingL et
n euftesm e mars l'an mil six cenLz soixante et douze .
PHl~IPPE-EMMANUEL OLYMANT.

Procureur le Roy .

O"rdoné" oonformément aux oonolusions du"sieur procureur

du Roy, oe jour trentiesme mars mil six' oens soixante et
douze . .

DE LA BOESSIÈRE,

Sénéchal. . .

PROVISIONS D'INTERPRÊTE

de la Juridiction de la principauté de Léon,
à Landerneau (1724).

L'Inventa.ire de l'Intendance de Bretagne, (Archives d'Ille­
et-Vilaine) indique plusieurs sources d'informations touchant
l'emploi de la langue bretonne. C'est l'enseignement donné à
Morlaix, en breton, aux élèves sages-femmes; des protesta-

tions contre l'admission au concours de bénéficiers ignorants
de la langue du pays; c'est le choix réclamé, pour la marine,
d'aumôniers hretonnants, etc. Enfin, c'est la condition essen-

tielle de l'assistance d'un interprète du vulgaire langaige breton
pour que la procédure ne soit pas frappée de nullité, et à recom­
mencer aux frais du Juge et du parquet. L'interprète est ins­
titué dans l'intérêt de l'accusé. Lors des interrogatoires d'oflice,
i1 doit se tenir debout et découvert à côté de l'accusé, co'nférant
avec lui, pour rendre avec fidélité, ses réponses aux Juges. Il
peut même avec la permission de ces derniers, avoir une

conférence en particulier avec l'accusé, soit par signes ou au-

trement, mais il est défendu à l'interprête Je donner des

conseils à l'accusé. Ils sont taxés, ainsi que les témoins à l'ar-
bitrage des Juges, lorsqu'il y a partie civile; dans le cas
contraire, la taxe leur est faite de 4 livres par jour, suivant
l'arrêt du Conseil du 23 Janvier 1742. Les Lettres de provision
que nous donnons ici marquent les dispositions des Ordon­
nances et règlements en la matière. L'accusé très 50uvent,

240
Bonnaissant parfaitement et comprenant la langue francaise,
use de la faculté de se faire interroger en breton, soit qu'il se
sente plus à l'aise pour exposer ce qu'il a à dire, soit même que
ce ne soit, chez lui, qu'une fantaisie, et comme il s'agit de la
validité d'une procédure, il est fait droit à son choix.

Loüis de Rohan-Chabot, duc de Rohan, pair de France,
Prince de Léon, ComLe de Porhoët, Marquis de Blein eL
autres lieux, il. tous ceux qui ces présentes Lettres verront,
SALUT,' Scavoir faisont que l'ordonnance criminelle de
1670, au sujet des accusez qui n'entendent point la "Langue
fran çoise ayant donné lieu il. l'Arrest du Parlement de
Bretagne du ........ 1693, confirmé par plusieurs autres
rendus contre les Juges de la mesme province, entr'autres
par celuy du 8 Juillet 1694 qui ordonne que faute au Séné-
chal et au LieutenanL de noLre ditel:'rincipauté de Léon
d'avoir pris des interprètes, cert1Ïns témoins seroient de
nouveau entendus il. leur frais par d'autres Juges, ausquels
il est enjoint de prendre des in terprètes suivant lesdits
règlements, et comme les Seigneurs Princes de Léon nos
prédécesseurs se sont de tout temps inféodez comme Nous
vers le Roy et les Ducs de Bretagne du droit d'établir ~t
créer touLes les charges nécessaires pour que la justice soit
rendüe dans toute l'étendüe de noLre dite Principauté,
conformément aux Loix el Coutumes du Duché de Bretagne

et aux {)rdonnances du Roy eL aux arrests et Règlements.
Sur le bon et loüable raport qui nous a été fait de la
personne de M' François-Philippe Poullier, sieur de La
Tulsière el de ses sens, suffisanc e, capacité et expérience
au rail de la pratique Judiciaire; A ces Causes nous ['avons
pourveu el pourvoyons par ces présentes de l'E Lat et office
d'Interprète ordinaire, suivant l'ordonnance, dans L'étendue
du Siège principal de notre dite Principauté de Léon il. Lan­
derneau, ledit office vacant par le déced du sieur Prigent,
il. la Charge qu'il sera tenu de faire les foncLions d'interprète
gratuiLemen t dans Loutes les affaires d'office et concernant
nos interrests sauf néansmois il. Iuy il. se faire payer de ses
- 241
droits par les parties, s'il y en a, comme Il verra bon être.
Mandons à nos amez et féaux les officiers de notre PrincI-

pauté de Léon ,à Landerneau que dudit Poulier le serment
pris en tel cas requis et accoutumé, Ils le reçoivent et
mettent en possession dudiL office eL d'Iceluy le fassent

joüir et user pleinement et paisiblement. En témoin de quoy
nous avons signé ces présentes et Icelle fait contresigner
par l'un de nos secrétaires ordinaires et y apposer le sceau
de nos armes, à Paris, le g" j our de Juin, ,mil sepL cent
vingt q ua.tre .
Provisions d'interprête Landerneau (1).
Loüis DE ROHAN-CHABOT.

UN SPÉCIMEN DE STYLE
PAR MONSEIGNEUR,
Le Maire,
D'AVOCAT POLITIQUEUR,
à Morlaix, deux ans avant la Révolution.
Le père François Paulier, prieur des Minimes de Saint­ Fiacre-lès-Morlaix, était·il homme de complexion douce,
d'humeur patiente, égale; un de ces hommes dont on dit
qu'ils n'ont pas une parole plus élevée t'une que l'autre?
Nous ne le savo ns pas au juste,. nous le supposons plutôt

vif et emporté. Il avait un voisin Yves Ravallec : avec lui, il
entre en altercation, au sujet d'un marché? D'une servitude
de proche voisinage? ou autre chose.
Les temps sont troublés (1787) : on est exalté, i:iulfureux, il
y a de la poudre dans l'air. Ravallec trouve qui l'endoc-

triner. Il faut tailler des croupières au calotin de Saint-
Fiacre. On envenime les choses, at on produit la pièce
(i) De la main du Duc.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XXXVI (Mémoires 16)

242 -

ridicule que nous donnons sous la signature de: Chrestien
avocat. C 'est le style du temps: c'est hélas ~ aussi l'écho d'une
passion qu i devait aller loin, bien loin, trop loin .

30 Mars 1787. - Procuration Loussaul.
Par devant les notaires r oyaux de la Sénéchaussée de
Morlaix, fut présen t Yves Ravallec, ménager demeurant
en la métairie de Parc-an-Duc, paroisse de Plourin, lequel
donne ordre, pouvoir et procuration il :vi. e Loussaut,
procureur, de faire assigner sur plainte le sieur prieur
de Saint-Fiacre lès Morlaix pour se voir condamner de
payer audit Yves RavaUec une somme de trois cents livres
pour dommages eL intérêts r ésultant des injures atroces
lui dit par le sieur prieu r, le jour d'hier, en présence des
gens dignes de foi, et de reconnoitre ledit RavaUec pour
homme d'honneur et de probité et non notté de voleur et de
frippon, ainsi qu'il l'a. dit, et de plus se voir condamné de
payer les frais, promettant d'approuver ce que ledit pro­
cureur constitué fera et ne venir contre directement ny
indirectement, joint l'ofJ're dudiL Ravallec de payer le pro­
cureur constitué de ses avances et vaccations il taxe de

justice. Fait et passé, lû et expliqué en breton, il Mor.laix, en

l'étude et au rapport de Philippe, sous 'le seing de M. Charles
Mahé, clerc il Morlaix, y présent pour et il requête d'Yves
Ravallec, lui affirmant ne le pouvoir, de faire de ce inter­
pellé. L'an 1787, ce jour 30 mars avanl midy.
PHILIPPE, Notaire Royal.
20 avril 1787.
MESSIEURS LES JUGES ROYAUX DE MORLAIX,
Supplie humblement Yves Ravallec, agriculteur, derpan­
deur et plaintif, Maître Chreslien, avocat.
Contre le sieur François Paulier, prieur des Minimes de
Sai nI-Fiacre de Morlaix, défendeur et accusé .

MESSIEURS,
Il n'est ni d'un prieur, ni d'un orateur, ni d'un confesseur,

- 243 , -
d'insuller un agriculteur de la manière la plus atroce et la
plus outrageante. '
L'agriculteur est le père nourricier du Genre humain, et
le traiter je voleur et de coquin, c'est faire outrage il. la
nature.
Dans le fait, le 29 mars 1787, l'accusé traita le plaintif de

voleur et coquin. Ces termes calomnieux 1 ui furent proférés
devant témoins irréprochables et l'agricultew' aussi jaloux
de son honneur qu'un prieur des Minimes a l'honneur de

requenr.
Qu'il vous plaise, Messieurs, au-dessus du soutien formel
du plaintif que le 29 mars 1787, l'accusé le traila de voleur
et de coquin, lui permettre d'informer desdites calomnies et

passé de l'information et du décret, le plaintif prendra lelles
conclusions qu'il appartiendra, sauf tous ses aulres dûs,
droils et vérité, c'est justice.
Signé Chreslien avocat, qui a marqué honoraires trois
livres.
Permis d'informer expédié à Morlaix le 20' avril 1787 . .
Reçu dix sols. GUILLO DE LOHAN,
Sénéchal .

Abbé ANTOINE FA VÉ .

VII.
VIII .

369

DEUXIEME PA RT IE

Table des MémoiTes et Documenls publiés en 1YO!J
l'ages
Épisodes et Anecdotes, par M. l'abbé ANTOINE
FAVÉ .. . ... , ... . ... ' .. . . . . , ... , ' , ' . . " 1, 79, t 97
Églises et Chapelles du Finistèr e (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXrV) . Doyen nés
de Ploudalmézeau (fin), Ploudiry, Saint-Renan, .
Châteaulin, Châleaun euf et Carhaix, par M. le
chanoine P. PEYRON ...... . . , . . . ' . , . . . , . . .. '33, 30t
Les Hameçons préhistoriques, par M. A. MARTIN
(planche) ............... , .. . , , . . .......... ' . , .
Étude sur l'Architecture romane du Finistère.­
École régionale de Pont-Croix, pal' M. CH.
CHA USSEPIED. . .. . .. ' .. . .... . .. '. , .. . . . . . .
Outil préhistorique en pierre : le Ra bo t- Râpe,
par M. A. MARTIN (planche) .. , ...... . .. . . ' ... .
Rapport sur la Chapelle de Saint-Tugen, en Pri­ melin, par M. CH. CHAUSSEPIED (planche ) ..... '
Excursion A rchéologique dans la comm une de
Garlan, par , M. L. LE GUENNEC (3 planches) . ..
Chapelle de Notre-Dame du Crann, en Spézet,
par M. le chanoIne J.-M. ABGRALL ...... . .. . . ,
Fouille d'un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lo­ érec, le 30 juin 1909, par' M. L. LE GUENNEC
lane/le) . .. .. ~ . ..... .. . . ......... . ....... . .. .

109
113
244

255
X. Études sur le Cap-Sizun:
II. La chapelle de Langroaz et la seigneu­
rie de Keridiern, en Cléden-Cap-Sizun, par M.
DANIEL BERNARD .... .. ... . .... .. , . . .... . . , . .. , 262
XI. Les Ardoises dans les sépultures néolithiques
ar.moricaines, par M. A. MAR:I'lN (8 planches l.. 278
, XII. L'Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes poUt' ser-
vir à son histoire), par M. H. BOURDE DE LA
ROGERIE. . . . . . . .. . .... , .... , . .. ' . ' . , . , .. . . . . 324

- FIN -

vnprlmérie CO TONNEC, LEPRINCE Suce - QUimper