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Bulletin SAF 1909


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Excursion Archéologique dans la commune de Garlan

M. Le Guennec

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1909 tome 36 - Pages 113 à 196

- t13
dans
LA COMMUNE DE GARLA.N

Le joli bourg de Garlan, distant d'environ six kilomètres
de Morlaix , fait partie du canton de Lanmeur. Il groupe ses
quelques maisons blanches et coquettes autour d'une petite

place rég ulière, sur une colline peu élevée qui borde au Sud la
fraîch e vall ée où serpente le Dourdu. On s'y rend; de Mor­ laix, par l'a ncienne route de Lannion et l'embranchement
qui s'en détache à la croix de Kervézec, ou bien par le

chemin vicinal de la Croix-Rouge, mais durant la bonne
saison, on ne saurait choisir de route plu s directe et plus

ombreuse, sinon de moins accidentée, que l'ancienn e voie
romaine de Morlaix à Tréguier par Lannion, qui passe au
pied même de la terrasse où se dresse l'ég li se paroissiale.
L'étymol ogie du nom Garlan est restée ju sq u'ici incertain e.
Guillaume Le Jea n l'a traduit qu elque part par: la Lande es­ carpée, mais!a topographi e de l'endroit ne co ncorde guère avec
cette désignation. D'autres voient dans Garlan le nom d'un
pieux sol itaire qui aurait propagé la foi dans le pays, et ils pré­
tend ent retrouver son souvenir dans l'appellation 'du village
de M ézou-Manac'h (les campagnes du moine), situé à peu de
distance au Nord du bourg. Certains enfin, et nous nous
rangerions volontiers à leur avis, l'interprètent ainsi: Goar
ou Gar, ruisseau; Lan ou Laan, nom d'homme existant dans
les vieux cartulaires : le ruisseau (et par extension J'habita-

tion) de La{Ln.

. . 114 -
L'église de Garlan, dédiée à Notre Dame des Sept-Douleurs
et à saint Éloi, est rrioderne. Elle a été rebâtie, de 1877 à

1879, sur les plans de M. Le Guen'anic, architecte, à l'empla­
cement d'un . pauvre édifice des seizième et dix-septième
siècles, qui, sous la Révolution, menaçait déjà ruine . Il conte­
nait deux ou trois autels décorés de boiseries 'sculptées de
quelque valeur que l'on vendit pour subvenir aux frais de la

construction. La nouvelle église, commencée sous le rectorat

de M. l'abbé Le Duc, actuellement curé-archiprêtre de Saint-
Mathieu de Morlaix, a été consacrée le 26 août 1879, pal'
dom Anselme Nouvel, de l'ordre de saint Benoît, évêque de
Quimper et de Léon, M. Cal vez étant recteur.
Bâtie dans un style élégant inspiré par l'art gothique du
commencement du XIIIe siècle, avec piles cantonnées de

colonnettes et chapiteaux fleuris, cette église ne renferme plus
que quatre vieilles statues . Au maître-autel sont les images
des deux saints patrons: une belle Vierge mère du temps de
Louis XIV, bien drapée et mouvementée, portant un enfant
Jésus aux bras ouverts, et foulant un dragon qui tient dans
sa gueule la pomme de perdition, et un saint Eloi, en évêque,
bénissant. Les deux autres statues se trouvent au · bas de la
nef: saint Marc ayan't un livre à la main et accompagné d'un
lion; saint Nicolas et son traditionnel saloir d'où émergent
trois petits enfants. On conserve au presbytère une remar­ quable statue de saint Yves, assis sur une sorte de chaire aux
accoudoirs terminés par des têtes de lions. Il serait bien à
désirer que l'on en restaurât les mains mutilées et qu'Qnla
replaçât a. vec honneur dans l'église . .

Le cimetière qui entoure celle-ci forme esplanade au-dess.us
de la vallée du Dourdu, et l'on y domine un calme et souriant
paysage animé par la rivière sinueuse, les moulins virant à
l'ombre des peupliers et des ormes, les fermes anciennnes
cachan t leurs pignons aigüs derrière les haies des vergers. De
J'autre côté du cours d'eau, le château du Bois de la Roche"

115 -

vieux murs et vieux toits, apparaît à l'orée de ses bois de
sapins couronnant un coteau abrupt aux escarpements schis­
teux, fleuris d'ajoncs et de ·bruyères .
Jadis, les seigneurs de Boiséon en Lanmeur possédaient,
comme hauts justiciers de la paroisse, le titre et les préroga-

tives de fondateurs de l'église de Garlan. Le service solennel
et la messe annuelle fondés par Messire Hercule-François d~
Boiséon, comte dudit lieu, gouverneur de Morlaix, mort en
1692, y ont été desservis jusqu'à la récente mise sous séquestre
des biens de la fabrique
Un compte de décharge du comté de Boiséon (1), rendu en
1597 et années suivantes par Hervé Perrot, receveur de cette
terre, contient quelques articles ayant trait à des payements
faits en diverses circonst:;lnces au clergé de Garlan. .
« .. Plus auroit payé aux prebtres de la paroisse de

Garlan pour les services par eulx faicts et célébrés en l'esglise

dudit Garlan eIlI'intention de ma feu e dame (Jeanne de Rieux,
femme de Pierre, comte de Boiséon, décédée à Morlaix, le

20 juin 1598 ), la sorne de vingt realles comme conste par quit-
tance du 5

juillet 1598, signée F. Thépault, et pour ce ... v.l. »
« 1599. . ., Se descharge ledit comptable du nombre de
15 quarts froment, Hi bouessea ux avoine mes ure de Morlaix
et 18 sols tournois par argent, par ledit comptable payé au
sieur recteur de Garlan en payement de la dixme de Coatan -

roch, en Garlan, afermée par feu Charles,Parfaict, comme de

quoy faict foy la quittance dudit sieur recteur dt:l Garlan du

mars 1600, signé H. Rungoat, recteur, et F. Thépault,
que ledit comptable monstre en l'endroict. »)
« 1 ,600. . .. Payé au recteur de Garlan 24, sols monnoie,
24, quartiers froment et 2 quartiers avoine mesure de Morlaix.»
Le procès-verbal dressé le 9 novembre 1679 (21 par Maître
François Bouyn, sieur de Rains, commissaire pour la réfor-
(1) Bibliothèque de Morlaix n' 872. .
(2) Arch. du Finistère, A. 19.

- 116-

mation du domaine royal dans la cbâtellenie de Morlaix et
Lanmeur, indique l'état des prééminences de l'église et le
nom de leurs possesseurs à celle époque, Les prières nomi­
nal~s y étaient dites alors par Missire Henri Prima igné,
sieur recteur c c pour le sieur comte de Boyséon, en qualité de

fondateur et pour plusieurs gentilzbommes comme bienfaic-
teurs de laditte paroisse ), La maîtresse-vitre portait, en
supériorité, un écusson aux armes écartelées de Boi8éon et de
la Rocbe-Jagu, et plus bas neuf autres écussons des armoiries
de la Rocbe-Jagu, dépendant de la terre de Kerohant, possédée
par le président de Bréquigny, Sous. la première arcade du
chœur, du côté de l'épître; était une tombe enlevée joignant le
sanctu aire et ofIra n t a ussi les arm es des seigne u rs de Kerohan t.
Du même côté se trouvait une chapelle latérale dédiée à
saint Jean, avec une fenêtre à deux panneaux et une rose
contenant un écusson de gueules à sept besans (lire: annelets)
d'or, 3, 3, 1, surmontes d'un lambel d'azur, timbré d'un
casque de chevalier et entouré cc d'une d!:lvise en lettres
gOLlicques q'u'on n'a peu lire », Ce blason, qui est celui de la
maison de la Boissière-Kerohar.t, existait encore sur le vitrail,
sur l'autel et sur les piédestaux de deux statues, et la chapelle
renfermait un banc cc avec un petit accoudouer ou prye Difw )J,
le tout prétendu par le sieur de Bréquigny de sa terre de
Kerohant.
Un autre autel situé dans la même chapelle était dédié à
saint Yves, et sa ferlêtre présentait les armoiries de Kenner-

chou, d'a1',qent à la croix treflée de sable gironnée de cinq
étoiles d'or, écartelées de celles des Arre!. Cet autel dépendait
de la terre de Kermerchou et appartenait au sieur de la Pi ne­
laye Botherel, grand prévôt de Bretagne, à cause de la dame
sa femme, ainsi que l'arcade et enfeu avoisinant.
La fen être suivante portait les armes des Kermerchou; et;
dans sa rose un écartelé, d'un burelle d'argent et de gueules
117 -
et ùes Quintin. Au-dessous, il y avait une arcade, un enfeu

et un banc revendiqués par le sieur de Rascoët Cozten de sa
terre de RascoëL
La chapelle de saint Laurent, située du côté de l'évangile
et ·« couverte en forme d'appentys n était la propriété des
. seigneurs du Bois de la Roch e du nom de Le Blonsart, dont
elle montrait les armoiries: d'argent à la fasc e échiquetée
d'argent et de sable, et abritait les sépultures ainsi que plu-

sieurs bancs. Près de la porte de la sacristie, un petit banc en
forme de prie-Dieu était litigieux entre le sieur de Kervézec
Le Blonsart et le sieur de Kergrée Rolland.
Dans la nef, du côté de l'épître, on rencontrai; un autel
non armorié, puis une arcade surmontée d'une vitre chargée
d'un écusson rempli de plusieurs armoiries et portant sur le
tout en abîme, de gueules à la. croix raccourcie d'OT cantonnée
d'une macle de même, blason des seigneurs de Leinquelvez,
du nom de Thépault, qui possédaient également le banc

voisin. Plus bas, se voyait dans une chapelle un tombeau
armorié et élevé de terre, dépendant de la maisan de Ker­
met'chou.
Du côté opposé de.la nef, contre la balustrade du chœur,
était un autel et une arcade sans armes, attribués au
seigneur de Lannidy Calloët, à cause de sa terre de Keroual­
lan.
La grande vitre du bas de ['église n'offrait qu'un seul
écusson, celui des Boiséon.L'écusson des Kermerchou décorait

une porte latérale « soutenu de deux léopartz, surmonté d'un '
timbre avec une devise en lettres gotticques qu'on ne peut .
lire )l . Enfin , le blason de Boiséon, orné d'une couronne
comtale et du collier de l'ordre du Roi, était sculpté sur l'un
des contreforts du clocher.
Toutes ces armoiries furent brisées ou martelées sous la

Révolution, en vertu du décret de l'Assemblée Nationale du
19 juin 1790, qui p~raît n'avoir été appliqué à Garlan que

bien plus tard. Le 1"1 mars 'l792, le maire co nstate (( que l'en- .

lèvement des arm oiri es des vitraux laisse l' église dans un état

désolant ) ) et req uiert qu 'on fasse réparer les fenêtres par un
vi tri er.

La paroisse de Garl an était jadis divisée en huit fréries,
devenu es auj ourd' hui des sections : le Ra scoët, Kertangu y,
Kergusto u, Kervézec. Rosgustou, le Bois de la Roche. la Bois­
sière et le Mesg uen. Le général de la paroisse se renouvelait à
raiso n de trois déli bérants chaque ann ée. Il y avait des fa ­ briques spéciaux pour le maître-autel, le Sacre, saint Éloi, le
Rosaire, la confréri e de saint Yves, la Rédemption des captifs
et la Terre sainte.
Les registres pa roissiaux co nse rvés à la mairie remontent
à 1579 . Notre exce llent co nfrère M. de Bergevin a bien voulu
nous com muniqu er le pati ent relevé qu 'il a fait de tou s les
actes intéressa nts co ntenu s dans ces registres, et nous devons
encore à so n obligeance inépUisable plusieurs précieux docu-

ments. Aussi lui en exp rim ons- nous ici toute notre gratitude,
en regrettant de ne pas le voir lui-même mettre en œuvre ces

matéri aux si laborieuse ment am assés, et dont il saurait tirer

pa rti mie ux que perso nne. Nous tenons aussi à remercier
par ticulièreme nt M. Bourd e de la Rageri e, archiviste du Finis­
tère, de l'amab il ité pa rfaite avec laquelle il a bien vo ulu faire à
notre intention des recherches dan s les titres des séri es E et, G .
. Le premi er rec L eur menti onné par les archives paroissiales
est Mi ssire Thomas Perrot, docteur en droit ca non et recteur
de Ga rl an en 1 ~82, prévôt de la col légiale dl) Mur à Morlaix
en 1590. Au nomb re des prêtres de son clergé se remarquent
François Thépa ult, sieur de Pradi go u, mort le 23 avril 1623,
et Agapit Coronn er, en qui a dû s'éteindre la famille des
Caronner, seigneurs de Kerguillerm en Lanmeur, non cités
pa r Co urcy, ma is portés au rôle de la montre de 'J53!~ parmi

119

Pendant les troubles de la Ligue, la paroisse de Garlan
adhéra à.la Sainte-Union morlaisienne, malgré l'opposition
de son capitaine Jacques Quisidic, sieur de Kervilzic, attaché
à la cause royaliste. Lors de la séance tenue le 13 octobre
1089 par le comité de l'Union. se présentent « grand nombre
des paroysiens de Garlan suplyantz estre receus a se joindre
avecques les habitans de la ville et avoir un capitaine autre
que l:);vilzic, sur quoy leur a esté baillé pour capitaine le
sieur .de ~ouchant ( 1) ~t pour lieutenant le sieur de Boys
de la Roche (2) entre les mains desquelz lesdits paroysiens ont
juré l'union)) ( 3)
Le 20 novembre suivant, après avoir délibéré sur « la
requeste présentée par les parouesses de Plouegawou et
Garlan », la chambre de l'Union décide « que le corps desdictes
parouesses sera reçu à se joindre et venir avecques le corps
de ladite ville parce qu'il poyeront telle some en laquelle ilz
seront taxés lors du département qu'il se fera sur les aultres
parouesses pour faire ladicte Unyon, et s'obliger audict
poyement mercredy prochain à l'ouverture de la Chambre, et
pour les · gentilzhommes rebelles et capitaines desdictes
parouesses, seront aussy receus à la différence qu'ilz se pré­ senteront parce qu'ilz poyeront telle sorne en laqLielle ilz
seront taxés en ladicte Chambre. En oultre respondre des
ravaigementz par eu lx faits pour avoir esté participantz ou
. aydants )). (4)
Au jour fixé les députés de Garlan, Charles le Scourre,
Pierre Guyrart, Pierre Mériadec, Jean Lescurazec, François
Braouézec, Me Pierre Le Poullen, prêtre, Alain Guyomarch,
Thomas Bezvoult, Yvon Geffroy, Jean Pape et Jean Berthou,

(i) Guy de Quilidien, seigneur de Kerohant (en Garlan), le POl'ZOU (en
Plestin) etc . . .
(2) Yves Le Blonsart, seigneur du /:lois de la Roche.
(3) A. de Barthélemy - La Chambre du Conseil de la Saillie Ullioll de
Morlaix, i887, p. 15. .
120 -
curé, comparurent devant la Chambre. Ils jurèrent l'Union
entre les mains de Nicùlas de la Boissière, archidiacre de
Plougastel, et fur en t « rece uz en la sauvegarde de la
ville n. (i )
Le sieur de Kervilzic voulut tenter un dernier effort pour
so ul ever la pa roi sse contre les ligueurs, mais celte équipee
malheureuse lui co ûta la vie. Son meurtrier fut Alain
Guyomarch, l'un de ceux qui avaient juré l'Union, et qui
prouvait ainsi la sin cérité de son se rm ent. Le 4, décembre,
le com ité morlaisien arrête que « pour le fai ct de Allain
Guyomarcb, acusé d'avoir tué I~vilzic, capitaine de Garlan ,
pour avoir comandé so nner le tocqsin contre la Saincte Union
et au préjudicze de ceste ville n, il sera sursis à l'exécution de
tous décrets et poursuites co ncernant cet hom icide, « jusques
en avoir adverty Monsgnr le Gouverneur, legu el sera suplyé,
de la part desd its habitantz, d'a bsouldre led it Guiomarch et
de faire deffancze aux héritiers dudit I~vilzic de faire aulchune
poursu ille ny recherche touchant ledit homicide . contre le
ledit Gui oma rcb ni aullres ». (2)
Quelqu es jours après, le 12 décembre, Vincent le Grand,
sieur de Kersco Kerigouval , avocat à Morlaix, déclarait
devant la même Chambre se désister , pour Guy La Tourneuffe

« des decretz par luy obtllnus contre le Guyomarch et aultres
touchant la mort du sieur de ~vilzic, capitaine de Garlan n. (3)
Le 5 av ril 1590, le sieur du Bois de la Roche est député
pour obliger la paroisse de Garlan à fournir une charrette, un

cheval et six arquebusiers (4). Le 23 avril, nouvelle exi-
gence : «( Garlan fournira deux hommes ou aultrement dix
escus n. ( 5)Le curieux registre des procès-verbaux de la Sainte
Union . publ ié par M. de Barthélemy, se termine à la date du
(1) A. de Be,.lh élemy, La Chambre du Conseil, elc.
(2) Ibid. p. 41.
(3) Ibid. p. 46
(4) i bid. p . 80.
(5) Ibid. p . Si.

121

30 juillet 1ti90, el nous n'avons pas de renseignements sur la
part que prirent ensuite les habitants de Garlan à la guerre
civile. Celle-ci se termina dans la région lorsque le maréchal
·d'Aumont, après avoir traversé la paroisse avec son armée ,
le 25 aoû.t 1ti94, en marchant sur Morlaix par ·la vieille voie
romain e, eut assiégé et pris le châleau de ce lle ville .
. Thomas Perrot eut pour successeur, cn · \ti99, Missire
Henry RungoëL Lacune dans les registres baptismaux de
16'14 à ' 1627, date à laquelle Jea n Le Çhesnays était recteur.
Sur un ca hier relatant les décès de 1623 à 1628, on relève
l'acte de décè!3 de nobl e et vénérable M essire François
Th épa ult, sieur de Pradi go u, prêtre et chapelain dès 1579,
déjà cité plus haut, puis cette note concernant le trépas du
seigneur suzerain de la paroisse :
« Le cinquiesme jour dauot mil six centz vingt et sept
moureust hault et puissant M essire Pierre co nte de Boyséo n.
Conseiller des tat go uvern eur des Ville et chateau de Morlaix,
Seigneur de Coatinisan, Coattrevan, I );brat etc. Et son corps
fust enterré en l'église de Lameur et son cœur posé en

l'église des Ja co bins à Morlaix » (-1) .
En 1631 et '1632, il Y eut à Garlan une ép id émie de peste
assez violente, qui ca usa une cinquantaine de décès. Elle
frappa d'abord la famille Le Blonsart du Bois de la Roche,

dont huit membres succombèrent du 26 octobre 1631 au '13
janvier 1632 puis se propagea dans la paroisse, emportant
parfois des famill es entières. Le 18 décembre 1631, « Guil­
lemette.Nuz, fam e es pouze de Jan Morvan, mourust de la
paiste ... et pa reillemen t ci nq de ses enfa n tz son t morts de

la mesme paiste qui n'avoint pas encore repceu le Sacrement
de l'a utel ». Le 24 mars 1632, décès d'! I( Michel Harzic et
de quatre de ses enfantz morts de la mesme contagion et
enterrés en la semitière de Garlan». Le 6 avril, « Hervé
(1) Cel acte est en corlradiclio n avec Albert Le Grand (Catalogue des
Evêques de Tréguier, éd . de 1659. p. 355-356) d'après lequel le corps de
Pierre de Boiséon aurait été inhumé aux J acobins de Morlaix .

122 -

Ham eu ry, june éscoillier pourveu des ordres min eurs mOUfu st
de la contagion ». Le 12 avril, trépas de « Yves Le Helchat,
Françoise Perrot sa femm e et tfoisde leurs enfantz qui
estoint encore so ubz lage de dix ans». Le 9 août, décès de
Philippe Pos Lic et « six ou sept jours après deux de ses petites
filles qui estoint soubz la ge de dix à onze ans, toutz morts de
la contagion )J . Cette hécatom be d'enfants ne fait-elle. pas
so nger aux strophes de la flln èbre guerze bretonne Bosen
Elliant, composée à la même époq ue?
N ao mab a oa en eun tiad,

E'êt d'an douar en eU1'c'harrart

(Il y avait neuf fils dan s une mai so n,
Ils son t allés en terre en une charrettée)
Missire J ean Le Chesnays, recteur, mourut à Saint Mathieu
de Morlaix le 29 avril 163ï ; il fut remplacé par Jea n du
Gratz, sieur de Kergo ullès, plus tard chanoine et archidiacre
de Trég uier et recteur de Taulé, évêché de Léon: En 1638, il
Y eut à Garlan 13 décès spécifiés de « maladie co ntagieuse H,
et celui de « Missire Charl es Coro ller, prebtre de l'évesché de
Léon H, mort le 18 avril 1638 et enterré auprès du grand
autel de l'égli se. L'épidémie de 1640, affreuse à Morlaix,
à Ploujean et dans tout le pa ys de Lanmeur , dut aussi attein­
dre Garlan, mais nous n'avons pas le relevé de ses victimes.
Le 22 juillet 1640, Missire Pierre de Kergrist, sieur de

Kergadiou (en Pl estin ), recteur de Garlan, procéda « à la
bénédiction de la grande cloche dudit Garlan à laquelle fut
imposé le nom de Saint Fra.nçois . Les parains furent hault
et puissant François-Hercule de Boiséon, vicomte de la
Bellière, de Dinam et damoiselle Cla udin e de Tliomelin, fill e
aisnée de I>liviry )l. Pierre de Kergrist, né le 18 avril '16' 1 2 au
manoir de Kergadiou , était le fil s aîné de Vin cent de Kergrist,
sieu r de la Villeneuve, et de Marguerite le Bihan du Goa r-

riva (1). Il mourut le 21 avril 1652 au lieu de Kergadiou , en

(j) Registres paroissiaux de Plestin.

123
Garlan, et fut inhu. iné sous le marche-pied de l'autel du
Rosaire.
Le recteur suivant, Fiacre Nouël, décéda peu après, le 2
mars 1655, et eut pour successeur, en ' 1657. Missire H~nry
Primaigné, notaire apostolique, aumônier et secrétaire de
l'évêque de Tréguier. Ce fut un pasteur très zélé pour le bien
de la paroisse, plein d'activité et de savoir, et les registres
portent, écrits de sa main, plusieurs actes d'nne rédaction
correcte et intéressante relatant des baptêmes de cloches, des
bénédictions de croix, etc. L'acte de décès, ou plutôt l'oraison
funèbre de son vénérable confrère Missire Vincent Le Guer­
nigou, recteur de Plouézoc'h, consigné par M. Primaigné sur

les registres de cette paroisse en 1675, est un vrai modèle du
genre. Les archives départementales conservent une lettre
de lui (1 ) qui le montre en relations suivies avec l'évêque de

Tréguier,Mgr. Baltazar Grangier,et qui mérite d'autant mieux
d'être publiée qu'elle fixe la date de la reconstruction de la
nef de l'église.

« MONSEIGNEUR,

« Je receus par la main d'Héligon les deux escus que vous
envoyez à vostre imprimeur et le mesme m'avoit aussy donné
quelque temps auparavant deux autres escus pour la même
fin. II me rendit aussy de vostre part le pouvoir d'absoudre
de vos caz réservés. Je vous remercie très humblement et
vous assure que j'en uzeray conformément à vos intentions.
(( Nos paroissiens de Garlan ont aballu la nell de leur église
(afin) de la réparer et réédifier sur les mesmes fondements
ès endroicts qui (demandent) réparation. Mais je souhaitterai
qu'il pleut à vostre Grandeur (permellre) de reculer les fonds

baptismaux qui empescbent l'entrée. '.' de l'église par la porte

principale, attendu que la neffn'a .. . .. pieds de largeur. Je

(ij Archives dU: Finistère G. 528 bi

124 - .
prétends les placer à present vers le costé de l'evangile en lieu
apparent, honneste et commode, S'il vous plaist m'accorder ln.
faveur d'en disposer, je suis assuré de la permission de
Monsieur le comte de Boiséon, de Monsieur le marquis de
I>groadez et des autres particuliers intéressés et mesme du
général de la paroisse, ainsi que faire advancer le dessein que
nous avons pour toute l'église. Nous n'attendons que vostre
approbation flue recevra en toute humilité avec vostre béné­
diction, ))

Monseigneur,
vostre très humble et très obévssant serviteur,

PRIMAIGNÉ, pbre.
A Garlan, ce 14" septembre 161)8.

Adresse : A Monseigneur l'Evesque et comte de Tréguier. »
Sur cette même feuille, l'évêque a écrit:
(( Je, consens au transport et changement de, place du fonds
mentionné en vostl'e lettre ci-dessus aux conditions qui y sont
portées. Fait à Tréguier le 18 septembre 1658.
Baltazar, E. de Tréguier.
Adresse : Monsieur, Monsieur Prima igné, aumosnier de
Monseigneur l'Evesque de Tregué, à Garlan. ))
. Quelques jours plus tard, Henry Primaigné sollicita de
l'évèque, au nom des fabriques de l'église, la permission
de faire une rende1'ie, c'est-à-dire une quête opérée par des
jeunes gens dans une ou plusieurs paroisses, pour en employer
le produit à la restauration de la ,nef. L'èvêque rendit cette

ordonnance:
«( Nous, Baltazar Grangier, par la grace de Dieu et du Saint­
Siège apostolique évesque el comte de Tréguier, permettons
aux fabriqu es et marguillers de la parroisse de Garlan de ce
dioceze de faire une renderie pour les ayder à faire relever la
nefT de leur église parroissiale età cet effait assigner jour pour
recevoir les présents et aumosnes des personnes charitables,
à condition qu'ils le fassent sans sonneurs à peine d'une pis-

125
tole d'aum osne payable par lesditz fabriques en privé nom, et
qu'ils se chargent en leur compte de tout le provenu de ladite
rend erie, parce qu'ils auront descharge des frai s qu'ils auront
fait pour ce subj ect par l'ad vis et ordre du sieur recteur ou
curé de ladite parroisse et non d'autres. Fait à Trég ui er ce
quatriesme jour d'octobre mil six centz cinquante huit.
Baltazar, E. et C. de Trég ui er.
par le commandement de Monseigneur.
De I}garyou. » ('1)
Le lendemain 5 octobre, avant même, très problablement,
d'avoir reçu l'autorisation demandée, M. Primaigné adressait
des circulaires à ses confrères des paroisses d'alentour, afin
de leur recommander sa qu ête. Voici celle qui fut remise au
curé de la trève de Saint Eutrope, paroisse de Plougo nven:
« A Garlan, ce 5

octobre 16ti8.
« MONSIEUR, .
La nécessité de i'épa ration en laquelle estoit réd uite la . nefI
de l'église parroissiale de Garlan et le peu de moyen que la
fabriqu e a de survenir (s ic) aux fraiz de ceLLe entrep rise ont
convyé Monseigneur de Trég ui er de permettre aux procureurs
d'icelle de faire un e renderi e de fil et d'assigner jour pour
recevoir les présents et aumosnes des personnes charitabl es
dans l'estend ue des paroisses voisines, pour à qu oy parvenir
j'ai prins la liberté de vous co njurer par la présente d'exhorter
tous ceux qui sont so ulJZ votre charge de vouloir co ntribuer
charitablement à ce bon œuvre et vous donner la peine de
nommer aussy deux jeunes hommes de vostre trefve qui ,se
chargent du soing de l'amasser le fil et autres présens dans
toute son estendue pOUl' les venir ensuite apporter à Garlan
le quatriesme dimanche de ce moys, les asseurant qu'outre le
mérite qu 'ils acquéreront devant Dieu, ils seront aussy remer­
ciez et sa tisfaicts de leu · rs peines tant par les fabriqu es de

(1) Arch. d u Finistère, G, 529 bis.

-126 -

TlOstre église que par celuy qui, espérant tout secours de vostre
charité en ceste occasinn, demeurera toute sa vie, Monsieur,
vostre très humble et obéyssant serviteur,
PRIMAIGNÉ, pbre.

Adresse: A Monsieur, Monsieur le cU!'é de Saint-Eutrope, à
Saint-Eutrope )) (1).
Le 24, août "1666, Mi~sire Hervé Le Helloco, vicaire perpé­ tuel de Saint Melaine de Morlaix, assisté d'un de ses prêtres
et du clergé de la paroisse, bénit la petite cloche de l'église'

(( sous l'invocation des Sainctes Perrine et Françoise, dont les
noms lui ont été imposés à la sollicitation de haut et puissant
Messire Claude de Boiséon, comte dudit lieu, fondateur de
ladite paroisse de Garlan, par escuyer Pierre Thépault, sieur
de Goasouillat, et demoiselle Françoise de I~ret ) dame du Bois
de la Roche. »

Le 'li juin 1668 eut lieu le baptême d'un enfant né « au

moulin à papier de la paroisse de Garlan . )) Parrain et marraine
furent un ouvrier dudit moulin et une ouvrière du moulin à
papier dela Lande en la paroisse de Pleyber-Christ. Il n'existe
plus aujourd'hui de papeterie à Garlan, et on n'a su même
n'ous indiquer l'ancienne situation de celle-ci .
Le 29 juin 1682, bénédiction d'une c1ochr. du poids de 487
lîvres, fondue à Morlaix pàr Maistre Nicolas Troussel, pour
l'église paroissiale . (( Parrain fut noble Messire Maurice
Thépault, chevalier, seigneur de Trefalegan, Leinquelvez,
I);ozern, gentilhomm e ordinaire de Monseigneur le duc d'Ore

léans et de Chartres, frère unique du Roy, et marraine dame
Renée de Querhoent, compaigne e~pouze de Messire Rolland '
Ca lloët, cheva li er seigneur de Lannidy, Lostanvern, le Faouet, .

I~morvan, I~aël, l}aliou, Botsorcher, I):analec, qui lui ont
imposé les noms des Saints Maurice et René. »
Une autre cloche pesant 728 livres, également destinée à
l'église, eut pour parrain, l e 1

décembre 1686, Missire

(i) Arch. du Finislél'e, G. 5~9 bis.

127 -

Henry Primaigné, recteur, f:'t pour marraine demoiselle Marie
Nigeon, femme de noble homme Yves Le Roux, sieur de
Saint-Maur, notaire et procureur au siège de Morlaix,et reçut
le nom de il'! aric, '
Henry Primaigné mourut le 7 octobre 1691, âgé d'environ
69 ans, Son acte de décès le qualifie d'anci en recteur, et son
successeur Hervé de Kerguiziau préside à ses obsèques, Ce
dernier était déjà recteur de Garlan depuis plusieurs mois,
car . il prend déjà ce titre le 2'1 février '16~H, en célébrant, dans

la chapelle de Saint Jacques, à Morlaix, le mariage de sa ni èce
Claude-Barbe de Kersauson avec Messire François le Borgne,
cheva lier seigneur comte de Lesquiffiou, Trévalot, Keralio,
etc (1).
Guillaume Jan, recteur en 1692, est remplacé en 1701, par
Hiérosme Gobert, décédé le 4 février 17'19, à l'âge de 67 ans.
De son temps se fit la bénédiction de deux cloches, l'une pesant
environ 52 livres, fondue à Morlaix chez Marie-Mauricette
Conan, dame de Launay, et nommée MaTie par noble homme
François Maignon, sieur de Kerescun, et demoiselle Marie­
Ursule Guillotou, le 6 septembre 1703; l'autre du poids de
700 livres, consacrée sous l'invocation de la Glorieuse
Vierge Marie etde Saint Jean· Baptiste. letlavril 1717, en pré­
sence de !VI. de Kerpri gen t Héliés, seigneur fondateur de
l'église comme propriétaire du co mté de Boiséo n,
De 1719 à 1763, François-Estienne Lesn é, sieur abbé de
Penfantan, fut recteur de la paroisse. Il construisit l'ancien
presbytère, situé à 800 mètres à l'Ouest du bourg, au bord d'un
vieux chemin menant au manoir de Kervézec. Celle maison,
nommée a-r PTe.~biw,l coz, oiIreau·dessus de sa porte un calice
sculpté dans la pierre et.la date de ' 1747. M. de Penfantan

baptisa aussi deux des cloches, qui décidément avaient souvent
besoin d'être refondues , La cérémon ie eut lieu le 4 mai 1730 ;
J'une d'elles, du poids de 660 livres, reçut les noms de J Uar·

128 -

gueriic-Françoise de son parrain Maître François Le Brigan t,
sieur du Parc, ancien maire et prieur consul de Morlaix, et .
de sa marraine demoiselle Marguerite éoton nec, fem'me de

. Maître François Baronnet, sieur de Richemont, inspecteur de
la Manufacture royale def': Tabacs de Morlaix. Le sieur de
Lesquern Le Maree, lieutenant de la paroisse de Lanineur, et
demoiselle Marguerite du Plessix de Coatserchou nommèrent
la seconde cloche.
La confrérie du Rosaire fu t. fondée à Garlan par actes prô-

naux des 21 octobre 1724 et 2 février 1725. Ce dernier acte
constate que le R. P. François de Trogoff, profpsseur en

théologie, prieur du couvent des Dominicains de Morlaix,
s'étant rendu à l'église et ayant visité c c l'autel autrefois
Mdié à Saint-Yves, destiné présentement pour l'autel du Saint­
Rosaire, l'a trouvé bien décoré et fourni d'orriements pour les
divins offices et orné d'un tableau de la très Sainte Vierge
qui présente le Rosaire à Saint-Dominique et à Sainte-Catherine
de Sienne. )) Ont signé: de PenfantanLesné, recteur. Jan

Jégat, prêtre. G. le Carluer de Keryvon, faisant pour le pré-
sident de Bédée. J. du Rumeur de Kermoysan. ' La

Poujade Moricette du Breil de Rays de Kerouzien. Char-
les du Plessis (1) .
A M. de Penfantan, décédé le 30 mars tï63, à l'âge de 69
ans, succéda M. Jacques Guillou qui bâtit en 1765, au centre du
bourg, le presbytère actuel. Vendu comme bien national, le
3 pluviose an II, pour le prix de 7.31)0 livres, au citoyen Jean­
François Homon fils, négociant à Morlaix, . ce presbytère fut
racheté vers 1815 par la commune. M. Guillou y mourut, âgé
de 66 ans, le 20 septembre 1778. Son successeur, M. Christo­
phe Derrien, était encore recteur de Garlan lorsque survint la

Révolution (2).
. (1) Arcbives du pr"sbytèr e de Garlan. .
(2) Un devis estimatif des peintures eL dorures à faire elll'ég'lise de Gai'lan,
du 29 juillet l.784, . signé Maisonneuve Poterel, mentionne des ,éparations
au retable du ·mallre-autel , remplacement de corlllclles, encadrements etc.,
estimés ~O livres. La peinture du retable et des statues est estimée 220
livres: celle de la chaire à prêcher 39 livres. (Arcb . du Finistère G. 529 bis).

- 129-

Les archives municipales de cette époque ont été mal heu- '
J'eusement détruites ou dispersées ' et nous n'avons pu
consulter qu'un lambeau de registre relatant les délibérations
du conseil général de septembre 1791 à octobre 1793. Ce
document n'est d'ailleurs pas à la mairie; il se trouve en la
possession d'un particulier. Voici ce qu'il nous li. appris sur

les événements survenus alors à Garlan.
M. Derrien et son vicaire M. François Lazou, refusèrent le
serment. Cependant ils ne furent pas remplacés à l'assemblée '
électorale du district de Morlaix, tenue le 27 mars 1791, et
ils restèrent eh fonctions sans être inquiétés jusqu'au mois
de décembre. Le 2 novembre, M. Rodolphe Tallien, procureur
de la commune, se plaint de leur refus formel de chanter un
Te Dp,um, le '16 octobre précédent, pour la solennité de
l'acceptation de la Constitution.

Le dimanche 11 décembre, M. Rohan, maire, demande au
recteur d'annoncer pour le lendemain la fête gardée de Saint­
Corentin, décrétée par Expilly dans tout le département du
Finistère. Mais M. Derrien déclare publiquement, au prône ,
de la grand'messe, 'avec « des propos indécents et des insultes
à la Constitution », qu'il ne reconnaît point l'autorité de
l'évêque intrus et ne la reconnaîtra jamais. Le maire doit
lui-même, à la sortie de l'église, annoncer la fêt.e, puis il
réunit le corps municipal pour délibérer sur les suites que
comporte l'incident. On décide l'arrestation du recteur et sa'
conduite devant le Directoire du district de Morlaix, sous

l'escorte de trois officiers municipaux chargés de dénoncer

« son incivisme et son refus d'obéir à la loi ». En même temps
est mené à Morlaix, (( sous bonne et sûre escorte Il, Jacques-,

. Louis Le Blonsart du Bois de la Roche, surpris dans l'église
au moment où il s'efforçait, armé d'un ciseau et d'un marteau,
d'enlever la pierre sacrée de l'autel de la chapelle de Saint-.
Laurent, « sous prétexte qu'il en étoit le seigneur Il , et où il

BULLETIN DE LA SOciÉTÉ ARCHÉO. - TOME XXXVI (Mémoires 9)

-' 1.30 ~
« décrioit par des propos incendiaires, devant un peuple
crédule, la Constitution françoise ». .
Le district de Morlaix condamna ce dernier à quelques
jours de détention, et à faire amende honorable sous forme

de déclaration consignée au registre, par laquelle il exprime
son repentir et promet d'agir désormais « avec plus de rete­ nue et de circonspection ». Quant à M. Derrien, jugé de

bonne prise, on l'emprisonna au château de Brest, ainsi que
son vicaire M. Lazou. Tous deux furent déportés en Espa­
gne. M. Lazou, revenu d'exil, se vit arrêter de nouveau, le
29 messidor an VI, dans une ferme de la commune de
Plougasnou.
Les registres de l'état civil sont signés, en janvier '1792,
par M. Lhermit, curé de Guimaëc, provisoirement à Garlan,
puis par M. Jean-François Pelleter, ex-dominicain de Morlaix,
aussi provisoirement à Morlaix, l'un et l'autre insermentés.
Le 1.6 mars 1.792, le maire annonçait, en ces termes pompeux,
au conseil général de la commune, la prochaine venue à
Garlan de M. François-Marie Laviec, ancien moine récollet
du couvent de Cuburien, qu'il avait quitté le 15 mai 1790
pour se retirer chez ses parents, au manoir de Kervanon, en
Plouignea u
« Le ciel, toujours propice à nos vœux, vient de mettre le
comble à notre bonheur en aidant à notre recherche d'un
prêtre constitutionnel. Il s'est trouvé, ce ministre qui va
donner une nouvelle splendeur à notre religion abandonnée
dans notre canton par des perfides qui, par une conduite tant
impolitique qu'immorale, ont laissé depuis longtemps le plus
saint ministère voguer à la merci des opinions di"erses qui
divisent aujourd'hui les Français. Cette paix que nous avons
perdue va sans doute retourner dans nos hameaux avec le
ministre désiré, qui obtient d'avance ]'.unanimité de notre
confiance ». Sur sa proposition, le conseil ' « ,considérant que

l'unique auberge du bourg est tenue par des p 'ersonnès d'une

131

opinion bien opposée à celle des vrais amis de la Constitution,
que les meubles et effets mobiliers du ci-devan t curé de
Garlan occupent actuellemerit les appartements du presbytère,
que ce curé est détenu au château de Brest pour cause de
trop de franchise dans une façon de penser nuisible à la
chose publique ll, arrête de prier . le district de Morlaix de
l'autoriser à réunir dans une seule pièce tout le mobilier de
M. Derrien, de manière à permettre à M. Laviec d'occuper
le reste du presbytère, dont la salle basse servait déjà, depuis
le Hi janvier, de local pour les réunions du conseil, tp.nues

auparavant à l'église. -
La paroisse de Garlan, supprimée après l'arrestation du
recteur, avait été rattachée, à titre de trêve ou de succur­
sale, à celle de Plouézoc'h, devenue chef-lieu de canton. Dans
une lettre adressee au District de Morlaix, le 13 avril1ï92,
M. Murvan, curé de Plouézoc'h, déclare qu'il a choisi
pour son vicaire à Garlan le sieur Laviec, prêtre asser­
menté, que ce dernier « y exerce les fonctions de son ministère

depuis le 18 mars, au grand applaudissement de la saine

partie de la succursale et qu'il désire se fixer parmy ce peuple
auquelîl est trés attaché et dont il a mébté la contiance »

Trois jours après, le 16 avril, M. Laviec rétractait par
écrit son serment et quittait Garlan. Il fut arrêté à Pontivy,
conduit à Morlaix et emprisonné le 12 mai au château de
Brest. Il dut être aussi déporté. En l'an VIII (1799) on le
retrouve notifiant à l'administration municipale de Plouézoc'h
-Son intention de résider dans cétte commune pour y exercer
le culte.

Son successeur à Garlan fut le citoyen François Martin,
installé le 21 avril selon certificat de M. Morvan, approuvé
par la municipalité le 23. Il loua le pourpris du presbytère et
acheta une des vaches de M. Derrien, lors de la vente à
,l'encan qur se fit du mobilier de l'ancien recteur. A sa sug­
'gestion, le conseil général prit, le 28 mai, une délibération
132 -

échanger la vieille croix d'argent, le soleil, le calice et
l'ostensoir, tous en mauvais état, contre d'autres plus conve-

nables provenant des églises supprimées. Déjà, le 27 février
précédent, le maire s'était rendu à Morlaix, chargé d'un
paquet d'ornements d'église hors d'usage, pour demander
qu'on les remplaçât. Cette démarche ne semble pas avoir eu
de succès, mais c'était, il faut le reconnaître, un ingé nieux
moyen de renouveler à peu de frais le trésor du « temple
constitutionnel n.
Le 20 mai 1ï92, le maire, escorté des officiers municipaux
et des notables, se rend au château du Bois de la Roche
« pour désarmer M. du Bois de la Roche n auquel on prend
« un fusil à deux coups, un fusil à un coup en fort mauvais

état et une vieille épée sans fourreau n.
Le 19 août, M. Martin, nommé curé de Lanhouarneau, est
remplacé par le sieur François-Marie Le Régu'er, natif de
Quimperlé, qui cumule avec ses fonctions vicariales celles'
d'officier de l'état·çivil et de secrétaire de la Société Républi-

caine siégant au manoir de Kerohant, sous la présidence de
l' instituteur, Rodolphe Taillen, ex-procureur de la comm une

et ex-administrateur (en 1791-92) du département du Finistère.
Le conseil général arrête, le 10 mars 1793, de planter un
arbre de la Liberté et d'acheter deux guidons pour la ga rd e na­ tionale. Le 19 juin, il entend donner lecture d'une lettre
« écrite en langue bretonne n, signée des citoyens Taillen et
Réguer, par laquelle la Société Républicaine réclame l'arres­
tation « du nommé Jacques Blonsart, dit Bois de la Roche )),
et, le 30 juin, il établit la liste des gens suspects de la
commune, mis en surveillance par ordre du District de
Morlaix. Ces dangereux aristocrates étaient « Denise Prigent,
cy-devant servante de Lazou, prêtre déporté, demeurant
section du Rascoet; Louis Le Rir (sans doute l'aubergiste du
bourg) et sa famille en entier; Marie Cars, servante de
133 -

devant château de Kervolongar; Louise Le Moal,servante
chez Philippe Lazou ; Yves-Louis Le Blonsart du Bois de la
Roche; Jacques Le Blonsart et sa mère, idem )).
Le procureur de la commune, Jean-Louis Le Cars, est
également dénoncé, ce même jour, par Alain Laour, officier
municipal, pour avoir dit, à l'auberge, qu'il ne permettrait

jamais à ses enfants d'assister aux offices du prêtre jureul\
et qu'il blâmait l'arrestation de Jacques Le Blonsart du Bois
de la Roche. A la séance du 28 juillet suivant, on accuse de
nouveau Le Cars de mettre des entraves à toutes les affaires
municipales, de protéger ouvertement les gens suspects, de
ne pas avoir publié la Constitution, parce qu'il la désapprouve,
« -en un mot, d'être un mauvais citoyen dans toute la force
du terme )) . Le conseil déclare qu'il ne prétend pas persécuter
Le Cars au sujet de ses opinions religieuses, mais qu'après
lui avoir accordé sa confiance, il s'estime libre de la lui
retirer, et décide de le faire dénoncer au Directoire du district
par deux officiers municipaux.

Le 4, août, le citoyen Sylvestre Denis, commissaire du
district, arrive à Garlan et fait procéder à un vote des citoyens
actifs Il pour savoir si le citoyen Le Cars avait perdu leur
confiance)). Cent vingt voix contre douze répondent affirma­
tivement. Mais Le Cars ne se tient pas pour battu; il persiste
à conserver sa charge de procureur de la commune et à
assister aux séances de la municipalité, en tenant énergique­
ment tête à ses adversaires, en disant qu'il conserverait
toujours « son respect)) à la famille Le Blonsart du Bois de
la Roche, et en troublant l'ordre au point de rendre toute déli ­ bération impossible. Le conseil arrête enfin de porter plainte
contre lui au département ou à la Convention; nous ne con­ naissons pas les suites de cette démarche.
Le 29 septembre, l'assemblée municipale demande au
. district de Morlaix « une bonne cloche à la place de la cloche
fendue, un ornement complet fond blanc pour les jours de

134 .'

solennité, un voile pour porter le Saint-Sacrement en proces-
sion, quelques aubes, amicts et ceintures, six chandelliers
' pour le maître-autel, quelques nappes pour couvrir les autels,
un ornement propre en noir et un soleil Il ,
Ici se termine le registre incomplet où nous avons puisé
les dét.ails qui précèdent. Nous savo ns seulement que le
citoyen vicaire Le Réguer Unit par renoncer au sacerdoce et
par déposer ses lettres de prêtrise, le 11 vendémiaire a n II,
au Directoire du district de M orlaix. L' ex- dominicain Pelleter
n'avait pas quitté la co mmune et s'y était tenu caché pendant
toute la Terreur, continuant à exercer le ministère sac'ré à
travers mille périls. Le '14 germ inal an IV, il se présente au
bureau municipal de Morlaix et y fait la déclaration. de
résid ence exigée ,par la loi, mais doit bientôt regagner sa
retraite, après le décret du 7 vendémiaire suivant.
L'ancien recteur, M, Derrien, revint à Garlan vers J'époque
du Concordat, mais il ne reprit pas la directi on de la paroisse
et la laissa co nfier à un nouveau pasteur, se contentant lui­
même du titre de prêtre habitué. Il passa ses dernières années

entouré de la vénération due à ses épreuves et à ses vertus;
Un de ces successeurs a laissé également une mémoire
respectée. C'est M, Charles-Félix Le Gac de Lansa lut, ancien
et derni er chano ine de la co ll égiale du Mur à Morlaix,
chan oine de Quimper et de M ea ux, recteur de Garlan, décédé
à Morlaix le 19 mai 1846, à J'âge de 72 ans.

Quittons maintenant le bourg, et commençons notre
excursion dans la commùne en suivant la route de Morlaix
que nous abandonnons bientôt pour descendre vers la rivière
du Dourdu par le joli chemin vert de Mezo umanac' h. Au
carrefour, nous croisons la voie romaIne de Brest à Cherbourg,
vieille sente broussailleu se, rétrécie et creusée, qui fut jadis
la grande artère du pélerinage natio nal des Sept-Saints de

, , 135
encore une motte d'environ cinq mètres de ha ut~ur, dite
Tossen ar C'han (la butte du combat?) qui, d'après la tradi­
tion locale, fut élevée lors du déluge et surmontée d'une haute

tour où se réfugièrent vainement un puissant chef du pays et
sa famille, puis elle va franchir le Dourdu au vieux moulin

gothique de Kerohalll, et côtoie le cours d'eau jusqu'au
hameau de Kermouster, groupé autour des ruines de la
chapelle de Saint-Mélar, où elle aborde les pentes montueuses
et dénudées du plateau de Lanmeur,
Mezoumanac'h (Meas en Manach, dans les réformations de

'1427 et de 1481) était une métairie noble appartenant aux
seigneurs de Boiséon. En 148'1, elle était tenue ' par Allain

Le Jeune, partable, qui payait 14 paresarts (1) froment de
rente annuelle, et manœuvrait 13 arpents de terre. Le compte
du domaine de Boiséon que nous avons déjà cité, contient cet
article pour l'année 1599: « Suplye ledit comptable àvoir allo­
cation et descharge de la somme de neufI livres tournoys par
il froyé en ladite année 1599 par les mains de Tugdoal Pappe,
tant aux repparations des couvertures, portes et fenestres
en la mestairye de Mesoumanach, en laquelle Pappe demeure,
que pour avoir fait esmonder, meltre en fagotz et mulons les
esmondes de la rabine de ladite mestairye, pour faire rendre
au chasteau de Morlaix, Messieurs les enfIentz y estant lors. )j
Nous traversons le Dourdu sur un pont rustique formé de
quatre grosses pierres, près du moulin du Bois de la Roche,
en un site charmant. Le vieux moulin seigneurial reflète ses
pignons tapissés de lierre dans un calme pelit étang , encadré
d'humides prairies et dominé par une sorte de falaise rocheuse,
taillée presqu'à pic, que couronnent les murailles grisâtres
et les grands toits moussus du château. Le Bois de la Roche
.est un long édifice du dix-septième siècle, sans caractère archi­ tectural, converti depuis longtemps en ferme, Au devant
(i) Ou quartiers, mesure qui équivaut à présent à l'hectolitre. On pro-
nO)lCe en breton : paleuartz. .

136 -
règne un e cour immense, bordée à ga uche par une esplanade
qui a perdu ses ombrages, mais a conservé son nom de l'Allee
de Madame. A l'angle du jardin existe la chapelle, modeste
oratoire abritant une seule statue, une belle Vierge-Mère du
temps de Louis XIV. Le colombier se dresse encore, malgré
ses brèches et ses lézardes, ,dans un champ au Sud de l'habi­ tation. Le versa nt Nord de la colline est couvert d'un bois
toulIu de sapins, qui descend jusqu'à la chapelle croulante
de Saint-Hubert, en bordure de l'ancienne route de Morlaix
'à Lanmeur.

La réforma tion de 1427 attribue Je Bois de la Roche au
seigneur de .Lescoulouarn, Eon Foucault, capitaine de Con­
'carn eau en 1413, chevalier en 1420 dans l'armée levée
'contre les Penthièvre. En 1481, ce lieu appartenait à Jeanne
Foucault, dame de Lescoulouarn, l'Armoriqu e, le Bois de la
Roche, veuve en premières noces de Jean de Langueouez,
sei, gneur dudit li eu, et remariée à Guillaume de Penhoët, sei­
gneur de la Marche. Il passa ensuite, pal' alliance, aux
Talhouët, et fut vendu, vers '1544, par Jacques de Guengat
et Marie-Jea nne de Talhouët, sa femm e, seigneur et dame de
' Langueouez, à un mai'chand morlaisien nommé François Le
Blonsart.
La famill e Le Blonsart se prétendait de vieille noblesse,
et citait, comme preuve, un vitrail de 1503 dans l'église de
Saint·Melaine de Morlaix, où se voyait la représentation de
Yvon Le Blonsart « arm é, botté, espronné, avecq sa cotte
d'arm es ,portant son es cu qui est d'argent à. une fac e échi-

quetée de sable avecq ,un hesan en juveigneurie escartelé avecq
')es alliances de sa mère (Gilette de Coëtquis) et de sa femme
( Tiphaine Le Borgne)... et led it Yvon ne pouvoit pass~r
pour un roturi er, encor moins pour un marchand, puisqu'on
le peint avecq une colle d'arm es, so n espée au costé, qui

, n'est point l'habit d'un marchand ny d'un païsan, mais d'un
gen tilhomm e et d'un escuier» (1 ). Cet argument manque

137
quelque peu de solidité, car le donateur d'une autre verrière
qui orne encore l'une des fenêtres de l'ancienne église des
Récollets de Cuburien, près Morlaix, était un certain Jean Le
Barbu, sieur de Bigodou, riche négociant du seizième siècle,
que des comptes de l'époque nous montrent exportant des
toiles en Espagne et ouvrant lui-même boutique à , Séville;
et pourtant il apparaît, agenouillé au bas du vitrail, avec un
harnais complet de combat et armé de pied en cap, casque à
plumet rouge, brassards, cuissards et corselet d'acier bla- '
sonné de ses armoiries. Du reste, Jean Le Barbu avait le
droit de se faire peindre en ce belliqueux appareil, et l'an­ tique lignée à laquelle il se rattachait comptait parmi ses
illustrations, en même temps que des chanceliers de Bretagne
et des évêques de Nantes, de Vannes, de Léon , maints preux
écuyers et chevaliers . Son cas était celui d'Yvon Le Blonsart
et d'une foule d'autres cadets de famille, qui, attirés par
l'appât d'un gain facile et la perspective d'une fortune promp­
tement édifiée, laissaient « leur noblesse dormir » et
accouraient à Morlaix se livrer au négoce, surtout à ce com­
merce de toiles avec l'Espagne, qui donnait lieu à des transac­
tions si importantes qu'on a pu en évaluer le montant annuel à
une trentaine de millions pour la période antérieure à la Ligue.
Les plus chanceux entassaient rapidement dans leurs co lIres
ducats d'or, écus soleil, écus couronnés, grands portugal ois ;
puis, lorsqu'ils jugeaient leur richesse suffisante, ils faisaient
au greffe royal une déclaration de vouloir désormais « vivre
noblement Il, et s'en allaient mener dans quelque manoir
rural acquis à beaux deniers comptants, une existence
heureuse et tranquille de gentilshommes aisés .

Les titres de la famille Le Blonsart désignent Olivier Le

Blonsarl, époux en '1459 de Gilette de Coatquis, comme le

premier auteur connu de celle maison. Son fils aîné Olivier
Le Blonsart, sieur des Isles en Guimaëc et de Kersabiec en

138 -
Plounévez-Lochrist, épousa An ne Doudron, et fut père de
Jean, archer en brigandine aux montres de '1479-1503 en
l'évêché de _ Léon, marié à Marguerite Keraudy, desquels

issut François Le Blonsart, sieur des Isles et de Kersabiec,
allié à Fiacre de Kergus. Leur fils Jean, époux en '1530 de
'Marguerite de Kerzéan, ne laissa que deux filles dont l'aînée,
Plézou Le Blonsart, dame de Kersabiec-, se maria dans la
famille de Kerouzéré_
Yvon Le Blonsart, second fils d'Olivier et de Gilette de
Coatquis, épousa Tiphaine Le Borgne. En -150'1, son neveu
Jean Le Blonsart, sieur de Kersabiec, lui céda le droit qu'il
avait en la chapelle de Saint-Isidore, qu'on bâtissait dans
l'église de Saint-Melaine de Morlaix, ' alors en construc­ tion,e! Yvon Le Blonsart la décora d'une verrière coloriée où il
fit placer son effigie, celle de sa femme et de ses enfants . L'aîné
de ceux-ci, Jean Le Blonsart, eut de sa première femme
Marie Morice Yvon Le Blonsart. sieur de Coatsech et de
Kerilly, marié à Adelice de la Rive, el père de Marie Le
Blonsart, qui épousa Jean de Trogoff, sieur de Coëtmenguy
en Ploujean. Le cadet, Nicolas Le· Blonsart, vivant en 1513,
époux de Françoise Le Noblet, laissa deux fils, François,
auteur de la branche du Bois de la Roche et Jean, auteur de
la branche de Kertan guy_
François Le Blonsart amassa en commerçant une assez
grosse fortune, qui lui permit d'acquérir le manoir du Bois de
la Roche des seigneur et dame de Langueouez (acte d'appro­
priement du 14 janvier 1546 dans sept convenants dudit lieu).
Il (( quitta le trafic)) en '1554 et se retira dans ses terres avec
sa femme Sylvaine Lhonoré, dame de Kerlaouénan, qu'il avait
épousée par contrat du 12 décembre 15-l5. Son fils aîné Fran­ çois, auquel il fit suivre la carrière des armes, fut tué sous
Henri III au siège d'une place forte, n'ayant eu de son mariage
avec Jeanne Le Bihan, qu'un fils et une fille morts tous deux
sans alliance avant 1586. Son second fils Yves, seigneur du

- 139 -'
Bois de la Roche et de Kerlaouénan, continua la filiation et
épousa Péri ne Bidégan, dont neuf enfants baptisés à Garlan
et à Saint-Mathieu de Morlaix de 1588 à 1610.
A l'époque de la Ligue, Yves Le Blonsart était lieu tenant de
la paroisse de Garlan. Il vécut jusqu'en 1632, et succomba à

une terrible épidémie de pesle qui anéantit sa famille presque

toute entière. Cette lugubre série de décès débuta prlr la mort
de cinq de ses enfants; Suzanne Le Blonsart, dame de Poul­
ra n t décédée le 26 octobre 163'1 ; Marguerite, dame de Tierglas,
le 19 novembre; Gilles, sieur de Pratmeur, le 5 décemb,re ;
Yves, sieur de Penanguern, le 6 janvier 163~ ; Denise, dame

de Mesdon, enterrée le 14 janvier dans la chapelle de Sainl-
Hubert. Quatre jours après, le père et la mère, Yves Le Blon­ sarl, et Péri ne Bidégan, seigneur et dame du Bois de la Roche,
étaient emportés ensemble, le 18 janvier, et le fléau qui
s'acharnait à dépeupler leur manoir fit encore une dernière
victime en .la personne de Guillaume Le Blonsart, sieur du

Prajou ,mort le 23 janvier. Deux des enfants, François et

Périne, échappèrent seuls à la contagion,
François Le Blonsart, seigneur du Bois de la Roche, Ker-

vennou, Kerphélippe, etc" épousa ~ 1° en 1632 Françoise du
Largez, fille de Vincent du Largez, seigneur de Kerancrec'h,

Kerdelahaye, et de Marie de la Boissière; 2° en 1662 Fran-
çoisede KeITet, damede Kerdeniou. En 1640, il eut à soutenir,

de concert avec son cousin François Le Blonsart de Kertanguy,
un curieux procès contre François de Kermabon, seigneur de
Kerprigen t, qui revendiq ua i t, corn me représen tant la bl~a nche
aînée des Le Blonsart, sa part des prééminences de la chapelle
de Saint-Isidore, en l'église de Saint-Mélaine, et le droit
d'apposer son écusson au plus haut soumet de la vitre. En
1666, François Le Blonsart fournit un cavalier à la 8

com­
pagnie de l'arrière-ban de l'évêché de Tréguier, chargée
d'occuper le poste de la pointe de Locquirec (1), et fut main-

(1) Archives des Côtes-du-Nord. C_ 7.

140 -
tenu, ainsi que son fils aîné Gabl'iel-René, issu du premier
lit, en qUalité d'écuyers d'extraction, par anêt de la Chambre
de la Réformation, rendu le 22 juillet 1670. Son acte de décès,
en date du 20 décembre 1672, le qualifie de (C capitaine de
l'infanterie de la paroisse de Garlan. ))
De son premier mariage issut Yves Le Blonsart, seigneur
du Bois de la Rocbe, le Plessis, Kerpbélippe, Goashalec, marié

en 1657 à Jeanne-Louise de Lestel, fille de feu Jacqués de
Lestel et de Marie Cocenneuc, seigneur et dame de la Boulle,
Kerlevenez. Il mourut en 1681, laissant un seul fils, Gabriel­
René Le Blonsart, seigneur du BDis rie la Roche, qui avait
épousé en 1675 Constance-Françoise du Drézit, fille de Claude
du Drézit, seigneur de Ponthuét, cornette de la cavalerie de
l'arrière-ban de l'évêché de Tréguier dans le quartier dfl
Lannion et de feue dame Françoise Gargian, dame de la Vil­
leneuve, Kerguiniou. Il est ainsi mentionné dans le rôle de la
capitation de 1703 (1) pour la paroisse de bua.Tla.n.
« Le sieur du Bois de la Roche Blonssart, quarante livres.
Un vallet et ulle servan te trois livres.
Nota. qu'il déclare un domestique de moins. ))
Gabriel-René Le Blonsart décéda en 1720. Son fils aîné, Mes­ sire Yves Le Blonsart, seigneur du Bois de la Roche, né
en 1692, fut marié: 1° en 1721, à Louise-Lucrèce de l'Estan g,
fille d'écuyer Yves de l'Estang, seigneur de Kerogon et de

Guyonne-Perrine Morice ; 2° en 1734, à Françoise-Arthure de
Kerémar, fille d'écuyer Mathurin-François de Kerémar et de
Marie Landois. Sa première femme lui donna plusieurs
enfants, entre autres Messire Yves-Louis Le Blonsart, chef
de nom et d'armes. chevalie.r, seigneur du Bois de la Roche,
époux en 1758 de Marthe-Julie Le Naigre de la Pancherie, et
François-Marie Le. Blonsart, cheva lier du Bois de la Roche,
allié à Marie-Jeanne-Hyacinthe du Parc de Kerrel.
Ce dernier, emprisonné à Morlaix pendant la Terreur,

(i) Arch. de M. de Bergevin.

141
mourut à l'hôpital le 25 ventôse an II, fi l'âge de 67 ans, il
n'avait qu'une fille, Jeanne-Louise Le BJonsart, mariée en
.1793 à son cousin-germain Hubert-Jean Le Blonsart du
Bois de la Roche, sous-lieutenant au régiment dè Penthiè­
vre en 1ï84, second fils de Yves-Louis et de Marthe-Julie Le
Naigre. La famille Le Blonsart semble n'avoir pas émigré
lors de la Révolution, mais elle fut plus d'une fois inquiétée
et molestée par les autorités de Garlan, qui en voulaient sur­
tout . au fils aîné Jacques-Louis, jeune homme hardi et vif,
quelque peu cerveau brûlé, chasseur et buveur intrépide,
grand coureur de pardons, de lunes, d'aires neuves, fort popu­
laire d'ailleurs dans le pays. Le conseil général essaya de se
débarrasser de lui en l'enrôlant d'office, le 19 août 1792, parmi
le contingent de 478 hommes dont le département avait
ordonné la levée dans le district de Morlaix, et en lui adjoi­
gnant cinq autres pauvres diables, tous suspects de Lièdeur
envers la Constitution. Jacques Le Blonsart ne se souciait
point d'aller aux frontières combattre pour un régime qui
n'avait pas ses sympathies; aussi refusa-t- il de marcher et con­
tinua-t-il de faire le désespoir de la municipalité, qui se décida
enfin, le 19 juin 1793, à le mettre en état d'arrestation et à
l'envoyer en prison à Morlaix; le 30 suivant, sa famille était
mise en surveillance. Nous ignorons ce qu'il advint de lui.
En 1806, les Le Blonsart résidaient encore à leur château

du Bois de la Roche, qu'ils paraissent avciiraliéné peu de

temps après, car Mme Le Blonsart, née Le Naigre, mou·
rut en 1810 à la maison de Mezoumanac'h, en Garlan, où elle
habitait. Acquise par les de Cillart, la propriété du Bois de
la Roche a depuis été vendue aux de Forsanz. La famille
Le Blonsart du Bois de la Roche est aujourd'hui très honora­
blement représentée par les descendants de Jean-MarJe Le
Blonsart, fils d'Hubert-Jean et de Jeanne-Louise Le Blonsart,
et de sa femme Françoise-Emilie Le Jeune. .
~n gagnant la vieille grande route de Morlaix à 'Lannion,

142
on rencontre près de la rivière du DOUl'du, sur la lisière du
bois, les ruines de la chapelle dé Saint-Hubert, amas de dé­
combres couverts de lierre et de ronces, d'où émergent
quelques pans de murailles voués à un e chute .prochaine.
CeLLe chapelle, construite au XVe siècle, avait la forme d'une
croix grecque, avec un chœur flanqué de deux chapelles laté

raies; à gauche du maître-a~te l, dont la table de pierre gît à
demi enfouie sous les débris du chevet, une console figure un
personnage grotesque dépliant une banderolle qui offre l'in s­
pription suivante en caractères gothiques :

LAN: MILCCCCLXXV (1475): COMANCEE: CETTE: CHAP:
Au bord du chemin se dresse une haute croix de granit,
au dé chargé d'une autre inscription gothique à peu près
indéchiffrable qui commence ainsi: ceste: t : fut: f'aicte ...
Le pardon de Saint-Hubert est tombé en désuétude; cepen­
dant, on fait encore volontiers des offrandes au saint, qui a
sa statu e moderne dans l'église paroissiale, et l'on vient de
loin puiser de l'eau à la fontaine consacrée, située à l'Ouest
de la chapell e, de l'autre côté du pont. Cette eau a, parait-il ,
des propriétés curatives pour les maladies de la gent porcine.
Les seigneurs du Bois de la Roche étaient fondateurs de la
chapelle de Saint-Hubert où fut célébré, en ' 1654, le mariage
d'écuyer Pierre Laz, seigneur de Coëtgourhant, de la paroisse
de Louannec, et de demoiselle Françoise Le Blonsart, fille

d'écuyer François Le Blonsart et de Fran çoise du Largez,
seigneur et dame du Bois cie la Roche . Le 20 octobre 1783,
le recleur de Garlan y bénit aussi l'union de Messire Am­
broise-Marie de May de Kerjenetal, ,chef de nom et d'armes,
seigneur de la Villeneuve, Penanalé, Coscastel, capitaine de

la compagnie des canonniers de Plouénan, ' et de demoiselle
Nicole-Renée Le Blonsart. Quelques unes des statu es sont
conservées au château.

, Le vallon de Saint-Hubert avait jadis une ' fâcheuse, répu ,

-" 143 '
talion . Le bois et les taillis qui ' entourent. ce lIeu ' désert
servaient de retraite à des voleurs, et les passants attardés, '
les marchands revenanl des foires à la brune de nuit, cou­
raient le ri sque d'être détroussés et roués de coups. C'était
l'un de ces Toul-al'-H ac'hadou (trou des bastonnades), de ces
coupe-gorges hantés de so uven irs sinistres qu'on rencontre
fréquemment sur les anciennes routes de Basse-Bretagne. Le
fameux brigand trégorrois Yan Maree guetta plus d'une fois
la diligence de Lannion, au passage du pont de Saint-Hubert,
l'un des cinq endroits dangereux du chemin entre Pleslin et
Morlaix. Aujourd'hui la sécurité y est complète, à minuit
comme à midi, et nous pouvons, sans craindre aucune,
mauvaise rencontre, gravir le raidillon qui mène au populeux
hameau du Bois de la Rocbe, auquel le manoir voisin a
donné son nom,

La réformation de 1481 mentionne, au village de Coëtan­
Toch, quatre maisons et métairies franches. Prigent an Aour
limait neuf arpents de terre à convenant de la dame de Les­ coulouarn, moyennant un e rente de seize paresarts froment.
Jehan Berthou manœuvrait douze arpents de terre apparte-

nant à Chrétien Le Garrec, pour vingt raresarts froment de'
rente « lequel lieu fut autrefoys à Jehan Petit, lequel le
transporta à Maistre Guille Berthou, chanoine de Notre­ Dame de Nantes, et par premesse le restreint ledit Xpien
Le Garrec. )) Ollivier Toupin possédait au Bois de la Roche
une maison affranchie par lettres du duc, données le -13 mars
1436 (v. s.), en faveur de Jehan Coëtsaoff. avec rabat d'un
demi-feu à la paroisse. Cette mai so n lui venait de sa mère,

fille dudit Jehan, mariée à Guyon Toupin, et il la louait à

Guyon Guyomarch moyennant une rente de treize pal'esarts
froment. Enfin, la maison de Jehan Quelen, anoblie par
lettres du duc datées du 13 juin '1442, avec. rabat d'un demi­
feu, en faveur d'Ollivier Guyomarch, était d'un revenu de
dix paresa/'ls froment.

144 -
Pllis tard, on trouve noble homme Paul Jaffrez (ou Geffroy), ..
sieur du Bois de la Roche, marié à Saint-Melaine de Mor­ laix, le 17 juin 1608, à demoise lle Marguerite Kermerchou .

Il eut plusieurs enfants baptisés de 1G09 à 1620, était en 1629
enseigne au châtea u du Taurea u, et mourut en Saint-Melaine,
le 2'1 juin 163t ; sa femme lui survécut jusq u'en 1648 (1).
Honorable homme François Héliès, de Morlaix, rend aveu le
10 août 1673 à la seignerie de Boiséon pour une mai son au
Bois de la Roche, par lui acquise d'écu yer Pierre de Kersaint­
gilly, sip,ur de la Villejégu, lieutenant au siège royal de Lan­ meur (2). Honorable marchand Ollivier Coll ee et sa femm e
J ea nne Le Brigant, se qualifient vers la œême époque de
sieur et dame du Bois de la Roch e dans l'acte du baptême de
leur fill e Marie Collee, administré à Saint-Martin, de Morlaix,
le 13 juin 16M (3) . Cette Marie Collee épousa écuyer Maurice

Guillouzou, seigneur de Keredern, maire de Morlaix en 1678,
mort en 1706 capitaine de la paroisse de Plestin, à son
manoir de · Portzpozen, laissan t quatre fill es dont une seule
mariée, Olive-Agnès Guillouzou , dame de Kerédern, Portz­
pozen, le Bois de la Roche, qui épousa ce François Le Brigant,
sieur du Parc. négociant à Morlaix, qu'on a vu figurer comme
parrain, le 14 mai 1730, à la bénédiction de la grande
cloche de Garlan.
Le 28 vendémiaire, an VII (17 octobre 1798), l'agen t
national de Garlan dénon ce à l'administration du canton de
Plouézoc'h « un e rixe considéra ble», qui venait d'avoir li eu

près de l'auberge du Bois de la Roclle, entre des soldats et des
paysans. Ne uf de ces derniers furent blessés par leurs adver- .
saires, dont on ne put maîtriser la fureur qu'en sonnant le
tocsin à r église paroissiale pour appeler du secours (4) .

·(i) Reg . par. de Saint-Melaine.
(2) Arch. de M. de Bergevin.

(3) Reg. pal'. de Saint-Martin.
(4) Arch. communales de Plouézoc'h.

. 145
Au Sud du village existe la ferme de Kerouallan, qui a rerri­
placé un manoir possédé en 1427 par Jehan Provost ; sa fille,
Constance Provost, é(Jousa Guyon Toupin, cité dans la réfor­
mation de 1481, comme possesseur de « Kergoalen JJ. et
qui parut parmi les nobles de Garlan, en archer en brigandine,
aux montres tenues à Lannion la même année. En 1535,
Kerouallan était à François Toupitl, seigneur de Kervenniou,
en Plouigneau, et il passa ensuite aux Calloët de Lanidy. En
1666, les sieurs du Favet Calloët et de Trohom Calloët four­
nissent un cavalier à l'arrière-ban du Tréguier (5). à cause
de leur terre de Kerouallan. De ce manoir dépendait une
arcade et enfeu dans l'église de Garlan.
En continuant à suivre le vieux chemin qui s'élève sur les
pentes Ouest du plateau de Lanmeur, on rencontre à gauche
les trois hameaux tout voisins de la Boissière, al' Veuzit, de
Porsmoguer et de Rozarbeuz. Ce groupement de nomssigni­
ficaLifs doit déceler l'existence de ruines anciennes, des
débris de quelque villa gallo-roma ine. Pourtant, les paysans
nous ont dit n'avoir jamais trouvé, en travaillant leurs terres,
de fragments de briques ou de tuiles, et n'ont pu nous indi­
quer que des vestiges de murailles bordant le courtil de
Porsmoguer, murailles dont la maçonnerie informe n'a aucun
caractère et ne semble pas remonter à une date bien reculée.
La réformation de 1481 mentionne, au village de en Beussit;
(1 la maison de Richart Quintin, en laquelle demeure Guil"
. laume Guyomarch, partable, . et est lieu eXflmpt pour avoit
baillé descharge à ladite paroisse (de Garlan) de tiers de
feu )J . Yvon Quintin, père de Richard, avait obtenu du duc
Jean V des !ellres d'affranchissement perpétuel en date du
11 juillet 1442 pour sa maison de la Boissière, mais à la

vérification, il fut dit que ces lettres n'auraient d'erret que
durant le bon plaisir du duc. Richard Quintin, sieur de
Coatamour (en Ploujean) et de la Boissière, fut anobli . en
(5) Arch. des Côles-du-Nord, C. 7. . '
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÊO. - TOME XXXVI (Mémoires 10)

- 146 0

1491 par la duchesse Anne, ainsi que son fils FrançOls, ' pèr~
de : Philippe Qujntin~ sieur de Coatanfrotter '(en Lanmeurt
cité dans la l;éformaLlon de 1535 comme possesseur du Beuzit,
. Au dix-septième siècle ceLLe terre passa à la famillè Lollivier
par le 111ariage de Marie Quintin, fille' et héritière d'écuyer
Àntoine Quintin, sieur de Coatamour, la Boissière, le Rase

c'üët, sénéchal de Morlaix en 1608, et de Marie Le Gualès,avec
ééuyei' Yves "Lollivier, sieur ' de Lochrist et de Saint-Maur.
Elle a depuis appartenu aux de Kerprigent. La maison prin-

bipale il. été refaite, mais ses dépendances ont gardé quelques

porles moulurées et fenêtres ornées d'accolades.

Les fermes de Kermoisan et de Kergadiou, situées dans les
mêmes parages, sont aussi d'anciens lieux nobles. En 142ï,
Marguerite Kerlan avait un métayer exempt à sa terre dé
Kellffioisan, possédée en 148-1 par sa pelite-fille Constance
Provost, femme de Guyon Toupin. En 1535, Kermoisan et
, I{ergadiou étaient à Francois Toupin, seigneur de Kervenniou,
en Plouigneau.
Au-dess us de la Boissière, à la côte 106 d'altitude, on dé­
couvre, en un point déjà remarqué par Cambry (1), uri
p' aysagr. d'une ampleur considérable. Presque tout le bassin
du Dourdu s'étale sous nos yeux, avec ses mille vallonnets
rafraîchis par a u ta n t de ruissea ux, ses hameau x épa rpillés
sur lesversanls, à demi cachés derrière un bouquet de vieux
frênes bu une haie d'aubépines fleuries, ses futaies de ma­
noit's, ses croupes arrondies sur lesquelles des talus ver­
doyants hérissés de chênes écotés, se croisent el s'entremêlent
én un lacis inextricable. Çà et là, des clochers s'élancent,
signalant Garlan, Ploujean, Plouigneau, Plouézoc'h, et
d'autres bourgs plus lointains. A l'Ouest, entre deux collines,
un triangle d'eau bleue brille au fond de la rade de Morlaix,

et les crêtes tour à tour dentelées et onduleuses des montagnes
d'Aàéé s'estompent à l'extrême horizon dans une brume nacrée.

(1) Voyage dans le Finistère en 1794, t. I, pages 2 et 162.

III

Revenons à prés~nt sur nos pas, dans la direction de
Morlaix. Après avoir franchi de nouveau le Dourdu et atteint

le carrefour des routes de Lanmeur et de Garlan, nous voyons
à gauche émerger d'un bouquet de feuillage tout un ensembl~

de toitures aiguës, de sveltes poivrières, de girouettes élancées.
C'est la vieille maison forte de Kervézec, qui nous montre
bientôt, à l'extrémité d'une courte avenue, son portail garni
d'une martiale rangée de mâchicoulis, et qui offre encore,
malgré certains remaniements, l'aspect sous lequel l'a décrit
M. Pol de Courcy, celui d'une de ces gentilhommières du
seizième siècle dont parle Noël du Fail, « basties de moyenne
force pour faire teste aux voleurs et coureurs )).
Le manoir de Kervézec porte la date de 1568, mais jus-

qu'ici il .llous a été impossible de découvrir, malgré nos
recherches, à quelle famille il faut attribuer sa construction.
L'aspect de ses bâtiments, d'un genre plus soigné et plus
monumental que celui des simples « maisons nobles )), le
souCi de mellre le logis à l'abri d'un coup de main, révélé par
les défenses du portail et les nombreuses meurtrières pra ti-

quées çà et là, tout indique que Kervézec a été édifié et habité

par une lignée seigneuriale de quelque importance. Un
écusson existe bien, encastré dans l'arrière façade, mais les

révolutionnaires l'ont martelé, nous privant ainsi d'une indi-
cation décisive. Kervézec n'est pas cité comme terre noble
aux réformations de 148'1 et de 1535. Les registres paroissiaux
de Garlan, existant depuis 1579, ne contiennent, pendant
près d'un siècle, aucune mention se rapportant aux seigneurs
de Kervézec, et il faut descendre jusqu'en plein règne de
Louis XIV pour trouver cet élégant manoir devenu la pro­
priété d'un roturier, d'un marchand de Morlaix, qui ne le
détenait sans doute 'que par voie d'acquêt. Il y a, dans ces
origines obscures, un petit problème assez curieux dont la
solution jusqu'ici nous échappe. Si quelque chose devait nous

148 -
éon soler de ne savoir le résoudre, c'est la pensée que M. de
Courcy, l'éminent généalogiste, héraldiste et archéologue
breton, propriétaire en son vivant de Kervézec, mieux
pl acé par conséquent que qui co nque po ur co nnaître le passe
de son manoir, pa rtageait notre ignorance, et que la sienne
était même plus compl ète encore, puisque dans une lettre
adressée en 18ï 4 à M. Guillotou de I\ erever, il n'avoue n'avoir
sur Kervézec aucun docum ent an térieur au parta ge fait à
Morlaix le 2ï fév rier 1731 entre Anto ine Guillotou, sieur de

Kerdu et son frère puîné Pri gent Guillotou, sieur de Launay.
Grâce aux registres de Garla n et. à ceux de Saint-Marlin de
Mo rl aix, no us avons pu remonter à une péri ode antéri eure de
cinquante ans. Nobles gens Guy Balavenneet Catherine
Le Voyer, sieur et dame de Kervézec, ont des enfants bapti­
sés à Lanmeur en 16'1 8 et 1619. S'agit-il du Kervézec de
Ga rlan ? C'est poss ible, mais ri en ne le prouve, ce nom de lieu
éta nt très répa ndu dans la région de M orlai x.
Le premier acte des registres de Ga rlan où il est qu es tion
de Kervézec est celui qui relate la bénédiction de la cl oche de
la chapelle domes tique, en 1665 :
« Ce jour fes te de l' Ascension de NO, stre Seigneur Jésus­
Chri st qu ato rzi esme du mois de may mil six centz soixante
cinq, nous recteur et preslres de la paroisse de Garlan, avon s
vacqué à la bénédiction solennelle d' une cloche pesa nte cin­
quante livres pour servir à la chapell e de Nostre Dame de
Laurette au ma noir de I):vezec, à laquelle escuyer François

Le Blonsart, sieur du Bois de la Roche, et demoiselle Frall-
çoise Barazer, fill e de Monsieur Lannurien de Morlaix, ont
imposé le nom et recquis la bénédi ction à la plus grande
gloire de Dieu et sous l'in voca tion de Sq,int François.
(Signé) H. Pri maigné, recteur F. Le Brizec, pbre -
. Y. Guéguen, pbre. »
Cet acte ne spécifie point le possesseur du manoir de

- 149 -
Roche, car on ne le rencontre jamais f{ualifié de seigneur de
Kervézec dans les nombreux extrails d'état-civil que nous
avons le concernant Peut-être est-ce II Monsieur Lanllurien )l
c'est-à-dire noble homme Hervé Barazer, sieur de Lannurien,
bourgeois el négocianl du faubourg Saint-Marlin de Mol'iaix,
époux de Jeanne l\1ordellet et père de Françoi se Barazer. mar­
raine de la cloche? Quoi qu'il en so il. c'est seulelTient la
note suivante, dalée de 1(j(iï. qui désigne expréssément les
propriétaires du li eu :

II Benediction de la croix de l):vezec au grand chemin de
Morlaix en Lanmeur.
II Le dix neuffiesme jour du mois de may mil six centz
soixante sep l, nous, recteur de la paroisse de Garlan. assislé
de notre clergé et de la pluspart des babitans, au relour de
la procession qui se faict annuellement au jour de la susdite
feste en la chapel le de Nostre Dame de Laurette au manoir de
I);vezec, avons vacqué à la bénédiction et adoration d'une
croix de pierre de gra in nommée vulgairement la cro ix de
Kvezec, construicte nouvellement par les soins et piété de
n. h. François Rolland et de Jeanne Sancquer, seigneurs
dudit lieu de I);vezec, demeurant en la ville de Morlaix
paroisse de Sainct-Martin ll .
François Rolland, sieur de Kergré, ou Kergrech, riche
marchand de la rue de Bourret à Morlaix, n'appartenait,
croyons-nous, à aucune des familles Rolland mentionnées
dans le NohiLiaire de M. de Courcy. Il était frère de Maurice
Rolland, recteur de Plufllr, inhumé dans l'église de Saint­
Martin le 16 septembre 1659, et qui fut en ' 1651 parrain du
fils aîné de François Rolland et de Jeanne Sancquer. Ces
derniers eurent, de 1651 à 1662, huit enfants baptisés à
Saint-Martin, parmi lesquels Jean-Joseph Rolland, sieur de
Kervézec, mort sans alliance le 9 juillet 1682, à l'âge de 29
ans, et en terré à Saint-Martin, et Ca theri lle-Angèle Rolla nd,
mariée à Saint-Martin, le 25 mai 1681, à noblebomme fran-

151 , ,

çois Conan,·sieul' de Kernocher. Leurs enfa'nts héritè.rent,dq ~
manoir de 'Kervézec, mais ne laissèrent pas ,de descendance, . et
leurs biens passèrent par voie de succession collatérale à la.,
famille Guillotou, p.n raison du mariage de noble homme Pri-i
gent Guilloloo, sieur de Launay, fils cadet de Gilles Guillolou,'
sieur de Kerever, marchand drapier à Morlaix en 1650" et
d'Anne Prigent, avec Marie-Moricette Conan, fille d'Antoine
Conan et de Blaise Le Gall, sieur et dame d~ la Roche, et;
sœur de François Conan, sieur de Kernocher, cité plus haut, '

mariage célébré à Saint-Martinie 2' 2 janvier 1 680: (1)

Antoine Gu illotou, sieur de Kerdu, fils aîné des précédents,

né à Saint-Melaine en 1682, major de la milice en 1729 et

procureur du Roi de police en 1730, député de Morlaix aux

Etats de 1717, épousa Marie-Joseph Thomas de Kerjézéquel,

et partagea en 173'1 son frère puîné Prigent Guillotou, sieur ,

de Kervézec, puis de Launay. , marié à Marie-Charlotte Marion.
La terre de Kervézec échut à Antoine Gu illotou, qui la trans- .
mit à son fils Christophe-Marie Guillotou. sieur de Kerdu,
né à Saint-Melaine en 1707, avocat en Parlement et sénéchal
de Bodister en 1740, major de la milice morlaisienne après
son père, puis subdélégué de l'intendance et procureur du
Roi de police à Morlaix en t 762, conseiller du Roi et son
lieutenant particulier de l'Amirauté de Morlaix en ' 1770,
époux en 1735 de Marguerite Edern.
De ce mariage issurent neuf enfants, bàptisés à . Saint­
Melainè de 1736 à 1748. La plupart moururent en bas-âge;
l'une des filles, Marie-Jeanne Guillotou de Ket'du, héritière

de Kervézec, née en 1744, fut mariée le 8 mars 1762, dans la
chapelle de Saint-Jean au manoir. de Portzpozen en Plestin, à
Messire Alain-Louis Le Gualès, seigneur de Lanzéon, fils dr.
Messire Jacques-Louis Le Gualès et de feue Marie-Jeanne
152
Hùon de'Keramedan (1). Alain-Louis Le Gaalès's'était distin­
gué au combat de Saint-Caf' t, en 17:>8, co mm e ca pitaine des
cano nniers ga rd e-cô tes de la com pagni e de Lanmeur.!l résidait
vers 1770 au manoir de Kervézec avec sa femme. qui lui
donna dix-neuf enfants . Quatre de ses fils. émigrés sous la
Révolution, versèrent IRur sa ng pour la cause royale Ce
sont: 1° Charles-Marie Le Gualès de Lanzéo n, enseigne de

vaisseau en 1781, capitaine dan s la légion britanniqu e. mort
à Saint-Domingue le 15 août 1794 des suites d'un e blessure
reçue à l'aflaire de Port-au-Prince; 2° Charles-Marie-Hercule,
so us-lieutena nt au régimentd e Forez-Infanterie en 1788, mort
en Suisse d'un e blessure reçue à J'armée de Condé, le 7 octobre
1797: 3

François Charles-Louis, sous-lieutenant au régiment
d'Austrasie en 1788, puis so us- lieutenant au rég iment du

Dresnay, blessé à la descente de Quiberon, le '16 juillet 1795,
fusillé le 30 juillet suivant, sa ns postérité de sa fem me Céleste·

Hyacinthe Le Gentil de Rosmordu c ; 4

Joachim·Marie des

Anges, sous-lieutenant au régiment du FOlez, en 1788, décédé
à l'armée de Condé à la suite d'une affaire sur la Meuse.
Cependant, la famill e Le Gualès n'ém igra pas toute entière,
car on voit, le 16 nivôse an VII (6 janvier 1798), les « cito­
ye nn es Marie-Zozim e, Marie-Félicité et Victurienne-Marie­
Eléonore Goalès, fill es du citoyen Alain-Louis Goalès et de la
ci toyenne Marie-Jeanne Guillotou )) obtenir de l'ad ministratjon
cantonal e de Plouézoc' h des certifi ca ts d'existence co nstatant
qu'elles ont résidé en France sans interrupti on et qu'erles
habiten t « le ci-devant manoir de Kervézec en Garlan. )) (2)
Leur père y mourut Ir. 30 avril 1806, et fut enterré dans la
cha pelle. Marie-Félicité Le Gualès de Lauzéo n apporta Ker­
vézec à la fam ille de Courcy, par son alliance, en 1806, avec
Armand-Charles-Al exand re Potier, chevalier de Courcy, capi-

laine des vaisseaux du Roi en 1816, fil s d'Alexandre Potier,
(i ) Reg . par . de Pleslin et de Sainl-Melaine.
(2) Arch. çomffiullales le P!ouezoç'l).

153 000

baron de Courcy, capitainpo de vaisseau, et d'Alexandrine-
Gabrielle de Coëtnempren de Kersain t. -
Depuis, Kervézec a appartenu à leur fils aîné, M. Pol de .
Courcy, le savant et célèbre auteur du 'Vnbiliaire et Armorial
de Bretagn e. œuvre magistrale qui. malgré quelques imper­
fections inévitables en un travail d'une telle étendue, n'en
constitue pas moins un mOllument digne d'admiration, et dOllt

bien peu de provinces françaisps peuvent montrer l'équivalent.
Outre ce Nobiliaire qui constitue son plus beau titre de gloire,

il a produit le Dictionnai1'e Héraldique de Bretagne, dont une
seconde édition revue et augmentée par son neveu M. de Ber­
gevin, a paru en 1895, le r;uide de Rennes à Brest età Saint­
Main, ouvrage charmant et vrai modèle du genre, où il a su
rendre l'archéologie attrayante et aimable, l'Itinéraire de
Saint-Pol à Brest, etc 0' et a été le continuateur du P. Anselme,
généalogiste des Grands-Officiers de la Couronne. Ses deux

frères Alfred et Henri de Courcy furent, comme lui, des litté-
rateurs distingués. Le premier, directeur aux Assurances
Générales, branche de la Marine, fondateur de la Société des
Secours aux Naufragés, a écrit, dans la série des Français
peints par eux-mêmes, une très remarquable étude sur Le Bre-

ton qu'orne une vue du manoir de Kervézec (1), type bien
choisi de vieille gentilhommière finistérienne ; il a publié
aussi de déli ca tes nouvelles. M. Henri de Courcy, mort pré- .
maturément à Cannes, collaborait à l'UniveTS de Louis Veuil-
lot, sous le pseudonyme de Henri de la Roche-Héron, du nom
d'un ancien château ruiné situé en Pleyber-Christ et possédé
par sa famille.
M. Pol de Courcy eut de son mariage avec demoiselle Eugé"
ni e-Armande Huon de Kermadec, un fils, M. Pol-Marie-Coren­
tin de Courcy, époux de demoiselle Marie~Angèle de Castellan,
décédé le 23 octobre 1900, étant maire de Garlan, à son manoir
de Kervézec, aujourd'hui possédé par l'une de ses filles,
. ' h co , 00.= ...
Il 1\.lfr~d de Courcy . Le Breto]J, t840, p. S9.

155 -
demoiselle Amice de Courcy, femme de M. Hervé Abrial,
capitaine au 18" bataillon d'artillerie de forteresse à Brest.
Bien que le manoir de Kervézec ait été remanié et agrandi,
il a cependant conservé son cachet, puisqu'il a été restauré
dans son style primitif, avec des matériaux de même nature,
en utilisant les pierres des édifices supprimés. On y pénètre
par un portail en cintre surbaissé, flanqué de deux pilastres
Renaissance, à gauche duquel est une meurtrière. Au-dessus
règne .une galerie de défense, percée d'embrasures et sou­
tenue par une rangée de mâchicoulis. A droite s'élève un grand
pavillon carré à trois étages, ayant aussi une meurtrière à sa
base, dans la partie qui regarde le portail; ce pavillon se
relie à une belle et baute tour ronde coifIée d'une poivrière
conique, et à laquelle est adossée une petite tourelle à cul-de­
lampe. Une autre tourelle existait à gauche du portail, mais
elle a disparu, ai psi que le bâtiment qui s'y appuyait.
Le portail donne accès dans une cour dont les murs inté­
rieurs sont encore percés de meurtrières. Les portes et les ·
fenêtres ont des moulures ogivales, et l'édifice placé en face de ·

l'entrée est orné d'une lucarne à fronton Renaissance. Le reste
du manoirest moderne, eta été ajouté par la famille de Courcy;
il se compose de deux bâtiments parallèles, s'étendant à l'Ouest
du pavillon et terminés par une tour. On a fait entrer dans
leU!' construction plusieurs débris anciens, encadrements de
porte cintrée, meurtrières, date de 'lti68 sculptée sur une
pierre, écusson fruste, cu ri euses cornières d'angle provenant .
d'un vieux manoir de Plouigneau. La façade aspectée au Sud
a des lucarnes gothiques aux armoiries accolées des Potier de
Courcy et des Castellau. .
Un peu à gauche se trouve la chapelle, dédiée à Notre Dame
de Lorette, petit édific'e du dix-septième siècle tapi3sé de
touffes de lierre et d'églantiers. L'autel oJIre des boiseries
sculptées avec rameaux, rubans, grappes de raisin. Sur les
deux consoles sont les statues d'une Vierge-Mère dite: Jtron
-156 -
Varia Kerveec, et d'un saint évêque crossé, mitré et bénissant.
L'inscription porte: Saint Pol dp Léon. mais, les statues de
l'apôtre du Léonais sont toujours accompagnées de la figure du
fameux dragon de l'Ile de Batz. M. Pol de Courcy n'aurait-il
pas débaptisé un sa int existant dans la chapelle pour lui
imposer le nom de son glorieux patron?
Un meneau de pierre divise la fenêtre en deux panneaux
qui contiennent des débris de vitraux peints . Dans le premier,
ün distingue la scène du Crucifiement et sainte Véronique
déployant son linge miracu leux; dans l'autre la Résurrection
et un personnage montrant l'image des Cin q Plaies. Une dalle
fun éraire de granit, sans armoiries, encastrée dans le dallage,
porte l'épitaphe suivante :
Ci-gît : A Zain Louis: Le Uualès : décéde en son : château :
de K e1'vezec : paroisse : de Garlan : le 30 avril : 1806 :
Requies : cat in pace: miseris : succuris.
Celte chapelle a vu, le 20 mai 1676, célébrer le mariage de
noble homme Toussaint-René Secré, sieur duditlieu, fils de
feus nobles gens François Secré et Perrine Exaudy, sieur et
dame de Kerl id ec, et de demoiselle Magdelaine Le Brigant,
dame de Rungoët, fille de nobles gens Guillaume Le Brigant
et de Marie Michel, sieur et dame de Guerjan . Ces fam ill es,
all iées , sa ns doute a ux Rolland de Kergrech. possesseu rs de
Kervézec, étaient comme eux, de la paroisse de Saint-Martin
de Morlaix. Le 6 septembre 1703, une cloche destinée à la
la chape lle, pesant environ 52 livres, et fondue à Morlaix
chez Marie-MauriceLle Conan, dame de Launay, fut nommée
Marie par François Maignon, sieur de Kerescun et Marie­
Ursule Guillotou. Le 1'1 mai 1747, jour du pardon, M: Lesné de
Penfantan, recteur de Garlan, fit la bénédiction (( d'une cloche
pour la chape ll e de Kervézec, appartenant à M. de Kerdu
Gu illotou, du poids d'environ 60 livres. )) Elle reçut le nom de
Marie.
Le village de Kervézec, situé au Sud du marioir, sur une

157

émin enCe, a gardé de vieilles maisons, l'une à escalier
extérieur, l'autre entourée d'une sorte de rempart que perce
une étroite et unique porte, Le jardin muré qui accompagne
cette habitation témoigne qu'elle fut. au temps jadis, plus
qu'une simple ferme
La croix de Kervézec se dresse toujours au carrefour voisin
du manoir, mais sa partie supérieure est moderne. Au sommet
du fût sont deux écussons chargés d'un ca li ce ou d'une coupe,
accostée de deux fleurs de lys(?) , Seraient-ce les armoiries
des Rolland de Kergrech ?

Une branche de la famille Le Blonsart a possédé au XVIIe
, siècle une terre du nom de Kervézec, située à Garlan,d'après le
Nobiliaire de Courcy. Ce ne peut être le manoir, puisqu'à la
même époque, celui·ci appartenait incontestablement aux
Rolland, mais plutôt l'une des métairies du vi lla ge, Ecuyer

François Le Blonsart, sie ur de Kervézec, fils aîné de Jean,
sieur de Pontargoasven (en Plouégat-Guerrand) et de Mar­
, guerite de Kermerchou, mariés en ' 1619, épousa le 11 août

l '1646, à Saint-Melaille, Marie du Gra tz, fille de Jacques, sieur '
1 de Beauregard, et de Françoise Le 'Bihan. Il fut maire de
\ Morlaix en 1657 et décéda le 11 février 1661 à son manoir
1 de la Villeneuve, en Ploujean, laissant cinq fils, dont l'ai né,
j Pierre Le Blonsart de Kervézec, faisant pour ses puînés

; Louis, Yves, Jean et Claude, obtint, ainsi que lem oncle .

Paul Le B!onsart, sieur de la Villeneuve, un arrêt de mainte-
nue en qualité d'écuyers d'extraction, pù arrêt de la Cham­
bre de la réformation, rendu le 24 mars '167'1. Il disputait en
1679 au sieur de Kergrech Rolland, la propriété d'un banc
dans l'église de Garlan (1). Une procuration donnée par lui
en 1685 apprend qu'il était prêtre et malade (2). Ses frères
cadets semblent aussi avoir disparu sans postérité.
La capitation de 1703, à Garlan, mentionne: le sieur et ,
(i) Arch. du Finistère, A. i9.
(2) Arch, du Finistère, E. 418.

XXVI

demander le classement en bloc et de la fontaine et:
de . l'église qui ne sont séparées que par une distance­ de dix mètres (du coté du portail Ouest de l'église),
remplie par des terrains dépendant de la commune
et par un chemin menant à la fontaine.
La Société se range à cet avis_

M. Bourde de la Rogerie annonce que M. Camille·
Vallaux, professeur au Borda et membre de la Société,
a obtenu une récompense sur le prix Audiffred a
l'Académie des Sciences morales et politiques, pour­ son travail de géographie humaine sur la Basse­
Bretagne. La Société se réjouit de la haute distinction
accordée à l'un de ses membres; elle est heureuse de
la nouvelle occasion qui lui est offerte d'adresser ses·

meilleures félicitations à 1\1 _ Vallaux .

Publications reçues pour la bibliothèque de la.
Société :
Semaine religieuse du diocèse de QuirÎlpeJ", nO S du,
28 Mai au 18 Juin 1909.
Bulletin du Com'ité des tTavaux historiques e.t
8cien tifiques: Section def> sciences économiques et
sociales, année 1907; Bulletin archéologique, 3" livrai­
son de 1908.
Revue Mabillon, n° 17, 1909.
Museum finlandais, 1906 pt 1907.

Société finlandaise d'archéologie, XIX, 1907.
. Le Vice-Président,
Le Secrétaire, .J.-M. ABGRALL.
. Dr LAGRIFFE.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
. BIBLIOGRAPHIE
Docteur G. PLateau: Recherches historiques et topogra­
phiques sur la lèpre en Bretagne, Paris, Jouve, 1904.

XXVII
L. PLateau : De la condition des lépreux et de leurs
descendants notamment en Bretag ne, Renn es, Guillemin
et Voisin, 1909.

Depuis les travaux du Dr Morva n (de Lannilis), du Dr
Zambaco-Pacha, un des plu s savants léprolog ues de notre
temps, du Dr Jeanselme, on s'est so uvent demandé si la
lèpre, to ut au moin s dans ses fMmes atténuées , ne .sévissait
pas touj ours en Br~ tag:ne . Da ns un travail déjà ancien q~i
fit le suj et de sa these lOaugurale, M. le Dr Plateau a reprI s
cette question ; il pense que la lèpre, importée en Bretagne
au cours des invasions qui bouleversèrent cette contrée avant
le xe siècle et qui y régna à l'éta t e nd émique jusqu'à la fin
du XVIIe siècle, a auj ourd'hui généralement disparu. Mais
quelques t rès rares observations lui perm ettent de croire
qu'il en. existe peut-être encore quelques cas autochto nes;
ces cas représentent des formes la rvées de la maladie ;
quelques-uns des cas décrits par Morva n, le sav;m t praticien
de Lannilis, en 1883 , doivent justement être rapportés à
cette lèpre atténuée.
En so mme , et ce tle co nstatation es t intéressante à faire
à notre époq ue de réglementation hygiénique à out!'ance , le

Moyen-A ge qu 'il est de bon ton de regarder comme une
époq lle de barbarie et d'obscura nti sme, en attendant que le
snobisme veuille bien lui ménage !' une renaissance, est
arrivé, quoique après un long temps, à faire disparaître
d 'un e faço n pratiqu ement complète un e maladie infec ti euse
et con tagieuse qui désola l'an tiquité; cela sa ns étuves et
sans antiseptiques. M. L. Platea u, avocat à la Cour d'appel
de Rennes, nous montre que ce fut g !'âce à des moyens qui ,
cert es, ré pug neraiént à notre faux hum anitari sme; en
soumetta nt les lépreux à une condition juridique. sévère
sans doute, mais qui ne pouvait donner qu e de bons résul­
tats. Le travail de M. L . Plateau, qui est aussi un e thèse
inaugurale et qui complète heureusement celle de SO Il frère,
se rapporte à un suj et qui est beau co up plus actuel qu'o n ne
pourra it penser de p!'ime abord; il montre, en eiTet, d'un e
matière pratique que la protection de la santé publiqu e est
beaucoup plus une question de police qu'une ques tion de
médec in e et de prédication .

XXVIII

Le Moyen-Age a fait pour les lépreux ce que le gouverne­
ment de Louis-Philippe a fait pour les aliénés; il leur a
donné un statu,t; et à une époque où le pouvoir personnel
était peut-être beaucoup moins dans les mœUl'S qu'aujourd'hui,
ce statut n'a jamais été appliqué qu'à la suite d'un jugement.
M _ Plateau nous montre ainsi que l'individu accusé ou
sQupçonné de lèpl'e comparaissait devant le juge qui ne
prenait une décision qu'après une sorte d'expertise conduite
pal' des barbiers commis à cet ~ffet et par les lépreux eux­ mêmes. Le juge ayant rendu une ordonnance d'isolement, l'au­
torité admi nistrative restait cha rgée de l'acte d'exécution qui
énumérait les défenses et les prohibitions. C'était là la forme
ordinaire de la procédure suivie; ordinaire, car il n'y eut
jamais une réglementàtion d'ensemble, mais des règlements
locaux présentant des différences plus ou moins profondes;
ces règlements ont été gét;Jéralement élaborés et leur obser­ vation a été assurée par l'Eglise Qe qui explique pourquoi les
différences qu'ils présentent sont surtout des différences de
détail,
L'isolement auquel était condamné le lépreux a toujours et
partout été très relatif, il consistait beaucoup plutôt en une
mise à l'écart qu'en ' une séquestration rigoureuse. C'était
tantôt dans les léproseries, véritables hôpitaux de fondation
dont beaucoup appartinrent à l'ordre des chevaliers de Saint­ Lazare ou furent tout au moins dirig~s par lui; tantôt dans .
de véritables villages. Cette derni~re condition fut celle des
lépreux de Bretagne, qui continuaient de vivre là , de leurs
propres moyens. Un certain nombre de professions leur
étaient ,réservées, principalement celle de cordier.
Cet isolement auquel furent condamnés les lépreux, la vie,
anormale qu'ils durent mener, les incapacités qui en furent
la conséquence ont fait que leur condition économique et leur
condition juridique furent intimément liées, Le statut nouveau
qui en découla pour eux pel'met d'expliquer la naissance
dans l'esprit du peuple de l'idée préjudicielle, tenace et
durable d'une 'race maudite. .
M. Plateau a tiré tout le parti possible d'un sujet qui avait
tenté autl'efois notre curieux, averti et regretté collègue
Trévédy.
Dr LAGRIFFE.

XXIX

Séance du 29 Juillet 1909· ' . -

l>r~sidence de M. P. du CH A. TELLIER, Président

Le pro'cès-verbal de la dernière séance -est 1 u : et
adopté.

, La correspondance imprimée comprend :

., Semaine religieuse, nOS '26-30, ' .

Annales de Bretagne, avril 1905. ' - ,
Société des antiquaires de l'Ouest, tables géné­
;ales de 1877 à 1906, par " M. l'abbé GAUFFRETEAu'.
, By Uetin de la Société neufchateloise dé géogra.;.
phie, 1908. . .' .
- Revue de Brelagne, juin 1908. ' '. ' \.
· . Bulletin de la Société , aJ'chéologiqûe, 1907. ' ' , .
Congrès des Sociétés savantes à Rennés, en 1908

f discours). ' . - "" . . ',

, P1'ogramme du' 'Gong'rès des Sociétés savantes iL

Paris, en 1910. ,
- Congrès préhistorique de France; '4

session; -

Chambéry, 1 g08 . .

M. Guénin, agi'égé d'histoire, secrétaire de la

Société Académique de ' Brest, a écri~ à M. le Pré-

sident; en attirant son atterition sur un questionnaire
qu'il lui envoie pour en donner communication ' aux

membres de la Société archéologique. ' '
M. quénin, fait connaître qu'il a adresse ce ques-

iio.nnaire aux instituteurs des cinq départements

bretons à l'effet d'obtenir des
nos monuments

mégalithique~,
renseignements · sur

lesquels seront con-

160 -

mouvements que lui inspiroit la grâce, elle alla tt;ouver le
prédicateur à la fin d'un Eermon et cet homme de Dieu acheva
de la résoudre entièrement à mépriser le monde et à s'attacher
uniquement à la croix de Jésus-Christ. .. Il la porta à se
mettre dans le tiers·ordre de Saint-François, pour l'engager à
une profession ouverte de l'humilité chrétienne. Il alla ensuite
trouver la mère de cette demoiselle et lui dit qu'il avoit choisi
pour sa fille l'époux le plus accompli, qui ne l'empêcheroit
pas de vivre avec sa mère et de consoler sa vieillesse, et que
cet époux étoit Jésus-Christ, à qui sa fille vouloit se consacrer

pal' un mépris universel de toutes les cl,oses de la terre. Il fit
si bien, par ses di sco urs prudents et enflammez, qu'il obtint
à la demoiselle la bénéd iclion de sa mèl~e et la permission de
suivre en cela tout ce que le Saint-Espril lui inspireroit.

(( M. Le Nobletz lui fit commencer son combat par une
grande victoire qu'elle remporta sur elle-même, en quillant
la soie et les parures. Elle prit à la place une robe de grosse
bure grise, avec une ceinture de chanvre et un mantelet d .e

grosse étofIe, et, dans cet état, elle alla, par ordre de son
directeur, voir ses amies de la ville et les gentilshommes de
ses parents qui n'en étoient pé:S éloignez. Elle fut reçue partout
avec des railleries capables de jeter une âme faible dans le

découragement, mais qui ne firent que fortifier celle-ci dans
le mépris généreux du monde, qui devoit être le fondement
de sa perfection».
Sa vie sainte et réglée fut un continuel exercice de péni-

tence, d'humilité, de mépris du moncle et de prière. Ellé
entendait chaque jour la messe et faisait six heures d ora ison
mentale et vocale; elle employait tout le reste de son temps
à tl'availler sans relâche, étendant sa charité, non seulement
sur sa mère et sur ceux de ses proches qu'elle viL ruinés par
le mauvais état de leurs afIaires, mais sur les indigents, les
orpheli ns, les pauvres les plus abandonnés. On admira son

16i

les, à qui elle donna un lit dans sa propre chambre, de façOrl
à pouvoir la servir plus promptement et à qui elle prodigua
ses soins jour et nuit. Sa charité ne fu,t pas moins admirable
lorsque, rencontrant un j()ur sur SOIl chemin une vieille dame
réduite à la mendicité par les débauches de son mari, elle
l'emmena chez elle, la nourrit et l'entretint jusqu'à. sa mort
avec le dévouement et le respect d'une fille, sans se laisser

rebuter par l'humeur chagrine de sa protégée .
A l'âge de 80 ans, François Quisidic se retira à Saint­
Michel -en-Grève, chez l'une de ses nièces, et y passa encore
. deux aunées dans les' plus vifs sentiments de piété et de
ferveur, en attendant que le Créateur voulût la rappeler à lui .

Un avis intérieur lui ayant appris enfin que trois mois plus
tard elle devait quitter le monde, elle se fit conduire à Morlaix
pour mourir plus près de l'église des Pères Récollets de

Cuburien, où elle avait choisi le lieu de sa sépulture «( Dieu
l'appela, le 29 d'octobre ' 1659, à la récompense de la fidélité
avec laquelle elle avoit exécuté pendant 60 ans les bonnes
résolutions qu'elle avoit formées dès le commencement de sa
conversion Il. Son acte de décès se trouve sur les registres de
Saint-Martin.
Dès 1633, la terre de Kervilzic avait passé en d'autres
mains, car elle appartenait, celte année-là, à noble homme
Fiacre Perrot. En 163li, écuyer Michel du Plessis se quali­
fiait de sieur de K8I,tanguy et de Kervilzic. Ce manoir était,
vers 1670, la résidence de la famille de Bruilliac. non citée

par Courcy, mais existant dès le quinzième siècle dans le
pays de Plollnérin et de Guerlesquin. Ecuyer Maurice de
Bruilliac, sieur de Kervez, mourut à Kervilzic le 4 avril 167{l,
à l'âge de 67 ans, veuf de Anne Coulbeuf, et père d'écuyer
Jean de Bruilliac, époux de demoiselle Gabrielle Le Marant,
sieur et dame de Chefcieville. François de Bruilliac, fils cie
ces derniers, fut baptisé à Garlan le 29 décembre 167'1.
Pierre de Bruilliac, sieur de la Villeneuve, autre fils -de

Maurice, épousa à Garlan, lé 4 septembre · '1674, ' un~
demoiselle Théba uld , dame de Traoulen. Urie ferme moderne
a remplacé le manoir.

w =J'I'

Après la montée de Belle-Fontaine, au carrefour du cbem in

de Poullech, nous atteignons le bois de Kervolongar, beau

massif de hêtres et de châta igniers cen tena ires qui descend,

à rOuest,laver les racines de ses grands arbres dans le courant

d'un ruisseau tributaire du DOUl'du, et qui enveloppe de ses
frondaisons profondes un vieux châ teau récemment resta uré

auquel conduisent deux avenues fermées par d'anciens por_

tails à pila~tres non dépourvus d'un certain cachet.
Dans les réfo rm ations du quinzième siècle, cette terre porte
le nom de I{ ermanongar; en 1427, Jehan de Guicaznou y
possède un métayer exempt ; en 1481, Hervé Le Loucze y est
000
le métayer d'Yvon de Kergariou, moyennant 22 quai'tiers
frofIlent de redevance annuelle, (( à laquelle metayrie ledit
I):gariou a annexé un vieil estage contributif! quel estoit an-

ciennement son héritaige, et contient led . estage contributif!
environ cinq arpeos de terre )). 0

A la fin du siècle suivan t, 0 Kervolon gar échut en partage à
Charles de Kergariou,. sieur de Kermadéza, fil s de Jehah de
Kergal'iou, sieur dudit lieu, etde sa deux-ième femme Ma.r­
gueri te de Quélen. Il épousa Françoise Le Cozic et mourut' à
Saint-Mathieu de Morlaix le 26 Juin 1595. En 1583, il résidait
à Kervolongar où naquit so n fils Charles de Kergariou, baptisé
à Garlan le 28 janvier de cette année; parrain et marraine
furent noble écuyer Cbarles de la Forest, sieur de Keranroux,
Herlan, Guicquelleau, et Marie de Lannion, dame de Kerga­
riou, I\erhezrou, Keraël . Après le baptême, célébré le 15 août
1 ,601, de 'Yves, fils de Bernard de Kergariou et de Gilette du
Dresnay, sieur et dame de Kermadéza et Kerepol, la famille
de I{ergariou disparait de Garlan. Elle vAnd .son manoir de
Kervolpngar à !'loble homme François GuiJ1ouzou, sieur de

, o o 0

tesvern, lieutenant au 'siège royal de Morlaix en 1623, époux
de Marie le Minihy. En 1666, i le sieur de Lesvern Guillouzou
et les héritiers du sieur Les tanot Carré» fou rni ssent un cava-

lier à l'arrière· ban de l'évêché de Trég uier, à ca use de leur
telï'e de Kervolongar (l ). J ea n Carré, sieur de Lestanot, a:vait
épousé vers 1640 Ma'rguerite Gu ill ouzou, fill e de François
Gu ill ouzou de Lesvern. Ce derni er meurt à Saint-Mathieu de
Morlaix le 29 janvier 167' 1, à l'â ge de 91 ans « et ont assisté
au c'onvoy les sieurs I>monongar et I>sulé, ses enfan ts, qui
n'ont voulu signer ». '

. Le premier'd'entre eux, noble homm e François Gu ill ouzou,
sieu r de l),volonga r ou Kermonon ga r, deva it résider à Saint­
Martin de Morlaix, cal' les regi stres de celte paroisse con­
tiennent plusieurs fois sa signature, ainsi que celle de sa

femme Ca therine Gu ill aume. Son frère, :Jea n-B ap ti ste Guil-
louzou, sieu r de Kersul ec, habitait Kervolongar, vers '1671-75.
Un peu plus tard, le manoir 'passe à une autre fam ille mor­ laisienne, .les des Anges, el le 30 mai 1686, M essire Henri
Prima igné, recteur de Garlan, bénit la chape ll e « du manoir
nobl e de l}vononga r, don t es t possesseur à présent M. de
Lesven cl es Anges, de Morlaix. so uhz l'invocation de Saint­ François d'Assise ». La cloche, nommée sous l'invoca tion de
Saint-M elain e, eut pour parrain et marraine deux clomes~
tiques de la l T!a iso n. Nobl e homm e Franço is des Anges, sieur
de Lesven (en Plougo nven) était fil s d'autre François des
Anges, dont le nom se renco ntre parfois so us la forme bre-.
tonn e cle an Elez, et cie Marie de Kerbouri c, sieu r et clame de
Kervell a. Il avait épousé, le 9 ja:nvier 1669, dans la chapelle
de l'hôpital cie Morlaix, Marguerite Gui llouzou, dam e de la

Villeneuv e, fill e d'Yves Gu il louzou, éc uyer, et de Jean ne Le
Borgne, sie ur et dame cie Ker huiclonay: Il mourut à 1\.ervo-'
lon gar le 10 août 1 69.2 et fut inhumé le Il à Sa int·Melaine.
Bien qu e son père ait été débouté de ses préten ti ons nobiliaires

(1) Arch. des Côtes·du·Nord, C-7.

164 -

à la réform ation de 1669, son acte de décès le qualifie d'écuyèi :'
seigneur de Lesven et capitaine de la paroisse de Saint­
Melaine. Sa fille Mari e-Agn ès des An ges, dam e de Kervolon ­ gar, épo usa en 1697 Messire Michel de Kerl oaguen, chef de

nom et d'armes, chevalier, seigne ur de Kervézec [en Plourin),
capitaine-général ga rd e· cÔ tes, fil s de Messire Fran çois de

Kerl oaguen, seigneur de Kervézec, et de Jeanne-Ren ée de
Crémeur [1).
Le 20 avril 1ï22, Mgr Olivier Jégo u de Kerlivio, évêque
et comte de Trég ui er, donna la bénéd iction nuptial e, en
l'égli se de Saint-Melaine, à « Messire Fran çois Barlhélemy
Jégou, cheva lier, seigneur comte du Las, Trega rant ec, Quel"
jagu, Sa inct Avoenne, le Hinguer et autres lieux , demeurant
à so n château de Tregarantec, paroisse de Mellionnec, di ocèse
de Vannes» et à demoi selle Thérèse-Marie de Kerloaguen,
fille des précédents, deva nt une noble et brï\lante assistance.
Ce mariage apporta aux Jégo.u du Laz la terre de Kervnlongar,
que tran smit ensuite aux Thépa ult l'alliance, célébrée à
Saint-Melaine le 10 sep tembre '171)3, de Messire J ea n-Louis­
Anne Thépa ult, cheva lier, seigneur de Tréfalegan, fils de
Messire J acques-Louis Th épa ult, chevalier, comte de la Villo­
sern, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis,
capi taine généra l ga rde-côtes du département de Morlaix,
ancien officier au régiment des gardes fran çaises, et de dame '
Françoise-Thérèse de la Bourdonn aye , et de Thérèse-Françoise
Jégo u du Laz, fill e maj eure du comte du Laz [2). .
La chapelle du châ tea u de Kervolongar vit, le 'ler novembre
1ï48, l'o ndoiement d'une fille de Messire J ea n de Kermenguy,
chevalier, seigneur comte de Saint-Laurent, et de dame Angé­
liqu e-Florim ond e Jégou de Paule du Laz, sa femme . Elle fut
bap ti sée, dans le même oratoire, le 7 septem bre 1749, par
Mgr Charles-Guy Le Borgne de Kermorvan , évêque ét comte
(i) Reg. par. de Saint-Melaine de Morlaix.
(~) I bid.

165

de Tréguier, et reçut les noms de Marie-Josèphe-Sainte, de
son parrain Me~sire Joseph-Aymar de Roqu efeuil, chevaliel',
seigneur comte dudit lieu, capitaine des vaisseaux du Roi,
chevalier de Saint-Louis et de sa marraine Marie-Thérèse
des Anges, douairière de Kerloagu en, arrière-grand'mère de
l'enfan t.
M. Thépault de Tréfalégan mourut le 2 mai '1782, âgé de
54 ans et sa femme le 29 août :lï84, âgée de 57 ans . Ils
n'avaient eu que des filles, dont l'aînée, Thérèse- Fl'ançoise­
Louise Thépault de Tréfalégan, fut mariée le 27 juin 1775,
dans la 'chapelle du château, à Messire Hilarion-Alexis-Mathu­ rin, cheva lier, seigneur comte de Forsanz, fils majeur de
Messire Jacques de Forsanz, cheval ier, seigneur com te du
Houx, et de feue dame Henriette-Marie Gouro, de la paroisse
de SaintEtienne de Rennes. Quelques années après, on
célébrait encore dans cetle chape lle le mariage de Messire
Joseph René du Parc, vicomte du Parc, seigneur- de Coatrescar,
capitaine des vaisseaux du Roi, fils majeur de feu MessireRené
du Parc, seigneur de Keryvon, comte du Parc el de feue dame
Anne -Amadore de Giberne, et de demoiselle Marie-Thérèse de

. Kermenguy, dame de Kervézec, Kerveza et autres lieux, fille

de feu Messire Jean-Baptiste de Kermenguy, comte de Saint­
Laurent, et de feue dame Angélique-Florimonde Jégou,
comtesse de Saint-Laurent, le 6 mars '1782.
La famille de Forzanz émigra pendant la Révolution, et le
District de Morlaix mit sous séquestre la propriété de Kervo­ ·longar, àù il plaça comme économe le cit oyen David, et dont

il convertit le château en maison de détention pour les
enfants des émigrés morlaisiens. Madame de FOl:sanz y résida
de nouveau en 1796, mais, quoique libre' en apparence, elle
n'en était pas moins soumise à une surveillance étroite,
comme en témoigne une lettre du citoyen Denis-Trobrian t,
commissaire du canton de Plouzéoc'h, à l'agent national de

_. 167--

du 1

ou 2 floréal (22 au 23 avril ) « la citoyenne Forsanz

avec la citoyenne Carné sont parti es de Kervolongar. Ce

départ nocturne a, contihue-t-il, quelque chose ' d!extraordi~
naire. C'est pourquoi je vous prie de me dire si le fait esty rai,
s'il y a d'a utres partis avec ces citoyennes et qui ils sont ~
quelque soit leur état. , . Veuill ez me dire enco re par qu elle

voiture et quels chevaux ell es son t parties de Kervolorfga l' '-

Je vous prie de vouloir bi en VOli S informer par ' les domes~

tiqu es ou autres personnes où ell es sont all ées et la route'

qu'elles ont suivie. » (1) .

Le château de Kervolongar apparti ent aujourd'hui au
général com te Hilarion de Forsanz . L'a ncien ne demeu re;
lourde construction du dix-huitième siécle, n'avait d'autre

ornement qu'un enfaîta ge en sa illie,rompant au milieu la ligne
des toitures . Elle a été co mpl ètement transform ée en ces

dernières années, et . c'est actuellement un bea u manoir à.

tourelles, pavillons, combles aigus sommés d' ép is, olIrant
une silhouette très gracieus~ et très mouvemen tée. Derriére
s'élend un vaste jardin clos _ de hautes muraill es avec un
bassin de pierre central, et, dans l'un des angles, la chapelle

dom es tique pittoresquement tapissée de lierre. Près du ch ,â-
tea u se voit, servant de dalle à une fontaine, un e pierre'
chargée d'un écusso n écartelé aux 1 et 4, d'une crOix alésée
adcstl'ée d'une mâclf, aux 2 et 3 d'une croix tréflée. Ces
armoiries so nt celles de Mauri ce Thépault, seigneur de Lein­ qu elvez (en Garlan\, M esa udren, Tréfal éga n, bailli de Lan­
meur en 16

10, et de sa femme Jea nn e de Kergroas, dame de
Penanguer ; elles ne peuvent provenir du pOrLail du châtea u,
ainsi qu'on le croit générale:nent, puisqu'elles sont d'une

époque antéri eure à la possess ion de Kervolongar par les
Thépaull, màis elles doivent avoir été apportées, soit du ma -

noil' de Leinquelvez, soit de la vieille église de Garlan.

(i) Archives communales de Plouézoc'b . .

168 -

Au Nord de la propriété, sur une colline dominant la vall ée
du DOllrdu , se trouve le village de Rosg ustou, ancienn e terre
noble de la famill e Thorel, co nnu dep uis Yvon Thorel, cil é
dans la réformation de 1427 à Garl an. et père ou aïeul de Pezron
Thorel, archer en brigandin e à la montre de 1481, ( ( nobl e
homme demeurant en sa terre, contenant environ sept arpents
de terre, et tient et proufille un es taige contributiff qui est de
sa terre inhabité et deshebergié XVIII ans a, co ntenant envi ­ ron six arpents de terre, estant de la valeur' de vingt paresarts
froment par an )) . Ce Pezron Tbore l,s i~ur de Rosg ustou,
épousa Marguerite Couronner et fut père de Jeanne Thorel,
dame de Rosgustou, mari ée à J ea n Guillaum e . Le 23 juillet
1506, ell e vendit le manoir de Rosgustou à son cousin Jean
Thorel, moyennant une so mm e de 200 livres et la remi se
d'un e dette de 31 livres 6 so ulz 8 deniers dont elle était obligée
envers lui co mme fill e et hériti ère de feu Marguerite
Couronner « pour et à cau se des mises fai ctes et froyées par
ledict Jea n Torel au nom et co mm e proc ureur de ladicte feue
Marguerite,quelle avoit esté tutri cze et garde de ladicteJeanne,
encontre ledict Jea n Guillaum e, qu el avoit prins et mesné 0
lu y ladicte Jeanne durant qu'ell e estoit myneure sans le congé
et li cence de ladicte Marguerite, tant à tirer mand emens à la ,
faire rendre en justi cze qu e Çl.ullrement )) (1)
Jean Thorel épousa Catherin e Henry et eut pour fil s Maître
Pierre Thorel, sieur de Rosgustou en '1 535, qui fournit aveu

Je 20 déce mbre 1[:)[10 à la seigneLlri e de Boiséon pour le
« manoir, hostel, es ta ge et lieu noble appelé Rosgustou 0 ses
sa ll e, cuisin e, porLe, cour, cres(;hes, aire, vaux, burons, jar­
din s, co urtil , vergiers co ntenant ense mbl e quart de jour­ nal )) , (2) chargé de deux sols de cheUrenté envers le fief de
(i ) Arch . d u Finistèr e, E. 782,

- 169
Boiséon En 1545, il fit à l'h ôpital de Morlaix une curieuse
fondation relatée en ces termes dans les archives de l'établis-
semen t :

(c Le sixi esme jour d'apvril l'an mil cin cq cent quarante
cinq, maistre Pierres Torell cognoist par cestes avo ir baillé
et baille par tiltre de pure et simple donaison irrévocable a
james a l'ospital de Moul'Iaix pour l'usaige et aider a nourir
les pouvres dud, hospital, en la personne de Guillaume

du PlesseiK, demeurant en la Grand Rue dud, MourIaix ...
scavoi !' ung jard in nouvellement construict,sitle en la paroisse
de Sainct Melaine, rue des Fontaines, ... sous charge de
faire une prière pour led . TOrf~ ll et a ses trespassés le jour de
vandredy sainct, par chacun an devant et amprès disner en
disantz par l'un desditz pouvres auprès de l'huys dud. ospital
- Requiescant in Pace, amprès avoir sonné la cloche dud. hos­
pital et poyer ungn denier par chac un desd. jou r et terme en
l'ante et recognoissance de ce aud. Torell et a ses héritiers am­
près le son de douze heures ou le son de ungn heure, et au
defiau1td'eulx ou aulchu n d'eux decomparoir pour le recepvoir,
pourra le gouverneur mectre led. denyer au plat de la confrérie
des Ames amprès lesd itz douze heures et un gn heu re estre
sonnées aud , jour)) (1).
~ De son mariage avec Françoise Marzin, dame du Launay,
naquit une fil le, Anne Thorel, dame de Rosgustou et de
Launay, qui devint la femme de Messire Vin cent du Parc,
seigneur dudit lieu, Mesquéault et Kernoter. Dans l'aveu
qu'ils fournissent en 1588 au fief de Boiséon, ils sont dits
demeurant ' en leur manoir de Launay en Sa int-Mela ine de
Morlaix. Anne Thorel mourut veuve,en mars 1608, sans lais­ ser d'enfants, et Philippe de Lescorre, procureur fiscal de la
cour de Boiséon, IlL apposer la saisie sur les biens que celle
dame tenait au fief de Boiséon, comme étant, pal' son décès,
tombés en déshérence. Mais damoiselle Aliette Henry, dame
. 170 ' ~, . ,
de Kerléprec, ' j"eprésentée p'al" sori fils" écuyer Pierre "du
Cosquer, sieur dé Kerléfrec, mit opposition à celte saisie', se
prétendant plus proche et plus fondée à hériter comme'cousine
au second degré de la défunte, et un procès s'ensuivit. ('i)
'. L'affaire dutse terminer en faveur des seigneurs de Boiséon,
car le manoir de RosgustOI,l appartint ensuite à François d~
Keranmoroc'h, l'un des enfants illégitimes de Messire Pierre
de Boiséon, comte dudit lieu, et de Catherine Parfait, fille ou
sœur de Charles Parfait, sergent de la cour de Boiséon (2). Ce.
François de Keranmoroc'h, né au château de Boiséon et bap­
tisé à Lanmeur le 26 juin 1609, mourut sans alliance à son
manoir de Rosgustou le 16 juin 1665. Son acte de décès le dit
(( fils naturel de la maison de Boiséon n,et nous apprend
qu-'i! , fut"inhumé le 17 dans l'église paroissiale de Garlan,
sous le banc de la: seigneurie de Boiséon. Une de 'ses sœurs,
Fiacre de Keranmoroc'h, dont le baptême n'est pas men-

lionné dans les registres de Lanmeur, avait épousé à Saint-
Melaine de'· Morlaix, en février 1630, (1 escuier Richard '
de' Ladouceur, sieur dudit lieu, en présence du seigneur baron
de Coëtrevan, de Messieurs de Guicaznou, de la Boissière, de
l'Isles, de Mesedern et aultres ». (3) L'assistance à cette céré- .
manie de Pierre de Boiséon de Coëtrevan· prou ve que les enfants
légitimes de l'ancien gou.verneur de Morlaix ne voyaient pas

d'un œil trop dédaigneux leul' frères et sœurs de 4a main
gauche. . .

Le manoir de Rosgustou est une très modeste maison à
cour fermée, portes cintrées et fenêtres garnies d'accolades.
Au d·ix-huitième ' siècle, il appartenait aux seigneurs de
Boiséon, qui possédaient aussi de longue date le moulin voisin

du Poullec'h, où leurs vassaux et tenanciers de la paroisse de

Garlan étaient tenus d'apporter leurs grains à moudre. ,

, (1) Arch. du Finistère, E. 782,
(~) Bulletin {90~,O~ " , E. ,de Bergevin; Jlonogmphie de la paroisse de '
Lanmeur.
(3) Reg. par. de Saint,Melaine.

-'- 171 -

Plus prës" de Kervolongai' existé la ferme' de Runmadic,
térre noble citée'dans l'ènquête de 1481 comme appartenant
à Jehanne Aultret. qui y avàit pour métayer Jehan:Talyen"
« quel lieu fut"aultrefoys à Marie Granthuguèn, noble dtlmoi­
selle, quelle tut mariée àun nommé Jean Mau, cousturier;
et fut ledit Mau mis ènpro'cès'par lesdits pàroissïens, et lors
fît eschange dudit lieu avec Bertrand de la Boexière, 12cjuet
ilst b'aillée à Pierre de la , Boexiêrè son frère, et par grâce des

parroessiens fut exempté, et à présent le possède ladite
Jehanne Aullret n, En 1535, Runmadic était à Marguerite
Guyomarch, !,!on noble, ainsi que le lieu voisin de Kerellou,
où la réfortnaUon de 1481 rrientionne le métayer de Bertrand
le Borgne, à causede 'Marioil Aultret s'a femme, « auquel tieu
demoura aultrefoys Guillaume Aultret, et rapportent les
thesmoingsqu'à mémoire d'homme ledit lieu a esté franc et
exempt, et s'il fust contributif pouroit payer tiers dé 'feu
et n'y a point apparance de manoir », Ce Bertrarid le Borgne"
sieur: de Kerellou, se présenta en équipage d'archer en
brigandine à la montre de 1481.

Un autre Kerellou appartenait en 148'1 à la dame de
Kermellec, qui y avait pour métayer Jehan an Loucze « quel
lieu est métaerie et fut aultrefoys au sieur de Ploecroix, père

de ladite dame, et pouroit poyer s'il seroit contributif tiers ,
l de fe u )),

Au dix-huitième siècle, Kerellou avait passé à la famille
Billonnois, 'qui l'apporta aux Dagorne du Bot par le rn~riage '

de Joseph ,Tugdual Dagorne du Bot, ' receveUl' des Devoirs à
Carhaix en -lï44, et de Marie,Rosalie Billonnois, sœur de
Philippe Billonnois, directeur des postes et receveur des
tabacs à Carhaix, qui devint en 1755 le troisième mari de
Mme Corret, mère de La Tour d'Auvergne, Pierre-Joseph .
Mazurié de Pennanech, négociant à Morlaixèt fulur d~puté ,
des sénéchaussées de Morlaixet.Lannion à l'Assemblée naUo-'
Dale, épousa en 176:6 , Pé1agie ,' Dagorne 'du Bot, fure des

172 _.
précédents et héritière de Kerellou. C'est dans les papiers
d'un de leurs petits-fils, 1\1. Tugdual 1\1azurié de Pennanech,
décédé le 15 février 1901 à ' sa maison de campagne dé
Kerellou, qu'a été découvert le «( Mémoire inédit concernant
La Tour d'Auvergne-Corret n, publié en 1907 dans ce l:Julletin
par notre vénérable et regretté vice-président, M. Trévédy.
M. le comte de Lauzanne, à l'amabilité duquel nous avons dû
de pouvoir envoyer à M. Trévédy une copie de ce mémoire et
un certain nombre de renseignements sur ia famille Mazurié,
veut bien nous communiquer une lettre du Premier Grenadier
de France, trouvée dans les mêmes papiers, par laquelle la
Tour d'Auvergne recommande à la bienveillance d'un amiral
(qui pourrait être l'amiral - Emériau, originaire de Carhaix),
. son jeune ami Jacques Mazurié de Pennanech. Malgré son
caractère personnel, celle lettre nous paraît mériter d'être
publiée ici, car ri en de ce qui a trait au glorieux soldat ne
saurait être indifférent; elle augmentera la collection de la
Correspondance de la Tonr d' ,tuverqne, patiem ment et fruc­ tueusement recueillie par M. Buhot de Kersers, qui l'a
publiée en 1907.
(( Citoyen ami ra l,
Ne vous en prenez qu'à vous-rr.ême, aux bontés dont vous
m'avez donné plus qu'à personne des marques signalées, si
pour la dernière fois je viens encore vous importuner, les
places se perdent ordinairement avec les protecteurs; le
jeune Pennanech, au sort duquel je m'intéresse infiniment,

n'est plus soutenu dans la sip.nne que par des talens et vertus
morales; il cra int de la perdre. Il occupe un petit' emploi
dans les bureaux du citoyen Ouvrarouguet, il avait été
particulièrement recommandé par le représentant Riou, mais
.ce représentant n'ayant point été réélu, de là les craintes de
mon jeune ami, un mot de faveur de votre part serait son
égide; dites-le ce seul mot, je vous en conjure, quand
l'occasion s'en présentera et mon ami sera tranquille. Il

173

justifiera vos bontés, lui et moi ferons nos efforts pour le
mériter, mais nous n'aurons jamais besoin d'en faire pour
les sentir; il m'est bien doux de trouver encore cette
occasion de vous renom'eller les expressions de ma respec-
tueuse reconnaissance. .
Le Cit

la Tour d'Auvergne Corret ».
La lettre n'est pas datée. Jacques Mazurié de penna'riecb,
en faveur duquel l'écrivit la Tour d'Auvergne, mourut
aspirant de marine, en mer, vers la fin de 1799, et fut
inhumé à la Corogne, en Espagne.
III.

Suivons le chemin de Kergustou, dans la direction du Sud.
Nous rencontrons d'abord le hameau de la Villeneuve ou
Kernévez, où maistre Jehan Péhan avait en 148-1, un
métayer exempt, « quel lieu est redifié puis XL ans en ça,
et deparavant estoit en ruine et disent les thesmoings que dès
oncques puis et de paravant il estoit tenu lieu noble et s'il
seroit contributif payeroit tiers de feu n. Cette métairie
contenait quinze arpents de terre et produisait un revenu de

cen t sols par an.
Au carrefour suivant, nous croisons encore la vieille voie
de Brest à Cherbourg, ou de Morlaix à Tréguier, signalée par
une croix de pierre à piedestal, puis nous laissons sur la
droite le manoir de Kermerchou. berceau d'une ancienne

famille morlaisienne dO:Jt le nom n'est pas éteint. Elle remonte

jusqu'à Prigent de Kermerchou, vivant en ' 1400, époux de
Jeanne Droniou, dame de Kerprigent, et père d'autre Prigent,
bouteillier du duc Pierre II en 1453 aux gages de 60 livres,
marié à Anne de Coatgoureden. Il obtint des lettres du duc

Jean V, en date du 27 octobre l l41, pour l'alIrailchissement
du sergent et receveur de sa terre de Kermerchou, et d'autres
lettres du duc Pierre II, datées du ter avril '1454. exemptant
à perpétuité le métayer d'un convenant dépendant du manoir,

174

Son fil s Philippe de Kermerchou' esl cité dan s la réformation'
de 'l481 com me possesseur du manoir de Kerm erchou , « de
grand éd ifice, appartenan ces,de colombier et autres embell es ­ se ments du manoir 1), et où il y a deux métayers, Il com pa,.
raî t en archer en briga ndi ne à la mo ntre de' '1 48 1, et reçoit ·

l'injoncti on de présenter un seco nd archer,
'De so n mari age avec Françoise Pi na rt , il laissa deux fil s,
An toine e~ Pierre, ce dernier auteur des branches qui s ubsis-,
te nt. Son aîné Antoine de Kerm erchou, seigneur d. udit lieu"
épousa Françoise de la Haye, de la maison de la Haye en

P louaret, fut empl oyé à l'en quête de 1535, et eut pour fil s
Jean de Kermerchou, seigneur d udi t li eu et de Leur ven (en
Ploumili au), mari é, à Lucr èce le Chevoir, de la mai son de
Coa télant. Leur fill e et héritière Françoise, dam,~ de Kermer­ chou et de Leur ven, porta ces terres dans la fa mille Arrel
pà!' so n a ll ia nce avec J ea n Arrel, sièur du Co'squ er, fil s cadet
de Pierre Arrel, sieur de' Ke' rm arque r, et de Loui se de

Goezbri and,

' « No ble et illustre Francoise de Kerm erchou, dame de

Cozk aer, Leurmen, Kerm erchou, Quélenri ec, Gourmon , elc, ll, '

est marraine à Ga rl an I~ 20 ao ût ' 1581. So n mari « esc ui er

~ean Arrel, sie ur du Cozkaer et de Leur ven 1) co mparalL le
9 mars 159'0 devant la Chambre de la Sa inte-Un,ion à Morl aix,

el, '« aya nt ouy la lecture et meurement co nce u les articles'

de la Sa itlcteU ni on, a presté le se rm ant de lenyr ledict party,

obse rver le co ntenu desdictz arti cles entre les mains de

M,. l'ùchédiacre et a scigné et a esté reczeu à la charge daler

trouver M, de M erceur dans le temps de l'a rrest et de cze

baillera ca uption de la so mm e de 2,000 éc us ou lu y faire

se rvi cze SO UilZ le sieur de I):o usy ou aultre ca ppitaine dudit
Seigneur, et a baillé a plaige M, le scolas ti que et, Vin cent

I):merchou qui ont signé , J ea n Arrel Yves Arrel -

y ~ l):n 1erchou Il. (1) . ..

,(il A. ·de .llarLh élemy,.L.e Cahier de la· Sain le-Un ion , p, 72.

, 11 '" - ·1", .;J +' )

Maïs Jean' Arrel semble s'être peu so~cié de

lem r son
sei'ment, et le conseil de l'Union finit par le traÏ ter en
ennemi. On voit, en effet. les ligueurs saisir ses biens, et
Charles de Kergariou de Kermadéza chargé, à la dat, e du
8 mai 1590, de' faire trcillsporfer à Morlaix « les foins,
avoines el pailles qui sont à I);ouchant et 'à I>merchou ' )) (2).
Le 8 juillet, la Chambre décide (( que les deniers que le sieur
de PO'rzmeur a enlre mains appartenantz au sieur de Eeur­
guen seront arrestés el viendra demain pour faire rapport (3))).
Du mariage de Jean Arrel et de' Françoise de Kermerchou
issurent deux fils, Pierre et Yves. Ce dernier, qualifié sieur
de' Coatmen, fut prêtre eL devint chanoine el scolastique de
Tréguier, doyen de Lanmeur el prieur de Kernili'on en 1612 ;
il esll'auteur d'une Vie de sa.int MelaT, imprïméeen 1627, à
Morlaix chez Georges Alienne. Son frère aîné, Pierre ArrE',I,
sieur de Kermerchou, Leurven, etc., capitaine de vaisseau el
chevalier de Saint-Michel, épousa vers 1610 René de Coa­
tanscour, fille et héritière de René de Coatanscour, sieur de
Kervény en Plougasnou, et de Marie de Ken'et. Leur tille
Marie Arrel, dame de Kermerchou el Kervény, se maria
en 1637 à 'Sébastien Le Bigot, sieur de Langle, Kerlouel el
Kerjégu, chevalier de Saint-Michel, dont une fille héritière,
MoriceLte-Urstilé Le Brgot,qui devint la femme de Messire Jean'
Botherel, sieur de la Pinelaye et du Coudray, grand prévôt
de Bretagne. Elle fournit aveu le '2 avril 1676 élU comté de Boi­
séon pour la seigneurie de Kermerchou,provenant de la s'ucces­
sion de défunte dame Marie Arrel, dame de Kerjégu,sa mère.
Cet aveu comprend le manoir noble de Kermerchou, avec;
ses logements, cours, chapelle, colombier, jardins, vergers;
bois ne haule futàie, rabines et autres pièces de terre, le lieu
noble de Carpont elson bois taillis, les convenants al' Pontou. ,
la Villeneuve, I{ervézec-Bian, Kervézec-Huella et Kergrech,

(2) A. de Berlhélemy, Le Caliie/' de la Sainle Union, p. 92.
(3) Ibid. p. H2, , ", .

. " 176 '

ée dernier, acquis par la feue dame et son mari du seigneur
du Coatangars (4) Des Botherel, la terre de Kermerchou a
passé aux Visdelou de Bédée. En 1767, elle appartenait au
marquis de Rosnivynen.
En '16t7, le manoir était habité par nobles Lancelot Le
Chevoir et Marguehte de Quélen, sa compagne, sieur et dame
de CoaLezlant, Treffbriant, Coatjagu, qui, le 10 février de ceLte
année, firent baptiser leur fille Jeanne à Garlan. Au siècle
suivant, Rermerchou était la résidence de la famille PoLon­
nier, originaire de Bayeux, en Normandie, et établie à Mor­
laix par le mariage, en 1674, de Michel PoLonnier, sieur de
Moissonnière et de demoiselle Barbe Cornet. Maître Louis­
Jean Potonnier, sieur de Carpont, ' marié à Jeanne Nigeon,
receveur ou régisseur du domaine de Kermerchou vers '1730,
laissa cette charge à son gendre Jean-Pierre Carluer, sieur de
Keryvon, époux en n39 de Renée Potonnier.
Le manoir de Kermerchou, acLuellement converti en ferme,

est un assez vaste éd ifice à un étage, flanqué sur la façade
d'une tour ronde aux fortes et solides murailles. Malhéurtlu­
sement, le portail gothique ouvert sur un perron a été rem­
placé par une baie rectangulaire, et les fenêtres à meneaux
sont modernisées. Une meurtrière pratiquée à la base de la
tourelle défendait la porte du manoir, à l'intérieur duquel se
voient deux bl~lIes cheminées à hotte et pilastres bien mou­ lurés . Un large escalier de pierre s'enroule dans la tour
jusqu'à l'étage; plus haut, un escalier de bois ménagé dans
l'épaisseur du mur mène à une petite chambre circulaire
avec cheminée. Le bâtiment qui borde la COUf, à gauche, a
aussi des parties anciennes, et deux puils jumeaux exis tent
au centre de cette cour. Le colombier et la chapelle ont dis­ paru.
Au Sud de Kermerchou, dont le sépare seul un vieux

177 -
. chemin, se tro. uve le manoir de Kerohant, jadis la plus im­
portante terre de la paroisse de Garlan, ayant droit de haute,

moyenne et basse justice et possédant les premières préémi-
nences de l'église de Garlan. Au quinzième siècle, Kerohant
appartenait à la famille de la Boissière, originaire de Plou­
jean et qui avait pour armes: de gueules à sept annelets d'or,
blason que le commissaire chargé . de faire état des préémi­
nences des églises si tuées dans le ressort de Morlaix­
Lanmeur, en 1679, semble avoir confondu avec celui des
de la Roche Jagu (1), lesquels portaient également, selon Guy
Le Borgne: de gueules à sept annelets d'DT. Jehan de la
Boissière était seigneur de Kerohant ou Kerouc'hant lors de
ta: réformation de 1427. Il mourut cette même année et le duc
Jean V accorda, par lettres du 6 mai 1427, à sa veuve

Catherine TuongofI et à leur fils aîné Bertrand de la Boissière,
le don de la moitié de son rachat (2) .
Bertrand de la Boissière fournit aveu le 15 mars 1458 à la
seigneurie de Boiséon pour terres en dépendant. Il eut pour
fils Jehan de la Boissière, mentionné dans la réformation de
1481 comme possédant le manoir de Kerouhant « de grande
estendue de terre vallant par an environ quarante livres de
rente, appartenances de grand boys ancien, colombier, pra­
ries et autres embellissements de manoir Il . Jehan de la Bois­
sière, présent en archer en brigandine à la montre de 1481,
reçut l'injonction de s'adjoindre un second areher. Il épousa
Marie de Kermellec, fille rf 'Alain et d'Amice de Plougrois,
partagée en 1497, et en eut Jehan de la Boissière, décédé
avant 153:5. Ce drrnier avait lui-même pour fils aîné et
principal héritier autre Jehan de la Boissière, seigneuT expec­
tant de Kerohant, mort assassiné vers 1530. On accusa de ce
crime Charles de CUl'say, sieur de Coatgrall et de Kersaint,

(i) Archives du Finistère, A. i9 .

(2) Lettres et mandements du duc Jean V, S,ociété des bibliophiles breton~,
T. V, p. 20L

178

qui, enfermé « ès prisons de la court de Mourlaix )) dicte le
9 mars 1D33 un long et très curieux testament contenant cette
cla use :
« Item, ordonne poier audict de la Forest, sondict beau­
père (Alain de la Forest, sieur de Keranroux) et à Maitre
Pierres de la Forest, seigneur de Kergoasiou, ses proc'ureurs
pour la mise de la conduicte et defIanse de 'son proceix et
matière louchant la mort de Jeban de la Boissière, seigneur
expectant de Keroucbant, tant au Conseil, Parlement, Kera~
'hès, Lantréguier, MoUrlaix, que ailleurs, au pourchatz de
remeptre et réintégrer ledict de Cursay en la frànchise dont
disoit avoir été spolié el aultrement, dont lesdictsde' la
Forest ont fait les froiz et mises requises et nécessaires à la
requeste dudict de CUl'say, commèil cognoit el' afIirme par

son serment, et aussi pour impétrer et retirer sa gracze tou-
chant la mort dont on l'accusoit dudict feu Jehan de la Bois­
sière, la somme de ouict cent livrés mon noie, én ' oiJltre tout

ce qui avoit été prins et levé par lesdits nommés desfruictZ

'et levées des terres dudict CUl'say pour sa despanczedurant
'qu'il fust aux Jacobins dudict Mourlaix et en la Tour NeufIve

dudict Mourlaix (1). )1
La victime de Charles de CUl'say avajt des frères et 'des

sœurs, auxquels la réformation de 1D3;5 attribue la terre de
Kerohant. Nous ne savons par quelle voie ce fief passa àla
famille de Quillidien, car la généalogie de celle-ci n'Indique

pas d'alliances avec les de la BOissière. Guy de Quillidien,
sieur du Porzou (en Plestin), et de Kerohant, époux en '1D60

de Jeanne Le Cozic, douairière en 'lD88, morte à Morlaix, en

Saint-Mathieu, le 25 juin 1596, en eut un fils et quatre filles.
Son fils, nommé aussi Guy, embrassa pendant la Ligue !e
parti de la Sainte-Union et servit dans l'armée du duc de Mer­
cœur, dont il suivit tous les mouvements. Il prit part aux
escarmouches de la croix de Malhara, près de Châtelaudren,

(i) Archives de l'hôpital de MOrlaix, cart ons des testaments.

_ .. 179

accompagna le duc à Jugon, était à la bataille de Craon, aux
sièges de Blain et de Malestroit. Il tomba malade devant cette
place, fut transporté à Josselin et y mourut dans les derniers
jours de juin ~592, à l'âge de 26 ans. Voici la relation émue
et touchante . qu'a laissé de son trépas Missire Effiam Pichic,

recteur de Plestin, sur le registre des sépultures de cette

parOIsse.
« Noble et puissant Guy de Quillidie'n, seigneur de
I) ouc'hant, Sainct Lauc'ha, Quelengrac'b, la Boissière, le
Porzou,l);leau, etc., rendit SOil ame à Nostre Seigneur Dieu,
defIendant la Saincte Union et l'Eglise catholicque, apostolique
et romaine, à qui Dieu absolve, et fut son corps inhumé en
l'église de Jocelyn, évêcbé de Vannes. La présente a esté

escripte par son grand ami et le père spirituel dudit Seigneur,
Messire Evilam Picbic, recteur de Plestin, le deuxième jour
de juillet l'an mil cinq centz quatre vingtz douze.
(Signé) E. Pichic, recteur. )) (1).
La sœur aînée de Guy, Margilie de Quillidien,épousa en '11)86
Jean de Quélen, seigneur de Guernisac en Taulé, fils de
Tanguy de Quélen, seigneur de Guernisac, et de Marie
Rivoalen. De ce mariage vinrent quatre filles dont l'aînée,
Gilette de Quélen, béritière de Guernisac, Kerohant. etc.,
née au manoir de Kerobant, At baptisée à Garlan le 18 novem­
bre 1587, fut mariée en 1599, à l'âge de 12 ans, à François

de Kergroadez, seigneur dudit lieu en Plourin-Léon, veuf de
Claudine de Kerlech.
Gilette de Quélen était douairière en 1630 et habitait à
Kwobant vers cette époque avec son fils aîné René de Ker­
g{oadez. Son second fils François de Kergroadez, seigneur du
Boys, demeurant au manoir de Kerangomar, s'enrôle en
1636 dans l'arrière-ban de l'évêché de Léon, en déclarant faire
(1) Les renseignements concernant Guy II de Quillidien sont extraits de
Notes manuscrites sur les anciennes familles de Plestin, rédigées par feu
111. J'abbé J oncour, recteur de Plestin, qui. JlOUS ont été communiquées
par M. dc Bergevin.

182 -

du quinzième siècle, construit en petites pierres assez bien
appareillées, et terminé par deux pignons aigus. Les deux
façades Est et Ou est, presque semblabl es, sont percées
d'é troites fenêtres garni es d'accolades et de barreaux de fer, et
de deux ou trois baies plus larges, avec meneaux en croix.
On a bouché plusieurs de ces ouvertures, et pratiqué à leur
place d'autres fenêtres modern es. Les portes cintrées n'ont ni
moulures ni écusso ns. A part de vas tes chemin ées de pi erre et
un esca lier à balustres, l'intéri eur de la maison n'offre ri en
de pa rti c ul ier. Derri ère est un e vaste gran ge à double portail.
La chapelle s'élevait sur un petit tertre, à l'Est du manoir; il
n'en subsiste d'autres ves ti ges qu' une élégante arcade go­ thique en kersa nton, avec crossettes fri sées, qui doit avoir
orn é une crédence d'autel. Les ruin es des muraill es d'enceinte
qui circo nsc ri va ient plusieurs hectares de terrain, l'énorme

colombier à porte ogivale qui se dresse au Nord de la ferme,

les tra ces d'anciens viviers qu'on remarque dans le vallon

voisin, témoignent encore de l'antique importance du manoir
de Kerohant. Le vieux moulin seigneurial se trouve à plus de
trois kilomètres de là, sur la ri vière du Dourdu, aux co nfins
de la commune.
Les paysans n'ont pas oublié que Kerohant a été la
demeure d' un marquis, et il s montrent,comme étant son por­
trait, un buste de pierre qui termine le pignon de'la métairie
du Petit-Kerohant.

Nous rejoignons la route de M orlaix à Garlan par la Croix­ Rouge au hamea u de Kergust.ou, où le seigneur de Kerohant .
ava it, en 148t , un métayer exempt, et où résidait, à la même

date, Jea n Perrot, franc-archer de la paroisse . Ce village est

situé au milieu de land es marécageuses et tristes, que bordent.
au Sud et à l'Est les bois de .pins des manoirs modern es de
Pradigo u et de Kertanguy. Dans une ga renn e voisine de

_. 183 ··_·

Kergustou, au bord même du chemin de Garlan, existent une
vingtaine de blocs de quartz assez volumineux, tapissés de
lichens et de mou sses, At parmi eux deux ou trois peulvens;
ce sont très probablement les restes d'un monument mégali­
thique bouleversé. Plus bas, coule une petite fontaine entourée
de roches du même genre.
Non loin de là, de l'autre côté du vallon, sur une éminence
plantée de pins qui dépend du domaine de Kertanguy, se .
voient . encore un certain nombre de mégalithes, débris
de quelque cromlec'h considérable. Un menhir, brisé en deux
et gisant sur le sol, mesure quatre mètres de longueur;
d'autres pierres semblent être les fragments d'un peulven
colossal qu'on se serait acharné à briser; dans la cassure d'un
troisième peulven déraciné, a poussé un arbre vigoureux. Les
plus gros blocs, au nombre d'une vingtaine, sont disposés en
une file orientée Nord-Sud. .
Le bois qui contient ces pierres est bordé au Sud par

l'ancien chemin de Morlaix à Plouégat-Guerrand, aujourd'hui
rectifié en celle partie et complètement abandonné. Dans le
chemin même s'alignent, de l'Est à l'Ouest, six petites buttes
circulaires, élevées d'environ -1 mètre su r 10 ou 12 mètres de

circonférence et séparées par une distance moyenne d'une
quinzaine de pas. Si ce sont bien de vrais tumulus, il doit
être rare d'en rencontrer d'aussi minuscules. Le premier de
ces tertres ( vers .l'Ouest) est enfoui sous les ajoncs et les
ronces; le second a été fouillé, sans succès, parait-il, à une

époque déjà ancienne, et est resté depuis partagé en, deux
par une tranchée ; le troisième n'existe pour ainsi dire plus;
le quatrième a été fouillé plus récemment, mais nous ignorons
les auteurs et les résultats de cette recherche. Les deux
derniers sont intacts. La terre qui forme ces buttes est argi­
leuse, très meuble et mélangée de quelques cailloux.
Le tronçon de vieille voie où l'on rencontre ces petits
tumulus oUre, à certaines places, des traces de pavage

. ' 184 '",

grossier. Elle entre dans la commune de Garlan à la Croix­
Rouge, nom de lieu significatif, et coupe en cet endroit une
au tre voie ancien ne di te Hent-ar-lI1nled (le chemin des mulets),
près de l'auberge de la Grande-Roche, dans le courtil de
laquelle on trouve des morceaux de tuiles à crochets. Cette
auberge est'ainsi nommée d'un enorme bloc de quartz situé
vis-à-vis et entouré des ruines d'une vaste allée couverte.
Dans une lande avoisinante, aux confins des trois communes
. de Plouigneau, Ploujean et Garla n, il y a une fontaine où,
selon le dicton lo' cal, les recteurs de ces paroisses pourraient

se désaltérer' l'un après l'autre sans quitter chacun son

terri toire respectif.
La réformation de '1427 indiqu e, au terroir de Kertanguy,
le manoir du Buron, possédé par dame Jehanne de Rosmadec;

. celle de 1481 mentionne le même manoir appartenant alors à
Pierre Foucault de Lescoulouarn, fils de ladite dame, qui y

avait pour métayer Robert 'le Normant, moyennant . une
redevance annuelle de 10 paresarts froment et ' 25 , s' ols
monnaie, et un autre 'lieu exempt au sieur de Kerprigent,
auquel demeurait Hervé le Parch, son métayer, qui payait
. par an 10 livres à convenant. Lors de la réformation de

1535, ces deux terres avaient été acquises du seigneur de
Langu eouez, par un marchand de Morlaix, Vincent an
Hénoret, Lhénoret ou Lhonoré, ainsi que plusieurs autres
80nvenants dans 'la paroisse, achetés à divers gentilhommes
pour une valeur de 1800 livres.
Vers la fin du seizième siècle, l'un des Kertanguy était à
Nicolas Le B1onsart, sieur de la Villeneuve, époux de Marie
le Dourguy, dame de Lambezre, Leur fils ainé, écuyer
François Le Blonsart, sieur de Kertanguy, fut marié à Saint-

Melaine de Morlaix, le 20 janvier 1611, à Marguerite Quintin,
fille d'Yves Quintin, sieur de Kerbamon, et de Louise Calloët.

Il était maire de Morlaix en 1619, juge-consul en 1643, et

_. 185

obtint l'année suivante, grâce à l'intercession d'une pieuse
religieuse du Calvaire de cette ville, sœur Françoise de la
Nativité, décédée en odeur de sainteté ' le 4 avril 1634, la

faveur d'une guérison miraculeuse ainsi rapportée dans un
ouvrage con temporain :
« Messire François le Blonzart, escuyer, sieur de Quertan·
guy, estant dans une si griève maladie que les Médecins
l'avoient abandonné et dit qu'il luy fallqit faire donner les
derniers sacrements, Madame Marguerite Quintin, son
flspouse, le voyant en cette extrémité, fut conseillée de le
vouer à Sœur Françoise de la Nativité, ce qu'ell~ fit, et luy

ayant mis quelque petite pièce des habits de cette bonne
Religieuse, il fut en mesme temps soulagé, et joüist d'une
très- parfaite santé. Ce grand miracle arriva l'an '1644, en
présence de Marguerite de la Tourneufve, dame de Morbic,
dont elle a donné sa déclaration le 17 mars 1668. Ains.i,
signé: Il! arguerite de la Tourneu/,ve. )) ("1).
La ·fortune que François Le Blonsart avait amassée en
commerçant, lui permit d'acquérir, vers 1654,' pour son fils

Yves Le Blonsart, sieur de Lambezre, la charge de sénéchal
de la cour royale de Morlaix, possédée auparavant par
Messire Jonathas de Kergariou, seigneur de Kergrist. Mais
Yves Le Blonsart mourut peu après, le 21 octobre 1655, sans
avoir eu d'enfant de son mariage avec Perrine Aumont, dame
de Kerantrez, et son père le suivit bientôt dans la tombe, le
26 novembre 1656, laissant pour héritière de cette branche

des Le Blonsart sa fille Marie, dame de Lezengar, Kerven, '
Kertanguy, mariée le 23 février 1642, dans l'église de Saint­ Melaine, à écuyer Yves de Kermabon , seigneur de Kermabon
et du Roudoumeur. (21
. La famille du Plessis de Coatserhô, établie à Ploujean près

(i) Annales Caluériennes, par le F. Simon Mallevaud, pl'édicaleur réco llel,
Angers, 167t, p. 775.
(2) Reg. par . de Saint-Melaine.

- 186:

Morlaix, possédait ,aussi des biens à Kertahguy, et l'une ' de'
ses branches en prit le nom. Gabriel du Plessis, sieur de
- Kertanguy, vivant ~n 1609, est père de Michel du Plessis,

sieur de Kertanguy; qui rend le2 juin 1640, au fief de'
Boiséon, un aveu dans lequel il dit. faire « sa plus actuelle
résidehce en son manoir de Guernanhir, paroisse peGarlan ».

Ce ' nom de Guernanhir est actuellementinconn'u dans la

commune Michel du Plessis avait épousé Anne.Jégou, ~dont
un fils,'rRolland, et une fille, Fl'al)çoise, baJ)tisés à Garlan en

1636 et 1635. Le rameau de~. du Plessis de XCl'tanguy dut
di'sparaitre avant la réformation de 1668-71, car il n'est pas

compris dans l'arrêt de maintenuè Tendu en faveur de la
famille du Plessis, Le 12 août 1669. Son héritage fit retour. à
la branche .de Coatserhô. ' Renée de Lanloup, ' dame de
Coatserhô; mourulle 12 juin 1693 à son manoir de Kertanguy,
é~ant veuve de François du PI-essis, L'un de leurs fils puînés,

.' Charles du Plessis, sieur de Kertanguy, épousa le 29 septem·
.bre 1694" une jeune fille roturière de la paroisse, nommée
Claudine Guyomar, qui lui donna deux enfants, Marguerite
et Jean'. Ce dernier mourut jeun~, et sa sœur Marguerite du
Plessis, dame de Kertanguy, se mésallia bravement à son
tour en donpant sa main; le 2 octobre 1716, à un honnête et
notable cultivateur, Olivier Morvan, lieutenant de la milice . ,
paroissiale ,
En 1783, M. GuiIlaume-Dui'ivage, de Morlaix, résidait au
manoir de Kertahguy, qui a été depuis possédé par 'la famille

de la Fare, laquelle ra vendue à M. de Bonvillier. L'habitation
.est 'moderne et sans aucun caractère, mais la ferme qui
l'avoisine garde encore la tournure d'une vieille maison noble.

Au Petit-Kertanguy existe aussi d'autres vieilles ' fermes à

portes dritrées et escaliers extérieurs.

- Au Sud-Est de Kertanguy, les restes du manoir de Keran-

1137

gouez se cachent au centre d'un grand bois taillis. Ce manoir,

situé entre l'ancienne et la nouvelle . route de Plouégat- .
Guerrand, faisait jadis partie de Plouigneau, mais, depuis la .'

rectification du cbemin, toute la bande de ·territoire comprise .

entre le tronçon déclassé, qui formait primitivement la
limite, et le tracé actuel, a été ajoutée à la commune de
Gàrlan. Ce dernier bourg est d'ailleurs à peine élnigné de

, deux kilomètres et demi, et, lorsque la famille de Coëtmen
résidait à Kerangouez, vers la fin du seizième sièc~e, c'est

toujours à Garlan qu'on administrait le baptême aux enfants

des cbâtelains. .
Kerangouez appartenait autrefois à la famille Botglazec,

fondue avant HS80 dans Coëtmen, par le mariage d'Anne

Butglazec, fille et béritière de N, .. Botglazec etde Marie de
Quilidien, sieur et dame de Kerangouez et Roscerff, avec
Guy de Coëtmen, sieur de Kergaran, fils cadet de Lo,yis
de Cbëtmen, sieur de Boisguézennec, et de Margilie de

Kermellec. D.ans le;; actes baptismaux de leurs sept enfants;·

ces deux époux sont quali,fiés de' nobles et illustres, et les
. parrains et marraines appartiennent toujours à des maisons

distingùées. Leur fils aîné, Pierre de Coëtmen, baptisé à
Garlan le 11 janvier 1583, est tenu sur les fonts sacrés par
noble et puissant Pierre de Coëtredrez, seigneur de Coëtredez,

Penaunt, l~ Rest, Kerdeozer, Keradennec, et par dame Jeanne
Le Cozic, dame de Kerobant, le Porzou. Julienne de Coëtmen,
baptisée 'le 1er février 1580, a pour marraine. Julienne du

Dresnay, dame de Trobodec, et sa sœu r Marie, baptisée le
12 septembre 1581, Marie du Dresnay, douairière de Goëtre- ­ drez, Kel'venniou, propriétaire de CoëtsaofI, dont le c9mpère

,est Alexandre de Kergariou, seigneur de Kergariou, Keraël,
gouvel;neurde Morlaix. Le baptême de leur sœur Françoise,
célébré le' 20 août 1584 par noble et discret Messire Jean
Botglazec, recteur de Plouézoc'b et official de Plougastel, est "
suivi de ceux de François de Coëtmen, en 1585, qui a pour

- 188

parrain François de Goezbriilnd, seigneur dudit lieu, de Guy,
en Hi8ï, de Jean, en 1590, et d'Yves, en 1592.
A l'époque de la Ligue, Guy de Coëtmen de Kergaran fut

convoqué devant le Conseil de la Sainte-Union mol'laisienne, .
le 4, décembre ' 1589, pour prêter le sûment de l'Union . Mais

il refusa de s'exécuter, alléguant qu'il l'avait déjà jurée à

Lannion, le ter décembre, entre les mains de Louis Hingant,
seigneur de Kerduel, capitaine des ville et château de .

Moncontour « comisaire député par Mgr le duc de Merceur et
de Penthevre, gouverneur de Bretaigne, pour recevoir les
protestations de toutz ceulz de cet evesché (de Tréguier) qui
veullent se randre et adherer au sainct party et union des
princes catolicques pour la manutention de la religion apos-

tolicque et romaine soubz.· I'auctorité de mon dit seigneur
protecteur d'icelle en ce ducbé H, et il présenta au Conseille

certificat et sauvegarde qui lui avait été délivré par M. de
Kerduel. On remarqua qu'il portait sur son chapeau « la
croyx des polectique s, et aultre que celle que portent ceulx de.

l'Union » ) et, l'ayant fait sortir, on délibéra ' sur la 'question
de l'arrêter. Voyant què les choses prenaient une fâcheuse
tournure, Guy de 'Coëtmen consentit alors à répéter son
serment par écrit (11 .
Ce n'était d'ailleurs pas à tort que la Chambre de l'Union
suspectait son zèle en faveur du parti de Merceur, et 'il al!ait

bientôt apprendre à ses dépensqu'il importe de savoir retenir sa
langue et mesurer ses paroles en public. Le 6 décembre, le
sie- ur de la Motte, représentant et espion du duc à Morlaix,
remontre '« que le sieur de Kercharan qui depuis 8 (sic) jours
a signé l'Union en ceste ville, et le sieur de Kerven, qui avoict
prins paseport pour y venir signer, auroinct le jour d'hier en
une taverne en ceste ville, dict en présencze de plusieurs
honestes personnaiges que le roy de Navarre est très bon

catolicque, et que qui meult Mgr de 'Merceur ce n'est le sczele

(1) A. de Barthélémy, La Chambre du Conseil, etc., p. 42 .

189 -

de la Religion, ains un ambition "pour se faire du.c: d'avan­
taige come ceulz qui suivent le party du roy de Navarre sont
sy bons catolicques que ceulx du party contraire; ausy que '
ledict sieur de Kercharan a dict qu'il avoict signé l'Union 0
contrecœur et contre sa volonté, mais sans en dire davantaige,

et eze en la presancze des sieurs de Kel'Quchant, Kerinisan,
etc ... ». Sur son rapport, la Chambre ordonne que ceux qui
ont entendu ces propos viendront à la prochaine séance faire
leur. déclaration, que le sieur de Kergaran sera mis en prison

jusqu'à plus ample informé

et que le sieur dG Kerven sera
retenu par le sieur de Bourgerel ( 1).
Huit jours après, le comité décide que les sieurs de Kerga­
ran et de Kerven seront remis en liberté, à la charge d· :aller,
dans le délai d'un mois, trouver M. de Kergariou, gouverneur
de Morlaix, auquel seront envoyées les. informations faHes

contre eux, pour en. ordonner selon son plaisir, et de bailler
chacun caution de la somme de 500 écus. Conduit devant le

conseil, .,le sieur de Kergaran répète « d'abondant pareil

serment de tenir bon à l'Union )), et son compagnon jure
aussi l'Union sur ' les Saints Evangiles, entre les mains de

l'archidiacre de Plougastel (2). 11 est à croire qu'Alexandre

de Kergariou ne dut pas traiter trop sévèrement Guy de
Coëtmen, dont l'un des enfants était son filleul, et qu'il le
laissa regagner son paisible man oir de Kerangouez, en
l'astreignant tout au plus à servir de temps à autre dans les
compagnies de gentilhommes ligueurs qui gardaient la ville
de Morlaix et les paroisses circonvoisines .
. Pierre de Coëtmen, fils aîné de Guy, épousa en 1606
Isabelle Hémery, tille et héritière de Guy Hémery et de­ Constance Le Spa riel', sieur et dame de Kergadiou, en
Guimaëc, et fut le bisaïeul d'Alexis-René, baron de Coëtmep,.

seigneur de Kergadiou, Leingouez, Kerangouez, maréchal de

(i) A. de BàrUlélémy, La Chambre du Conseil, etc., -p. 43-44.
(2) A. de Barthélémy, La Clwmbu du , Conseil, ~lc., .p. 4.7:.

. 190-

camp, gouverneur de Tréguier, commandant de Brest eL des
quatre évêchés de Basse-Bretagne en 1748, qui laissa de son
'alliance avec Julie de Gouyon de Vaudurant, sœur de l'évêque
de Léon, deux filles dont l'alnée épousa le marquis de Rougé,
maréchal de camp, et la cadette se maria au marquis de

Caradeuc, fils du célébre procureur-général du Parlement
de Bretagne.
Le manQir de Kerangouez semble avoir été important, mais
il n'en reste pl us que des ruines. A gauche du portail de la
cour fait saillie une pelite tourelle, percée à hauteur d'appui
de trois meurtrières très évasées. L'édifice principal, en

grande partie démoli, offre une jolie porte de style Renais-
sance, ouverte au haut d'un perron, el deux larges fenêlres à
meneaux; il est flanqué d'une tourelle découronnée qui
contient l'escalier. Dans la salle du rez·.de-chaussée se voit
une vaste cheminée dont le manteau est chargé d'un écusson
fruste. La chapelle, qui bordait l'ancien jardin, a été détruite.
Reprenons la direction du bourg de Garlan par le chemin
du Rascoët. Nous rencontrons bientôt le hameau de Leinquel-

vez (ta hauteur des noisettieTS), ancienne seigneurie possédée
en 1427 par Rolland Polart, père de Marguerite Polart, dame
du lieu, qui épousa vers '1440 Alain Thépault, lieutenant de
Tanguy du Chastel au château de Montlhéry en 1465. Leur

fils Jehan Thépault, sieur de Leinquelvez, archer en brigan-
dine à la montre de 148'1, est cité dans l'enquête de celte
année comme « noble homme demeurant en sa terre et vault
l'estage où il demeure 30 paresarts froment par an n. Sa

femme, Ollive du Quellennec, lui donna Chrestien Thépault, '
àrcher à la montre de 1534, mentionné dans la réformation .
de 1535 comme propriétaire de Leinquelvez, qui épousa
Marguerite de Plouézoc'h. Son petit-fils, Guy Thé"pault,'
marié à Constance Le Meur, a des enfants baptisés à Garlan

et à Saint-Mathieu de Morlaix de 1583 à ' !593, Bien qu'il eut
adhél:é à la Sainte-Union morlaisienne, il dut aussi tâter des
-geôles de celle-ci, comme l'avait fail son voisin Guy de
Coëtmen, car on voit le Comité, à la fin de février 1590,
députer deux de ses membres, les sieurs de Leinoudnin et de
Resmeur, « pour savoir si Leincelvez est malade en la
. 'prisonn J) (1). '

. Son fils aîné, Maurice Thépault, sieur de Leinquelvez,
. Mesaudren, Tréfalégan, baptisé à Saint-Mathieu de Morlaix
le 3 mars 1583, était en ' 1636 procureur du Roi au siège de
Lanmeur et en 1640 :bailli du ' même siège. Il mourut ~e

février 1661 et fut inhumé au couvent des Ursulim:s de
Mo1'laix, fondé par lui en 1640, laissant de sa femme Jeanne
de Kergroas, plusieurs enfants. Un autre fils' de Guy, Michel
-Thépault, sieur de Rumelin, baptisé à Saint:Mathieu le
5 févrièr 1593, recteur de Pleumeur· Bodou en · 1614 et de
Plougasnou en -L6:50, devint chanoine de Tréguier et fonda en
: 1674 le séminaire de Tréguier, dont la chape lle abrite depuis

1677 sa ' sépulture. Notre confrère, M. de la Rogerie, dans

l'intéressa.nte publication qu'il a faite en 1900 de la Corres-

. pondance de la famille Thépault de Tréffatéguen, fournit
d'édifiants détails sur ce pieux et charitable pr~tre, dont il
,donne le curieux testament, digne couronnement d'une longue
vie de bienfaisance et de zèle pour le salut des âmes (2). Sa

sœur Jeanne Thépault, mariée à Yves Boetté, sieur de Kerasten,
décéda à Leinq uel vez le15 juillet 1662 et fu t en ten;ée \\ ez enfeus

dependant dudillieu de Leinquelyez, en la chapelle de Saint-
Sébastien, dans l'église de Garlan 'J) . . ' .
Jean Thépault, sieur de Tréfalégan, Kerpzern, Leinquelvez,

(fils aîné de Maurice), bailli de Morlaix en 1649, 'avait pour
frères: 1

Pierre Thépault, sieur de Goasou.jJjat, en Ploui­ gneau,.époux en 1664 de Françoise Palud j'dame de .Kerboliou;

, (i) A, de Barthélemy, .La .chambre dlf .conseil, etc., p, 6S.

(2) Bulletin, t. XXVI, 1.900. .,', . ,

192 -
ces derniers résidaient d'ordinaire au manoir de Leinquelvez,
où naquit en 1667 leur fille unique Jaouenne-Mauricette,
décédée en bas-âge; 2' François Thépault, sieur de Masau­
dren, chanoine du Mur à Morlaix en 1680, et pour sœurs:
Marie Thépault, mariée le 29 novembre 1642, dans la chapelle
de Saint·Jacques à Morlaix, à René Le Ségaler, sieur de
Mesgouez, bailli de Morlaix; Anne, mariée à Toussaint de

Kerc'hoent, sieur de Morizur; Fiacre, mariée le 12 juin 1662,
dans la chapelle de Sainte-Marguerite, en Saint-Mathieu, à
Pierre de Keroignant, sieur de Trézel, et deux religieuses
ursulines dites les Mères Scholastique et Ursule de l'Assomp-
tion. .
De son mariage avec Catherine Le Chaussee de Kerbriant,
célébré à Saint-Melaine de Morlaix le 21> juin 161>1, Jean
Thépault eut trois fils, Maurice, sieur de Tréfalégan. Henri­
Nicolas, sieur du Breignou, prêtre, et Jean, sieur de Kerozern
et de Leinquelvez, lieutenant d'épée au siège de Lanmeur,
mort au manoir de Leinquelvez le 4 octobre 1724, sans.
postérité. Maurice Thépault de Tréfalégan. épousa d'abord en
1684, Françoise de la Bourdonnaye-Blossac, dont, entre autres
enfants, Marie-Thérèse Thépault, dame de Leinquelvez.
mariée en 1721 à Rolland-François de Kermenguy, sieur de
Saint-Laurent. Mgr Hervé-Nicolas Thépault du Breignou,
évêque de Saint-Brieuc en 1747, est issu d'un second mariage
de Maurice Thépault avec Hélène-Anne-Marie de Kerlec'h du
Chastel, célébré à Saint-Ronan de Quimper le 19 mars 1691 .

La famille Thépault de Trefalégan s'est fondue dans For-
sanz comme nous l'avons indiqué à propos de Kervolongar,
par l'alliance, en 1771>, de Messire Hilarion-Alexis-Mathurin,
comte de Forsanz,avec Thérèse-Françoise-Louise Thépault,fille
de. Jean-Louis-Anne Thépault, seigneur de Trefalégan, et de·
Thérèse-Françoise Jégou du Laz Du manoir de Leinquelvez,
passé dès 1721 aux Kermenguy de Saint-Laurent, il ne sub­
siste plus que la chapelle, autrefois dédiée à Sainte-Anne et

193

aujourd'hui convertie en lieu de débarras. Le 4 àctobre 1676;

Missire HenryPrimaigné, recteur de Garlan, avait · fait la
bénédiction « d'une cloche pesant environ 30 livres, pour
l'usage de la chapelle du manoir de Leinquelvez, dédiée sous
l'invocation de la Glorieuse Sainte Anne, et nommée Catherine
par Missire Derrien Mer, chapelain des R. R. dames réli~
gieuses Ursulines de Morlaix, et demoiselle Catherine
Le Chaussec, dame douairière de Treffalegan )J. .
Nous avons visité en Lanhouarneau, canton de Plouescat
(Finistère), le vieux manoir de Tréfalégan, reconstruit vers
1648 par Maurice Thépault, qui l'avait acquis du marquis de
Rosmadec. Le portail de la maison est surmonté d'un écusson
où l'on voit les armes des Thépault, une croix alisée adestrée
d'une mâcle, en abyme SUl' un écartelé au 1 d'un lion, qui est
du Bois, au 2 d'une fasce, qui est Le Meur, au 3. d'un lretté,
qui est Plouézoc'h, au 4, d'une croix tréflée, qui est Kergroas .

La ferme de Mesily, qu'on trouve ensaite au bord du che-

min, n'est pa3 mentionnée comme terre nOQle dans les
réformations. Pourtant, Hervé Ballavenne, Receveur · des
Domaines à Morlaix en 1537, époux de Sybille de Guicaznou
se qualifie de sieur de Mesily, ainsi que son fils Hervé et son

petit-fils Morvan ou Maurice Ballavenne, maire de Morlaix
et capitaine du Taureau en 1580-81, capitaine de la paroisse

de Saint-Mathieu en 1590, député de Morlaix aux Etats de

Bretagne en 1594. Ce Maurice Ballavenne eut de sa femme
Marie Le Blonsart une fille héritière, Catherine, dame de
Mesily, mariée le 22 juillet 1593, à Saint-Mathieu, à Mau­ rice Floch, sieur de Kerbasquiou, maire de Morlaix en 1606,

capitaine de la paroisse de Saint-Martin en 1625, mort en

1639. Leur · fils Maurice Floch, écuyer, sieur de Mesily,
Kerbasquiou, épousa en 1644, dans l'église du Mur, Marie
Le Rouge de Guerdavid ; il fut maire de Modaix en 1648 et

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXVI (Mémoires 13)

décéda l'année suivante, laissant un seul fils, Maurice Floch
de Mesily, marié vers 1672 à Anne-Françoise de Coëtnempren,
dame de Crechengar en Tréflaouénan, dont Marie-Claude
Floc'h, dame de Crec'hengar, Mesily, etc., mariée par contrat
du 9 août 1696 à Jérôme de l'Estang, sieur du Rusquec. La
métairie actuelle de Mesily ne présente rien de remarquable.
Un lieu plus important était le Rascoët, ancien fief voisin
du bourg de Garlan. Il appartenait en 1481, d'après la réfor­
mation, au sieur de Kerasnou, qui y avait pour métayer
JetJan Hamon et recevait un fermage de seize paresarts
froment et quatre livres monnaie par an. Ce sieur de Kerasnou
était Yvon de Berrien, époux de Jeanne de Kersauson, qui
marièrent, par contrat du pénultième jour d'octobre 1490,
leur fille Constance à Jean de Boiséon, seigneur de Guerrand,
et lui donnèrent en dot le manoir et fief du Rascoët en Garlan,
mais Jean de Boiséon décéda sans enfants,et la terre de Rascoët
était possédée,en 1535, par un certain Yvon Ropern. Plus tard,
on la trouve entrée dans les biens de la famille Quintin de
Coatamour, fondue dans Lollivier de Lochrist, Jeanne
Lollivier, dame de Rascoët, épousa en 1661 Jacques de
Penfeunteniou, seigneur de Penhoët, père de Gilette-Fran­
çoise de Penfeunteniou, mariée à Charles de Clérembault.
Les fabriques de l'église de Garlan rendent aveu, le 16 avril
1692, pour certaines rentes assises sur un lieu dépendant du
fief du Rascoët,appartenant à Messire Charles de 'Clerembault,
conseiller du roi et son contrôleur général de la marine à
Brest, et à dame Gilette-Françoise de Penfeunteniou, sei­
gneur et dame_ de Clerembault et du Rascoët. (1)
M. de Clérembault, mort au Port-Louis en 1720 commis­
saire-général et ordonnateur de la marine, laissa, entre autres
enfants, Nicolas-Pascal de Clerembault de Doulon, le généa­
logiste des Ordres du Roi, et Marie-Françoise-Charlotte,
mariée en 1735 à Alain de Nogeré, capitaine des vaisseaux
(i) Arch. du presbytère de Garlan.

195"-

du Roi (2). Les fabriques de Garlan fournissent aveu, en 1764~
à leur fille Jeanne-Perrotte de Nogeré, propriétaire du fief et
juridiction du Rascoët, femme de Messire Didier-François­
Honorat de Baraudin, lieutenant des vaisseaux du Roi, capi­
taine au corps royal de l'artillerie et chevalier de Saint-Louis,
résidant en leur hôtel en la ville de Rochefort, paroisse de
Saint-Louis (3). Ces derniers eurent trois enfants, Louis de
Baraudin, lieutenant de vaisseau, fusillé à Quiberon en 1795,
Marie-Elisabeth, chanoinesse de l'ordre de Malte, et Jeanne­
Marie-Amélie, qui épousa Léon-Pierre, comte de Vigny, et
fut la mére du célèbre écrivain et poète Alfred de Vigny,
de l'Académie française (4).
Les familles énumérées ci-dessus possédaient le fief de
Rascoët, mais le manoir lui-même avait été vendu' avant
1667 à un bourgeois morlaisien, noble homme Jean Cozten,
sieur de Tréorgant et du Rascoët, époux de Louise Coroller,
et père de Yves-Jeau-Baptiste Cozten, sieur du Rascoët, corn·
missaire ordonnateur de la marine et des galères, marié en
1706 à Scholastique· Jacquette de Kersauson-Kervelec . Leur.
fils Yves Cozten, sieur de Rascoët, épousa en 1744 Jeanne Le
Monnier de la Jonquière. L'abbé Cozten du Rascoët, chanoine
de N otre-Dame·du-Mur, et fils des précédents, fu t, semble-t· il,
le dernier de la famille; il mourut à Landerneau le 30 janvier
1791. M. J. Baudry . a publié, dans son attachante (( Etude
historique et biographique sur la Bretagne à la veille de la
Révolution (5) », une lettre de ce chanoine, qu'il a cru devoir
ra ttacher à la famille du Roscoët, mais dont l'identité ne peut
faire aucun doute, et une pièce de vers fort badine, composée
par le même personnage sous forme de déclaration à une
jeune veuve. Une aussi tendre épître paraîtrait aujourd'hui

(2) Saint·Alais, Nobiliaire Universel de France, VIII, 4H.
(3) Arch. du presbytère de Garlan.
(4) E. de la Gournerie, Les Débris de Quiberon, p. 62 ~t 173.
(5) T. l, p. 156-159 .

196 -
choquante sous la plume d'un ecclésiastiquë, mais au dix
huitième sièCle, des propos de ce genre n'avaient ni consé­ quence ni portée, et ils étaient considérés comme la monnaie
courante des causeries de salon.
La famille Lannux a aussi possédé le Rascoët. Le sieur
Lannux de Rascoët était lieutenant de la milice morlaisienne
en 1733. Le manoir existe encore en partie, mais il n'oare
guère d'intérêt. Le primitif château devait exister au lieu dit
le Cozcaslel, presqu'à l'entrée du bourg de Garlan, nom signi­
ficatif porté par une petite ferme aux abords de laquelle on ne
retrouve cependant aucune trace d'anciens ouvrages fortifiés
L. LE GUENNEC.
hâllet 1909 .

VII.
VIII .

369

DEUXIEME PA RT IE

Table des MémoiTes et Documenls publiés en 1YO!J
l'ages
Épisodes et Anecdotes, par M. l'abbé ANTOINE
FAVÉ .. . ... , ... . ... ' .. . . . . , ... , ' , ' . . " 1, 79, t 97
Églises et Chapelles du Finistèr e (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXrV) . Doyen nés
de Ploudalmézeau (fin), Ploudiry, Saint-Renan, .
Châteaulin, Châleaun euf et Carhaix, par M. le
chanoine P. PEYRON ...... . . , . . . ' . , . . . , . . .. '33, 30t
Les Hameçons préhistoriques, par M. A. MARTIN
(planche) ............... , .. . , , . . .......... ' . , .
Étude sur l'Architecture romane du Finistère.­
École régionale de Pont-Croix, pal' M. CH.
CHA USSEPIED. . .. . .. ' .. . .... . .. '. , .. . . . . . .
Outil préhistorique en pierre : le Ra bo t- Râpe,
par M. A. MARTIN (planche) .. , ...... . .. . . ' ... .
Rapport sur la Chapelle de Saint-Tugen, en Pri­ melin, par M. CH. CHAUSSEPIED (planche ) ..... '
Excursion A rchéologique dans la comm une de
Garlan, par , M. L. LE GUENNEC (3 planches) . ..
Chapelle de Notre-Dame du Crann, en Spézet,
par M. le chanoIne J.-M. ABGRALL ...... . .. . . ,
Fouille d'un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lo­ érec, le 30 juin 1909, par' M. L. LE GUENNEC
lane/le) . .. .. ~ . ..... .. . . ......... . ....... . .. .

109
113
244

255
X. Études sur le Cap-Sizun:
II. La chapelle de Langroaz et la seigneu­
rie de Keridiern, en Cléden-Cap-Sizun, par M.
DANIEL BERNARD .... .. ... . .... .. , . . .... . . , . .. , 262
XI. Les Ardoises dans les sépultures néolithiques
ar.moricaines, par M. A. MAR:I'lN (8 planches l.. 278
, XII. L'Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes poUt' ser-
vir à son histoire), par M. H. BOURDE DE LA
ROGERIE. . . . . . . .. . .... , .... , . .. ' . ' . , . , .. . . . . 324

- FIN -

vnprlmérie CO TONNEC, LEPRINCE Suce - QUimper