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Bulletin SAF 1909


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Épisodes et Anecdotes

Abbé Antoine Favé

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1909 tome 36 - Pages 79 à 108

Série)
. VIII
Les deux Charretiers de l'Hôpital
mis à Pontaniou pour négligence apportée

au balayage de la ville de Brest (1707).
Le portrait que nous fournit M. P. Levot, de Jean-Baptiste
Avril, lieutenant général de po li ce de la vi lle et ressort du
siège royal de Brest, est loin d'être flatté. Après avoir mon­
tré la détresse de la ville nuisant à l'exercice de la police
mU:licipale, notre consciencieux historien nous dit: (( Elle
était dirigée par M. Avril, homme d'un caractère violent,
hargneux, et plus occupé de susciter des conflits de préséance
et d'attributions que de veiller au maintien du bon ordre.
Dix ans auparavant, M. Robert, intendant de la marine,
n'avait pas vou lu de lui pour assesseur dans un procès,
parce que, écrivait·i1, le 22 octobre 1708, il avait été pour­
suivi pour crime de fllUX au Parlement de Rennes, et qu'on
lui aurait fait alors un mauvais parti s'il n'avait trouvé grâce
auprès de ses Juges. Pendant la calamiteuse année 'de 1709,
il avait déployé des rigueurs abusives contre les malheureux
hors d'état de s'acquitter de leurs loyers, et loin d'en faciliter
le paiement, il s'était complu à le contra rier, POU?' le seul
plaisir de sévir. » (1) .
Eloigné momentanément de Brest, il fut autorisé à y
revenir, par ord re du roi, en -1710, à conditi on expresse de
changer de conduite. Il ne s'amenda pas, si bien qu'en 1718,

(i) Levot, Histoire de la ville et du port de Brest. Ed. i866, T. III, pages

les plaintes se renouvelant sans cesse contre lui, le 28 juin,
la communauté de ville finit par demander l'autorisation de
contracter un emprunt pour le rembourser du prix de son
office. Il fallait, certes, une bien grande nécessité pour que la
ville, dans l'état de pénurie où elle se trouvait, se résignât à
faire une pareille demande. Avril suscita entraves sur
entraves, empêcha les assemblées de villa .....
Usé lui-même par la lutte et les contradictions de toutes
sortes, il dut, par intermittence§, se retirer. Il mourut à
Brest, le 31 janvier 1745, à l'âge de 67 ans, laissant vacant
son office et ouverte une guerre sans merci entre les juges
royaux et la communauté, demandant à tout prix, l'union de
la judicature, qui à la sénéchaussée, qui à la municipalité. (1)
M. Prosper Levot, qu'il m'a été donné d'assister dans ses
derniers moments, et de voir mourir de la mort du juste,
avait certainement des raisons authentiques et scrupuleu­
sement contrôlées pour être aussi sévère pour Jean-Baptiste
Anil : (( homme d'un caractère violent, hargneux, etc. »

Le procès-verbal que nous produisons le montre, au con-
traire, assez débonnaire pour l'habitant. Quand il constate
que ce dernier est la vicLime de l'incurie ou· des spéculations
des agents de l'hôpital, il n'bpsiLe pas à le renvoyer indemne
de toute amende.

Et cependant avant tout commencement d'enquête, il se
munit d'un garçon et (( d'un tronc pour y mettre les amendes )) .
Nous retrouvons dans ce document un détail de police que
nous avons relevé pour la première fois à Fribourg en Suisse,
et du reste, usité dans bien des villes d'Europe. Toute

contravention est taxée et le tarif affiché: le contrevenant
s'exécute sur le champ sans besoin d'assignatinn et de compa­
rution. Exemple: secouer le tapis par la Fenêtre: 2 francs.
Vous versez deux francs, automatiquement il vous est remis
une quittance de cette somme, à moins que n'ayant votre

(i) Levot, T. III, p. HO.

portemonnaie, on n'aille à votre domicile ou a votre hôtel ponf

encaIsser.
Dans une vue de moralisation et de pacification, les bons
esprits et les cœurs bien faits recommandaient et propageaient
autrefois, ce procédé de la transaction, que le dictionnaire de
Trévoux estime en ces termes : Les gens sages aiment mieux
laire des transactions que des procédures. Les procurwrs (1)
ne conseillent jamais les transactions que lorsqu'ils ont mis
les pro. cès en état, et qu'il n'y a plus rien à gagner pour eux!

Nous, Jean-Baptiste Avril, Conseiller du Roy, Lieutenant­
genéral et premier magistrat de police de la Ville et ressort
du siège royal de Brest, ayant pour adjoint le Soussignant

J. Danillo, commis au Greffe, de luy le serment pris au cas
requis, sçavoir faisons que ce jour 7' septembre 1707, esLant
en nostre logis ordinnaire que nous faisons rue de Sciam
en ladile ville de Brest, nous y seroit venu Lrouver un
lacquai livrée jaune qui nous a dit apartenir il. Monsieur Le
marquis de ' Coetlogon, Lieulenant Général des Armées du
Roy et venir de sa part nous prier de faire néloyer les Rues
dans plusieurs endroits ou Ion avoit peine à passer sans
san tir de mauvaises odeurs, sur quoy nous aurions dans le
moment mendé y faire venir devant Nous, le sieur de
Kerdréoret, l'un des administraLeurs de LhospiLal, et luy
, aurions dit de nous Envoyer les Vallels de Lhospital avec
leurs charrettes pour leur faire Enlever les immondices des
rues et un Garçon avec un trOI! pour y mellre les deniers
provenant des amandes que nous jugeront 'raisonnable de pro­
noncer vers les négligents de ballayure chacun en droit soy.
Et quoyqu'i! nous ayt promis de nous envoyer les
Vallels, il n'en a cependant rien fait; tellement que nous
avons été obligé de faire nostre visitLe généralle par la ville
sur leur deffaut en présence de M' Gabriel de Keroullas,
advocat en la cour, substiLut pour les gens du Roy, suivy
de nos sergeans de police nommés Théliot et Le Lan, et
avons remarqués, sçavoir :

(i) Avoues.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXVI (Mémoires 6)

- Dans le haut de la grande rue depuis le Grand Monarqu~
jusqu'au coign de la Maison du Sieur Debrain, vingHrois
mullons de ballayeures le long du ruisseau.
- Dnns la rue Haule de Keravel deux gros fumiers à
gauche en descendant Il Saint-Louis, le long de ladite rue.
- Depuis la maison dudi t Debrain jusqu'Il vis à-vis de
celle de dellunct le Sieur Jourdain le long de ladite Grande
Rue, sept mullons .

- Dans la rue de Saint-Louis sept auLres mullons de '
ballayeure.

- Dan s la Rue Basse de Keravel, qui conduit à présent au
marché, dix-n euff mullons.
A la grille de la Rampe, un gros mullon de ballayeure.
- Dans la Rue de Sciam, quinze mullons.
- Dans la Rue de Sciam Traverse; douze mullons.
- La Rue de Saint-Yves et de Lhospital couverLe d'ordures.
- La Rue des Carmes assé nette.
- La Rue des Septs Saints assé propre.
Le Quay de la Calle de Recouvrance couverte d'immon­
dices et de choses embarassanLes.
L'autre quay proche la mais,on du Roy, encore plus
couvert d'immondices et de bois à battir et autres maLériaux.
Et Nous estant sommairemt;lnt enquis des habitans, chacun

en droit doù provenoit que les rues n'estoient pas neLLes et "
que les quay étoient couverts d'ordures e1 de maLériaux
des années enLières, il nous a esté déclaré publicquement -
que Je Sieur Querni er. trésorier de Lhospital, faisoiL
uccuper les Charreltes de Lhospi tal à autres choses qu'à

charoyer les ordures et im mondices des rues et des quays
et qu'il y avoit des endroits où il y avoil un el deux mois
que lesdils Chartiers n'y avoient passés pour emporter ce
qu'ils avoient bo.layés, et sur ce que nous avons vu qu'il
n'y alloit pas de la faule d'aucun des habilans, nous n'avons
prononcé aucunes amandes, cependant la challeur qu'il
fait pourroit causer des maladies . A ces Causes: Nous
avons pour la négligence commise par les nommés Michel
et un aulre Vallet dudit hospital serv-anl de Chartiers pour

l'enlèvement des immondices, ordonné que les deux Valleis
seront emprisonnés à Ponianiou pour vingi-quatre heures dans

les basses fosses, avec deH'ense que nous faisons auxdits
Vallets et tous autres desLinés pour l'Enlèvement des
Immondices de faire servir leurs chevaux et Charettes à
Lransporter et conduire du bois et a1ltres marchandises par
les Rues à peine encore de vingt-quatre heures de prison
~ar chaque contravention, enjoignant il. nos sergeanLs
d'exécuter ponctuellement nostre ordonnance il. peine
d'inLerdiction et d'estre deschus de leurs apointements .
Au ' surplus, avons décerné commission au Sieur Substitut
pour appeller les parLiculliers à qui appartient les bois de
construcLion, canons, pierres de taile, de moulage et autres
matériaux pour l'épondre à ses demandes à la première
audiance.
Ce fait l'h eure de midy estant sonné nous nous sommes
retirés et du tout fait dresser ce que dessus aue!. Bres t, ce
jour 7" septembre 1707.
AVRIL.

DE KEROULLAS,
Advocal.

DANILLO,
pOUl' le Greffe .

Baronnie de Commana. 1723.
UNE JURIDICTION SEIGNEURIALE '
« SANS GREFFIER NY GREFFE»
La plainte longuement motivée qu'adressait au parlement
de Ren nes écuyer Guy·Francois de Crec'hquérault, à la date

du U :i mars 'i733, dénonçait un e sé ri e de faits constituant et .
révéla nt un éta t d'âme qui n'étonnait personne. Il parlait
avec une indigna Lion qui le possédait plus qu'elle ne touchait
les autres; mais toutefois il pouvait dire des juridictions
seigneurial es, de leurs ofliciers, et en particulier de leurs

grelfiiers, avec le comique italien: E tutto el mundo e {atto

come la nostra {amiglia ! ,
Me Simon, le greffier de Commana, prend ses aises avec les
règlements les plus sévères, les mieux établis sur le bon sens
et l'intérêt public: mieux que tout autre de la juridiction, il
saura et trouvera le moyen d'entraver l'action de la loi et les
entreprises de la vindicte publique .
M .. Ra ymo nd Delaporte a fait un bea u livre sur la Séné­
cha.ussée de Châtea.uneuf et les juridictions seig1lew'iales du
Resllo1't (1 ). Malheureusement, c'était une thèse de doctorat
qui lui a valu le bonnet et les honneurs yatIérents, mais il
dut être l'esclave, à temps, des formalités indiquées d'une

thèse universitaire. S'il avait été libre de ses mouvements,
hors de lisières, nous en savons quelque chose pour l'avoir

vu, à pied d'œuvre, aux archives, il nous aurait fourni , non
pas un travail aussi immédiatement didactique, mais il nous
aurait, avec la méthode de la nouvelle école, donné des
monographies documentées, vécues, crousti.J.lantes, attachan­
tes, et surtout conva incantes, dans le genre des publications
de l'éminent M. Funck Bruntano.
Au cours de ses recherches il n'eut pas été surpris d'une
plainte comme celle de Commana. Il en a vu tant d'autres!
Tout au plus, il l'eut classée au nombre volumineux des pièces
qu'il a colligées, recueillies et annotées sur la vie judiciaire.
Qu'on lise son travail, dans la deuxiéme partie, chapitre
VI: Les officiers de la Sénéchaussée (pages 127 et suivantes),
et le chapitre III du Livre II: Les officie1's des Justic es
seigneuriales (pages 209 et suivantes). Cela fait, on se fera
une noti on exacte et précise de la plainte de Commana .

16 Mars 1723,
A NOSSEIGNEURS DU PARLEMENT.
Supplie humblement Escuyer Guy François de Crec'hqué- .

(i) Paris, A. Pedone, éditeur, i905.

rault, sénéchal et seul Juge de la Juridiction et Baronnie de
Commana. .
Disant qu'il est obligé de porter Res plaintes à la Cour du
désordre qui Règne dans sa Juridiction par la malice de la
plus pari de ses officiers el principallement par les Manœ u-

vres condamnables de Maistre François Simon, Greffier.
Ledit Simon quoy que Greffier en cheff par les fonctions
. de son ministère obligé d'élablir sa résidance et son Greffe
au Bourg de Commana où s'exerce la Juridiction, a
cependant estably sa demeure dans la ville de Landivisiau
qui en est elloignée de trois lieues, se contentant seulement '
de . confier les r egistres tantosl à un nottaire, tantost à un
autre, sans autre arrangement que son caprice .
Cette conduite cause un préiudice considérable aux sujets

et entre autres au juge et aux pro.cureurs qui n'ayant point
de lIeu fixe pour l'exercice du Greffe, ne sça vent où se
pourvoir pour les Expéditions judiciaires dont Hs ont tous
les jours Besoin.
A ce premier Déréglement ledit Simon en a ajouté un
second plus pernicieux que le premier, c'est de se saisir de
tous les Registres et papiers du Greffe, de les tenir cachez
en sa demeure à Landivisiau, de s'a.bsanter lout à fait du
heu de l'exercice de la juridiction et de Refuser son Minis-

tère tant aux juges qu'aux procureurs et aux partyes, ce

qui produil mil lnconvéniants donl on conçoit assé les con-
séquances, et quand le suppliant .el le sieur procureur fiscal
luy fonl des injonctions pour se rendre à son devoir, L out
cela ne produit de sa parl qu'un nouveau Refus, accompa­
gnée d'injures et de menaces, surtout quand il s'agist de
quelques expéditions qui intéressent ses parents ou amis. Cela
ariva enlre autre au mois de févri er dernier à J'occasion
de deux affaires criminelles que ledit Simon s'est mis dans
l'esprit d'étoufer de son aultoritté privée. .
Le premier regarde l'homicide com mis en la personne de
Jean Baron et la subornation suLvie d'accouchement commis
en celle d'Anne Le Men, fill e mineure. Il y a eu des plaintes,
des Requestes et des dénonçiations au sujet de ces deux

crimes de la part des Partyes intéressees, tout cela a esté
déposé au Greffe. Mais quand il a été question de faire les
suilles nécessaires pour parvenir aux approfondissements
eL jugemenLs convenables, ledit Simon a reLiré les Registres

et papiers des mains de ceux à qui il les avoit confiez pour
le service du Greffe et a toujours Refusé de les ReprésanLer
soit aux juges, soil aux parLyes et de prester son ministère

pour faire la procédure.

Le Suppliant craignant avec raison qu'on ne voullut le
rendre Responsable de la Suppression de ces affaires crimi-
nelles, et voullant d'ailleurs rendre une Justice exacte aux
vassaux expédia une plainte luy présentée par Anne Le Men
au sujet de la subornalion et la déposa aux mains de
Maistre GUIllaume Graat, notaire, adjoint qui servoit alors
pour le Greffe et qui luy en donna un Reçeû le 1

février
dernier. Mais ce dépost -devinL inulile à la parLye parceque
Simon qui en fut auerty et qui s'intéresse pour le suborneur,
se rendit ce quatriéme du même mois, contre son ordinaire,
au Bourg de Commana et se saisit uiolammenl de celte Requesle
comme des autres pièces du Greffe .
Le SupplianL qui fut témoin de celLe violance l'en ayant
repris eL luy ayant enjoint d'administrer tant cett.e [{equeste
q ne les auLres pièces nécessaires pour-l'instruction desdits
crimes, ce Greffier enjonçant son chapeau dans sa teste et
parlant la main à un sabre qu'il auoit à son costé en lieu de
plume décla.ra qu'il n'en ferait rien et refusa même de nous
suivre en l'audiLoire pDur l'exercice de ses fonctions en disant
qu'il I?renoit quatre Jours pour y panser et que ce terme
expiré, il n'en ferait rien encore, à quoy il ajeuta qu'il se
f. ... de nous, que jamais il n'adminisLreroit aucune pièce à
personne que quand il luy plairoiL et qu'il ne souffrirait
jamais personne exercer le Greffe s'il ne luy estait agréable,
après quoy il se reLil'a tout furieux avec les Registres et
pièces du Greft'e qu'on a pas veû depuis.
Deux j OUI;'S après, le Suppliant ne pouvant s'imaginer -que
led it Simon eusl porté ses Registres jusque à Landivisiau où
il demeure et croyant qu'après avoir fait des Réflections il

les auroit laissé chez Gabriel et Joseph Le Roux, père et fils,
qui avoit coutume de servir d'adjoint dans la place du
Greffier, se Lransporta chez eux pour en sçavoir la vériLé.
Mais il fut bien surpris cl'apranclre que le Greffl.er s'en' estoit
vériLablement saisy et par ce Lransport général de Registres
, el papiers, il n'y avoit plus ny Greffier ny Greffe dans le
district de la Juridiction. Le Suppliant Il Haporté ses procès­
verbaux de tout ce que dessus les 4 eL 6 février avec Réso­
lution d'en porter dès lors plainte il. la Com, ce qu'il a
cependan t lardé de faire jusques à présan L dans l'espérance
que le Greffier rentreroit dans son devoir, mais cellu.y-cy
prenant cetle Indulgence pour faiblesse, n'est devenû que
plus audacieux, de sorte que le désordre est. plus grand que

Jamais.
C'est pour en arresler le cour el Rétablir toutes' choses en
, état que le Suppliant se voit forcé de réclamer l'autloriLé
de la Cour et requérir. '
Qu'il vous plaise, Nosseigneurs, voir cy atLaché les deux
procès-verbaux du Suppliant des 4 et 6 février, y ayant
égard commeLtre les Juges Royaux soit de BresL, de Lesne- -

ven ou de Morlaix, pour répéter le Suppliant sur ses procès-
verbaux, même pour faire les informalion s nécessaires et

entendre les Thémoins qui seront par luY' administrés au
sujet des faiLs souLenus dans la présanLe requesLe, circons­
Lances et dé,pendances pour lesditLes informations faiLes et
Raportées il. la Cour et communiquées il. Monsieur le Pro­
cureur Général, estre par elle ordonné contre lediL Greffier
ce qui sera veu de j uslice apartenir. EL ferez jusLice.
HERBERT.
Je pourvQy devant les Juges Royaux supérieurs des lieux.
Fait en Parlement, ce 16

mars 1723.
IMBAULTX. DESCARTES.

A MESSIEURS LES JUGES ROYAUX DE LÉON A LESNEVEN.

Aulre Requête du 24

may 1723.
Le Sénéchal de Commana raconle les obligations où l'a

mis la conduiLe du Greffier « vain et arrogant", « le Sup-
pliant requiert )) ce considéré.
Qui! vous plaise, mesdits Sieurs, voir cy allaché l'ArresL
de la Cour dudit jour 16 mars 1723, el y ayant Esgard rece­
voir et accepter la Commission à vous adressée par Icelluy
et y ayant Esgard permetLre au Suppliant eL à MaisLres
Pierre Le 1 'loch, Procureur fiscal, et Brichet (Daniel-Nicolas),
NoLaire et Procureur, desnommés aux procès-verbeaux des
4eL 6 février 1723, réflérés audit arresL de se faire répeller
devant vous et sur la vériLLé du conteneû en iceUlç, circons­
tances et dépendances pour passé de ce faire telles réquisi­
tions, dénonciations et ad minislractions à Messieurs les
Gents du Roy, que le Supliant voyra bon estre; au-dessus
de la répet tition de la déclaraLion du Supliant de ne voulloir
estre ny demeuré partye formelle dans l'instruction de
ladiLte instance, sauff à Messieurs les Gents du Roy à pro­
céder d'office ainsy qu'ils le voyront, touts autres conclusions
réservées et ferez jusLice.
GUY FRANÇOIS DE CREC'HQUÉRAULT . ..
Vcû, eLc., avons donné avis de se présenter .,
Lesneven, le 24 may 1723.
DU POULPRY, LAFFLEUR
Sénéchal.

Les Commis des devoirs sur les boissons
chez une accouchée à Lannédern (Huelgoat,1732)

Les modestes érudits qui cherchent à travers les siècles
révolus, à deux cents ans en arrière, matière à chroniques
rétrospectives, trouvent à bon compte et sans peine, une ample
et copieuse moisson dans les exploits, aventures et mésaven­
tures des commis des Devoirs: procès-verbaux de constat,
plaintes, enquêtes et répétitions, procédures longues, et coû-
teuses, odieuses et draconiennes trop souvent.

Le mot (( Devoirs» est une appellation toute locale: (( En
Bretagne, dit Denisart (1), on appelle ainsi la plupart des

impositions qui se lèvent dans cette province au profit des

Etats sur les boissons qui se vendent en détail, .. ,C'est au
Parlement de Rennes que se relèvent les appels du jugement
concernan t les DeDoin )) .
(( Les droits d'aides, dit-il encore (2), tels qu'ils subsistent
aujourd'hui, ne se ' lèvent que dans les généralités et élections
nommées pa.ys-d'aides . . , A l'égard des autres provinces, les
unes sont rédimées des droits d'aides par des équivalents ou

autrement. D'autres, les pays d'Etat, imposent eux-mêmes,
sous l'autori té du Roi, des droits qui tiennent lieu d'aides, et
ces équivalens ou impositions s'établissent aussi sur les bois­
sons, tels que les (( Devoirs ii en Bretagne, les (( éq1ûvalens
en Languedoc, etc. , , ))
Il va sans le dire que les agents ne jouissaient pas de grande
sympathie et d'une popularité bien établie, et qu'ils ne trou­
vaient pas dans les officiers de judicature, un concours actif,
un grand zèle de solidarité.
Leurs procès-verbaux sont très curieux, comme celui que
nous donnons plus bas, pour ceux qui aiment voir Guignol

rossant le commissaire, les rebellions et émotions , populaires.
Ce document pris au petit bonheur entre mille, nous le com­ muniquions à un confrère, qui après lecture, nous le rendit
en' nous disant: (( mais, c'est du Courteline, du Courteline
avant la lettre !! ii
Nous rel evons, il est vrai, dans la rédaction de ce procès­
verbal, des qualités incontestables de distribution, d'agence­
ment et de, mise en scène. Les personnages ont leur person­
nalité à eux et ils se meuvent pleins de vie et d'action dans
un décor que le lecteur peut se représenter, s'il connaît le pays
montagneux de Châteauneuf et de Lannédern. .

(1) Collections de décisions nouvelles, 9' édit.. T. II, Art, Devoirs.
(2) Id, Art. Aides,

Le 1'etou1' du baptême est admirablement décrit dans son
réalisme, tout aussi bien que la visite à l'accouchù, la rebel­
li on des gens du quartier, vraie conduite de Grenoble, menée
par les tailleurs et les couturières . . ...
Ce jour, 4

avri l 1732, environ les quatre et cinq heures de
lapprès mid y, nous soussignés Maître Alexandre François
Ladvenant, receveur des devoirs, impôts et billots et quatre
sols pour livre, du dépadem ent du Huelgoat, escuyer Nico­
las Mahé, sieur de Berclouaré, ambulant audit Huelgoat,
. trêve .de la paroisse de Berrien, demeuran ts ensemble, ,et en
compagnie.d'escuyer Nicolas Marie Pic, (1) travaillant à l'exer­
cice audit Huelgoa t, icelluy demeurant au mannoir de Ker­
rolland, paroisse de Poullaouen, tous exerçans dans ledit
département et dépendences dudit Huelgoat pour Me Jean-

Baptiste Grosset, ferrnier général desdiLs droits de la pro-
vince de Bretagne pour les années 1731 et 1732 et chargé-de
la régie et de la perception desdits droits, suitte et diligence
de M'André Guingard, son directeur général en l'Evêché de
Cor:nouaille, demeuran t en la ville de Quimper et domicillé

chez luy fauxbourg de Terre au Duc, paroisse de Saint Ma-
thieu a,.vec élection de domm- ycille ausi en la ville et
paroisse de Chatleauneuff.
Certifions que sur l'avis à nous donné que le nommé
Jean Lharidon, tailleur de profession, demeurant au lieu
de Rosternou paroisse de Lannédern,vendoit clandes­ tinement au préjudice dudit sieur fermier par pot et
pinte au détriment de la ferme, audit lieu de Ros ter­
nou, pourquoy vérifier nousnous serions transportés envi-­
l'on les deux ou trois heures de l'appr~s-midy audit
lieu de Rosternou, on y estant et entrés dans la demeure
dudil Jean Lharidon nous y aurions trouvé Marie Favennec,

sa mère, à laquelle inclinanle nous aurions demandés si
ledit Jean Lharidon, son fils, avoit du vin logé, à quo y elle
nous auroit réponduë que ouy et pour sa provision à e11e­
même et non pour d'autres, sur quoy nous l'aurions inter-

(i) De la Mirandole.

pellés ne nous apparoltre le passe avent, ce qu'elle aurait en
l'endroit fait, en datte du 18 mars dernier', signé Bernard,
que nous avons relenu, Ensuitte interpellée laditte Faven­
nec de nous faire voir laditte barique, ce qu'elle aurait fait,
laquelle barique était au coin de laditte maison et l'ayant
exercé du tacte de notre raze nous aurions trouvés qu'elle

étoit aux trois quarts vide, per0é à cletf et l'ayant gouté
des liqueurs qui était, l'un apprès l'auLre, nous avons trouvés
que c'était du vin hors rouge bon et loyal, sur quoy nous
nous s~rions retirés apprès avoir apposés l'empreinte de
notre raze et déclaré à laditte Favennec tenir ladite barique
en contremarque.
Ayanl t.ous ensemble de compagnie retournés au bourg
de Lannédern sans cependant avoir marqué le débit de
la raze dans le dessein d'y reLourner, et nous eslants
mis en chemin pour nous trouvés audit bourg de Lan­
nédern, nous aurions trouvés un 'homme et deux femmes
ou fllles à nous inconnus, lequel homme tenoit sous le
bras une miche de pain blanc, et nous esLants informés au
bourg de Lannédern, ce que pouvoient être ces personnes,
on nous a dit que c'étoit un babtême qui s'étoit fait au
bourg et dont ils avoient été compèrf1 el commère, eL qu'ils
alloient au lieu de Roslernou pour faire le festin du vin de
fraude qui y estoit, estants habitants du même lieu. Cela
nous aurait obligés pour parvenir à une plus ample véri-
fication de prelldre notre réfection audit bourg de Lannédern
et de prendre une espace de lems pour les laisser s'assembler
pour leur f estin.

En efIet, nous estan tB audit Rosternou, estant advertis
où ces personnes pouvoient estre entablés pour lew'dit festin , .
et ne pouvant au just.e tomber dans l'endroit ou se
faisoit le festin, nous aurions mis pied à terre à la porte de
la nouvelle accouchée et y ayant entrés et inclinanls nous
lui aurions demandé ou pouvoit être son mary, n'a vouluë
nous lè dire, ny se nommer. Ayant jeLé les yeux sur une
table crou lante dans la cuisine où elle couchoit, nous aurions

estant saisis du piché l'avons trouvé plein de vin hors rouge,
bon el loyal et sur ce que de nous interpellée ladite nouvelle
accouchée de nous déclarer d'ou étoit le vin, de qui elle
l'avoit acheté, d'autant que nous étions inform és qu'elle
n'avoit pas pris de vin de cabaret du bourg dudit Lannédern,
elle nous répondit que ce n'estoit pas notre aflaire et qu'il
lui étoit permis de prendre du vin pour son argent d'où elle
auroit voulu et même de plus près; sommée de signer sa
, déclaraLion, a reffusée et sur ce que nous lui avons déclarés
quelle étoit en contravention et, sujet il. l'amande pour avoir
pris du vin clandestinement et en fraud e,nous nous sommes
retirés estant ' saisis du piché avec le vin y estant et la
tasse et gondolle pour affin de faire la dégustation de ce vin
avec celui dudit Jean Lharidon. Elle n'a pu disconvenir le fait
et que c'étoit le même vin, mais qu'elle n'en donnoit point
pour de l'argent. Sommée de signer sa déclaration,a refusée.
Dans ceL intervalle et dans l'instant même que nous allions
rapporter notre procès-verbal, nous n'avons jamais été plus
surpris que de voir à la porLe de cette fem me nouvellement
accouchée qui crioil à la force sur les chiens enragés eUes
voleurs qui avoient enlevés son vin qu'elle avoit bien payée,
et dans le moment nous aurions vu sortir d'une autre
maison joignant celle de la nouvelle accouchée deux hommes
avec quantité de filles et fem mes ou céloiL fait le festin, et
nous étants mis en' devoir d'y entrer pour vérifier la vérité
du fait, le mary de la nouvelle accouchée appellé Guillaume
Le Baut, avec un grand nombre de filles et femmes attroup­
pées autour de nous nous opposèrent même lediLBaut tout'
en furie jurant el 'blasphémant le saint nom de Dieu, a
pris au collet ledit sieur Pic à dessein de le terrasser et ne
pouvant en venir il. bout, ne se trouvant pas lors assez fort
avec celte troupe de filles et femmes, sa belle mère nommée
Marguerite Bicrel commença il. crier à la force, à son
secours contre une bande de voleurs et de chiens enragés
qui avoient pris le vin de sa fille, la gondolle eL piché qu'elle
avoit bien payé. A son cri eL plusieurs autres femm es, il
s'aLLroupast plusieurs hommes qui couroient à nous armés
de baLtons eL de massues touL en furie jurant eL blasphémant

le saint nom · de Dieu, que si nous nous serions mis en devl)lr
de remuer ny loucher ladite barique de vin, que nous
n'eussions pas sorti du lieu sans malheur, parmi lesquels
étoit ledit Jean Lharidon et deux tailleurs comme luy de pro­
fession à nous inconnus qui n'ont voulu se nommer, et
voyan ls le risque et danger que nous estions, nous nous
sommes trouvés obligés de nous retirer pour mettre notre vie
sauve, et cependant, .parce que parmy le nombre des per­
sonnes attroupées, nous avons reconnu le sieur Le Baut
dudit lieu, lequel nous avons chargé hautement et publique­
ment des trois quarts de vin hors restant dans ladite '

barique avec înjonction d'en faire bonne et suregarde
pour nous le représenter toutes el quantes foi s que requis
sera.
Et attendu que nous ne pouvons être en sûreté Stlr

l'endroit p O Ul' l'apporter notre procès-verbal, nous luy aurions
déclaré nous retirer au bourg comme l'endroit le plus près
de Rosternou et que s'il vouloit· s'y trouver, nous aurions
dellivré coppie de sa charge, sans qu'il se fut présenté,

avons et aurions déclarés et protestés tant à Jean Lharidon
qu'à Marie Favennec, Guillaume Le Baut et Marguerite
Bicrel et à tous ceux qui étoient sur les lieux, connus et
inconnus de se pourvoir vers eux de toutes les voyes de
droit comme rebenes au Roy et à la justice, etc. . . .. .
Fait et rédigé au bourg de Lannédern, en la demeure de
Michel Le Bras, holte debiltant vin .
VILLEBLANCHE LAD VEN ANT. BERDOUARÉ MAHÉ.
NICOLAS MARIE PIC.
Contrôlé au Huelgoat, le 5 avril 1732.

Un notaire influent faisant de l'obstruction
aux délibérants de Plouguerneau (1766)
Quelques questions préalables semblent s'imposer pour la
bonne intelligence des documents que nous produisons ici.

Qu'était Plouguerneau en '1766? .... Au point de vue de
la géographie féodale? Que pouvait être, au juste, un pro­
cureur de plusieurs basses juridictions ? Ce qu'était le général
d'une paroisse? ses delibérants : les règlements quïls devaient
suivre, leurs responsabilités, les circonstances où ils s'assem­
blaient, les fautes qu'ils commettaient, etc. ? Au reste, on
ne peut donner ces notions de façon plus claire et plus com­
plète que Potier de la Germondaye, dans son Introduction au
Gout 1erncment des paroisses (Partie Ille, t er chapitre), auquel
on ne peut faire mieux que de se référer.
On remarquera que les noms patronymiques des braves gens
de Plouguern ea u, en chemin de Basse-Bretagne pour arriver '
à Rennes, en sont revenus mutilés, estropiés sous la plume
des scribes de la Cour du Parlement.
En realité, Guillaume Chevar, c'est Chever, Joseph le Loan,
c'est Le Moan , à 'moins que ce ne soit Loaëc, Jacques le Tycrac,
c'est Tygreat, Ollivier Landuvé n'est autre q ue Landuré,Jacques

A pais qu'.4 ppr /! , François E1tquen qu' Uguen, Jacques A u Cœur
que J. OgueuT ou Ogue1', et dans l'impitoyable Guillaume Le,
Sans-Cœu1' reconnaissons Guilla u me Sanquer. Nous n'avons
pu identifier Francois Lindenus .

M e Etienne Le Roux a attiré notre attention parce que son
aventure est une page d'histoire municipale. C'est de plus un
type curieux de paysan parvenu, en route, par étapes, pour
devenir qudque chosp, sinon quelqu'tm. Il est roublard et ne
jetant pas sa poudre aux moineaux, il ménage son influence,
qui devient considérable: il est tellement inflùent qu'il arrive
à éviter toul honneur qui eut été une charge et ulle corvée.

Son habillement est celui du pays, et il met certainement
une certainr allectation à se faire interroger et à ne répondre
qu'en breton, par le canal de l'interprète, lui un lettré et un
pra ticien.

, Me Etienne Le Roux, procureur de plusieurs juridiction su-
balternes, a la valeur du spécimen d'une col1ecti vi té puissan te ~

il est éminemment représenta/il: c'est lui et les siens qui ont
été les grands fa cteu rs de 1ï89.
Le diman che 9 de novembre 1766, honora blé hom me Qué­
nan Foricher, à Litre de trésorier de la l'abrice de Plouguer­
neau, eonvoquait par les voies ordinai res le corps politique
au dimanche suivant, 16 de même mois, pour luy aparoir .
et faire enrégistrer l'arrêt d'omologalion qu'il auroit oblenu
du trait é passé le 3' d'août cl'" en lre le Général et le si eur

Recleur au sujel du presbil.erre, nomm e r de nouvellUX fabri­
qu es -et - des (1) des fouages el receveurs des deniers
r oyaux, le tout pour l'année 1767 : en l'endroit de ladite
convocation ledil sieur RecLeur auroit déposé une quitlance
de réparations de son presbiterre failes en conséq uence
dudil lraitt é el l'acte passé entte le Général el une sage-

femme établie dans la paroisse, comm-e llussi François Le
. Jeun e, dernier trésorier élé de la fabric c auroit déposé le
reliquat de son compte dûment examiné el jugé par le Sei­
gneur Evêque dan s le cours de sa visite avec les pièc1l"S au
soutien. Le corps politique après avoir exa min é Lous ces
objets, mais à la closlure s'estait présenté Me Etienne
Le. Roux, paraissant fort émû qui auroit r eq uis, on ne sçait
sur quel fondement, copie du tout et insinué aux délibéran s
qu'ils devoient faire lecture de leurs arrêtés aux paroissiens,
s'ils voulioien t êlre il l'abris des événemen ls. Il s tombèrent
dans le piège, el efI'ec Livemen l avanl de s igner, ils en firenl
faire lecture aux paroissiens à l'issue des vêpres, 1 8clure
que ledit Le Roux eut grand soin de faire interrompre par
quantité d'interrogation s propres à intimider des gens peu
versés dans les affaires.
Il ne s'en tint point là: à III sortie de l'église, il commença
à dire haulement qu'il pouvoit entreprendre (1) celte délibéra­
tioe . Beaucoup de délibéran s se retirèren l chez eux sans
renlrer dans la chambre des délibérations pour signer leur
arrêté el que ceux qui y vinrenl, nomm és Jean Brelon,

(1) Le mot reste e n blanc dans le document . LÎl'e éga illeurs , ou collec­
teurs des foua ges .
(2) Entreprendre: attaquer et d émontrer la nullité de la d élibération,

Guillaume Cheval', Charles Bars et Joseph Le Loan, ne vou-

lurent point signer, attendu l'absence des autres.
Cet arrêté est d'autant plus de conséquence que l'ancien
gouverneur avoit dès lors déposé le reliquat de son compte
portant à une somme de 884 livres et tant de sols, une quan­
tité de papiers au souLien, et le sieur Recteur avoit aussi
déposé une quiLLance de réparations montant à une somme
de 56 livres et un traité passé avec la sage-femme, de sorte
que le suppliant, ledit sieur RecLeur et consorts, se voyant
ainsi abandonnés, ne purent se dispenser de donner au bas
de l'arrêté, acte de ce dépôt qu'ils avoient vu faire comme
aussi de dresser procès-verbal de ceLte conduite déplacée
Lant dudiL Le Roux que des délibérans.
Tel éLait « le narré sincère joint à l'arrêté et au procès­
verbal» que Ptésentait dan~ sa supplique à Nosseigneurs
de Parlement « honorable hom me Quénan Foricher, trésorier
en charge de la Fabrice de Plouguerneau faisant tan t pour
lui que pour Messire Claude-Marie-Charles Denis, sieur
abbé de Lesmel, recteur, Maître Jean-René Lottriant, ancien
procureur et faisant les fonctions de procureur fiscal du lieu

et MaîLre François Cabon, notaire royal et greffier du corps
poliLique de ladiLe paroisse, conLre Maître Etienne Le Roux,
notaire et procureur de plusieurs jurisdictions basses et la plu­
part des' délibérants.
Le plaignant fait ressortir que le trouble apporté par
Le Roux, se présentant à la délibllralion sans aucune qualité,
sans avoir passé par aucune charge de la paroisse, est aussi
consLaté qu'il est délictueux, De plus, ledit Le Roux pour

pouvoir intim ider d'avantage les délibérans et donner la

terreur aux peuples, fit venir, le dimanche 23 nOVembre, un
sergent subalterne nommé Le Drars, (1) pour faire lecture à

l'issue de la grande messe d'un arrêt qu'on dit avoir été dattée

du 22

août der, duquel il n'a laissé aucune copie et ce, sans
être assisté 'd'aucun témoin, de sorte qu'il est sans apparence '
que intimidés lesdits délibérans ainsi intimés (sic) se
rassemble désormais.

« Le supliant n e sçauroit cependant excuser la conduite
des délibérans qui se laissent ainsi intimider par ledit Le
Roux. Ell e est d'auLanL moins blâmable (2) que ce dermer est
un praticien, homme riche el accrédité dans la paroisse, si
m êm e accrédité qu'on n'a jamais osé le nommer à aucune
charge, qui sont sans doute des corvées dans la paroisse .
Parmi ces délibérans, il y en a quaLre qui se présentèrent
pour souscrire l'arrêté, donL la fau Le parait beaucoup moins
énorme que celle de ceux qui n e se présentèrent point: on
n e doute pas que la Cour n'y fasse attention. »
Ce considéré . . . , qu'il vous plaise Nosseigneurs .. . , ordon­ ner que les nommés Jean-Marie Brelon, Guillaume Chevar,
Charles Bal's, Guillaume Le Sans Cœur, Joseph Le Loan,
Jacques Le Tycrac, Ollivier Landuvé, Jean Simon, François­
Jacques Apais, Jacques Au Cœur, François Euquen, Fran-

çois Lindenus et Vincent L'Eon, délibérans, s'assembleront
le dimanche suivant de la publication de l'arrêt qui inter­
viendl'a dans la Chambre des délibérations de la paroisse de
Plouguerneau, en présence du suppléant, du sieur Recteur
et du s ieur Lottriant, faisant fonction pour le procureur

fiscal iL l'effet de souscrire l'arrêté du 16

de ce mois, comme

allssi les condamner personnellement à telle a mande qu'il
plaira à la Cour au proD t des pauvres de ladile paroisse,
laq1J.elle amande sera dislribuée par les mains du sieur Rec­
teur ou de son Curé; en lroisième lieu, faire défense , au
nommé ELienne Le Roux, notaire eL procureur inférieur et iL
Loutes autres personnes de quelque qualité qu'elles soienL
de troubler le corps poliLique dans ses déli béraLions, et
requérant sur le tout ladézion de M. le Procureur général;
en quatrième lieu, condemner 1 9sdits délib.érans et Le Roux
aux fr ais de la présente et de l'arrêt qui in terviendra, lequel
il vous plaira ordonn er qu'il soit lû et publié à l'iss ue du
prône de la grande messe à leurs frais, sauf touts auLres
droiLs et conclusions et ferez jusLice .
Signé : GUICHARD, procureur.

Fait en Parlement ce 27

novembre 1766. Sur réquisition

(2) sic.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XXXVI (Mémoires 7)

du Procureur général Le Prestre, la Cour condamne les
délibérants il. trois livres d'amende, dont les trésoriers se
chargeront dans leurs comptes et commeL les Juges de Les­
neven pour interroger le sieur Le Roux.
1'" décembre 1766.

Signé: L.-C. PICQUET .
29 décembre 1766

A MM . les Juges royaux de Lesneven,
« M'Etienne Le Roux en exécution d'arrêt de renvoi du 7

de ce mois, il. lui signifié il. requête de Quénan Foricher et
consorts, expose qu'il n'a garde de vouloir désobéir aux
ordres de la Cour, ni il. l'assignation du Procureur du Roy.
Se présente aussiLôt réception pour faire fixer le moment

et l'heure ou on entendra ses interrogatoires. "
A u pied de la requête, le sénéchal Nouvel prend ordon­
nance fixant la desce; rüe il. deux heures de relevée pour pro-

céder aux in terrogatoires le 30 décembre.
Dans la Chal)Jbre du Conseil de l'auditoire, Guillaume­
Pierre Nouvel de la Flèche, sénéchal, ayant pour adjoint
M" ChrisLophe Legrignon, commis-juré au Greffe, pour
.interprête M' Jean-Marie Jeannin.
« S'est présenté devant nous un homme de haute staLure,
les yeux roux, barbe. et sourcils chatins, le né aquilin et
paltü, le visage rond, ayant une cicatrice au manton, la
bouche bien faite et le man Lon de même.
Vêtu d'une redingotte dun drapt brun, habit et veste
·d'étoffe branche, gilet de drap d'espagnolette blanche, ayant

un turban de mouchoirs bleuff autour du corps, culotte de drap

noire, bas et souliers au pied, LenanL un chapeau il. la main.
Répond par l'interprête après avoir prêté serment .
. Déclare se nommer Elienne Le Roux, notaire et procureur
de plusieurs jurisdictions, âgé d'environ cinquante ans,
. deJ,neuran t au bourg paroissial de Plouguerneau.
Interrogé en brelon par l'inlerpreLte si le corps politique
.n'a poinL été assemblé le 16 du mois de novembre dernier

de la part d'un nommé Foricher, lrésorier en charge, tanL

pour les réparations du presbitaire que pour faire rendre
compte à différanls trésoriers, s'il ne s'esL point opposé, non
seulement à ce qUon eut fait les réparations dudiL presbi­
taire, mais même empêché quelquns des délibéranLs de
donner leurs voix à ce sujet, surtouL si après la grande messe

du dit jour seize, il n'enLra pas en furie eL touL en colère
dans la Chambre des dellibéraLions pour s'opposer à ce qui
devoiL être porté sur le registre des dellibéraLions .
. A répondu qu'il estbien vray que s'estant trouvé ce jour
où on ' avoit convocqué le corps politique de la paroisse . de
Plouguerneau après le service divin, il entra dans la Cham-

bre des dellibérations, il s'adressa à Jean-René Lottrian, son
beau-frère, pour avoir lecture de la dernière dellibération,
ou qU'Oil eut à luy en donner une copie, le LOut salarisant,

que le corps politique n'était pas complet, qu'alors il yavoit
au moins les deux tiers hors de la Chambre des dellibéra­
tions, qu'alors ledit LoUrian, son beau-frère, luy répondiL

qu'il n'avoit que mettre requette, qu'alors on auroiL fait ce
qu'il seroit veu appartenir .
- S'il n'a pas formé une cabale, etc ...

. . A répondu qu'il s'en falloit beaucoup qu'il voùlut inter-
. rompre le corps politique, ni les dellibéranLs, puisqu'il est

vray qu'il di t : « Je me retire, failes vos fonctions' comm e ·vous
jugerez à propos! »
- Si le Rectèur et luy n'esLant pas amis, il ne s'est point

opposé aux réparations que le RecLeur vouloit faire faire ou

même se démeLtre desditLes réparations en , faveur d'une

som me proposée du corp's poliLique .

- A répondu contester en tout notre interrogatoire et

n'avoir jamais eu querelle avec le sieur Recteur el avoir

beû et mangé à différentes fois ch ez ce dernier.
- Interrogé si désormais il veut et prétend s'opposer à au-.
cune dellibération, et s'il obéira aux.arrêts de la 'Cour, noLam-

mentceluy qui luy a été notifié le 1'r de ce, mois.

, R, Qu'il n'a jamais voullu être rebelle aux volontés de la
Cour et qu'il rie manquera jamais d'y obéir et ne cherchera q/le

tes occasions d'être utille à la paroisse comme il a cru toujours
le faire!
Tels sont ses interrogatoires, confessions et dénéga-·
tions, eLc ... .
NOUVEL, sénéchal.
. Soit communiqué au procureur du Roy, eLc... N.
XII

UN INCENDIE A BREST (1776)

Un quidam sUJ;.'pris et arrêté, déguisé en femme :
fort ennuyé, ne dit pas la raison de son travesti.
La plain te d'office adressée, le 21 novembre, par M. de
Bergevin au Bailli du siège de Brest, concorde très exactement
avec le récit que M. P. Levot nous donne de l'incendie du
20 novembre 1776 au Port de Brest. (1) '
Le nouvel Intendant, M. Delaporte, n'avait pas pris
possession de ses fonctions, lorsque ce jour, à 4 heures de .
l'après-midi,' le feu éclata dans un grenier au·dessus de la
salle affectée aux forçats malacies, vers l'extrémité du bâti-

ment, du côté O.-N.-O., d'où venait le vent. Il était si violent,
par rafales, et le feu se propageait avec une rapidité telle
qû'en moins de quatre heures tout l'hôpital fut consumé à
l'exception de la cuisine du bureau des entrées et de la salle
Sainte-Reine (celle des vénériens). Les secours de tout genre
n'avaient pourtant pas manqué. Les divers corps de la
Marine et les troupes de la garnison avaient rivalisé d'ardeur.
M. du Chaffault, accourut à la tête d'une partie des équipages
de l'escadre qu'il commandait et fut particulièrement chargé
de préserver le bagne et la Corderie haute des atteintes du .

101 ,-
feu. M. le Comte d'Hector était partout et le capitaine de
vaisseau Thévenard voyant le progrès des flammes et la force
du vent, prit de promptes mesures pour haler les vaisseaux,
partie en amont, partie en aval du chenal, pour le cas où
l'incendie se serait communiqué à la Corderie basse. Le plus
expq!:ié, le plus actif, le plus héroïque, fut le Commissaire-
général Marchais. .
Il Y avait deux catégories de malades: les hommes libres
~ et les forçats. Les premiers, au nombre de 7'1, furent envoyés.
51 à l'hôpital de la ville et 20 autres, vénériens, dans un
l1ôpital particulier servant aux soldats' de terre. Quant aux
forçats, il en périt 3'1 moribonds qui ne purent se déferrer.
Les autres furent immédiatement transportés dans les
greniers du bagne, où les forçats valides commençaient déjà
à , se révolter, parce que, disaient ils, on voulait les y laisser
brûler. Du consentement de M. de Langeron, ils furent
transportés au Château entre deux haies de soldats et, quoique
cette translation se fit au commencement de la nuit, elle eut
lieu néanmoins sans confusion. Les portes de la ville avaient
été fe.rmées et des sentinelles placées sur les remparts pour
. les empêcher de s'évader par les brêches qui existaient dans
l'enceinte. Quelques-uns parvinrent à s'échapper de la haie,
se répandirent dans la ville, mais furent bientôt reprjs grâce
aux précautions prises de faire fermer les maisons et de faire
circuler des patrouilles continuelles.
La vraie cause de l'incendie resta ignorée, Le feu aurait
débuté' par un grenier renfermant des paillasses et des bois
de lit: il était contigü aux étuves de la goudronnerie; des
étincelles sorties de la cheminée auraient été projetées dans
le grenier. On rapporte que la translation des malades fut
fatale à un grand nombre, ébranlés qu'ils étaient par la
commotion et l'épouvante du sinistre, ou saisis par la rigueur
du froid .

102 -
émotions de cette nuit terrible dans le style de la plainte
du Chef du Parquet. La terreur dut être grande et la pensée
d'une évasion en masse des forçats dut l'entretenir et l'exas­
pérer, et l'Auvergnat, dont il est cas plus bas, ne fut pas
vraisemblablement le seu l soupçonné et arrêté sur les lieux
du sinistre.
(21 Novembre 1776)
MESSIEURS LES JUGES ROYAUX DE B(-tEST,
Le procureur du Roy remontre que dans la nuit du vingt
de ce mois, pendan t le malheureux accident qui dévoroit

d'un feu d'aulant plus ardent qu'il étoit soufflé par un vent

furi eux, un e partie prétieuse de cette ville, pendant que

lout honnesle citoyen, le cœur animé de zèle et de l'amour
social prêtoit des secours tant à l'humanité languissante pour

la soustraIre aux flammes 'qui entouroient les malàdes de
touLes parls, que pour arrêler les progrès de cette incendie
qui, à juste raison, faisoit craindre pour le portet pour le
reste de la ville, un homme déguisé en femme fut arrêté sur

le quay par la Garde et conduit au Chateau où il fut cons-

titué prisonnier. Ce déguisement dans une circonstance

pareille, dans un port du Roy, ne peut que donn~r des
soupçons contre cet homme qui fail présumer dé mauvais
desseins de sa part, soit de procurer [l'évasion] de quelques

forçats qui, ayant voulu se déchaîner et se révolLer dans
l'instant le plus critique de ceLteincendie, avoient été trans­
porLés, pour plus de sûreté au Chateau; ou que Cet
homm e Espion, peut- être, gagé par' les ennemis secrets de
l'État vouloit profiter de ce momenL pour meltre avec plUs

de sécurité, sous cet habillement, le feu à l'autre extrêmité
du port, ou enfin qu'il ne s'est ainsi d~guisé que pour
, commettre plus impunément, pendant le désordre qui règne

nécessairement dans ces instants malheureux, des vols de
différenLes espèces,
Le rem ontrant pense qu'il est essentiel que cet homme

expliq ue sa conduile el la melte au grand jour et qu'il 'donne
les motifs de son déguisemènt. '
103 -'
Je requiers pour le Roy qu'acte me soit donné d'employer
le contenu en la présente plainte d'office en crime de
fauLion d'évasion des forçats, espionnage ou vols contre un
particulier trouvé déguisé en fem me dans la n uiL du 20

dernier et détenu au Chateau de cette ville. En conséquence
qu'il me soit décerné comil1ission pour faire informer .....
Requiers, en oulre que par l'un de vous, Messieurs, il
soit descendu de moment il. autre pour procéder aux inter­
rogatoires dudit particulier pour passé de ce, 'le tout il. nous
communiqué, prendre telles conclusions que nous verrons.
Fait il. Brest, ce 2t

novembre 1776.
BERGEVIN fils.
- Le même jour, le bailli, Claude Piriou, en l'absence du
Sénéchal, donne acte de sa p lainte à. M. de Bergevin, se
réservan L de procéder aux inlerrogatoires.
PIÈCES PRODUITES:
- Permis d'informer des faits de. la plainte;
- Descente au Chateau;
- Les interrogatoires;
- Trois témoins, signifiés le 22 d udit mois;
- Réquisitoire du 25, tendant il. descendre pour faire
perquisition chez l'accusé, sur le Quay « tant à justification
qu'à. charge ».
Par ordonnance de M, le lieutenant, la descenle de justice

est remise au lendemain, 2 heures de relevée. ,
« Et le lendemain, 26 novembre, procès-verbal de des­
« cente en la demeure ctudit accusé .... . , avec loutes les
(c pièces y relevées, sça voir deux cartouches porLant congé
« absolu audit Amilhaud, le premier du régiment de Béarn,
«( et le second de la Marine, deux extraits baptistaires dudit

(c Amilbaud, de Jeanne Guillermit, sa femme, une lettre
« adressé à M. le Comte de Lagalisonière par M. le Procu­
« reur du Roy au Présidiat d'Aurillac, autres leltres écriLes
« audit Amilhaud par son père, quittances de loyers, ponr
« payement de capitation lesquelles pièces de différentes
« datles ..... (chilfrées Ile muteIl/ur). » .
« Le tout murementconsidéré. »

104 -

Je requiers pour le Roy que ledit Antoine Amilhaud soit
renvoyé hors d'instance et en conséquence qu'il sail
ordonné que les portes des prisons 1 ui seron t ouverLes si
pour autre cause il n'y est délenu.
Arrêté au Parqu e t. le 4 Décembre 1776.
BERGEVIN fils .
. Les Règlements de police dénoncent comme une occasion
ou mieux une suspicion de d. ésordres scandaleux, le traves­
tissement d'homme en femme 011 de femme en homme: ils
citent tous à l'appui" le verset du Dettté1'onorne: .« Non
induetur rnuLie1' veste virili, nec llit utetur veste fœrninea:
aborninabilis enim apud Deum qui {acit hoc. ))
Le sieur Antoine Amilhaud ne se souciait de révéler la

raison vraie de son travesti. Etait-ce là une aberration rele­
vant de la tbérapeutique? Une fantaisie folichonne d'bomme

en bonne fortune? Nous ne le croyons pas: Amilbaud avait,
prpbablement, une autre raison de dissimuler sa personnalité.
Il était joueur?
Brest, ville maritime, déjà la première de France, au
contact de tous pays, et de métèques et d'indigènes de tous
pays et desIles, avait contracté un vice: le jeu avec toute sa
passion, et Brest était devenu un tripot. Les procédures
criminelles de la sénécbaussée en font fpi. On se ruait littéra·
lement autour de la table où on trouvait, de nuit et de jour,
de sept heures du soir à midi, les jeux de Roca, Pharaon. Boue
de Fortune, la Bassette, leBi1'ibi, le Pour et contre, la Roulette,
le Pa8se-Dix, le Trente et Quarante, Le Mm'monique, Tope et
Quinte, la Dupe, les Petits Paquets, etc.
C'est uri arrêt de la Cour dù Parlement de Bordeaux du
6 mars 1765, renouvelé et adopté, de par le Roy, le 2'1 avril
1765, par ordonnance de M. de Sartine qui attire l'attention
toute spéciale de la police sur les individus des deux sexes

- 105
qui, pour ne pas être reco nnus, adoptaient le masque et le
tra vesti.
Pour nous, Amilhaud était dans le cas de ceux qui, pour
échapper aux soupço ns et à la surveillance de leurs supérieurs
et jouer impunément sans être dénoncés, n'hésitaient pas à
adopter, en pa::,sant, le costume du sexe auquel ils devaient
leurs mères . .

XIlI
UN TANNEUR ET UN PAPETIER, DANS
DAOUDOUR-COATMEUR
D'APRÈS DEUX INVENTAIRES APRÈS DÉCÈS
(1782) .

Le 8 août ' J782, d'autorité de la juridiction de Daoudour­
Coatmeur, on pl'océdait à l'inventaire des biens, meubles et
effets délaissés au terroir de ~arpant, trêve de Lampaul-

Guimiliau, par François Abgrall, veuf en premières noces de
Barbe Abgrall et nouvellement décédé, épo ux d'Anne Jaffrès.
Celle dernière est tutrice de deux enfants, tandis que Hervé

Abgrall et Jacques Abgrall, de ~vilineur , en Lampaul, se .
présentent com me tuteurs de l' enff: nt mineur du défunt et de
sa mère Ann e Jaffrès . Les estimateurs sont « les personnes»
de Jean Pouliquen, de. Luzuguen ter, et Hervé Baron, de la
trève de Locmélar.
Nous ne nous arrêterons pas aux détails c1'un mobilier
fort modeste, au demeurant, mais en retour il nous a paru
instructif de profiter de cette occasion c1'inventaire, pour
entrer à ~arpant, nous y arrêter pour observer curieusement
ce que renfermait au point de vue méti er et matériel une

106 -
XVIIIe siècle, car François Abgrall était tanneur de protes-

sIon.
Le 9 août, jour de la deuxième vacation, le greffier Me
Louis-Jean-Sébastien Le Duc, relève dans ses articles:
Les tannées à moudre estimées la somme de deux cent dix
livres ........................... . ... ....... 210 lim'es
Les motles à {'aire feu estimées neu{' livres . .... 9 livres
Le lendemain, à neuf heures du matin, l'inventaire reprend ·
et les experts ont donné leur apprécis des articles composant
ce qui reste de l'exploitation. 1
- EL premier, les marchandises de cuire, seize couples de
peaux de chevaux toutes Lannées estimées à raison de quinze
livres le coup le, ce qui faiL la som me de deux cent quarante
livres.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 240 livres
- Sept couples de peaux de chevaux estimés à raison de
douze livres le couple, faisant la somme de quatre vingt
quatre livres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 livres
- Seize couples et demi de peaux de chevaux, esLimés à

raison de neuf livres le couple, ce qui fait la somme de
cent quarante huit livres dix sols. . . . . . .. 148 livres 10 sols
. Six couples de peaux de bœuf dans leur première poudre,
estimés à raison de vingt quatre livres le couple, ce qui fait
la somme de cent quarante quat.re livres . . . . . . .. 144 livres
--' Les douets pour mettre le cuire, estimés la somme de
treize livres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 livres
- Ce que possédait en biens meubles et effeLs de Fran­
çois Abgrall monLa à la somme de 1.446 livres 10 sols.
C'était probablement un petit tanneur, comme il y en avait
tant, mais comme nous cljerchons une moyenne, son inven­
taire après décès peut nous aider à fixer ceLLe moyenne des
laboureurs-o uvriers dans cette belle région de la principauté
.de Léon, à les évoquer à notre souvenir et en même temps à
saluer cette « espèce disparue », absorbée par l'évolution
sociale et économique des classes populaires.
Cet inventairè inscrit un fait qui donne à penser:

107
Le tuteur , probablement le grand-père de l'enfant du
premier lit de François de :Karpant, Hervé Abgrall, au mo­
ment de la conclusion du procès-verbal de la journée, 8 et
9 août, déclare ne savoir signer, mais advenu le 10 août, à la
fin de l'i nventaire le greffier fait celte constaLalÏ on étonnante :
-« Ledit Hervé Abgrall ayant dudepuis déclaré savoir
« apposer deux lettres de ses noms el: surnoms la fait comme
«ilsuit : H.A .

En août du même an 1782 que deva nt, nous profitons
d'un décès et d'un inventaire pour aller examiner sur place
l'organ isa ti on et le matériel d' un e autre industri e, celle des
papetieTS du pays, arrosé par l'Elol'l1. C'est au moulin à
papier de Pen~ar:Fez, paroisse de Ploudiry, 'où \liant de
mourir Yves Piton, laboureur, manufacturier et marchand .

Au rapport du greffier d'offi ce ' de la juridiction de ' Ia princi-

pauté de Léon à Landerneau , Me Jean-François Le Baron,

le jet et calcu l d'inventaire monte à la somme 2.485 livres
18 sols. Au reste le mobilier est pluttlt confortabl e,. pot de
fer, bassins de toutes dimensions, une casserolle, poile,
, poilon s, quelornes, lits et literie en nombre estimable,
armoires et buHets; et surtout il est à considérer que ces
articles ne sont pas qualifiés, co mme on le fait souvent de
l'épithète injurieuse de mauvais ou de failli. La provisi on de
lard et de.bœuf es tim ée 110 livres, nous révèle qu 'a u moulin
à papier de Pen-ar-Fez, le Carême n'était pas perpétuel! Ce
qui nous intéresse toutefois, c'est ce qui concerne l'état de la
papeterie . ( ( Toutes les toiles se1'vant d'emballage estant dans
l'armoire du déjlmt sont estimées t1'ente livres. ))
(Revenant bon). - Le manquement de réparation sur le

moulin, cordage, vane, el chaussée est estimé la somme de
trois cents livres.
Le triage des pap iers, titres et obligations nous fait

108 -
connaître une « Estimation et rapport d'expert du moulin à
papiers du Fez à r equette d'Yves et autre Yves PiLon, père
eL fils, en date du 25 juin 1778.
Voici l'article des « Marchandises » )
. - Six balles de papier d'étoupe commun, estimé 180 livres

- Le petit papier décollier à emballer étant dans l'Etandar
et dans les greniers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 120 livres
- Le papier balard en page fin commun, estimé 200
- Lespagesde gasses(sic)communeLfin,esLimé 75 -
- La caule pour coller le papier, estimé..... . 24
- Les pilIoLS dans le délisoire, estimé.. . . . . . . . 60
- Les pillots dans le moulin, estimé pareille somme
de .. ........... ' .. ,............ . . . ......... ..... 60 livres
- L'ouvrage baLLu dans lediL moulin, estim é.. 50
- Les foules de laines (1) pour triivailler le papier,
esLimé. . ..... .. .. ............ . .. ........ ....... 150 livres

-- Tous les formes pour travailler le papier, esLi-
më .. . . . .... ......................... ... ..... . .. 45 livres
- Les pilIoLs dans la chambre n euve et les roignures,
esli mé. .......................... ............... 63 livres
- Tous les bois acheltés pour servir le moulin,
esLi mé .......... '.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 100 livres

Abbé ANTOINE FAVE.

(1) Les feutres (?).

VII.
VIII .

369

DEUXIEME PA RT IE

Table des MémoiTes et Documenls publiés en 1YO!J
l'ages
Épisodes et Anecdotes, par M. l'abbé ANTOINE
FAVÉ .. . ... , ... . ... ' .. . . . . , ... , ' , ' . . " 1, 79, t 97
Églises et Chapelles du Finistèr e (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXrV) . Doyen nés
de Ploudalmézeau (fin), Ploudiry, Saint-Renan, .
Châteaulin, Châleaun euf et Carhaix, par M. le
chanoine P. PEYRON ...... . . , . . . ' . , . . . , . . .. '33, 30t
Les Hameçons préhistoriques, par M. A. MARTIN
(planche) ............... , .. . , , . . .......... ' . , .
Étude sur l'Architecture romane du Finistère.­
École régionale de Pont-Croix, pal' M. CH.
CHA USSEPIED. . .. . .. ' .. . .... . .. '. , .. . . . . . .
Outil préhistorique en pierre : le Ra bo t- Râpe,
par M. A. MARTIN (planche) .. , ...... . .. . . ' ... .
Rapport sur la Chapelle de Saint-Tugen, en Pri­ melin, par M. CH. CHAUSSEPIED (planche ) ..... '
Excursion A rchéologique dans la comm une de
Garlan, par , M. L. LE GUENNEC (3 planches) . ..
Chapelle de Notre-Dame du Crann, en Spézet,
par M. le chanoIne J.-M. ABGRALL ...... . .. . . ,
Fouille d'un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lo­ érec, le 30 juin 1909, par' M. L. LE GUENNEC
lane/le) . .. .. ~ . ..... .. . . ......... . ....... . .. .

109
113
244

255
X. Études sur le Cap-Sizun:
II. La chapelle de Langroaz et la seigneu­
rie de Keridiern, en Cléden-Cap-Sizun, par M.
DANIEL BERNARD .... .. ... . .... .. , . . .... . . , . .. , 262
XI. Les Ardoises dans les sépultures néolithiques
ar.moricaines, par M. A. MAR:I'lN (8 planches l.. 278
, XII. L'Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes poUt' ser-
vir à son histoire), par M. H. BOURDE DE LA
ROGERIE. . . . . . . .. . .... , .... , . .. ' . ' . , . , .. . . . . 324

- FIN -

vnprlmérie CO TONNEC, LEPRINCE Suce - QUimper