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Bulletin SAF 1909


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Étude sur l’Architecture romane du Finistère.- École régionale de Pont-Croix

M. Ch. Chaussepied

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1909 tome 36 - Pages 58 à 69

ÉTUDE

SUR

ÉCOLE RÉGIONALE DE PONrr-CROIX

A la fin du XIIe siècle se développait en Basse-Bretagne,
comme du reste dans toutes les autres provinces françaises,

une architecture dite romane, que notre excellent confrère et
ami le chanoine Abgrall nous a décrite dans ses intéressantes
recherches sur l'art et l'archéologie au pays armoricain.
Dans notre région, cette architecture présente plusieurs
- types ou plutôt procède de diverses écoles contemporaines se
distinguant très nettement les unes des autres. Les artistes
qui élevèrent la grande nef de Pont-Croix ne sont point ceux
qui bâtirent Lanmeur, Loctudy ou Sainte-Croix de Quim-
o perlé. L'école que nous voulons étudier étendit son action
dans toute la partie Sud-Ouest du Finist.ère, de Pont l'Abbé à

Châteaulin en passant par le Cap et Douarnenez pour venir
jusqu'aux portes de Quimper. Dans nos voyages à travers la
France et l'Étranger nous n'avons rencontré nulle part les
caractères qui distinguent celte petite école de ses voisines
du XIIe siècle, A cette étude faite sur tous les monuments qui
nous restent du type de Pont-Croix nous avons voulu joindre
un.e monographie complète de la jolie chapelle de Kerinec
dans la commune de Poullan, et des belles ruines de celles
de Languidou, non loin du bourg de Plovan, qui datent
aussi de cette époque, mais qui possèdent, en dehors des

constructions romanes, de très curieux morceaux d'archi-
tecture du Moyen Age qui nous ont engagé à les reproduire,
bien que ne faisant pas partie du programme que nous nous
sommes tracé.

Ce qui caractérise nettement l'architecture de cette école
ce sont: la forme de ses piliers grêles, formés de faisceaux
de colonnes cantonnées sur un plan en étoile ou en rosace ,
la disposition des bases et des chapiteaux, mais surtout la
retombée des archivoltes en encorbellement sur les côtés des
tailloirs, et les petites colonnettes qui surmontent et séparent
ces arcades en recevant, soit un bandeau dans la nef, soit les
maîtresses poutres des charpentes dans les bas côtés.
POlir dévolopper ces caractères distinctifs et pour montrer
l'habileté des constructeurs de ces temps déjà si loin de nous,

nous allons passer en revue chacun de ces édifices, nous y
verrons avec quel art et aussi avec quelle variété ils sont
arrivés à concevoir des œuvres intéressantes et personnelles
tout en s'inspirant, non pas comme leurs confrères du Midi
de la France, des monuments romains, mais de ce qui se
faisait autour d'eux en l'appropriant judicieusement à la
nature de leurs rudes matériaux.
Nous trouvons dans la petite église de Meilars située entre
Pont-Croix et Dournenez, comme l'embryon de cet art roman
dans les six arcades qui nous sont restées. Les piles sont

rectangulaires avec de petits chanfreins sur les arêtes et
flanquées de deux colonnes engagées à leurs ex,trémités et
dans le milieu de leur épaisseur; ces piles sont un peu fortes
pour la hauteur et l'ouverture de ces arcades, mais l'ensemble
cependant possède une noble et simple élégance rehaussée
par quelques sculptures finement ciselées sur les bases et les

tailloirs des chapiteaux. Déjà la disposition du tailloir
indépendant du chapiteau, largement évasé pour recevoir les
sommiers des arcs,est bien accusée et on remarque dans la pre­ mière pile vers l'entrée qui est form ée de colonnes accouplées,

la forme peu précise encore du chapiteau cubique si sauvent
employé depuis. La nef de l'église de Plozévet et celle de la
paroissede Plovan sont encore très simples et semblent venir

rang de claveaux, sans encorbellement et les arcades sont
peu haUtes, mais à Plozévet les archivoltes sont doubles et
retombent en porte à faux sur des culs de lampe en fus ea ux
ou sur des têtes curieusement encapuchonné es . Dans l'un et
l'autre de ces édifices, les piles rectangulaires ou à pans,
alternent avec des colonnes cantonnées, l'une d'elles possède
des chapiteaux cubiques.
Les arcades de la petite église de Tréogat qui possède éga­
lement un porche de cette époque et celle de Pluguffan, ont
beaucoup de ressemblan ce, surtout dans leurs archivoltes
composées com me les précédentes de deux rangs de claveaux
chanfreinés; la retombée du deuxième rang est plus simple,
mais fait toujours partie de l'assise qui surmonte le chapiteau.
Nous donnons un détail d'une des colonnes de Tréogat où nous
voyons une curieuse disposition adoptée daris la base et dans le
chapiteau, celui-ci orné de fleurs de lys très allongées. La
disposition de la dernière pile à Pluguffan est aussi fort inté~
ressa nte; c'est le parti adopté à Meilars mais plus riche et plus
dév~loppé . . .. " _.
A Pouldreuzic, les arcades sont larges, portées sur des piles
quelque peu légères; il n'y a pas de motif spécial d'encorbel- .
lement, mais les archivoltes retombent sur des chapiteaux

allongés, orn és de gras feuillages et d'écussons. La vaste et
belle c _ hapelle de Languivoa en Plonéo ur-Lanvern, possède
une nef et deux bras de croix de cette époque; dans la nef, les
archivoltes sont simplement munis de chanfreins, mais dans
le transept les claveaux sont ornés de tors et de cavés qui don­
nen t un jeu d'o mbre et de lumière et beaucoup de richesse.
Les chapiteaux ornés de deux rangs de feuillages sont sur­
montés de tailloirs moulurés et parfois même décorés de rin-
ceaux ~t de feuilles très déco upés. .

L'ancienne église de Penhars, près Quimper,possédait autre­ fois des parties du XIl" siècle; nous en donnons un croquis
d'après les relevés faits par le chanoine Abgrall ; nous y re-

trouvons les mêmes dispositions qu'à Tréogat et Pluguffan.
La nef de Peumerit possède de belles tr. avées qui ont été heu­
reusement restaurées. A part les dernières arcades près du
chevet, les archivoltes ne sont point moulurées, toute la déco­
ration réside dans les chapiteaux richement sculptés et sur­
montés de tai lloirs ornés.
C'est à Mahalon, tout près de Meillars que nous trouvons
le plus de hardiesse dans l'édification de l'œuvre, les piles
sont d'une légéreté et d'une hauteur surprenantes pour celte
époque, les deux rangs de claveaux sont ornés de moulures
et les chapiteaux assez bas ceperdant, contiennent leurs tail­
loirs et les têtes d'encorbellement qui reçoivent les retom­
hées des arcs. La disposition des bases est assez remarquable

et variée; ces bases reposent sur des bancs de pierre ronds ou

carrés. Nous avons retrouvé du reste cette disposition de bancs
dans beaucoup d'édifices, mais qui, par suite de l'exhaussement

du pavé des églises, se trouvent souvent enterrés en partie ou
même complètement. A Pouldergat, comme à la chapelle de
Lambourg, . en Pont-l'Abbé, les archivoltes sont en tiers point . ,_
et seulement chanfreinées. Est-ce une reconstruction ou une
transformation ou bien plutôt un acheminement vers l'art du
Moyen Age que l'on a dénommé du nom de transition; nous
nous arrêterions de préférence à cette dernière hypothèse
comme étant la plus plausible, la mou\uration et la sculpture
des bases et des chapiteaux plus déliée, se rapproche davan-
tage du XIIIe siècle et nous confirme dans notre dernière sup·
position: A Pouldergat on remarque de curieuses figures sou­
tenues par des bras émergeant des feuillages très découpés et
des sculptures sur les bases de plusieurs colonnes.
Nous ne nous étendrons pas sur la jolie chapelle de Lam­
bourg, hélas bien en ruine maintenant, notre émiment ami
Léon Vincent, architecte des Monuments Historiques,en ayant
fait une magnifique étude il y a une douzaine d'années. Il est
à craindre que ce qui en reste disparaisse petit à petit si l'on
-- 152 -

ne procède pas à quelques travaux de consolidation et de pré­
servation. Avant de passer à Pont-Croix, jetons les yeux sur
les curieuses piles de Notre-Dame de Châteaulin, la riche
décoration de ces piles est un problème; ont-elles été rem a- ,
niées'? les arcs ogivaux pourraient le faire supposer ainsi que
le faire des chapiteaux se rapprochant beaucoup du XIII"
siècle; quoi qu'il en soit, elles méritent aussi toute notre atten-
tion. .
De cette architecture romane, l'intérieur de la grande
église de Pont-Croix nous offre l'œuvre la plus imposante
sinon la plus belle qu'il nous soit restée. La nef possède
huit travées, le chœur quatre, les deux arcades du sanc­
tuaire, en arcs d'ogives, leur sont un peu postérieures;

enfin, au Nord de l'abside et du chœur, existe un bas
côté du XIIe siècle. A la croisée des transl;lpts,4 piles
én.ormes de l'époque ogivale, enclavant probablement les
anciennes, reçoivent les arcs transversaux et supportent le
clocher. Toutes les piles sont formées de colonnes cantonnées
de quatre, six ou huit; elles reposent sur des .ba,~~s circulaires

. ':ou à pans coupés. Nous n'avons trouvé aucune trace de banc
au-dessous, mais peut être ont-ils été enterrés. Les chapiteaux
et leurs tailloirs peu élevés, appartiennent à la même assise
sauf aux piliers d'extrémité; ils sont cubiques pour la plupart

ou décorés de feuilles sommairement indiquées, les plus
riches se trouvent dans les travées du bas côté. Là, quelques
abaques sont ornées de fleurettes ou d'entrelacs étoilés et
les retombées des archivoltes reposent sur des têtes
d'expressions variées; cette partie de l'édifice semble cepen­
dant la moins correcte au poiht de vue de l'exécution. Dans
la nef comme dans le chœur, les arcs sont à deux rangs de

claveaux et moulurés, les tors se terminent par de petites
bases carrées au-dessus des tailloirs, et le dernier rang finit
-en pointe de fuseaux formant encorbellement de chaque côté.
De plus les arcades de la nef sont soulignées par une petil~

moulure saillante qui s'amortit enpbihte au-dessus des
chapiteaux, repart verticalement jusqu'à deux pieds de
hauteur. Eut-on l'intention de continuer cet amorce en forme
de colonnette venant soutenir un bandeau, c'est très probable,
ce cordon de pierre existe au-dessus des travées du chœur et
de l'abside; cette dernière partie possède ces colonnettes et
la moulure concernant les archivoltes. D'autres colonnettes

munies de petits chapiteaux existent dans toute la longueur
des arcades pour recevoir les poutres des bas côtés. L'en­ semble de toutes ces arcades est d'un très bel effet, leurs

proportions sont bonnes, surtout dans la partie du chœur et

de l'abside, où l'on remarque le beau pilier central surmonté ..
d'un joli chapiteau feuillagé.
Cette église, comme toutes celles de celte époque, a subi de
nombreux remaniements. Les piles de la croisée, comme nous
l'avons dit lout à l'heure,ont été renforcées, élanrtrop faibles
pour soutenir l'énorme clocher qui s'achevait au XIVe siècle.
Le mur qui terminait le chœur à l'Est, fut enlevé et remplacé
par . une haute arcade ogivale. Enfin, il n'existe. plus rien de
l'époque romane à l'extérieur de l'église.

Nous voudrions que l'on débadigeonnât les / piliers du
transept et deOia nef, pour les mettre en harmonie avec ceux
dnchœur et 4e l'abside, car ils font tache au milieu de ce

bel . ensemble. La voûte en lambris de la partie haute de
l'église menace Tuine -et flemande aussi une réfection prochaine
sur lesquelles nous nous permettons, en passant, d'attirer
l'atten tion des Beaux-Arts pour prévenir de fâcheux accidents.
Lorsqu'on se rend de Douarnenez à Audierne, un passe
devant la jolie cbllpelle et le calvaire de Confort; à deux
kilomètres environ de là, au Nord-Est, s'élève, ;.perdue '!lU
milieu des bois, une des plus ravissantes chapelles de ce pa. ys.
Aucune route n'y mène et c'est à travers champs et taillis
que l'on parvient à découvrir le monument. La chapelle de
Kerinec, parfaitement restaurée, fait l'admiration des raser

personnes qui l'ont visitée; la première fois que nous vimes
ce cbarmant petit édifice, nous fûmes ravis de son élégance
et surtout de l'harmonie qui règne à l'intérieur sous - ses
arcades romanes. Ce monument se compose d'une nef et d'un
chœur avec bas côtés, transepts, et chevet droit; la façade
occidentale est surmontée d'un élégant clocher du XVIe siècle.
De nos jours a été construite une pet~te sacristie avec étage
au Sud du chœur.

Les différentes modifications apportées dans le cours des
âges n'ont pas détruit le caractère essentiellement roman de
Kerinec; la plus grande part.ie de cet édifice dat~ encore du
XIIe siècle. Aux XIII" et XIV· siècles on perça des portes
dans le mur Sud, on refit le chevet avec de grandes fenêtres
ainsi que les transepts; enfin on reconstruisit la façade Ouest
et l'on éleva le clocher.
Primitivement cet édifice dût se faire d'un seul jet, cepen­
dant les arcades de la nef sont ogivales ainsi que les piles et
arcs de la croisée; nous approchions alors de l'époque de
transition , et le maitre d'œuvre qui. bâtit cette chapelle, dut
· subir l'influence des artistes du Moyen Age, qui commençaient
· alors à répandre leurs nouveaux principes de construction.
La longueur totale, prise à l'intérieur, du fond des bas côtés
au chevet du chœur, est de 25

40, sa largeur, au bas de la
nef, de 9

60, au chevet, de ' lOm 30, et au travers des
transepts, de Hm. La partie centrale, qui a 3

Si) à l'abside,
va se rétrécissant à partir de la croisée pour n'avoir plus que

Mi au~devant du clocher. Au dehors, en y comprenant les
· épaisseurs des murs, le monument atteint une longueur de

10, sur une largeur moyenne de 11

60. Le soubassement
du clocher donne, à la partie milieu de la façade occidentale,

une épaisseur de 4 mètres sous ta voûte de la porte . .
La nef et l'abside se composent de trois arcades reposan t
sur des piliers de colonnette,> cantonnées comme à Pont-Croix,
sauf les premières piles isolées da ns le bas, qui forment une
seule colonne. Ces piles reposent sur des bases circulaires 011
à pans avec larges bancs de pierres, la plupart carrés. Les
piliers de la croisée, beaucoup plus forts, composés de colonnes
engagées,reçoi vent les gi'ands arcs etétaien t, destinés à supporter
un clocher central. Cette partie devait également être voûtée
en arcs d'ogive, car nous voyons l'amorce des arêtiers com­
mencer au-dessus de chapiteaux. Des arcs de décharge
renforcent ces cintres et leurs clefs de voûte sont ornées de

têtes sculptées en ronde bosse, La nef et le ehœur ne semblent
pas avoir été voûtés, il devait exister primitivement à la place
du lambris actuel, une charpente apparente formant plafond
it poutres et poutrelles, comme cela se faisait dans les églises
de ce ,temps, Du reste, les petites colonnettes au-dessus des
arcades dans les bas côtés indiquent suffisamment ce mode
de construction. Les deux premières travées ogivales de la nef
ont leurs claveaux simplement chanfreinés, les autres sont .
moulurés; ces arcs retombent en encorbellement directemerit
sur des chapiteaux très évasés, garnis de feuillages et de têtes
d'un assez beau caractère. Tous ces chapiteaux ainsi que les
bases'sont de dessins variés et' d'ùÏ1e exécution parfaite. Les .
arcades du chœur sont cernées d'un tors qui, comme à Pont­
Croix forme aussi colonnette et cordon au-dessus.
Dans les murs latéraux existent encore quelques fenêtres
romanes, dont nous donnons un détail: ce sont de petites
ouvertures longues et étroites, terminées en plein cintre,
largement évasées' des deux côtés et ornées de colonnettes à
chapiteaux sculptés à l'extérieur. Nous trouvons aussi au
Nord, une petite porte de celte époque, dont les chapit~aux
-sont remplacés par une sorte de bague moulurée .

Nous avons terminé la description des parties romanes de

cet édifice, mais nous ne voudrions pas le quitter sans dire
quelques mots des ouvrages qui y furent faits au Moyen Age
et qui le complètent si heureusement. La façade occidentale très
sobre, ne possède qu'une petite ouverture; la porte centrale,

encadrée de deux larges contreforts et cintrée en ogive,se com­
pose d'un ébrasement de quatre rangs de redents chanfreinés,
à chapiteaux et bases rudimentaires; cette porte paraît dater

des premières années du XIlIe siècle.
Le clocher qui surmonle cette façade ~st du commencement
de la Renaissance; il est accompagné au Sud d'une él~gante

tourelle contenant l'escalier. Ce clocher comme tous ceux de
la Cornouaille, se compose d'une plate-forme reposant sur
une importante corniche et muni d'une belle balustrade;
d'un beffroi à jour, composé de pillettes légères que surmontent
des fronlons aigus flanqués de pinacles fleuronnés et d'une
flèche élancée à huit pans el moulures d'arêtes ornées de cro­
chets. La tourelle de l'escalier est d'abord octogonale avec
angles garnies de colonnettes, puis devient circulaire, et est
couronnée par une toiture conique en pierres appareillées.
On trouve dans ce clocher un mélange des styles des XVe
et XVIe siècles qui se marient très heureusement.
Des deux portes pratiquées sur la façade méridionale, l'une
près du chœur, est la plus ancienne, probablement du XIIIe

siècle; l'autre du"XVè, 'plus riche et décorée de petits pilàstres
triangulaires, mais toutes deux très intéressantes. Deux
énormes contreforts s'adossent au chevet du transept de ce côté,
alors qu'au Nord ces contreforts au nombre de quatre, ont gardé
leurs dimensions ordinaires. Quelle serait la raison d'être de ces
larges éperons? Nous pensons qu'il y eut un travail de ren­
forcement à cet endroit, probablement par suite d'un affais­
sement du sol ou des maçonneries, pour maintenir les
poussées en vue surtout de la construction d'un clocher central.
Les fenêtres des transepts, mais surtout celles du chevet,
sont du XIve siècle, d'un très beau tracé et d'une mouluration
fine et déliée; nous donnons le dessin de cette dernière qui
fera mieux apprécier qu'une description, ce joli travail.
Avant de nous éloigner de cette chapelle, promenons-nous
quelques instants au-delà de son chevet, sur les hauts cbâ-

taigniers qui l'entourent. Nous rencontrons d'abord une
curieuse chaire extérieure du XV· ou XVIe siècle; elle se com­
pose d'une croix mince et élevée, sans personnage, reposant
sur un soubassement uni, carré, puis circulaire, autour duquel
règne une petite terrasse ronde à balustrade moulurée, suppor­
tée elle-même par trois hauts degrés, Sur celte balustrade est
un pupitre en pierre, dont le dos est décoré d'une figure gri­
maçante, personnifiant sans doute l'esprit du mal. A quelques
pas plus loin, est une jolie fontaine de la même époque, que
nous n'avons pas eu le temps de dessiner.

Nous terminerons notre étude par la description des belles
ruines de la chapelle de Languidou, située à quelques cent
mètres, sur la côte, du bourg de Plovan. Pour être plus acces­
sible que celle de Kerinec, elle est peu connue, étant fort
éloignée des grandes communications. On ne l'aperçoit pas au
'loin, parce qu'elle n'a plus de clocher et qu'elle se trouve
cachée par des monticules de terrain garnis d'arbres touffus.
De la route de Pont-l'Abbé à Audierne, on prend à gauche, en
face le petit. bourg de Tré.ogat, un chemin de près de 3 kilo­
mètres pour s'y rendre le plus facilement.
Ce qui reste de ce petit édifice est bien peu de chose main­
tenant, néanmoins, on peut encore se rendre compte de ce qu'il
pouvait être autrefois. Cette chapelle offre beaucoup d'analogies
avec celles dont nous venons de parler. Nef et chœur avec bas
côtés, le tout se terminant par un mur droit au chevet. 11 ne
semble pas qu'il y aût de transept, du moins à l'époque roinane

les forts piliers de l'entrée de l'abside ne se retrouvent pas du
côté de la nef. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette chapelle
a subi, elle aussi, de nombreuses transformations, la belle
rose de l'abside en est la preuve certaine.
Il ne reste plus aujourd'hui que quelques arcades au Sud
du chœur; deux colonnes debout au Nord de la nef; quel­
ques pans de murs latéraux; le large soubassement de la
façade occidentale et enfin, le pignon du chevet;

On est péniblement impressionné à la vue de ces ruines et
surtout à la pensée qu'elles s'en vont de plus en plus empor­
tées par les hommes et par le temps. Ne peut-on trouver un
remède à cet éta t de choses et nous conserver ces derniers
restes d'un art bien national et bien breton. L'histoire de celle
chapelle ainsi que celle de Kerinec nous est inconnue, mnlgré
les recherches que nous avons faites; nous savons seulement
que Languidou fut édifiée par le chanoine Guillaume et Yves
de Revesco, qui vivaient à la fin du XII" siècle (1162 et 1166),
d'après une inscription gravée sur un des chapiteaux qui gisent
à terre au milieu de ces ruines. Gelte date prouve surabon­
damment que tous les édifices de ce genre sont bien de la
dernière période de l'art roman dans notre région qui marchait
parallèlement aux autres écoles.
La nef de cet édifice, plus large qu'à Kerinec, se composait
de quatre travées, le chœur de trois seulement, séparées par
des arcs triomphaux à l'entrée de l'abside. Les piles, les -
chapiteaux et les bases reposant sur des bancs, rappellent
en tous. points Kerinec et Pont-Croix. Les archivoltes sont pleins .
cintres, ornés de moulures et reposent en encorbellement
sur des pendentifs fuselés. Les chapiteaux et leurs tailloirs
sont taillés dans la même assise et finement travaillés. On
remarque l'heureuse disposition des piles d'extrémités qui rap­
pellent celles de Meilars .et de Pluguffan; abaque très haute
et très évasée recevant la retombée des arcs sur des colonnettes

engagées dans l'épaisseur de ces piles. La naissance du grand
arc fermant le chœur part de très bas sur les piliers
principaux, on se demande ce que devait être cet arc si peu
élevé, bandé sur une aussi grande largeur; les arcades qui le
contrebutent dans les bas côtés sont conçues dans les mêmes
proportions; les chapiteaux sont ornés de têtes méplates,
leur tailloir a plus d'importance que les piles des autres
colonnes.
Ne nous éloignons pas de ces ruines pittoresques sans parler

de l'admirable rose qui décore le chevet du chœur; grâce à

quelques travaux d'entretien, elle a pu être maintenue intacte
jusqu'à ce jour et pourra résister encore aux assauts des tem­
pêtes de mer. Elle est d'un tracé fort babile Ilt sans être très
large, produit un grand effet; les vides et les pleins sont judi­ cieusement proportionnés; c'est un des plus beaux exemples
de ce genre que nous connaissions du XIVe siècle. Notons enfin
un oculus d'un mètre environ d'ouverture placé au Sud-Est,
dont le large ébrasement terminé par un tors rappelle beau­
coup celui des fenêtres romanes de Kerinec.
Avant de clore ces pages, qu'il nous soit permis d'attirer
l'attention des pouvpirs publics sur ces deux derniers édifices.
L'administration des Beaux-Arts si soucieuse de garder nos

richesses architecturales ne peut manquer de s'intéresser à
ces chapelles et, en les classant parmi les monuments histori-

ques, les conserver à la postérité.
Nous demeurerons reconnaissants à ceux qui, par leur bon
accueil ou leur encouragement, ont bien voulu faciliter notre
tâche. Nous adressons nos bien vifs remerciements à M. le

curé de Pont-Croix et à MM. les recteurs de Poullan et de Mei-
lars, à ce dernier 'tout particulièrement pour la généreuse
hospitalité qu'il nous a offerte et dont nous garderons le meil·
leur souvenir. 'Nous considérerons notre but comme atteint
si nous contribuons avec tous les artistes qui s'occupent d'étu­
dier la Bretagne, à la faire connaître et aimei' comme l'une
des plus belles prov1nces françaises pour ses sites et ses

monuments.
Quimpe?', Mars 1909,

VII.
VIII .

369

DEUXIEME PA RT IE

Table des MémoiTes et Documenls publiés en 1YO!J
l'ages
Épisodes et Anecdotes, par M. l'abbé ANTOINE
FAVÉ .. . ... , ... . ... ' .. . . . . , ... , ' , ' . . " 1, 79, t 97
Églises et Chapelles du Finistèr e (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXrV) . Doyen nés
de Ploudalmézeau (fin), Ploudiry, Saint-Renan, .
Châteaulin, Châleaun euf et Carhaix, par M. le
chanoine P. PEYRON ...... . . , . . . ' . , . . . , . . .. '33, 30t
Les Hameçons préhistoriques, par M. A. MARTIN
(planche) ............... , .. . , , . . .......... ' . , .
Étude sur l'Architecture romane du Finistère.­
École régionale de Pont-Croix, pal' M. CH.
CHA USSEPIED. . .. . .. ' .. . .... . .. '. , .. . . . . . .
Outil préhistorique en pierre : le Ra bo t- Râpe,
par M. A. MARTIN (planche) .. , ...... . .. . . ' ... .
Rapport sur la Chapelle de Saint-Tugen, en Pri­ melin, par M. CH. CHAUSSEPIED (planche ) ..... '
Excursion A rchéologique dans la comm une de
Garlan, par , M. L. LE GUENNEC (3 planches) . ..
Chapelle de Notre-Dame du Crann, en Spézet,
par M. le chanoIne J.-M. ABGRALL ...... . .. . . ,
Fouille d'un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lo­ érec, le 30 juin 1909, par' M. L. LE GUENNEC
lane/le) . .. .. ~ . ..... .. . . ......... . ....... . .. .

109
113
244

255
X. Études sur le Cap-Sizun:
II. La chapelle de Langroaz et la seigneu­
rie de Keridiern, en Cléden-Cap-Sizun, par M.
DANIEL BERNARD .... .. ... . .... .. , . . .... . . , . .. , 262
XI. Les Ardoises dans les sépultures néolithiques
ar.moricaines, par M. A. MAR:I'lN (8 planches l.. 278
, XII. L'Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes poUt' ser-
vir à son histoire), par M. H. BOURDE DE LA
ROGERIE. . . . . . . .. . .... , .... , . .. ' . ' . , . , .. . . . . 324

- FIN -

vnprlmérie CO TONNEC, LEPRINCE Suce - QUimper