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Bulletin SAF 1909


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Épisodes et Anecdotes

Abbé Antoine Favé

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1909 tome 36 - Pages 1 à 32

Landerneau et Morlaix au XVIIIe siècle
Au congrès de l'Association bretonne, à Châteaulin, en 1900,
le regretté comte de Palys, dans un de ces discours d'ouver­
ture si appréciés, marqués au coin de la plus grande érudition
et de la plus exquise littétature, parlait de l'Histoire de Bre­
tagne d'A, de la Borderie, Il faisait remarquer l'enrayant

travail auquell'hislOl'ien s'était livré pour extraire pièce à pièce
ces tableaux complets de toutes les innombrables archives
qu'il a dépouillées,
De chaque charte, il extrait une mention, une-ligne, un
détail,' un paiement à un ouvrier lui donne la date d'une
construction de forteresse; un compte de cuisine, celle d'un
voyage du souverain ou d'une e,rpédition militaire; tout
cela est classé méthodûJuement par matiè?'es et. se ret?'ouve
juste à point pour justifier une assertion, établir Un tait ou
donner au récit le mouvement, la couleur et la vie.
Sur l'art militaire en Bretagne, sur le commencement de
l'artillerie, il peut vous donner l'acte de 1I"aissance du pre-'
miel' canon, le nom de l'ouvrier q1.ti l'a construit et quel a
été son salaire, etc, Tous ces tableaux sont composés avec
une ligne . prise aux archives de la Cour des Comptes de
Nantes, un mot 1'etrouvé dans les parchemins préparés POU?'
la r~liure, à moitié lavés et qu'un heureux hasard lui a fait
retrouver, - un détail oublié dans les documents publiés par

ses devanciers et qu'il a lu d'un bout à l'autre sans en pas-
ser une syllabe, de sorte que cet arsenal inépuisable ne se
trouve jamais à court de munitions, (-1)

(i) Bulletin de l'Association bretonne .- congrès de Châteaulin i900. P. XXIV.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXVI (Mémoire 1)

On ne pouvait mieux dire pour arriver à faire saisir à tout
venant et au premier venu. la méthod~ d'8nalys~ et d'investi­
gations patientes et fécondes de notre historien national:
bien lire un document, en presser tout le suc; il ne dema nde
qu'à parler; il faut lui prêter attention , et le faire parler
davantage; car, qui sait? il vous donnera, quoique humble,
faible et négligeable à première vue, plus de renseignements,
sincères et loyaux ceux-là, sur la vie courante et réelle, la vie
vecue dans un passé lointain, que des recueils gros et épais,
par letlr volume, mais légers par ce qu'on y trouve sous le
fard et sous les fleurs. L'exemple de M. de la Borderie est
pour nous une leçon ; une leçon de choses et une leçon de

lectuTe. Ne jugeons pas sur les apparences la pièce que nQUS
tendns en main, sachons la lire et nous serons payés large.,
ment de notre peine: nous y trouverons tel détail qui provo­
quera dans notre esprit une réminiscense, un rapprochement,
et projettera une éclaircie sur un point douteux de l'histoire,
une inspiration nouvelle sur une question dont nous ne

soupçonnions pas l'intérêt .
Nous dOnI'lOnS l'exemple qui suit. Feuilletant les registres
paroissiaux d'Ergué-Gabérie, nous trouvons à la date du
19 janvier ii05, le procès verbal du baptême de Barbe-Rose­
Martine de La Marche de Kerforz, « nommée par Maistre
Martin Le Guen, domestique de Kerlorz, et dame Barbe-
Françoise de "Tréanna . )) La signature du parrain nous
révèle qu'il était « acholyte ll, c'est-à-dire clerc minoré. Ce
rapprochement donne à penser sur la portée et le sens de cette
qualification d'un ecclésiastique qui était domestique sans
doute de la famille de La Marche, par sa première éducation,
à titre de frère de lait, de fils adoptif... Ce rapprochement fait
tableau et on se tronve tenté de rechercher quelle pouvait être
au juste la situation, à Kerforz, de Dom Martin.

C'est sous l'impression de l'exemple du Maître et des paro-
les de M. de Palys, que nous prenons la liberté d'offrir à la

Société archéologique les quelques documents épisodiques ClliL
suivent. C 'est peu, mais ce sont des témoins qui déposent
sans artifices et sans arrière-pensée; et chacune de ces pièces
nous révèle quelque détail pittoresque qui décrit et'fait mieux
comprendre toute une période du xvm" siècle.

UNE EXÉCUTION DE POLléE

La confiscation d'un ( bouchon » de tavernÎêI'
à Landerneau~ en 1739.

ARGUMENT, (1) - C'était le jour de l'an avec ses réîouls­
sancés : quelques disciples .dugrand Saint Crépin apparte­
nant au corps dé méti~!, de Morlaix et de Landerneau se trou'
vaient réunis chez Jacques Glé' au, Je tavernier de la place
Saint-Thomas, leur confrère en cordonnerie, pour passer, le
verre en main et le cœu.r content, les dernières heures de la
première journée de l'An de grâce 173H, Ils étaient déjà forte­
ment gris autant que désargentés, lorsqu'un gas, malingre,
mais bien éveillé, fanfaron, comme on l'est à son âge, vou­
lant prouver qu'il savait boire comme un homme et ne s'em­
bàrrassait de rien, et qu'il condescendait à la soif persistante

et de plus en plus impérieuse de ses compagnons, offrit à

l'hôtesse de prendre son habit pour gage d'un pot de vin, Le

marché fut gréé et agréé, et le troc opéré, Mais à Landerneau
la police $tait bien faite: vigilante, elle ne dormait que d'un
œil et au moins une de ses oreilles restait aux écoutes: elle

(1) Argument ,~ignifie aussi le fondement, l'abrégé d'une histoire, d'une '
comédie, d'un chapitre, On a perdu l'habitude de faire des prologues qui
contenoient l'argument de la comédie, (Dictionnaire de Trévoux),
était toujours prête pOUl' J'occasion qui se présentait de pour­
suivre d'un pied agile et d'arrêter d',une main énergique tout
crime, tout délit, toute contravention . .
. Ce qui se passait chez Gléau fut sur l'heure porté à la
connaissance du Sénéchal. L'indignation le secoue jusqu'aux
dernières fibres de son être; il se mobilise avec son person­
nel, informe, juge et sévit, comme l'aurait fait Salomon que

l'on renomme.
Le jour, 2 janvier 1736, Landerneau comptait un bouchon
de moins : les enfants de Saint-Crépin avaient consommé un

pot de vin supplémen taire gratis. Le jeune drÔle de la rue
de PLouyan, à Moflaix, Jean Le Lons, rentra en possession
de son habit de drap dt' Rouen, presque neuf, garni de bou­
tons de poils de chèvre et « couleur de caffé clair », ce qui _
était cossu et élégant pour un petit ouvrier cordonnier. Il ne
semble pas même qu'il fut vertement tancé et rudement
réprimandé. .
Celte exécution sans trop de phrases nous montre que le
bon o . rdre. était maintenu et les droits de la morale publique

sau vegardés à Landerneau. C 'était presque la célérité en cours
à Domfront: arrivé à midi, pendu à une heure. Mais la lec­
ture du procès-verbal de descente de police chez le tavernier
en dit davantage ..
2 Janvier 1739. Procès-verbal de descente
- chez Jacques Le Gléo, aubergiste.
Nous, noble M' Claude Creff, sieur de Boisbizien, avocat au
Parlement de Paris, Sénéchal et premier Magistrat civil et
criminel, Juge de police de la juridiction de la principauté
de Léon, à Land erneau. Sçavoir faisons que ce jour deux
janvier 1739, sur l'avis nous donné que lEis nommés Jacques

Le Gléo et sa fille tenant taverne à bouchon d'hillière, (1) près

(i ) BOl1cIlOn d'hillière est une corruption provenant d'un commerce
inavouable du français et du breton: les uns y reconnaîtront bouchon
de lierre, comme d'autres bod-ilio, qui n'en est que la traduction dans
notre parler d(l Basse-Bretagne: il semble que le greffier subit cette
double influ_ ence.

la place de Saint-Thomas de cette ville, auroit deub donner
le jour d'hier à boire à plusieurs personnes à heures
indues entr'autres à un jeune enfant qui ne paroit avoir
qu'environ quinze ans ou seize et n'es ire hault qu'environ
quatre pieds; lequel n'ayant pas d'argent pour payer deui
dire de leur donner à boire sur son habit qu'il dépouilla et
laissa. dans ladite taverne pour gage de vin qui luy fu t
doimé et à ceux qui étoient avec luy de compagnie : Ce ~ui
est un abus intolérable- et ne servant qu'à main teni rIes

déboches et libertinages tant des pères que des enfens .de
famille. Nous nous sommes transportés de notre demeure,
Rue de la Fon Laine-blanche, jusqu'aux. geolles de cette ville,
où nous nous constituâmes hier au soir environ les dix à
onze heur:es, lesdits Gléau ei ledit enfant, Nicolas Laurans.
cordonnié, un autre compagnon cordonnié et Jean Quéré,
aussi cordonnié, pour leur faire des interrogatoires som­
maires et sçavoir si l'avis nous donné est véritable, et
ensuite descendre dans ladite tavérne pour nous faire
représenter ledit habit et procéder en conséquence comme
il sera veu appartenir. Estant aux dites Geolles, ayant avec

nous pour adjoint Me Michel Miorcec, commis juré au Greffe
et pour aide de justice M' Jean-Ronan-Louis Bourven, Géné­
raI et d'armes de Lesneven, demeurant à Landerneau,
nous avons mandé par le geollier des prisons ledit Jacques
Gléo, Nicolas Laurans et ses deux compagnons et Jean Quéré

aussy cordonnié, auxquels nous avons fait séparément lever
la main à la manière accoutumée, d'eux le serment, pris et
receu de dire vérité au cas requis, et in terrogés séparémen t
s'il n'est pas vray que le jour d'h,ier, environ les dix heures

du soir ... (se sont passés les faits marqués plils haut).
Auxquels interrogatoires lesdits susnommés ont répondu
unanimement qu'il est vray que Jean Le Lons, fils d'Hervé
et de Magdeleine Léon, demeurant en la ville de Morlaix;
Rue de Plouyan, paroisse de Sainte-Melaine, ledit Jean Le
Lons, âgé de elix-sept ans et C compagnon cordonnier ayant
demandé un pot de vin rouge à boire sur son offre de laisser

son habit en gage, lediL Le Gléau et sa fille luy en donnèrent
et'en conséquence, luy dépouilla son habiL, qui a resté chez

ledit Œéau et sa fille. De la part de Gléau il a été dit qu'il
est vray que luy et sa fille ont donné ledit poL de vin audit
Lons sur le gage dudit habit qu'ils ont retenu. Desquels
interrogatoires leclure leur fai t par notre adjoint, ledit
Nicolas Laurans, âgé de 44 ans, cordonnier de profession,
demeurant sur le quay de Léon en cette ville. Jean LofficiaJ
fils de Bernard et de feu Fiacre Lavéant (sic), âgé de 23 ans,
compagnon cordonnier, Nicolas Laurans, et Jean Quéré"
cordonnier, dem eurant aussi chez ledit Laurans, âgé de
36 ans, el ledit Jacques Le Gléau, demeurant place de SainL-,
Thomas de cette. ville, aussi cordomiier de profession, âgé
d'environ 60 ans, ont dit Icelles leurs Réponses et confessions
contenir véritté.
[Seul Jean Le Lons signe]. ,
De la Geôle, le Sénéchal se rend chez J. Le Gléau, accom­
pagné de ce dernier et de Jean Le Lons, pour faire la
reconnaissance de l'habit ou justaucorps.
y estant, Le Gléau auroit dit à sa fille d'apporter ledit
habit en nos présences sur l'ordre que nous luy avons
donné: aussi. sorti, elle auroi t monLé dans une chambre
d'où elle nous a aporté un habit presque. neutf, paroissant
de drap de Rouan, couleur de caffé clair el garny de boutons
de poils de chèvre, et ayant demandé audit Le Lons si cet

habit représenLé est celuy qu'it laissa hier au soir icy en
gage d'un pot de vin, a répondu que c'est le même habit ...
Sur quoy et veu la conséquence d'un pareil abus que
celluy de recevoir en gage de vin que donnent les hobergis­
tes, des hardes et nipes, et pour prévenir de pareils abus iL

l'avenir, ordonnons que sur le champ notre présent procès-

verbal soiL communicqué à M' François Cormao, Substitut
du sieur Procureur fiscal, atlendu l'absence de ce dernier,

. pour donner les conclusions qu'il appartiendra.

[ Les conclusions de M ' Cormao furent adoptées par le
Sénéchal qui les insère au long dans la sentence qui suit: ]
« Eu égard aux conclusions du sieur Substitut du
Procureur fiscal, avons ordonné que l'habit en question

non détériore, et pour les contraventiot'lsfait par ledit
Jacques Gléau et Jeanne Quéàu, sa fille, aux arrêts et
Règlements de lit Cour, que le brandon d'attache à leur
hoberge soit mis bas, avec deffenses à eux de .Lomber en
pareille fau te sous les peines qui échen t, réservant de leur
faire provocquer telle amande qu'il apparliendra, passé
que Monsieur le Procureur Général en sera informé et sa

décision prise à ce sujeL.
Fait et arrêté sur les lieux environ les 4. heures du soir,
et avorts fait en nostre présence couper lesdits brandons et
défense auxdits Gléau et fille de jamais vendre ny débitte['
vin, ce que nous ordonnons estre exécuté par provisiori en
attendant la décision de M. le Procureur Général, ledit jour
et an que devant. Comme aussy avons condamné les­
dits Gléau eL fille aux dépens de la présente descente taxé
pour le regard dudit commis à la somme de SIX livres et
pour le regard de Bourven, à 3 livres )) .
BOISBIZIEN-CREFF,
Sénéchal,
Gratis.

BOURVEN,
Général et d'armes.
MIORCEC,
Commis.

La confiscation des enseignes, brandons et bouchons était
chose courante et ordinaire. Le Greffe devait en détenir une

certaine collection et être à même d'en faire le fonds d'une
exposition spéciale qui, nous en sommes sûrs, aurait éveillé
et satisfait notre curiosité concernant les enseignes et affiches

qui donnaient un caractère personnel, à part, aux rues d'une
vieille cité, au XVIIIe siècle. Par exemple, nous lisons dans les
registres de police de Landerneau, la description qui suit et

nous semble très pittoresque, étant donné surtout que nous
n'avons pas le corps du délit, qui aurait été un beau spécimen
dans une collection départementale ou communale.
« Du vingt-neuvième janvier 1752, environ les dix heures
du matin.
A comparu au Greffe de la police de ladite principauté de

de ladite juridicUon, Lequel en conséquence d'ordonnance
rendue à l'audience de police tenue le 21° de ce mois, riotli-

fié à Tanguy Languil et femme le 26 de ce mois par Le Duf,
eL d'autre ordonnance au bas du requeste en date de ce jour,
portant que sur le défauL dudit Languil d'avoir obéi il. l'or­
donnance du 21 e de ce mois et d'avoir mis bas son brandon

et enseigne, elle eust eté oté par le premier sergent requis
dans le jour, a déposé au Greffe une enseigne de couleur
bleue, parsemée d'étoilles blanches et au milieu de laquelle
il y a une éloiHe d'or des deux cos tés eL pour inscription
aussi est escrit des deux cos tés : A la Belle Etoille, bon vin,
bon 'logis, avec le bras de bois soutenant ladite enseigne
peint de couleur rouge et parsemé d'étrilles blanches, qua­
tre plats de fiche, un crochet et une vergette de fer soute­ nan t ladite enseigne.
Duquel dépôt a été rapporté acte ... ».

UNE QUESTION DE CHARGES MUNICIPALES
A LANDERNEAU (1761)
Le Geôlier astreint au Logement des Soldats,
par le Maire, exempté par le Procureur fiscal.
ARGU1>iENT. Il est hors de conteste que la police de'3 prisons
était confiée aux soins du premier officier de la Juslice des
lieux et au Procureur du Roi où du Seigneur, D'autre part,
le logement des gens de guerre relevait des officiers munici­
paux, qui devaient tenir compte des exemptions dont bénéfi­
ciaient certain es catégories d'habitants. Au dire de Denisart (1)
« la multitude de ces exemptions les avoit, pour ainsi dire,

(il Collection de décisions nouvelles, etc" 4' édition, - V. Logement des

rendus inutiles. » L'ordonnance militaire du 21S juin 17GO qui;
en 1761 , était la dernière règle sur la matière a fait, en détail,

le relevé de celles qui étaient maintenues, et ajoute, art. -93,
que si quelques auttes personnes prétendent joui r de celte
exemption, ils devaient s'adresser à l'intendant et en cas de
réclamation par quiconque se croirait lésé, les représenta­
tions devaient être adressées au secrétaire d'Etat au départe­
ment de la Guerre. L'ordonnance de 171S0 ne mentionne ni
directement, ni équivalemment, la situation des geoliers en
face de l'obligation générale du logement des troupes.
Donc à Landerneau, ni le procureur fiscal, ni le maire
Dumoulin ne pouvaient se baser sur un texte en forme .pour
décider, si oui ou non, le geolier de la prison était imposé à
cette charge. Le procureur, Honorat Mignantn vit dans le pro­ cèdé du maire une nouveauté odieuse et ridicule, contraire
autant au bon sens qu'à la tradition établie. '
La lecture du procès-verbal dressé à cette occasion, expose
avec clarté et précision, ce dont il est cas. Il semble qu'une
entente pou- vait se faire, quelques explications être éehangées,
mais il ne faut pas oublier que les relations entre la commu­
nauté de ville et la justice étaient d'une fraîcheur plutôt gla­
ciale, de cette cordialité qui exi.ste entre chiens et loups, et à
vrai dire, tracass€'ries, rivalités, rancunes, les mettaient " sur
le pied de guerre, de guerre au couteau 1 A Landerneau comme
ailleurs.
(31 mars 1761),
Nous, Maître Honorat ELienne Mignan, procureur fiscal de
la juridiction de la principauté de Léon à Landerneau, ayant
_ particulièrement, par les ordonnances, la Police des Geôles
et Prisons, savoir faisons que ce jour 31' de mars 1761, sur
les cinq heures de relevée, Marguerite Guiziou, veuve de
Ténénan Cal vez, fermière des geôles et prisons de cette
seigneurie, scizes dans les Chambres hautes du Moulin du

garde des prisonniers ·tant civilsqu8'criminelsdétenus ' aux
dites prisons, Jointement avec Guillaume Thomas, son beau-

frère, demeurant rue et paroisse de Ploudiry, lequel elle a
présenté et a été reçû mjusiice depuis la mori de son marg.
, Elle nous aurait fait donner avis que le sieur Dumoulin,
Maire en exercice de cette ville, lui auroit envoyé deux sol­
daLs du régiment de Foix-Infanterie arrivés ce jour en cetLe
ville pour loger chez elle jusques ladite Guiziou eut fourni
aux casernes le lit qu'il devoit lui avoir précédemment été
ordonné de fournir . .

Sur quoy el vu la nouveauté d'un pareil fait, . nous nous
sommes rendus de notre Logis auxdits geôles et prisons, à

l'effet' d'approfondir lesdits faits et de donner les ordres
nécessaires pour prévenir les désordres et facheux évène­
ments qui pouroient advenir et nous. mettre en estat de

faire corriger un pareil abus, et rendus aux dits geôles y avons
trouvé ladiLte Marguerite Guiziou' et ledit Guillaume Thomas
geôlier, lesquels nous ont présentés deux billets imprimés
daté du jour .d'hier,30

de ce mois, et signés ' dudit sieur
Dumoulin" M . lil-ire, l'un d'iceux adressés à laditLe Marguerite

Guiziou, sou.s le simple titre affecté de Meunière et l'auLre
audit Guillaume Thomas sous le titre de Ser.rurier, portant
l'un et l'autre en substance, savoir celle de la Guiziou l'or­
dre de (ournir dans le jour un lit complet et garni dans la
Cazerne de Kerohant, et celui dudit Thomas de fournir un
pareil lit dans la Cazerne de Kermadec, et un troisième billet
manuscrit en date de' ce jour ~igné aussi Dumoulin,
Maire, contenanL ce qui suit: « Faute à Marguerite Guiziou,
« Meunière d'avoir faite la fourniture d'un !il à la caserne
« de Kerohant,en la rue de la Rive, ainsi qu'il fut ·ordonné
« par billeLs d'ordre d'hier, il est aussi ordonné qu'elle

« logera deux soldats jusqu'à avoir faite ladiLe fourniture )).

La Guiziou et Thomas nous ont expliqué qu'après avoir
reçu hier les billets d'ordres imprimés cy devant mentionnés,
ils se rendirent successivement chez le sieur Maire et lui
représentèrent que c'était icy la première fois qu'on eut
prétendu obliger le geôlier de fournir aux Casernes, non

plas qu'à loger des troupes' autrement que dans prisons fermées
el que, pour le moins, laditle GUiZlOU, garde des geôles et
prisons et y demeurant, ou ledit Guillaume Thomas devait
jouir du privilège d'exemption; qu'à son égard, Jlli, .
comme il avait jnsqu'icy toujours ,fourni dans les occu-.
rences, il consenloit encore défférer à l'ordre, comme en
effet, il le fit hier en faisant porter et monter fion lit dans la

cazerne de Kermadec, mais qu'à l'égard de laditte Guiziou

elle d~voiL il ce moyen profiter de l'exemption; mais
néanmoins que si le Maire voulait faire l'échange, ,en retiranl
l'ordre donné audit Thomas, alors il céderoiL son lit à ladiLe
Guiziou, pour le fournir en son propre nom,

Mais toutes ces raisons ne purent faire revenir le Maire
du sistème qu'il avait embrassé, il leur répondit resolùment
que l'un et l'autre en aurait fourni en faute de quoi, il leur

envoyait des soldaLs à loger, et les renvoya ainsi de chez lui,
mais ~algré cet ordre verbalement répél.é;.ladiLte Guiziou
conviep.t qu'elle n'y a pas défl'éré, et que la principale raison
en l'étaL qui l'y a contraint esL l'impuissance où elle est
d'avoir un lit, à moins qu'elle en fass e faire un exprès, ce
qui ne s'eXéé'ule pas de momenL à. l'autre n'ayant de lit dans

la seule chambre qùi lui reste pour geôle, que .celui d'une

servante qui lui sert de guichetier et le sien; car elle assure
que si elle avait pù trouver un lit elle l'aurait volon-

tiers fourn i prqvisoirement pour defférer à l'ordre dudit sieur
Maire, sans préjudice toutefois de se pourvoir pour faire
valoir son exemption. EL continuanL laditle Guiziou eL led iL
Thomas nous ont dit que le soldat du Régiment de Foix que
nous voyons icy présenL et son camarade qui venoit rie

sortir, estoient ceux qui entendoient loger dans ladiLte

geôle, et en verLu du dernier hillet d'ordre cy devan t trans-
criL qu'il lui avaient remis en enLrant, et que sy ces soldats
logeaient dans la geôle, elle, ny ledit Guillaume Thomas ne pou­
vaient plus Tépondre des prisonniers, soit civil soit criminel qui
estaient à leur garde,que cependant,du nombre des derniers,

il Y avait surtout un 'soldat des Grenadiers .Royaux condamné
aux Galères par son Bataillon, et une fille accusée de R ecèle
de. grossesse et dont le pr.ocès . est sur le point d'être jugé et que

dans les occurence'l, on a tout à craindre de la part des
gens de troupes qui estant logés à la geôle par ordre, se
croiraient capables de tout entreprendre pour tirer un cama-

rade des fers, - et mettre en liberté une Créature de qui ils
espèrent avoir du Retour.

Sur toutes lesquelles représentations, nous Commissaire,
adressant la parole audit soldat du Bataillon de Foix icy

présent, lequel n'a voulu dire son nom ny la Compagnie
dont il est soldat, nous l'avons sommé lui et son camarade
logés dans ladite geôle, à quoi ledit soldat nous a répondu
que c'esLoit l'ordre de qui son camarade et lui avoient reçu
de leur sergent, en leur remettant le billet du Maire qu'il
avoit délivré à la Geôlière, sur quoi nous avons enjoint
audit soldat de faire venir son sergent et defférant à cette
interpellation, ledit soldat est sorti -eL revenu tout après
avec sondit sergent, qui interpellé par nous de dire son nom
et celui de sa compagnie, a aussi refusé lie le faire, et néant­
moins parlant audit sergent, nous lui avons enjoint de
retirer ses soldats de la geôle et d'engager le Maire à
fournir un au~ _re logemenL s'il voyoit le devoir faire, sans

quoi nous ne pourrions nous dispenser de prendre main-
forte pOUl' faire mettre lesdits soldats en prison fermée. Sur
quoi ledit sergent nous a répondu qu'il alloit se rendre chez
le Maire pour faire son rapport, eL de fait il est sorti sur le
champ avec ledil soldat sans avoir voulu signer quoique -de
ceia interpellé.
Et ayant nous- dit Commissaire tardé auxdites geôles
jusqu'après l'heure de sept heures sonnées, sans que ledit
sergent ny aucun desdits soldats y soient revenus, nous
avons clos et arrêté en ladite geôle le présent nôtre procès­
verbal que nous réservons de déposer au Greffe et d'en
envoyer une expédition à Monsieur le Procureur générai
avec les trois billets d'ordre cy dessus mentionnés, dont
nous nous sommes saizis et que nous avons chiffrés pour
recevoir en conséquence les ordres qu'il jugera à propos de

nous prescrire.
Sous notre seign, celui de Me Pierre Jestin, notre secrétaire,

celui de M' Jean Nessan, Louis Bourven, sergent
jurisdiclion et de Guillaume Thomas, geôlier.
MIGNAN,
Procureur fiscal.

Les sources d'informations ne manquent pas pour esquisser

un tableau du régime des p\'isons seigneuriales ou royales

sous l'ancien régime. On y entrait, et surtout on en sortait
comme d'un moulin: ici c'est vrai, puisque le moulin de Lan-

derneau était en même temps maison de détention. Ce que

l'on vient de lire dans le document fourni plus haut, ne donne
pas une idée bien élevée de l'étal de la geôle, et ce n'est pas
sans un sourire de surprise que l'on voit les fonctions de
guicheti('r confiées à la bonne volonté d'une robuste fille de
la campagne et à la force de ses bras habitués aux plus durs
labeurs.
En tout cas, le joli moulin seigneurial,: (moulin-geôle-pê­
cherie) de style ogival. bâti par les Rohan en 1518 a disparu.
Puisqu'il n'en reste désormais que le souvenir, consacré par
des collections de dessins comme celle qui fut exposée au salon
de la Société des artistes fTançais, en -1898, nOus donne­
ront une desèription, non artistique, mais judiciaire, et sans
doute exacte, du moulin de Roban en 1724, Nous la trouvons
dans un procès-verbal de prise de possession des mouIins de
la principauté de Léon afféagés au sieur du T!llbouet et à son
fils, le sieur du Hénan.
« A quoi inclinants les notaires se transportent en compa-

gnie desd. requérants jusques audit moulin de celle ville
de Landerneau, et apprès y avoir entré, et parlant au sieur
Michel Gourvezan, fermier dud. moulin, geolle et pescherie,
auquel ayant déclaré le sujet de nostre comjon, il nous
auroit répondu qui! ny avoit moyens empeschants, non plus
de payer à quj devra le ,prix de sa ferme qUJ est de deux
mille six cents livres par an apprès que nous avons mis et
induit led. sieur Mazéas aud. nom en présance dud. sieur

trévoas' en laquelle qualité, dans lambas dud. ° mouÜn où il
y a deux tournants et moulans garnis de leurs uslensilles,
au premier estage est une chambre servante présantement
de cuisinne au plain pied de la mesme chambre, une autre
servante présanLement de chambre crimin elle, au second

étage une petite chapelle dédiée à Saint-Louis, au bas de lad.
cbapell e, une chambre dans laq. il y a un petit réduit garny
de planches pour y renfermer le sexe consignés dans lesd.
prisons, et.à plain pied de cette chambre une autre servante
de chambre civille, comme aussy dans la pescherie dessous

et adjasante les deux roux dud 0 moulin, led 0 moulin ou-
vrant sur le pont dud. Landerneau ayanL ses pignons et
murailles costiere en pierre de taille et couverte d'ardoisses ))

III

Un capitaine anglais venu à Landerneau

pour faire viser ses papiers, ne comprend'

à la réception qui lui est faite (1722).

Les 'h~telliers sont astreints à tenir registre fidèle des per-
sonnes qu'ils reçoivent: certains règlements locaux les obli­
ge nt même à avertir, sans retard, les juges de police des
voyageurs étrangers au royaume qui sont descendus chez eux.
Pour se conformer à ce réglement et à la coutume, Jeanne,

fille d'Yves Prigent, tenant l'auberge portant l'enseigne des
Trois empereurs, rue de Ploudiry, vint donner avis au com­
missaire du quartier, le 1'1 septembre 1722, que le nommé
Laurans FastTe, maître du navire la M arie-A nne, de Cor-

que (sic), venant du Croisic, chargé de sel, était descendu
chez son père. Le commissaire prend les assistants et tér:noins
aptes à constater -les choses, étant donné que cc le mpport
d'un commissaire ne fait point une loi entière. Fastre n'était

,. i5 r
point à l'auberge lorsque l'officier de 'police y vint; il dût aliei

le relancer cbez le sieur Uhern ou Ohairn, oùjl était à souper:
le capitaine de la Marie-Anne portait perruque blonde, babit
brun et veste blanche Bt aVait l'œil d1'Oit incommodé, et fort
volontiers déclina son nom de Laurans Fastre, Un sergent,
. qui accompagnait les commissaires, Joseph Chapplain, lors-

que ces derniers se mirent en devoir de prenrlre les informa-
tions ordinaires,s'adressant avec un emportement inexplicable

à M ' Louis Rucart et au sieur Josepb Le Gall, en présence de
M e René Latour, criait qu'il n'avaient pouvoir d'agir et

que, .. il n'at'oit que la vie à perdre avec l'un ou l'autre d'eux!
Latour, très calme, lui fait observer que Le Gall et Rucart
étaient commissaires nomm és et reçus, qu'il leur devait le

même respect qu'à lui Latour, et que du reste, Cbapplain de-
vait bien le savoir, puisque c'était lui qui avait été chargé de

publier l'ordonnance qui les nommait commissaires . Le ser-
gent de répo ndre avec encore plus de grossièreté qu'il se foutait
de leur commission et qu'il ne les connaissait pas. ( Ce qui
interrompa, dit le commissaire, la fonction de notre exercice

et aurait causé que le siéur Latour auroit conduit ledit Chap-
plain et ledit Fastre en prison pour conformément aux règle­
ments procéder aux interrogatoires. »
Sans doute, le sujet br~tannique commençait à se deman­
der où on allait en venir: il n'en était pas encore à sa der-

DIere surprIse.
On arrive au moulin de Roban, on monte dans la chambre
civiUe et on se di spose il prendre tout renseignement utile de

la boucbe du capitaine de commerce, lorsque voici.,. Nous
donnons le procès-verbal, voici une autre intervention:

Il se serait présenté un homme de haute stature, parLant
perruque chataigne, chapeau noir bordé d'argent., habit '
tirant sur le brun et veste de chamois, leq uel aurait opposé

!les raisons et son nom, .il s'est vestu d'une bandouillère. (i)
Il a déclaré quil nous connoissoit lrès bien el qu'il se foutoit
de nous, blasphémant le saint nom de Dieu, disant qu'il ne
nous convenoit point de procéder aux interrogaloires de cet
étranger et quil alloit l'écrouer: ce qui nous auroit donné
Heu pour éviter le désordre, rie nous relirer pour dresser
nolre procès-verbal. Nous estant auparavant intormé par la
servante du geollier quel estait cette homme qui s'est inter­
posé scandalleusement, elle nous a raporté qu'il se nommait
. Frémont, l'un des archers de la Maréchaussée; ce qui a été
confirmé par la voye commune du nombre de personnes
qui se sont trouvés au bruit que faisoit Frémont ... .
Fait et rapporté sous nos signes les d. jour et an que des­
sus, environ les six heures du relleyée chez Me René Latour,
n'ayant pas de seuretté de le dresser dans les geolles sur
les menaces dud. Frémont.
Ainsy signé. '
J. LE GALL, RUCART et R. LATOUR, advocat.
Ledit jour 11' Septembre 1723, par continu-ation de nostre
procès-verbal, sur rad vis qui nous a esté donné par l'hoste
des Trois Empereurs que Cilapplain et Laurans Fastre au-

roien l sortis des geolles, nous ayan t présenté le cahier pour
être par nous visé, nous nous sommes de recheff transporté
de compagnie de nos demeures ensemblement avec Me Fran­
çois Cormao que nous avons r equis de nous suivre jusqu'à
la maison de Prigent: nous avons trouvé Laurans Fastre
dans la cuisine, Chapplam s'est retiré il. notre arrivée. Pri­
gent il. nostre r équisition, nous a menés dans un cabinet à
costé de la cuisine, où nous nous somLD es mis en devoir de
procéder aux interrogatoires de Laurans Fastre. Comme en
effet, nous luy avons demandé comment il se nommoit, d'où

il estoit, où il alloit et les raisons qui le conduisoient en

cHte ville, après luy avoir demandé s'il sçavoil la lüngue
française, laquelle il nous a déclaré bien entendre quoy quil

(i) Baudrier, écharpe.

ne parloit pas de la mesme manière que les François, el nous
a représenté un passeport du 28' aoust dernier, un Brieux
dudit jour et des lettres de santé du 31' du mesme mois, sur
lesquelles pièces nous nous mettions en devoir de l'interro­
ger, lorsqu'on a brusquement et avec bruit ouvert la porLe
ou nous estions, et après avoir ouver!. nous avons reconnu
que c'estoit le nommé Roudault, archer de la Maréchaussée,
espoux de la sœur de la femme dudit Frémonl qui nous
avoit cy devant insulté dans les geolles, qui ayant ouvert la
porte s'adressant à Me René Latour, luy disanL que quby
qu'en robe de pallais, il se foutait de luy. Il nous a demandé
ensuite ce que nous faisions dans ladite oberge eL pourquoy
nous interrogions cet homme; sur quoy la femme dudit
Roudault ayant intervenu que dans le moment on alloit noUs
relancer par les formes, que les archers n'estait pas des bou~
gres :par nous averty quelle nous devoiL le respect égalle.:.
ment que son mary, qua mesme il devait donner main;forte
et obéir dans le cas requis, ledit Roudaull a réplïqué égalle­
ment que sa femme que nous estions des plaisant Jean fou­
tre, gue dans le moment on . eut vu beau jeux et que les
archers no.us alloi~nt tomber sur le corps. En effet, c'est
arrivé. Est arrivé le nommé Beaugar, l'un desdits archers,
avec un fusil chargé et bandé: à la venue duquel avons
requis main-forte et personne ne se présentant pour nous
la donner, Maistre Latour esclairé par Charles Monclair, agé
d'environ quatorze ans, se retira pour en donner advis à
Monsieur le Sénéchal et premier magistrat de celte ville,après
avoir fait avertir le sieur mer de la ville par Estienne Mon­
clair, son commis, a esté arresLé et appréhendé eL pris au

corps sur le pont vis à vis de la maison neuve qui en fait le
coin, demeure de Frémonl et par luy FrémonL blasffémanl
le saint nom de Dieu. Il disait qu'il eut coupr. le bras audit
Latour s'il fut allé chez le S~néchal: ' ayant fait quelque
etrort pour l'obliger à s'en retourner, il lui a fait sotter Je

premier boullon de sa robe de pallais, rompu un des lassets

de son porte-collaix, et biffé, déchiré et chiffonné son collet.
Il seroit mesme allé plus loin à maltraiter le sieur Latour,
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXVI (Mémoires 2)

sy le Maire, Me Vaillanl, suivy de ses herros, sur l'averLissé~ .
ment el le bruit que faisoit l'archer ne fust trouvé vis à vis .
de la pompe de celte ville, du côlé de la rue de Ploudiry.
Beaugar est arreslé, blasfemmant toujours, à l'aide de
Me Alain Rolland, sieur de Kermerrien : on lui arrache son
fusil qu'il tenoil bandé sur ledit Legal, un des soussignés
commissaires: le fusil, la robe de palais, le porte-collet et
le collel remis au greffe. Ensuite nous nous sommes lrans­
portés jusqu'à l'auberge des Trois Empereurs et requis le
maire d'y descendre avec nous pour interroger LaUl'ans
Fastre. Sur la représentation quy a eslé faite par Latour des

passeports, Brieux ellellres de sanlé ... nous a raporté se
nommer Laurans Fastre de la ville de Corch, dagé d'environ
quarante-cinq ans, pilolte de profession, commandant le
navire nommé la Marie ·Anne de Corch . ; qui s'en revenoit du
Croazic, chargé de scel, qu'il estoit en relache à Camaret,
pour s'en retourner à Corck et quil estoit venu en cette ville
pour faire viser ses lettres de santé par M' le Maire d'écelle.
Lesquels inlerrogatoires nous avons trouvé véritables et
conformes au passeport du 28 aoust dernier signé L.-A. de
Bourbon (et ses autres papiers).
Lesquelles pièces, en présance du Maire, lui avons remis,
mais nous estant mis en devoir de nous en retourner, lesdits
Frémont, Bogart et Roudault, estant sur la rue ont dere­
chf'finsulté en présance du sieur Maire,le sieur Joseph Le Gall
l'un de nous commissaires, et mesm e auroitprésenté des
pistollets de pocbes desquels on n'a peut le désaisir, 'et se
retournant vers M' Latour luy dit que tost ou tard il ' eust
payé l'avertissement quil lui avoit fait le jour précédant par
rapport aux scandalles qu'il causoit vis à vis de la . pompe,
s'estant mis en devoir de battre le nommé Piriou, jurant et

blasférnant, et dans le mom ent le chien de Frémont avoit
sotté contre Estienne IVlonclair, commis du sieur Latour.
De tout quoy avons fail r édigé le présant procès-verbal
pour alluy esté répetté à valoir et servir ainsy qu'il appar­
tiendra ... , en donner advis à Monseigneur le premier Pré­
sident.

A Landerneau, lesdits jQur et an, environ les dix heures et
derny à onze heures du soir.
LATOUR, advocat j LEGAL j CORMAO j MONCLAIR j Charles
MONCLAIR j PENNARUN j LE VAILLANT, maire j LARSON-

. NEUR, corn mIs.
L'excellent capitaine de la Marie-Anne, bien correct, calme,

flegmatique, qui déclarait avec tant de modestie qu'il , enten"
dait bien le français quoi qu'il ne Le parlât pas de la même
manière que les Français, ne comprenait rien à ce qu'il voyait .
et au rôle qu'on lui imposait. Tant d'incohérence devait
dépasser sa compréhension. Tout citoyen doit assistance au
commissaire chargé de la police. On en trouve une loi
expresse parmi les plus anciens monuments de notre monar,
chie. (L. Salie, décret Childebert, art. 10.)
Or, à Landerneau, on voit en 17'22, les officiers de ' POliCé

injuriés, frappés, etc., par des sergents et des archers de la

Maréchaussée. Au bon vieux temps, on trouvait bien des
traces d'anarchie, déjà!

UN LIBELLE A L'OCCASION
DES RÉJOUISSANCES DE MORLAIX POUR LE
RAPPEL DU PARLEM ENT
ARGUMENT. Le 14 juillet 1769, le Baillage d'Aiguillon

tint sa dernière séance : ce fut pour décider que le palais serait

illuminé en l'honneur du retour de leurs collègues. Une joie

délirante éclata aux quatre coins de la province pour célébrer
le rappel et le retour du Parlement; partout feux de joie et
Te Deum, et l'allégresse générale se manifesta même en
harangues si mu ltipliés, que la Cour dut en entendre ou en

lire un total se montant au chiffre imposant de 350. Nos villes
de la province rivalisèrent de frais et de bombances, Lan­
derneau, Lesneven, Br~st, Quimper surpassant les autres
cités; elles pouvaient dire comme le syndic d'une ville d'Italie
recevant Victor-Emman uel 1

: Il lW ajesté, n(lUS avons {a.it
tout ce que nous devions et nous devons tout cc que nous
avons lait ! )1 '
Morlaix suivit le branle, calculant son enthousiasme au

diapason de celui des voisins: le 17 août, on y avait célébré
les réjouissances . Il y avait eu, paraît il, du tirage: toujours,
à cause de ce défaut de concorde et de sympathie éntre la
justice et la municipalité, que l'on retrouve partout.
Tous prirent part à la fête, mais d'aucuns avec une certaine
discrétion et certaines appréhensions, comme nous le voyons
dans la plainte du 7 septembre, adressée aux juges royaux par
Mes Duparc et Penhoadic : il y est question des tambours de la
ville,des débats qui pouva, ient résulter du tumulte et de la mau­
vaise organisation,du « diné 1) surtout: « comme cela est an'ivé.»
Les zélés « patriotes 1) (sic) étaient capables de faire de réserves
boudeuses, un crime qu'un libelle seul pouvait stigmatiser et
châtier. Le libelle parût et le 21 août, des copies en circu­
laient dans Morlaix. Une plainte est déposée: les juges ordi-

naires se déportent, se récusent et c'est le plus ancien avocat
postulant qui délivre le permis d'informer,le 7 septembre 1769.
On comprend sans peine le souci, la préoccupation que cette
publication inspira aux deux avocats morlaisiens. Dans cet
enthousiasme, il faut faire la part de ce qui était purement
de commande et de façade, de convention. Ce mouvement
impétueux ne ménageait pas ceux qui restaient en arrière de
la joie générale: il y eut des suspects pour ces victorieux et
même des représailles, et les avocats et officiers de justice
craignaient d'en être. Ce sentiment de crainte nous semble
tout expliqué par ce que dit M. Marion. « Ces démonêtrations
. bruyantes d'une joie plus affectée que réelle, ne suffisaient

pas au triomphe du parti parlementaire. Il lui fallait des

victimes. Les mini~tres avaient cru, en rappelant l'ancien
Parlement, rendre le calme et la paix à la province: ils
annonçaient même l'intention de sévir contre quiconque le
violerait. Jamais erreur ne fut plus complète que la leur.
L'ère des ovations n'était pas terminée que déjà était ouverte

celle des proscri ptions, )) (1)
De là celte préoccupation, diclép. par la peur, de savoir ce
que penseront II ceux qui liront cet écrit dans les autres villes
de ta p1'ovince Il : c'est elle que l'on retrouve dans la rédac­
tion de la plainte qui suit:

(7 Septembre 1769.)
A Messieurs les Juges Royaux de Morlaix, et en cas de
déport,
A Messieurs les anciens avocats suivanl l'ordre du Tableau.

Supplient humblement Maître François Marie Duparc
Ecuyer Avocat, et Maître Nicolas de Penhoadic, Ecuyer A vo­
cat, les deux postulants en ce siège ,

Disant que le lundy et mardy 21 et 22 aoust dernier, il
s'est répendu dans la ville, un libelle injurieux tant à leur

honneur qu'à ceux de deux magistrats, d'un autre avocat et
d'un procureur du siège, ledit libelle intitulé, « Relation de
ce qui s'est passé à l'occasion du feu de joye fait par les
officiers de justice, le dix-sept aoust mil neuf cent soixante­
neuf H , et dont une coppie tombée entre les mains des sup­
pliants a esté déposée en votre Greffe,

Ce libelle est d'autant plus pernicieus que son aut.eur y
dissimule que loute la magistrature de Morlaix avait fait
une précédente cérémonie générale de réjouissance à l'oc­
casion de la rentrée du Parlement, si désirée de toute la
nation, de sorte que ceux qui liront cel écrit dans les autres
villes de la province, jugeront que la fêle dont il est cas est
la première à cette occasion el seroit avec raison indignés

(i) M, Madon : La Bre/agne et le duc d'Ai!luil!on, pa~e 5~9,

en supposant qu'il s'est trouvé à Morlaix deux magistrats,
trois avocats et un procureur à penser et à agir contre la
décence, contre la pudeur, et différamment des autres bons
citoyens de la province,aulieu qu'ils ne se sont exemptés que

d'une parLie de fantésie à laquelle rien ne les obligeoit,

dont l'arengemenl ne leur convenoit pas en ce que les
tambours de la ville devoient précéder, comme ils ont
précédé les Magistrats à l'Eglise et au feu de joye et ce
qu'ils craignoient les débats qui pouvoient résulter de ce
tumulte et du diné, comme cela est arrivé, car si on en
croit le public, il s'y est tenu des propos grossiers et des

menaces grossières. '
Ce libellé est d'autant plus perfide qu'Us est plein de faus­
setés, entr'autres, il et fau que le Maître Penhoadic ait fait
son possible pour empêcher cette fête; il n'est quiconque
au pis de dire qu'il ait dit à quelqu'un: Ne soyez pas de
ceLte partie, Il est fau' qu'il n'aiL pas osé paroître sur la rue
ny à la fenêtre. Il est fau que Maître Duparc se soit reffugié
ce jour au Guérand: ïl était en ville tout le jour et n'a
parti pour le Guérand qu'à six heures du soir, etc., etc. '
Ce libelle est encore d'autant plus indécent qu'il tend

uniq uement à faire ranger les Exposants et les autres per-
sonnes y aLLaquées dans la classe de quelques antagonistes
du bonheur public, et c'est le coup le plus mortel que l'on
pouvoit porter à leur sensibilité.
Une circonsLance aggrave le procédé de l'auteur de ce
libelle ;, il est de fait qu'il en paroit plusieurs Bultinsà
Rennes, Il y en aura dans les autres villes et il est tout

simple que l'au leur aura fait ces envoys , C'est ' précisé-
ment dans ces villes où les suppliants ne sont pas connus

de lout le monde que la lecture de ce libelle déguisé 'et
faux peut faire des sensations nuisibles à leur honneur.
Enfin ce procédé est contraire aux loix de 'toute bonne
policE'. Il est défendu d'injurier et les injures par écrit sont
plus graves: des lois positives, l'Edit de 1561 art. 13, et

l'ordonnance de Moulins, deffendent touts libelles, toutes
personnalités. Ce libelle a été coppié le mardy 22 aoust 1769,

dans l'Etude de Maître Landais, Maltre Guyomar, avocat, en '
a pris une coppie et a refusé de la remettre: il a été lu par
. Me Landais au diné que Maîtres Riquin et Dumaine, reçus
nouvellement procureurs, ont donné le même jour à leurs
confrères. Il a été lu par des particuliers qui ont dit qu'il
était d'une écriture étrangère. Tous ces faits peuvent con­
duire à reconnaître l'aut.eur, d'ailleurs les témoins assignès
doivent déposer du bruit public.

Les suppliants requièrent ce considéré.
Qu'il"vous plaise, Messieurs, voir cy-joint une délivrance
du libelle et du dépôt fait en votre GrefI'e j en conséquenct3
leur donner acte de leur plainte contre les quidam auteurs
et distributeurs du libelle, et pour parvenir à les découvrir
permettre d'assigner devant vous des témoins pour déposer
sur les faits contenus en la présente ..... nommant à leur
Procureur Maître Georges péan, écuyer, en son Etude, Rue
des Nobles, paroisse de Saint-Mathieu.
PENHOADIC. DUPARC.
Nous avons déclarer ne pouvoir connaître de la présente
afI'aire, attendu que nous sommes personnellement dé­
noncés et désignés dans le lib, elle dont il est cas.
Expédié à Morlaix, le 7 Septembre t 769.
P. J. SALAUN, Sénéchal.
Je déclare me déporter étant attaqué personnellement.
DE LANNIGOU, Bailli .

Je déclare me déporter de la connaissance de cette
affaire.
BELAIR LEPAPE, doyen des avocats.
Je déclare me déporter étant personnellement attaqué et
eL dans le cas de me porter ma plainte. '
MOREAU, Lieutenant.
Je déclare me déporter pour avoir ouvert mon avis.

TILLY DE CHEF DU BOIS, ancien avocat.
Je déclare ne pouvoir connaître ayant ouvert mon avis.
GUlLLOTON DE KERDU.
Scellé à Morlaix, le 11 septembre.
, CUGNOT.

Vu par nous, ancien avocaL,postulant les déports ci-devant
et la pièce y mentionné. Nous avons décerné acte aux sup­
pliants de leur plainLe et permis d'informer:
Morlaix, le 7 Septembre 1769.
. B. BRUNNES, adjoint

UNE VISITE D'HUISSIER
A L'HOPITAL MILITAIRE DE SAINT-FIACRE

EN 1787

ARGUMENT. Le couvent de Saint-Fiacre; diocèse de Tré-
guier, paroisse . de Plourin, faubourg de Morlaix, fut fondé en
1660 par les seigneurs de Lesquiffiou et eut pour protecteur
zélé et généreux, le marquis_ de Penmarc'h. On sait la situa­
tion des ordres religieux vingt .ans avant la Révolution '; le re­
crutement lie se faisait plus par faute de vocation ; ce que l'on
a appelé l'Arbre monastique était desséché dans'ses branches,
dans son tronc où la sève ne circulait plus. Le couvent des
Minimes de Saint-Fiacre était réduit à deux religieux de
chœur. La guerre éclatant, le Roi n'hésita pas à transformer
la maison couventuelle en hôpital militaire, en 1780-1781,
BerLrand de Molleville, l'intendant, fit opérer la transforma­
tion sans y mette les formes propres à atténuer ce qu'avait
de pénible cette sorLe d'expropriation; le comte de Langeron
flU contraire, s'interposa pour le mieux des affaires du Roi . et
de . celle des Minimes. Il s'aboùcba avec le provincial de la

province de Tourraine, dont relevait la Bretagne. le R. P.
Lépine, en résidence à Nantes. La maison couventuelle fut
livrée au commissaire des guerres pour opérer toutes les modi­
fica,tions et réparations et distributions nécessaires et utiles,

et en 1784, l'hôpital était déjà en éta t, si bien que l'on
demanda aux chefs de la Congrégation l'engagement, moyen­
nant dédom'magements et compensations, de ne réclamer la
possession effective et entrée de leur maison avant un délai
de quatre ans. Cet engagement, sous le titre de Soumission
au Hay fut signé le 4 septembre-t784. Les Pères Minimes se
retirèrpnt dans un pavillon attaché à l'établissement et y
organisèrent leur vie religieuse de leur mieux, non toutefois

sans rester en contact de tout instant avec le personnel hospi-
talier. Le prieur qui dut subir ce changement à Saint-Fiacre
était le Père François Du Couteau, qui fut remplacé par le Père
Paulier. Le Père Paulier était d'Issoudun, où il rentra dans
sa famille en 1790.
En juillet 1787, sans déclaration, en fraude des réglements,
on hospitalise à Saint-Fiacre un tierçon d'eau-de vie. L'Ad­
ministration des devoirs, qui S lit tout, dresse procès-verbal,
veut le notifier au directeur d~ l'hôpital qui ne veut rien
entendre et met entre lui et l'huissier signifiant, le fusil d'un
tactionnaire. L'huissier recule, puis dresse la protestation

qui suit:
. A Messieurs les Juges royaux de Morlaix supplient hum-

blement Maître Yves-Charles Irant, huissier-audiencier au
siège de l'Amirauté et Maître Mathieu-François Keramézec,
sergent royal au même siège.
Disant par Maître Penhoadic, leur avocat, que s'il est vrai
que la Justice doit être la plus forte, s'il est vrai que les Lois
du Royaume mettent la résistance aux fonctions des minis­
tres de la Justice au nombre des crimes , si les arrests ont,

dans ces cas, ordonné le règlem ent à l'extraord inaire contre
des Personnes revêtues des premières dignités de l'Eglise
et de l'Elat ; il est indispensable de sévir contre l'esprit de
révolte qui anime les habitan Ls actuels de Lhôpital des Mini­
my, bien moins pour la vengeance particulière des suppliants
à qui on a fait rébellion avec des menaces efl'rayantes que pour
la vengeance de la Juslice ouvertement méprisée par ces ré·

bellions. A cet intérêt public de soutenir la Justice et ses
exécuteurs, vien t se joindre dans ces afl'airesparliculières
l'intérêt du fermier des devoirs et celui de la province dont
les droits et le patrimoine sont détruits si le recours aux
Magistrats contre les fraudes peut être éludé par des résis­
tances.
Le sept août dernier, présent mois, Maître Irant s'est rendu

au couvent de Saint-Fiacre où il ya actuellement un hôpital
militaire, pour donner au sieur De Lorme, directeur de cet
hôpital, assignation il comparaître devant vous, Messieur:s,
pour être condemné de payer les amandes et voir confisquer
un tierçon d'eau-de-vie logé sans déclaration, le tout avec
intérêts et dépens, aux fins d'un procès-verbal des commis.
Lorsque Maître Irant s'est mis en devoir de faire au sieur
De Lorme cette notification, celui-ci a déclaré ne vouloir re­
cevoir aucune copie,ny vouloir qu'on l'afichât il la porte dudit
hôpit".l et s'est op osé à celte affiche, Malgré cela, Maître
Iranl s'étant mis en devoir d'afficher cette copie à la porle,
un factionnaire l'a suivi, le fusil sur le bras et s'est aussi
oposé à la même affiche. Ce factionnaire n'aura élé que l'écho
du sieur D e Lorme et l'exécuteur' 'de sun 'opositioll': quoi­
qu'il en soit, voilà une résislence, une rébellion aux fonc­
lions d'un officier public qui ne peut manquer d'être réprimé.
Ce procédé étonnant du sieur De Lorme, du 7 août, n'est
qu'une suite et une répétition d'écarts plus violents, com-

mis par lui et par ses adhérenls et participés le 31 juillet

précédenL.
Ce jour 31 juillet 1787, MaUre Keramézec s'est rendu au
même hôpital des Minimes de Saint-Fiacre pour donner assi­
gnation au sieur Du Baril, chirugien audit hôpital et au sieur
De Lorme, directeur, à comparoir devant vous, Messieurs,
pour assister à la répétilion des sieurs Darnaud et Trémeur­
Marie Méheû, commis aux devoirs sur leur procès-verbal de

fraude et de rébellion du 24 du même mois de juillet. Le
sieur De Lorme a débulé par demander à Maître Keramézec
ce qu'il était, ce qu'Il voulait? en ajoulant tout de suilte
qu'on n'entroit pas dam; cel hôpital sans un ordre du com-

mis5aire. Et Maître Keramézec ayant répondu qu'i! étoit
huissier et chargé de lui faire une notification, le sieur De
Lorme lui a répliqué qu'i! n'avoit aucun droit d'entrer dans
cet hôpital, qu'il n'av oit aucune ' affaire avec Maître Kera­
mézec, qu'il n'avoit qu'à s'en aller ou qu'il le lui feroit faire de
force, et sur le champ il a dit à. la sentinelle: « Faites sortir
cet homme. ))

Sur celà, Maître Keramézec a pris le parti de se retirer et

lui a paru qu'il étoit grand temps, puisqu'un particulier qui

étoit 'au même endroit habillé de bleuff parement noir, que
Maître Keramézec a depuis reconnu pour être le sieur Ber­
thaux, apoticaire audit hôpital, disoit à haute voix et à diffé­
rentes reprises à. la sentinelle de passee sa bayonnette par
le v..entre de Maîlre Keramézec. Ce sieur Berthaux a suivi
Maître Keramézec à cinq au six pas de la porte de la cour
accompagné du Père Paulier, prieur des Mmimes, qui aura
voulu figurer dans cette sçenne et qui y a, effectivement
figuré, en disant à Maître Keramézec qu'il feroit mieux de
se r:etirer, qu'il falloit un ordre du corn missaire avant d'en­
trer dans cet hôpital, et sur ce, que Maître Keramézec a
représenté honnêtement au Père prieur qu'il n'avoit aucune
affaire à lui. Ce religieux a répetté à l'officier qu'il feroit
mieux de s'en aller, qu'il étoit un drôle. Le sieur Berthaux
a fait chorus avec le Minime en ajoutant aumot Drôle, celui

de Polisson.
Voilà, Messieurs, la vérité des faits qu'on vient de defférer
à votre autorité. C'est à elle à aprendre aux accusés, en dé­
finiti ve, que l'officier de justice n'a point besoin de permis
du commissaire de guerre pour entrer dans un hôpital; que
le directeur ne peut aporter aucune oposilion aux fonctions
des officiers qui prettent leur mmistère au public ou au par­
ticulier ; que l'apoticaire de cette maison est un furieux

inexcusable; que cet homme et le religieux qui ont injuriés
cet officier n 'ont pas eu connaissance que le Parlement de
Paris s'est assemblé une fois à cause de la mauvaise récep­
tùm d'un huissier dans la maison d'un duc et pair où cet
h.uissier faisoit une signification.

Ce considéré ... Qu'il vous plaise, etc ...
IRANT, KERAMÉZEC, LE BRICQUIER pro

Acte de la prés en te plainte et réservé de descendre à trois
heures et demie de relevée pour procéder aux répéti-
tions séparées des suplian ts. .
Expédié à Morlaix, le 13' aoust.

GUI LLO DE LORAN,
Sénéchal.
Les honorables Maîtres Yves Irant et Mathieu Keramézec
ont trouvé à l'hOpital truis têtû dans un même bonnet: le
directeur, l'a pothicaire et le prieu r.
Hélas! il n'en avait pas toujours été de m'ème à Saint-Fia­
cre. Aux premiers ,temps de la prise de possession de l'établis­ sement hospitalier, le prieur, le R.P. Du Couteau avait eu à se
plaindre des procédés et de la conduite générale du sieur Bos­
sey, « cy devant commis du sieur de Breuniers, commissaire

des guerres et ensuite commis et préposé à l'hôpital militaire.»
Le prieur crut devoir attirer l'attention du commissaire sur la
façon incorrecte d'opérer dès les commencements de l'instal-

lalion. Bossey en prit colère jusqu'à la rage inclusivement.
Un mercredi, 4 avril 1781, le prieur accompagné d'un domes­
tique, sortait de la Poissonnerie, fit quelques commissions en
ville et rentrait au couvent lorsque, passé Kervéguen, avant
d'arriver à la Croix-Rouge, l'irascible et vindicatif Bossey
qui s'y était caché pour attendre le Père Du Couteau, tomba
sur lui , à coups de bâton Il ne le laissa qu'en voyant venir

des chevaux chargés de charbons, et s'enfuit abandonnant

son chapeau dans l'allée de Vilairy.

Le style de la plainte ci-dessus se ressent de son époque et
la dénonce avec sa grandiloquence, ses interjections, ses
mots abstraits et se's lettres capitales. C'était la mode du
temps: elle a passé, souhaitons qu'elle ne revienne plus main­
tenant que nous sommes délivrés « des Grecs et des Romains.»

AFFICHES

Si notre esprit veut se représenter l'aspect d'une rue de
nos vieilles villes du Finistère ou d'une place d'un de nos
gros bourgs, il doit tenir compte des enseignes aux couleur:"
truculentes, aux appellations imprévues et originales qui font
une partie , de l'esthétique de la voirie. .
Il 'serait intéressant de faire un relevé de nos vieilles en-

seignes. Nous avons pour nous gu ider les anciennes procédures
et les rôles de la capitation, à Brest, Landerneau, Morlaix,
Carhaix, etc.
Mais, de plus, ne négligeons pas les afliches qui doublent,
garnissent et ornent, 'sous leur abondahce, les murailles du
chef-lieu paroissial. L'affichage, c'est la publicité, c'est la
presse primitive d'information . .
Nous donnons ici deux specimens: l'un concerne une
curieuse opération de re(erendum concernant des fonctionnai­
respeu populaires mais aussi très e,nçombrants, les commis

des devoirs. Le second censure la conduite, souvent indicrète,
de · quêteurs avides et violents. Il y avait même dans celte
catégorie, un tambour de Dirinon qui fit quelque bruit dans
le pays par ses procédés tenaut beaucoup de la razzia arabe.
L'instruction aboutit à une ordonnance de non lieu, et le
tambourinaire continuant paisiblement son office public,
continua de même à se faire rétribuer, en passant de porte en
norte, 'chez l'habitant.

Affiche convoquant le public à fournir (( reproche»
contre les commis des. devoirs.
14 Avril 1768 (Saint-Renan)
DE PAR LE ROY,

On fait à scavoir à tous marchands de vin, cildre, bierre,

~au de vie et autres liqueurs en gros et en détail, aux auber­
gisLes, taverniers, cabaretiers, brandeliers, chartiers, roulliers,
voituriers, concierges des prisons, traitteurs, teneurs de cham­
bres garnis, agents de forges ct verreries, ecclésiastiques,
gentilshommes, bourgeois, habitants, et à toutes autres
personnes générallement quelconques de létenduE\ de Léves­
ché de Léon, qu'à la requeste de Jean de Chevry et de
Charles Moret, fermiers généraux des grands et pelits devoirs
des ElaLs, impols et billoLz et formules, droiLs de courtiers
et de commissions et autres droits y joints pour la présenLe
année 1708 et la prochaine dix sept cent neuf, il sera procédé
à la prestation de sermant et jurée des commis et proposez

à la Régie et exercice desdits devoirs, impots et billoLz et
formules en l'audiance de la Cour et siège royal de Brest et
à ce que lessusd. particuliers n'en prétendent cause d'igno­
rance, soussigné sergent royal héréditaire du siège de Brest
et SainL Renan résidant au bout du Pont Lés-la-ville de Sainct
Renan, paroisse de Millizac,à la requeste desdits de Chevry et
Moret, qui institue à leur procureur audit Brest Me Tanguy ·
Lunven, y demeurant rüe Toullic a Logoden, cotté de Res-
couvrance.

Me suis ce jour qualorziesme avril i 708, environ dix heu­
res du matin, transporté au-devant de la halle et cohue de
la ville de Saint Renan avec mes témoins et assistant cy
après nommez au plus fort du marché, tenant environ les
dix. heures du matin, et après avoir faiL battre plusieurs fois
le tambourg, j'ay à Lout le public donné à haute et intelligi­
ble voix, tanL en vulguaire langage breLon que françois,
assignaLion à comparoir en l'audiance de la de jurisdiction
royalle de Brest au vendredy vingtiesme avril, présent mois
dix heures du matin pour fournir repl'oches sy aucuns ont
conLre lesdiLs commis, fauLe de quoy il sera passé oulre à
leur prestation de sermanL et. jurée et en conséquence seront
Lous..lesd. parLiculiers condemnez de souffrir la visite, mar­
que et contremarque desdiLs commis el d'exécuter, entériner
et accomplir les chanses, points et condiLions des taux des
EsLaLs et des fermes de Sa MajesLé, arresls et règlemens
rendus en conséquence. El à ce que personne n'en ignore,
j'ay mis et laisse coppye par affiche attaché au poteau de
ladiLc halle, le lout en présence du publicq et de Mestres

Q v Je

de Keruzos,demeurant en la ville de Saint-Renan, mes assfs;
tants led. jour et an que devant.
L. JACOLLOT, sergent.
J. THOMAS, sergent royal.
LE SAUX, sergent
Receu, pour vaccations, comparoirs et droits d'assistance
et affiche du présent raLlaché au poLleau de la halle de Sainl­
Renan, du sieur Deville Lechien quarante deux sols .
Comme lrésorier de lospilal de Sain t-Yves eL de Saint­
Vincent, j'ai ressu de Mons" Desvil Lechien dix sols pour le
droit de juré crieur d'un bany faite ee jour au marché dud.
SainL··Renan, leq. droit apartienl aud . hopital.
Ce 14

Avril 1708. J. SALAUN.
Controlé ce mesme jour.
Reçu 64 sols.
VII

Remontrance. Les mendiants vagabonds,
questeurs, etc. - Affichage.

(7 Aout 1720)

EXTRAIT DU REGISTRE DU GREFFE DE LA JURIDICTION
ET CHATELLENIC DE DAOULAS
Du mercredi audiance et généraux plaids de la juridiction
et chatellenic de Daoulfls tenus le septiesme aoust 1720 par
M. le Sénéchal el seul juge de laditte jurisdiclion, présent
M. le Procureur fiscal.
De la part de Monsieur le Procureur fiscal est remontré
qu'il ,a eu advis que cerLains particuliers de cette ville de
Daoulas, de l'un et de l'a11Lre sexe, et quelques soldats y
résidant f.nnl grandement les arrogans, en inti midant par
menace, non seulement les habilanis d'Icelle, mais aussy
les paysans des paroisses voisines, qu'ils friponent et volen t
impunémenL les jardins eL vergers, les bleds des parcs,
l'herbe el les foins des prées et les bois amulonés, coupent
et enlèvent les (\hauffages d,essus les foss es, el les genes ts
des garennes, sans que personne ail osé s'en plaindre jusques
à présent, par rapport aux menaces de ces fripons; quil y a

même quelques uns de ces particuliers rrialveillants faisant
les vagabonds et mendians qui vonL dans les paroisses et
par les campagnes armés de gros et longs battons ferrés et
d'autres armes offensives, et se fon t donner, de village en
village par les paysans à force de menaces, du blé, de la
farin e, du gruau, du lard ou autres viandes, sans qu'aucun
n'ozaL les refuser, ces genLs estants capables d'aLtenLer tant
à leurs biens qu'à leur vie, ce qui mérite l'animadvertion de
la justice, d'autant plus que les ordonnances royaux et les
arrests du Parlement deffend ent à Lous vagabonds, men­
dients et autres qui n'onl pas de métier de vaguer ny de
friponner en aucune manière sous peine de punition, c'est
pourquoy ledit sieur procureur fiscal pour prévenir à plus
grands inconvénients requiert qu'il plaize à M. le Sénéchal
et seul juge civil, criminel et de police de cetLe juridiction
faire deffense à tous mandians, vagabons et autres de l'un
et de l'aulre sexe de vaguer, roubler, ny d'aller mandier, de
se faire rien donner par menaces ' sous aucun prétexte que
ce soit dans paroisses eL villages de campagne et de fripo­
ner ny voler les jardins, vergers, parcs, prées et garennes,
ni aucun bois eL genets des garennes, sur les fossés ou ail­
'leurs, sous peine dettr e puni exemplairem ed suivant les
rigu eurs des ordonnances du Roy, et qu'il soit fait injonction
aux habilants de ceLte ville et desdites paroisses en cas de
contravention de nOLlS en donner advis avec les noms des con­
trevenants pour estre procédé conLre les diLs conLrevenants
ainsy qu'il appartiendra, et afin que personne n'en prétende
cause d'ignorance ordonner qui interviendra sur la présante
r emonLrance sera bannie, leü e, publiée Llans tous les rües et
carfours de cette ville, même affichée et partout ailleurs quil
sera veu apparLenir, sauf audiL sieur Remonlrant à prendre
par cy après telles aütres conclusions qu'il voira appartenir.
Nous Senesc:'Jal et seul juge civil et criminel et de police
de ceLle juridiction avons décerné acte de ladite remon­
lrance et y faisant droiL avons faiLles deffenses requises par
icelles, ordonnons quelle sera lüe, bannye et affiché partout
ou besoin sera pour y estre porté Estat sous les peines qui
eschent. LE DUFF, greffier.

Abbé ANTOINE FA VÉ .

VII.
VIII .

369

DEUXIEME PA RT IE

Table des MémoiTes et Documenls publiés en 1YO!J
l'ages
Épisodes et Anecdotes, par M. l'abbé ANTOINE
FAVÉ .. . ... , ... . ... ' .. . . . . , ... , ' , ' . . " 1, 79, t 97
Églises et Chapelles du Finistèr e (suite, voir
tomes XXX, XXXI, XXXII, XXXrV) . Doyen nés
de Ploudalmézeau (fin), Ploudiry, Saint-Renan, .
Châteaulin, Châleaun euf et Carhaix, par M. le
chanoine P. PEYRON ...... . . , . . . ' . , . . . , . . .. '33, 30t
Les Hameçons préhistoriques, par M. A. MARTIN
(planche) ............... , .. . , , . . .......... ' . , .
Étude sur l'Architecture romane du Finistère.­
École régionale de Pont-Croix, pal' M. CH.
CHA USSEPIED. . .. . .. ' .. . .... . .. '. , .. . . . . . .
Outil préhistorique en pierre : le Ra bo t- Râpe,
par M. A. MARTIN (planche) .. , ...... . .. . . ' ... .
Rapport sur la Chapelle de Saint-Tugen, en Pri­ melin, par M. CH. CHAUSSEPIED (planche ) ..... '
Excursion A rchéologique dans la comm une de
Garlan, par , M. L. LE GUENNEC (3 planches) . ..
Chapelle de Notre-Dame du Crann, en Spézet,
par M. le chanoIne J.-M. ABGRALL ...... . .. . . ,
Fouille d'un tumulus au Ménez-Glujeau, en Lo­ érec, le 30 juin 1909, par' M. L. LE GUENNEC
lane/le) . .. .. ~ . ..... .. . . ......... . ....... . .. .

109
113
244

255
X. Études sur le Cap-Sizun:
II. La chapelle de Langroaz et la seigneu­
rie de Keridiern, en Cléden-Cap-Sizun, par M.
DANIEL BERNARD .... .. ... . .... .. , . . .... . . , . .. , 262
XI. Les Ardoises dans les sépultures néolithiques
ar.moricaines, par M. A. MAR:I'lN (8 planches l.. 278
, XII. L'Église de Saint-Jean-du-Doigt (Notes poUt' ser-
vir à son histoire), par M. H. BOURDE DE LA
ROGERIE. . . . . . . .. . .... , .... , . .. ' . ' . , . , .. . . . . 324

- FIN -

vnprlmérie CO TONNEC, LEPRINCE Suce - QUimper