Responsive image
 

Bulletin SAF 1908


Télécharger le bulletin 1908

A propos de six lettres inédites de La Tour d’Auvergne-Corret

Dr Lagriffe

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


A PROPOS DE

Dans le numéro du 31 octobre '1908 de la « Revue hebdo-
madaire !), M. Georges Gazier, bibliothécaire de la ville de
Besançon, publie six lettres inédites de La Tour d'Auvergne- ,
Corret à son condisciple du collège de Quimper, Le Coz, .
métropolitain constitutionnel de Rennes, mort arch8vêque
concordataire de Besançon. Ces lettres sont conservées à la
bibliothèque de cette dernière ville, « dans un recueil factice
« de lettres .non inventorié, dans le catalogue des manuscrits
« de ce dépôt, recueil relié sous ce titre bizarre: Correspon-
. « dance de dix savants ».
Certains passages de ces lettres avaient été publiés par le
destinataire lui-même dans un livre posthume : Quelques
détails sur La Tour d'Auvergne-Corret, premier grenadier de
France (publication assurée par le chanoine Grappin, ancien
vicaire général de Mgr . Le Coz. Besançon, Vve Couché,
Ces lettres n'ajoutent que peu de choses à ce que nous

savions déjà sur le capitaine La Tour d'Auvergne-Corret.

Nous y voyons comment La Tour d'Auvergne-Corret, rentrant
en congé après la campagne des Pyrénées Occidentales ('1794),
s'embarqua à Bordeaux (janvier '179n) sur le petit transport
« La Lormontaise », pour éviter les chouans « qui infestaient
« alors les environs de La Rochelle et de Nantes »; com-

ment, au vingt-cinquième jour de la traversée, ledit transport
fut jeté par la tempête sur un rocher nommé « Le Coq », à
trois ou quatre lieues de Camaret etdut se rendre à une escadre
anglaises de cinq frégates; comment, pendant les onze mois
. que dura sa captivité à Rodmin, en Angleterre, la cocarde
tricolore fut toujours sur son « casque ) et comment il profita

des richesses des bibliothèq.ues de cette ville pour augmenter
ses documents sur les Origines. A son retour en France, il
. songeait, son pays étant occupé par les chouans, à se retirer
dans le pays des basques, près des frontières, où il avait
combattu et où il était particulièrement connl,! .

A la fin de 1793, voulant donner une édition plus par-
faite de son livre Nouvelles recherches sur la langue, l'origine et '
les antiquités des Bretons (Bayonne 1792), il envoyait un
exemplaire corrigé à Le Coz en le priant d'écrire pour cette
nouvelle édition 'une dissertation depuis longtemps promise
sur les rapports du grec et du bas-breton. Il joignait à cet
envoi les trente louis nécessaires à la réimpression.
Si nous rapportons ce fait, ce n'est pas pour épiloguer à
nouveau sur un ouvrage qui, le dire n'est plus un blasphème,
n'ajoute rien à la gloire de La Tour d'Auvergne-Corret et 'ne
nous fait pas regretter que la guerre ne lui ait pas ménagé
plus de loisirs et moins d'occasions de gloire. Nous le rappor­
tons seulement par ce qu'il fut l'occasion d'un épisode qui
montre à nouveau sa grandeur d'âme. Incarcéré peu de jours
après avoir reçu l'envoi, Le Coz pour ne pas compromettre
son ami cacha le travail corrigé des Nouvelles recherches. La
réédition fut ainsi retardée et plus tard La Tour çl' Auvergne­
Corret rentré de captivité préféra attendre encore afin de
compléter son travail à l'aide des documents recueillis par lui
en Angleterre; mais il tint à· ce que .Le Coz, qu'il savait dans
te besoin, gardât la moitié des trente louis; il insista dans des
termes tels qu'un refus devenait impossible. L'évêque Le Coz

destina cette somme à soulager des infortunes, et La Tour
d'Auvergne-Corret refusa, puis renvoya la reconnaissance
écrite dr. cette dette que lui avait fait tenir son ami.
époque et jusqu'à sa mort La Tour d'Auvergne­
A cette
Corret, quoiqu'on en ait dit, n'était pas riche; nous voyons
par ces lettres adressées à un ami qu'il n'aurait pu abuser,
qu'il vivait de sa solde conservée à grand'peine en attendant

la . liquidation en numéraire de sa retraite et 'de quelques
secours envoyés par sa famille. En juillet 1796 il ne recevait
pour sa solde que vingt cinq livres par mois en numéraire et
la médiocrité de son état l'obligeait à vivre dans la banlieue
de Paris .
Dans la dernière des lettres qui viennent d'être pu­
bliées' La Tour d'Auvergne-Cort'et explique (un mois avant sa
mort) les raisons qui viennent de le porter à refuser le titre de
, Premier grenadier des armées de la République que le Premier
Consul lui décernait; il n'acceptait r( avec une reconnaissance
« respectueuse»· que le sabre d'honneur. Pour avoir voulu
montrer de près cette épée à l'ennemi, il mourut six jours
son arrivée à l'armée.
après
. Ces nouvelles lettres sont donc une confirmation de ce fait
que le La Tour d'Auvergne-Corret de la légende est bien le
véritable La Tour d'Auvergne-Corret; elles justifient une
fois de plus l'admiration que nous gardons pour cet héroïque
soldat.
M. Georges Gazier a tenu à faire coïncider la publication de
ces documents avec l'inauguration du monument qu'une sous-
. cription publique, organisée par la société des Vétérans et le
Souvenir fr~nçais, a permis d'élever à Quimper.
Il est · intéressant de voir les sociétés de Vétérans et le
Souvenir français mettre à exécution après un siècle de dis­
tance un projet formé par un arrêté des Consuls en date du
29 ventôse, an VIII, et visant l'établissement au chef-lieu de
chaque département d'une colonne élevée à la gloire des
militaires « morts sur. le champ de bataille après avoir fait
« des actions d'éclat. »
Peu nombreux sont aujourd'hui les départements qui n'ont
pas encore leur monument aux morts pour la Patrie; peu
nombreux aussi sont ceux qui ont la bonne fortune de pouvoir
associer au leur le .souvenir et la gloire d'un La Tour d'Au-
vergne-Corret. Docteur LAGRIFFE .