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Le Facies Capiste
Le Cap-Sizun a été, à toutes les époques, un centre de
population important, comme station perman~nte ou comme
lieu de refuge. Les décolwertes archéologiques ont fait con-
naître les groupes ethniques qui s'y sont succédë.
Les préhistoriques de la pierre pol·ie ont occupé les som-
mets de toutes les collines du Cap. .
Les possesseurs du bronze y ont laissé, çà et là,. leurs .
traces, surtout au côté méridionaL
Les villages gaulois, de l'âge du fer, ont encor.e les soubas-
sements de leurs huttes sur les plateaux; leurs retran,che-
ments sur les pointes de terre qui s'avancent en me.r. .
Les villas gallo-romaines s'abritaient, à flanc de coteau,
dans les vallons, tandis que leurs voies stratégiques reliaient
leurs camps fortifiés qui dominaient les hauteurs.
Les pIons et h~s trew bretons-insulaires servent encO're·, .
aujourdlhui, de divisions territoriales aux · paroisses et aux
communes.
Les envahisseurs no-rthmans des Xe et XIe siècles ont.aussi .
laissé leur nom à une colline et à un groupe d'habitants.
Ces, occupations successives ont donné naissance à un
groupe. ethnique, le Capiste actuel, qui, par son isolement
dans les siècles passés, a acquis un caractère particulier qui
le différencie des pnpulations qui l'entourent immédiatement '
ou l'avoisinent. . .
Une étude attentive de la' personne du Capiste peut-elle,
comme l'archéologie ra fait dans le sol, définir les éléments
qui composent cette entité ethnique? .
divers
Durant plus d'un quart dp, siècle, toqte la population du
. Cap-Sizun a défilé, chaque année, devant nos registres fis
caux. Pendant que chaque 'contribuable dénOuait les cordons
de sa bourse, notre attention se portait, dès les premières
années, sur le facies capiste. Les variations individuelles et le
groupementpo~sible de ces yariations nous ont paru . offrir
des données ethniques assez bien tranchées. C'est là une
nou~elle contribution ,que nous avons prélevée sur l~ Cap-
Sizun; il est }uste que nous en renqions compte.
Deux .caractères principaux de la face sont à retenir: .
1 Le trait celtique; ... .
2° La saillie de ,l'arcade zygomatique.
Le trait celtique est la dépression de la racine du nez, avec
saillie de la: région frontale. '
. Le trait celtique se r"emarque surtout de profil. . .
Lorsqu'il n'est pas bfén. visible, il se dénonc~ 'par tin pl i'
transverse généralement placé à deux .millimètres au:-dessus
de l'horizontale passant par· les apgles internes. des deux
yeux. Quelquefçlis, mais raremen~, çe pli est surmonté d'un
deuxième pli moins visible. Un léger froncement volontaire
du sourcil fait aussi paraître le premier pli.
L'arcade zygomatique est une petite coloan'e osseuse'"fo"rmée
par le prolongement de l'angle supérieur de l'os malahe, dont'
l'extrëmité'dentelée s'arLicule avec une colonne semblable
provenant au temporal. '
Le trait celtique influe surIe méplat de la face; l'arcade
zygomatique, selon qu'elle est plus ou moins courbe; et, par
suite, plus ou moins saillante, ·sur ses contours. :
L'étude de ces de'ux éléments · nous a amené à grouper le
facies ca piste en quatre types.
III
Type n° 1. .Ce type, vu de face, a la figure plate, les
pommettes effacées; l'arcad.e sourcilière et le front saillants
en un plan plus avancé, ah~érieurement. que 'le plan des
joues. Le nez, bas, large, mésorhinien et" :au-dessus, 'paraît
implanté Du sur-ajoulé au milieu de la figure. Le trait celtiquè
est creux de un ou plusieurs millimètres. ..
Les arcades zygomatiques' sont saillantes latéralement.
L'horizontale passant par le~ pommettes partage la face en
deux figures géométriques: au-dessus de cette ligne, un qua~
drihJtère; au-dessous, .un triangle, avec le menton pour
sommet. Par, suite, le front est large et le bas de la figure .
rétréci. Le. contour de la face est pentagonal: au· sommet du
front, une ligne horizontale; aux tempes, jusqù'aux arcades
zygomatiques, deux verticales; au~dessous de ces arcades,
deux lignes obliquant pour se réunir au menton. .
Ce type se retrouve dai1s la 'région montagneuse du centre •
du Finistère. Il semble constitué par la population armori
. caine qui aurait, lors de la . conquête de César, cherché des
refuges dans les lieux inÇlccessibles. .
Type n° 2. Ce type est l'opposé du premier: le .trait
celtique est n'uI. Le nez, leptorhinien, est haut, étroit en
larrie de couteau; saillant, formant plus ou moins, dans la
verticale, la continuation de la ligne du front, et, d'arrière en
avant, la continuation des joues .
La face est étroite; la saillie de l'arcade zygoma tique, n uIle.
Les lignes des tempes et des joues, par suite de cette
étroitesse, se continuent en deux lignes parallèles, jusqu'au
bas de la figure.
Le contour de la face a la forme œun parallélogramme
allongé.
C'est, en quelque sorte, le type anglais, ou des races blondes
du Nord.
On pourrait attribuer ce type du Cap· Sizun aux invasions
, northmanes et à des apports indéterminés, commerciaux ou
autres, postérieurs à ces invasions (1).
Type n° 3. Ce type se distingue par les pommettes qUI
font saillie en avant de la figure. Avec 'ce caractère, les
arcades zygomatiques sont etIacées; elles semblent avoir
repoussé les os malaires en avant. Le trait celtique est indiffé-
rent: il peut ou non exister. La forme de la face varie égale-
ment; les maxillaires sont lourds .
Ce type semble avoir pénétré dans-le -Cap-Sizun par infil-
- tration et ne point faire partie des éléments constitutifs -de
. l'entité ethnique capiste. Il doit être un déri·vé des groupes
ethn-iques de l'Auvergne et de la Savoie, déterminés par
, M. Broca, et auxquels se rattacheraient les Bigoudens.
Type n° 4. Ce type, comme le no 1, a le trait celtique
bien marqué, la figure plate et le n~z implanté de même façon.
. Mais comm'e le type n° 2, il a les arcades zygomatiques
effacées sans aucune sail1ie des os malaires. _
- Le maxillaire inférieur est fort; l'arc dentaire élargi: et
aplati dans son milieu, aux incisives et aux canines: d'où
élargissement du bas de la face. Ce type est remarquable par sa
belle et saine_ dentition. Par suite de cet élargissement à la
base, la forme de la face est un quadrilatère plus ou moins
allongé; les lignes des tempes et des joues qui se prolongent
dans la verticale en constituent les grands côtés.
Ce type a une certaine analogie avec le type léonard du
Nord-Finistère, là où ont atterri les plus nombreuses émigra
tions bretonnes insulaires. Il peut être considéré comme le
type de la population survenue aux VIe et VIle siècles.
(i) La tradition parle aussi d'une occupation du C,ap, par les -Anglais,
au Moyen-Age.
Les observations qui ont servi à baser cette classification
des types capistes, faites au moyen des rôles des contribu-
tions, sont au nombre de 1.863, comprenant 666 hommes
et L 19ï femmes, tous de l'âge adulte, soit 12.44 % de
la population totale du Cap-Simn. -
Le groupement de ces observations comprend plusieurs
cadres sur lesquels est assise la base de notre contribution
à l'anthropologie du Cap-Sizun. "
1 er GROUPE. Types pU'rs, répondant exactement à chacun
des types précédemment décrits:
Nu 1 ou Armoricain ........................ .
No 2 Northman Saxon ou Anglais ......... ~ ..
Nu 3 Auvergnat-Bigouden. , ................. .
N° 4 Breton insulaire. . . . . . . . . . . . . . . . .. . ... 14.06
Ces chiffreg donnent seulement urie proportion de la per-
sistance atavique des types primitifs. Ils ne répondent pas au
caractère de la population prise dans son ensemble. ,
2 GROUPE. . Comprenant, pour chaque sujet observé, le
type dominant allié à un type secondaire:
Hommes.- ·-Type(l), n 1 n 2 n 3
Typedominant. .... 28.98 33.78 1.00
Sous-type......... 32~39 39.30 4.13 24.13 or
Proportion de l'ensemble. . . . • 31.00 38.30 2.66
Femmes. Type. . n° 1 n° 2 . no 3
Type dominant..... 3'1.08 16.29 7.86 44.27 %
Sous-type .......... ' 2D.89 28.40 22.60 23.06%
Proportion de l'ensemble. . . • . 29.1;) 21 . 48 14.14 30.23 0;0
Les types dominants et les sous-types. réunis donnent pour
la totalité de la population:
Armoricains ................. '. . . . . . . . . . . .. 29.90 %
(1.) Explication: Le type n° i apparait, chez les hommes, comme type
dominant, dans la proportion de 28.98 %, et comme type secondaire ou
sous-type, dans la proportion de 32.39 % : proportion de J'ensemble,
types et sous-types réunis, 3i.50 '/0, etc ...
BULLETIN ' DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XXXV (Mémoires 18). ,
Northmans-Saxons.. ...................... 27.24 0/0
Auvergnats-Bigoudens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 10.22 0/0
Bretons insulaires ........... '.............. 32.ti9 /
Le caractère celtique de la population ressort de ces chif.
fres (Armoricains et Bretons . insulaires réunis); ce dernier
élément donnant la proportion la plus élevée. -
Le groupe des hommes présente cette particularité que la
proportion saxonne (38.30 %) est la plus élevée de toutes. '
Cela s'explique par les invasiolls northmanes qui aurai~nt
déversé dans le pays un surcroît de population mâle .
3 GROUPE. Répartition des types par commune:
ludierne : Hommes :
Types
Type dominant ... .
Sous-type ........ .
Femmes: .
Type dominant. .. .
Sous-type ........ .
Cléden-Cap-Sizun: Hommes:
Type dominant. . . . 30.16 36.31
type . . . . . . . . 34.40
, Sous- 38.40 24.00 0/
Femmes:
Type dominant. . . . 39.7'1 11.96
Sous-type. 37.60 20.38 0/
Esquibien: Hommes:
Type dominant. . . . 29.20 2.66
Sous-type. . . . . . . . . 27.78
Femmes:
Type dominant. '17 . 86 7 .14
Sous-type 0
Goulien: Hommes:
Type dominant. .. .
Sous-type ........ . »
Femmes:
Type dominant ... . 30.38 23.73 6.33 44.31 0/
Sous-type ........ . '18.64 0/0
Plogoff: Hommes:
Type domin~nt. .. .
Sous-type ........ .
Femmes:
Types dominant. .. . 31.25 12.92 9.~8
Sous-typfl ........ . 32.07
Primelin: Hommes:
Type dominant.. . . 36.00 34.66 2 . 67 26 . 67 0/
Sous-type.... . .... 25.49 41.17
Femmes:
Type dominant ... .
Sous-type 17.35 28.57 0/0
Par le mélange des races constitutives de l'entité capiste,
'les types se sont modifiés et le type dominant armoricain
que secondaire. On ne le retrouve
disparait pour n'être plus
à l'état de type principal que chez les hommes de Plogoff et
de Primelin, et chez les femmes de Cléden, d'Esquibien, de
Goulien et de Plogoff.
Le Breton insulaire, au contraire, conserve son caractère,
dominant dans toutes les communes, excepté chez les hom-
mes de Primelin. . .
Le type northman, exclusif chez les hommes, aux IXe et xe
siècles, s'est allié aux anciens types, à tel point qu'il ne reste
à l'état de type principal que _ chez les hommes d'Audierne et
de Goulien et les femmes de Primelin.
L'infiltration auvergnate-bigouden se montre comme type
secondaire surtout chez la femme.
4 GROUPE. ' Rapport de L'ensemble des types primitifs et
secondaires reunis, entre les hommes et les fem'fi?,es :
Type. . . . n° 1 na 2 - no 3
H. F. ' H. F. H. F.
Audierne ••..•
CI. -Cap -Sizun.
Esquibien •.•.. 3.24: 12.03
Goulien .•..•.• 27 .~2: 27 .~4 36.70:23.91 » 1~.22
Plogoff •..•••. 31.31 : 26.41 37.37: 18.40 3.37: 19.34
Primelin ••••••
5 GROUPE. Affinité des types. - Le type n° 1 ou arm'Jri-
cain dominant s'est allie:
Au type n020u northman-saxon dans la proportion de 46 .31 %
n° 3 ou Auvergnat-Bigouden de 16~81 ·/0
n° 4 ou Breton insulaire . de 36.88 °/0
Le type no 2, Northman-Sa.'1Jon dominant, s'est allié:
Au type n° 1, dans la proportion de !,SQ.36 %
n° 3, . de 7.14 0/
ou n° 4, - , . de 37.00%
Le type n° 3, Auvergnat-Bigouden dominant, s'est a.llié ,:
Au type- no 1, dans la proportion de 02.50'. '
Le type n° 4, Breton-insulaire dominant, s'est allie:
Au type n° 1, dans la · proportion de 36.04 %
n° 2 , de 44.18 0/0
- ' n° 3, . de ' 19.28- 0/0
L'affmité des races étrangères pour la race celtique, sur
tout pour la branche autochtone armoricaine, ressort de ces
données. Ainsi les types 2 et 3 s'allient au type '1, dans des
proportions élevées de 00, 36 et 02.00 0/ , tandis que ces
proportions ne sont plus que de 37.00 et 40 % . dans le ma·
riage avec la branche bretonne-insulaire.
Il semble que cette dernière branche maintient son carac-
tère propre, au lieu que l'armoricaine accepte plus facilement
le mariage, avec la race northmane-saxonne surtout, qui tend
à lui devenir prépondérante. '
L'affinité paraît être aussi plus grande entre le type 3 et
le breton-insulaire, mais sans modification tranchante de
cette branche celtique '
L'alliance des types celLiquès entre eux est relativement
faible, quel que soit le type dominant, 1 ou 4. Les proportions
de 36.88 et 36.54 indiquent que ces deux types n'ont aucune
prépondérance l'un sur l'autre.
Conclusions. Il en résulte des calculs proportionnels et
des groupements de chifIres ci-dessus, que trois éléments
ethniques forment l'entité capiste :
1 Le celte, représenté par ses deux branches: la branche au-
tochtone ou armoricaine, qui, lorsde la conquête,puis après l'ef-
fondrement de la domination gallo-romaine, durant un hiatus
historique d'un siècle et demi, a trouvé un refuge dans le Cap
Sizun.
La branche bretonne-insulaire qui a fait, du IVe au VIle
siècle, un retour vers un peuple du même sang, si ce n'est
vers son berceau d'origine.
2° Les 'northmans, ou pirates saxons, dont l'une des ban
des a dû s'établir dans le ,pays.
3 Les préhistoriques brachycéphales qui ont occupé, çà et
là, à travers la Gaule, cIe l'Est à l'Ouest, une zone allant de
la Savoie à l'Océan, en passant par l'Auvergne.
Le caractère celte de la population domine. Mais le type
autochtone-armoricain tend à disparaître à cause de son affi
nité pour le type northma,n-saxon.
L'élément masculin apporté par les incursions nOl'thmanes
reste prédominant; la proportion actuelle des hommes de ce
type. est de 1.67 pour une femme .
Le breton-insulaire porte ses alliances, de préférence, sur
le type auvergnat-bigouden. •
L'affinité des deux branches celtes pour les races étran
gères est patente, tout en faisant ressortir une plus faible
proportion d'alliances du type breton-insulaire avec le type
saxon. Ne verrait-on pas, dans ce fait, un résultat de
l'antagonisme de ces races remontant à la conquête de la
Bretagne insulaire par la race saxonne? Un fait vient militer '
en fa veur de cette assertion :
A l'extrêmité Ouest du Cap et autour du Vallon des Saints
(Trouzent), là où se rencontrent à chaque pas les traces et
souvenirs d'émigrations bretonnes-insulaires, le type de
beauté le plus recherché, est petit, trapu, brun, aux yeux et
aux cheveux noirs, par opposition au type grand, dégingandé,
blond-roux, aux yeux bleus, qui est en défaveur.
H. LE CARGUET .
Auiierne, le 26 octobre 1908.