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Bulletin SAF 1907


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Note sur le groupe dit du Cavalier et de l’Anguipède, à propos de l’exemplaire de Kerlot, près de Quimper

Alfred Roussin

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1907 tome 34 - Pages 293 à 299

SUR LE GROUPE DIT

A propos de l'exemplaire de Kerlot près

ulInper,
Le sujet de la présente note est l'un des trois exemplaires
bretons du monument archéologique, se rattachant à l'époque
gallo-romaine, dit ({ Groupe du Cavalier et de l'Anguipède ».
Nous rappelons que ce groupe, dont on connaît plus de 40
exemplaires, est toujours un monolithe représentant, à la
moitié ou au tiers environ de la grandeur naturelle, un cava­
lier dominant un monstre. La disposition uniforme que
présentent ces exemplaires, tous plus ou moins mutilés, mais .
se complétant entre eux, est la suivante.
Le Cavalier, tête nue, le bras droit détaché du corps ou
levé, le bras gauche tenant les rênes, est vêtu d'une sorte de
costume flottant à la Romaine. Le cheval qu'il monte est
cabré, et sous les pieds de devant de l'animal se dresse le
buste d'une figure humaine de grande taille. Les jambes de
cette figure se terminent chacune en un serpent enroulé en
volute sous le ventre du cheval et dont la tête est plus ou
moins dressée; d'où le nom d'Anguipède sous lequel on la
désigne.
Cette mystérieuse sculpture fut rencontrée, au cour~ de la
seconde moitié du 1g

siècle, dans la région moyenne du
Rhin, où en ont été trouvés d'assez nombreux spécimens.
Puis on en découvrit quelques-uns en Allemagne et aussi en
France: à Clermont-Ferrand, en Bourgogne et en Basse Bre~

FIGURE A

FIGURE B

- 296 _.

tagne. Parmi ceux de cette dernière province, au nombre de trois,
est celui que mon père, il y a 20 ans environ, retira de débris
de maçonnerie dans l'ancienne abbaye de Ker]ot, près Quimper,
lui appartenant. C'est l'exemplaire, conservé au manoir de
Kerq.val, que j'ai sous les yeux. La description en a été

donnée dans le mémoire sur les Anguipèdes Bretons présenté
par notre éminent collègue, M. Trévédy, en 1889, à la

Société Archéologique de la Mayenne .
La planche ci-jointe. (Figure A), donne le croquis du
groupe reconstitué d'après les - données admises, la partie
ombrée étant seule existante.
Le groupe entier devait avoir une hauteur de 1 fi 70, la
partie conservée ayant 1 fi 40. L'exécution en est plutôt fruste,
en bonne pierre granitique du pays. Le bras gauche, dont il

manque la main, est collé au corps. Ce qui se discerne du
vêtement est un manteau flottant couvrant les cuisses jus­
qu'au dessus du genou et s'étalant jusqu'à la moitié de la

croupe du cheval. De celui-ci, le sabot du pied gauche se
retrouve sur la partie arrière de la base. Une particularité se
remarque sur le groupe, comme sur les deux autres exem­
plaires bretons; le cheval esquisse une conversion à droite,
mouvement corroboré par l'attitude des jambes du cavalier,
la jambe gauche étant portée en avant, la droite se dérobant
légèrement en arrière. Ceci dit pour montrer la préoccu­
pation de reproduire un modèle déterminé, invariable dans
ses dispositions, à quelques menus 'détails près.
Notre monolithe a été recueilli dans des débris de maçon­
nerie à l'entrée de la cour de la ferme de Kerlot, en Plome­
lin (6 kilomètres de Quimper), ancien manoir appartenant à
la famille de Jégado au 17

siècle, époque à laquelle ce manoir
fut transformé momentanément en abbaye; puis resta jusqu'à
la Révolution une simple métairie dépendant de l'abbaye

quand celle-ci fut transférée à Quimper.
M. le chanoine Peyron a raconté, dans une amusante

- 297 . '

notice, parue en 1889 dans le Bulletin de notre Société, les
péripéties qui marquèrent cette fondation. La statue y
avait·elle été transportée d'un point des environs, ou s'y trou­
vait-elle à son emplacement primitif? Cette dernière hypo­
thèse serait fort plausible. On sait que nombre d'habitations
se sont perpétuées, à travers le moyen-âge et les temps
modernes, exactement snr les points occupés par les établis­
sements Gallo-Romains. Les vestiges de ces derniers sont

nom.breux dans la région: dans le vallon même que domine
Kerlot, sur le coteau opposé, se dressent encore les reliefs

d'une enceinte fortifiée attribuable à cette époque.

Les travaux n'ont pas manqué sur la signification du mys~
térieux monument qui nous occupe, figure commémorative
ou mythe religieux. Je rappelle le mémoire de M. Trévédy
cité plus haut et une étude rétrospective de M. Aug~ Prost
parue en 1892 dans les mémoires de la Société nationale des
Antiquaires de Fra.nce. Les interprétations qu'on a données
du groupe sont loin d'être précises et concordantes. On en a
cherché les origines dans la mythologie germanique, à l'épo­
que ou les seuls exemplaires connus étaient ceux de la région
du Rhin, puis dans la mythologie gréco-romaine. Le cavalier
est en général considéré comme un Dieu conquérant ou

triomphateur, Dieu germanique, ou plutôt Dieu gréco-romain,
Heraclès, Neptune ou Jupiter; il domine le principe du mal, .
représenté par l'Anguipède comme il l'est souvent dans l'icono- '
graphie gréco-romaine. Ce suait plutôt un triomphe qu'un

combat, le monstre ayant une attitude de soumission ou de
résignation, le redressement des tètes de serpent rappelant
seul le souvenü' de la lutte antérieure. Sur ce caractère nos

savants archéologues concordent sensiblement; mais ils 'ne .
peuvent faire que des conjectures, à l'heure qu'il est, SUT les
origines du mythe, sur l'explication de la présence du groupe
aux lieux où ils se rencontre, sur la religion à laquelle il se
rattacherait. Je désire seulement ajouter à cet exposé l'indi-

- 298-
cation d'une impression
ordres de fait.
personnelle, appuyée sur deux

En premier lieu, le groupe pourrait appartenir à l'icono­
graphie d'un culte qui a joué un certain rôle dans le monde
antique; je veux parler de la religion · d'origine Madzéenne
dite de Mithra, qui, dans les trois premiers siècles de l'Ère
Chrétienne, se répandit de la région persique dans presque
tout l'Empire Romain, y lutta d'influence avec le culte chré-

tien et ne finit par disparaître devant ce dernier qu'au cours
du 4

siècle .

Un ouvrage récent (Les Mystères de Mithra, par Pranz
CUMONT, Paris 1902), résume ce qui concerne ce culte, ses
origines, ses mystères, sa diffusion par les esclaves et les
recrues militaires que l'Empire Romain reçut en grand
nombre des régions asiatiques après leur conquête. Les restes
de ces sanctuaires, en dehors de la région Méditerranél::une,
se rencontrent spécialement sur les cours du Danube et du
. Rhin, c'est-à-dire sur les frontières que gardaient les légions,
et où, par suite, les adeptes de ce culte asiatique étaient
nombreux. Si l'on n'a pas reconnu jusqu'ici de ces sanctuaires
dans la péninsule Armoricaine,ils ont été signalés, tout à

côté, dans la Bretagne insu.1aire, et, fréquemment, dans la

région du Rhin moyen, celle où l'on a trouvé la plupart des
exemplaires de notre groupe du Cavalier et de l'Anguipède.
Or, parmi les vestiges de l'art Mithriaque signalés et
reproduits par la gravure dans le volume de Cumont, se
trouve un fragment de bas-relief en marbre, découvert à
Virunum de l'ancienne Norique, où une grande figure, un
esprit supérieur, disperse des monstres ayant la forme d'êtres
humains dont les jambes se terminent chacune en un corps
de serpent dressant la tête. C)est exactement, comme ]e
montre la reproduction de ce dessin dans la planche B ci­
jointe, ]a figure à jambes de serpent de notre groupe.
Nous avons vu, d'autre part, que les divers caractères de

- 299

ce groupe le font rattacher à la période. Gallo-Romaine, qui
est justement celle de l'apparition et du développement du
culte Mithriaque dans l'Empire Romain et notamment dans
les Gaules. .
Il est vrai que la présence de notre groupe n'a pas été
signalé dans les ruines des sanctuaires de Mithra; en outre,
dans l'iconographie mythologique, l'Anguipède a générale­
ment représenté l'esprit du mal, de telle sorte qu'il ne serait
pas spécial au culte Mithriaque. Cependant ces coïncidences
de fJguration plastique, de région et d'époque ne laissent pas
que de frapper l'esprit. Ne peuvent-elles servir de point de
départ à de nouvelles études sur le sens de cette mystérieuse
figure? Nous soumettons le problème en indiquant cette
piste qui ne paraît pa's avoir été suivie, aux spécialistes en ..
mesure d'en rechercher la solution .
Un autre rapprochement, et ce sera le deuxième ordre de
faits, se présente à mon esprit. Les circonstances d'une car­
rière maritime m'ont jadis conduit sur les côtes de l'Hin­
doustan, où j'ai pu observer l'ornementation si riche des
temples et des chars sacrés de la religion Brahmanique. Or
on y remarque souvent, parmi les sujets de sculpture, un
cavalier sur un cheval cabré dans l'attitude de celui de nos
monolithes, et aussi la représentation d'un cheval dans la
même position dressée, les deux sabots de devant portés par
les mains levées en l'air d'une figure humaine accroupie sous
le ventre de la bête. Ces figures présentent avec le groupe de
l'Anguipède de curieuses analogies qui fournissent un nou­
vel argument en faveur de l'origine asiatique du mythe dont
ce groupe serait la représentation.
Manoir de Km'aval, Juillet 1907.
ALFRED ROUSSIN.

- 342-

DEUXIE E PARTIE

Table des mémoires et documents publiés en 1907

'" , cIO' , , . _

L'impôt du Vingtième à Audierne en 17~H par M. LE
CARGUET .................................... ....

Notes sur les anciens chemins de la paroisse d'Elliant,
par M. le Vie DE VILLIERS DU TERRAGE ............. .
Le Roman de La Tour-d'Auvergne, par ·M. J. TRÉVÉDY ..
Le District de Pont-Croix (1790-179~). Le Port d'Au-
dierne. La Défense des côtes. La Pêche à la
sardine, par M. l'abbé J.-M. PILVEN ..............
Rennes et ses abords à l'époque gallo-romaine, par M.
le Dr C.-A. PICQUENARD ...........................
Un Mariage manqu.é par La Tour-d'Auvergne '? par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . ........ . ..........
Notice sur le château de Kerjean (commune de SI_VOU­
guay), par M. C. CHAUSSEPIED ....................
Relation de la fouille du tumulus du Mouden-Braz, en
Pleudaniel (Côtes-du-Nord), par MM. A. MARTIN, et
l'abbé PRIGENT. (planche) ...... ....... " ........ "
La Tour d'Auvergne-Corret et la maison de Coigny, par
Pages

109
118
124
146
M. J 10 rrRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

Eglises et chapelles du Finistère (suite) ; 7

article, voir
tomes XXX à XXXII) : Doyennés de Plabennec (fin) et
Ploudalmézeau, par M. le chanoine PEyRON .......... .
Le chevalier Calloet de Lanidy (17~3-1782), par M. le

is B' 'A
DE .REMOND .P' RS . . -................. . .......

. -.; .'! ' . . ' . 4:l~h~.:L~:;Grand ~t)es ~·anciennes chroniques (878-888 ... ),

- . . . .. pa~M,; . )e D~C.-A. PICQU- ENARD .................

MémOIre ivédlt concernant La Tour d'Auvergne-Corret,

. ·par .... M. · J: TRÉVÉDY ..... . _ . .. ................

" Eiât di·' mes services", mémoire autobiographique
. ": . { dh navigateur y .-J. de; Kerguelen-Trémarec, publié
. ' - '. par M.H-.BoURDE ·DEl';A', ·RoGERIE. " ........ ' .....

199

213
220

, Note sur le groupe dit du Cavalier et de l'Anguipède, à
propos de l'exemplaire de Kerlot, près de Quimper, par
M. ALFRED ROUSSIN .............................. .
Le dolmen de Magoer-Huen (Ile de Groix), par M. L. LE

PONTOIS,. ................... . .... ,. ........ lOlO lOlO

Autour de Locamand (aneiennes limites de la paroisse,
monuments mégalithiques, fourches patibulaires), par
M. le Dr C.-A. PICQUENARD, .......................

La Roche gravée de Stang-Bilérit, découverte à l'île de
Groix (Morbihan), par MM. le commandant LE PONTOIS
etP. DU CHATELLIER (planche) .. ................... .
Restes de rétablissement gallo-romain de Kerillien, en
Plounéventer, par M. le Chanoine J .-M. ABGRALL .....
Enlèvement d'une jeune fille à la Pointe du Raz par les
Hollandais au commencement du XXIIc siècle, par

Pages
293
300
304
313
315

H. LE CARGUET.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321,

SOCIETE ARCHEOLOG

DU FI N .STt:RE

Hôte' de Ville

29107 QUfM