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Bulletin SAF 1907


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Mémoire inédit concernant La Tour d’Auvergne-Corret

M.J. Trévédy

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1907 tome 34 - Pages 225 à 255

CONCERNANT
LA TOUR D'AUVERGNE-CORHET

J'ai emprunté récemment à cette pièce quelques phrases
concernant un « mariage manqué» de Corret. Il m'a paru en
effet qu'une explication sur ce point je crois pouvoir dire que
la réfutation' de cette historiette trouvait naturellement sa
place à la suite du Roman de La Tour d'Auvergne (1) .

Aujourd'hui, il s'agit de la publicaLion du Mémoire entier;

et il est juste de nommer, en les remerciant, les personnes
auxquelles nous devons cette communication .

A ce sujet, qu'il me soit permis de reproduire les lignes
imprimées à la suite et en Post-Scriptum du Roman de La
Tour d' Auvergne.
« Notre érudit et laborieux confrère M. Le Guennec, de Mor­
laix, avait vu à notre ordre du jour d'octobre 1906 Le Roman

de la Tour d'Auvergne. Quelques jours après, il m'adressait
quelques renseignements; et, dans un post-scriptum il écri-

vait : ( Il paraîtrait que La Tour d'Auvergne avait demandé

en mariage Melle Dagorne du Bot, de Carhaix; mais elle

épousa M. Pierre-Louis Mazurié de pennanec'h, depuis
député de . Morlaix aux Etats généraux et à l'Assemblée
nationale. )}
« M. Le Guennec ajoutait que « le mariage manqué» était
consigné dans une « curieuse note sur La Tourd' Auvergne écrite

(i) Voir le Roman de La Tour d'Auvergne, et à la suite Un mariage manqué.
BULLETIN ARCUÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXXIV (Mémoires) HS

- 226 · _.

par Joseph Mazurié, second fils de ce mariage, note qui était
aujourd'hui aux mains d'un descendant des deux époux " .

. cc Je priai M. Le Guennec de solliciter' la communication de
cette note; et, avec une grâce parfaite, son possesseur, M. lé
comte de Lauzanne, en a autorisé la copie et la publication.
« Depuis,M. de Lauzanne a bien voulu m'adresser des rensei­
gnements authentiques qui rectifient et complètent une notice
publiée sur son trisaïeul,le député à l'Assemblée nationale (-1).»
L'impression du Mémoire m'a paru rendre nécessaires
quelques renseignements sur son auteur, sur le père de celui­ ci, le député aux Etats généraux, et même sur sa famille .
. Je devais tout naturellement interroger LesRecherche~ S'lU
les députés de la. Bretagne aux Eta.ts Généraux, publiées par
la Revue historique de l'Ouest de 188;5 à 1889. On trouve là
rassemblés, et non sans peine, de curieux et intéressants ren­
seignemen ts.
Mais, en ce qui concerne Pierre Mazurié, lïngénieuxet

consciencieux auteur des Recherches a eu le malheur de rece-
voir des informations incomplètes. Il écrit seulement ce qui

suit:
« Mazurié appartenait à une famille qui a fourni des maires
de Morlaix et de Landerneau et un subdélégué de l'Inten­
dance. Négociant à Morlaix, il fut lui-même maire de 'Morlaix,
en 1782, premier consul de la juridiction consulaire en 1788,
député de Morlaix à la session des Etats en 1789 et membre

de la commission intermédiaire des Etats pour l'éyêché de
Tréguier. Il fut député des sénéchaussées réunies de Morlaix
et Lannion aux Etats généraux. .. »

(i) La notice à laquelle je fais allusion est comprise dans les très inté­
ressantes Rec11erches sur les . députés de la Bretagne aux Etats généraux,
publiées par le regretté M._ de Kerviler dans la Revue historique de rOuest
. de i885 à !889. . .

V. Revue de l'Ouest, T. V. (1889), p. 146.
Ces pages étaient écrites et m'avaient donné l'occasion d'écrire à M. de
.Keniler, qui me répondait le l23 avril. Quelques jours après, la Bretagne
pleurait sa mort (li mai).

227

L'auteur ajoute « que Mazurié fit très peu parleI' de lui. »
Il cite à son propos une plaisanterie de l' Almànach des Députés
pour '1790, ouvrage quelque peu satyrique, et il conclut: (( Je
ne trouve aucune mention de lui après la Constituante; et je
ne sais ni où ni quand il est mort. Son nom a complètement
disparu du pays. ,, '
Celte phrase était écrite en 1889. Or, à cette date, vivaient
encore l'un à Vannes, l'autre auprès de Morlaix, deux frères
Mazurié, petits-fils du député, et à Morlaix même, une dame
Mazurié veuve d'un cousin germain de ces deux frères (1).
Il me fallait donc chercher ailleurs. Le comte de Lauzanne
et M. Le Guennec m'ont renseigné. J'ai pu me procurer·
d'autres indications. Enfin, par un heureux hasard, des ascen­
dants de Mme Mazurié (Mlle Dagorne) me sont de vieilles
connaissances. Je puis donc donner des renseignements
certains sur ces deux honnêtes familles; en même temps,

sans essayer d'écrire une biographie de Pierre Mazurié, le
député à la Constituante, je dirai quelques faits de sa vie;
enfin je doqnerai quelques renseignements sur son second
fils', l'auteur du Mémoire.

lit

La famille Mazurié est originaire . de Tinchebray, en Nor-

mandie. Au début du XVIIIe siècle, il· y avait trois frères
Mazurié qui tous ont leur descendance en Bretagne. Selon
l'usage du temps, chacun des frères ajouta au nom patronymi­
que le nom d'une propriété. L'un d'eux nommé Jean-Baptiste
se dit de Pennanec'h (en Plogastel-Daoulas) ; les deux autres

furent dits de Kerouallain (en La Forêt-Fouesnant, Finis-

(1) Les deux frères, fils de Jean-Baptiste Mazurié, sont morts en 1901, à
quinze jours d'intervalle: le premier, sans alliance, le 25 février, le second,
sans enfants, le ~ mars.
Mme Mazurié, né Pitot du Renés , veuve de Camille Mazul'ié, fils. de
Philippe, de~eure encore il,. Morlaix; .

228 -'

tère), et des Garennes (en Saint-Brandan, près de Quintin) .
Les deux familles Mazurié de Kerouallain et des Garennes
existent à Quintin. Mais nous n'avons à parler que des
Mazurié de Pennanec'h. .

Jean-Baptiste Mazurié épousa à Landerneau Louise Bordier
qui lui donna une fille et six fils dont le cinquième fut Pierre­
Louis, le député aux Etats généraux (1 ).
Jean-Baptiste fut négociant à Landerneau. Ses affaires
commerciales ne prirent p~s tout son temps; les actes de
l'Etat civil nous apprennent qu'il fut échevin de Landerneau,
et lui donnent le titre de « gentilhomme de la grande vénerie

du roi» (2). Son acte de sépulture· le qualifie même éceyer.
Il devait sans doute ce titre, que je ne vois pas donné à ses
fils, au rédacteur de l'acte. En effet, la famille Mazurié n'était
pas noble, bien qu'elle eût des armes et des armes parlantes:
d'azur à la masure ouveTte d'argent: Ces armes étaient
récentes puisqu'elles ne figurent pas à l'armorial de 1696.
Mais qu'elles fussent inscrites ou non; qu'importait-il? Quoi
que l'on dise aujourd'hui, « les lettres et brevets d'armoiries
ne pouvaient en aucun cas être tirés à conséquence pour
preuve de noblesse (3) li.
Le second fils dy Mazurié, Mathurin, fut négociant à
Morlaix; il devint maire de cette ville en 17Q9, et député aux
Etals en 1772 (4). Comme son père, il eut le titre de gentilhom-

(1) Les fils de M. et Mme Mazurié sont nommés Jacques, Mathurin, Jean-,
Baptiste, Joseph, Pierre-Louis et Félix.
(2) Une charge honorifique, quelque chose çomme de nos jours lieutenan t
de louveterie. '
(3) Ce sont les termes de l'édit. Courcy, Nobiliaire, III p. 528.
(4) Mathurin était né vers 1717, puisqu'il avait 80 ans à sa mort, le 21
mars 1797 (Acte de décès, Morlaix 1

germinal, an V) dans sa maison
quai de Léon. Sa postérité a dû s'éteindre à la seconde génération .
Nous allons voir Pierre-Louis Mazurié négociant à Morlaix; il semble
que le sixième frère, Félix, s'occupa aussi d'affaires à Morlaix: du moins
sous l'Empire, il arma en course et son navire La Mascarade amarina
plusieurs navires anglais.

229

me de la vénerie du roi. Enfin, il acquit la charge de « con­
seiller rapporteur du point d'honneur (1) n ..
Pierre-Louis Mazurié était né le 9 avril 1732 : il avait
trente-quatre ans lorsque, le 1

septembre 1766, il épousa
à Carhaix Pélagie-Claudine Dagorne du Bot.

Nous pouvons donner quelques renseignements sur la
famille Dagorne. Au début du XVIIIe siècle vivait à Uzel (2)
« noble homme » Claude- Sébastien Dagorne, sieur cl u Bot.
Il avait ajouté à son nom le nom d'une propriété, et signait
DagoTne du Bot. Sa femme, nommée Olive Pellet, lui donna,
vers 1783, un fils qui fut nommé Joseph-Tugdual (3). Nous
y viendra'ns tout à l'heure.
Claude Dagorne paraît avoir eu un frère aîné nommé
Mathieu, dit du Bouexic (4). Celui-ci fut sénéchal de Corlay,
US) où il se maria, le 21 octobre 1693; il allait y vivre gardant

(-1.) Ce titre demande une explication. .
Les maréchaux de France juges du point d'honneur étaient 0hargés de
pacifier les querelles des gentilshommes. Dans les provinces, il leur fallait
des représentants. Un édit de mars -1.693 avait créé les lieutenants; un
second, d'octobre -1. 7U2, créa les conseillers rapporteurs; un troisième, de
novembre 1707, créa les secrétaires-greffiers du point d'honneur. Ces offices
créés dans un but financier, furent souvent acquis par des bourgeois jusqu'à
la déclaration du roi du -1.3 janvier -I.77i. Elle n'admit plus que les gen­
tilshommes à payee la finance de ces offices, ordonna que les offices
actuellement occupés par des bourgeois seraient remboursés; et fixa la
finance à verser désormais pour l'office de conseiller rapporteur (nous ne
parlons que de celui-là) à 4.500 livres (à peu près 9.000 francs de nos jours).
(2) Uzel, canton et arr. de Loudéac (Côtes-du-Nord).
(3) J'induis cette date de l'indication « âgé de 70 ans» donnée par
son acte de sépulture daté de -1.783. Son acte de baptême a 'été vainement
cherché à Uzel. Voir acte de sépulture ci-dessous, p. 232, note L
(4) Son acte de mariage le dit fils de mobles gens Guillaume Dagorne sieur
du Clos et de Catherine Le Normand. Son premier enfant (Catherine)
née le 28 décembre -1.694 et baptisée le 29 a pour parrain son aïeul Guil­
laume et pour marraine Catherine Le Flohic dame de Tréguestin, son
aïeule maternelle.
Le mariage est béni par Allain Dagorne, curé d'Argol, aujourd'hui
canton de Crozon. Corlay était alors comme Argol clu diocèse de
Quimper.
(5) Canton et arr. de Loudéac. Anciennement juveigneurie de Rohan. ' En
-1.505, Jean II, vicomte de Rohan donna Corlay à sa fille puînée Marie, qu'il
mariait à Louis IV de Rohan-Guémené, et Corlay est resté clans cette

maIson.

- 230 . ..--

sa charge, jusqu'au 6 octobre 1733. De son mariage, avec
Jeanne-Nicolas, Mathieu avait eu , plusieurs enfants, au
n'ombre desquels Jeanne-Pélagie mariée, en 1725, à · Louis
Mathurin Georgelin, alors sénéchal de Carcado et procu'reur
fiscal de Loudéac. Celui-ci, en 1733, allait succéder à son beau­
père, comme sénéchal de Corlay. Jeanne-Pélagie mourut
en 1747. Son mari survécut jusqu'en 1760. '
Il laissait plusieurs enfants dont une fille, Pélagie-Suzanne­
Emilie, que nous allons trouver plus loin, et deux fils, Etienne­
Marie, « avocat à Ja cour », et Barthélemy, qui, l'un après
l'autre allaient succéder à Jeur père.
Barthélemy sera le dernier .;;énéchal de Corlay. C'est lui

' qui avec le comte de Sérent sera fondateur de la Société
patriotique de Bretagne (1l.
Revenons à Joseph-Tugdual Dagorne. Il avait épousé à
Carhaix Marie-Rosalie Billonnois. Celle-ci était SŒur de
Philippe Billonnois, receveur des postes, et, par un cumul qui
ne se comprendrait plus, entreposeur des tabacs, à Carhaix.
Le 6 juiIJet 175;), Billonnois allait devenir le troisième mari
de Mme Corret, mère de La Tour d'Au vergne. Les époux Dagorne
habitaient à deux kilomètres au Sud de la ville une gentilhom­
mière nommée Prévazy ; et Dagorne dans l'lisage ordinaire se
nommait du Bot de Prévazy. Mais le nom patronymique
Dagorne reparaît dans les actes, notamment dans les actes de
l'Etat civil.
Du mariage Dagorne naquirent trois enfants: deux fils dont

l'un Philippe-Marie devint prêtre; l'autre nommé Joseph-Marie

se maria à Rennes, en 1772 (2). Après eux naquit et fu t
(t) Etienne-Marie, né le 20 octobre ! 735, mourut · sans hoirs dans sa
vingt-cinquième année l~ 9 février 1762,
Barthélemy Georgelin rima souvent « malgré Minerve» même écrivant
à Voltaire. Il rima les 36 articles de l'Usement de Rolwn en 36 vers français
puis latins. Plus tard il mit en vers la Constitution de i79L Voir Un
Sénéchal de Corlay correspondant de Voltaire, par J. Trévédy, 1887.
(2) Saint-Etienne de Rennes,29 décembre t 7i2, mariage de « écuyer J oseph-

_. 234

baptisée le 30 juin 1744, Pélagie nommée plus haut. « Parrain
et marraine furent noble homme Claude-Sébastien Dagorne,

sieur du Bot, son g.rand~père (1) et dUe Pélagie-Suzanne-Emiliè

. Georgelin, sa parente de Corlay). C'est Pélagie nommée plus

haut, fille du premier des sénéchaux de Corlay et sœur des deux
autres; elle était cousine issue de germains de sa filleule.

Remarquons-le: dans l'acte de baptême, Joseph-Tugdual est
dit seulement « noble homme et receveur des devoirs de

Bretagne à la direction de Carhaix 1). Vingt-deux ans plus

tard, dans l'acte de mariage de sa fille, il n'aura pas d'autres
titres (2). Toutefois il se peut que, même avant 1744, Dagorne

fût receveur des rentes du duc de Coigny, dans le département
actuel du Finistère (3).
L'emploi de receveur des devoirs était assez lucratif: la
recette des importantes seigneuries de la maison de Coigny

pouvait bien l'être davantage. Avec les habitudes d'ordre et
d'économie déS familles bourgeoises du temps, Dagorne devait
jouir d'une grande aisance.
Il était assez ordinaire au XVIIIe siècle que le bourgeois
Marie Dagorne du Bot avec Marie-Josèphe Léon, fille d'écuyer Joseph
Léon, conseiller du roi, garde des sceaux, directeur des monnaies de
Bretagne, et de feu Geneviève Roger native de Saint-André-de-Bourbon lI.
Le beau-père Léon s'était ref!1arié en 1.760 à Anne Poultrays. Il · en eut
un fils, Auguste-Nicolas, né le 3 juillet 1767, auteur de la famille Léon (des
Ormeaux) de Rennes. .
(1.) C'est là que nous trouvons la filiation certaine de Joseph-Tugdual
Dagorne. ' .
(2) !( En Bretagne, on appelait devoirs les impositions levées . au profit
des Etats sur les boissons qui se vendent au détail ». On distinguait les
grands et les petits devoirs. Le vin de hors, c'est-à-dire récolté hors de

Bretagne, payait plus cher que le vin breton. Dagorne était donc, à ce
point de vue, receveur des contributions indirectes.
(3) En 1750, le duc était le maréchal de France, I 'rançois, mari (1.699)
de Henriette de Montbourcher, héritière de la branche aînée, Mi.. du

Bordage, et possédant de nombreuse3 seigneuries en Basse-Bretagne, .
notamment la haute justice de Henvez et Guérinen (aujourd'hui canton
de Fouesnant), des biens aux environs de Carhaix et dans le Léon.
Son petit-fils, Marie-François, fils de la dernière des Nevet, hérita de
nombre des seigneuries de son aïeule, la maréchale, en 1.75:1., et de celles'
de sa mère, notamment la baronnie de Nevet, en 1778. Il devint duc' en
1759. 11 en sera question plus loin. . . . .

, . 232 -

parvenu à l'aisance aspirât 'à la noblesse pour lui ' ou du
moins pour ses enfants; il acquérait une charge qui pouvait
procurer un anoblissement. Dagorne n'y manqua pas.
Quelques actes, notamment son acte de sépulture, lui don­
nent les titres de « messire, écuyer, conseiller-secrétaire du Roi
à la chancellerie du Parlement d'Aix en Provence » (1).
La charge de secrétaire du Roi coûtait cher et ne procurait

guère d'autre émolument que l'espérance de lettres d'honneur
ou de noblesse après vingt ans d'exercice (2); mais elle
n'obligeait à rien, pas même à la résidence. Aussi le conseil­
ler-secrétaire du Roi à Aix demeurait-il à Carhaix (3) .
Dagorne obtint-il les leUres d'honneur? J'en doute, et voici
pourquoi: S'il avait été conseiller-secrétaire du Roi, en 1766,

au temps du mariage de sa fille, le curé de Carhaix n'aurait

pas manqué de mentionner ce titre et même de substituer le

titre d'écuyer au titre bourgeois de noble homme. Or, si
Dagorne n'était pas secrétaire du Roi en 1766, comme il est
mort en 1783, il n'a pas accompli les vingt anhées d'exercice

nécessaires à l'obtention des lettres d'honneur (4) .
Quoi qu'il en soit, Dagorne, comme beaucoup de bour­
geois, s'é.tait donné des armoiries; il portait d'argent à

trois meJ'léttes de sable. ' Ces armoiries étaient, comme
celle des Mazurié, de date postérieure à l'édit de novembre

(1) Joseph Dagorne mourut à Pontorson le 7 juillet i783, à 70 ans. Sa
veuve mourut à Carhaix, âgée de 79 ans, le 2~ floréal an VI (i2 mai i798).
(2) Cette charge coûtait cher surtout depuis l'édit de juillet i 72~ qui
réduisit les secrétaires du roi du nombre de 3~0 à 2~0. En i761, Beaumar­
chais paya la charge 85.500 1. En i 789, lors de la suppression, ces charges
valaient HO.OOO 1. Il faut presque doubler ces chiffres pour obtenir la
valeur actuelle.
Les secrétaires furent supprimés par décret du 27 avril i 79!, art. 6 .

(3) Au temps de Joseph Dagorne, un autre breton de la famille de la
Pierre (des Salles, de Talhouet, de Frémeur etc.) était aussi secrétaire du
Roi à Aix + 1738 .
(~) Il est vrai que ces lettres pouvaient être accordées aux enfants du
secrétaire mort en charge, niais beaucoup ne les demandaient pas ... Il ya
nombre de familles issues de secrétaires du Roi qui sont aujourd'hui
considérées comme nobles, sans avoir eu de lettres .

_. 23:1
1696, puisqu'elles ne sont pas inscrites àl; Armorial (1) .

Le mariage de Pélagie Dagorne fut célébré le 1er septembre
1766, dans la chapelle du manoir de Prévasy. Avant cette

date, la mère du marié était décédée; et son père, le gentil-
homme de la vénerie du Roi, était absent pour cause d'intir- .
mités (2). Joseph et Félix Mazurié, frères du marié, étaient
présents. Parmi le,:; vingt-deux signatures de parents ou 1'al­
liés apposées au pied de l'acte, je relève celles de Georgelin
du Cosquer, sénéchal de Corlay, frère de la marraine de la
mariée, et celle de sa tille Louise. A signaler aussi cinq signa­
tures Billonnois: l'une est celle de la mère de la mariée
(Billonnois du Bot); les autres sont celles de son frère
Philippe Billonnois et de ses enfants. Auprès d'eux, Mme Cor­
ret devenue Mme Billonnois signe J.-L. Sa.laiin de Billonnois:
elle apporta le de (qu'elle croit apparemment preuve de
noblesse) en cadeau de noces à son mari qui ne l'accepta pas;
mais les biographes de La Tour d'Auvergne l'accepteront
rétroactivement pour lui; et M. Billonnois deviendra, de par
sa femme et par eux, un ( bon gentilhomme )).
Dès le temps de son mariage ou peu de temps après,
Pierre-Louis Mazurié était négociant à Morlaix. Si son pre-

miel' enfant, Jean-Baptiste, naît à Carhaix, le 8 octobre 1767 ;
le second, Joseph-Marie, l'auteur du Mémoire naîtra à Mor­
laix, le 11 février 1770.

Pierre-Louis, armateur comme son frère Mathurin, mérita

(i) Vne famille Dagorne (Ev. de Tréguier) qui comparut à la réformation
de t535 et fut déboutée en i669, a fait inscrire à l'Armorial des armes
absolument autres. Courcy, J. p. 3i9.
(2) La mère était décédée à Landerneau, le 24 mars i762, âgée de 68 ans.
Son mari mourut âgé de 88 ans, le 3 janvier t 773.
« Ecuyer Jean-B"-M. », gentilhomme honoraire de la grande vénerie,
négociant, ancien échevin de cette ville ... inhumé le 24 janvier en présence
de ses enfants et petits-enfants. »

-' 294"

ainsi que , lui

d'être appelé par ses concitoyens à des
fonctions électives: il fut maire de Morlaix (l782j ; premier
consul de la juridiction consulaire ('1788); député aux Etats
de Bretagne (1789) ; membre de la Commission intermédiaire
' des Etats pour l'évêché de Tréguier; enfin député des
sénéchaussées réunies de Morlaix et dë Lannion aux -Etats
généraux ('1) , ». J'ajoute qu'il succéda à son beau-père
Dagorne, mort en 1783, comme chargé des recettes du duc de

Coigny \2) ·;et nous verrons bientôt que Ctl titre manqua
lui coûter la vie.
Les affaires commerciales de M. Mazurié avaient prospéré.
En 1774, · il avait acquis le château et le domaine de Porzan­
trez, que son petit-fils allait reconstruire en 1848, et que
la descendance de celui-ci habite encore (3) .

La colline escarpée que couronne le château était alors
inculte et semblait condamnée à la stérilité .
. Mazurié entreprit d'en faire un jardin, et il y réussit avec
heaucoup de . patience et d'argent. Ces travaux commencés
avant '1780, puis arrêtés pendant la période révolutionnaire,

ne furent achevés que sous le Directoire. Mazurié ne pour-

suivait 'pas seulement son agrément; il avait fait de son

(i) J'emprunte l'énumération des titres des deux frères à la notice de la
Revue de l'Ouest. .
(2) Sépulture, Pontorson, 17 juillet 1783.
En 1783, le duc de Coigny était Marie-François-Henri , petit-fils du
maréchal nommé plus haut (p. 231 note 3). Marie-François alors lieute­
tenant général, et pair de]France (i787) émig-ra (1791.\; rentré en France
(f.81.4-), il fut maréchal de France 0.81.6) et gouverneur des Invalides où il
mourut, le 1.8 mai 182L
Ses possessions bretonnes étaient bien plus considérables que celles
de son aïeul. Le fils' de celui-ci (Jean-Antoine) dit le comte de Coigny
épousa (5 novembre 1.729) Marie dernière des Nevet. Tué en duel, le 4-
mars 1.748, il plourait avant son père; en sorte que, à la mort de celui-ci
(1.0 décembr. e 1.759) le titre de duc passa de l'aïeul au petit-fils. ,
Marie-François, héritier principal de sa grand'mère la maréchaLe
(8 novembre t75i) hérita de sa mère la ~omtesse de Coigny (le 8 août
i778) la baronnie de Nevet etc.

(3) Porz an irez étymologiquement la cour du sable (M. Le Guennec) ou
peut-être la porte. Courcy (Nobiliaire, III p. 256) indique pors avec ces deux
sens parmi les noms de lieux employés à former les no~s de famille.

iF · 2a3 "
entreprise une œuvre de bienfaisance. La classe ouvrière
éta"ït malheureuse, peu occupée l'hiver. Mazurié lui aSSUl'a
le travail et le pain pendant une vingtaine d'années.
Un auteur a vu et décrit la colline de Porzantrez après
son heureuse transformation; il rappelle que ces travaux
. attirèrent l'attention du gouvernement qui les récompensa
d'une médaille d'hOnneur. L'auteur conclut: «. M. Mazurié

a -dû jouir pendant sa vie de tou~e la vénération qu'inspi-
raient ses vertus; et son nom vivra longtemps dans les
cœurs et les souvenirs (1) ». Il aurait pu rappeler que la popu­
larité si noblement. acquise ne le sauva pas de la persécution.
Nous avons dit que les sénéchaussées de Morlaix et de
Lannion élurent Mazurié aux Etats Généraux qui s'ouvrirent
à ·Versailles le 5 mai 1789, et prirent, le mois suivant, .le

titre d'Assemblée Nationale.
On lit dans la notice consacrée à Pierre . Mazurié qu'à
l'Assemblée Nationale, « il fit très peu parler de lui n. C'est
nous dire qu'il . parla très peu ou pas à la tribune, plus sage
que d'autres qui parlaient trop et de sujets qu'ilsn'enten­
daient guère. Du silence gardé par Pierre Mazurié nous nous
gardei'ons de conclure qu'il n'ait pas justifié le choix que les ·
deux sénéchaussées avaient fait de lui. Ceux qui ont passé

par nos assemblées savent quels services peuvent rendre
dans les discussions "intimes des commissions des hommes

qui, pour diverses raisons, n'osent pas aborder ]a tribune.
Pendant qu'il siégeait à l'Assemblée Nationale, Mazurié dut

revenir à Morlaix pour recevoir le dernier soupir de sa
femme qui mourait le 7 septembre 1790, âgée seulement de
quarante-six ans. .
Miné Mazurié avait eu onze enfants, elle en laissait six:
cinq fils: Jean-Baptiste, Joseph, Philippe, Denis, Jacques et

une fille la plus jeune, nommée Marie-Anne .

O.) Gilbert Villeneuve. Itinéraire descriptif du département du Finistère ; .
(t828).

L'année suivante, quand l'Assemblée Nationale se séparant,

le 30 septembre 1791, laissa la place à l'Assemblée législative
Mazurié revint à Morlaix.
. Il n'allait pas tarder à être « suspect )l.

A la fin de 1791, un dimanche, quand sonne la grand'messse,
des fidèles entrent à l'église; Mlle Marie-Anne Mazurié, alors
âgée de dix-sept ans, est du nombre. Ils comptent qu'un prêtre
insermenté va dire la messe; mais un vicaire constitutionnel
monte à l'autel; nombre d'assistants se retirent. Grand émoi

à la municipalité! Tous ceux qu'on a signalés, Marie-Anne
.' Mazurié entre autres, sont assignés pour « trouble à l'exercice
du culte »)

Mazurié vient défendre sa fille et en même temps tous
les autres inculpés . . Il plaide qu'en sortant de l'église,
sans cris et sans tapage, ils n'ont fait qu'user de leur droit.
La thèse est admise par le juge qui acquitte. Mais elle n'est
pas admise par des citoyens qui, réformant le jugement,
prétendent punir le délit commis, en fouettant les femmes
acquittées .
Un an après, sur l'ordre du district, Mazurié était arrêté

dans son hôlel, quai de Léon (1).
En septembre 1792, la prison de Morlaix était pleine et
des arrestations étaient prévues. La municipalité ou le district
saisit l'hôtel de Mazurié et le transforma en maison de déten­
tion, le propriétaire continuant d'habiter quelques pièces qu'on
voulut bien laisser libres! Le 15 septembre, il vit amener

chez lui une vingtaine de suspects, au nombre desquels, un
de ses amis, Malescot de Villeneuve, avocat (2). Arrêté le
13 septembre, il entrait prisonnier dans la maison qu'il
fréquentait comme ami. Et pourquoi? (( La voix publique
« (lisez un délateur peut-être anonyme) l'avait déclaré

(1.) C'est cette maison de huit fenêtres, à deux entrées, deux étages,
. plus des mansardes portant les n° 55 et 56 du quai.
(2) J'ai lu ailleurs Malescot de Kerangoué .

- 237-
« suspect sur le fait de la Constitution et le taxait d'inci-
« visme(1))). .
Bientôt, ce fut au tour du propriétaire d'être incarcéré
dans sa maison. Le 1

octobre, « à sept heures et demie du
soir, la municipalité requit quatre gendarmes de saisir »
Mazurié. . Il avait été prévenu de sa prochaine arrestation;
et il ne s'étonna pas lorsque rentrant chez lui à neuf heures
et demie, il y trouva les gendarmes. Ils montrèrent leurs
ordres; Mazurié répondit en protestant contre le district et la
municipalité, et il ajouta: « Au surplus je vais prendre mon
bonnet de nuit et me coucher. Demain il fera jour. La garde
nationale prendra les armes, et on verra comment se passera
l'affaire. J'ai pour moi la majorité du peuple. »
Chose curieuse ! Les gendarmes s'arrêtent devant cette
réponse, n'exécutent pas l'ordre d'arrestation, et vont rendre
compte à la municipa1ité qui remet l'arrestation au lendemain.
Les paroles de Mazurié permettent de penser que libéral,
estimé, populaire comme il était, il comptait sur quelque
opposition mise à son arrestation; on pourrait même croire
que ceux qui l'en avait prévenu lui avaient donné quelques
assurances il cetégard. La municipalité craignait-elle quelque
émotion populaire'? Peut-être, puisqu'elle attendait la nuit
pour donner l'ordre d'arrestation.
Quoi qu'il en soit, aussitôt avisée de la réponse de Mazurié,
elle s'empressa d'informer les commandants de la garde

nationale « qu'ifs seraient rendus responsables de toute prise
d'armes illégale. La municipalité avait donc peur d'une
manifestation de la garde nationale.
L'avis donné aux commandants était gros de menaces. Il
fut compris. Le lendemain venu, personne ne bougea et
Mazurié fut arrêté. .. Sous quelle incul pation ? « Pour
(0 Sa femme demandant sa mise en liberté, le corps municipal répond
qu'il a manifesté des opinions contraires à la Constitution notamment à
celle (la constitution) du clergé ... ». 23 septembre. .

238 -
avoir cherché da. ns une assemblée publique à avilir les autorités
constituées J (1). Par quels moyens'? en quelle assemblée?
quelles autorités'? C'est ce que nous ne pouvons dire.
Le 8 octobre, la municipalité « dénonçait Mazuriè à la
justice du district et du département », comme « ayant donné
tant de preuves d'inciwisme, contre lequel existent tant de
déposit.ions défavorables, et qui a eu l'impudence d'écrire au
Ministre que l'on menace ici sa vie ». .
. Ces inculpàt.ions étaient peu sérieuses, puisque Mazurié fut
bientôt remis en liberté sans jugement. .'
Six mois plus tard, le 21 mars 1793, la Convention créait

un. comité dit de surveillance, dans chaque commune ou sec-
tion de commune ayant mille électeurs, chiffre qui faisait
supposer une population de 8000 habitants. Ces comités, qui se
parèrent du nom de Révolutionnaires, furent composés de 12
membres pouvant être élus par cent voix seulement (singulière
majorité !). Mais bientôt (décret du D septembre) les membres
de comités auJieu d'être nommés à l'élection furent choisis par
l'administration. En même temps, il leur fut alloué 3 ou même
D francs par jour. Dès lors, c'est à qui sera lontionnaiTc des

comités. Les représentants en mission créèrent ou approu-
vèrent des comités créés dans des communes ou sections de
communes n'ayant pas les mille électeurs; et, le 4 juin 1793,

la Convention approuva ces violations de son décret du 21 mars.
Morlaix avait les mille électeurs (2); mais un comité

unique ne parut pas suffire. Il 5'en forma trois autres: _ un
dans chacune des sections de La Roche (St-Martin), les Halles
(SLMathieu), la maison commune (Ste-Melaine), qui se mirent

à arrêter les citoyens comme le comité central (3) .

(1) Nous trouvons cette indication dans un document postérieur auquel
nous viendrons. Nous la rapprochons sans hésitation de l'arrestation
d'octobre f792, puisque e'est la seule arr ::station de Mazurié avant celle
de novembre f793. .

(2) Morlaix 9800 habitants, d'après Ogée. T. II, p. 5\l, (1775).

(3) Quand, comment, p;l.r qui furent instit1,lés ({es comités de !;iections '(

- " 239 ---
Mais, en approuvant ou laissant agir ces comités de sections,

l'administration n'a pas pourvu au traitement des membres
qui les composent. Ceux-ci n'entendent pas travailler gratui": .
tement à dénoncer et arrêter; ils ont trouvé le moyen que nous
allons dire de se faire payer. .
Le 7 novembre '1793 (1), par ordre du comité de La Roche,
Mazurié fut arrêté avec dix morlaisiens ayant comme lui des

ressources; et ils furent avisés qu'ils paieraient a. l~s frais
qu'entraînait le fonctionnement du comité» qui lesem prison ne!
Mazurié est taxé à 400 livres. . .
Ordre est donné de le conduire à Saint-Pol (2). Il Y restera
quatre mois, jusqu'au 3 février 1794 . .
Ce jour, ordre est donné de le conduire à Btest.En ce
moment même, la .Convention se détermine à établir à Brest
un tribunal révolutionnaire, à l'instar 'de celui de Paris, (~
février). Il ouvrira ses sanglantes audiences le 9; la veille,
la guillotine a été installée à demeure sur la place de la Liberté;
ce même jour, trois condamnations sont pl'Ononcées, et, le 'l0,
la guillotine « joue n. .

Envoyer ~[azurié à Brest en ce moment, c'est l'envoyer à la
mort. Il est du reste recommandé au tribunal révolutionnaire:
« Il est agent et receveur du ci-devant duc de Coigny. Il
n'a pas accepté la Constitution. Il a protesté contre divers
décrets de l'Assemblée constituante. Il a déjà subi une
précédente arrestation pour avoir cherché dans une assemblée
publique à avilir les autorités constituées» (3).

(i) Je traduis en langage compréhensible la date donnée ainsi dans le
langage usuel ou officiel du temps: « Le 7· jour de la 2

décade du 2

mois
de l'an ' II ». Le 7

j our de la 2" décade c'est le i 7, le 2

mois de l'an II, c'est
brumaire. L'an II ayant commencé rétroactivement le {er vendémiaire,
le 17 brumaire an II répond au 7 novembre t793. .
(2) Autrement dit Port-Pol ou Mont-Frimaire. Morlaix avait gardé son
nom; mais Saint-Martin-des-Champs était devenu Unité des Champs.
(31 Ces motifs se trouvent énoncés dans une liste de détenus par ordre
du comité de La Roche. . .

Il aurait été juste de dire que la première arrestation n'avait pas été
lJl.aint~m,1e. Rappeler le prétendu délit innoc~nt~ çn p9~! q'e~t-ce pas le

- 240

En octobre 1792, la municipalité avait accusé Mazurié
d'avoir exprimé calomnieusement des craintes pour sa vie.

Ces craintes n'allaient-elles pas se réaliser?
En arrivant à Brest, Mazurié trouva en prison les vingt­
six administrateurs du département, parmi lesquels plusieurs
amis, et avec eux son voisin Broustail, comme lui négociant(1),
les deux sœurs de Coetanscours, veuves Kersauzon et Launay

de l'Etang, âgées de 70 et 6Q ans, deux avocats de Morlaix

ses amis, MM. Moreau, le père du général, et Malescot de
Villeneuve. Il les vit tous partir pour le tribunal révolution-

naire, mais n'en vit pas revenir un seul.
Les vingt-six administrateurs furent condamnés le 3 prai­
rial (22 mai 1794

A l'audience même, le bourreau Ance, ce
dilettante de la guillotine, s'empara d'eux, et fit faire aussitôt
la funèbre toilette: il n'entendait pas différer d'un jour le
plaisir de les mettre à mort. '
Broustail avait été exécuté le 13 mars, MMmes de Kersau-

zon et de l'Étang, furent mises à mort l' e 27 juin (2), et
Moreau le 31 juillet. En ce temps-là, son fils le général
achevait sa glorieuse campagne de Flandre; et la France
retentissait encore des acclamations que souleva la prise de
la place forte de Nieuport, emportée le 28 juillet. Enfin Ma­
lescot était exécuté le 3 août.
Les cinq derniers condamnés avaient payé de leurs vies
l'accusation portée contre Mazurié: intelligences avec des
émigrés. ' Les lettres de Broustail, de Moreau et de Maleseot
saisies n'étaient qu'une correspondance , d'affaires. Or, 1\1a-

zurié était coupable du même crime; et chaque jour il
pouvait attendre la même condamnatiop.
Pendant cette captivité et ses angoisses de neuf mois, les
ressusciter pour le faire punir en 1794 .. . et de quelle peine '!.,. (Voir ci-
dessus, page 237-238). . .
(1) Registre inunicipal de Morlai."C, 1792. ,
(2) En octobre suivant, le Comité de sûreté générale ordonnait leur élar-
gisiement. Levot, Brest, pendant la Terreur, p. 342.

fils aînés de Mazurié étaient loin, et le plus jeune était au
collège. Sa fille unique, Anne- Marie Pélagie, alors dans sa
vingtième année f1), s'occupait des affaires de la maison.
Elle allait souvent de Morlaix à Brest pour rendre compte à

soo père, l'encourager et le flatter d'espérances auxquelles
l'infortunée n'osait pas croire.
Le supplice de Robespierre (28 juillet 1794), qui n'avait
sauvé ni Moreau ni Malescot, arriva très à propos pour Ma·
zurié et pour bien d'autres.
Rentré à Morlaix, Mazurié y vécut désormais tranquille,
et reprit les travaux et les services qu'il rendait aux ouvriers
' indigents.
Il avait marié sa fille en décembre 1794. Cinq ans plus
tard, son jeune tils, Jacques, enseigne de vaisseau, mourait
en mer (fin de 1799).
Mazurié mourut à Morlaix, le 22 septembre 181'1, dans sa
quatre-vingtième année.
Nous avons dit que du mariage de Mazurié onze enfants
étaient nés. Cinq paraissent être morts très jeunes. Des six
parvenus à l'adolescence; nous venons de nommer 'Jacques,
mort sans alliance; deu.x, Joseph et Denis, allaient mourir
sans enfants '; un, Jean-Baptiste laissa deux fils morts sans
postérité (ci -dessus, p. 227, note 1 1; un autre, Phili ppe (ci dessus
p. 227, note 1) est aujourd'hui représenté par les filles de son fils
par leurs enfants; enfin, la fille unique de Pierre Mazurié est et
représentée par cinq arrière- petits enfants: MM. de Lauzanne
et leurs sœurs qui continuent la descendance (2).
(1) Née à Morlaix, le 3 mai 1,774, elle n'eut ses vingt ans qu'aux derniers
mois de la détention de son père.
(2) Descendance de M. et Mme Pierre Mazul'ié. 'l' Leur fils Philippe à
laissé; 1. ° un fils Camille marié à. Mlle Pitot du HeUès (ci-dessus,p. 227, note 1)
dont Mesdames de la i'rlonneraye, d'Hui! de Bénazé, Barazer de Lannu­
rien; des trois, descendance. 2° une fille Pélagie, mariée là M. Fidières
des Prou veaux, dont Hortense, dame Grésy, sans enfant.
2° Anne-Marie Pélagie mariée à Morlaix, le 22 décembre i 794 (2 nivôse
an III), épousa Yves-Jacques-Antoine Robinet de la Touraille, alors adju- ,
dant gènéral des arrr.ées, (colonel ou lieutenant-colonel d'Etat-Major),
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XXXIV (Mémoires) 16

, -, 242

, Quelques mots maint8nant du second des fils de Pierre
Mazurié, Joseph, auteur du Mémoire.

Joseph Mazurié naquit à Morlaix, le 11 février 1770. Il fut
élevé chez son aïeul Dagorne qui était son parrain. Dans son
enfance, il eut ainsi l'occasion de voir souvent Théophile
, Corret, depuis La Tour d'Auvergne, venant en semestre
presque chaque année. Celui-ci le sauva même un jour d'un
sérieux danger; et, heureux, comme il croyait, de lui avoir
sauvé la vie, il l'aima comme on aime un parent dont on
est l'aîné de trente années.
La Tour d'Auvergne en retraite à Passy retrouva Joseph à
Paris. Il se revirent souvent; et Joseph a consigné ces sou­
venirs dans le .mémoire qui va suivre.
Joseph resta à Paris. Il fut longtemps attaché à la commis­
sion des Travaux publics au Ministère de l'Intérieur. Il était

marié et mourut sans enfants à Paris.
Il ya quelque apparence que Joseph Mazurié n'a écrit ses

souvenirs des dernières années du XVIIIe siècle qu'après
beaucoup de temps passé. Ainsi s'expliquent les inexactitudes
historiques commises par lui. Mais ce n'est pas une leçon

d'histoire que nous attendons de Joseph Mazurié. Ce que
nous avons cherché et trouvons dans les pages qui vont

depuis ingénieur en chef, chargé de la' canalisation du Blavet de Pontivy
, à Hennebont. De ce mariage:
1. 0 Mathilde (· 1798-i886) mariée (1817) à Michel-François-Marie comte de
Lauzanne, ancien officier de ca valerie, dont la mère Françoise du Boucxic
était fille du comte de Guichen, lieutenant général des arm,ées navales
(1. 779) mort à Morlaix (090), non à Portsantrez; comme l'a écrit M. de
Courcy (Itinéraire de Rennes à Brest,p. 21~7), mais dans un hôtel rue des Lan­
ces. Portsantrez n'est venu à ses descendants que par suite du mariage
de son fils en 1817. Les restes de l'amiral exhumés en :l.89f~, ont été portés au
tombeau de la famille de Lauzanne au nouveau cimetière de Saint-Martin.
De ce mariage Gustave-Marie (1818-1867) marié (181~9) à Pauline de Lau­
zanne (branche d'Auvergne), dont Henri comte de Lauzannc, trois fi'ères
Paul, Georges et Louis décédé en 1879, et deux sœurs MMme. de Surrel
de Montbel et Audren de Kerdrel.
,Plueieurs enfants continuent la descendance.

- 243

suivre, ce sont des renseignements relatifs au caractère et aux
habitudes de La Tour d'Auvergne en 1797 et à la fin de 1799,
c'est-à-dire à ses dernières années. Sur ces points nous pou-

vons nous en rapporter au témoignage d'un homme dévoué
et reconnaissant à La Tour d'Au vergne de l'affection qu'il
lui témoignait depuis sa petite enfance
Voici les époques précises auxquelles se rapportent les
souvenirs de Joseph Mazurié .

' 1° La Tour d'Auvergne resta à Passy ou à Paris du mois
de janvier 'lï95 au mois d'avril 1797. (Il demande à s'enga­
ger le 8 avril et en ύ,oit l'autorisation le 17). En novembre,
il a son congé et rentre à Paris.
2° Il Y restera jusqu'en mai 1798: il va en Bretagne à
Carhaix, Lampaul, Quimper et environs, Guingamp. Au
commencement de novembre, il est de retour (1).
3') 1799. Il demande à s'engager le 13 janvier. Il part le 6
avril: il est au quartier général le 1

mai. Il obtient son
congé et est de retour le 16 octobre.
4,0 1800. Il est nommé Premier Grenadier le 27 avril. Il
part pour l'armée le 7 juin et est tué le 27.
Voici les pages écrites par Joseph Mazurié avec
rectifiant quelques inexactitudes.

des notes

M. Je colonel baron Durand de'Gravedell-Geanny demeurant
rue de Provence no 9, publiait une collection de médailles
des généraux français, parmi lesquels il avait compris La
Tour d'Auvergne-Carrel. Je souscrivis pour La Tour d'Au­
vergne et pour le général Moreau; celui-ci de la même ville
que moi (Morlaix), celui-là de la ville de ma mère (Carhaix)
(i) Le voyage en Bretagne est absolument certain, bien. que disent les
biographes qui lui comptent la campagne de '1798 sans dire pourtant où
il l'a faite; La Tour d'Auvergne lui-même les a démentis quand il écrit
le 28 mars ŒOO: « Je vais faire une troisième campagne comme volontaire ».

- 244 -
et qu'il avait manqué d'épouser. Quand il venait en semestre,
avant '1789, il ne manquait jamais de la venir voir.
Comme j'ai été élevé chez le père de ma mère à Carhaix,
il ,me connaissait plus ~lue ses autres enfants. i# Lorsque
j'étai~ très petit, il me sauva un jou.r la vie. Quelqu'un
entra si brusquement au salon, près de la porte duquel
j'étais, qu'il m'écrasait immanquablement, selon La Tour
d'Auvergne, si par un mouvement aussi prompt que l'éclair,
il ne m'avait enlevé par le col de ma robe du parquet sur
lequel je tombais rudement. Cette circonstance que depuis
La Tour d'Auvergne m'a répétée bien' souvent, le fit me
prendre en amitié particulière. Je le vis en 1789 ou 90 (i), à

Portsantrez (sic) chez moh père. Il causait avec ma mère dans
l'allée de sapins, actuellement de charmes, et mon frère

aîné et moi nous étions derrière la charmille qui existe
toujours. Nous savions qu'il avait demandé notre mère en
mariage, qu'il l'aimait toujours, et nous le regardions très
curieusement. Il était en uniforme .

Dans le tems du Directoire, il était à Paris, et ayant appris
que j'y demeurais aussi, il n'eut rien de plus pressé que de
m'y venir voir. Il logeait alors à Passy, dans une fort petite
chambre attenante à un grenier à foin. Il n'y avait qu'un
lit, deux chaises de paille comme dans les jardins publics,
une table de bois et une fort petite fenêtre. Je l'ai vu là
travaillant à ses Origines gauloises; s'il venait un troisième
visiteur, il s'asseyait sur le lit. La Tour d'Auvergne était
enveloppé dans un manteau tout criblé de balles, son chapeau
était dans le même état, mais lui n'avait jamais eu aucune

(1) 1789-1.790. Il faut lire 1789. La date est certaine. En octobre de
cette année, La Tour d'Auvergne fut un des commissaires élus pour faire
la paix entre Brest et Lannion. V. sa lettre des -16, 'i7, 'i8 octobre. DU
CHATELLIER, p. 29 et 30. La TOllr d'Auvel'gne, sa statue et sa cOl'respondance.
Il avait un congé de semestre, daté du 1.5 juin, pour maladie. C'
Smo:SD, p. 104-105.
En 1.790, il ne prit pas de semestre, mais un congé de trois mois avec
un passeport du 3 novembre pour l'Espag'ne. Ct SUIOND, p. -105-106 .

blessure. Ses jambes étaient· ruinées,. disait-i ; et quand Il
ne venait pas 'me voir plusieurs ' fois par semaine.
c'est qu'elles lui refusaient le service. Il me le mandai t
de Passy, rue Basse, no 66, le 7 brumaire an VIII (27 octo-

bre 1799), et me défendait de l'aller voir, trouvant la course
longue pour moi (1).
Il Y avait alors sept mois qu'il n'avait reçu de nouvelles
de ses parens de Bretagne, il entendait par là parler du
marquis de Kersausic, son beau-frère (2), qui recevait pour lui
le revenu de son petit domaine de Kerampuille (3) ; il · n'en
retirait tout au plus que 240 francs par an.
Ses lettre~ étaient toujours signées: La Tour d'A uvergne­
Corret. Car lorsqu'il fut légitimé par le duc de Bouillon,
père du cul-de-jatte, le dernier de sa race (4), et qu'il fut

(1) Il demeurait à Passy, rue Basse, n° 66.
n demeura pour un temps, Hôtel de la Marine, rue Croix-des-Petits­
Champs. (Ci-dessous p. 2!f7) . .

(2) « Marquis de Kersauzic; son beau-frère ». Le beau-frère de La
Tour d'Auvergne était Limon du Tymeur ; et Guillard de Kersauzic
était le gendre de Limon, donc neveu par alliance de La Tour d'Auvergne.
Les Guillard ne se sont jamais dits marquis mais seulement comtes de
Kersauzic, très modeste gentilhommière (commune de Carnoët, canton
de Callac) et qui n'eut jamais titre de comté.
(3) Kerampuil. Erreur. Kerampuil, château à {600' mètres de Carhaix et à
HOO de Pt'évasy, appartenait à cette époque comme aujourd'hui à la
maison de Saisy.
Il s'agit de Lampoul (d'en bas) manoir et métairie, en la commune de
Trémargat (canton de Rostrenen), acquis par Mathurin Corret, aIeul de
La Tour d'Auvet'gne, en 1,690.
11 serait surprenant que Lampoul, dont le manoir était loué au métayer
(sous la résel've d'une chambre), ne rapportât au propriétaire que 240 francs.
J'ai sous les yeux deux baux de Lamponl. Le i'r, de 1786, stipule un
fermage de 630 francs. Le ~. de i702, stipulant un fermage de 700 francs,
est fait pOUl' 5 ans. .
(4) « Légitimé par le duc de Bouillon ».
Il s'agit ici du duc Godefroid-Charles-Henri (le protecteur de La Toul'
d'Auvergne). Plus loin, il sera question de son fils unique (~ce moment)
J acques-Léop old -Charles-Godefroid.
Le duc Henri ne songea jamais à légitimer COl'ret (ce qui n'était pas
possible). La preuve c'est que, dans son . acte de reconnaissance, s'il lui
permet « de porter les armes de sa maison », il dit qu'elles seront
« barrées de gauche à droite» en signe de bâtardise.
Du reste le nom de La Toul' d'Auvergne ne fut pas concédé par le roi,
et l'autorisation accordée par le duc ne pouvait produire aucun effet civil

sC. 246 d '

autorisé à porter ses armes, ce fut à cette condition expresse.
Il y fut fidèle dans la moindre circonstance, je trouve un
mot de lui pour prendre congé, partant pour l'armée du Rhin,
et signé: Le Capitaine [a Tour d' :htVergne-Corret. J'en
trouve encore du 11 nivôse an VIII (1

janvier 1800) signé:
Le CalJitaine. La Tour d'A uvergne-Co1'ret.
Lorsque La Tour d'Auvergne fut légitimé, le duc de Bouil­
lon le présenta au cul-de-jatte son fils comme parent. « Oui,
du côté gauche)} 1 reprit celui-ci avec un air de dédain. Aussi­
tôt La Tour d'Auvergne portant avec vivacité la main
droite à la poignée de son épée: « Apprenez, Monsieur,
que c'est de ce côté-là que le grand Turenne portait son
épée» 1
Depuis lors, ce cul-de-jatte fut bien heureux de trouver
La Tour d'Auvergue et de le qualifier de cousin (1 L puisque
ce fut par son intermédiaire que le directeur Carnot, enthou·
J'ai écrit aprés plusieurs que le duc Godefroid émigra et mourut en
-1792. Double erreur authentiquement démontrée. Il est mort à Navarre,
le 3 décembre 1.792. (Acte de sépulture de Saint-Germain-Iés-Evreux,
succursale de la paroisse Notre Dame d'Evreux. (Etat civil d'Evreux).
Aussi ses biens ne furent pas confisqués comme biens d'émigré. La
déposs~ssion que subit son fils tint, comme nous dirons (note I, p. 250) à
une autre cause.
« Le cul de jatte» n'etait pas « le del'nier de sa race ». Voir ci-dessous
page 250, note L
(i) Non, il ne l'appelait pas d'ordinaire cousin; et il ne l'était pas. Alors
comme aujourd'hui la reconnaissance (à supposer que l'acte du duc
Godefroid eut un effet civil) ne produisait d'effet qu'entre le reconnaissant
et non ses parents, quoi que disent les biographes de Corret.
Le dernier duc nommait COl'ret mon ami et l'assurait de son amitié; et.
La Tour d'Auvergne lui rèpondait « qu'il ne cesserait de l'honorer, de le
respecter, de l'aimer».
Au lieu de l'appeler cousin, il aurait pu, parlant comme en Bretagne, le
nommer oncle ou même grand'oncle. Corret se trouvait (ce qu'aucun
biographe n'a fait remarquer) au degré d'oncle à la mode de Bretagne
de son protecteur le dUc de Bouillon. Voici la preuve de ce 'fait:
Henri de La Tour d'Auvergne.

Frédéric + 1631 Henry COl'ret + après 1645
2° Godefroid + 1721 Mathurin + i705
3' Emmanuel + l730 Olivier + l749
4· Charles + 1771 Théophile + 1800
. 5' Godefroid + 1792
6' Jacques + i802 .

-. 247 '

siaste de La Tour d'Auvergne, lui fit restituer ses propriétes
confisquées par la République \1).
Une fois, par extraordinaire, La Tour d'Auvergne vint
demeurer à l'Hôtel de la Marine, rue Croix-des-Petits-Champs.
Je le fus voir un jour, et le trouvai occupé à écrire. « Je
fais, me dit-il, une pétition ; je vais la porter au Directoire .

Voulez-vous venir avec moi?)) « Volontiers. » Nous sor-
tons ensemble. En route, il ne me dit pas un mot; son front
était soucieux. Arrivés sur le Pont-Neuf, un homme marchant

devant lui l'empêchait d'avancer. Il avait sous le bras une
canne fesant l'angle droit avec l'axe de son .corps. La Tour
d'Auvergne frappe le bout qu'il est près de toucher, et l'autre
bout va donner assez rudement. dans le nez de mon homme
qui se retourne et allait parler; mais La Tour d'Auvergne ne
lui en donne pas le tems, et le saississant vigoureusement
avec sa main de fer: ( Citoyen, vous n'êtes pas le seul dans
la rue!» et l'autre ne dit mot Oh ! oh ! dis-je en moi­
même, il est de mauvaise humeur, il y aura quelque chose .

Nous continuons notre route et nous voilà au Luxembourg.
Les Directeurs donnaient lems audiences dans le Petit Lu- -
xembourg- Le moment approchait, toutes les places étaient
prises. L'antichambre seule était vidé, nous nous y prome­
nâmes. « Voilà donc, s'écrie La Tour d'Auvergne d'une
voix de stentor, voilà donc comme nos sabres (en frappant
sur le sien) servent à procurer à ces Messieurs de magnifi­
ques lambris dorés! )) Le grenadier qui était en faction à
la porte, et qui n'entendait pas souvent les habits de gros
drap et les épaulettes de laine parler de lambris dorés, lui
(1) Le duc de Bouillon Jacques-Léopold n'avait pas émigré. La preuve
c'est que, en avril 1794, en pleine Terreur. il adressait uue pétition à la
Convention.
Donc La Tour d'Auvergne n'eut pas à obtenir par Carnot sa radiation
de la liste des émig-rés. Ses biens n'avaient « pas été confisqués par la Répu-
blique comme biens d'émigré ». .
La dépossession des biens de la maison de Bouillon datait de bien plus
loin, du temps de Louis XIV. V. ci-dessous p.251, note L .

dit :' « Camarade, entrez toujours, pou~sez et vous pénê­
trerez.)) La Tour d'Auvergne poussa et entra un peu, je
le tenais par le bras. La porte du fond de la salle s'ouvre;
on voit paraître M. Laussat, député des Basses-Pyrénées,
qui sortait du cabinet du Directeur. A peine Laussat a-t-il
fait quelques pas qu'il reconnaît La Tour d'Auvergne. '
« Comment, s'écrie-t il avec vivacité, le brave La Tour 'd'Au­
vergne ici? Et que désirez-vous donc?)) , Dès que ces mots
furent prononcés, les grenarliers qui devaient faire honneur
au Directeur se retournent et reconnaissent La Tour d'Auver­
gne. « Vive La Tour d'Auvergne! )) crient-ils tous ensemble
et en même tems tous lui présentent les armes. Il y eut dans
la salle un mouvement inconcevable, on ne fit point attention
au Directeur qui avait cependant pris sa. place dans une tra­
vée. C'était Merlin ('1), Laussat va à lui: «( Citoyen Directeur,
voici le brave La Tour d'Auvergne qui a une pétition à vous
présenter)) ; et en même temps il disparaît. « Voyons votre
pétition », dit Merlin. La Tour d'Auvergne la lui donne. -
« Gela regarde le Ministre de la Guerre. Mais citoyen Direc­
teur, êtes-vous plus puissant que le Ministre de la Guerre?
'. Sans doute Eh bien, prononcez-vous même! - Je ne
le puis. Ah ! vous ne le pouvez pas! )) et ~ur le champ il
met en morceaux sa pétition et la jetant sur la table du
Directeur: il se retire gravement. Les grenadiers l.'accom­
pagnent en lui présentant toujours les armes et laissent là
le Directeur.

(il Merlin (de Douay) et Carnot sont indiqués comme étant ensemble
du Directoire.

Erreur. Carnot entra au Directoire lors de sa création (le 28 octobre
i7(5) avec Letourneurs (que remplaça Barthélemy), Hewbel, La Réveillère­
, Lépau x: et Barras. Les trOIS derniers, le 1.8 fructidor (4. septembre 1.7(7),

osèrent chasser leurs collègues Barthélemy et Carnot, et les condamner
à la déportation; c'est alors que Merlin entra au Directoire où il resta
,jusqu'au t8 brumaire «() novembre 17(9). A ce moment seulement, Carne' t
put rentrer en France.
Donc le Directeur auquel La Tour d'Auvergne parlait si vertement
n'était pas Merlin.

> 249

Le front sourcilleux précédemment de La Tour d'Auver­
gne s'était tout à fait déridé; son air était serein et digne.
Il était le héros du moment; tous les yeux étaient sur lui
et personne ne fesait plus d'attention à Merlin~ tant il est
vrai que l'épée qui sait vaincre sur le champ de bataille
impose plus aux hommes que la plume qui écrit dans le
cabinet. Prenez une illustre plume du Peuple-Roi (Cicéron)
une illustre épée (César) : les peuples d'aujourd'hui savent
à peine ce que c'était que Cicéron; le nom de César·est devenu
un titre de dignité qu'ambitionnent les plus puissants

souverams.
La Tour d'Auvergne ainsi reçu par Merlin fut en rendre
compte à Carnot. Carnot écrivit au Ministre de ]a Guerre
une lettre impérative. Aussitôt La Tour d'Auvergne fut par­
faitement accueilli dans les bureaux de la Guerre. Qu~
demandait-il? Qu'on l'habillât! (1).
J'ai dit que La Tour d'Auvergne avait obtenu de Carnot la
radiation de la liste des émigrés du duc de Bouillon, .le cul­
de-jatte. Ce duc voulut agir en prince (2). Il envoya à son

(i) La Tour d'Auvergne « demandait qu'on l'habillât ". ? A quel titre
puisqu'il était à la retraite.
Quoique l'on dise aujourd'hui, La Tour d'Auvergne n'a été pauvre que
lorsque d'indignes admip.Üitrateurs, le présumant émigré, séquestraient
ses biens pendant plusieurs années; et quand à son retour d'Angleterre,
sa pension n'était pas liquidée.
Mais, en 1.796, il avait sa pension et ses revenus, qui étaient d'environ
4000 livres, 7 ou 8000 francs d'aujourd'hui. (M. DU PONTAVICE. La Tour d'Au­
vergne d'après sa eorrespondance inédite. Phare de la Loire, 'i792).
Voici la phrase: « De Corret était très noble, mais très pauvre, sa
fortune personnelle ne dépassa jamais 4000 livres de revenu ». La vérité
est qu'il n'était ni noble ni pauvre.
(2) « Le dllC voulut aglr en prince et envoya à La Tour d'Auvergne la
donation de la terre de Beaumont ... La Tour d'Auvergne indigné lui
renvoya le tout et les deux cousins furent brouillés ".
La Tour d'Auvergne refusa le don, mais en marqua sa reconnaissance.
Voici la correspondance (par extrait): « J'espère, mon ami, que vous
voudl'ez bien me donner la particulière marque d'amitié, d'acceptet' ma
maison de Beaumont.. .. Je vous l'offre de bon cœur ... ".
Le 1~ fevrier i797, La ToUt' d'Auvergne refuse l'offre en disant: « Vos
bontés et les offres que vous me faites me pénètrent de reconnaissance ... l)
Et la lettre finit ainsi: « Celui qui ne cessera de vous honorer, de vous

parent les titres et la donation de la terre de BeaumOnt
rapportant 16.000 livres de · rente. La Tour d'Auvergne
indigné lui renvoya le tout., et les deux cousins furent brouil­
lés. Le cul-de-jatte revint le premier. Il écrivit à La Tour
d'Auvergne une lettre commençant par ces mots: « Mon cher

cousin )J. Cela fesait une ligne allant de haut en bas et en
caractères aussi gros que ceux que fait un enfant qui com-

mence a ecnre :

u Je vous prie de venir dîner aujourd'hui avec moi)) ; et il
y avait à peine la place pour signer son nom. La Tour
d'Auvergne y fut. Il me montra la lettre et me dit: cc Et voilà
un prince r r »

Le prince mourut bientôt ('1), comme chacun sait, et Bona-
parte s'empara de sa succession et entre autres dela terre de Na-

respecter, de vous aimer ... ». (C' SmoND, p. 243-2!t4).
Le duc répond: cc Votre refus me pique ... »
Et, quelques jours après, le duc lui écrit ce billet que Mazurié a vu :
cc Mon cher cousin etc ... ».
(i) « Le prince mourut bientôt)).
Jacques-Léopold, dernier duc de Bouillon, mourut, snns enfants, le 7
février t802, c'est-à-dire dix-neuf mois après La Tour d'Auvergne.
Celui-ci n'a dOllcjamais pu se dil'e héritier; mais il a pu parler de droits
éventuels pour le cas ou le duc mourrait avant lui.
Ces droits prétendus auraient été une pure illusion pour deux raisons:
i 0 . parce que sa prétendue reconnaissance n'eut jamais aucun effet ci "il ;
2° puce que, si le duc Jacques était le dernier il. porler le nom dei La
Tour d'Auvergne, leur descendance directe subsistait.
En 1743, Marie-Lou ise-Henriette, sœur de Godel'roid (protecteur de La
Tour d'Auvel'g-ne) et tante propre du duc Jacques-Léopold, avait épousé
Jules-Hercule de Rohan Guémené.
Ils avaient eu un fils Henri-Louis-Marle marié en i761, à Victoire-Armande,
fille de Charles de Rohan, prince de 80ubise, dont postérité. C'est lui qui
était héritier de son cousin-germain. Il lui a survécu jusqu'en i80~. .
Dans une lettre de Navarre (25 avril 1.780), La Tour d'AuveJ'gne dit cc qu'il
a été présenté au prince de Montba:wn ». Il est probable qu'il parle du
fils aîné du duc, nommé Charles, né le 18 janvier 1.764, duc de Montbazon
en 1,808, et mort le 24 avril -1836.
Comme on le voit, le duc Jacques et Henri de Rohan-Guémené étaient
cousins-germains (au !~. degré), et La Tour d'Auvergne Conet (s'il eüt été
légitime) aurait été au 10°.
Les droits des Rohan-Guémené ont été reconnus par ordonnance du 26
juin 1.816 ; mais la terre de Navarre ne fut pas restituée. (Voir ce qui
se passa en ce qui concerne Navarre, note suivante).

varre (1;. La Tour d'Auvergne à ce sujet dit-: « J'aurais des
droits puissants à faire valoir, mais je ne daignerai pas seule­ ment me présenter». Sa branche devant son existence au grand
Turenne et ayant été très légalement légitimée, elle acquérait
des droits, puisque la branche principale s'éteignait (2\.
La Tour d) Auvergne rencontrait assez souvent chez moi
un certain Laperrière, auteur, depuis, d'un traité d'arithmé-

tique à l'usage des élèves de Saint-Denis. Ce Laperrière
disait alors: « Si jama.is les Bourbons revenaient en France,
je fuirais tant que la terre pourrait me porter. » Et il exha­
lait alors avec chaleur ses principes républicains, par oppo-

sition aux aristocrates de la société. « Calmez-vous, citoyen,
répondait alors La Tour d'Auvergne; je viens du Directoire et
j'ai vu le Directeur Barras assis entre la Tallien et la Beau­
harnais qui parlait tout contrairement de vous. Nulle part
on ne parle plus aristocratiquement qu'au Directoire et per-
. sonne ne s'en fâche!» -
La Beauharnais est morte impératrice; la Tallien prin­
cesse, et Laperrière dans la plus profonde misère (3).

(1) Bonaparte s'empara de sa suceession, etc.
Voici ce qui passa: Un décret du 8 floréal an II (27 avril 1794) avait
annulé l'échange de 1,651. Les biens de Bouillon furent mis sous séques­
tre. te séquestre fut levé en décembre 1796. (C'est là que l'influence de
La Tour d'Auvergne fut utile). A ce moment le duc Jacques séjourna à
Navarre, d'où il écrit à La Tour d'Auvergne, le 21 décembre 096. Cl
Simond, p. 2!~2).
Mais, le i4 ventôse an VII (4 mars 1.779), le séquestre était rétabli. Jacques
Li:opold protesta; mais, sans avoir rien obtenu, il mourut le 5 février 1902.
Par décret du 3 janvier 1809, l'Empereur Napoléon déclara les biens de
la succession réunis au domaine national. Le décret du 1.6 février , 1809
ordonna la vente de Navarre ; l'adjudication se fit le 8 mars. Il fut acquis
par l'Empereur qni en fit don à l'Impératrice Joséphine.
A la mort de celle-ci en 181.4, Navarre passa à son fils Eugène de Beau­
harnais, duc de Leuchtemberg, et après lui (i82t.) à son fils aîné Auguste­
Charles, époux de dona Maria, r eine de Portugal, qui vendit ce domai­
ne en 1.8M.
Navarre acquis 688.027 fr, en 1809 fut en 1.834 vendu L378.000 1'1'. Le
domaine fut morcelé et le château devint une carrière.
(2) Nous avons vu le contraire plus h a ut, p. 24· 5, note 4, et 250, note 1..
(3) Ce fait se rapporte à une date antérieure .

Barras fut nommé à la création du Directoire le 1,e, novembre 1795; et le
général Bonaparte épousa civilement « la Beauharnais )1 le 9 mars 1.796 .

Bonaparte cherchait par toutes sortes d0 moyens à faire la
cour à La Tour d'Auvergne; celui-ci qui, s'était mis volon­
tairement sous les ordres de Moreau, ne pouvait pardonner
à Bonaparte sa haine pour l'illustre Breton, le grand Moreau.
Il écrivit: non, et signa, lors de l'ouverture des registres
pour l'acceptation de l'Empire ('1). « Je ne veux pas) disait-

il, qu'il soit dit que La Tour d'Auvergne ait servi de marche-
pied à un Bonaparte pour monter sur le trône)) ! Il répétait
partout ce propos; et Bonaparte, pour le calmer, le fit nomm el'

du Corps Législatif par son Sénat. La Tour d'Auvergne
refusa. Je le trouve un jour chez lui, écrivant. « J'écris au
Sénat, me dit-il, je refuse, mais encore faut-il soigner son
expression (2) ».
Bonaparte le nomma premier grenadier des armées fran­
çaises. « Qu'est-ce que cela signifie? me dit-il. Que j'en
suis le plus brave? C'est me jeter le gant pour que tous mes
camarades le relèvent, car tous sont ausssi braves que moi.
Que j'en sois le plus ancien? A la bonne heure; j'en suis
en effet le doyen.)) Et il avait toujours soin de rayer ces
mots PremieT grenadier sur tous les papiers qu'il recevait du
Ministère dfl la Guerre.

(i) El'reur. . Il n'y eut pas de consultation nationale à cette epoque. Le
4 mai i804, un sénatus-consulte établit l'Empil'c.
C'est à propos du consulat à vie que le peuple eut à donner son avis. En
vertu d'arrêté du ~o floréal an X. (:1.0 mai 1802) .

Il fut répondu par 3.577.250 dont 3.568.37!~ oui et 8.374 non. Sénatus-
consulte du 16 thermidOl' an X (4 août 1.802). Thiers, Consulat Liv. XIV.
La Tour d'Auvergne ne compta pas pour une unité parmi les opposants:
il était mort depuis deux ans.
(2) Bonaparte intervint-il en cette affaire? Question. Quoi qu'il en soit,
La Tour d'Auvergne a refusé deux fois lc titre de député. La ConstituU;on
dite de l'an VIII promulguée le 12 frimaire an VIII (t3 décembre ' 1799)
donnait au Sénat la nomination des députés. Le Sénat nomma La Tour
d'Anvers'ne pour le Finistère. Aussitôt averti, il refusa: « Mon poste à
moi est aux armées, etc ... » Cette première lettre est écrite ayant le 25
décembre, puisque, ce jour même, il écrit à Le Brigant : « Je me suis
excusé d'accepter la place (de députè). » Le Sénat ne tient pas compte de
son refus; et, le 5 janvier 1.800, La Tour d'Auvergne, rappelant qu'il a
« déjà pris la liberté d'offrir sa démission », renouvelle son refus de la

- 253-
Un jour, il vint me voir tenant un papier déployé à la
main: « Voilà mon extrait mortuaire, me dit-iL Les mili­
taires ont un pressentiment qui ne les trompe jamais; vous
ne me reverrez plus. Ils . en ont tant fait qu'il faut que je
parte; je ne connais pas les Russes, il faut que je leur fasse
visite. ). Il fut chez Kervélégan, chez Toulgoët et d'autres
Bretons, et leur en dit autant. Il partit en eUet et ne revint
plus.
Le reste des notes, consacré à la mort et aux œuvres litté­
raires de La Tour d'Auvergne, ne contient rien d'inédit. Il y
a aussi « quelqùes phrases ayant trait à un individu de Lille

qui prodiguait sous la Restauration des lettres .de nobl.esse Jl,
parmi lesquelles phrases, M. Mazurié cite un propos de La .
Tour d'Auvergne.

« La patrie c'est le sol. Quiconque attaque le sol de la
France est mon ennemi. Je me bats contre Jui, quel qu'il
soit. Je n'ai besoin pour cela de savoir quel est son chef, ni
quel est mon gouvernement. Qu'il soit Roi, qu'il soit Répu­
blique peu m'importe ! C'est ma patrie, c'est la France que
je défends. C'est à elle que je dois mon sang, ma vie; et
jamais l'étranger, l'émigré armé; n'y mettra le pied sans
me marcher sur le corps! ». .

Voilà le patriote! La France avant tout! De ces paroles,
il faut r,approcher la phrase que voici.
Le 7 floréal an VIn 127 avril '1800), La Tour d'Auvel'gne
vient de recevoir le titre de Premier Grenadier et le sabre
d'honneur; il refuse le titre, il accepte le sabre . et, le

254

lendemain ( 28 avril 1800) (1) il écrit à Carnot (2)

« J'ai accepté avec une reconnaissance respectueuse le
sabre d'honneur qui m'a été accordé par le héros qui a acquis
sur tous les Français jaloux de la gloire, de la liberté et du
repos de leur pays, les mêmes droits que la patr· ie dont les
destinées lui sont confiées ».
Quel est ce langage? Est-ce que La Tour d'Auvergne
« passionné pour la Révolulion » (3

« républicain solide» (4),
aurait pardoIIné le 18 brumaire et ce qui a suivi? Bien
pl.us, il s'en est réjoui, non, comme tant d'autres, pour sa
fortune; mais pour la liberté, le repos intérieur de la France,
deux biens que le gouvernement déchu n'avait pas donnés à
la patrie .
Dira-t-on que cette phrase significative quelques-uns

diront malheureuse a échappé à La Tour d'Auvergne dans
l'instant d'expansion que cause une joyeuse surprise? . Non.
La Tour d'Auvergne ne laissait pas courir sa plume: « il soignait
son expression. » Lui-même vient de nous le dire. Quand une
fois il avait trouvé la phrase qui lui plaisait, illa répétait
sans scrupule. Nous avons ici une preuve de cette habitude (5) .
. (1) Cérémonie au Panthéon, Journal Officiel . 6 août 1889. M. Tirard,
president du conseil: « La Tour d'Auvergne passionné pour la Révo­
lution ne voulut .iamais accepter aucun grade ... et ne consentit .iamais
qu'à être salué du titre de Premier Grenadier des armées de la Républi­
que ». 1\1. Maze, sénateur: « La Tour d'Auvergne ne voulut pas accepter
le titre de Premier Grenadier ».
Lequel croire? Gra. 'ld embarras pour les auditeurs des deux discours
prononcés l'un après l'autre et pleins de telles contradictions!
(2) Figaro du 5 août i889. Musée de la Revol ution. Coll. Etienne Chara vay
La phrase est en post-criptum.
(3) M. Tirard. Cérémonie du Panthéon.
(1) M. Guyot, Ministre des Trayaux Publics. Discours d'inauguration
du chemin de fer de Morlaix à Carhaix.
(5) Dirons-nous qu'il gardait ses lettres avec une sorte de coquetterie.
Lisez M. Du Chatellier, p. -12.
« Un détail qui nous a paru assez singulier, c'est que ses lettres, suivant

l'importance qu'elles avaient. .. comme celles relative à. sa démission de
membre de la législature étaient reproduites en cinq 011 six copies de sa
main, sans variantes ... Nous ne voudrions pas penser que ce citoyen si
généreux ... eût tenu un compte trop fidèle de ses actes les plus honora­
bles. Mais les faits sont ainsi... ».

255
Il persiste dans le sentiment qui a dicté la lettre du 28 avril ;
et, dix-sept jours après, la phrase est textuellement reproduite
dans une lettre du 25 floréal (115 mai), adressée à un ami de
Basse-Bretagne, et destinée par La Tour d'Auvergne lui-même
à une sorte de publicité. (1).
Celte lettre est comme le testament politique de La Tour ·
d'A uvergne. Trente-sept jours après, le 21 juin 1800, il arrivait
aux avant-postes, et six jours plus tard, il tombait combattant
aux premiers rang à la tête de sa compagnie.
Quelque temps après, sa nièce Mm~ de I{ersauzic recevait

l'épée retirée de la main du glorieux mort, et attaché à cette
épée, un Christ d'ivoire que La Tour d'Auvergne avait rapporté
d'Espagne, et qui avait fait avec lui toutes ses cam­
pagnes (2). Partout proscrite. l'image du divin Crucifié avait
un asile sûr dans le hâvresac du [Jrcmie-r Grenadicr des
armécs de la Bépüblique.

J. TREVEDY,
Ancien Président du Tribunal civil de Qllimper .

(-1.) Lettre à Guilmer, lib l'aire à Morlaix : Ca]ohnr, Notice historique.
(i84.i) p. 59 Capitaine Pineau p. H6-H 7. Cette phrase écrite dans
un P. S. est destinée aux concitoyens de Guilmer, c'est-à-dire aux
Morlaisiens qui avaient vu souvent Corret, puis La Tour d'Auvergne.
Le P. S. commence ainsi: « Veuillez bien... être l'interprète de mes
sentiments de gTatitude auprès de vos concitoyens ... » Puis vient la
phra~('.
(2) Calohar, p. 85. M. du Chatellier, p. H .

- 342-

DEUXIE E PARTIE

Table des mémoires et documents publiés en 1907

'" , cIO' , , . _

L'impôt du Vingtième à Audierne en 17~H par M. LE
CARGUET .................................... ....

Notes sur les anciens chemins de la paroisse d'Elliant,
par M. le Vie DE VILLIERS DU TERRAGE ............. .
Le Roman de La Tour-d'Auvergne, par ·M. J. TRÉVÉDY ..
Le District de Pont-Croix (1790-179~). Le Port d'Au-
dierne. La Défense des côtes. La Pêche à la
sardine, par M. l'abbé J.-M. PILVEN ..............
Rennes et ses abords à l'époque gallo-romaine, par M.
le Dr C.-A. PICQUENARD ...........................
Un Mariage manqu.é par La Tour-d'Auvergne '? par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . ........ . ..........
Notice sur le château de Kerjean (commune de SI_VOU­
guay), par M. C. CHAUSSEPIED ....................
Relation de la fouille du tumulus du Mouden-Braz, en
Pleudaniel (Côtes-du-Nord), par MM. A. MARTIN, et
l'abbé PRIGENT. (planche) ...... ....... " ........ "
La Tour d'Auvergne-Corret et la maison de Coigny, par
Pages

109
118
124
146
M. J 10 rrRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

Eglises et chapelles du Finistère (suite) ; 7

article, voir
tomes XXX à XXXII) : Doyennés de Plabennec (fin) et
Ploudalmézeau, par M. le chanoine PEyRON .......... .
Le chevalier Calloet de Lanidy (17~3-1782), par M. le

is B' 'A
DE .REMOND .P' RS . . -................. . .......

. -.; .'! ' . . ' . 4:l~h~.:L~:;Grand ~t)es ~·anciennes chroniques (878-888 ... ),

- . . . .. pa~M,; . )e D~C.-A. PICQU- ENARD .................

MémOIre ivédlt concernant La Tour d'Auvergne-Corret,

. ·par .... M. · J: TRÉVÉDY ..... . _ . .. ................

" Eiât di·' mes services", mémoire autobiographique
. ": . { dh navigateur y .-J. de; Kerguelen-Trémarec, publié
. ' - '. par M.H-.BoURDE ·DEl';A', ·RoGERIE. " ........ ' .....

199

213
220

, Note sur le groupe dit du Cavalier et de l'Anguipède, à
propos de l'exemplaire de Kerlot, près de Quimper, par
M. ALFRED ROUSSIN .............................. .
Le dolmen de Magoer-Huen (Ile de Groix), par M. L. LE

PONTOIS,. ................... . .... ,. ........ lOlO lOlO

Autour de Locamand (aneiennes limites de la paroisse,
monuments mégalithiques, fourches patibulaires), par
M. le Dr C.-A. PICQUENARD, .......................

La Roche gravée de Stang-Bilérit, découverte à l'île de
Groix (Morbihan), par MM. le commandant LE PONTOIS
etP. DU CHATELLIER (planche) .. ................... .
Restes de rétablissement gallo-romain de Kerillien, en
Plounéventer, par M. le Chanoine J .-M. ABGRALL .....
Enlèvement d'une jeune fille à la Pointe du Raz par les
Hollandais au commencement du XXIIc siècle, par

Pages
293
300
304
313
315

H. LE CARGUET.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321,

SOCIETE ARCHEOLOG

DU FI N .STt:RE

Hôte' de Ville

29107 QUfM