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Bulletin SAF 1907


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Relation de la fouille du tumulus du Mouden-Braz, en Pleudaniel (Côtes-du-Nord)

A. Martin, Abbé Prigent

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1907 tome 34 - Pages 146 à 178

en PLEUDANIEL Côtes-du-Nord

Le département des Côtes-du-Nor:i vient de nous livrer
une nouvelle sépulture du bronze à belles pointes de flèche
en silex, avec un mobilier plus nombreux, plus varié, plus
riche que tous ceux rencontrés jusqu'à ce jour dans les
monuments de l'espèce et qui sont l'apanage exclusif de la
presqu'lie armoricaine (1).
Le tumulus est situé dans la commune de Pleudaniel,
canton de Lézardrieux, à 1500 mètres environ dans le Sud­
quart-Sud-Ouest du bourg et à quelques cents mètres à droite
de la route de Pontrieux à Lézardrieux, par le travers du
village de Ty-Roué. Pour y accéder, prendre au village de
la Rue, un peu au Sud de Ty-Roué, un petit chemin de tra­
verse, allant au Nord-Est, qui bientôt vous fera arriver au
champ où il s'élève et qui porte au cadastre le nom de
Mouden-Bras (la grande butte). Les deux champs contigus
au Nord s'appellent Mouden-Bihan (la petite butte) et Mouden
(la butte). Il est probable que trois tumulus ont existé cn cet
endroit, dont deux ont disparu. Celui qui reste n'a guère que

30 de hauteur sur 25 mètres de diamètre 'à la base. A la
place qu'il occupe, le terrain presque plat vers l'Est, s'inflé­
clIit d'une façon assez prononcée dans les trois autres direc­
tions. Son altitude est de 45 mètres et sa distance à la
rivière du Trieux, à vol d'oiseau, de mille mètres.
L'enveloppe tumulaire se compose de terre arable superfi­
cielle sous laquelle existe une couche, de Om 30 d'épaisseur,
d'un mélange de terre et de pierres. Vient ensuite une terre

(i) A. MAllTIN. Les sépultures al'llloI'Îcaines du bronze à belles poinies de
flèche. en :Jilex. Ânthropologie, 1900.

argileuse, peu homogène, en . assises de couleurs variées et
très irrégulièrement agencées, produit de l'apport de maté­
riaux pris au hasard dans un fond de prairie, de vallée, et
entassés sans ordre. L'aspect en eut été déconcertant pour
les fouilleurs habitués aux belles argiles spéci3les, d'une
homogénéité, d'une uniformité de texture et de couleur par­
faites, qui sont, dans la région, la caractéristique de ce genre
de monuments, si, à chaque pelletée de terre enlevée, ils n'eus­
sent aperçu, sur la paroi que l'outil venait de dégager,les larmes
noires provenant des parcelles de charbon coupées et écra­
sées, indice certain qu'on est bien en présence d'une butte
funéraire préhistorique. Cette couche est la plus importante .
. Dessous, il y en a une moins épaisse, faite d'argile brune assez
homogène; puis enfin l'on trouve une mince couche de fine

argile rougeâtre très chargée d'oxyde de fer et d'une dureté
telle qu'il a fallu employer la pioche pour l'entamer. La
première impression a été que cette argile avait subi l'action
du feu, tant elle était compacte et rougie en certaines
parties (1). Elle occupe toute la superficie de la base du

tumulus sur une épaisseur de quelques centimètres seule-
ment; mais, au milieu, à l'endroit de la sépulture, elle
s'épai5sit et forme un léger dôme, atteignant près de Om 40

de hauteur, qui recouvre entièrement celle-ci. Sa couleur

est brun rouge, avec feuillets stratifiés, plus foncés, de con-
Cl'étions ferrugineuses, alors que la même argile, sur laquelle

le mobilier funéraire a été déposé, est tendre et de couleur

(1.) M. KERFORNE, docteur ès·sciences, chargé de conférences à la Fa­
culté de Rennes, qui a bien voulu s'intéresser à notre découverte et
mettre sa science au lIervice de l'archéologie, a examinè d'importants
échan tillons de cette argile . Voici ce qu'il dit: .
« Les petits bancs ferrugineux trouvés dans le tumulus du Mouden­
« Bras représentent des parties concrétionnées résultant de la circulation
« dans la masse tumulaire d'eaux m étéoriques chargées d'oxydes de fer.
« Des formations analogues se présentent souvent dans les masses
« argilo-sableuses et même sableuses. Quelquefois aux oxydes de fer
« se joint de la silice ou du calcaire suivant la composition des eaux.
« C'est le même processus de formation que pour l'Alios des Sables
« des Landes. li

gris-clair, les infiltrations des eaux chargées d'oxydes de fer
n'ayant pu pé. nétrer jusque-là, grâce à la protection du dôme .
Ici, contrairement à ce qui a été constaté dans la grande
majorité des tumulus du même genre, où les cendres et
ossements incinérés du mort, ainsi que les armes et objets
déposés près de lui, se trouvaient entre deux couches de bois
pourri donnant lïmpression d'une sorte de cercueil, le mobi­
lier fl!néraire et les restes du mort ont été placés directement
sur le lit d'argile grise puis recouverts d'un plan de bois,
d'un couvercle, dont la décomposition sur place a gardé la

forme très singulière qu'il a été possible de reconstituer avec
une certaine précision. Le dessin ci -contre en rend mieux

compte que toute description. On
dirait une énorme pointe de flèche de
3m 60 de longueur, très aiguë, mesu­
rant 1 mètre de largeur à la base et

40 un peu plus haut, à l'endroit
où se montre une forte protubérance
sur un des côtés. C'est dans l'espace
ainsi délimité par le bois pourri du cou­
vercle qu'ont été recueillis les nom­
breux objets constituant le mobilier
funérail'e de cette riche sépulture.
Voici clans quel ordre ils furent
rencontrés:
En a., un poignard en bronze repo­
sant directement sur l'argile et que
nous désignerons sous le nom Poi­
gnard n° L

En b, une hache en bronze, dite
Ech. {liDO no 1, aussi sur l'argile .

AIRE DE L~:EPULTURE En c, deux haches en bronze, nos '2
DISPOSITION DU MOBILIER et 3, sur l'argile.
En d, sous une grosse pierre de 0,30 x 0,15 et 0,12 d'épais-

-, 449
seur, 36 pointes de flèche en silex, déposées en tas sur l'ar­
gile Une couche de bois pourri se trouvait entre elles et la
pierre, prouvant que celle-ci aurait été placée sur le couvercle
et n'est venue recouvrir les flèches que bien plus tard, quand
le bois s'est décomposé; La place où nous l'avons trouvée ne
serait pas intentionnelle, mais un simple effet du hasard.
En e, un disque de bronze, avec un rivet au centre, sur
l'argile.

En r, un autre poignard, n" 2, sur l'argile.
En g, sur un espace de Om 40 sur Om 40, au milieu d'un

fouillis de bois, d'argile, de cendres, de matières osseuses
incinérées ou non, apparurent quatre poignards, quelques­
uns fort endommagés, nos 3, 4, G et 6; une grande hache
no 4; une plaque de grès rouge; up aiguisoir ' en schiste;
des épingles ou fragments d'épingles et une coquille (denta­
lium). Mais" cette fois, tous ces objets étaient entre deux
couches de bois pourri qui firent songer aux boîtes signa­
Lées par des explorateurs de monuments similaires.
Enfin en h, dans les mêmes conditions, c'est-à-dire avec
. bois dessus et dessous, sur un espace de O,GO X 0,20,
deux poignards, nOs 7et 8.
En cheminant de l'un à l'autre de ces objets, isolés ou
groupés, on rencontrait, un peu partout, du charbon, des
cendres et des parcelles d'os. Il va sans dire que la sur­
face entière délimitée par le bois du couvercle a été minu­
tieusement explorée, que les armes ont été enlevées avee
une partie de la couche sous-jacente et mises dans des boîtes
remplies ensuite avec les poussières de toute nature ramas­
~ées autoùr d'elles, et qui ménagent souvent d'intéressantes

surprIses.
C'est quand tout cela a été bien sec que chaque objet a pu
être examiné et étudié avec le plus de soin possible, longue­
ment et attentivement. Voici les résultats de cette étude en
suivant l'ordre dans lequel se sont faites le~ découvertes .

- t50 . .

Poignard no 1 (PL '1, fig. 1) .
Il n'en reste que le haut, sur une longueur de 0,13. Lame
triangulaire, plate, épaisse . au milieu de 0,004, large de
0,08~ au talon, décorée sur les deux côtés, de quatre filets
en creux de D,DOt de largeur avec intervalle de O,OOt entre
eux. Sur un des bords, où les filets ont disparu, et presque
à toucher le tranchant, le foisonnement du carbonate de
cuivre a dessiné les contours d'un objet appliqué sur la lame
parallèlement à ce tranchant. On verra plus loin quel devait
être cet objet. Les cloisons-limites sont visibles sur les deux
plats, atteignant jusqu'à 0,007 de hauleur

en un poin!;
leur courbure a 0,004 de flèche et les cintres centraux 0,0'16
d'ouverture. Des six goupilles disposées sur un arc de cercle
parrallèle à la cloison et tangent au sommet du cintre,
quatre sont en place, trois d'un côté, une de l'autre. Elles
sont en partie enchassées dans les restes du bois du manche,
adhérents au talon et l'on distingue nettement les cylindres­
gaînes en bois qui ·les enveloppent, ai nsi que deux rondelles
de tête. Le talon, assez .~levé, près de 0 ,03, n'a pas de soie,
mais présente une particularité non encore rencontrée. La
cloison-limite se prolonge des deux bords en · se redressant

à angle droit très arrondi de façon à embrasser le bas du
. manche, à le délimiter. Il n'y a donc pas eu évasement du
. manche à sa base, cette tentative de croisière indispensable
pour la tenue des goupilles extrêmes, généralement placées
très près des bords du talon dans les armes de ce genre (t).
Ici, celle qui reste est à 0,008 de la cloi~on redressée, distance
bien plus grande qu'à l'ordinaire et certainement carculée en
vue de cette nouvelle disposition.
Les deux goupilles milieu sont distantes de 0,0:28 de centre
à centre, les autres, de l'une à l'autre de 0,010; elle sont

(!) A. l\fARTI:>I. Le tumulus de Rumédon. Bulletin de la Société Ar-
clléologique du Finistère, i904 .

cylindriques avec 0,004 à 0,005 de diamètre. La longueur
des trqis qui sont complètes varie de 0,Ot2 à 0,01~, en allant
du bord vers le milieu. Parmi les débris du bois du manche .
et particulièrement au contact des cloisons, on a recueilli
plusieurs petits morceaux d'une substance brune, transI ucide,
à apparence de gomme. Des fragments ' du fourreau, bois et
cuir, étaient adhérents à la lame où l'on voit des stries très
fines, un peu dans tous les sens, qui pourraient provenir des
poils d'une peau intérieure.
Hache n° 1
Elle reposait sur l'argile gl'ise où elle a laissé son empreinte
verdie par les sels de cuivre imprégnés. Hache pla~e, longue
et étroite, avec petits rebords arrondies plus larges que de
coutume. Elle a beaucoup souffert de l'oxydation qui s'est
attaquée surtout au tranchant et à la crosse où le métal
gonflé s'est divisé, dans le sens de l'épaisseur, en nombreuses
stratifications entrebaiflées. Vers le milieu, le métal dur et
poli se montre en quelques endroits où l'épaisseur a donné
0,006. La tongueur est actuellement 0, 1~~, la largeur
de 0,03 près de la crosse et de O,O~ au tranchant, défalcation
faite des boursouflures. Aucune hache de cette forme n'a
encore été trouvée dans ces sépultures. On pourrait l'appeler
hâche-ciseau.
Hàche no 2

En mauvais état. L'oxydation a fait disparaître les rebords.
Longueur 0,087 ; largeur au tranchant O,0~7, vers le milieu
0,04'1, au bas de la crosse 0,03~. Epaisseur indéterminable.
Elle reposait sur un lit d'argile et de cendres avec débris
d'ossements dans lequel elle a laissé son moule à surface

lisse, bien unie, d'un beau vert clair. Le dessous de cette
couche verte, de un à deux millimètres d'épaisseur, est

·152

rugueux, à globules blancs agglomérés que nous prîmes tout
d'abotd pour une substance osseuse dont la hache aurait été
enveloppée, car cette formation globuleuse se retrouvait aussi
à la partie supérieure. Mais un examen postérieur a démontré
qu'elle était de là même nature que [es produits verts et bleus,
c'est-à-dire des sels de cuivre blanchis en se déshydratant.
Près d'elle se trouvait une autre hache (n° 3), vrai bijou
si elle avait été entière, plate, à petits
rebords bien nets, à tranchant très convexe
et coupant, d'une conservation parfaite.
D'ailleurs les deux seuls fragments recueil-
lis, d'un métal presque blanc par déshy­
dn'ltation, sont indemnes d'oxydation, avec
faces lisses, sans boursouflures. Epaisseur
Ech. !/2 maximum 0,0031), largeur à la corde du
HACHE N° 3 tranchant 0,03, longueur inconnue. Aucune
ne répond mieux à une destination votive .

Objet en bronze
Un peu dans le Sud de ces deux haches, on.a rencontré
un disque en bronze, grossièrement ovaJaire, avec brisures
sur tout le pourtour, ayant O,o~ dans un sens et 0,031) dans
l'autre, son épaisseur variant de 0,003 à 0,001). Au centre,
un rivet cassé ' au ras d'une des faces de la plaque et débor­
dant de 0,006 sur l'autre. Cylindre de 0,006
de diamètre. Les deux plans du disque por­
tent des stries brunes, toutes dirigées dans
le même sens, dues à l'application de bois
dont les fibres se sont incrustés dans le
bronze d'une couleur vert foncé. On pense
Ech. 1/2
au manche d'une arme, d'un outil; mais DISQUE EN BRONZE
pas un de nos poignards n'a cette épaisseur AVEC RIVETS
au talon, et comme tout autour du rivet il y a au moins O,OH>

- 453

de métal où l'on ne voit pas trace de troüs d'autres rivets et que
jamais un tel écart entre les goupilles ne s'est présenté sur les
plus grands glaives, il fautchercher ailleurs la solution du pro­
blème. Serait-ce la crosse d'une hache dont le manche en bois

aurait été maintenu par un ou pillsieurs rivets? nous aurions-
là un cas nouveau mais possible. Cependant la disparition

complète de la hache . elle-même, beaucoup plus épaisse, ne
laîsserait pas que d'être assez inexplicable. Nous croyons

plutôt à un objet inconnu jusqu'ici. Le Mouden-Bras est

fertile en nouveautés .

Il est à noter que le rivet de ce disque à toute l'apparence
de nos autres goupilles.
Pointes de flèche

On en a receuilli 36, ogivales, à ailerons et pédoncule,
absolument intactes, qu'il faut diviser en deux lots de 18
chacun. Dans le premier, elles sont en silex jaune de miel,
translucides sur les bords, peu épaisses, d'un travail très
soigné, tout à fait semblables à celles des tumulus de Porz-ar­
Saoz, de Kergourognon (tl et du Tossen-Maharit (2) de la
même région des Côtes-du-Nord. Leur longueur varie de 0,028

à 0,0:37. Dans le second lot, le silex est gris, opaque, avec
taches plus claires, blanchâtres, quelquefois en bandes trans­
versales, Elles sont épaisses, carénées, d'un travail plus
grossier, à plus grands éclats de retouche. Longueurs de
0,023 à 0,030. On est surpris de trouver associés dans la
même sépulture deux produits si dissemblables comme
matière et main-d'œuvre .

(i) Abbé PI\IGE~T. Les tumulus de Porz-ar-Saoz, en Trémel, et de
Kergourognon en Prat. Mémoires de la Société d'Emulation · des Côtes-du­
Nord. Années I880-l88!.

(2) A MARTIN. Le Tossen-Mahal'it, en Trévérec (Côtes-du-Nord), mêmes

Poignard n0 2. (Pl. 1 fig. 2)
La pointe et tout le talon manquent. Lame plate, triangu­
laire avec filets en creux visibles sur une des faces; longueur
actuelle 0,13, largeur eo haut 0,055, en bas, à la cassure 0,026.
Ce débris serait sans valeur s'il ne portait, sur l'un des plats
de la lame et tout à fait sur le bord, parallèlement au tran­
chant, une épingle de couleur violet foncé, presque noire,
soudée à cette lame par l'oxydation. Elle mesure 0.075 dè
long ; sa tête est triangulaire, aplatie. La place où nous
l'avons trouvée paraît bien être celle qui lui était destinée
comme annexe du poignard, en dedans ou dans l'épaisseur
du fourreau dont quelques débris la recouvraient.
Pareille' découverte avait été signalée par l'un de nous, au
Kergourognon.Voici la description qu'il en donnait: «( Enchas­
, «sée dans le ·fourreau, (il s'agit d'un poignard) est une
«( épingle qui suit la direction de la lame, commence à 0,012

« au-dessous du bois d'emmanchement et est à 0,007 du

«( rebord. Elle est faite d'une tige de bronze de 0,004 de dia-
« mètre; longueur inconnue, la cassure du poignard ayant
(c amené celle de l'épingle. La tête est formée d'un petit cercle
« ayant 0,017 de diamètre extérieur ». (1).
Au Rumédon l'un de nous a aussi recueilli, près
d'un poignard, mais pas sur la lame, une épingle semblable
faite d'un fil de bronze de 0,0028 d'épaisseur, longue de

0,056, avec tête en anneau de 0,009 de diamètre intérieur
(2). Il n'est pas douteux que l'espèce de moule signalé
sur un des plats de la lame du poignard n° 1 ne pro­
vienne d'une épingle à tête aplatie, triangulaire, mais plus
grande que celle du poignard actuel, et placée exactement
de la même façon que sur ce dernier et sur celui du
Kergourognon.

(i) Abbé PRIGENT, loc. cit.
(2\ A. MARTIN, loc. cit.

GROUPE 1

C'est le plus important de la sépulture comme nombre et
variété d'objets, si ce n'est comme richesse des armes. La
pierre et le métal y sont représentés. Nous avons vu qu'il y
avait ici un dispositif différent pour le dépôt du mobilier. Il
est placé entre deux couches de bois pourri, ce qui nous a
fait donner à l'ensemble, au moment des fouilles, le nom de
boîte 1. Nous reviendrons plus lOin sur cette questlon d'enve-

loppes spéciales à des armes ou groupes d'armes.
Objets en pierre

Plaque de grès. Elle est en grès siliceux rougeâtre, à
grains fins, ayant la forme d'un carré peu régulier aux quatre
angles arrondis. Largeur dans un sens 0,065 et 0,062, dans
l'autre 0,0;54 et 0,0;56 ; épaisseur 0,016 à 0,018. Les deux
grandes faces ont une légère convexité et les angles du pour­
tour sont abattus, peut-être usés. Les débris d'une enveloppe
en peau ou cuir étaient visibles dessus et dessous. . On
trouve ce grès dans le pays.
Excellente pierre à aiguiser, très mordante. Elle devait
faire l'office préparatoire des meules de nos jours et le fil
définitif à donner aux tranchants était obtenu avec l'outil
suivant: ,
Aiguisoir. ' En schiste gris bleuté foncé, long de 0, H8,

large de 0,0:2 et épais de 0,01 ; les deux bouts coupés nette-
ment, normalement à l'axe. On voit sur les tranches une
quantité de fines stries qui semblent indiquer que la section
est due à une scie en silex. Sur les deux faces latérales, des
longues stries pourraient avoir la même origine.
Les deux grandes faces seulement ont servi pour l'aigui­
sage; elles sont lisses, polies, avec légers gondolements .

La pierre n'est pas trouée. Au moment de sa découverte

elle était entièrement enveloppée d'une gaine en cuir ou peau.
Objets en Métal
, Poignard n° 3. ' Fort endommagé. Lame plate, très
légèrement bombée au milieu, triangulaire, ornée de trois
filets en 'creux. Le talon, sans soie, montre quatre goupilles

brisées et une partie des trous des deux autres. Distance
entre celles du millieu 0,022, entre chacune 0,006. Tranchants

et pointe rongés par l'oxydation. Longueur actuelle 0,10,
largeur à la cloison dont quelques traces apparais~ent 0,052.
Débris insignifiants du fourreau.
Poignard n° 4. Il n'en reste que deux fragments.
L'un de 0.03 de long sur o.o~ de large, appartient au haut
de la lame avec une partie du talon où se voiQnt seulement
trois trous incomplets de goupilles. Il y en avait six. Indica­
tion neUe de la cloison limite et du fer à cheval sur les deux
faces; mais ils sont constitués par une lamelle d'ivoire qui
se dresse isolée, entre les débris du bas du manche, aussi en
ivoire, et la chape du fourreau en gros cuir, que la dessication
a éloignés d'elle. Ses fibres sont transversales alors que celles
des restes du manche sont dirigées suivant l'axe de la lame.

Peut-être la cloison ,en bronze a disparu et cette lamelle
éburnéenne appartenait-elle, comme motif de décoration, au
haut de la chape du fourreau, car elle ne pouvait remplir le

rôle de buttoir, assigné à la cloison métallique soudée à la

lamQ. Le second fragment, large de 0,03 sur 0,02 de hauteur,
représente une partie de la lame, vers le milieu de sa longueur.
Le métal, presque blanc, est d'une belle conservation; on
aperçoit, des deux bords, deux filets en creux plus large qu'à
,"ordinaire. C'était encore un poignard à lame plate, trian-.
gulaire, épaisse seulement de 0,002 près de la cloison, de
0,001~ sur le deuxième fragment, et de 0,001 au haut du
talon, c'est-à-dire sans valeur comme arme de combat, ce qui

457 -

est d'ailleurs la note générale pour toutes celles de la sépulture.
poignard n° 5. Il est aussi très ' abîmé même lame
triangulaire plate, peu épaisse, fortement rongée sur les bords
où les filets en creux o"nt disparu. Longueur actuelle 0,195:
Sur le talon il reste deux des six goupilles, celles du milieu,

distantes de 0,028, et des débris du manche en ivo"ire sur

lesquels existent des trous de clous d'or disposés sur un rang
qui suit, à 0,002 de distance, le tracé de la cloison et du cintre
médian. -- La largeur de la lame, en cet endroit, n'est plus
que de 0.05 ; elle devait être de 07, (PI. l, fig. 3) .
Poignard n° 6. . Le talon, rongé sur les bords, a conservé
sa longue soie intacte; elle a 0,02 de longueur sur 0,018 de
largeur à la base, en forme de langue de chat. Il a encore
quatre de ses six goupilles, en mauvais état, mais pOUfYUeS
cependant de leurs gaines ou cylindres enveloppants en ivoire.
Distance des centres des deux du milieu 0,028.' La -lon­
gueur' actuelle, y compris la soie, est de 0,14 et la largeur;

au talon, de 0,065. De nombreux restes du manche en
ivoire entourent les goupilles et l'on y remarque une rangée .
de trous de clous d'or placés de 'la même façon que tout-à-

l'heure, à 0,002 de la cloison et du cintre dont ils répètent le
motif ornemental.

Sur sa lame, décorée de trois filets en creux, adhèrent d'irn-

portants fragments du fourreau ayant l'apparence d'une sub-
tance osseuse ou éburnéenne revêtue de cuir. La chape
remonte dans le cintre. (Pl. II, fig. 1). .

Hache n° 4 ou Grande Hache. Au moment de la décou-

verte elle était enveloppée d'un étui en bois épais recouvert de
cuir. Nous examinerons successivement les deux faces.
1° Face reposant SU?' le pLancher. Sur la crosse longue
de 0,04, épaisse au bas de 0,007 et presque coupahte en haut,
existe un important morceau du bois du manche. 'Sur un des
bords on distingue des restes de ce lui a pu être une cloison

poignard n° 1 ; mais la détérioration est trop grande pour pel'.
mettre de l'affirmer. Sur tout le plat de cette face, c'est un foi­
sonnement de carbonate de cuivre qui a épaissi l'arme sans la
déformer. Rien de cette décomposition en couches stratifiées et
entrebaillées signalée sur les haches 1 et 2. A un ou deux

centimètres du tranchant, le foisonnement cesse, le métal plus
blanc se montre lisse et net.; mais il y a des ébrêchures
dont on a pu réparer quelques·unes avec des morceaux

retrouvés dans les poussières.

Face supérieure. Après avoir enlevé une grand plaque
de cuir et de nombreux débris de bois de l'étui, nous avons
eu sous les yeux, en plusieurs endroits, des fragments d'étoffe,
d'un tissu dont la contexture est semblable à celles de nos
toiles actuelles. Cette étoffe était en double ou en triple; sur
certains points elle n'a laissé que l'empreinte de sa trame
granulée. Nous l'avons imbibée de vernis à tableau qui, nous
l'espérons, la préservera de la destruction. Puis viennent des
sels de cuivre verts et bleus, moins épais que sur l'autre face.
- Au cours de notre examen, une grande plaque s'en est
détachée, qui comprend près de la moitié du plat de la hache .
et tout un de ses bords, mettant à nu la hache primitive dans
toute sa beauté (' 1) hache plate dont la coupe longitudinale
affecte la forme d'un fuseau plus allongé d'un bout que de

(t) Nous devons encore à M. KERFORNE, qui a examiné notre hache, la
trés intéressante communication suivante: .
c( La surface unie de la hache en bronze recouverte par une couche
« concrétionnée de sels de cuivre me paraît être la surface primitive de
« l'arme, étant donné la netteté de son poli et des arêtes qui la terminent.
« La couche cuivreuse qui la recouvre provient cependant de l'oxydation
l( du bronze de la hache eUe-même. L'altération du bronze aurait donné
« lieu à deux formalions distinctes ;. io Une masse compacte, plus ou
« moins transformée en sels cuivreux, présentant à peu de chose prés le
« volume primitif. 2° Une croûte superficielle, concrétionnée, vasculaire,
« dt' faible densité, qui, étant donné sa structure, peut, sous un ,"ulume
« assez considérable, ne provenir que de l'altération d'une partie à peu
« prés inappreciable à l'œil de la hache elle-même. Ce foisonnement de
« la croûte peut encore être augmenté par la nature de la matiére entou­
« rant l'objet; il est en rapport avec la solubilité relativement grande
c( des sels de cuivre. »

l'autre, les bords légèrement convexes avec rabattement du
métal sur les deux plats pOUL' former un tout petit rebord que
l'oxydation superficielle a laissé iùtact.
Longueur totale 0,180, largeur au tranchant 0,09, au bas

de la crosse 0,048 et à son extrémité 0,037. Epaisseur maxi-
mum au milieu 0.10. Cette très belle arme méritait bien les
égards dont témoigne la triple enveloppe à laquelle nous
devons peut-être sa conservation. Elle pèse 3;S2grammes.

En Armorique, dans les sépultures dont il est ici question,
il n'avait pas été signalé jusqu'à ce jour de découverte d'un
tissu ayant enveloppé des armes. En Angleterre J. Evans, dans
son l'Age du bronze " (1) cite un fourreau de poignard en
boii doublé de linge (p. 253) et, plus loin, un :l 2
fourreau d'inst.rument doublé d'étoffe (p. 39~).
Epingles. Elles sont au nombre de quatre.
La première est en bronze; tige à section
carrée, aux angles arrondis, avec tête triangu­
laire aplatie. Longueur 0,02!) ; toute la pointe
manque. C'est la sœur, plus petite, de celle
du poignard n° 2 (1).
La seconde est entière; elle mesure 0,10 de
longueur et sa tête est formée d'un aDneau de
0,013 de diamètre extérieur et 0,007 à l'inté­
rieur (2).
De la troisième nous n'avons qu'un bout de
la pointe deO,036 de longueur et de 0,004 de
diamètre' à la cassure (3).

Ech. 1/2

EPINGLES
Enfin de la quatrième il ne reste que 0,016 de la pointe,
plus fine que la précédente (4). '
Ces trois dernières ont la même couleur violet foncé, et, au
centre des tiges, existe une âme tout à fait noire. Les surfaces
sont rugueuses, craquelées . . Au moment de leur découverte,

(i) Age du bronze de la Grande Bntagne et de l'Irlande. Traduction
'V. BATTIER.

elles apparurent toute blanches et nous les prîmes pour des
épingles en os. Exposées à l'air, cette couleur blanche dispa­
rut rapidement, se teinta de violet pâle fonçant à vue d'œil
pour devenir ce qu'elle est restée Nous avions donc là un
nouveau métal qu'il importait au plus haut point de détermi­
ner. Nous réservâmes, dans ce but, le grand fragment de la

pointe de la troisième épingle, plus grosse que les autres et
d'une conservation meilleure. C'est pendant le séjour de l'un
de nous en Algérie que cette détermination a pu se faire
grâce à J'obligeance de M. Pouget, chargé de Cours aux
Ecoles Supérieures d'Alger, qui s'est mis à sa disposition, de
la façon la plus aimable, pour analyser cet objet. Voici le
résultat de son travail :
« L'épingle est formée de chlorure d'argent presque pur;
« sa densité 5,6 (celle du chlorure d'argent naturel ou
lJ cérargyrite 5,5).
« L'analyse chimique donne les résultats suivants:
Chlore 23,9 0/

« Pour la partie externe violacée

Argent 74,2 %'
l( Les chiffres relatifs au chlorure d'argent pur sont :
« Chlorure 24,7 et argent 75,3.

« Le dosage du chlore, dans la partie interne noire,
« donne 23,6 %.

0: L'épingle paraît donc homogène et contient environ 98 à
« 99 % de chlorure d'argent pur.
« Elle ne contient certainement pas de cuivre et le plomb
« n'a pu y être décèlé non plus. »

On ne peut admettre que nos préhistoriques connussent le
chlorure d'argent, d'ailleurs peu propre à la fabrication d'ob­
jets usuels qui réclament solidité et, dans le cas actuel, régi­
dité. La chloruration s'est faite par la suite des siècles, sous
l'action d'agents chimiques du gisement. Ces épingles, à
l'origine, étflient donc en argent, et l'une d'elles, celle analy-

sée, en argent très pur, sans mélange de plomb. Et si, comme

le dit l'archéologue suédois bien connu Hans Hildebrand
« l'expérience prouve que le peuple qui possède l'argent et le
(( plomb, possède aussi généralement le fer; ainsi ce peuple
n'a pas un âge de bronze pur. ») (1) On serait en droit d'émet­
tre un doute sur la pureté de l'âge du bronze dans nos sépul·
tures à belles pointas de flèche en silex, pendan t toute leur
durée. Le Mouden-Bras, avec ses épingles d'argent, comme le
tumulus à dolmen de Carnoët (Morbihan\, avec ses chaînes
d'argent, pourraient appartenir à une phase de cette longue
période où le fer aurait fait son apparition, bien que sa pré­
sence n'y ait pas été constatée. Déjà, 'en '1890, le commandant
Le Pontois, parlant des monuments de l'espèce connus alors,
et auxquels appartenait le tumulus de Cruguel qu'il venait de
fouiller, s'exprimait ainsi, à la fin de son rapport:
« Dans les relations de ces fouilles, on ne signale aucune
(( trace de fer; il ne faudrait pas s'appuyer sur ce document
(( négatif pour conclure que le fer n'était pas encore employé
(( . à l'époque où ont été élevées ces sépultures (2). »
Il y a là comme un pressentiment de ce que J'avenir pour­
rait bien nous réserver .
Les débris divers et poussières ramassés autour des objets
qui viennent d'être décrits ont livré un grand nombre de
fragments de matières osseuses que l'examen à la loupe a
permis de classer facilemen t en deux grou pes distincts, l'un
composé de parcelles d'os incinérés, de couleur brune, d'aspect
poreux, friables, l'autre, bea ucou p plus nombreux, constitué
par des morceaux, quelques-uns d'une certaine impe-l'tance,

d'une substance blanchâtre, lamellaire, ayant la structure à
zones concentriques de l'ivoire et provenant des manches et
peut-être des fourreaux. On y a recueilli aussi plusieurs
goupilles; un fragment de la base d'un manche en ivoire avec
(1) Congrès international d'Arhéologie préhistoriqlle. Session de Stockholm
1874.

(2) Le tumulus du Cl'ug-uel, en Guidel (Morbihan). ReUlle Archéol. i890.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. 'TOME XXXIV (Mémoires) 11

~62 .n
rangée detrous de clous d'or; un autre fragment,bronze et ivoire,
encore du bas d'un manche, avec une quarantaine de trous de
clous d'or dessinant tout le cintre de la cloison-limite; puis,

Ech. i/2
OBJET EX IVOIRE
un petit objet que nous prîmes tout d'abord
pour une dent. C'est une sorte de parallélipi­
pède rectangle, incurvé, haut de 0,0- 12, dont
les bases inégales ont 0,007 et 0,000 de côté.
Les quatre grandes faces son t polies, de couleur
brun rouge, alors que les deux bouts, détériorés, laissent voir
la substance intérieure, brun jaunâtre, lamellaire, les lamel­
les longitudinales. Peut-être manche d'un petit outil, poinçon
ou alène, ou tête d'épingle, détachés dans un bloc d'ivoire l11.
Enfin, la récolè des · clous d'or a été de 1333 .

L'ivoire dont se sont servi les préhistoriques du bronze
pour leurs armes et outils' pourrait provenir de dents de
phoques, morses ou autres amphibies des mers du Nord. Leurs
relations avec les peuplades des Iles Britanique~ devait leur
procurer facilement cette matière.
(t) Voilà ce que nous avions écrit; mais un doute !\ubsililtait toujours
dans notre e5prit au sujet de la nature de cet objet. Je l'ai apporté avec
moi en Algérie et je l'ai soumis à l'examen de mon ami M. G.-B.-M.
FLAlIAND, chargé de Cours aux Ecoles supérieures d'Alger, géologue et
ar-chéologue. Il n'en restait qu'une moitié à peu près intacte, séparée dans
le sens de la longueur, et quelques petits fragments de l'autre moitié
presque entièrement désagrégée. C'est avec ces éléments que M. FLA:\IAND
a rédigé la note trés étudiée et très compléte que je suis heureux de
reproduire ici et qui vient confirmer scientifiquement l'opinion que nous
avions émise en nous basant sur une simple impression du premier moment,
et par suite très discutable. Les deux collaborateurs à ce compte rendu
lui sont d'autant plus reconnaissants du ConCOUl'S qu'il a Dien voulu leur
prêtel' en cette circonstance que la détermination de la nature de ce petit
objet prend, dans le cas usuel, une importance toute particulière, étant
donné le grand usage qui a été fait de la m ême matière dans les autres
piéceiil du mobilier du Mouden-Bras.
A. MAHTIN.
Note de M. G.-B.-M. FLAMAND
« Composition chimique. La substance qui constitue l'objet est presque
« entièrement formée par du phosphate de chaux avec des sels de fel' ;
« c'est à ces sels que sont dues les colol'ations cireuse brune et mielleuse
cc jaune des diverses parties de la masse inteme de l'objet. Cette compo­
(c sition chimique ne peut faire çlasser cette";"substance que comme

163

GROUPE 2

Comme au groupe 1 il Y avait sous les armes, ut) plancher

en bois pourri de 0,01 à 0,0 lo d'épaisseur étendu sur l'argile
« matière osseuse ou dent, chargèe à l'excès de sels de fer, ce qui s'expli-

« que facilement par les conditions du gisement. Les carbonates ont
« comp1ètement disparu. .
« Structure o Examiné à ln. loupe, puis au microscope (grossissements
« 30 et 80 diamètres) l'objet étudié montre une structure lamellaire très
« caractérisée Il est composé de finés lamelles superposées, disposées
« parallèlement au plan de la plus grande surface unie (fig. ici-contre) s s.
« Les deux parties latérales a · a' paraissent formées
« d'nne substance plus dure que celle de la partie média­
« ne (intérieure) i i formant une sorte de carapace pro­
« tectrice qui, primitivement, a été polie. Au microscope
« ces zônes (a a') latérales se montrent comme formées
« d'une masse de polyèdres irréguliers pseudo-prisma­
« tiques, emboîtés les uns à côté des autres et tl'és serrés.
« L'ensemble de cette enveloppe qui constitue ces
« zones à pseudo-prismes paraît se différencier de la
« masse centrale lamellaire, mais toutefois, en certaines
«régions, il semble bien au contraire qu'il y ait
« pénétration entre ces deux parties, les lamelles se

Ech. i/i
COUPE NORMALE
.. PARTIE

SUPERIEURE
« continuant par les pseudo-prIsmes jusqu'à la surface extérieure de a
« ou de a', ou des deux surfaces de part et d'au tre. Ce n'est peut-être
« qu'une apparence due au mauvais état de conservation de la substance.
« D'une façon générale les zones a et a' se montrent plus résistantes et
« moins altp-rées que la partie lamellaire du corps même de l'objet.
/( La partie supérieure s s qui constitue extérieurement la grande surface,
« a été antérieurement polie comme les faces latérales a a' ; elle présente
« un facies identique à celles-ci. Sa structure est néanmoins différente ;
« en effet, cette région, dans sa zone tout à fait superficielle, est constituée
« par les lamelles médianes elles-mêmes ' qui affleurent obliquement en
« différents niveaux de la surface, et non par les éléments pseudo-prisma­
« tiques des zones a a',
« En résumé, la structure qui vient d'être décrite correspond à cene
« d'une dent; la région médiane lamellaire ainsi que la partie s s (grande
« slll'face) correspondraient à la dentine ou ivoire, les zones a a' à l'émail,
« ou mieux peut-être à de la dentine rendue plus durf' à la surface exté­
« rie ure par son polissage et son usage. L'objet aurait été pris et taillé
« dans un bloc d'ivoire d'une grosse dent; nons n'avons eu à notre c1ispo­
« sition, pour les comparaisons possibles à établir, que des pièces, multiples

« il est vrai, mais n'appartenant qu'à un nombre restreint d'espèces
« (hoinme, nombreux ruminants, éléphant, hippopotame, rhinocéros). On
« ne saurait préciser à quel genre zoologique a été emprunté l'objet ici
l( analysé. (Mammifères terrestres ou marins septentrionaux) ».
Un pareil petit objet d'ivoire, taillé et poli intelltionellement, a pu servir
à tien des usages. S'il n'est qu'une partie d'un tout plus grand, son
a~similation devient plus difficile encore. C'est pourtant à la seconde

464

gris clair et qui mesurait à peu près 0,;)0 .sur 0,20, la plus
grande longueur dirigée dans le sens LIe l'axe de la sépulture.
Sur lui reposaien t deux poignards qui méritent une attention
particulière parce qu'ils n'ont pas encore eu leurs pareils dans
nos tumulus du bronze à belles pointes de flèches en silex.
Poignard n° 7. En bien mauvais état malheureusement.
Le talon manque ainsi que la pointe. Nous n'avons qu'un
fragment, de . 0, 115 de longueur sur 0,04 de largeur maxi­
mum, de la lame légèrement bombée au milieu où l'épaisseur

Ech. -1/2
en Algérie. Dans le compte rendu des fouilles faites
en i90!~, par M. DEDRUGE, aux en virons de Bougie et
classées à l'époque transitoire entre le néolithique et
le cuivre. (Extrait du recueil des Notices et Mémoires de
la Société archéologique de Constantine, année -1()(l5). La
figure de la page 21, reproduisant un certain nombre de
fragments d'objets en ivoire, en montre deux, dessinés
ci-contre In

1 et 2), ayant une grande analogie avec
le nôtre. Au musée de Mu ;tapha Supérieur, j'ai vu un
troisième objet, aussi en ivoire, et provenant des fouilles du même
archéologue, dans la même région, plus complet que les deux autres
quoique brisé vers son milieu. C'est un 3 4
croissant de 0,06 de long (no 3) à section
presque carrée, percé au centre d'un trou
rectangulaire, et dont les bouts des cornes
ont absolument le modelé des fragments :1.
et 2 ci-dessus et de l'objet qui nous occupe,
si bien qu'on pourrait le supposer avoir
appartenu à des croissants semblables, peut­
être des agrafes pour vêtements, quelque
chose comme les boutons à olive actuels
qu'on passe dans une gance. Dans le Caucase,

Ech. 1/2
par E. CHANTRE, la planche XXIX du tome deuxième, fait voir un objet en
forme de croissant avec un trou rond au milieu, mais il est en bronze
(no l~). L'auteur le désigne comme pendeloque. Le croissant d'ivoire des
grottes de Bougie et le croissant de bronze du Caucase paraissent être
bien proches parents, qu'ils aient servi de bouton, de pendeloque ou à
tout autre usage.
Dans l'ouvrage « Univers el Humanité» de H. J{RAEMER, à la page 58 du
tome V, on lit, sous la signature d'Ed. STHAUSE, la description, avec dessin,
d'un outil désigné sous le nom de « Courroie à garrot pour les forets des
Esquimaux de l'Alaska" et provenant du musée d'Ethnographie de Berlin.
C'est une courroie dont les deux bouts sont fixées a de petites poignées
en ivoire, absolument semblables comme dimensions, forme, trou rectan­
gulaire central, au croissant du musée de Mustapha Supérieur. Cet outil
sert à actionner, comme le ferait un archet des forets pour percer des
substances dures. Le rapprochement m'a paru intéressant .

A. MARTIN .

atteint 0,003t>, et dont une des faces est à peu près partout
recouverte de restes du fourreau, de couleur brun foncé,et
d'une contexture qui rappelle la corne, alors que l'autre face,
plus dégagée, laisse voir, de chaque côté, trois filets en relief
dont les deux d'en dedans viennent se joindre, à angle très
aigu, au bord de la cassure de la pointe. Ils sont placés à sept
ou huit millimètres des tranchants et chacun d'eux a un
millimètre de large; mais plus près des bords existe un autre
filet pareil laissant entre lui et le groupe de trois un méplat
de quatre à cinq millimètres. C'est près de la cassure d'en bas
où, sur deux ou trois centimètres, le métal est uni, bien a nu,
que l'ensemble de ces nervures, à faible saillie arrondie, se
présente le mieux. L'effet en est plus heureux que celui des
filets en creux ordinaires. Ces fines nervures n'avaient pas
encore été rencontrées dans nos monuments; en Angleterre
et en Irlande elles sont fréquentes, mais avec le caractère de
renforcerrlent de la lame plutôt que d'une simple ornemen­
tation comme ici. Si la soie, le talon et autres parties métalli­
ques ont disparu, une bonne chance nous a conservé quel­
ques morceaux du manche en bois. Il y en a sept dont deux
ont appartenu aux extrémités du pommeau et permettent

d'en reconstituer à peu près la forme.
Tous sont couverts de clous d'or si rapprochés que les têtes
se touchent et chevauchent même parfois les unes sur les
autres. L'un d'eux, le mieux conservé, le plus solide, est un
clou en bois, long de 0,013, à tête hémisphérique de 0,006 de
diamètre, entièrement garni de clous d'or. Il yen a près d'un
cent. Un autre débris, avec clous d'or aux deux extrémités,
fournit une indication de l'épaisseur du manche à section
ovalaire très aplatie. Enfin un fcagment montre une agglo­
mération de clous d'or tinissant d'un côté en forme d'angle

droit qui fait songer aux chevrons et zigzags du pommeau
de Normanton (1 ). Dans la reconstitution de ce manche. nous
(1.) J. EVANS. Loc. cil., p. 252.

--166 -
croyons devoir placer le clou de bois au centre du pommeau

Ech. 1/200
l\lAl'iCHE DU POIGNARD N°. 7
où il faisait saillie comme le fera plus
tard l'extrémité de la soie rivetée
en bossage. Le dessin ci-contre est
fait de tous les éléments dont nous
venons de parler, en nous inspirant
aussi du manche en bois uni, avec
grand évasement à la base, d'un
des poignards du tumulus de Kerhué­
Bras (1), le seul qui ait été trouvé
complet dans nos sépultures et dont
on ait pu prendre un dessin sur place. C'est la forme du haut du
manche, la seule partie existante, du poignard de Normanton
dont le nôtre serait l'ancêtre. Comme sur lui, les clous d'or
étaient-ils disposés, sur certains points. en dessins géomé-

triques? On est en droit de le supposer grâce au fragment
dont il vient d'être question, où les clous dessinaient u:} angle
droit. Tout porte à eroire, d'ailleurs, que l'habile ouvrier qui
a orné cette arme ne s'est pas contenté d'un mailletage
uniforme qui eut été lourd et peu artistique .
Poignard n° 8 ou grand poignard (Pl. 111\. De l'extrémité
de la ·soie, qui a 0,012 de hauteur sur 0,018 de largeur à la
base, jusqu'à la pointe détériorée, il mesure 0,380. Il n'a pas
la forme en feuille des glaives de Kergourognon (2) et du
Rumédon (3) et n'est qu'un grand poignard, d'un modèle
nouveau, à lame plate, avec grand évasement vers le talon
où sa largeur devait atteindre 0,080. Elle n'a plus que 0,066.
Aucun renfort média n. Encore une arme très mèdiocl'e. Le
talon où n'existent que des traces de la cloison et du fer à
cheval est élevé de 0,032, et sur ses six goupilles n'en a gardé

(1) P. DU CHATELLIER, Le tumulus de Kerhué-Bras, en Plonéour-Lanvern,
Matériaux, !880.
(2) Abbé PRIGEl'\T Zoe. cit.
(3) A. MARTIN, Zoe. cit

_ . 167-

que trois très endommagées, deux d'un côté et une de l'autre,
les deux du milieu distantes de 0,028, comme sur les poi­
gnards 1, Q et 6. Quelques restes du manche en ivoire, adhé­
rents au talon, montrent une rangée de trous de clous d'or
parallèle à la cloison, et deux des goupilles sont pourvues de
leur cylindre enveloppant, en même substance. L'ornemen­ tation de la lame diffère de toutes les autres rencontrées dans
ces sépultures. En dehors des filets en creux 00urant paral­
lèlement et à petite distance des tranchants, visibles sur
quelques points seulement où l'oxydation ne les a pas
détruits, il y a, au centre de la lame, un nouveau groupe de
filets aussi en creux, mais plus large~, plus profondément
gravés que les premiers, trois de chaque côté de l'axe, et
allant jusqu'à la pointe où ils se perdent, vu le mauvais état
de celle-ci. En se rapprochant du talon ces filets vont en
s'évasant et remontent plus haut . que la cloison-limite
évidemment soudée sur la lame déjà décorée de ses filets. Le
dessin n'en est pas régulier; sur un côté le filet plus en
dedans se dirige sur le centre de la goupille milieu, sur
l'autre, il vient passer à plusieurs millimètres en dedans de

goupille symétrique. Les filets des bords présentent le même

évasement, exigé par la forme de la lame dont la règle devait
imposer qu'on suivit la courbure des tranchants, ce qui
répond d'ailleurs à un juste sentiment de l'art. Sur les
poignards triangulaires les filets sont rectilignes du haut en
bas comme les cotés de la lame.
Sur un des plats existaient d'importants morceaux du
fourreau en bois mince entre deux cuirs, le tout en fort
mauvais état. Ce long poignard pèse 268 grammes.
Cette nouvelle forme de lame, avec filets médians, rappelle
encore l'Angleterre, le poignard de Rocke-Down (t) ; mais la
différence des manches et des procédés d'emmanchement

('1) J. Evans, loc. cil., p. 353.

déconcertent quand on veut faire ces rapprochements. Si des
analogies sont souvent indiscutables, on sent cependant qu'on
n'est pas en présence d'objets contemporains, appartenant à

la même phase de la civilisation du bronze dans les deux
contrées; celle de l'Armorique est restée primitive, celle de .
l'Angleterre a progressé.
L'examen préalable, puis le lavage des grandes quantités
de poussières et débris variés emportés avec les deux poi ­ gnards du groupe 2, ont donné quelques fragments osseux
bruns et blanchâtres, deux goupilles et 3.438 clous d'or .

Tels sont les résultats de l'étude attentive de tout ce que
le Mouden-Bras a livré comme monument sépulcral et ..
comme mobilier funéraire. Il n'est pas riche seulement en
or, mais aussi en documents nouveaux, matériaux précieux
pour la plus grande connaissance d'une civilisation, d'une
industrie et d'un art trè,s originaux qui ont fleuri, à l'aurore
de l'âge du bronze, dans la partie occidentale de l'Armorique,
où ils ont laissé, enfouis sous des tumulus, les témoins de
leur longue prospérité.
Nous croyons devoir compléter ce compte rendu par
quelques études particulières sur certains objets de la sépul- .
ture. Elles permettront de mieux présenter un ensemble
d'observations faites au cours de nos recherches, se liant les
unes aux autres, que la dissémination eut rendues moins
claires .
Les Clous d'Or
La sépulture en a donné près de D.OOO, détachés et pouvant
par suite être examinés isolément. Le plus grand nombre son t
des cylindres provenant de fils d'or étiré, d'un diamètre
variant de O,OOOD à 0,0003. Exceptionnellement quatre ou
cinq clous ont 0,0006 et un seul 0,0007. L'écrasement des
têtes par la percussion, qui est général, donne à celles-ci un
peu plus de largeur. Les longueurs varient de O,OO~, un seul

-169 -

est dans ce cas, à 0,0006 en passant par toutes les valeurs inter-

médiaires. Les clous les plus nombreux sont ceux de 0,002 à
0,003, puis viennent ceux de O,OOUS à 0, 001, et enfin, et le
nombre en est grand, ceux ayant moins de 0,001. Les pointes
en entendant par ce mot le bout opposé à la tête, sont très
irrégulièrement coupées en biseau, bien rarement par une
section normale à l'axe. La pénétration dans le bois en était
facilitée. Nous . avons vu un clou long de 0,004, épais de
0,00015 qui portait, sur une génératrice du cylindre, une rai­
nure de 0,003 de longueur, et uu autre, de 0,û03 de long et de
même épaisseur, avec une rainure semblable allant de haut
en bas en comprenant la tête. Il est certain qu'elles ont été
faites par la pointe d'un autre clou au moment où on l'enfon­
çait. Avec un mailletage très serré les clous un peu longs pou­
vaient rencontrer leur voisin. De l'étude des débris du man­
che du poignard n° 7 et particulièrement du clou de bois à tête
couverte de clous d'or, nous pouvons conclure qu'il y avait
quatre clous par millimètre carré et que le manche r-ntier,
avec ses faibles dimensions et certaines parties laissées libres
entre les dessins, comme à Normanton, devait exiger de 8 à
10 000 clous pour son ornementation. Dans le bois, matière
assez tendre, la mise en place de ces milliers de petits cylin­
dres, après avoir marqué leur place avec la pointe très fine
d'un poinçon en bronze, était un travail délicat mais relative­
ment facile. Il n'en était plus de même avec l'ivoire. Il deve­
nait nécessaire de forer préalablement, dans cette substance
. dure, des trous cylindriques du diamètre du clou, et quelle
habileté, quelle adresse avait à déployer l'ouvrier qui, avec son
foret, menait à bien une pareille opération, quand on songe
qu'il n'y avait souvent pas plus de 1 à 2 dixième de millimètre .
entre les trous. Cette difficulté de main-d'œuvre explique la
parcimonie de décoration sur les manches en . ivoire que nous
avons tous trouvés avec une seule rangée de clous d'or le long
de la cloison et du fer à cheval.

-1iO -
Ces clous cylindriques, d'un beau jaune d'or, celui de nos
monnaies, doivent être un alliage d'or et de cuivre, ainsi que
l'avait démontré une analyse faite SUL' ceux du Tossen­
Maharit (1),
Mais parmi tous ces clous, il y en a un assez grand nombre
d'une teinte plus pâle, celle de l'or natif, et d'une forme diffé­
rente. Ils ne sont plus cylindriques et avec leur tête aplatie,
leur tige s'effilant en pointe, tige à pans inégaux, non polie,
ils donnent tout à fait l'impresssion d'un véritable clou
minuscule. Ils sont encore plus minces que les autres, beau­
coup ont de 0,0003 à 0,0002n d'épaisseur. Les longueurs vont
de 0, 003n à 0,01 et même ·moins. Nous avons pensé qu'ils

avaient pu décorer des cuirs.

Les 477t clous pèsent 20 grammes, c'est-à-dire un peu plus
de ° gr. oo~ l'un. Et il Y en a dans le nombre trois qui ont pesé
o gr. On chacun et bea ucou p qui ont dOBné de ° gr. Otn à ° gr. 01.
On peut juger par là de l'extrême petitesse de tous les autres
et de la merveilleuse adresse qu'exigeait leur mise en œuvre
comme motif d'ormentation.
Comment ces clous, dont bAaucoup n'avaient qu'un milli­
mètre de longueur et même moins, pouvaient-ils tenir? Il
nous est arrivé fréquemment, au cours de nos recherches
dans les poussières, de rencontrer 'des agglomérations de
plusieurs clous d'or, collés ensemble. Il fallait un certain effort
pour les séparer avec le doigt en les roulant sur du papiel'. A
l'aspect des résidus de couleur brun foncé on reconnaissait
qu'ils avaient été enchassés dans du bois. Dans ces mêmes

poussières la rencontre de petits cylindres blanchâtres,
exactement de la grosseur des clous, et constitués par une
. matière assez résistante, nous intrigua beaucoup. Ecrasés
entre les branches d'Une pince, leur poussière avait un aspect
de résine ou de gomme. Puis nous trouvâmes des clous d'or

(:\.) A. MARTIN, Op. Cil.

dont le bout se prolongeait, sur un ou deux millimètres, par
de pareils petits cylindl'es blancs jaunâtres qui, détachés avec

la pOInte d'un canif, nous redonnaient les premiers cylindres
isolés. Leur provenance se devine aisément. Dans les trous
préparés à l'avance dàns les ivoires pour recevoir les clous
d'or, on avait versé une substance agglutinante, végétale ou
animale. Or, nous avons vu combien les clous sont différents

de longueur; les plus courts laissaient donc entre leur pied
et le fond du trou un espace plus ou moins grand rempli de
cette colle. Quand, plus tard, l'ivoire fut détruit, les clous
tombèrent entraînant le petit cylindre faisant corps avec eux,
ou clous et cylindres tombèrent séparément; nous avions eu
sous les yeux les deux cas. Entre les restes, en bois ou en
ivoire, des manches des poignards, on a pu constater la
présence de nombreuses petites plaques minces d'une matière
brune, écailleuse, un peu translucide, ayant l'aspect de colle
forte sèche.
Les ré~ines, gommes, colles et autre$ substances aggluti­
nant.es ont été trè'3 largement employées par les armuriers
préhistoriques de l'époque des sépultures à belles pointes de
flèche en silex, pour donner de la cohésion et un peu ' de
solidité aux manches de leurs armes dont le très original
procédé. de fixation à la lame pouvait être le résultat d'une
conception esthétique, mais était bien certainemerit très
défectueux comme tenue. Avec leur ornementation par le
moyen de clous d'or, l'usage d'une colle s'imposait plus
en· core et devenait une nécessité. On a souvent dit de vieux
bateaux en bois qu'ils ne tenaient que par la peinture; on
peut dire, à bien plus juste raison, des armes de luxe, de
parade, peut-être à destination funéraire et votive du Mùuden­
Bras et de bien d'autres sépultures du même genre, ,qu'elles
ne tenaient que par la colle. On en a mis partout, dans les
gaînes cylindriques enveloppant les goupilles, sous les rondelles

de têtes, sur le talon des poignards entre les deux moitiés de

manche accolées, le long des cloisons-limites et enfin dans les·
trous des clous d'or .
Nous sommes persuadés qu'elle a joué un grand rôle dans
la confection des fourreaux.
Les boîtes en bois .

C'est le nom que des archéologues bretons ont donné à des
couches de bois pourri rencontrées en quelques points seule-
r ment de l'aire sépulcrale et au milieu desquelles ils ont '
tmuvé des armes isolées ou groupées, presqUe toujours les
plus belles, les plus riches du mobilier. Même dans les
sépultures où, comme c'est la règle la plus générale, les

cendres du mort et ses armes oni été placées entre deux plans
de bois, dispositif qu'on a appelé coffre ou cercueil, leurs
observations les ont conduit à penser qu'il y avait quand

même, pour certains objets, des enveloppes de bois spéciales,
des sortes d'écrins, placés dans le coffre. Le fait a été signalé
pour la première fois lors des fouilles des tumulus de Porz-ar-

Saoz et de Kergourognon, exécutées par l'un de nous (Loc. cit.)
en / 1880 et 188'1. Plus tard, en 1899, au Tossen-Maharit (Loc.
cit.) où il y avait un grand coffre, l'autre collaborateur a
constaté la présence de deux plans de bois pourri verticaux

et réunis, en un point, à angle droit. Trois poignards à clous
d'or étaient dans l'intérieur de cet angle. Voilà les éléments
d'une vraie boîte et cependant nous les trouvons insuffisants

pour affirmer son existence. Le Mouden-Bras, avec son
énorme couvercle en bois, ne se prêtait guère à l'élucidation de
la question. Toutes les armes ont été enlevées avec plusieurs
centidlètres d'épaisseur du lit sur lequel elles reposaient. On

a donc pu s'assurer que pour les unes ce lit était d'argile purf,
pour les autres d'argile - avec matelas de bois, et qu'il y avait
bien, sur l'aire de la sépulture, aux endroits que nous avons
appelés groupes 1 et 2, et sur des espaces qui ont été mesurés

approximativement, des planchers destinés à recevoir des
objets divers; mais reste toujours la difficulté de reconnaître
si la couche de bois pourri supérieur appartient au grand
couvercle ou à celui de boîtes dont les planchers seraient les
fonds. , La rencontre, particulièrement daos le groupe '1, de
nombreux os brûlés mêlés aux fragments d'ivoire provenant
des manches des poignards, tendrait à prouver que les cendres
du mort ont recouvert directement les armes de ce groupe, ce
qui exclue l'idée d'une boîte fermée. Des fouilles ultérieures
apporteront peut-être des documents plus probants pour se
prononcer sur ce sujet Il semble que, pour le moment, il est
prudent de s'en tenir à ce qui est indisèutable, c'est-à-dire à
l'existence de petits planchers isolés sur lesquels on a placé
une partie du mobilier, les pièces de choix.
Les Epingles
Cette nouvelle fouille vient appeler l'attention SUI' les
épingles. Dans les quinze sépultures armoricaines du bronze ·
à belles pointes de flèche en silex leur présence n'avait été
signalée que deux fois, au Kergourognon et au Rumédon,
ainsi que nous l'avons dit plus haut. En supposant que la
tige de bronze, trouvée au Tossen-Maharit, ait pu apparte;1ir
aussi à une épingle plus forte et plus grande, cela ferait
trois épingles pour quinze monuments alors que le Mou­
den-Bras à lui seul en a livré cinq, dont une en place,
sur le bord d'une . lame de poignard, comme au Kergou­
rognon. Avec celle quia laissé son moule sur le poignard
no '1, dans la position exacte qu'occupaient les deux autres,
nous aurions donc trois épingles que le hasard seul n'a pu
meUre là où nous les avons trouvées. Notons en passant
qu'au groupe l, où il y avait quatre · poignards, nous avons
recueilli quatre épingles entières ou en fragments. Elles
doivent être un annexe d~s poignards; mais dans quel but,

pour quel usage? Des armes actuelles et anciennes portent,
sur le fourreau, une ou deux petite') lames, couteau ou
poignard, renfermées elles-mêmes dans une gaine accolée
au grand fourreau: sabres japonais, indiens, kriss malais,
couteaux kabyles, etc ~ l'album de la galerie d'armes an­
oiennes de l'Almeria de Madrid, en montre plusieurs
exemples (nOs 3, 8 et 12 de la planche XVII, supplément,
armes diverses). Mais ce sont là de vraies petites armes,
plus maniables, ou des couteaux à usage ordinaire journa­
lier. Des épingles en bronze ou en argent, minces et courtes,

ne répondent pas a un pareil emploi; elles n'ont rien d'un
stylet. L'un de nous possède un . couteau Crétois à gaine
métallique revêtue de cuir vert, dans le manche en ivoire
duquel est logée une petite pince à tisons pour allumer la
cigarette. Une pareille trouvaille dans un poignard préhis­
torique eut fort intrigué les archéologues. N'en peut-il
être des épingles comme de cette pince; elles répondraient
à un besoin, que nous ignorons, peut-être aussi prosaïque
que celui du petit outil crétois. Nous penserions cependant
plutôt qu'elles sont en connexion avec l'arme elle-même,
qu'elles font partie du fourniment, qu'elles ont pu servir,
par exemple, à les attàcher à une ceinture, à un baudrier,
ou même à un vêtement. N'ont-elles pu être employées
aussi comme pointes pour le nettoyage des filets en creux
des lames que l'aïguisoir ne pouvait atteindre'? Quant à les
considérer comme objets de parure, destination qui leur est
généralement donnée, nous estimons que le caractère viril
et tout guerrier du mobilier de nos sépultures s'y oppose.
Elles sont des outils et non des bijoux. Dans ce dernier cas,
elles seraient plus grandes et .ornementées. Leur simplicité,
même avec un métal riche, est une probabilité en faveur
de leur utilisation comme un simple accessoire des poignards
auxquels elles étaient annexées. .
En Angleterre, dans les tumulus du bronze, des épingles

ont été trouvées associées à des poignards et autres armes (1).

L'industrie des clous d'or, et leur utilisation comme motif
de décoration des manches et fourreaux des poignards, par
les préhistoriques du premier âge du bronze en Armorique
Occidentale, ne se retrouvent qu'en Angleterre. Tous les
spécialistes connaissent le pommeau d'Halmeldon-Down et
le manche de Normanton (2) si richement ornés de chevilles
d'or.
L'ornementation des lames par ' des filets en creux ou
en nervures peu saillantes est commun aux deux pays. Nous
avons signalé la similitude de fOl'me et de décoration de
la lame du grand poignard no 8 et du poignard anglais de
Rocke-Down (3). Sur le poignard de vVinterbourn-Stoke (4)
la lamelle métallique, entière et nette, qui constitue
la cloison -limite avec son fer à cheval médian, est
bien celle de toutes nos armes. En voyant le poignard
d'Id miston (5) avec sa lame plate, triangulaire, décorée de
quatre filets en creux se prolongean t sur le talon au ·delà
de la cloison limi~e dont les traces subsistent ainsi que celles
. du cintre central, enfin ses six rivets, on le prendrait, sans
hésiter, pour l'un des nôtres si le dessin de la coupe du
talon, à la hauteur de ces rivets, n'indiquait un écrasement
des têtes, c'est-à-dire un rivetage. L'indication en est, il
est vrai, beaucoup moins prononcée que sur les autres
dessins, le voisin sur la n~ême page par exemple, qui
représentent bien de véritables rivets à large tête; elle
semble avoir été donnée timidement, sans conviction, sim­
plement parce que des tiges de bronze, servant à fixer une

(I) J. EVANS, op. cil. p. 893 et suivantes.
(2) J. Ev ANS, op. cit. p. 257.
(3, ~ et 5) J. EVANS, op. cil., p. 242 et 252, 253, 26'1

lame à son manche, doivent avoir été rivetées. Dans une
notice sur l.es armes de bronze des Orcades et des Shetlands
(1) par M. J.-vv, Cursiter, de Kirkwall, qui en fit don à
l'un de nous en 18~10, cet archéologue signale un poignard
à lame plate, triangulaire, de 0,18 de longueur sur 0,06

de largeur au talon, ornée de trois filets en creux de chaque
côté, avec quatre rivets o de 0,0-12 de long et 0,0004 rie dia­
mètre, trouvé le 6 mai 1887, en coupant de la tourbe, entre les
paroisses de Saint-Andrews et de Holm. Après la descriplion
de l'arme, il ajou te : (( The rivets do not seem to have
any flattened heads )), et le dessin joint à la notice montre
bien des cylindres sans élargissement aux deux bouts. Voilà
nos goupilles Armoricaines.
o C'est la première mention, dont nous ayons eu connais­
sance, d'une observation pareille fai le en dehors de l'Armo­
rique eL elle nous vient d'Angleterre. Peut-être se serait-

elle multipliée si l'attention des chercheurs y avait été
attirée sur ce point spécial, origine d'autres dispositifs très

orIgInaux.
o A ne s'en tenir qu'aux divers rapprochements faits au

cours de cette étude et particulièrement à l'usage d . e clous ou
chevilles d'or pour la décoration des manches des poignards,
il ne semble pas douteux qu'il a existé, à ces époques reculées, 0
une parenté tout au moins industrielle et artistique entre les
préhistoriques du premier âge du bronze en Armorique et en
Angleterre, qu'elle soit due à une communauté d'origine ou
à des relations très fréquentes entre les deux pays. Mais,
comme nous le disions plus haut, il apparaît, en examinant
les produits, tous provp.nant de tumulus funéraires, que nous
ont livrés les deux peuples, que cette civilisation spéciale

serait née en Armorique et n'aurait pénétré en Angleterre
qu'à une époque postérieure, alors que ctlle-ci était entrée
li) Pl'accedings af tlle Saciety af antiquaries af Scat/and. Année 1887.

9/20

escauration dLt Poignard N~7

Grand PoiS'nar>d
ou . POIGNARD N° Sv

Po i 9 na r d N? 1

Poignard N?2

Haul:- dL.1 ,Poignard N

Poignard N~6

177 - "
dans une autre phase de l'âge du bronze, que l'industrie
si remarquable des belles pointes de flèche en silex touchait
à son déclin, 'car les tumulus anglais n'en renferment que
des échantillons peu nombreux, et qu'enfin des armes et
objets nouveaux, d'un style et d'une technique différents,
apparaissaient dans les mobiliers funéraires.
On pourrait encore su' pposer une civilisitation identique à
l'origine, apportée dans les deux pays par la même race
Gaélique (t) ou autre, importatrice du bronze au milieu de
populations jusque là néolithiques, cette civilisation évoluant,
pour des causes difficiles à saisir, d'une façon différente,
progressant rapidement en Angleterre où elle aurait laissé peu ,
de sépultures primitives, mais ,où l'on retrouve le souvenir
des traditions premières dans celles , plus nombreuses qui
suivirent, restant, au contraire, longtemps stationnaires dans
la Corne Armoricaine où elle a couvert le sol de tumulus
funéraires dont les mobiliers ont gardé soigneusement les
procédés de technique et de décoration des premiers jours.
Dans les sépultures caractérisées par la présence de vases à
plusieurs anses accompagnés seulement de poignards, en petit
nombre et souvent seuls, la forme de ces poignards, leur
mode d'emmanchement avec la goupille sont les mêmes. Que
celles-ci, comme nous le pensons, soient postérieures aux
sépultures à pointes de flèches en silex, ou qu'elles leur soient
antérieures, les de~x périodes, à en juger par le nombre de

monuments découverts, doivent embrasser un grand nombre
de siècles. Bel exemple de persistance, de ténacité, on serait
tenté de dire d'entêtement breton, donné par les préhistori­
ques Armoricains pour la conservation de procédés de fabri­
cation pourtant bien défectueux. L'isolement dans lequel ils
semblent s'être jalousement confinés à l'extrémité de la pres­
qu'île, l'attachement aux traditions d'une école d'industrie et

(f) D'ARBOIS DE JUBAINVILLE, les Druides et les Dieux celtiques à foi'me
d'animaux, pages 1.5 et 16.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXXIV (Mémoires) 12

d'art créée par leurs ancêtres, sur les lieux mêmes, serviraient
à expliquer cette immobilisation, ce long arrêt dans la voie

du progrès industriel.

N.-B. Nous nous sommes permis de déroger à la règle
fondamentale de l'Archéologie qui est de ne présenter au lecteur
que les objets tels qu'ils ont été trouvés, quelque soit leur état de
détérioration, règle à laquelle nous nous sommes scrupuleuse­
ment conformés au cours de ce travail, en faveur du poignard
n° 7 dont nous avons essayé la reconstitution avec les nombrel}x
documents que nous avions entre les mains, en nous aidant de
ceux fournis par les fouilles antérieures des monuments similai
res et en nous inspirant des motifs d'ornementation dont le man­
che de Normanton nous a gardé le curieux et unique exemplaire.
Nous croyons que cette restauration se rapproche beaucoup de
la vérité et peut donner une idée de ce qu'étaient ces armes de
grand luxe déposées dans les sépultures des puissants du premier
âge du bronze. C'est dans cette intention que nous l'avons tentée.
(Pl. III).
Hennes et Alger, Novembre 1906, Février 1907 .

A. MARTIN. Abbé PRIGENT.

- 342-

DEUXIE E PARTIE

Table des mémoires et documents publiés en 1907

'" , cIO' , , . _

L'impôt du Vingtième à Audierne en 17~H par M. LE
CARGUET .................................... ....

Notes sur les anciens chemins de la paroisse d'Elliant,
par M. le Vie DE VILLIERS DU TERRAGE ............. .
Le Roman de La Tour-d'Auvergne, par ·M. J. TRÉVÉDY ..
Le District de Pont-Croix (1790-179~). Le Port d'Au-
dierne. La Défense des côtes. La Pêche à la
sardine, par M. l'abbé J.-M. PILVEN ..............
Rennes et ses abords à l'époque gallo-romaine, par M.
le Dr C.-A. PICQUENARD ...........................
Un Mariage manqu.é par La Tour-d'Auvergne '? par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . ........ . ..........
Notice sur le château de Kerjean (commune de SI_VOU­
guay), par M. C. CHAUSSEPIED ....................
Relation de la fouille du tumulus du Mouden-Braz, en
Pleudaniel (Côtes-du-Nord), par MM. A. MARTIN, et
l'abbé PRIGENT. (planche) ...... ....... " ........ "
La Tour d'Auvergne-Corret et la maison de Coigny, par
Pages

109
118
124
146
M. J 10 rrRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

Eglises et chapelles du Finistère (suite) ; 7

article, voir
tomes XXX à XXXII) : Doyennés de Plabennec (fin) et
Ploudalmézeau, par M. le chanoine PEyRON .......... .
Le chevalier Calloet de Lanidy (17~3-1782), par M. le

is B' 'A
DE .REMOND .P' RS . . -................. . .......

. -.; .'! ' . . ' . 4:l~h~.:L~:;Grand ~t)es ~·anciennes chroniques (878-888 ... ),

- . . . .. pa~M,; . )e D~C.-A. PICQU- ENARD .................

MémOIre ivédlt concernant La Tour d'Auvergne-Corret,

. ·par .... M. · J: TRÉVÉDY ..... . _ . .. ................

" Eiât di·' mes services", mémoire autobiographique
. ": . { dh navigateur y .-J. de; Kerguelen-Trémarec, publié
. ' - '. par M.H-.BoURDE ·DEl';A', ·RoGERIE. " ........ ' .....

199

213
220

, Note sur le groupe dit du Cavalier et de l'Anguipède, à
propos de l'exemplaire de Kerlot, près de Quimper, par
M. ALFRED ROUSSIN .............................. .
Le dolmen de Magoer-Huen (Ile de Groix), par M. L. LE

PONTOIS,. ................... . .... ,. ........ lOlO lOlO

Autour de Locamand (aneiennes limites de la paroisse,
monuments mégalithiques, fourches patibulaires), par
M. le Dr C.-A. PICQUENARD, .......................

La Roche gravée de Stang-Bilérit, découverte à l'île de
Groix (Morbihan), par MM. le commandant LE PONTOIS
etP. DU CHATELLIER (planche) .. ................... .
Restes de rétablissement gallo-romain de Kerillien, en
Plounéventer, par M. le Chanoine J .-M. ABGRALL .....
Enlèvement d'une jeune fille à la Pointe du Raz par les
Hollandais au commencement du XXIIc siècle, par

Pages
293
300
304
313
315

H. LE CARGUET.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321,

SOCIETE ARCHEOLOG

DU FI N .STt:RE

Hôte' de Ville

29107 QUfM