Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes
Société Archéologique du Finistère - SAF 1907 tome 34 - Pages 96 à 108
1790 ... 1795
LE PORT D'AuDIERNE; LA DÉFENSE DES CÔTES
LA PÊCHE A LA SARDINE
Des ,neuf districts que comptait le département du
Finistère, celui de Pout-Croix était le plus petit~ -le ' moins
peuplé. Séparé du district de . Châteaulin par ' le ruisseau
du Ris, il était limité d'autre part par les communes de
Quimper et de ' Pont-libre, ci-devant Pont-l'Abbé. Des
hauteurs de Plouhinec, par temps clair, on aperçoit toute
l'étendue du district, de rIle-de-Sein « si basse à l'horizon,
qu'elle semble un radeau )), jusqu'au sillon de galets qui ,
ferme la baie d'Audierne, jusqu'aux sombres menez qui
dominent le port de Douarnenez. ,
Chaque district était administré par un conseil général
qùi se réunissait rarement et choisissait dans son sein un
certain nombre de membres qui, sous le nom de Directoire
du district, dirigeaient toutes les affaires, sous le contrôle du
département.
Les électeurs du district se réunirent à Pont-Croix, le
2 juillet 1790. Ils commencèrent par voter une adresse au
Roi. « Nous osons, disent-ils, du fond d'un village,
mêler nos accents patriotiques au concert de louanges et
de bénédictions qui chante aujourd'hui vos bienfaits , dans
s les coins de votre empire... » Puis, ils choisirent douze
administrateurs; opération laborieuse; il fallut procéder
à de nombreux tours de scrutin et c'est seulement le .
24 juillet, que le Directoire fut ainsi constitué: Président:
M. de Rospiec fils, de Trévien; Membreb : MM. Guéguen,
de pont-Croix; Béléguic, de Douarnenez; de Lécluse et
Maubras, d'Audierne; M. Grivart remplissait les fonctions de
procureur-syndic et M. Guiller, celles de secrétaire. 'On
jugea qu'il serait « absolument intéressant J) de nommer un
vice-président. C'est M. Béléguic qui obtint cet honneur;
il eut bientôt la présidence effective~ ear M. de Rospiec se
démit de ses fonctions l'année suivante, et ne taI,'da pas à
em1grer. .
Le premier soin d'une bonne administration " est de
défendre jalousement ses droits.; le Directoire de Pont-Croix
n'y faillit point.
Malgré sa médiocre étendue, le district se vit menacé
dans son intégrité par les officiers municipaux de Tré
guennec. Ils demandaient que leur commune, vu la distance
et la difficulté des communications, fut rattachée au district
de Quimper. On leur fit observer que Tréguennec est aussi
loin de cette ville que de Pont-Croix. D'ailleurs « chacun
doit être honoré de la place qui lui est marquée dans la
nouvelle hiérarchie et respecter davantage le précieux
monument de sa résurrection D. A cette admonestation le
Directoire joignit la promesse d'améliorer les routes et
spécialement de réparer le pont de Kerideux, par où toute
la partie Sud du district communique avec le chef-lieu. Il
prétendit rendre responsable de ce travail, la marquise de
Forcalquier, en raison des droits énormes tels que trente
sols par muid de sel et huit sols par tonneau de vin qu'elle
percevait sur toutes les denrées qu'on apportait à Pont-Croix
par ce passage, oubliant que la " perception de ces droits était
BULLETIN Al'lCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXXIV (Mémoires) 7
, ~uspendue depuis février 1787, et qtÏo la suppression en avait
même été prononcée. L'intendant de la marquise, M. de
Clermont; se chargea de le rappeler, mais les citoyens de
Tréguennec tiennent compte au Directoire de sa bonne
volonté. ' ' .
Quelques semaines après, ce n'est plus seulement l'inté_
grité, c'est l'existence même du district qui est en jeu. Il fut
question,en septembre 17~O, de réduire à quatre ou six les
neuf districts dn Finistère. Dans une adresse à l'Assemblée '
Nationale, le Directoire de Pont-Croix déclare regrettel'
qu'on porte une main sacrilège sur « cet édifice du bonheur
public qui avait la majesté et le caractère divin de l'immu_
tabilitéll : 'Cependant, s'il doit . résulter d'importantes
économies de la suppression de quelques districts, il ose se
flatter que celui ue Pont-Croix ne sera pas du nombre. On
ne sacrifiera pas les intérêts du plus beau district maritime
à une . injuste prédilection pour Quimper.
PoUrquoi ne pas ajouter plutôt au district de Pont-Croix,
le canton de Crozon, dont les habitants sont très éloignés
- de Châteaulin tandis qu'ils viennen t à toutes les foires ue
Douarnenez. Au pays de Crozon viendraient naturellement
s'unir, comme autant d'anneaux d'une même chaîne, les
paroisses de Telgruc, Argol, Saint-Nic, Plomodiern, Plo-
névez-Porzay et le district aurait alors près de soixante mille
habitants. Aussi bien, pourquoi ne pas y annexer, d'autre
part, Penmarc'h, Plomeur et Beuzec-Cap-Caval ? Nul doute
que ce 'soit le vœu des populations! Les campagnes qui redou-
tent, 'avec raison, la domination des gl'andes villes seront évi-
demment mécontentes de voir la ville de Quimper. étendre si
loin l'orgueil de ses prétentions, tandis que la petite ville
de 'Pont-Croix, qui n'a vécu jusqu'ici que du produit de son
industrie- judiciaire, ne peut exciter aucune jalousie et
mérite vraiment d'intéresser la,bonté des législateurs.
Espérances et crélintes restèrent également vaines et les
5 l' 99
. membres du Directoire purent, au moins sous ce rapport,
exercer en toute quiétude leur zèle administratif.
Il n'y a guère à tenir compte de petites difficultés surve
nues. à propos de modifications projetées ou même appoJ'tée s
à l'organisation des communes et paroisses. Ainsi les '
habitants de Beuzec ayant protesté, .au nom de leurs saints
patrons
contre la résidence du recteur à Pont-Croix, ·il .
leur fut répondu: « Quoiqu'en bonne justice, saint Mathieu,
l'un des Apôtres, pourrait bien l'emporter sur. saint
Corentin, l'un de ses successeu!s, cependant aucun décret
de l'Assemblée Nationale ne mettant saint Budoc, saint
Mathietl, ni saint Corentin sous la police de l'.administra:"
tion du District, il n'y a pas lieu de délibérer ». Et certes,
on ne peut trouver meilleure fin de non-recevoir.
Dans son adresse à l'Assemblée, le Directoire vantait
le district de Pont-Croix comme le plus beau district
maritime; il comprend, en effet, toute la presqu'île située
entre les deux baies, égalernentpoissonneuses, d'Audierne
et de Douarnenez. . .
Rendre l'accès des ports plus facile, empêcher l'ennemi
de débarquer dans les multiples criques ouvertes au flanc
des falaises de granit, protéger la pêche côtière et spéciale
ment l'industrie sardinière contre l'incurie locale et la
concurrence étrangère, telle est l'une des œuvres les plus
importantes entreprises par le district de Pont-Croix.
Là baie d'Audiernè s'étend en arc de cercle, de la pointe
du Raz qui se dresse altière au-dessus des gouffres et
des courants, à la pointe de Penmarch qui s'erra'ce à demi-
noyée dans l'Atlantique.
Côte sauvage, inhospitalière, où l'on se croirait 'd'après
Fréminville, à mille lieues de toute contrée ciyilisée ; on
n'y voit ni maisons, ni cultures; on n'y entend ni les
chants des laboureurs, ni le bèlement de8 troupeaux, rien
que le sourd mugissement des lames, le cri lugubre des
. goëlands, la voie triste et douce des hirondelles de mer.
Pas d'autre abri que l'embouchure du Goyen. Encore
l'entrée du port d'Audierne est-elle rendue difficile, d'abord
par la ct Gamelle» longue ligne de récifs à fleur d'eau, SUr
laquelle volent de crête en crête, sous forme de corbeaux
. noirs, les âmes du roi Gradlon et de sa fille Ahès ; puis,
par une barre qui se forme plus près de la côte un aima-
ble bourgeois du temps, demandait qu'on y plongeât dix
fois les aristocrates, avant de les admettre à l'honneur
de défendre la patrie dans les rangs de la milice nationale.
Les naufrages étaient fréquents. En 1782 le « Simbole
de la Paix», chargé de fers et de cordages pour le Roi,
périt à l'entrée du pOl~t. Au mois de décembre 1790, un
navire de quatre cents · tonneaux, monté par vingt-sept
hommes, après avoir été à l'entrée du port, se perdit dans
la baie, et c'est peut-être cet hiver que Cambry vit le rivage
, couvert de glace bordé d'un cercle d'or: un navire chargé
d'oranges s'étant brisé sur les écueils.
Pour signaler l'entrt3e du port, la municipalité d'Audierne
demande qu'on établisse un feu à la pointe de Lervilly et
qu'on élève à l'embouchure même un mât de soixante pieds,
au haut duquel, en cas de navire en détresse, on hisserait
un pavillon, annoncé par un coup de' canon de vingt-quatre;
une des pièces qui sont · avec leurs affûts dans le corps de
garde pourrait être montée pour servir de canon d'alarme.
Les Etats de Bretagne avaient ordonné la construction
d'un môle d'environ quatre-vingt mètres de long sur
huit mètres d· large, qui devait avoir pour effet en rétré
cissant le lit de la rivière, de rendre le chenal plus profond
et même d'entretenir beaucoup plus d'eau sur la barre
absolument infranchissable à marée basse. Ce travail,
inachevé, était plus dangereux qu'utile, car les vagues
frappant, comme à coups de bélier sur les blocs disjoints
e tardaient pas à les désagréger et les quartiers de roche
formaient sur le banc de sable comme autant d'écueils. La
pénurie du Trésor ne permît pas de ~onstruire entièrement la .
digue ; une somme de mille francs mise fi la disposition du
district fut employée à l'exhausser de quatre à cinq pieds.
Les naufrages n'en restèrent pas moins nombreux danS
ce passage l'un des plus périlleux et des plus fréquentés
de la Bretagne. Et c'est pourquoi; persuadé qu'il appàr
tient au peuple français de donner aux autres nations
l'exemple de ]a générosité comme il a donné de tout temps
celui du courage, le district invite le département à solli
citer de l'Assemblée, 11Q décret ordonnant à l'administra
tion de fournir aux étrangers naufragés sur nos côtes,
les moyens de retourner chez eux, quitte à se faire
rembourser sur les fonds de l'assistance publique ou sur '
les ressources mêmes des rapatriés.
Le 27 avril 1793, une barque ,~ le Brochet" charg'ée . dè '
froment dût être abandonnée par son équipage. Le 5 juillet
de la même année, le " Richemont" de Paimpol, chargé de
vins pour Brest, ayant perdu de vue le convoi dont il faisait '
partie et ne connaissant pas les parages où il se trouvait,
vint se réfugier dans la baie des Trépassés. Armés de fusils,
de haches et de fourches, les patriotes de Cléden accouru ..
rent sur la grève et empêchèrent l'équipage de débarqt1ér
jusqu'à ce que la garde nationale d'Audierne et la gendar ... ,
merie de Pont-Croix eussent reconnu là provenance et la
qualité du navire.
Dès le 25 janvier . 1793, considé1'ànt qùe la pO'sitioI1 d. n
district est d'autant plus critique, en cas de rupture' aveC'
l'Anglais, que, par suite des levées de volontaires, la garde'
- 402 .
nationale est réduite à cent hommes au plus, le Direr.toire
prüpo, se une série de mesures défensives: envüi d'un batail
lon ou d'un gros détachement entre Pont-Croix, Audierne,
Douarnenez et d'une forte corvette dans le port d-'Audierné
armement de toutes les batteries, établissement de signaux
le long - de la côte. . .
Sur la présentation de Bouchote~, commandant temporaire
du 4
- arrondissement, chef-lieu Quélern, le général
CancIaux nomme Maubras lieutenant détns les gardes-côtes
et sous-adjudant-général de la légion d'Audierne, avec les
fondions de commandant.
. 11 est ordonné à un détachement du 6
régiment . d'artil-
le:d~ commandé par le citoyen Hurpineaux sergent, et com-
posé de . quatre canonniers de se rendre à Audierne. Pendant
leur séjour en cette ville, ils recevront, à titre d'employés
de la marine, une livre et demie de pain, trois quarts de vin
et ,cinq sols en assignats pour leur ration de :viande, vu -la
difficulté de s'en procurer. Maubras leur fait donner des
draps, matelas et couvertures pris chez l'émigré Laporte-
V ézin. .
Une escadre suspecte ayant été vue, vers la fin de mai,
croisant dans la baie d'Audierne, les préposés aux douanes
SO!!t chargés de faire des patrouilles : la cessation de tous
nos rapports avec les puissances maritimes leur donnait les
plp.s grands 10i~irs. '
Au mois d'août, le capitaine Berte qui a remplacé Bou
ohote à Quélern, annonce l'apparition d'une escadre
anglaise sur les côtes de France et demande où l'on pour
rait mettre à l'abri, en cas de descente, les denrées et les
bestiaux. On lui désigne Plonéis et Plogastel mais on prie les
citoyens de ne pas s'alarmer et de se défier des faux bruits.
La présence d'une chaloupe canonnière le ,; Cocodrille ";
puis d'une corvette le" Brave" vint rassurer un peu les
patriotes et alléger le service de vigie. . . .
403
Cependant, le 23 août 1793, la corvette" l'Espion" pour-
uivie par deux frégates anglaises, vint s'échouer sur la
Gamelle. Elle ne cessa pendant au moins 'trois heùres . de
tirer sur l'ennemi, et l'équipage ne se' dëcidà 'à abandonner
le navire qu'après avoir vu la èorvette si penchée' qu'on ne
pouvait plus faire le servir,e de::; 'batteries. Les canots firent
trois voyages à terre; le lieutenant Magendie quitta , son
bord le dernier, tenant à la main la pavillOn national et c'est
dans cette attitude, qu'il gagna la' èôte, avec le reste de son
équipage, en chanta,nt l'hymne des Marseillais! "
Cette glorieuse retraite fut protégée par les feux de la
batterie de Crémenec.,· ' . ,
, Il existe, en effet, sur différents points de la côte bre
tonne, de vieux forts ou corps de garde ' aux toitures de
pierre; ils ont eux-mêmes remplacé d'autres retranche-
ments dont il reste çà et là queiques vestiges ' et'les V énè'tes
s'en allaient de promontoire en promontoire défendant un à
un ces « oppida ". de la péninsule armoricaine. .
A chaque nouvelle de guerre, ces postes se garnissaient
de défenseurs, tout au moins de guetteurs: tels sont les
signaux-de Plovan, de Plogoff, de Beuzec,' mais les princi-
pales hatteries :,ont natu'rellement celles qui défendent ,l'ac-
cès des deux beuls ports de la presqu'île, Audierne et Douar
nenez, c'était: pour Audierne, Crérrienec, Lervilly, Pena
ménez ; pour Douarnenez, Hosmeur 8t l'île Tristan,
Chaq ue batterie comprend deux r,aporaux et· treize hom-
mes avec un chef de poste on gardien. Le district nomme
chef de poste à l'île "Tristan Jean-Claude Belbébê'h, canon-
nier retiré de la marine, et décide que; ' pOUl' le'-'service de
cette batterie, on prendra, sur les effets des émigrés, mate-
las, marmite et trepied j,le Département fournit une capote
et· deux sabliers d'une heure. " " .
Le corps de garde de Crémenec était trop éloigné du fort,
énviron six -cents toises ,- ; on résolut de le ' démolir et d'en
oonstruire un' autre près de la poudrière. L'ingénieur
Detaille établit le devis de ce travail qui ne fut pas exécuté.
Cette batterie avait pour gardien, Violant de Plouhinec et
pour caporaux, Quéméner et Pichavant. Le mohilier de la
petite garnison fut également pris sur les effets des émigrés.
On acheta simplement 'sur les fonds de la g· uerre, un chan_
delier de fer à deux pointes et du bois de chauffage dont la
consommation fut réglée comme il suit: un quinzième de
corde, pal' jour. pendant les mois d'octobre et mars; deux
quinzièmes pendant les mois d'hiver et une corde et demie,
par mois., pendant le reste de l'année.
La consommation de la chandelle fut non moins soigneu~
semen.,t déterminée: quatre chandelles de huit 'à la livre, en
octobre et mars, èinq, en hiver et trois, les autres mois.
Daris l'impossibilité de fournir en suif aux corps de garde,
la lumière dont ils ont besoin, il est enjoint aux chefs de
poste de se. pourvoir de lampes alimentées par de l'huile de
sardine et de B , e se. servir des fanaux que pour la visite des
can.ou. s et le service de ronde.
Le représentant du peuple Amable Faure offrit même de
l'h.uile de baleine pour suppléer à l'insuffisance de chan-
delles. .
En 1784, toute une famille de cachalots vint échouer à la
côte de ' Primelin. Un des collègues de M. de Clermont fils,
député à l'Assemblée Nationale, lui exprima le désir
d'avoir une peau de cachalot, mais il n'en restait plus dans
tout le Cap « ceux qui en avaient s'en sont défaits parce que
cela n'était propre à . rien et puait beaucoup). Seules les
défenses avaient été conservées et pouvaient avoir quelqu'in-
térêt, pour le.s amateurs et les naturalistes, Je t'envoie une
petite dent, écrit M. de Clermont père à son. fils, voilà tout
ce que je puis faire pour le cabinet de l'honorable membre
de. votre Assemblée., Une pièce fort curieuse à lui donner
s.erait un crân. e d'une des bêtes dont on ferait un plat à
soupe de quinze couverts aumbins ... » L'idée ne manquait
pas en effet d'originalité mais à défaut de crâne entier, il
dut se contenter de joindre à son ' envoi un morceau de cer-
velle et. une grosse dent de cachalot naissant. .
L'armement des batteries reste très incomplet; le signal
de Kergonnoux en Beuzec n'a pas de canon; celui de Plogoff
manque d'affût. Et pourtant on tire parti de tout: les
grillages du jardin de Lescongar sont convertis en. piques,
les deux pierriers enlevés au suspect Dufrétay sont remis
aux batteries de Douarnenez, les ardoises et charpentes des
châteaux et chapelles servent à constru,ire des corps de
garde Mais le citoyen Moulee agissant sous les ordres de
l'ingénieur Petit demande qu'on diffère, faute de bras, la
construction du corps de garde de Beuzec; le gardien sera
logé dans un des villages voisins comme il l'a été jusqu'ici
dans toutes les guerres.
Un dixième de la population du district sert en effet dans
les armées, remarque Cambry". C'est pourquoi,la municipa
lité de Plogoff~ par exemple, « considérant que cette commu
ne se glorifie de compter parmi ses habitants cent quelques
marins, qui font, à la face de ces lâches Insulaires, despotes
de l'Océan, flotter sur le sein des eaux les couleurs nationa
les, ne laissant que des jeunes épouses et des orphelins d'un
très bas âge », supplie le département de vouloir bien le
dispenser du contingent requis par le général Canclaux, qui
prescrivit, le 4 juillet 1793, une levée de 4.400 hommes.
jeunes gens et veufs de seize à quarante ans pour remplacer
les garnisons dont il a disposé contre les rebelles.
Il est aussi demandé qu'à moins de danger pressant, le
contingent ne sortira pas du district et qu'en tout cas il n'ira
pas plus loin que Brest ou Quimper. D'ailleurs, au commen
cement d'octobre, les marins de Douarnenez, en service à
Brest, furent autorisés . à rentrer chez eux pour essayer'
encore la pêche à la sardine, car la saison avait été jusque-
là aussi mauvaise qu· 'elle avait été bonne les années précé
dentes. « La pêohe se fait aujourd'hui avec un succès prodi
gieux J); lisons-nous dans le registre des délibérations du
district en août 1791. Jamais, au témoignage de Cambry,
année ne fut plus féconde en sardines que l'an II de la
République. .
La sardine, d'llprès le même auteur, est le ' principal
objet de commerce du pays, et la seule commune de Douar
nenez emploie à la pêche de ce petit poisson jusqu'à quatre
cents bateaux dans les bonnes années. Mais « une prodigieuse
quantité de marsouins peuplent ces mers ». Ce n'est donc
pas d'aujourd'hui que les bélugas font une concurrence
désastreuse aux pêcheurs, brisant les filets, pourchassant la
sardine; plus désastreuse est encore l'importation des
sardines étrangères.
Dans sa séance du 17 .septembre 1790, le district affecté
des pertes considérables et fréquentes que font les armateurs
. par la concurrence des poissons étrangers et surtout par la
ct. facilité meurtrièl;e » d'introduire frauduleusement des
sardines espagnoles en France à l'aide de la franchise de
Bayonne, invite à l'unanimité le département à solliciter de
l'Assemblée Nationale un décret qui porte: 1
la suppression
, de tous les droits d'entrée dans les places de consommation,
sur les poissons de pêche nationale, notamment sur les
sardines; 20 la prohibition la plus absolue de tous poissons
de pêche étrangère; ils ne sout pas nécessaires à l'approvi
sionnement du royaume. . . '
Le Directoire prie le ministre de recommander sous ce
rapport la plu, s grande. vigilance aux départements des
Landes et des Basses-Pyrénées, et il invite les districts
maritimes du Morbihan à se joindre à lui pour obtenir
l'abolition de la franchise de Bayonne « cette bizarre institu ..
tion d'ancien régime» également funeste aux intérêts de
leurs pêcheries. ,
Dans Elon rapport sur les travaux de J'année, le procureur-
syndic pouvait se rendre cette justice: «La pêche, cette
branche si conséquente et presque unique de notre commerce
maritime, a été aussi l'objet , de notre sollicitude». Elle ne
cessa pas de l'être et le 20 octobre 1791, considérant que les
chasse-marée abusent de la faculté qui leur ~st donnée de
naviguer avec un passeport de pêche pour aller journellement
en Espagne et y prendre des cargaisons de sardines, le
Directoire demande un règlement qui assujettisse les chasse
marée 'à prendre comme les autres barques un passeport de
commerce ' qu'ils seront tenus de faire viser à toutes les
relâches.
La drague fut défendue, de tout temps, dans la baie de
Douarnenez, car «( il naît au fond de l'eau une mousse grasse
et glutineuse que la sardine aime beaucoup »). Une foule de
bâtiments 'enfaignaient cette défense, et comme l'Adminis
tration était impuissante à surveiller l'exécution des lois, les
marins s'en chargeaient eux-mêmes. Ainsi, des pêcheurs de
Brest étant venus draguer le long de la pointe de la Chèvre,
les marins de Morgat se mettant à leur poursuite les
gagnent de viresse, les obligent à se rendre à coups de fusil -
et amènent leurs prisonniers à Crozon.
Le district invite la municipalité de Douarnenez à pour
suivre l'application de l'arrêt du ci-devant Parlement qui
défend sous peine d'amende de draguer dans la baie, à pour
suivre également l'exécution des jugements rendus par l'ami
rauté contre les dragueurs de Brest, à prier l'Assemblée d'ac
corder, outre le brûlement des dragues, la confiscation des
chaloupes et une prime de soixante livres sur chaque
bateau pris en contravention.
A l'île de Sein, la principale pêche est la pêche aux
congres. Dans une pétition rédigée le 4 dé,-:embre 1790,
M. te Normand, curé des Seins, expose que les Iliens 'ni ont
d'autres ressources que ce qu'on leur donne de Brest et la
pêche, mais les congres secs qu'ils oht envoyés à Bordeaux
ne seront payés qu'au mois d'octobre prochain, d'ici là
« comment feront les veuves pour substenter leurs tristes et
misérables fruits? » Que deviendront les curés qui ont pour
casuel ordinaire une petite rétribution de la vente des
congres? M. l'Intendant est prié d'augmenter autant qu'il
dépendra de lui les secours à accorder aux insulaires pen-
dant la saison rigoureuse de l'hiver. ,
On prend ici beaucoup de morues, écrit M. Lannurieh,
l'un des prêtres détenus aux Capucins d'Audierne. Il ajoute:
« Nous avons vue de la mer la plus belle! » Et certes, on
ne peut rêver de spectacle plus enchanteur que celui de cette
immense nappe bleue, bordée tour à tour de falaises abrup
tes et de plages sablonneuses, où l'on entend, comme en
sourdine au fracas des flots, le son des cloches de la
ville d'Iso .
J.-M. PILVEN.
- 342-
DEUXIE E PARTIE
Table des mémoires et documents publiés en 1907
'" , cIO' , , . _
L'impôt du Vingtième à Audierne en 17~H par M. LE
CARGUET .................................... ....
Notes sur les anciens chemins de la paroisse d'Elliant,
par M. le Vie DE VILLIERS DU TERRAGE ............. .
Le Roman de La Tour-d'Auvergne, par ·M. J. TRÉVÉDY ..
Le District de Pont-Croix (1790-179~). Le Port d'Au-
dierne. La Défense des côtes. La Pêche à la
sardine, par M. l'abbé J.-M. PILVEN ..............
Rennes et ses abords à l'époque gallo-romaine, par M.
le Dr C.-A. PICQUENARD ...........................
Un Mariage manqu.é par La Tour-d'Auvergne '? par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . ........ . ..........
Notice sur le château de Kerjean (commune de SI_VOU
guay), par M. C. CHAUSSEPIED ....................
Relation de la fouille du tumulus du Mouden-Braz, en
Pleudaniel (Côtes-du-Nord), par MM. A. MARTIN, et
l'abbé PRIGENT. (planche) ...... ....... " ........ "
La Tour d'Auvergne-Corret et la maison de Coigny, par
Pages
109
118
124
146
M. J 10 rrRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Eglises et chapelles du Finistère (suite) ; 7
article, voir
tomes XXX à XXXII) : Doyennés de Plabennec (fin) et
Ploudalmézeau, par M. le chanoine PEyRON .......... .
Le chevalier Calloet de Lanidy (17~3-1782), par M. le
is B' 'A
DE .REMOND .P' RS . . -................. . .......
. -.; .'! ' . . ' . 4:l~h~.:L~:;Grand ~t)es ~·anciennes chroniques (878-888 ... ),
- . . . .. pa~M,; . )e D~C.-A. PICQU- ENARD .................
MémOIre ivédlt concernant La Tour d'Auvergne-Corret,
. ·par .... M. · J: TRÉVÉDY ..... . _ . .. ................
" Eiât di·' mes services", mémoire autobiographique
. ": . { dh navigateur y .-J. de; Kerguelen-Trémarec, publié
. ' - '. par M.H-.BoURDE ·DEl';A', ·RoGERIE. " ........ ' .....
199
213
220
, Note sur le groupe dit du Cavalier et de l'Anguipède, à
propos de l'exemplaire de Kerlot, près de Quimper, par
M. ALFRED ROUSSIN .............................. .
Le dolmen de Magoer-Huen (Ile de Groix), par M. L. LE
PONTOIS,. ................... . .... ,. ........ lOlO lOlO
Autour de Locamand (aneiennes limites de la paroisse,
monuments mégalithiques, fourches patibulaires), par
M. le Dr C.-A. PICQUENARD, .......................
La Roche gravée de Stang-Bilérit, découverte à l'île de
Groix (Morbihan), par MM. le commandant LE PONTOIS
etP. DU CHATELLIER (planche) .. ................... .
Restes de rétablissement gallo-romain de Kerillien, en
Plounéventer, par M. le Chanoine J .-M. ABGRALL .....
Enlèvement d'une jeune fille à la Pointe du Raz par les
Hollandais au commencement du XXIIc siècle, par
Pages
293
300
304
313
315
H. LE CARGUET.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321,
SOCIETE ARCHEOLOG
DU FI N .STt:RE
Hôte' de Ville
29107 QUfM