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Bulletin SAF 1906


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La famille Limon du Timeur

J. Trévédy

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1906 tome 33 - Pages 222 à 246

lM N Tl EUR

S'étonnera-t-on de trouver ici, à propos de la famille de l.a
Tour d'Auvergne-L'orret, des renseignements sur la famille
Limon dans laquelle le mariage avait fait entrer Mlle Corret?
Voici la cause et, j'espère, l'excuse de celte digression: c'est
que Buhot de Kersers n'a rien dit de la famille Limon. Or
personne ne pouvait être mieux renseigné que lui.
Né en 1784, il avait connu sa grand'mère Catherine Limon,

morte en 1791; il a vécu longtemps auprès de son grand-oncle
Limon, mort en 1810 ; auprès de sa fille Madame de Kersau­
zic, morte en 1836; enfin de la fille de celle-ci, Madame du
, Pontavice, morte un mois a' vant Buhot lui-même, en 1858 .

Un souvenir respectueux de M. Limon père, des renseigne-
ments très intéressants sur les relations de La Tour d'Auver­
gne avec son beau-frère, et c'est tout! Comment se composait
la famille? Quelle fut-elle pour La Tour d'Auvergne? Buhot

n'en dit rie!l. Ces renseignements avaient pourtant quelque
intérêt dan~ une biographie de La Tour d'Auvergne. Pourquoi?

Buhot lui-même va le dire.
« Vers la fin de 1779, (écrit-il, p. 731 La Tour d'Auvergne
obtint un congé qu'il alla passer chez son beau· frère à Guin­
gamp, charmante petite ville, où demeurait M, du Timeur et
qui, par conséquent, était devenue pour La Tour d'Auvergne
une seconde patrie, » .
«( Seconde patrie» est peut-être un terme un peu exagéré;
mais passons. Le congé de 1779, ce n'est pas chez son beau­
frère que La Tour d'Auvergne allait le passer, c'était chez sa

mère, qui d, emeurait à Guingamp depuis 1772, qui se sentait

223
mourir et que son fils n'alIait pas quitter jusqu'à sa mort, le
' 18 février 1780. .
Voilà ce que Buhot n'a pas su ou du moins n'a pas dit; et
voilà pourquoi Con'et, après avoir été en relations suivies
avec la famille Limon de 1762 à 1771, devint l'hôte assidu de ,
Guingamp, de p72 à J780_ .
Dans les pages qui suivent à propos de la famille Limon ·'
le nom de la Tour d'Auvergne reviendra souvent.

Nous avons dit le mariage célébré à Carhaix de Marie-Anne
COlTet épousant « noble rilaHre Yves Limon du Timeur,
avocat à la Cour, 'procureur fiscal du duc~é de Penthièvre,
paine de France, au siège de Guingamp (-1). »
Yves Limon était fils de (( nobJe maître Toussaint Limon
du Timeur, avoqat à la Cour, doyen des maires de Guingamp,

et de defIunte dame Louise-Catherine-Philippe de Kersimon,
dame du Timeur)). Comme député de Guingamp, il avait
siégé aux Etats de Bretagne tenus à Rennes en octobre 1740 .

Enfin J'acte de sépulture de M. Limon ( Guingamp, 26 avril
(1) Bullelin de 1905, page 352, j'ai dit; par erre, ur, que le mariage a,'ait été
céléhré il Saint-Hernin.
,Je copie l'acte de ma"iuge dressé à Carhaix. Les noms de Timeur
el I\ersimon surajoutés a\,x noms patronymiques de M. et l\l~' Limon
sont les noms de deux tcrres ou métairies non nobles el dont nous ne
lrou\'o llS pas la situation. Ces terres n'onl rien (le commun avcc Ics
seigncuries hien connues du Timcur ct de Kcrsimon,
Le 'rimeur en Poullaouen (cullton de Carhaix) avec titre de marquisat
a passé par alliance (1662) des Plreuc aux Perein de Montgaillard. puis
(0 no\'embre !(85),pa,' acquèt à Jean-Cha,'les Ferret, conseiller au Parlement,
puis pa,' alliance (17t3) aux La Bourdonnaye de B10ssac qui l'ont "endu
en 1829, quelque peu démembré, au 1I1arquis de Kergariou-Coatiliou,
Kersimoll en Plouguin (canton de Plouguerneau-Brest) apparlennil il
la maison du ChasteL
Timcur et Kcrsimo.'l sont historiques.
C'cst au Timcur que sc livra le sanglant combat qui mit fin il la révolte
du papier timbré (scptembre i675),
En 1558, Guillaumc du Chastel, seigneur dc Kcrsimon, que l'histoire
nomme sculement par SOli litre, rassemblait les paysans et les nobles du
\'oisÏlta);e et obJ;geait il 'se rembarquer les Anglais et Hollandais descen­
dus au Conquet et menaçant Brest_

. ' 224 -
1776)' ajoutera à ces titres .celui de sénéchal en plusieurs
juridictions.

Yves Limon avait le titre de procureur fiscal depuis le
4: octobre 1758 (1), et il allait le garder jusqu'en 1784. Peu

après son mariage, il fut honoré, comme son père, de la

mairie de sa ville natale; il prend !e titre de maire de
Guingamp dans les' actes debaptèmes ' de ses enfants nés
entre 1762 et 1767. .
La famille Limon était ancienne et honorée. Comme beau-

coup de familles bourgeoises (2), elle avait des armoiri~s
qu'elle avait fait inscrire à l'armorial de 1696; mais, mieux

instruits que beaucoup de nos conlempomins, les Limon
savaient bien que l'inscription à l'armorial . n'était pas preuve
de noblesse; et ils se reconnàissaient bourgeois en prenant
ou acceptant dans leurs actes le titre de Noblc homme, titre
purement bOUt'geois au XVIIIe siècle (3).
M. et Mme Limon avaient eu sept enfants: .
1° Leur fils Yves, né en 1730, était l',aîné;

(1) Reg. de la juridiction de la prévôté de Guingamp. Arch. des Côtes··
du-Nord, comm. de M. Tempier, archiviste.
Lettres de provisions de l'état et office de procureur fiscal de la Cour
ducale et prévôté de Guingamp octroyées à M' Y"es Limon, avocat aü
Parlement. ,
Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Peuthiène, de Châteauvillain e~ .
de Rambouillet, etc., gouverneur et lieutenant général pour S. M. en la
province de Bretagne, admirai de France, etc., faison s savoir que sur )1: :
bon et louable rapport q11i nous a été fait de M' Yves Limon, aYOeat l)B
Parlement.... lui ayons octroyé ... l'état et office de procureur liscal dl: :
notre terre, seigneurie et juridiction de Guingamp, l'un des membres do
notre duché de Penthièvre, "neant par le décès de M. Joseph Bobouy,
sieur de Kergrée, dernier paisible possesseur d'icelui ".
Fait à la Riviere, ce quatre octobre 1758.
, Signé: L.-J.-M. de BOURDO". ,;
Après vingt-six années d'exercice, Limon se démit, en faveur de M. L,~
Normant de Kergrée üanvier i784):
(~) Prenait des armoiries qui voulait ... à la condition, sous pein'~
d'amen de, de les faire inscrire à l'armorial général et d'en retirer le br >­
vet qui coûlait 20 lines (65 à 70 francs actuels).
Ed il de noyembre 1696 créant l'armorial général: " Les !Jre\'cls d'cn­
r egistrement d'armoiries. ne pourront en aucun cas être tirés à .:oneé-
qu ence pour preuve de noblesse. , Courcy, III., 528. .

(3) Voir Le Titre de noble homme. par J. TréYédy (t902). .

- 225

,, 2" Catherine-Rose, née en n33 fut mariée en 1756, A noble

homme Alexandre-Marie Buhot de Kersel's, demeurant au
Ménez, paroisse de Plougras (1), dont postérité '(2), Elle
mourut lel9 mars 1791. ' ,

3° Marie-Augllstine-Louise (3), née le 6 septembre 1730, (ut,

mariée en 1ï56, à Messire Y~'cs-GabrieICollfTon de Kcrdel-

Iec'h, demeurant à Pontrieux; elle mourut à Guingamp le 26
novembre inti; dont ppstérité (4),

4" Françoise-Marie, née le Il) septembre 1737, ne se maria
pas et mOllrut'à Guingamp, le 22 juillet 1790,
5° Pduline-Jeanne, née le Hi mai 1739, entra aux Ursulines
de Guingamp, à la fin de ' 1765, décédée à Guingamp, le

13 août 1802,

6° Pierre-Toussaint, né le 2 octobre -1740. Baptême du 4,

Lo père n'y assista pas: « maire actuel, il est en députation
:aux Etats de Bretagne n, Pierre mourut enfant ou du moins
, sans al,liance avant 'lï61.
7° Marguerite-Y\'onne, née le 9 août 1746, carmélite à

Guingamp, le JO février 1ï67, faisait profession le 11 février
, 1768; tlle mourut selon toule apparence vers ' 1800, .

(t) Plougras commune, canlon de Plouarel, ar,'. ~c Lannion. Ses deux
ll'h-es Loguivy cl Lollucc sonl dc,'enu~s communcs,- I.e Méllez cL Kerse,'s
;Iujolll'o'hui mClairics,
(~) Ils eurenL huit ellfallts \'h'ants le ~;; a\'l'il 1i0;; (pal'la~c des bieus Ijc
lcurs père cL mèrc), L'aillé Yvcs-Toussaint, épousa Olh'c Le Dou,"'cll :

pere cie A Icxandrc-Maric-TQlIssainL, né à Guingamp, le ~~ octobre
1784, y décédé, le 21 jau"iel' 18;,0; c'est Ic biographe dc La Tour d'Au-
\'ùl'gnc. .
(3) Elle fut haplis,'c le 7, et SOIl "",'C" gou\'crllclII' aclucl clc l'IiMel­
Dicu " lui donna un parrain ct une lIIa,','aine Il du nombre cles pau\'res
de l'Hôlcl-Dicu, qui "":clal'ellt Ile sa\'oi,' sigllcl' . ,

C'cst l'usage quc nous :l,'ons menlion, né plus, haul il propos du baptême
du ms ainé de Mm. dc l'Imalld,'cll' (dcpuis - ~Im. Corl'ol), BIII/clill 1865,
p, 292, j'iOIlS allons ,'oil' un null'e exemple dc cct lisage, ci-dessous p 217,
(4) Enl,"auL,'es c!,fallLs ils curent: Gabriel-Mal'ie, né il POIlt.I'iCUX , Ic
~~ a\Tillnl , 'lui épousa il. Lamballc, Ic 27 juin IS04, Rosc-S ,, \'(;,'c,Joséphillc ,
Hailla clc Doisqllilly ; - 2' Alcxand,'c-i\la,'ic, né lc 7 scptcmhl'c lii:l, qui
épousa Marie-Claire llandouill dc la Hubinii,I'C, dont Alcxancl,'c.Frauçois­
~1:II'ic; décédé il. Brest, le ~5 septcmhl'(: IS93, il iO ails ct 7 mois, C'cst
l'érudlt auteur 'des Rechen,hes sur /a Cheuo/crie dl/ dl/rhé de Bretoglle,
~ \'01. in-S', 18i7, ,
BULLETIN ,\nCII~;OL. DU FINISTEnE, - Tom; XXXUl [Mémoires) 15

- 226-

Telle était la famill, e dans ' laquelle Mlle Corret entrait Eill'

(i1le et sœur chérie.

Depuis le mariagede ses filles alnées et son veuvage ava nt
1761, Limon père vivait avec son fils et ses trois plus jeunl~s

fille~, dont l'ai née, Françoise, gouvel'llait le ménage, On a
dit que les jeunes époux demeurèrent dans la niaison pater­ nelle: Y firent-ils ménage commun avec le père? Et Fran­
çoise, de deux ans l'al née de sa belle-sœur, continua-t-elle
, à être la maîtresse deI a maison? Question. Il se peut en el1et
qu'il n'y ait eu qu'un seul ménage par raison d'économie,
Buhot de Kersers a écrit (p. 06) : ~ Limon resta de bonne
heure à la tête d'une fortune assez considérable pour le pays
qu'il habitait; et il sut l'augmenter encore par l'ordre , et
l'intelligence qu'il apporta dans la direction des ses affaires H,
Sur le premier point, Buhot est mal informé. En effl~t,
Limon avait quarante-six ans et était marié depuis quinze ans, '
quand il recueillit l'héritage de ses parents. J'ai ~ous les
yeux une note du partage fait (le 18, juin n76), après la
mort de Limon pére, des successions confondues de M. et
' Mme Limon, Les copartageants sont au nombre de quatre:

Limon, ses deux sœurs mariées et Françoise. Piel'l'e n'est
plus et les deux jeunes sœurs religieuses n'héritent pas. Les

biens immeubles, dont il est seulement question, sont évalués '

fOO.OOO livres, plus de 203.000 francs de notre monnaie.
Chacun prend un quart de celle valeur, soit 25 . 000 livres ou
50.000 francs actuels.
Mais, aU temps du mariage de Limon, qui aurait prhu
, que les deux jeunes sœurs se féraient religieuses? La part
de chaque héritier était alors présumée d'un sixième

de 100.000 livres, ou 16.666, 3a,332 francs.
J'ajoute que par acte authentique 'du 13 septembre 1766,
Limon père constitua en dot à sa fille Pauline, alors novice
aux Ursulines, une pension viagère de 200 livi'es seulement~

environ 400 francs de nos jours.

227

Les biograph. es ont mentionné, j'allais presq'ue çlire
célébré (1 la pauvreté » I( la grande _ pauvreté (1) )) de
Carrel même devenu La Toul' d'Auvergne; or Corret,

son frère et sa sœur avaiént, au temps du mariage de
Mme Limon, chacun une part égale supérieure à l'avoir de
Limon ('2). __

On voit qu'en réalité, la fortune était du côté de .
_ Mille Limon. Nul doute que Mme COlTet, dont les enfants
mineurs avaient été condamnés à payel; le droit roturier
de franc-fief, n'ait, au moins pour un temps, renoncé pour
eux à ses prétentions nobiliaires; et qu'elle n'ait accueilli la
demande de Limon en considération de sa situation de

bourgeoisie supérieure à celle des Corret, et aussi - des

aimables qualités de Limon et des sérieuses garanties qu'il

atTrait à sa fille. -

- Buhot de ]{ersers, qui connaissait bien son grand-oncle, a

d ,il la droiture, 'la sagesse et la piété de Limon; mais il n'a
pas appris, ce que nous a révélé Limon lui-même, que sa
gravité naturelle savait sourire, et que, comme beaucoup
d'avocats de son temps, il avait cOUl'tisé la Muse.
Je puis même dire que son goùt éclairé inspirait toute
confiance. Un jour, le sénéchal de 'Corlay, Georgelin, foo-

dateul' avec le - comte de Sérent de la Socîtité pat'I'iouque (le-

. IJretagne, le prie de corriger une épître en vers, que la

comtesse de Nantois éCl'it à Mme de Beauharnais. Limon
remercie Georgelin de sa communication; « relève une faute
d'inattention dans l'épitre de cette charmante muse)); et joint
à son envoi une épitre en vers à Mme de Nantois « alin qu'ellé
. voie qu'il y a d'autres que ses amis à l'admirer, que son
(1) l\fichclct, l" 48, 61,1;3.
(~) ~ous ,'crrons ccl a plus loin. - Buhot dit (1'_ ~8) : « A la mOl'l d'QIi­
Yicr Ics pUI'lagcs curcnt Iicu selon .Ies ('0 1'1\1 es usitêcs dans la noblesse. »
Ce n'cstl)as la l'ormc, c'est Ic {o/ld qui dislin'gue le partage /loMe du par­
tage roturier. La preuyc quc lc pal'Lagc sc lit roturiCI'cmenl, c'est-il-dirc
en paris égales, c'est que Josepb, l'aÎllé des enfants, Ile rcçut pas Lampoul,
principal manoir que le partage noble lui aUl'ait attribué par priciput.

228 --

exemple gagne, et qu'elle l'éveille jusqu'aux vieilles muses

endormies depuis longteiùps » ( 1).
A vocat désintéressé, Limon se fai sait-il, comme d'autres
avocats que j'ai connus clans ma carrière cie magistrat,
arbitre entre les parties et avait-il l'art heureux cie les accor­
der? Je le crois, quand je lis une petite pièce que Georgelin
a:lresse à (1 Limon , habile avocat et conciliateur ~, pièGe
dans laquelle se tl:ouve ce vers: .
Je te vois invoqué comme un a'nge de pai. x (2).
Limon étail , d'ailleurs, l'homm e le plus simple eL le plus
étranger aux illusions aristocratiques cie son beau-frère.

Malgré leur dilTérence d'humeur et d'âge, Limon avait douze
ans cie plus que Corret, ils furent intimement unis, Limon
tulle conseil, le confident, l'homme cI'alTail:es, disons mêm e
le bailleur de fonds de La Tour d'Auvergne. Durant quarante
ans, un seul nuage passa sur leur amitié, mais passà vite etsans

laisser rte trace. En décembrr. 1792, après avoir perdu toes
ses proches (3) , La Tour d'Auvergne annonçant à Limon la
mort du duc de Bouillon ( 3 décembre) lui écrivait:
(( Le seul bien , le se ul besoin de ma vie seraitcIe retrouver
clans voire amitié celle qui avait contribué pendant plus de
douze ans au bonheur de mon existence (4) ) .
Plusieurs lettres cIe Corret à Limon ont été publi ées, Lc:s

(1) l\l~' dc Nantois rimait avec une aimable facilité des ,'crs applaudis pa,'
Vergniaud, S(, dnt-AlIge cl ail 1 ''cs, II semble, qu e s'adl'essa"t il ~l '~ de
Beauhal'nais , clic avait pOlir do Sa edUqu c , De li, les co,','celio" s sollicitées,
SlII' celte his lo l'ic I.U:" vo i,' Un Sén éch,,/ de C01'/"y (Cti tes-du-No l'(l), COl'l'ei ­ POlld'1II1,1 ! l'ollaire pa,' ,1. T,'é \'(~dy (fSSi) p. 1 .4 ; cl/a CO lllle. sc de N'lillois
dite /" Ml/SC brelol/lle pal' le lll ème (I S D;;), p. ~ï,_
. (~) Un , éllée/111/ de Corlay... p. !,I., .l'ai don"é celle pc W c pièce oa 1l5
U, 1'0 1/1" d'AI/ver ylle {I//-il /loble ? Appendice VJI!. p. ;':J.
(a) Depuis la m Olt de sa m ère (lS l'é \"l'ic,' lï80) il a"ail, pCI'dll son vi r: il
o ncle Thomas COI' rel le jcsuite, par llli "éllc,'é comme un p èr c (li o :l.obre
1ï8~), so n l',',,re cade t Th o mas (~ l'énic,' o St.), enlin sa SCC II" Mm . LitllOll
(26 décembl'e IiS5). '

(4) , \ 'olice his/oriqll e SlIr /1/ TOl/r ,rA IIIJeJ'ylle (p. 3S) (1 8108) pa r M' .1. Galldr)',
avocat l 't Pal'is~ qui plaida dans FaO' ail'e du C(l~ tJ.l' de La T OUl' rPAl1\·cl'gll e.
A la suite de ses pages, il "nnlle le jllg,)m enL cl e Castelnaud,"'y (~juin '
.1839), cl l'arrê t conürmatil' de i\l o ll t.llellie ,· (1" décembre 181.0).

- 229

leltr~s de Limon n'auraient pas manqué d'intérêt. J'en ai pu
lire plusieurs adressées à sa belle-mère. Selon l'usage des
ecclésiastiques, Limon trace une croix en tête de ses lettres.
li témoigne à Mme Corret-Billonnois un respect dont l'expres­
sion semblerait aujourd'hui un peu cérémonieuse: il lui écrit
~ t\-Iadame, ma très chère mère; » et, quand il parle de son

beau-frère, il le nomme (( Monsieur Corret. )) Ses lettres sont

pleines de tendresse pour sa femme et ses jeunes enfants (1).
De 1762 à -1767, Mme Limon mit au monde deux fils et
deux filles. Voici leurs noms:

. 1° Jeanne-I\'larie-Sainte, née le 16 mai 1762. Baptême le
17 Parrain, Toussaint Limon du Tymeur. Marraine, Jeanne­
Lucrèce Salaün, dame de Billonnois, aïeule maternelle.

Philippe-Paul-Toussaint, né le 4: septembre 1763. Bap­
tême le 5. Parrain, noble homme Philippe-Marie Billonnois.
Marraine. ,Pauline-Jeanne Limon" demoiselle de Pradelan

sœur du p:~rc). Mort enfant avant -177-1.

3° Rose-Anne, née le 26 janvier 1766. Baptême même jour.

Parrain, Guillaume Blanchard. Marraine , Françoise Bourtat
« qui ne signent pas. » Ce sont deux pauvres de l'hôpital.
(2) , Elle mourut le 6 juin 1781.
4° Théophile-François Olivier, né et baptisé le i7 juin
1767. Parrain, Théophile· Malo Corret de l\erbeaulTret, mous­
quetaire de la garde ordinaire du roi. Marraine, Françoise­
Josèphe Limon, demoiselle du Tymeur. Mort enfant avant t 77-1.

Il) .Une lettre du 3 juin t769 finit ainsi:
"Notre !tose-Ann/' (elle a,-aiL trois ans et demi) est grande causeuse
en l'''cton cl faiL de SOli micux pOUl' dirc cn fl'ançais j je rougirais de
pareils cOlites si je ne les faisais il unc grand'mère aussi tendre. Adieu,
lI1a ll'ès-cllèl'c mère. Ne doutez jamais des selltiments sincères et rcspec·

t.ueux avec lesquçls je serai toujours,

Ma très:chère mère,
Votre tr~s humble ct très obéissnnt
Y_ LIMON.
(~) V. ci-dessus, p. 213 note 3_

230 -

Sorti du collège en 1761 ou -1762, Corret passa deux ou

trois années chez sa mère: il visitait souvent sa sœur et
recevait le meilleur accueil de M. Limon. M"e s -Françoise
et Pauline, plus àgées que lui, le traitaient en ami:

Marquise plus jeune était tenue à plus de réserve. Ces rela ..

tions aimables lui faisaient aimer cet intérieur simple et
paisible d'où l'esprit el la gaîté n'étaient pas exclus.
Aux premiers mois de '1765, Conet vint faire à Guingamp
une visite d'adieu. Aux derniers jours de mars, il partit pOUl'
Paris où il arrivait le 3 avril -1765 ('1). Il allait y chercher et
trouver le moyen de réaliser son rêve: l'entrée dans , l'armée
comme oflicier. '
Il ne reven;a la Bretagne que près de deux ans plus tard .

Au mois de mai 1'i67, dev.enu mousquetaire du roi, il revien ..
dra pour tenir sur les fonts avec Françoise Limon le second
fils de sa sœur. Mais quel changement il trouve dans I~I

maison de M. Limon! Françoise est seule; les deux jeune~i
sœurs, l'une après l'autre, sont entrées au couvent.
Pauline, l'aînée des deux, entra aux Ursulines de Guingamp
à la fin de 1761>, quand elle avait vingt-six ans. Un an après,
elle faisait profession. L'année suivante, le ' 10 février 1667,
Marquise s'enfermait au Carmel de Guingamp, et elle é~ai t
professe le H février 1768, à vingt et un ans (2).

Mais derrière la grille, les religieuses ne devinrent pa~i
étrangères à Corret. Après leur entrée en religion, «( s'il
. écrit à son beau-frère, il ne manque pas de lui dire: « Je me
recommande aux prières de vos sœurs, y ayant une confiance

(1) Lettre de Corret, du 10 mai liôS . Dans Quelques légendes, l'Ecole de
La Flèche,. p. 28, il a été imprimé par "rreur août au lieu de avril,
mol imprimé, p. 29.
(2) Ces renseignements,ainsi que ceux qui suivront concernant les sœur3
Limon, son't omcicls.lls sont extraits des dossicl's conccrnaullcs religieu:t
cn 091 cl années suivantes. Arch. de! Côtes-du-Nord. Jc dois cos rcnsci. ­ gneroenls à M~ Tempier, arcbi\' i&te.

sans réserve (1) ». Cette requête (( aux sœurs» de Limon ne
s'adresse pas seulement à Françoise l'estée seule dans le
monde.
Vers le même temps, Mme Limon avait vu mourir ses deux
fils enfants.

En 177t. sa mère Mme Billonnois devint veuve. Rien ne la
retenait à Carhaix; pour se rapprocher de Mme Limon, elle
vint se fixer à Guingamp avec sa fille Henriette Billonnois
alors dans sa douzième année. La venue de sa mère et de sa .
jeune sœur fut une consolation pour Mme Limon; mais d'autres
tristesses allaient bientôt venir. .

Mme CautIon de Kerdellec'h mourut prématurément à
Guingamp, le 26 novembre ' 1775, âgée de quarante ans. Son
père, M. Limon, 'j'éteignit à 75 ans, le 26 avril 1776. Le
22 mars 1778, Henriette Billonnois allait mourir à dix-huit
ans, Sa mère Mme Billonnais la suivit le · 18 février 1780 .

Mm"Limon portait encore le deuil de sa mère,quand il lui fallut
fermer les yeux de sa plus jeune fille Rose-Anne, mourant

à quinze ans, le 6 juin 1781. Enfin elle-même succomba, le
26 décembre 1785, à quarante-cinq ans.

Je n'ai pas voulu interrompre cette liste nécrologique, mais
il nous faut revenir un peu en arrière .

Des quatre enfants de M. et Mme Limon, l'alnée Marie-
Sainte restait seule. ;'\.près la mort de Mm. Billonnois, elle
fut demandée en mariage. M. et Mm. Limon agréaient
l'union projetée; mais leur fille n'ayant que dix-huit ans,
(( ils s'étaient réservé un an pour prendre un parti Il.

(1) M' Gaudry, p. 35·36. BlIhol croit aux sentiments religieux de La
Tour d'Auvergne, mais il n'cn fournit pas la prcuYc. Ecrivant, les yeux sur
ln correspondancc entre lei deux beaux·frères, comment ne eiLc·t·il pas
cette phrase siguiflcative ? - Calohar . (Notice hl.!/oriqlle (iS4i) cite la
même pill'ase. .

Ils demandèrent « l'agrément)) de Corret. Celui-ci ne mécon­
naissait pas· les avantages qu'offrait à sa nièce l'union
projetée; pourtant il la repoussa, et par cet unique motif
que le prétendant n'était pas noble. (i)
Paré du nom de La Toul' d'Auvergne, il se croit noble
et il entend que toute sa proche parenté soit noble comme
lui-même. Le nom de La Tour d'Auvergne a été concédé à
lui seul. Chose curieuse: il va étendre cette concession à

sa sœur et à son frère. Mme Limon, aussi entichée de noblesse

que lui, va se parer du nom de La Tout d'Auvergne, croyant
se donner la noblesse (2); mais son frère Thomas, qui vil
étranger au monde et solitaire à Paris, prétendra rester
Correl. Il 'meurt, et, de par son frère, il deviendra dans

son acté de sépulture « Thomas de La Tour d'Auvergne,
chevalier de Canet (3) )). - - Voilà afllrmée la noblesse des
Carret !.

On peut croire que Mme Limon accepta sans peine l'avis
de son frère; mais ce ne fut 'pas sans regret que Limon
renonça au mariage projeté. li s'ensuivit quelque froideur
entre les deux beaux-frères; mais ce nuage passa; et ell
gage de paix, La Tour d'Auvergne envoya à sa sœur
une croix en cristal renfermant une parcelle de la Vraie­
Croix, legs précieux de sa mère qu'il destinait à sa nièce,
pour que cette auguste relique reslàt à jamais. dans la
famille (4) n .

Cinq .ans plus tard, Mlle Limon était de nouveau demandée

(1) Lettre du G aotit liSO. BlIhot, p. 84-88.
(2) Dans un acte de baptème à Plé\'in, le 17 JUIllet 1i82, Mo' Limoll
signe: ( De La Toul' d'Auyel'gne-COI'I'el du Timcur . Le nom de Limon
est omis.
(3) Après d'autl'es , j'ai daté plusieul's fois cet acte du 3 ou 4 jan\·iel'1i84.
Je puis aujourd'hui donne l' la date certaine. L'acte (SaÎllt-Roch de Paris .
cst du 5 rén·im' . En voici la note l'clc\'ée l'al' le comte de Chastellux)

(Notes prises à l'Etal,Ci\' i\ ùe Ptu'is, p. 595 (ISi5),
« La Toul' d'Au\'crgne (Thomas'Louis), chevalier de COl'rct " .

14) 8uhot, p. 9!.

233
, en mariage. Le prétendant était un gentilhomme, Joachim-

Hené-Mathias Guillard de Kersauzic 1 '1),
Les Guillard n'avaient pas produit à la réformation de
de 1668-70; mais leur noblesse avait été reconnue au conseil
en 1698, et ils en faisaient preuve par des réformations el
montres de H!l8 à H:i62.
Aux derniers siècles comme aujourd'hui, beaucoup de
familles quittaient leurs noms etn'étaienl plus connues dans
le monde que par le nom d'une terre noble, s'il se pouvait,
ou au besoin roturière. Les Guillard avaient suivi l'usage et .
s'appelaient de KC1'sa, uzi!;, du nom d'une terre située en la
paroisse de Carnoët (2). Kersauzic était terre noble, non
titrée; mais les Guillard vont se qualifier « comtes de Ker-

sauzlC Il. .
La Tour d'Auvergne n'avait plus d'objection à faire, Il se
montra très heureux des fiançailles de sa nièce. Il demanda
pour sa sœur au duc de Bouillon le nom Je La Tour d'Au~
vergne dont elle se parait à l'avance, enfin il annonça que
le duc signerait au contrat (3). .

(1) Fils dc Mathias·Alcxandrc Guillard de Kerôauzic et de Rcnée-Marie
Angélique Tronson de Kcrycrgat.
Né, vcrs 053, il Paulc (canton de Muèl-Garhaix, arr . de Guingamp), il
était l'aÎné-dc '
Claude-François-lIIarie-Vinccnt, né vcrs li57, qui, en 182i, habitait Mor·
, laix, coloncl ell retraite, che"ulier .de Saillt-Louis ;
RClléc·Mal"Ïc·Frallçoise, née vcrs liOO, il llerrien, célibatairc, décédéc il
LOClUaJ"ia, Ic 6 fénier 1833 ;
.Jcannc-Marie-Bellée, née il Bcrricn vers 1769, célibatairc, décédée à Loc·
Ulal"Ïa le 29 janvicr 1827, - ReliS. de M. I.e Alaire de Loclllaria-Berriell ,
(2) Curnoët callton de G,dlac, Guingamp, Côlcs·du-Nord, Kcrsauzic
alljourd'hui mélairie garde encore unc belle a"enue, marque d'L1nc gCn-

lillloUlmièrc. - Etymologiquement le mot "cut dire vil/aae ou 11/aisoll
dll petil allg/ais. Il se prononçait appal'emlllcnt Kersau:i sans que l'usage
lit scntil' lc C tinal. De là la forme Kersollzie (n,'cc un e tinal), Lc nom
ninsi éerit devrait en bl'elOn êtrc prononcé Kersauzié , '
Il C8t SIlI'I"'CM,nt que la famille l'ait écril ainsi. La Clll·te du cadastre
ct celle de l'_ Etat·i\lajol' écrh'cnt Guenosic, forme cncore plus défectueuse,
(a) Buhol a écrit, (p. 130-131) - "Il fut prié par M. du Timcur dc l'aire
auprès du duc les démarches nécessaires pour . obtcnil' que sa sœur mt
autorisée il prcndre lc nom de La 'l'OUI' d'Au\'ergne ».
Et un bioO'l'aphc qui accorde trop de contianee à lluilot, copie ceLLe

234

Toutefois un grave sujet d'inquiétude trouble la joie de

La Tour d'Auvergne. L'année précédente, Limon a quitté son
'office de procureur fiscal; il est resté avocat. Ne s'avisera-t-i1

pas de prendre ce titre dans le contrat qui sera signé par Son '
Altesse « Godefroid, par.la grâce de Dieu duc de Bouillon))?
Etrange disparate! Voilà ce qui inquiète La Tour d'Auvergne.
Il demande à sa sœur (l'intermédiaire est bien choisi) de
« prier son beau-frère de ne prendre d'autre titre que celui

de noble sieu1')) imaginé par lui ('\).
Le nom de La Tour d'Auvergne accordé à Mme Limon
apparut seulement dans son acte de sépulture_ Le mariage
- .de sa fille, ..décidé -~.vant le mois d'aoùt 1785, retardé par
la· maladie et la mort de Mme Limon, ne fut célébré que le
8 mai 178f'). .

Le mariage de sa fille unique ne condamna pas Limon il
l'isolement: sa sœur Françoise demeurant avec lui tenait

son menage .

Quelques années avant son mariage. M. Guillard de Ker ..
sauzic avait acquis en la paroisse de Locmaria-Berrien une
. terre avec une modeste gentilhommière nommée La Haye··
. Touronce. Il y avait fixé sa résidence principale, et il se
livrait à la culture de ce domaine (2).
A vol d'oiseau, La Haye était à peine 50 kilomètres de

phrase eL dit: « M. du 'l'imeur anlit tini, comme son beau-fl'ère, pal'
attacher une grande importance aux til,'cs ct il la naissance li. M. Dé!'ou­
lède, Le Premier Grenadier, p. (137-1:IR).- Si 1:, pdere de Limon était démon­
trée par une preuve écrite, nous eroil'ions que Limon Cn faisant cette
demande a cédé aux obsessions de sa femme.
(1) Lettre du 2 aotl L IiS5, Bu hot, p. (326-32;). Nous ne sa,-ons si Limon
accepta ce conseil. Nous n'avons pu \'oir le contl'at de mariage .
(2) La paroisse de Berricn, é"èché de Cornouaille, a\'ait aloi·s pour
trèves Le Huelgoat et Locmaria. A"jouI' Fhui ces trois lieux forment
trois communes, canton du Huelgoat, 'lrl·. de Chàtcaulin.
La Haye était nommée La Haye-l'Ollronee, du nom le ses anciens
possesseurs les 'l'ouronce (W gén. Hée. de 1669), successeurs il la Haye
des Kcrneguez (jü!!o). La Haye passa pal' alliance aux Postee s'· des
Isles (liB) puis aux poulmic (ti26), enfin pal' acquêt (H renier n;n) aux
Guillard. Aujourd'hui La Haye appartient par acquêt il la famille de
Parcevaux .

- 235 -

Guingamp; mais la difficulté· des routes mettait Mm4 de

Kersauzic biell loin de son père. Les jeunes époux résidèrent

alternative:nent à La H?ye et chez Limon.
En ' 1787, M. Limon reçut la visite de son beau-frère. De
ses proches, il ne restait plus à. La Tour d'Auvergne que
Limon et sa nièce de Kel'sauzic, à laquelle il avait voué une
affection presque paternelle , Il put la voir , chez son père, où,
1e-2'l juin 1ï87 , elle mit au monds un premier enfant qui fut

nommé Alexandre-Godefroid (1).

En 1789, La Tour d'Auvergne revint en Bretagne. En

octobre, il était à Carhaix, et il reçut de sa ville natale une.

marque de confiance qu'il allait justifier. Brest avait acheté-

des grains à Lannion; des émeutiers s'opposèrent au départ
du convoi. Deux mille volontaires armés partirent de Brest
et marchèrent sur Lannion. D'autres villes s'armèrent pour
la défense de celte ville. C'était un commencement de guerre
civile. Plus sages, des villes s'interposèrent et nommèrent des

commissaires chargés de ménager un accommodement.

Carhaix députa La Tour d'Auvergne dont l'intervention fut

très utile. ,
Lors de ces premiers troubles,que beaucoup d'autres allaient
suivre,M. de Kersauzic se résolut à ne plus quitter La Haye:
il voulait que sa présence y fut chaque JOUI' constatée. .
Limon ne pouvait qu'approuver la résidence constante de
ses enfants à La Haye. En un temps où Guerre aux chateaux!
allait devenir un mot d'ordre trop bien obéi, il était prudent
de rester dans sa maison pour la sauver du pillage, s'il était
possible. Mais l'a~sence de Mme de Kersauzic fut d'autant
plus pénible à son père, que, le 22 juillet 1790, il allait voir
mourir sa sœur Françoise. , '

Il avait d'ailleurs d'autres sujets de triste, sse. La sœur

(1) Voir c:!:trait dc J'acte de baptême, ci·dessous p. 230 en Ilote .

'- 236 _.

ursuline et l'autre carmélite avaient refusé le serment. A la
fin de t / 90, leurs couvents étaient fermés et les religieuses
. dites « calotinocrates, fanatisées, infectées de fanatisme,
pestes publiques)) (t) ,étaient incarcérées.En l'an III (1794-95)
ursulines et carmélites étaient réunies au couvent de Mon­
bareil transformé en maison de détention pour les ex­
religieuses et suspects, hommes et femmes.
L'année suivante (-l79l), Mm" de Kersauzic vint faire
ses couches chez son père; elle y venait seule puisque
c'est Limon qui déclara la naissance de sa fille Léocadie­
Théophile, dont son grand-oncle, le capitaine La Tour

Auvergne sera Il:) pa\'fain par procuration(27 juin 1791) (2) .
Quel temps que celui où un citoyen ne peut quitter sa
maison pour quelques jours sans l'exposer au pillage et
encourir le soupçon d'émigration! .
Le 21 décembre '1793, La Tour d'Auvergne écrivait qu'il
aurait un congé d'hiver en janvif:)1' et qu'il viendrait le passer
da ns « sa cha u m ière de La m pou 1 et chez sa ni èce Il , c'est-à-di re
à la Haye : Mais son attente fut trompée: l'hiver n'amena
pas une suspension absolue des hostilités. Au printemps, la
guerre devint plus active; La Tour d'Au vergne y pri t une part .
glorieuse, et c'est seulement en novembre 1794 qu'il obtint
une retraite que « ( l'épuisement de ses forces rendait néces-

·saire. )) (Bayonne, 9 décembre).
Il partit aussitôt, et,' le 4 janvier 1795, de la rade de
Pauillac, il écrivait à M. de Kersauzic qu'il s'embarquait pour
Brest, et qu'il le priait de lui envoyer un cheval pour se
rendre à la Haye, Vain espoir! En mer, presque en vue de~
côtes du Finislère,il est fait prisonnier; amené en Anglete\'fe,

(1) Expressions empruntées au ,"ocabulai re du co,ùité re" olulI onnaÎl'(j
db Qnimper . Il n',n'ait pas inventé le pl'emier mo t. A i'i'anlcs, dès li90,
les beaux es prit.s disa ie!'t Ca lotillorratillcl/cs e n pal'Iant des ca",nélitcs
des Couets, Certains journau x de 11 0 5 jou,'S ne sont qn e des plagiairc~
quant ils disent pestes publiques.
(2) Voir extrait de l'aclç. de baptême, ci-dessous p. 230 en Ilole.

237

il sera échangé seulement le 7 janvfer 1796, et débarquera
au Hi hre, le 12 de ce mois, .

S,i, au commencement de '1795, La Tour d'Auvergne était
revenu en Bretagne, il y aurait appris d'étran ges nouvelles:
M, de l\ersauzic prend le titre de cultiwtc!L1' et le doux et
modeste Limon est suspect et emprisonné!
En 1782, M, de l(ersauzic était dit (pal' un singulier pléo­ nasme) « noble écuyer)) ; il prenait le titre cie comte au
baptême de son premier enrant, en '1787; son père étant

mort apparemment vers ce temps, en '1788, il est dit « chef
de nom et d'lll'mes )) et seigneur cie Keryergat et autres
seigneuries ('Il, En '179{~, il sedit « cullivateur n,
Il exprime une vérité, puisquè en efTet il cultive ses
terres .. Mais pourquoi prel)dre ofliciellement ceLLe qualité?
POUl' échapper, si possible, aux rigueurs du decret du 27 ger­
minal an 11 ('16 avril no.}) qui .présume tous les nobles cons­
pirateurs et les soumet à une sorte d'exil à l'intérieur, ne fai­
sant d'exception qu "en r .a veur de ceux qui sont « 1l1archands

en clél cti 1 et pour les ouvriel;s vivants de lelll' travail ('2) ': ))
Est-cele litre de cultivateur qui permit ùM. de !{ersauzic

de résider à La Haye? cfoujours est-il que plus heureux que
d'autres, il resta chez lui (3 1,
Le 20 germinal an ur (9 avril '170:5) il est nommé officier
public cie la commune de Locmaria; le n frimaire an IV
(-1) HeliseigllclIlc lIl S dc la ruail'ic ch; Bel'l'ic n,

(~) . Le ~ lôcr.et. 5tH: « Féloigucltu;li t. des Bohles et assill1ili~s " (CCliX qlli
Il' :(all(. l'as nohles "'"lIlSIII'IH~ 00 ac hcl,; lill'cs cl l'l'h' lIègcs Ilc 1Ioblc5sc) .
-« Ceux qui hahit CIiL l'al'i~, \'ill4;s fOl'les ou t'I'ûnLÎ l':I'cS doi\'clIl. en êll'c
pal'tis a",,"l dix ,jOlll'S sous l'cine d'èll'c mis hOl's la loi. Un ordre ' tic
pa""" 1 :1\1' intimc UIIC l'ôsidc liCC », J)t"'cl'gim', ' Lois cl décrcl" '1'. II. l', nI
el suivantes.
D"s cO lllil(,g ,.;'n.llIlionllail'cs ll'oo\'èrcnt ces l'iglleurs inslIlIls:llllcs c l
t'I'appi!l'cnl lOlls Ic~ nohles d ',)I'("'OS de passe tians les \'illes o u\'(!rlcs el
nOIl fl'olll.ièrcs. Ex., Quimpcl', Hisl, di, Comilé RélJolll/io/llltlire, pal'
J, 'l'I'i!,' ,;dy, p, 111. él slIh'"nlcs,
(:1) Le comilé de Qllimpm' n'admcttail pas l'exceptio n pour Ics « CHIli.
,'aleul'S il I!PCC ,,'11 y a"uil' pOllrtant à 'cettc i:poquc, commc il y a
aujourd'hui, des nobles lolJOllralll le sol. . '

- 238 , ,

(8 décembre -1795) il est président de l'administl'ation' muni-
cipale du canton du Huelgoat, et garde cette qualité pendant
les an,nées V, VI, VII (1797-98-99). En thermidor an VIII
(juillet-août 1800), il est mairede Locmaria (1).
Nous verrons bientôt que ses précautions et, tous ces titres
administratifs ne lui seront pas une sauvegarde.

Au mois de mars 179~, Limon devenu suspect avait été
incarcéré à Montbareil. Quelle avait été la cause, ou mieux
le prétexte de son arrestation'? Est-ce son titre ancien de
procureur fiscal du duché de Penthièvre'? Ce n'est pas pro-

bable. Le duc n'a' pas émigré. Il a vécu tranquille jusqu'au

4 mars 1793 dans son palais de Sceaux, quoique Bourbon.
Sa bonté et sa bienfaisance ont été sa sauvegarde, Est-ce le
, refus de serment des sœurs de Limon? Peut-être. Mais ne
" serait-ce pas plutôt sa correspondance avec son beau-frère

La Tour d'Auvergne? Depuis deux ans, pendant que chaque

jour le futur Premier Grenadier exposait sa vie à l'armée
des Pyrénées-Occidentales, il était présumé émigré, et inscrit
_ à ce Litre dans les départements du Finistère et des Côtes­
du-Nor~: les certificats des représentants à l'armée, les .

bulletins publiés au A!olûlWI' constatant ses acLes de bra-
voure étaient des chiffons aux yeux des administrateurs, qui
maintenaient son nom sur les listes, et le séquestre SUI'. ses

biens.'C'est ainsi que Limon pouvait être suspect « comme
agent d'émigré. »
Le séquestre frappait les biens de Limon, et il devait être
fait inventaire de son mobilier (2). Deux commissaires, Penven

(t) Il a gardé la mairie jusqu'en 1835 et est mort à La Haye lc ln octobre
1836.

(2) .4rch. des Côtes-du-Nord" Séric Q, Domaines natio naux - Do!sier
Limon. Comm. de !If. Tcmpier. -

, 239

et Loysel, nommés par le district et la municipalité, procé-
dèrent à cette. opération, les 17 et 19 mars 1794, dans la
maison de' ville de Limon et dans une autre maison dite
de Kersallic, «( en la rue Saint-Michel-Iës-Guingamp Il.

Limon n'est pas présent; mais il « est représenté par sa sœur

Marquise, ex-religieuse)) (1).
Le 25 mars, les commissaires Pen ven et Salpin, rempla­
çant Loysel, viennent inventorier les meubles apportés par
Limon à la maison d'arrêt. Cette fois lui-même est présent
avec sa sœur Marquise. .
Les commissaires donnent lecture des procès-verbaux
.. précédp.nls · et annoncent qu'ils viennent faire inventaire.
Limon répond « qu'il n'y met pas opposition, étant toujours

prêt à obéil' aux lois.)l .

Cet inventaire nous montre'que Limon s'attendait à une '
longue déten tion pu isq u'j\ a a ppoi-té soixa nte vol u mes de
sa bibliothèque; il nous montre aussi que Limon gardait
à ceLLe époque ' un usage qui passait de mode et qui aurait
pu le signaler comme aristocrate : l'usage habituel de la
poudre. à cheveux; il a apporté en · prison deux boites de
pôudre (2). ,
, L'inventaire fait, Limon déclare qu'il ya chez lui plusieurs
objets appartenant « à son beau-frère le citoyen La Tour
. d'Auvergne:Corret, actuellement commandant de la HSe
demi-brigade aux avant-postes de l'armée aux Pyrénées­
Occide:1tales ... l). Les commissaires ont inexactement rapporté
le dire de Limon. Son' beau-frèl;e n'était que capitaine à

la 14S

(1) On ne peut supposer qu'clic eÎl~ recouvré la liberté. Peu t,être Limon
malade n'aura pu sortir de sa chaml.)1·c, cL sa sœur detenue dans la ·même
maison aura été admise commc mandaLaÏl'c de SOli frère? .
(2) « Un lit garni, deux petites tables, deux chaises, deux mauvais
morceaux de tapisserie de haute lisse, 00 \'olumes relies, linge de corps,
serviettes, une théiére, deux boîtes à poudre, plat à bal'be, rasoirs, une
pctite glace, ulle chancelière rembourrée, montre en argent. '

. Nous n'avons ' pu savoir combien de temps se prolongea '
l'incarcération dé Limon ('1).
. Quand il entrait en prison , il ne se doutait pas que l'incar­
cération menaçait aussi son gendre et sa fille, MDl" de Ker-

sauzlC.

, Chose à peine croyable, mais certaine: pendant les années
IV, V et VI, Kersauzic, président de l'administration cantonale
du Huelgoat, était inscrit sur la liste des émigrés; et il ne sera

radié que le 13 germinal an VII, ( 3-ayril 0(8) (2\.
Toutes ses précautions ont donc été inutiles 1
Mais ce n'est pas tout. Au commencement de -1797 , La
Tour d'Auvergne apprend que les biens de sa nièce, « ( la

citoyenne !(ersauzic )), situés dans le Morbihan,sont séquestrés
comme biens d'émigrée. Elle. est donc inscrite sur une

liste d'émigrés; mais où ? La Tour d'Auvergne s'adresse
directement au Ministre de la police, auq\lel il a révélé une
situation qu'il fallait taire. Jamais déyol1ment plus sincère
ne fut plus compromettant 1
Après beaucoup de recherches on apprend que Mme dr.

Kersauzic a été inscrite dans le Morbihan , où ne fut jamais
sa rés'idence. Le 17 frimaire an VI ( 26 noyembre 1797), les

administrateurs du Finistère délivrent un certificat attestant

que, « depuis ayant 'l789,'le5 époux Kersauzic ont constamment
résidé à Locmaria et que le mari y exerce depuis plusieurs
années des fonctions publiques )J.

Dans une autre délibération, l'administration du Finistère
, déclare que «( l'inscri~fion de la citoyenne Kersauzie présente

une i l'régula ri té qui peu tten i r de fort près à la ma 1 vei lia nee ... )J

(1) NO liS Ic rc t" OIl\'cr on s Iibrc euli9S ; m a'is sa détention u\'ait sans d o ut.c
ccssé depuis que lqll c. tem l's:

(2 \ J 'cmpruntc ce re nseignement ct cellx qlli suÎ\'clll il IIll m ém oirc de
M. l'abbé GlIirriec très clIrieux il lire, intitlllé Démarches de Vl TO llr
d'A ".verglle-Correl pO lir la radialion de sa nièce Mm. de Kersollz ic sur la lis le
des é/!Iigr és. Bulletin d e la Société ArcJléo/ogiqlle dll Finistère. T. XXIX .
(1\Jœ) p , as, à 53 .

Non· c'est autre chose: c'est l'œuvre de la cupidité qUI,
sans y prendre garde, deviendra peut-'ètre homicide. Il y
a là quelque cc pur », quelque cc 'patriote enragé )l aspirant
à la mise en vente des biens de Mme dB Kersauzic comme
biens d'émigrée. Il se sera fait délateur auprès d'un
comité de surveillance que l'administraHon aura écouté

sans demander de preuve. Non informée de son inscrip-

Lion, Mme Kersauzic n'aura pas pu, comme le veut la
circulaire du ministre de la police du 18 vendémiaire an VI,
(9 octobre 1797), prendre la précaution de se faire mettre en
surveillance; et pOUl' ce fait, cc elle court le danger d'être
arrêtée et jugée pal' une commission militaire» ('1) ; et on sait
comme elles jugeaient!
Le 12 ventôse an VII (2 mars '1799) la radiation n'est pas
encore obtenue; et il Y ' a plus de treize mois que La Tour
d'Auvergne a fait sa première et compromettante démarche (2);
La Tour d'Auvergne était revenu de sa prison d'Angleterre
en janvier '1796. Il reprit du service en n97 ; et l'année .
suivante (1798), il vint à Guingamp. Ce fut sa dernière visite.
En 1799, il faisait encore une campagne, et le Premier

Grenadier allait tomber, le 27 juin 1800, à la tête de la com-
pagnie qu'il commandait comme capitaine.
. Deux ans plus tard, le ~5 thermidor, an X (13 aoùt '1802)
mourait la dernière des sœurs de Limon, Pauline, l'an­
cienne ursuline.

Limon avait vu mourir après sa mère et son père, sa

femme, trois de ses quatre enfan~, son frère, ses cinq sœurs,
(i) C'est l'eJl'rayllntc réponsc du rcpréscntant Roujoux il La 'l'our d'Au­
verglle (lin dc 1ï97), p. 44-45.
(2) Lc Gogal-Toulgoêt, JUs de Vinccntc Le Houx, sc montrc très inquiet
du résultat dèS démarchcs de La TOUl' d'AuvCJ'gne, " qu'il Ile peut con­
ce\'oir D, Lcttrc du 12 ycntôse ail VII, 2 mal'S i799. - Sc taire était Je
plus sage.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINIST~;RE. - TOME XXXIII (Mémoires) 16

242
toutes plus jeunes que lui, son beau-frère La Tour d'Au··
vergne. 11 vieillissait tristement. Les jeux même de ses petits­
enfants ne l'égayaient que par moments. Une dame respec,-

table, née à Guingamp quelques mois ÇI\'ant Léocadie de

Kersauzic, se rappelait qu'allant jouer avec elle, elle avait
vu Limon maigre et chauve, couverl d'une grande redingote:,

immobile dans son fauteuil, fumant silencieusement la pipe,
souriant un instant aux jeux des enfants, puis retombant

dans ses tristes pensées.
L'ordre était revenu et les citoyens pouvaient quiller leurs
demeures sans p.ncourir le soupcon d'émigration. Limon
visitait souvent ~a fille à La .Haye; il Y voyait grandir les
enfants nés chez lui à Guingamp: ils étaient trois .
Nous avons lJommé plus haut les deux ainés :
Alexandre-Godefroy-Joachim-Yves-Toussaint, né à Guin-

gamp, le 2l juin 1787 ;
Léocadie-Théophile-Marie, née à Guillgamp, le 27 juin
1791.

Auxquels il faut ajouter:
Joachim-René-Théophile, né à Guingamp . le 13 novembre
1798(1).

Alexandre entra dans l'armée; à vingt-deux ans, il était
lieutenant au 46" régiment d'infanterie, quand il fut tué au

combat d'Enzersdorfl, le 5 juillet 1809, veille de la bataille
de Wagram .

(f) Voici les actes de baptème des deux premiers .
. f" Alexandre ....... baptis.é le 2\ juill \787. Parrain, Yves Limon du
Tymeur, avocat ; marraine, Marie·Alexandrine Guillard de Kersauzie.
2' LéocadlC . . . . ... baptisée le 2S juin fi9!. Parrain, Théophilc-l\lalo de la
Tour·d'Auvergne Corret, Capitaine au regimenl d'Angoumois. ehe\'i~liel'
des ordres de Sainl Louis (de France) ct dc Charles III (d'Espagne) repré­
senté par Guillaume Jalou; Marraine, ' Léocac,lie de Lagadcc ,'eUH: de
Pierre de Roquefeuil de Montpeyroux.
3' J'ai le regret de ne pouyoil' donner ici un cxtrail de l'acte de lIais­
sance de Joachim. J'a"ais instamment sollicité de M. Ie.Mairc dc Guin­
gamp une note dc cet acte. Je n'ai pas obtcnu dc réponse. . .
Joachim cst d'ordinaire appelé Théophile dll nom de son oncle. Un
piographe le dit llCV~U par sa mère de Li! 'J'our·d'Auyergne (petit ncycu) .

- 24a-

Le grand-père, âgé alors de 'soixante-dix-huit ans, pleura
son petit-fils et mourut à La Haye, le 31 janvier 1810.
Mlle de Kel'sauzic, épousa le 15 juillet 1813, à Locmaria,
Marie-Hyacinthe-Olivier du Pontavice de Heussey. C'est elle
q\!i, après la mort de sa inère, le 19 mars 1832, reprit, suivit
et put voir finir après une longue instance, le proces relaLif

au cœur de La Tour d'Auvergne. Mme du Ponta vice mourut à
Saint-Germain-èn-Cogles ( Ille-et-Vilainelle 18 décembre 1858.
Dont postérité gardant le nom de du Pontavice.
Son frère Théophile lui survécut. . 11 entra au service en
1815 dans le.4

hussard. Il était sous-lieutenant en 1823. Déjà
carbonaro, il fut de l'expédition d'Espagne, où il se distingua.
I1-·en revint capitaine et décoré . . En 1830, en garnison à
PonLi. vy_, il se prononça pour le nouveau gouvernement. ' II
avait cru à .l'avènement de la Répub.liq~le. Détrompé, il donna
sa démission et, de 1830 'à 1834, fut impliqué dans les procès

politiques du temps. En avril 1834, condamné à la déportation,
il fut interné à Doullens, puis au cbâteau de Brest. Il y était
encore lors de l'érection de la statue de la Toul' d'Auvergne
à Carhaix. A cette occasion, M. du Chatellier, au nom de
La Tour d'Auvergne » sollicita sa grâce qui fut refusée (1).
Peu après, compris dans une amnistie, il quitta la France.
Rentré en 1848, il prit part aux insurrections de juïn 1848 et
1849. Condamné par contumace, il passa à l'étranger où il
est mort, le 24 aoQt 1874.
Kersauzic ne comprit pas que l'épée d'honneùr du Premier
Grenadier devait rester en France; et il l'offrit à Garibaldi

retiré à Caprera, en lui adressant une lettre pleine d'emphase
signée Comte de Ke1·sa. uzic. Garilbaldi l'accepta par une
lettre du même style « comme un signe de sympathie de la
france humanitaire aux nationalités opprimées Il (2) .

(1) Les biographes Ile mentionnenl pas ce fait. JI est cerLain, puisque
M. du Chalellier l'affirme dans sa brochure: La Tour d'AI/vergue, sa slallle
el sa correspondulIce (185e). p. t~ e~ t5. ' .
. (~) LeUrè du 2 janvier 1~6t. - ·O~ peut lire. ces deux leltres dont la

- 244

La France, si elle eût été consultée, aurait retellu l'épëe;
LE)s héritiers de Garibaldi l'ont renvoyée à la ville dû Paris
qui J'a gardée (: l).

N TE sun LES - MAISONS DE GUINGAMI P

où La Tour d'Auvergne a résidé

Buhot de Kersers écrivant à Guingamp aurait bien dù
montrer à ses compatriotes 1a ou les maisons où avait résidé
La Tour d'Auvergne; mais il nous a laissé Je soin de les
chercher.

Jollivet,un érudit Guingampais qui écrivait, en 1756, au
temps où Buhot vivait encore, ne parait pas l'avoir interrogé
sur ce point; cependant il . nous fournit quelques indications

utiles (3). . .
Dans la lisle des bIaisons 1'emal'quaùles qu'il a dresfiée
(p. 42 à 50), j'en signalerai trois (4) . .
1° (p. 46) A gauche (en descendant) de la rue Notre-Dame

s'ouvre une ruelle qui contournant Je chevet de l'église conduit .

boursouflure prête à rire, dans le livre du commandant Simond (2' éd.).
Appendice. p. a46.
If) Les armes d'honneur devaient être remises aux familles. Décret du
27 oc:!obre t804 (5 brumaire an XIII).

(3) Jolli'.'et. Les Côles-du-Nord _ T. III. Arrondissement de Guingamp ..
(4) On. remarquera qne l'auteur signale les maisons par les noml' de
leu.rs propriétaires. En t856, Guingamp n'a.-ait pas encore adopté le numé­
rotage des maisons, en usage dans beaucoup de .-ilJes moindres que
Guingamp, et employé à Quimper depuis i766 (90 ans) - V. Promenade "Ci
Quimper, Cf885) par J. Trévédy.

au château. Vis-à-vis, à droite de la rue, se voit un hôtel

rebâti au XIX· siècle qui, d'après Jollivet, a remplacé une

vaste et très ancienne construction dite Alaison des Tem-

pliers. L'auteur ajoute qu'en 1777. cette maison était une

auberge et qu'elle a gardé cettedestinaLion jusqu'en 1831 (1) .

Cette maison porte aujourd'hui le [l0 21. .

On a signalé cette maison comme étant la demeure de la
famille Limon .. C'est là que la sœur de CorreL, devenue en
176t Mme Yves Limon, a dlÎ habiter plusieurs années.
Les renseignements qui suivent ne contredisent pas l'indi-

cation foumie par Jolliy'el. Après la mort de M. Limon père,
un partage se fit, le 18 juin · t776 (2) , La maison trop vaste ne

convenait à aucun des quatre copartageants ; et elle fut

vendue. La place du Centre venait d'être aménagée (177ti)
comme eIle est aujourd'hui; et c'est sur cette place que
Limon alla demeurer.
Or, sur la place, Jollivet signale deux maisons qui doivent
retenir notre ' attention. .

Page 48, nous lisons: « La maison des demoiselles·Pivain
« a été habitée pal' le Premier Grenadier. de France, l'illustre"
« La Tour d'Auvergne. Il avait avec lui un éhien 'savant

« auquel il faisait porter des petites bottes de cuir, à la mode

« du temps )). . '

(1) (P. 46) ".Joseph II de passage il Guingamp, y a payé un modeste dîner
un prix fabuleux; ct, Cil 1831, Dona Maria vit figurer sur son mémoire
pour une somme de 5 francs une rose qu'elle avait cueillie en se I,rome·
nant dans le jardin" . .
Il Y a 53 ans entre les dates de ces deux faits. L'emperetir Joseph Il
frère de la reine Marie-Antoinette, Yoyagpant sous le nom de Comte de
Falkenstein mais dont l'incognito était transparent, vint il Brest au prin .
temps de 17i7 .
. Dona IIlaria' cst la reine de Portugal. D. Pedro 1", empereur du Brésil,
devenu roi de Portugal en 1826, .ayait donné la régence du Portugal il
son frère D. l\tiguel. Il ahan donna la royauté de Portugal il sa fille, la
fiança il D. Miguel ct l'enyoya en Europe (1826). Mais Dona Maria trOUY3
son oncle en possession du trône qu'il entend"it garder pour lui seul.
D. Pedro passa en Europe et mit sa fille en possession (1834). En 1831,
Dona Maria ,'int cn France. C'est cclle même année qu'une escadl'c .
française envoyée contl'e 1). Miguel força l'entrée du Tage (It juillet).
(2) SUl' cc pal'lage, ci-dessus p . 46. .

Cette maison à droite de la 'place (en deScendant) por~e

aujourd'hui le n° ' 16 :

Mais ce il'est pas la maison Limon, que Jollivet, sans y
penser, nous indiquera tout â l'heure. Quelle était-elle donc,
et comment La Tour d'Auvergne (Corret en ce temps-là) y 8.- .
t-il résidé? JOllivet ne savait pas (ce que savent nos lecteurs)
que la mère de Corret avait habité Guingamp de 1772 à s.a
mort, le 18 février 1780. C~est à cette époque que son fils à
résidé dans cette maison . '

Page 50, on lit : (( La maison de Madame Veuve Basset-
(( Villéon, , au ' bas de la place du Centre, a vu naître; le
« 13 novembre 1798, M. Guillard de" Kersauzic, parent de La
«,Tour d'Auvergne, ancien capitaine de hussards ... : .. ». '
Cette maison porte aujourd'hui le no 52 bis.
Il s'agit de Joachim-René-Théophile Guillard dont nous
avons parlé plus haut (p. 242), petit-neveu de LaTour d'Au­
vergne, qui naissait chez son aïeul maternel Limon.
Ainsi Corret a pu résider, à Guingamp:

iode 1762 à 1772 dans la maison no 21, tue Notre-Darne,
chez sa sœur Madame Limon; . '

2° de 1772 à 1780; chez sa mère, maison n° 16 de la place
du Centre; , ,

3° de tï80 à 1798; chez son beau-frère Limon n° 52 bis,
au bas de la place.

(A suivre)

J. TRÉVÉDY,

ancien président du Tribunal de Quimp,!r .

- 327

DEUXIÈ E PARTIE

Table des Mèmoi1'es et Docttments publiés en 1906
Pages
La Forêt sous-marine de LocLqdy, par M. Camille VAL-

IJAux(cal·le)........................................ 3
Excursion dans la commune de Plouézoch, par Louis
LE GUENNEC (4 gravures). . . . . . . . . ... . .. .. . . ... . . . . . 10

Les vases enfouis pùur maléfices dans le Cap-Sizun,
!)t-r' M. H. LE CARGUET .......... .................. 73
Huines et substructions gallo-romaines du Cavardy
et du Stanq, canton de Fouesnant, par M. le Dr
C.-A. PICQUENARD (2 planches).. . . . . . . . . . . . . . . . ... . . 78
Un beau geste des Volontaires du Finistère (épisode
de la prise de Furnes, 1793), pal' H. DE KERGUIF-
FJNAN":,, 11'UftIC ...... . ........ . ......... . ........ 91
Les Faucheurs de la mer en Léon (récolte du g·oëmon
au XVllle et au XIXe S.), par M. l'abbé A. FAVÉ .... 95
Trouvaille de hnches en bronze faite en Plouhinec en
1905, par M. P. DU CHA'l'ELLIER (planche hors texle).. . 146
Note SUl' le chàteau de Kergoet (eorrim une de Saint-
Hernin, canton de Carhaix), pal' M. J. TRÉVÉDY... 150
La vie municipnle il PonL-Croix (1790-1791), par M. J.-M.
PIL VEN. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ....... 157

Vestiges du vieux cluHeau. de Kel'gunus, en Trégunc
(canton de Concarneau), pltr M. le chanoine J.-M .

_ ABGl\AT..JL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . ................ . 181
L . 'O.cClJ.Pilltid!l' gallo-romaine dans le bassin de l'Odet,
. par M. Lè Dr C.-A. PICQUENARD (2 caries) .. .......... .

188
~ . Les arme: je jet il la bataille d'Hastings c1'après le texte
de Guillaume de Poitiers, par M. IL LE CAI:l.GUE1' ..
La fllmiJle> 'Lirql:!n du 'rimeur, par M. J. · TRÉVÉOY .... . .
218
222
Le chemin du Tro-Breiz, entre Saint-Pol-de-Léon et
Tréguier', par M. H. LE GUENNEC o 247
L'occupation romaine dans le bassin de l'Odet (sllite
et fin), par M. le Dr C.-A. PICQUENAHD ....... . . ... .