Bulletin SAF 1906

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Les armes de jet de la bataille d’Hastings d’après le texte de Guillaume de Poitiers

H. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1906 tome 33 - Pages 218 à 221

LES ARMES' DE JET

à la bataille d'Hastings

D'APRÈS LE TEXTE DE GUILLAUME DE POITIERS

Guillaume de Poitiers, dans son récit de la bataille d' Has­
lings (1) fait une énumération des armes de jet employées
par les combattants anglais .
- Jactant cuspides ac diversorum generum tela, srevis­
" simas qllasque secures, ac lignis imposita saxa J). -
Les mots cuspides, tela, SeClt1'eS, se tràduisent bien par
javelots, traits, haches. Les engins servant à les lancel'
étaient des armes portatives de jet.
Mais l'expression: lignis imposita saxa a donné lieu à
diverses acceptions. .
Faul-il avec M. de Caumont t2) recormaître dans·u les
pie' J'l'es appliquées à des morceaux de bois, les haches de

pierres polies?
Ou bien, avec M. de la Villemarqué (3) des pierres placées

dans des machines en hois, des balistes?
L'assertion de 1\1. de Caumont ne pal'ait pas admissible.
Il n'est p' as probable que l'usage des haches de pierres
polies se soit continué jusqu'à la fin du XIe siècle (1066).
En tous cas, les haches polie~ n'ont pas été des at'mes de
(i) Histoire de Guillaume Le CO llquérant,
(2) Conrs d'alltiquités mOllumentales.

(3) Bulletin de la Société archéologique du Finistère. - !879, p. S3 .

- 219-

jet. Si elles avaient eu celte destination, on en aUl'tlit ren­
contrées, comme les pointes de flèches à la pointe du Raz,

en-deçà et au-delà des vallum fortifiés, ou dOl'gleuennou.
Or, les haches polies se trouvent surtout parmi les mobi­
liers funéraires. Si,.I'éellement, elles ont servi d'armes de
guerre, ce devaient être des armes de main et non des armes
de jet. .

L'opinion de M.de la Villemarqué serait plus accept.able. .
Mais ces machines de bois, dans ou sur lesquelles on
posait des pierres pour être lancées, étaient-ellcs bien
des balistes, c'est-à-dire des machines faites de gros
madriers de bois reliés par des chaînes et..âes boulons en
fer, et, par suite, lourdes à .manier ? Le récit de la bataille
d'Hastings fait, au . contraire, ressortir la grande mobilité
des deux armées, surtout de ' l'armée saxonne accourue de .
l'autre extrémité de l'Angleterre pour repousser Jes enva­
hisseurs normands. Il est donc probable que l'e.xpression :
- « lignis imposita saxa )) indique des armes por~ati'Ves de

jet, pas plus encombrantes que la fronde, l'arc ou l'arbalète.
Un jeu d'enfants, ai' Gwaskerez, Waskerez ou Vaskel, qui
possède une puissance balistique supérieure à , celle de la
fronde, en donnerait l'idée. .

Des souvenirs de choses passées se retrouvent souvent
dans les jeux des enfants. Ces jeux,' qui reviennent, chaque

année, à dates fixes, rappellent des événéments locaux,
des usages oubliés, des armes, des outils désuets,
Ainsi, dans des villes possédant un château-fort, les
jeux des' enfants, comme à Pont-l'Abbé, (du moins autre­
fois), reconstituent des évènements qui se seraient passés
autour des rempal'ts: incursion ennemie, défi à la gar-

mson, sortIe, poursuite, retraite, prisonlllers, assaut, etc.
Les jouets sont l'arc, l'arbalète, la fronde, le javelot.

- 220-

Dansles pays montagneux, aux vallées profondes, comme
Berrien; etc., les enfants se battent, d'une colline à l'autre,
à coups de ' pierres. Et là où la fronde ne peut atteindre ils
se servent d'nne autl'e arme à jet: a 'I' Wa. ske1'e.z. Des luttes
épiques, avec la gwaskerez, ont lieu, surtout, autour des
ruines du château de Kéroret, aux confins de Guengat et de
Plogonnec, entre les pâtres des deux communes. .
Cette arme se compose d'un bâton de deux ou trois pieds
de long, en bois de châtaignier ou de genêt, portant à sa
grosse extrémité, une fente, Dans cette fente, peu ouverte
et maintenue par une virole ou un lien, s'insè1'e de force un

caillou. L'arme 'se tient de la main droite, par l'autre extré-
mité,
La manœuvre consiste à brandir horizontalement le bàton

et à frapper, dans le vide, un fort coup. La forcé développée
par les muscles du bras se traduit en vitesse proporLionnel-.
lement à la. long!leur du levier ou bàton. La pierre, ainsi
actionnée, quitte la fente et va choir, en bourdonnant, à
plus de cinq ou six cents pas.
Une autre manière de se servir de l'arme est de frapper,
par son milieu, le bâton armé de sa pierre, sur un autre
bàton tenu horizontalement de la main gauche. Cette manière
est usitée dans la Côte-d'Or, aux environs de Beaune, où
l'instrument porte le nom de fronde .
. Cette arme est connue dans différentes régions de . la
France; elle est surtout en usag-e dans les cantons du
Finistère et des Côtes-du-Nord qui bordent la Manche. Dans
le canton de Landivisiau , elle porte le nom de Vaskel, et
dans le pays Gallo, celui de 11'onde.
La waskerez, manœuvrée par un bras d'homme ferait une
arme de guerre puissante, répondant à la description de .
Guillaume de Poitiers: ". lignis imposita saxa; lançant des
pierres insérées, coincées, gwasked dans le bois. La facilité
et la rapidité de sa manœuvre donnerait aussi l'explication

221
des amoncellements de cailloux !=lue l'on rencontre au som­
met des collines fOl'tifiôes de retranchements eli terre que,
-dans le Cap-Sizun, on appelle du nom de D01'gleucnnon, (1)

- H, LE CARGUET,

Âlulie1'nc, le 28 septembre 1906,

(f) DOllar-Klel/CIIIIOIl, fortifications en tpl're j Torr-KlwclI/!oll, retranche-
ments brisés.

- 327

DEUXIÈ E PARTIE

Table des Mèmoi1'es et Docttments publiés en 1906
Pages
La Forêt sous-marine de LocLqdy, par M. Camille VAL-

IJAux(cal·le)........................................ 3
Excursion dans la commune de Plouézoch, par Louis
LE GUENNEC (4 gravures). . . . . . . . . ... . .. .. . . ... . . . . . 10

Les vases enfouis pùur maléfices dans le Cap-Sizun,
!)t-r' M. H. LE CARGUET .......... .................. 73
Huines et substructions gallo-romaines du Cavardy
et du Stanq, canton de Fouesnant, par M. le Dr
C.-A. PICQUENARD (2 planches).. . . . . . . . . . . . . . . . ... . . 78
Un beau geste des Volontaires du Finistère (épisode
de la prise de Furnes, 1793), pal' H. DE KERGUIF-
FJNAN":,, 11'UftIC ...... . ........ . ......... . ........ 91
Les Faucheurs de la mer en Léon (récolte du g·oëmon
au XVllle et au XIXe S.), par M. l'abbé A. FAVÉ .... 95
Trouvaille de hnches en bronze faite en Plouhinec en
1905, par M. P. DU CHA'l'ELLIER (planche hors texle).. . 146
Note SUl' le chàteau de Kergoet (eorrim une de Saint-
Hernin, canton de Carhaix), pal' M. J. TRÉVÉDY... 150
La vie municipnle il PonL-Croix (1790-1791), par M. J.-M.
PIL VEN. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ....... 157

Vestiges du vieux cluHeau. de Kel'gunus, en Trégunc
(canton de Concarneau), pltr M. le chanoine J.-M .

_ ABGl\AT..JL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . ................ . 181
L . 'O.cClJ.Pilltid!l' gallo-romaine dans le bassin de l'Odet,
. par M. Lè Dr C.-A. PICQUENARD (2 caries) .. .......... .

188
~ . Les arme: je jet il la bataille d'Hastings c1'après le texte
de Guillaume de Poitiers, par M. IL LE CAI:l.GUE1' ..
La fllmiJle> 'Lirql:!n du 'rimeur, par M. J. · TRÉVÉOY .... . .
218
222
Le chemin du Tro-Breiz, entre Saint-Pol-de-Léon et
Tréguier', par M. H. LE GUENNEC o 247
L'occupation romaine dans le bassin de l'Odet (sllite
et fin), par M. le Dr C.-A. PICQUENAHD ....... . . ... .