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Bulletin SAF 1906


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L’occupation gallo-romaine dans le bassin de l’Odet

Docteur C.-A. Picquenard

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1906 tome 33 - Pages 188 à 217

L'Ote U PAT 1 ON HOMAINE

DANS LE" BASSIN DE L'ODET

Esprit de la présente étude
Méthode suivie

Je n'ai aucunement l'intention d'écrire l'histoire de la
domination romaine dans le bassin de l'Odet: il me faudrait
pour cela inventer des documents qui n'existent pas (1) et c'est
un genre de travail pour lequel je ne me sens ni goût, ni
aptitudes. Je veux simplement faire ici un peu de géographie.

Je veux essayer d'évoquer la physionomie des villes, des
camps, des villas. Je.veux essayer de retracer le parcours des
voi!)s qui sillonnèrent notre région pendant l'occupation
romaine . Je supposerai que nous sommes à la fin de celte
occupation et que nous pouvons jeter un coup d'œil d'ensem·
ble sur tous les ouvrages dont les· gallo-romains ont semé
le sol de ce coin de la péninsule armoricaine.
La question étant ainsi posée je vais exposer la genèse
du présent travail.
Depuis une vingtaine d'années mes études sur l'histoire

naturelle de la Bretagne 'm'ont amené à faii'e de longues el:

(1) Cc u'est pas ayeC quelques monnaies ct les r ares inscriptions rclcvêeB
sur des pote l'ics que l'on pcut reconstitue!' les archiyes de l'époque gallo­
romaine dans notre pays .

nombreuses excursions ' pédestres au cours desquelles j'ai
appris également à connaître les monuments anciens répartis
SUI' notre sol. Le Sud-Ouest du Finistère, dont je vais
m'occuper ici, à été l'objet spécial de mes investigations; j'y
ai fait des milliers de kilomètres; je l'ai parcouru dans
tous les sens; j'en ai visité la 'plus grande partie; mais je
n'attachais pas beaucoup d'importance à ses 'antiquités,
car il ne m'apparaissait pas que je dClsse écrire un jour

là-dessus. M'étant mis enfin à faire la revision des divers
travaux publiés sur l'archéologie de la région j'ai pu, grâce
à ma connajssanc~ dù pays, extraire de ces travaux isolés
les éléments d'un tableau d'ensemble de la géographie
gallo-romaine du bassin de l'Odet. On trouvera à l'article
bibliographie la liste des publications utiles à consulter
pou r obtenir pl us de déta i ls su r tel ou tel poi n t de celle
étude; mais parmi nos doyens ayant fait paraitre des travaux
. d'ensemble concel'l1ant la Bretagne je dois ci~er surtout
R,-F, Le Men dont la Swtistiqnc rnOn1~menla{c du Finislè1'C
(Epoque romaine) insérée dans le tome Il du Bulletin de
notre Société archéologique a été et demeure d'une réelle
utilité,

Voyons maintenant quels sont les témoins tarigibles de
l'occupation romai,ne dans notre région, Etudions, en un

mot, la méthode à ~uivre pour arriver à se faire une con-
ception d'ensemble de la géographie militaire et économique
pendant la période gallo-romaine. '
Les vestiges d'habitation s'ou de l)amps sont généralement

très faciles à reconnaître : à vrai-dire des ruines aussi

élevées que celles du Cavardy, en Saint-Evarzec, sont l'ex-
ception mais l'archéologue est averti de la présence de
substructions gallo-romaines par les débris de tuiles à
crochets et aulres qui jonchent le sol recouvrant les anciens
établissements: de plus, si le terrain a été peu cultivé (ce
qui devient de pl us en pl us rare), l'œil le moi ns exercé y

sur le terrain seulement que l'on pourra" déterminer d'une
manière certaine le trajet des voies romaines. Ces voies sont
loin d'offrir en notre pays le luxe de construction déployé en
ltalie et dans le Midi de la France. 11 s'en faut de beaucoup
qu'elles présentent toujours une chaussée. Dans beauroup

d'endroits, au contraire, leur trajet utilise le sol naturel,.
Qual1d il y a une chaussée elle est rei11ar([uable par sa
largeur et sa solidité. On en trouve de beaux exemples SUL'
la voie romaine de Ci l)ila.~ tlquilonia à Châtcaulin, Stlltout
au-delà de la station de Quéménéven. Le pavage des voies
romaines de notre région a été efTectué toutes les fois que
c'était nécessaire et l'on en retrouve encorc quelques tra­ cés Il) aujourd'hui. Malheureusement là ou les Romains
avaient profité du sol naturel il s'est, parfois produit des

ravinements qui ont abaissé de plusieurs mètres le nÎ\'eau
de la voie et l'ont transform~e en chemin creux. Ailleurs, la
végétation foresti ère ou les ajoncs ont peu à peu envahi les

côlés des voies et les ont presque réduites à l'étal de sentiers.
A i1leu rs encore, c'est l'iiom me qui , pou l' a ugmen leI' ses
champs bordant les voies a élevé des lalus et fait enlrer de
longues bandes de voies dans des propriétés particulières.
On voit donc que l'étude des voies romaines esl une œuvre
de patience et que dans les recherches faites SUl' le terrain on
devra tenir compte de tous les détails ·observés .
. J'ai déjà dil un mot au sujet de l'utitité de quelques noms
comme {,e Temple, t:fl6pital , elc .. , [Jour la recherche dl's

voies romaines: parmi les autres noms de lieux portés au
cadastre il en est dont l'importance est bien connue, bien
constatée aujourd'hui. Le f}ueslionnaire, publié il y a 3l ans
par la Société A' rcll/!otogiqlle du Finistère en donnait une
longue série que je n'ai pas l'ilotenLion de reproduire ici.

(1) Voir l'E lude de la !JOie rolll"ille cl di, "hem in de pélerirwfJe tles Sept
Saints de I1relagne ellire Quimper' el "nIl/leS, par M. lc cha/loillC ,'n!'IIAI.I.,
tiraS'e à part, p. 9. .

J'appellerai 'simplement, l'attention SUI' quelques termes, les

plus signicalifs au point de vue gallo-romain . Les villages de
IhI2Ît, /3euzit ct La Boi.sgière, de K1'Oa.Z-1'U.;; (croix rouge),
de Ii.'c'l'l'Jmen, de eOl'l-nt, de La /laie, onl. accédé générale­
ment à des établissements gallo-romuins. POUl' Kcrl'omcn
le nom s'explique de lui· même ; pour Kroa;;-ntz (OU
K'l'oaz-ru) le nom vient d'un carrefour où ont été trouvées
des briques ou tuiles à couleur rouge faciles à observer, Je
rapporterai volontiers aussi à des établissements gallo­
romains les villages de la iIIaiSOI1-I',m' {jc, l'y '1'11: ou TY-l'lI,
clans lesquelsrnon confrère et ami le plofesseur Viaud­
Grand-Marais, de Nantes, a cru trouver, à cause du plastron
l'ouge qu'ils portaient au Moyen-Age, des maisons de lépreux,
Les BllZ-it, IIwzit et /lo-issièrc et noms du même genre sont
appliqu.és à des villages ou les bnis 'apportés pal' les Romain:;
se sont maintenus et multipliés par la suite, à tel point que
nous les y voyons encore parfois, Je citerai, par exemple,
Coat· Ty-/lcuz (le bois de la maison des buis

, l'ont-dc-lIu.is,
en Quimerc'h (où l'on trouve des buis dans le taillis) ; Il:

Moulin-elu.-Huis, en La Forêt-Fouesnant, (au milieu d'un
taillis où abondent les buis et près du poste militaire du

Stang), A propos du buis je ferai remarquer combien cet
arbuste a été généralement planté dans notre région à l'épo­
que gallo-romaine puisque nous le retrouvons aul.our des

villas comme celle de JJla, 1l'Des (Loire-Illférieure), du Ptirennou.
et du Caw'l'dy, Je n'insiste pas sur les noms de Cosqller
(Ir. vieux village), MO{jlle'l'(\a muraille), iIIogucriott, Jlogncl'on
(les murailles), Mogucl'meul' (la grande muraille), (;astcl,
(jucstel, (juistilliotl qui, peuvent nous meUre SUI' la trace
d'établissements ou de camps gallo ·romains : l'interprétation
de ces différents termes sera en l'apport avec la nature des
vestiges observés en ces points, Le passage des voies nous
sera souvent révélé pal' des appellations très significatives
comme Kc/'si/'at (le village de la route) ; lient (la roule);

Hcntmw'l' (la grande route) ·; fJent-nras-Coz (la vieille
grande route); Hentguer (la route du village); Hent-Is
(la route d'Isl.
J'alTêteces citations et ce préambule qui n'apprendront
rien de . nouveau à certains de" mes confrères. J'ai pensé,
neanmoins, qu'iLétait utilè de rappeler il l'aide de quelles

notions, de quels éléments j'avais constitué ce tableau de

notre région à la tin de la période gallo-romaine, tableau que
je vais maintenant placer SOIJS les yeux de mes lecteurs en
les priant, au nom de ma bonne volonté; d'en excuser les
imperfections. . .

. Les Villes: Civitas Aquilonia
. et ses environs

C'est sur la rive gauche de l'Odet, au sommet' du plateau
du Mont-F'rugy et SUI' les pentes voisines exposées il l'Ouest
que se forma I?aggloméralion de Civitas Aquiloniil. Les divers
établissements dont la ville se composait étaient répartis le
long ou aux abords de cel'laines voies dont nous chercherons

dès le début de ce chapitre à fixer le parcours. La 'voie la plus

importante venait de l'Ouest: après avoir passé à Kernperlé,
au . Sud de Bannalec et de Rosporden elle arrivait il une cen-

taine de mètres au Nord du bourg co)nmunal actuel d'Ergue-
Mmel; là, .près du village dé Kerlaërùn, elle recevait du côté
Nord la voie de Carhaix à Civitas Aquilonia par Coray, route

en pente très raide, encore reconnaissable il sa rèctiLude et il

sa lalogeur. Notre voie venue de l{emperlé abordait pal' le côlé

Est le plateau du Mont-Frugy près et au Nord de la ferme de
Saint-Laurent et recevait en même temps du Sud la voie de

BULLETI~ I\RCHÉOL. DU FINISTÉUE. :- TOME XXXIU (Mémoires) 13

Cvncarneau (1). Elle continuait son trajet de l'Est à l'Ouest -
passait au Nord de la ferme de Lesperbez et alleignait le point
culminant du plateau du Mont-l 'rugy, au Sud de la ferme de
La Tourelle. Sa bra"nche Ouest se dirigeait à travers le champ

de manœuvres actuel vers la ferme de Crec'hmaria et de là

vers les bords de l'Odet qu'elle franchissait au gué de Locma-
ria entre l'église et le passage d'eau actuel. Celte bra.nche
Ouest formait le Irone commun des voies qui rayonnaienl. vers
Ponl-l'Abbé-Tronuan, Douarnenez el Lanvéoc, La branche
Nord se dirigeait SUI' Châteaulin en donnant au-dessus du
bourg de Kerfeunteun une ramification drstinée à Morlai: (, par
Pleyben "

Après avoir fait au point culminant du plateau du Mont-
Fr~gy un angle presque droit avec la direction de la voi
depuis Kemperlé, cette branche Nord s'engageait clans une'
coulée située sur la penle Est du Mont-Frugy el gagnait la
l'ive de l'Odet qu'elle traversait là où estaujourd;hlli le ponLde
l'Évêché. Elle laissait à droite l'établissement gallo-romain
dont on a rencontré les vestiges à J'évêché et dans les fonda­
tions du musée, puis continuant vers le Nord, gagnait, en sui­
vant à peu près le tracé de notre l'Ue Obscure (ou Royale). le
poste militaire du Likès; plus loil) elle passait à l'OUEst de
Kerfeunteun, puis émettait du côlé Est la ramification pour
Morlaix, pal' Pleyben, dont j'ai déjà parlé plus haut,
(1) Quand la ,-ilIe de Kcmper 'créée par les Brctong au 'conflucnt du
Steïr et de l'Odet eut grandi, il fut aM \!nc yoic, non stl'at"gique, qui , au
sortir de la Yille, passait par le tililboul'g acluel de Saint-Julien ct, pal' un
raYin situé il l'exlrémite Est de cc fauboul'g. montait l'ejoindl'e la ' ,'oie
romaine également il l'Est le Saint-Laul'cnt, Pen à peu, il cau~c de l'étroi­
tesse des pues, les rouliers désirant é,'iler le passage de la ,'illc de "cm­
pel' adoptèrent, pour aller il Saint-Julien, l'itinéraire suh'ant : :'uo des
Dou\'es, rue des R!!guaircs, Pont-Firmin , lil\lbourg Saint-Julien, M, Ic
Chanoine AIIGnAI.I. dans l'élude citée plus haut ~nl' la "oie des Sepl.-Saiuts
fait suin'eaux pélcrins l'itinéraire: Cal.hédl'ale, l'IIC du Front, porte les
Rcguail'es, rue des Heguail'cs, Ponl·FiI'luiu ou FCfmill, fauhourr Saint·
Julien, La cathédrale élant le ,'èritable cellll'e religiellx de la -,ille 'de '
Kemper au ~Ioyen-Age il était uaturel que la grande \'oie y t.OUChiït, rie
m()me que cette \'oie de,-uit à l'époq Ile gallo-rolllaine touchcr il 1'III'c-ar·
Groaz, centre llIi1itair~ de eiuitas Aquiloll/a,

Revenons au point culminant du plateau du Mont-Frugy,
Nous allons y rencontrer au carrefour dont nous connaisso, ns

déjà trois branches une dernière voie dirigée vers le Sud et
formant la croix avec les autres : c'est la voie de Bénodet
encore parfaitement reconnaissable il peu de distance de l'en­
droit où nous sommes et qui a été utilisée, à défaut d'autre .
route, jusqu'à une époque qui n'est pas encore bien eloignée

de nous., ,

_ Voyons maintenant cominent les divers établisseme~ts de

. Civitas Aquilonia se groupaient le long de ces voies. Aucune

muraille n'entourait la ville: nous verrons plus loin qu'elle

I)'en était pas moins bien défendue. Le voyageur arrivant de
l'Est rencontniit les premières habitations au voisinage de la
, grande'v' oie venant de. Vannes, au Nord des fermes de Saint-

Laurent el de Lesperbez.Sur le point culminant, à l'intersec-
tion de la voie du Nord et de la voie de l'Ouest, commandanLle

carrefour dont il était la raison d'être, se trouvait ensuite

l'important poste militaire de Parc-ar-'Groaz dominant une

immense étendue de pays, surveillant au Sud la baie du Léda-
,nou, au Nord de la région qui s'étend au pied des Montagnes
Noires et correspondant facilement de ce côté avec le poste

militaire du Likès et sans doute aussi, grâce à son observa-

toire, avec celui non moins important de Bourg-les-Bourgs
dorit je reparlerai bientôt.
Près et au Sud du poste de Parc-ar-Groaz était la nécropole
de c,ïvitas Aquilonia , Au Nord de la voie qui descendait vers
le' gué de Locmaria l'on remarquait une petite redoute domi-

nant à la fois les villas éparses SUI' les tenes de la ferme' df
Crec'hmaria, la baie du Lédanou, l'entrée des Vircours et la

campagne, au Sud, dans un rayon d'environ quatre lieues

gauloises. Enfin, l'on atteignait Locmaria et l'on pouvait
apercevoir sur la rive gauche le poste militaire de Poülguinan
et sur la rive droite celui de penanguel'. II semble donc d'après
~e 'qui vient d'être exposé que Civitas Aquilonia se composait

Hl6 -
surtout d'une longue rue traversant de l'Est à l'Oue:,t le

plateau du Mont-Frugy et suivant eflsuite ses pentes, pour
aboutir au gué de Locmaria. L'agglomération urbaine corres­
pondait donc à l'angle Nord-Ouest de la commune d'Ergué
. Armel et à l'angle Sud-Est de la commune de Kemper. Les
. vestiges de cette agglomération disparaissent de plu~; en

plus (1), mais ils ont été heureusement explorés en temps

utile et. je n'ai guère eu, au cours de ce travail, qu'à eoor-
donner les recherches de mes de\'ancier~ MM, Grenot, Le

Men, le chanoine Abgrall, le lieute~ant d'infanterie Dizol ( :2 ).
A mon avis toutes les substrudions rencontrées en dt. hors

du plateau du. Mont-Frugy, de ses pentes exposées à l'Ouest
et du quartier de Locmaria appartiennent non pas à Civitas

Aquilonia mais à ses faubourgs. La petite ville semblait ainsi
'se p . rolonger coquettement èt interminablement surtout vers
le- Sud au voisinage de la baie du Lédanou aux grèves ja u'
nàtres et aux rives basses puis le long des Vircoul's, sinueux
défilé encadré de falilises qui souvent plongent à pic dans la
mel'. Sur la 'rive gauche s'égrenaient·cI'abord, sur une étendue
de six kilomètres, les villas de Poulguinan, Kernoter, Kergren .
et Lanros. Auprès cie l'anse cie Toulven se trouvaient vrai-

semblement les fours à poterie qui servaient à la ctiissol: dl~s
briques, tuiles el ustensiles de ménage; là se trouvent, en
effet, d'importants gisements d'argile qui fournissent aujour-

d'hui 13 matière première aux manufactures de Locmari:;, (3).
Plus loin dl~ Civitas Aquilonia ~ur les coteaux dominant les
Vircours on rencontrait les villas clu Buzit, de BOLltiguéry,
de Keranscoël, le four à poterie de Kerragn ct, tout à fait au
bord de l'Océan. l'é'tablissement du Poulker La rive droite

(i) On trouye cepcndant cntre Saint·Laurent et HosmuJ'ia beaucoup de
fragments de tuiles à crochets et dcs picl'J'cs de petit appaJ't)il.
(2) Pres'que toutes· ces J'ccherches sont exposées tians les Bulletins de
la Société archéologique du Fiuistère,
(3) Lc !IIcn pensait que les tuiles .Ll"ol,,·ëc~ à Kérade"hcc, au ~loul:.l1 du
. Lan ct au fond de l'an~o de 'l'oulven l'rodcllllcllt l'rQhahleJl\cpl. d'''J~ç~C''S
fours. ,

n'était pas moins bien partagée avec les établissements de
KeravQI, Kerdo, ur et Kerambleiz, avec l'opulente villa du
Pérennou accompagnée de ses thermes, avec la bourgade qui
s'étendait entre Malakoff et la pointe de Combrit. D'autres
établiss8ments ont existé aux abords des voies dans la ban-

. lieue de Civitas Aquilonia : ,à I):eruret el à Saint-Guénolé sur
la voie de Tronoën ; à Kerel , SUI' la voie de Pont-l'Abbé; à la
Croix-Houge, sur la v ' oie de Coray; à Kerromen et au Caval'­
dy, sur la voie de Concarneau et même en dehors de toule
voie fréqu entée comme à !{ervéguen au Sud de Guzon.

La sécurité de la ' banlieue de CiviLas Aquilonia était

garantie par une ceinture de forts qui 'dominaient les routes,
la campagne ella baie du Lédanoll . Les uns sont certainement
gallo-romains; quelques-autres sont de l'époque gauloise,
mais ont été ou pa'raissent avoir été utilisés pal' les gallo- .
romains , La protection dES grandes voies était particulièrement
bien assurée du cûté de l'Est et du Sudc Esl. Le camp du
Boden , en Ergué-Gabéric, situé SUI' les côteaux un peu au
Suu-Ouest de 1 'établ issemen t de la Croix-Rouge défenda i t les
abords do) la voie de Coray et gardait en même temps la rive
droite de la basse valléE du Jet. Plus à l'Est ct sur la rive '
g~uche, le camp du Dréau gardait également, celle longue

coulée de la \'allée du Jet, chemin naturel conduisant vers
l'Odet et vers Civitas Aquilonia: Ri des tourbières en occu­
paient le fond , les penles en étaient fort praticables et de'man­
daient à être surveillées. La voie venant de Kemperlé était
flanqu ée de deux camps: ceux de Keranaël-Fresk (près du

Peti t-G uelen) et de Rerd l'on iou ~iLués à trois kilomètres
environ à l'Est du bourg actuel d'Ergué-Armel. La voie de
Con~arneau passait, près du groupe des villas de Ken- omen
et du Cavardy, entre, les camps gallo romains du bois du
Mûr et du Grand -Cosquer. Be~ucoup plus près de Civit~s

Aquilonia, le camp du Quinquis situé sur le bord de la même

voie meLtaitles environs immédiats de la ville à l'abri d'un

coup de main. La voie de Remper à Bénodet était sous la
protection ' du camp"du Grand-Cosquer qui la domi, nait de
loin. Des mamis à l'Est de cette voie, des anses vaseuses et
des tourbières à l'Ouest obligeaient, d'ailleurs, les voyageurs
à passer 'par un seul point facile à surveiller. La redoute
, gauloise de Beg-ar-C'hastel sur la pointe de Lam'os, à l'entrée

des Vircours olIre des traces d'occupation romaine. Comment
les Romains , n'auraient-ils pas utilisé ce poste de premier
ordre qui commande au Nord la baie du Lédanou, au Sud
les Virco\lrs et qui est, de plus, facilement visible pOUl' un
observateur placé à l'endroit où s'éle\'ait le poste de Parc-

ar-Groaz, la citadelle de Civitas AQuilonia. Cette situation
rendait singulièrement aisé l'échange de signaux entre la
, redoute de Beg-ar-C'hastel et le poste de Pal'C-al'-Groaz. '
L'oppidum gaulois de Kercaradec, situé à l'Ouest du bourg
de Penhars, n'a pas préselilé de traces de l'occupation romaine.
La situ'ation de ce vaste camp, très forte en elle-même, se

trouvait diminuée du fait de son isolement dans une région
montueuse, accidentée. A l'époque gallo-romaine le poste de

Penanguer et le poste de Bourg-les-Bourgs avaient. autrement
d'utilité. Le poste de penanguer protégeait la voie de Pont­
l'Abbé qui prenait naissance au sortir du gué de Locmari.a en
même temps que se séparaient les voies de Douarnene7; et de '
Lanvéoc. Le poste couronnant le coteau de Bourg-les-Bourgs
commandait ces deux voies dont la première escaladait la
pente Sud-Ouest, tandis que la seconde prenait en éc.harpe
le flanc Est du coteau. '

, ' Telle était Civitas Aquilonia ; tel était le réseau des voies
qui y entraient, la traversaient et en sortaient; telle était sa
banlieue. En ce qui conceme les indications relative:; aux

points où ont été rencontrés des vestiges gallo-romains. Je ne
pense pas que je puisse ~tre sérieusement contredit : mes

renseignements, je les ai empruntés à des professionnels de
l'archéologie ou tout au moins à des chercheurs conscieneieux;

ce que j'ai pu vérifier sur les lieux s'est trouvé pal'faitemènl

exact. Mais, dans la dire' ction que j'assigne aux voies romai-
nes à l'in térieu r et a u sorti r de Ci vi tas Aquilon ia il y a

plusieurs points pal' lesquels ma manière de voir dilIère de
celle des auteurs qui avant moi ont écrit sur ce sujet.

Le Dl' Halléguen dans le 1

volume d'A,7'mol'iq' ue et Breta-
gne (P, 117) se représente ainsi la direction à travers Civitas
Aquilonia de la voie venue de Kemperlé et sa division après
le passage de l'Odet: « connue de Vannes à Hennebont, à
Quimperlé, à Civitas Aquilonia, aujourd'hui Locmaria et
Quimper, elle y tra\'erse l'Odet au bac actuel et se bifurque
ensuite pour ' se diriger sur la capitale de la cité, d'une part
le long de la côte en empruntant la rade au passage du Fret
(fnlum) en Crozon et de l'autre par l'intérieur des terres,
par Châteaulin , Le Faou, Landerneau Il, D'Etude critique sur
la géog'l'a{lltie de la pl'e~qli'ile armO'l'ica.ine, par M, de Kerviler
ne nous apporte aucun éclaircissement sur les détails qui

nous occupent.
Dans son compte rendu des fouilles de Parc-ar·(JI'oaz,

Le Men émet l'opinion suivante: (( LI!- voie de Dariorigum à

Civitas Aquilonia recevait à peu de d.istance au Nord , de

l'église de cette commune (Ergué-Armel) les voies de Carhaix
. et de Conéarneau, longeait la crête du Frugy dans une
direction N,-S" descendait en pente douce à Locmaria et
pa,ssait l'Odet à gué près du lieu ou s'élevait jadis la chapelle
de Saint-Colomban l)'
On le voit neLLement: pour le Dr Halléguen et pour Le
Men l'existence d'une voie t\'aversant le plateau du Mont-

Frugy de l'Est à l'Ouest ne saurait être mise en doute.

Pour ces deux archéologues la voie aboutissait au bord de
l'Odet qu'elle traversait ; mais le point où s'opérait ce
passage n'est pas le même aux yeux de chacun d'eux. Ce
que les recherches les plus récentes ont montré, c'est que la
voie en question traversait le champ de manœuvres de l'Est

2èlO

fi l'Ouest en se dirigeant SUI' la ferme du Petit-Méné ou de
Crec'hmaria : celle voie prolongée en ligne droite jusqu'à
la rivière atteindrait la rive gauche au voisinage de l'église
de Locmaria, c'est-à·dire à 150 mètres au Sud du bac

qui a remplacé le pont existant autrefois au bout des Allées.
11 n'est pas possible de faire suivre à la voie la pente
située en face du bac; elle était trop à pic même avant
que divers travaux l'eussent défigurée; il Y a donc: li~u
d'admetlre qu'elle arrivait au bord de l'eau en-dessous :
du bac en suivant la ,pente assez douce du lianc Ouest
du Mont-Frugy, De celte façon elle touchait à la place de
Locmaria et desservait un temple qui occupait vraisem­
blablemen t l'em placemeo t de l'égl ise, dont les m II rs SOn t
pOUl' moitié Mlis en petit appareil romain (l), Mais celle
voie ne devait pas s'incliner vers le Sud autant que pourrait

le faire supposer la phrase de Le Men Je crois que si le

D~ Halléguen lui · fait franchir l'Odet trop au Nord, Le Men
le lui fait franchir trop au Sud, Si la voie aVi:lit, en elIet,
traversé la rivière à la hauteur de l'église de'Locmaria elle
, aurait débouché sur · la rive droite ' dans un tel'fain sans
consistance près de l'embouchure d'un ruisseau là où a été
créé l'étang du moulin des Couleurs, 11 est facile de se
rendre compte qlle la terre ferme ne commence qu'à envi­
ron 25 mètres au Nord du moulin: c'est donc vers ce
point que se faisait l'atterrissement de la voie apl'i~s le
passage du gué, Pour cela elle devait se relever légèremen t
vers le Nord avant de quiller la l'ive gauche et après avoir
touché la place de Locmaria, Le Men n'indique pas CE: que
devenait la voie en question après le passage du gué de
Locmaria, mais le Dr Halléguen s'en est préoccupé comme
nous l'avons vu plus haut. Pour lui la voie se bifurquait

(1) Celte supposition émise pal' LI!. ME" dans SOli compte rendu des
fouilles de Parc-ar-Groaz peul-être ''l'aie pour l'église de Locmul'ia, puis­
qu'clle s'appuie SUI' des faits observes ailleurs, A Rennes, par exemple, lIU
temple de Bacchus a existé sur l'emplacement de la cathédrale lIet uellc,

apt'èsavoir franchi le gué: ' une branche la (( voie de la
côle n' allait au Fret en passant par Douarnenez; une autre
brancbe la (( voie de l'intérieur)) allait à Châteaulin et

au Faou. Nous avons reconnu qu'une voie née près de la
sortie du gué de Locmaria se dirige sur Douarnenez mais
la voie de Châteaulin telle que la conçoit le Dr Halléguen
aurait eu, si elle fût partie du mème point, un trajet bien
contourné. Un premier passage du Steïr était nécessaire
SUl' l'emplacement de la ville actuelle de Kemper puisque
d'après le texte d'Armorique el; /JI'ClOfj1W (p. 118-'119) le
Dr Halléguen semble lui avoir fait suivre la rive gauche du
Steïr (( qu'elle passait au Pont-Quéau D second passage. '
Je montrerai plus 'loin que celle" voie de l'intérieur)) pal'
Pont-Quéau et Quéménéven, adoptéé par le Dr Halléguen,
n'est pas la vraie voie de ChiHeaulin, qu'il en existe une
' autre admirablemen't conservée sur la grande partie de
son parcours et dans une position stratégique. Je me contente
pour le moment de faire remarquer qu'il a oublié de citer
dans Arm01'iqltC et Bretagne les voies de Pont-l'Abbé et
de Locronan nées près de la sortie ' du gué de Locmaria

et qui avaient pourtant leur importance.
Je poursuis la ,critique du présent travail. On élèvera
, peut-ètre des objections SUl' le point de départ que j'assigne
à la voie conduisant de Civitas Aquilonia à Châteaulin ..
PourquQi l'ai-je 'fait tourner si brusquement au Nord à
côté du poste de ParC' ar-Groaz sans qu'elle ait pour ainsi

dire pénétré da,ns Civitas Aquilonia ? Mais son prolon-
gement, vers la rivière, à l'Ouest ne desservait-il pas utile­
ment la haute el la basse ville gallo-romaine? Au l'este
qu'y avait-il de particulièrement important dans ,l'agglo­
mération de Civitas AqnUonia, sinon sa citadelle, le poste
de Pal'c-ar-Groaz ? Et d, ans la création d'une voie stratégique
de premier ordre comme celle de Kempel'lé .à Civitas Aqui·
lonia et à Châteaulin la préoccupation de passer auprès

_. 202 -'

des postes militaires et' de les joindre de la manière la
plus pratique ne devait-elle pas primer toute autre . espèce
de considération '? Or, après le poste de Parc-ar-Groaz,
la voie devait passer au poste du Likès, situé à un kilo-

mètre au Nord; la pente du Frugy s'abaissait dans cette
direction qui était celle du plus court chemin; pourql1oi
les Romains n'auraient-ils pas profité de cet abaisseme.nt
pour y faire passer leur voie? Je sais bien qu'il n'y a aujonr­
d'hui sur celle pente Nord-Est du Frugy qu'un chemin
raviné qui ne . ressemble eù rien à une voie romaine de
premier ordre; mais les extrémités de ce chemin aussi
. bien du côté de Parc-ar-Groaz que du côté de la Rue Neuve

sont larges et fort praticables, pour la partie moyenne ne
peut-on admettre l'eITet tant de fois séculaire du ravinement
dans un . sol qui se désagrège facilement? Ce qu'il faut
retenir c'est que cette direction est la plus naturelle pour
rejoindre le poste de Parc-ar-Groaz au poste du Likès; qu'el I.e
- ne comporte qu'un seul passage de rivière, en un point où il y
a un gué; qu'elle permet une surveillance facile de la voie et
enfin que la voie touche ainsi aux établissements gallo­
romains de la place Saint-Corentin. Au contraire, avec l'i:li­
néraire détourné, les difficultés s'accumulent: au lieu d'un

kilomètre il y en a deux et demi pour aller du poste de Parc-
. ar-Groaz, au poste du Likès et il y a, de plus, deux passages
d'eau l'un sur l'Odet, . l'autre sur le Steïr. A quoi bon ees
complications en contradiction avec tout ce que nous connais-
sons des ouvrages militaires des Romains dans notre pays?

ft' ft' t '

269 ..

III
Les Villes : la ' ville d 'Is
et ses environs

L'emplacement de la ville d'Is et l'étymologie de son nom
. ont donné lieu à des commentaires variés. Ce qu'il y a de

certain c'est que questionnés par M. Le Person, instituteur
libre à Landrévarzec au sujet de la dénomination populaire
donnée à la voie romaine qui traverse celle commune pour se
diriger sur Douarnenez, d'humbles paysans lui ont répondu:
cc celte route s'appelle la l'Mlle d'Is )) en langue bi'elonne
Hcnt-I.~. Ce qu'il y a de certain, également, c'est que le sou­
venir du roi Grallon, inséparable d~ celui de la ville d'Is, s'est
perpétué près et à l'Est dt Douarnenez dans le nom de
'e château de Grallon » donné par les paysans aux ruines
gallo-romaines couronnant la falaise des Plomarc'h. Actuel­
lement, les archéologues de notre région sont d'accord avec
là tradition orale pour placer l'agglomération de la ville d'Is
à peu près sur l'emplacement actuel de Douarnenez. M. de
la Passardière, dans une étude publiée dans notre Bulletin (1)
l'a seul placée . plus au Nord, en pleine baie, attribuant sa
disparition à un affaissement du sol. J'avais d'abord. été
séduit par son hypothèse et je cherchais à la concilier avec la
réalité des faits observés par moi dans la région, mais j'ai
dû'y renoncer.
La théorie d'une ville d~Is située dans la baie n'était que
l'exagération d'une conception énoncée par le Dr Halléguen (2) .
Cet archéologue distingue dans la ville d'Is : d'un côté, la
ville basse ou rurale située dans le vallon du Ris et, de l'autre,

. ~ (1) Voir Les villes légendaires, Bulletin de t9Û5.

(:!) Voir Armorique et Bretagne, t. 1, p. 125,

la ville haute ou ville forte qui CI était vers l'île Tristan el. le
Guet, son oppidum, au-dessus duquel est le P01'Z-fU ( , le port
l'ouge) Il, le château gallo-romain 'de Grallon se l'attachant
à celte partie de la ville d'Iso Mais il ajoute que (( les ruilles

, de la ville basse)) se voient quelquefois assez en avant,

dit-on, dans la mer Il et que la mer a englouti la yille haute
en minanl la côte, comme elle le fait encore. Je ne saurais
nier l'ensablement de l'entrée du vallon du His dont parle. le
Dr Halléguen, mais je'ne puis admettre avec lui que la mer ­ ait exercé depuis l'époque gallo· romaine une acLion destruc­
tive aussi intense SUI' les côtes formant rangle Sud-Est de la
baie de Douarnenel. La cOte Sud de celle baie est panieu­
lièrement résistante: c'est la bordure de ce grand platE:au
granitique qui passe par la montagne de Locronan et la
forêt de Névet pour gagner à l'Ouest la pointe du Raz. La
côte qui limite dans une direction sensiblement Nord·Sud
le fond de la baie de Douarnenez est constituée par des
phyllades bea ucou p moi ns consista n te5 que Ies l'oches gra n i­
tiques; mais tandis que sur la côte Sud il n'y a que des
grèves insignifiantes à l'Est de Douarnenez, il Tréboul et à
Porz-Péron, la côte du fond de la baie est, au contraire,
garnie d'une longue ligne de larges plages sur lesquelles l'eflet
des yagup.s s'atténue avant d'atteindre les pbyllades du littoral.
Je crois donc que depuis des siècles la mer s'y est surtout
attaquée à quelques promontoit'es particulièrement expo:3és
et situés au Nord du Grand Ris, à Tréfuntec, à Ty-an·quer,
(où une pointe a même été isolée de la falaise), à Talagrip,
etc ... Je crois également que la bande de rééifs, large au
maximum d'une centaine de mètre~, qui borde ces pro­
montoires représente la portion de l'ancien littoral que
la mer a réussi à ronger. Somme toute, cette zone détruite

par l'Océan de la côte du rond de la baie, c'était la pente
Ouest, assez douce, des coteaux terminés aujourd'hui en

comme maintenant. Le docteur Hallégllon Lient à ce que la
zone disparue ait ,été assez large pour y placer une partie
de la ville d'Is et y faire passer le commencement de la voie
de Douarnenez à Çarhaix, (dirigée de l'Ouest à l'Est) ' el
,environ huit kilomètres de la voie de Camaret à Landevennec
, pal' Kervijen et Lestrévet (dirigée du Sud au Nord ). 01', en

ce qui concerne les établissements de la ville d'Ls situés vers '

le fond de la baie il est certain cju'ils (·nt' eu à sOllfIrir du
voisinagfl de 'la mer, mais en ce qui regarde les voies romaines
sortant de celte ville, je ne crois pas que les Romains, stra­
tégistes consommés,' pouvant profiter ici des aY lIltages que
leur olIraientle pays aur~ient choisi pour les établir la pente '

et non la, crête des coteaux, Il Y a mieux: la présence des

voies encore existantes jalonnées par des vestiges d'établis-

semen~s et de camps gallo· romains et par des villages aux

nQms caractéristiques, le tout situé en des points sLralé-
giques, dominant la campagne et ' Ia baie permet de reporLer

les anciennes voies vers l'intérieur là où nous ,retrouvons de

sûrs témoins du passé. ,
11 est done établi que la ville d'Is comprenait une ville
haute, située d'une part, sur l'ile Tristan, de l'autre, dans la
,presqu'ile où se trouvent aujourd'hui (1) Douarnenez et Ploaré

et une ville basse située dalis le vallon du Ris. Mais l'oppi-

dum que le docteur Hallégllen place il la pointe du Guet, se

trouvait en l'éalitéà l'ile Trisla.n. La citadelle qui défendait si
bien l'entrée de la rivière de, Pouldavid d'un envahissement

pal', la voie de 'mer et qui aurait pu abriter les habitants de la .
presqu'ilp. en cas d'in\'asion venue de l'intérieuy, celle

citadelle méritait, en eIT~, le noni d'oppidum; elle datait de
l'époqtie ga'uloise, 1!1ais à l'ile l'l'j'stan comme ailleurs" l'occu-

(1) M, le chanoine All u o,\I.I. lllc s iJ;lIale COIIIIlII! poinls (ll·jlldl'allx de roc·
cupation romaine SUI' le ICI'I'iloirc de 1)()IWI'IICncZ; P,)t'l'I'lall, Le Gilet,
IlIl\'irons de Sainle·Hélènc, loul le quartier (le du 'GlazclI, ct clc. Plo·
mal'c'h, l'Be Trislan, et prohalJlcwClI1 111\ Lenaill considc 'l'al)lc ertqlhi pal'
1 a Illel·. '

- 206 -'

pation romaine a laissé de nombreuses traces de son passage.
La, position de celle ile avait trop d'importance pour n~ pas
avoir alliré l'attention des stratégistes romains et l'on sait
que plus tard, le célèbre brigand Guy-Ede(de la Fontenelle
partagea celte manière de voir et s'établit à son tou\' à l'île "
Tristan.

La ville d'Is telle . que nous la dépeint le Dr Hallégulm '
n'oITrait , guère dans sa plus grande longueur, de l'Est à
, l'Ouest, qu'une étendue de trois kilomètres qu'on pourrait
porter à quatre kilomètres en y comprenant "les établi.s­
sements gallo-romains de Tréboul et de Saint-Jean. Mais
la "banlieue de la ,ville 'd'Is atteignait un développemE:nt
considérable dans la dil'ectioll du Sud et Sud-Ouesl. ' ~En

Lciurnant le dos à' la ville haute et en marchant vers le
Sud on rencontre bientôt les ruines du temple de Trégouzel,
construction en forme de rectangle de 6

75 sur hm 75

à l'intérieur, entourée d'un pronaos circulaire ('1): Plus au
Sud, su~ le village de Kerru, on a relevé des traces d'établis­
sement romain. Au-delà, daps la direction du Sud-Ouest èt de
l'Ollestles vestiges de l'occupation ronYaine se multiplient BU r
une longueur de 7 kilomètres. Les établissements gallo-romains
se groupaient aux abol'ds de la voie " de la ville d'I~ à:

Audierne et, me semble-t-i1, le long d'une voie rurale presque
parallèle à la grande voie précédemment citée, sur laquelle
elle se soude à l'Est et à l'Ouest, et au Sud de 'laquelle elle

est située. Au voisinage de-la voie d'Audierne, voici Kéran-
pape et Coz-feuntelln connus comme nécropoles; Kerrudunic

où existait un four à poteries, accessoire inévitable d 3 toute ·
aggloméra tion ga 110- romêl i ne un peu importa nte; voici les

établissements de , Buzit tt de Tromillou. Au voisir.age
de la vOle rurale · voici les établi::seiilents de ' Botcarn,
de Kerromen,de l\erdalaen, de Poulhan de Lézivy , de

(1) Voir Temples l'omains dans le Filli.~li'I'e. par ~1. H . L: A ou" FI\Er.,,~ ;
Bullelin de 1« Sociélé _4i-chéologiqlle du Finislere , 18~4, p. 100 et suivantes .

207 _ .

Meilars; les nécropoles de ' Penguilly el de Lézivy. Cet

immense faubourg dont les parLies constituantes se grou-

paient sur des plateaux assez élevés ne parait pas avoir
élé entouré d'un rempart non plus que le l'este de la ville

d'Iso Un vaste camp retranché défendait la ville el sa
banlieue. Ce camp était composé non seulement d'une cein­
ture de forts et de redoutes, mais même d'ouvrages situés

à Pintérieur de la banlieue: la surveillance des voies, des
vallées et de la mer était ainsi assurée. Aulour du fond
de la 'baie s'échelonpaient, en commençant pal' l'Ouest,

l'oppidum de l'He Tristan, les camps de Coniguellou et
de Trémalaouen.
Da os les tenes, le système des forts éta i t pa rticu­
lièl'emen t . développé au Lou r du gra nd fa u bourg occiden ta 1
de la ville d'Iso A l'exll'émiLé la plus reculée de ce faubourg
, les camps de Lestl'eux, Castellien et Lesvoayen l'épartis
suivant une ligne Nord-Sud d'environ 4 kilomètres de
longueur :Cloupaient en partie la base de la presqu'ile du

Cap-Sizun. En arrière. comme pour leur servir d'auxiliaires

en cas d'attaque du côté de l'Ouest, les camps du Buzit et
de Kermaburon formaient une ligne parallèle à celle des

camps precédents et, grâce à cet ensemble, l'outes, vallées,

plateaux tout pouvait être surveillé et défeodu de ce côté.
La ligne Sud des forts commençait au camp de Lesvoayen
et se continu'ait vers l'Est pal' ·Ies ëamps de Penguilly et
de Trézenl. Plus espacés que les forts .de l'Ouest, ils . n'en

constituaient pas moins une utile protection pôur la partie

Sud de la banlieue. Au Sud-Est, assez loin dans Iii cam·
pagne, le camp de Ménez-GI'oaz-ruz, situé à 500 mètres
au Nord-Ouest de Plonéis, à plus de 150 mètres d'altitude
en un point. d'où la vue s'étend au loin, assurait la securité
de la voie de Ch'itas Aquilonia à la vi!le d'Iso On est, enfin,

en droit de supposer que vers Le Juch, peut-être SUI' 'Ia moLte
ducbâteau de c~ nom, aujourd'hui détruit de fond en comble,

208 -

s'élevait un demier fort complétant du côté du Sud-Est,la
défense de la ville d'Is,
Je faisais remarquer plus haut que III banlieuede.la villed'ls
éta it défendue à l'Ouest par deux Iiglle~ parallèles de forts. L'u n
de ces forts, celui qui occupe le milieu de la ligne la plus occi-

dentale et que l'on désigne d'ordinaire sous le nom de camp de
Castelljen est un des ou\'rages les plus imposants et les
mieux conservés de notre région. 11 est situé entl'e deux
rivières, à 57 mètres-d'altitude, et ses hauts t'empat:ts enclo-

sen-t un espace de près de 2 hectares de superficie. Il I~st
certain qu'avec lui les forts de Lestreux, de Lesvoayen, de
Coz-feunleun et de Kermaburon contribuait à former pour

la banlieue de-la ville d'Is un ensemble défensif de premier

ordre, J'ai tioté, également; plus haut que ce système des
défenses de l'Ouest coupait en partie la base de la . presqu'lle
du Cap-Sizun. A mon avis ce luxe de forts correspond à
une sérieuse ' nécess ité, à un danger qui pouvait venir du :

Cap. Ce danger c'était le forcement de là rivière d'Audierne
. par une flotte ennemie et l'invasion consécutive de la banlieue

de la ville d'Iso La rivière de Rias que constitue ' la _ partie
maritime du Goyen, entre Pont·Croix et l'embouchure, est

enserrée entre des cotea ux fortiliés dès l'époque gauloise,

mais où IE's Romains' ont, pal' I~ suite, établi un système de
défense très important (1 1. Sur la l'ive droite de- la rivi ère,

à environ .iD mètres d'altitude, était le camp de I\ervénénec,
point central de toutlè système. Entre ce camp et la' mel'

se trouvaient les postes de Suguensou et d'Audiel'lle el,
tout à fait à l'émbouchure, le poste-vigie du Raoulic . Auprès
de Pont-Croix, sur Itl rive droite, était le poste de Lannéon .
Su'r la rire gauche s'él~'vaient les postes de I{ersigneau

et de Ken'ana. 01', le poste-vigie du Raoulic était au camp
de Kel vénénec ce que le poste de Beg·ü l'-C't.astel était à

(1) VoÏl' Elll!,lissemclit. rOl/lains cie III riuiere d',ludiel'/le, par ~1. I.e
CAnc;uIlT ; Ill/Iletil! cie 1" Société d'EItIII/ation des Côtes-du-Nord, 1890

200

. la ciLadelie de Parc-ar-Groaz : de Beg ar-C'hastel on pouvait
trarismetlre facilement des signaux jusqu'à Parc-a r-Groaz ;
de même le poste du Raoulic pouvait correspondre avec le
camp de Kervénénec qui, à son tour, transmettait les nou-

velles aux postes de Suguensou, d'Audierne, de Kersigneau
et de Kervana. Si une flotte suffisamment hardie était venue,
malgré les diflicullés de l'entreprise, à boul de débarquer
au fond de la rivière il fallait de toute nécessité briser la
marche vers l'Est de la troupe ennemie e~ la double ligne
cles forts situés à l'Ouest de la banlieue de la, ville :l'Is eût

été très u li le en ce cas.
A mon a vis, il Y a donc une rela lion élroite en tre ces
lignes de forts et les défenses de la rivière marine d'Audierne.
Les défenses de la rivière marine ont été organisées pour
surveiller el fermer un largé chemin naturellement ouvert
à l'invasion étrangère et donnant accès au cœur de la région.
Les défenses de l'intérieur qui pouvaient correspondre avec
celles de la rivière pal' des signaux ont été organisées pour
effriter l'armée envahissante en l'obligeant à porLer se's
efIorts sur un trop grand nombl'e de p.oints (1).

Les grandes voies
M. de Rerviler a divisé les voies romaines
Bretagne en tl'Ois catégories:
' 1° Routes stratégiques ou militaires;
2° Routes de Civitas à Civitas ;
3° « Vire vicinales » ()2 .

étudiées en

(1) M. lc chanoine AIIGIIALL, sans donner SOli adhésion il ma manière
dc voir au sujcL du sysLèmc dc dércllsc dc la rh'ièl'C d'Audicl'nc cL dc
la banlieuc Oucst de la villc d'ls émet l'opinion suin",te : « cc quc j'ai
pu constaLer c'est que Pcnguilly, Lcs"oaycn, le pelit poslc dc Lllnnéoll,
Kcr"éncnnec, Sugucnsoll, KCI'signcall , pO''''aient cOffimUlli((IlCr par des
signaux de feux la nuit et des signaux optiques le jO'"' ». (Noies COIIIIIIU­
niquées li l'au leur par M. le chanoinc AnGIIAI.L).
(2) Voir Elude critique, clc. pages 8i·91.
BULLETIN ARCHÉOL, OU FINISTÈRE, - TOME XXXIIl (Mémoires) 14

- 210-

. On peut simplifier ,cette classification. Je conserve I:i
première catégol'ie, mais je désigne les routes qui en fon t

partie sous le nom de (( grandes voies n. Adopter pour ces

routes les qualificatifs ( stratégique Il et {( militaire n, c'e~t
laisser supposer que les autres voies ne sont ni « stratégiques,)
ni (( militaires». Or, le caractère de l'occupation romaine
dans notre pays c'est d'avoir été essentiellement militaire. (1)
Presque toutes les routes, aussi bien celle de la première

catégoi'ie que les routes de Civitas à Civitas et les vim vicinales,
ont été construites pour relier des points stratégiques, pour'
servir la domination militaire dans le pays: elles mériteraient
donc toutes le nom de, ( voies stratégiques ou militaires n.
, Je change donc pour ces raisons le nom des « routes straté­
giques ou militaires» de la ' première catégorie en celui de

c( grandes voies n et je réunis sous le nom de ( réseau armo-
ricain » les routes des deux autres catégories. Les gmndes
voies relient directement notre presqu'île armoricaine au reste
de la Gaule; le réseau al'mol'icain met en communication le: ;
différents points de la même presqu'Ile. .

Le trajet des deux grandes voies qui passent dans le bassill
de l'Odet n'est pas .compliqué. Ce sont:

La voie de Kemperlé à Châteaulin par CiviLas Aquilonia ;

La voie de Carhaix à Camaret par Châteaulin.
La première voie n'est en réalité qu'un tronçon de, ,1;1
ceinture de nos voies littorales. Elle unissait'Civitas Aquilonia
à Vannes, à Nantes et à Angers, d'un côté; à Landerneau et

Brest, de l'autre. La deuxième voie qui appartient plus al!

bassin de l'Aulne qu'à celui de l'Odet n'est aussi qU'UII
tronçon faisant partie de la voie centrale de l'Armorique, voi,>,
du Mans à Camaret par Condate (Rennes) et V01'ganiurn
(Carhaix).

(1) M, mi LA BORDERIE, His/oire rie Brelagne, t, l, donne le chiffre dei
garnisons romaines dans notre pro\'ince: ft ,800fanlassins et 1 :400ca\'nlierr"
chiffre considérable par rapport à celui des garnisons du reste de là Gaule.

La voie de Kemperlé à Châteaulin suivait au sortit' de
Kemperlé la route actuelle de Pont-Aven à Concarneau. Elle
s'en séparait à l'Est de la chapelle cie la Madeleine 0(1 elle
pdssait pour cie là gagner: Le Trévoux; Pont-Glaeres et
.l'Eglise· Blancl)e, au Sud de Bannalec; Le Moustoir, en
Kernével; la chapelle de la Trinité. (1) Jusqu'ici l'on peut,
pour ainsi dire, lui superposer d:abord la route départemen­
tale, puis un chemin vicinal moderne. A l'Ouest de la Trinité

elle est c;ontinuée pendant environ' 1500 mètres ' par un
chemin rural qui rejoint la route de Melgven à Rosporden
au-dessous du village du Plessis. Cette route· se superpose à
la voie romaine sur une longueur. d'un kilomètre; elle passe
près et au Sud de la chapelle de Coat-an·Poudou. A un
tournant, au Nord-Est du village de Kerarbeuz, la voie
romaine se sépare à nouveau de la route moderne pendant
un kilomètre et passe au Sud du Signal de l'Hôpital Cl3ri mè­
tres d'altitude) point culminant entre Kemperlé et Civitas
Aquilonia. Après avoir passé à Parc-an-Broch, qui a présenté
des vestiges romains, elle atteint la route de Rosporden à
Concarneau qu'elle traverse pour se confondre pendant

8 kilomètres 1/2 avec le chemin vicinal de Loc-Maria-an-Hent.
Au delà de la chapelle elle laisse au Nord Créac'h-Miquel où
il ya un camp ovalaire ; au Sud, Kéreonnec où la description
de cette voie par M. Flagelle (2) signale des substructions;
au Sud encore, Kerhuel où il y a un oppidum et le bois de
Pleuven où se trouvait un camp fortement retranché. Enfin,
la voie atteint le village de Kervellec et abandonnant le
chemin vicinal·continue d'avancer, presque en ligne droite
vers l'Ouest à l'état de chemin rural pendant::; kilomètres.
Par Belle-Vue elle atteint la route de Kemper à Rosporden à
côté de la chapelle de Notre-Dame, au Petit Guelen, et, sur

(1) M. le chanoine A/lG/lALL fait remarquer dans son Elude de la voie
romaine el du chemin de Pélerinage des sepl Saillis que les restes de pavage
sont particulièrement fréquents aux approches de la chapelle de la Trinité.
(2) DE KERvILEn, loc. cil. p . 128.

1>00 mètres environ, se confond, pour la premIère et unique
fois, avec la roùte nationale de Kemper à Rosporden.

Il Y avait un camp, nun loin de la chapelle, à Keranael-Fresk .

Par les hauteurs (8ï rn. et 8\ m.) elle arrive près et
au Nord du bourg d'Ergué-Armel après un parcours de

2 kilomètres à l'état de chemin vicinal. Du côté Nord,

elle reçoit la voie de Coray puis, toujours par les hauteurs,
eIle se dirige vers le plateau du Mont-Frugy après aveoi.r
croisé la route actuelle de Kemper à Concarneau au village
de Rozolin et reçu la voie ancienne de Ci"i!as Aqnilonia à

Concarneau au lieu dit Ty-Plouzennec. On sait déjà que
notre grande voie traverse de l'Est à l'Ouest le plateau du
Mont-Frugy, au Nord des villages de Saint-Laurent et de
Lesperbez. Au côté Estdu poste de Parc-al'-Groaz elle tourne
au Nord, descend vers l'Odet, le franchit à Gué près de l'endroit
où s'élève aujourd'hui le pont Sainte-Catherine; elle laisse à .
droite l'établissement gallo-romain de la place Saint-Coren­
tin, atteint, en escaladant le coteau, lepostc du Likès situé au
Nord, longe le côté Est de ce poste et continue à se diriger au
Nord. A 800 mètres au dessus de Kerfeunteun la voie de Mor­
laix se détachait à droite de la grande voie Au-delà de cet
embranchement la grande voie existe presque en entier souvent
merveilleusement consèrvée jusqu'à l'entrée de" Chi:1teaulin. .
Durant 8 ldlomètres, de Kermazet, en Kerfeunteun, à Ker­
hervé, en Landrévarzec elle s'olIre à nous large, majestueuse,
mais fatigante car elle franchit toutes les côtes quelles
qu'elles soient. Après Kerhervé la grande voie a été rectifiée
sur un parcours de 3 kilomètres jusqu'à Kernéon, en Briec.
De ce point jusqu'à la station de Quéménéven, sur une 101l­
gueur d'un kilomètre, un bout de chemin vicinal a pris sa

place; ce chemin passe près de Quinigou où l'on a retrouvé
des traces de l'occupation romaine et traverse le Steyr, alors
humble ruisseau, à une centaine de mètres au Sud-Est de la
station de Quéménèven. Presqu'aussitôt la voie reparaît aVI)C

son antique aspect pour continuer ainsi pendant 9 kilomètres

jusqu'à la chapelle de Notre-Dame à Châteaulin. Point n'est
besoin de recherches pour en déterminer le trajet: il n'y a
qu'à marcher droit devant soi sur cette solide chaussée. Il
nous est facile, chemin faisant, de nous rendre compte de sa
constituLio~. La chaussée très large, très résistante, est limi-

tée latéralement par des fossés, pas partout cependant; dans

cet encadrement de fossés qui atteignent parfois un mètre en
largeur et en profondeur la voie se dessine vigoureusement
sur les pen les et sur les crêtes. Et pentes et crêtes ne man-

. quent pas! La partie moyenne du trajet entre la station de

Quéménéven et Notre-Dame de CMteaulin s'opère dans les
landes solitaires des Montagnes~Noires. Le plus souvent, de
cette incomparable voie; l'œil clécouvre une, immense étendue

de pays, particulièrement au point culminant de son trajet
(204 mètres) dans un endroit où elle passe au pied du dôme
du Ménez-J{el, c'h, en la commune de Cast. La Cornouaille

presque entière est visible de ce point jusqu'aux Monts
d'Arrée, au Nord, jusqu'à l'horizon brumeux au Sud, jusqu!à
l'Océan, à l'Ouest. Le camp de Lelzac'h était établi près de là.
Sur le versant Nord du Ménez-Kelc'h la voie entre dans le
bassin de l'Aulne. Il est probable qu'un camp romain la
dominait du haut de la butte du château avant le passage de
l'Auln~ qui devait s'effectuer au niveau du pont actuel mais
SUI' ce point on est encore moins l'enseigné que sur l'histoire
de la forteresse féodale dont quelques pans de murs croulants
nous rappellent l'existence eh ce lieu.
J'ai déjà parlé, à propos de voies qui sortaient de Civita.~
Aqu'ilûnia, des divergences entre la manière de voir du
Dr Halléguen et la mienne au sujet d'une partie du trajet
de la grande voie entre Kemper et Châteaulin. A partir de
Garzabic ('lOS mètres d'altitude), à 6 kilomètres de I{emper,
le Dr Halléguen adopte jusqu'à Châteaulin lin parcours

dévié à l'Ouest et rejoignant celui que je viens d'indiquer,

seulement au voisinage de l'Aulne, à Châteaulin. Le or Hal-
léguen fait franchir à cette voie la rivière du Stéïl' à Pont·
Quéau, sur l'ancien pont, au Nord du pont actuel, dont le

ciment lui a paru romain. La voie, nous dit le Dr Halléguen (1),

passait ensuite à Quéménéven où il y a des substructions

romaines, puis par Le Pontigou, Pont-Lez, Kersantec,
Keromnès, Trémelven elle gagnait la voie de Carhaix à la
Pointe du Raz (2). Elle s'appelle encore la vieille route de
Quimper et est fréquentée par les gens de Quéménéven. Elle .
est classée comme route vicinale de Cast à Quéménéven ...
« Entre les camps de Quillidoaré et de Lelzach ce chemin
se dirige vers Châteaulin dont il contourne la montagne
couronnée d'un cbâteau féodal remplaçant probablement

un. camp romain pour traverser l'Aulne à gué et sur un
pont dont les fondations paraissent romaines ... )).
Le Dr Halléguen reproche à M. de Fréminville de . ne pas
avoir vu le castrum gallo-romain ~e Brest tout en vivant
près de lui. (1). Mais le Dr Halléguen est justement tombé
dans la même erreur .que M. de Fr~minville. Ayant entrevu
le parcours de 13' grande voie depuis la . sortie de Kemper
jusqu'à Garzabic à une lieue et demie de la ville il a brus­
quement quitté cette voie qui se continuait en droite . ligne
devant lui, dans la direction de Cbc1teaulin avec son carac-

tère babituel, et il s'est engagé à · gauche, dans un chemin
vicinal à direction de plus en plus divergente à mesure
. qu'on s'éloigne de son point de départ. Le Dr Halléguen
s'est basé pour établir son tracé sur la présence d'un vieux

pont à Pont·Quéau, de vestiges romains à Quéménéven et
sur le nom de « vieille route de Quimper )) que donnent
les paysans à la route de Cast à Quéménéven. Mais n'y a
t-i1 pas également au Quinigou, au bord de la grande voie,

(t) Voir Armorique et Bretagne, T. l, Voie de l'intérieur.
(2) La voie n' ta d'ls à Carhaix qui sera décrite ci-dessous s'identifie
avec cette voie du D'·HALLÉGU HX du camp de .Cast il Douarnen~z.
(il VoÏl' Armorique et Bretagne, T. l, p. t23, note .

des' vestiges gallo-romains? Mais le nom de « vieille route
de Quimper)) indique-t-il autre chose sinon que ce modeste
chemin- vicinal était considéré, longtemps avant sa ,'estau­
ration comme la route la plus praticable pour se rendre à
Remper ? Enfin, en dehors de ses caractères si bien con­
servés sur presque tout son parcours entre Kemper et

Châteaulin, la grande voie telle que je l'ai décrite a pour
elle d'être un chemin direct et st'l'atégique. Malgré tous

ces caractères sineltement tranchés j'ai voulu, néanmoins,

, pour ne pas être accusé de partialité, rapporter l'opiniolt
du Dr HaIIéguen tout en me réservant de la discuter.
Je ne signal, erai que pour mémoire la grande voie de
Carhaix à Camaret par Châteaulin. Il est utile de la noter
parce qu'elle passe non loin de la limite des bassins de
l'Aulne et de l'Odet et qu'elle a des connexions avec d'autres
voies du réseau armoricain que nous étudierons plus loin.
Voici son trajet de Châteaulin à Camaret d'après M. de
- Kerviler: ( 1) « Dinéault, 2.400 mètres au Sud d'Argol,
Crozon et la chaussée de l'anse de Kerloc'h. C'est la fameuse
voie connue sous le nom d'Hent-Aès. )) On ne saurait
contester la valeur stratégique de cette voie qui après avoir
traversé 'le plateau de Pleyben s'engage dans les Montagnes
Noires puis SUI' le plateau de Crozon,commandant ainsi à

la rade de Brest et à la baie de Douarnenez. Mais ce que
je veux montrel' en terminant ce chapitre c'est avec quel
sens pratique avait été tracée la voie de Kemperlé à Kemper
et à Ch,Heaulin. Ce tronçon faisant partie d'une grande
voie de ceinture de la presqu'île armoricaine devait dominer
autant que possible le pays compris entre la mer et lui,
tout en parcourant le plus cour.t trajet entre les stations
desservies par lui. Ces deux résultats ont été atteints par
les constructeurs de la grande voie et il est peu de points

1> Voil' Etude critique, etc ... p. toI.

- 216
d'ol) elle ne domine pas le · paYs, vers re Sud, dans la première
partie de son trajet, vers "J'Ouest, dans la seconde POUl'
pouvoir embrasser le maximum d'étendue de l'horizon à .
gauche il fallait asseoir la voie en des· points suffisamment '

élevés :ce (lui fut fait.

Nous trouvons ainsi entre Kemperlé et Kemper :
Kerllor, 70 mètres ;' La Madeleine, 67 mèlres; Saint-Jean,
H mètres; Ros-an-Aor, 90 mètres; Kervabiou,95 mèlres ;
Le Moustoir, 98 mètres; Kergonnec, '11-1 mètres; Keremez,
U2 mètres; Belle-Vue, 93 mètres; Plateau d'Ergué-Armel,
80 mètres environ; Parc-ar-Groaz, ï2 mètres; entre f{emper
et Chùteaulin; canefour de la voie de Morlaix,69 mètres; Coa­
tolier, 85 mètres ; Garzabic, 'lO8 mètres; Keraliès, J2'i

mètres; Saint-Hel'vé, 83 mètres; Kernéon, '11'1 mètres;
Mengle, 159 mètres; plateau du Ménez-Kelc'h, 204 mètre~,
Voilà pour le côté stratégique; quand à la rectitude elle eH
aussi parfaite qu'on peut la réaliser. Les rampes sont dures,
il est vrai, mais il le fallait. ·Ce que l'on doit regretter, c'e~t .
que lors de la création de la route actuelle de Kemper à

Kemperlé et à Châteaulin on ait presque complètement aban-
donné le tracé de la grande voie. Dans la première partie, le
passage par Bannalec et Rosporden a génémlement eu pour
résultat de fermer l'horizon du côté du Sud. La faute en est à

une lignede coteaux au-delà de làquelle les ingénieurs romains
avaient eu le bon esprit de reporter leur grande yoie .. La route

moderne et l'ancienne voie ne se confondent dans cette pre-
mière partie qu'en un seul point au Petit-Guelen, sur un tri~s
court espace et encore dans un des points les plus défectuelix
de la grande voie. De Kemper ft Châteaulin la divergence est
presque constamment complète. La route rr.oderne, beaucoup
moins· élevée que l'ancienne voie, parfois encaissée ne s'iden­
tifie avec l'ancienne ·que sur une étendue de 3 kilomètr.~s
entre Kerheryé et Kernéon. ('omme c'est le cas pOUl' la route
. moderne de Rem perlé à Quimper l'horizon de la route mo-

derne de Kemper à Châteaulin n'est guère développé que du
cOté de l'intérieur, c'est-à-dire à droiLe; à gauche, ' au
contraire, des bauteurs balTent généralement la vue. Au
point de vue mililaire,la route actuelle de Kemperlé à Kemper
et à Châteaulin eut été fort critiquée par les ingénieurs
romains et je crois qUf. s'ils revenaient en ce bas-monde, ils
nous doteraient par quelques rectifications faites à leur pre-

mie\' travail d'une voie stratégique d'une incomparable
vDleur. (1)

Docteur C.-A. PICQUENARD .

(A .~ttivTe)

(1) 1\(. le Chanoine AUGRAI.L dans 5011 E/ude de la voie romaille el du
chemin de pélerillage des Sep/-Saill/s .... fait remarquer fort justement (til'age
à. p,.rt, p. 7) que depuis Ergué-Armel, jusqu'à Loc-i\laria·an-Hent, la "oie
" a couru sur un haut plateau presque suns l'umpes ni descentes, bien
mieux améllagcc sous ce ,'apport que les traces raits l'al' nos ingcilielll's
actuels ».

- 327

DEUXIÈ E PARTIE

Table des Mèmoi1'es et Docttments publiés en 1906
Pages
La Forêt sous-marine de LocLqdy, par M. Camille VAL-

IJAux(cal·le)........................................ 3
Excursion dans la commune de Plouézoch, par Louis
LE GUENNEC (4 gravures). . . . . . . . . ... . .. .. . . ... . . . . . 10

Les vases enfouis pùur maléfices dans le Cap-Sizun,
!)t-r' M. H. LE CARGUET .......... .................. 73
Huines et substructions gallo-romaines du Cavardy
et du Stanq, canton de Fouesnant, par M. le Dr
C.-A. PICQUENARD (2 planches).. . . . . . . . . . . . . . . . ... . . 78
Un beau geste des Volontaires du Finistère (épisode
de la prise de Furnes, 1793), pal' H. DE KERGUIF-
FJNAN":,, 11'UftIC ...... . ........ . ......... . ........ 91
Les Faucheurs de la mer en Léon (récolte du g·oëmon
au XVllle et au XIXe S.), par M. l'abbé A. FAVÉ .... 95
Trouvaille de hnches en bronze faite en Plouhinec en
1905, par M. P. DU CHA'l'ELLIER (planche hors texle).. . 146
Note SUl' le chàteau de Kergoet (eorrim une de Saint-
Hernin, canton de Carhaix), pal' M. J. TRÉVÉDY... 150
La vie municipnle il PonL-Croix (1790-1791), par M. J.-M.
PIL VEN. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ....... 157

Vestiges du vieux cluHeau. de Kel'gunus, en Trégunc
(canton de Concarneau), pltr M. le chanoine J.-M .

_ ABGl\AT..JL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . ................ . 181
L . 'O.cClJ.Pilltid!l' gallo-romaine dans le bassin de l'Odet,
. par M. Lè Dr C.-A. PICQUENARD (2 caries) .. .......... .

188
~ . Les arme: je jet il la bataille d'Hastings c1'après le texte
de Guillaume de Poitiers, par M. IL LE CAI:l.GUE1' ..
La fllmiJle> 'Lirql:!n du 'rimeur, par M. J. · TRÉVÉOY .... . .
218
222
Le chemin du Tro-Breiz, entre Saint-Pol-de-Léon et
Tréguier', par M. H. LE GUENNEC o 247
L'occupation romaine dans le bassin de l'Odet (sllite
et fin), par M. le Dr C.-A. PICQUENAHD ....... . . ... .