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Société Archéologique du Finistère - SAF 1906 tome 33 - Pages 181 à 187
VIEUX CHATEAU DE KERGUNUS EN TR~GU C
Dans le courant du mois de mai, les journaux du dépar
tement annonçaient la découve1'le d'un vieux château du XI Ile
siècle dans le bois de Kergunus, en Trégunc, La nou\'elle
était seulement à moitié exacte, et l'attribution de la date
pourrait être également un peu hâtive.
A un kilomèt're au Nord du bourg de TI'égunc, à 400
mètres au-delà du grand menhir de Ke!'angallou, s'étend
le hois taillis de l\ergunus. La route de Melgven le travel'se
dans sa largeur, qui est d'environ 500 mètres. A la lisière
Nord de ce taillis, du côté Est du chemin, tout près du ruis
seau du "moulin, on obser"vait au\.refois un asse? curieux
mouvement de t.erI'ain, une sOl'te de colline entourée de
douves SUI' deux de ses côtés, avec des levées de terre, des
sOltes de l'etl'a!lchem,c!lts envil'onnant un plateau dç fOl'me
il'l'égulièl'e Comme loutce coin était couvel'l de bois, de
quelques gl'anus al'bl'es et de vieilles souches dont les rf'je-
tons fomiiliellt buissons, les gells du pays y prêtaient peu
d'attention, quelques-uns cepenuant y l'econnaissaient bien
un vieil étahlissement fortifié, mais sans pouvoil' en déter
miner exactement la natU/'e, l'importance et la date,
Le taillis ayant été vendu il ya quelques mois, l'acqué
reur de ce lot a fait abattre les arbres, dépouiller les sou
ches et couper les buissons, et alors la vieille petite forte-
VE~T,IGE~ ..oU VIEUX CHATEAU da IŒf\.GUNUj;
Coupe Su .... ta. t,~'II' AB
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eT> TPtEGUNC
Prai1'if.
Q,'nclt1\ ~ t,: ,,,,
I()J~;I/'t Ift'C.
resse est apparue dans sa forme assez bizarre et sa configu
ration un peu étrange. Les visiteurs sont venus nombraux
de Concarneau et de. Pont-Aven; et les théories historique!!
50 sont donné libre cours .
La forme génél'ale de l'enceinte est un pentagone irrégu-
lier, se rapprochant plutôt du triangle. La longueur i.nté
rieure de ce que l'on pourrait appelel' l'axe, est d'environ 50
mètt'es ; la largeur maxima, 37 mètres. Celle enceinte est
. formée de retranchements de terre, avec douves au Sud
Ouest et au Sud, retranchements qui, en certains points,
ont 5, 6 et 7 mètres de hauteur au-dessus du Cond des doti-
ves . Sur les autres côtés Est et Nord, les retranchements
descendent en pente rapide vers une prail'ie qui a dû se
former peu ù peu par des alluvions, mais qui, HU temps de
. la constl'uction du château, devait former un vaste étang
dont les eaux pouvaient a1.imenter les· douves elles-mêmes,
Ces l'etl'unchements de terre, défol'més peu à peu par les .
'éboulements et les 'détl'Ïlus de la vègétation, recouvrent
des mUl's de piene de 2 mètres d'épaisseur; qui devaient
s'élevel' autrefois à une hauteur considérable pour former
l'empal'ls ; le nouveau ~ll'opriétaire a commencé à faire
exploitel' ces maçonneri.es comme cal'rière de pienes à
bâti l'.
Aux angles Ouest, Nord-Est et Sud-Est, sont 'des tours
rondes de 4 mètres de diamètre, celle de l'Ouest formant
une sorte d'éperon sur cet angle aigu, et précédée, à 4
. mètres de distance, d'un chêne décrépit qui doit avoir au
moins 500 ans d'existence. Cette tour Ouest, la seule qui
soit pour encore dégagée, est creuse, et dans le vide qui est
d'environ 1
1ll
50, on pénètre par une porte qui donne du côté
i nlél'ieul' de l'enceinte,ayant des jambages et un arc sUl'baissé
en pierres de taille. Ces jambages dont .les angles sont
rabattus par un faible chanfrein et cette arcade surbaissée,
n'ont pas de caractères architectoniques suffisants pour
déterminer une date, pas plus que les quelques autres pierres
de taille que l'on trouve dans la douve Sud et _au has du
versant Nord.
Lorsque l'intérieur de cette tour Ouest sera dégagé, y
trouvera-t-on un escalier? ou bien accédait-on à la plate
forme par un chemin. de ronde ou un escalier extérieur?
La maçonnerie de cette tour, ainsi que celle des murs
d'enceinte, est faile en moellons de gneiss micacé ou d'une
sorte de micaschiste de la nature des pierr~s de Melgven et
de la Forêt-Foue!!nant. Le mortier est simplement de l'argile
ou de la terre glaise; on ne trouve pas la moindre trace de
chaux, ce qui doit faire attribuer cel établissement à unè
date antérieure au XIIe siècle, car les ouvrages militaires et
religieux que nous possédons en~OI'e de ce siècle sont
maçonnés en excellent mortier de chaux.
Les dimensions, la forme, la structure générale de cette
petite forteresse doivent servit, à la dater approximativement.
A partir de J'époque gallo-romaine et des invasions
jusqu'à la féodalité, c'est-à-dil'e jusqu'à la moi lié du IXe sièole,
il est à croire qu'il y avait très peu de places fortifiées Imr
notre tenitoire. Mais dès que la féodalité prit naissance,
chaque petit chef, .et ils se multiplièrent rapidement, chaque
chef se cOllslt'uisit une petite fortel'esse, pour se mettl'e en
sûreté contre un coup de main et aussi pour protégel' ses
vassaux. Ces forteresses eurent 'd'abol'd peù d'importanc:e :
une motte ou éminence soit natul'elIe soit artificielle, entoul'ée
de douves ou de fossés, protégée par des bois ou des mal'ais,
défendue pal' des palissades en bois, surmonTée d'une .
. habitation ou d'une tour en maçonnerie ou en charpente, ce
fut là le premier sygLème de défense.
Nous en tl'ouvons des spécimens assez nombreux et assez
remarquables sur différents point.s du département: à Coal-·
Morvan en Mahalon, à l'entrée des bois du Guilguiffin, près
de Keryagou en Landudec, au Qu illiou en Plogastel-SaiIlt
Gel'main, à SLang-Rohan en Pluguffan, dans le bois de
Penhoat-bian en Plomelin, à Luzucn en Nizon, la vieille
motte du Penhoat en Saint-Thég'onnec, en linière au Sud
des ruines actuelles du château du Xille siècle, les ruines
du château de Daou-dour-Coat-meur en Landivisiau, Castel
Huel près du moulin de la Marche e.n Trézélidé, Tour-Nuz
en Plonévez-Lochrist, la grande motte de Coat-Méal et eelIc
de Lamber entl'e Saint-Renan et- Ploumoguer,
Dans la plupart de ces moltes 011 trouve des substructlons
de maçonnerie indiquant une tOUl' carrée ou donjon cl~ntral
·185 -
et parfois des habitations assez vastes;. SUI' le rebord de
quelques-unes sont des traces ou des l'estes de mUl'S d'ell-
ceinte, Toutes sont défendues sur un ou deux eôtés pal' des
dOtlves pr6l'ondes et SUI' les autl'es côtés Pal' des pl'écipices
ou pal' des étangs .
Ce derniel' cas cs t cclui Je la fort.eresse de I ergunus, qui
nous occupe; ee n'cst. pas ici une vérilable motle, c'est
plutôt un plaleau fortifié, pris dans unc sorle de pl'omonloil'c
qui s'avance dans le vallon et séparé du l'es le du terrain par
des douves, Sous ce rappol't, il peut être classé dans l'a
. même catégorie que le camp ou retranchement qu'on voit
dans le vallon de Kertanguy et Kel'ozal en 'Plouguin , Ut; bOl'd
de la l'oule de Tréglonoll. Il est situé dans un bas-fond et
défendu par le mal'ais qui l'entoure complètement,
C'est encore le cas de la forteresse occupée pal' le l'(li
Morvan, Lez-Breiz, défenseur des Bretons contre Louis le
Débonnaire, décl'ile par l'historien El'mold 18 Noil', lnute
enloUl'ée de mal'ais et de forêts, et reconnue par MM. de
Kel'drel el de la Bordel'ie comme étant le Minez-Mon·all,
situé près de la chapelle de Saint-Brandan : au N.-E du
bourg de Langonnet dans le Morbihan.
La configuration génél'ale de la plupar.t de ces motles
que je viens d'énumérer est la forme circulail'e ou elliptiqlle,
ou du moins quelfJue chose qui s'en appl'oche, En tOul cas,
si c'est un polygone il'l'égulier, les angles sont lOUjOlll'S
arrondis. Dans aucune on n'a constaté la présence de tO I.II';;
flanquantes, Le cas esl différent à Kergunus. Dans le pen-
lagone il'régulier que bornen t les 1 ignes des 1I1111'S Je
retranchement, un des angles est tt'ès aigu, . deux auLl'cs
sont à peu près droits, c'est-à-dire à 90 degl'és . Ce sont ces '
trois angles que les constructeurs ont jugé à [ll'OPOS de l'cn
forcer par trois tours cylindriques, soit que ces I)oinls l'lIS
sent regardés comme plus faibles ou plus exposés aux atta
ques, soit qu'on leur donnât comme objectif Je commanJl'l'
le chemin de. ronde et aussi de battre plus
fossés et les escarpes.
facilement les
Ces tours sont creuses, et le vide intérieur, qui semble trop
élroit pour loger un escalier, devait êLI'e plutôt destiné à
Î1lOlIler les approvisionnements de projectiles pour les défen·
seurs qui se trouvaient sur la plate-fol'me_
o Il y a donc daus l'établissement de ces tours une sorte de
pel'fectionnemeut de la défense, et peut-êlre ce petit château
de Kergunus est-il un peu postérieur aux autres mottea
déjà citées et que l'on doit, semble-t-il, attribuer au Xe siècle,
d'après les théories et les études de MM. de Caumo~t el
Viollet-le-Duc. C'esttoujoul's cependant le même système de
constl'Uction, fOI'l élémentaire encore; et il y a loin de là aux
citadelles formidables de Trémazan eO t de la Roche·Maurice
construites au Xll· siècle, et à celIe du Penhoat qui est
du XIIIe .
Dans quelques-unes des molle~, notamment dans cell6s
de Coat·Morvan et du Quilliou, explorées par notre COrt-
frère , M. le comte Gaston de Saint-Luc, on a dégagé les
substructions de COl'PS de logis assez considérables. Dalls
l'enceinte de -Kergunus on voit bien quelques amou-
cellements de pierres éboulées, mais sans qu'il soit possible
encore de déterminer le plan des bâtiments qu'elloJs
pouvaient former.
Toutes ces mottes du l'este méritent une exploration et
une monographie spéciales et leU!' fouille pourrait réservel'
plus d'une surprise: Celle de Slang-Bohan en particuli(:r,
presque à la porle de Quimper et si peu visitée, occupe une
position extraordinairèment fOI'te et presque inacëessible.
bans le réduit central on trouve les restes d'un donjon calTé
en maçonnerie, dont le pied domine le vallon de plus de 30
mètres de hauteur; et si SUI' trois de ses côté3 il n'est défendu
que pal' une simple enceinte et des escarpements naturels,
du cÔté le plus accessible il est protégé par un triple
retranchement.
Il se peut aussi que quelques-uns de ces .0uvl'ageti de
défense soient bien antérieurs au. IX· et au Xe siècle
auxquels on les assigne généralement. On voit encol'c
à Lesquélen en Plabennec, l'immense bulle ent.oul'ée
de fossés, construite pal' saint Thénenan au VIle siècle
po,ur servil' de refuge conll'e les incursions des lHlI'bal'es
Danois 41,1i dévaslaientle pays. SUI' le plateau de celle Lulle
on reconnaît des tl'aces de maçonneries et d'habitations,
Comme conclusion, en ce qui regarde Kergunus, il sem hie
que cel établissement appartient à la famille des châteaux
et mottes du X· et du Xl· siècle, ct qu'on ne pent pas le
classer parmi les travaux de défense d'une époque p'osté-
l'ieure, Tout est de natul'e à confirmer cette opinion : la
p03ition, la forme, la nature des matériaux, l'aspect actuel
et la vieille végétation qui depuis de nombl'eux siècles cn
couvre les ruines .
15 iuillet 1906. .
CIIAr\OIr\E J.-M. ABGRALI..
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DEUXIÈ E PARTIE
Table des Mèmoi1'es et Docttments publiés en 1906
Pages
La Forêt sous-marine de LocLqdy, par M. Camille VAL-
IJAux(cal·le)........................................ 3
Excursion dans la commune de Plouézoch, par Louis
LE GUENNEC (4 gravures). . . . . . . . . ... . .. .. . . ... . . . . . 10
Les vases enfouis pùur maléfices dans le Cap-Sizun,
!)t-r' M. H. LE CARGUET .......... .................. 73
Huines et substructions gallo-romaines du Cavardy
et du Stanq, canton de Fouesnant, par M. le Dr
C.-A. PICQUENARD (2 planches).. . . . . . . . . . . . . . . . ... . . 78
Un beau geste des Volontaires du Finistère (épisode
de la prise de Furnes, 1793), pal' H. DE KERGUIF-
FJNAN":,, 11'UftIC ...... . ........ . ......... . ........ 91
Les Faucheurs de la mer en Léon (récolte du g·oëmon
au XVllle et au XIXe S.), par M. l'abbé A. FAVÉ .... 95
Trouvaille de hnches en bronze faite en Plouhinec en
1905, par M. P. DU CHA'l'ELLIER (planche hors texle).. . 146
Note SUl' le chàteau de Kergoet (eorrim une de Saint-
Hernin, canton de Carhaix), pal' M. J. TRÉVÉDY... 150
La vie municipnle il PonL-Croix (1790-1791), par M. J.-M.
PIL VEN. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ....... 157
Vestiges du vieux cluHeau. de Kel'gunus, en Trégunc
(canton de Concarneau), pltr M. le chanoine J.-M .
_ ABGl\AT..JL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . ................ . 181
L . 'O.cClJ.Pilltid!l' gallo-romaine dans le bassin de l'Odet,
. par M. Lè Dr C.-A. PICQUENARD (2 caries) .. .......... .
188
~ . Les arme: je jet il la bataille d'Hastings c1'après le texte
de Guillaume de Poitiers, par M. IL LE CAI:l.GUE1' ..
La fllmiJle> 'Lirql:!n du 'rimeur, par M. J. · TRÉVÉOY .... . .
218
222
Le chemin du Tro-Breiz, entre Saint-Pol-de-Léon et
Tréguier', par M. H. LE GUENNEC o 247
L'occupation romaine dans le bassin de l'Odet (sllite
et fin), par M. le Dr C.-A. PICQUENAHD ....... . . ... .