Bulletin SAF 1906

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La vie municipale à Pont-Croix (1790-1791)

J.-M. Pilven

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1906 tome 33 - Pages 157 à 180

L'Assemblée Nationale avait décrété le -12 novembre -1789,
(( qu'il y aurait une municipalité dans chaque ville, bourg,
paroisse ou communauté de campagne Il et le régime nouveau
fut organisé par les décrets du lIi et du 22 décembre suivant.
Les lellres-pa tentes ·d u Roi pour la consli tu lion des mun ici­
palités arrivèrent.à Pont-Croix le 18 janvier, et le « comité
de district Il se mit à l"œuvre pour étudier l'organisation et
préparer le fonctionnement de la .nouvelle machine adminis­
tra ti ve.
Il commença par dresser la liste des CI citoyens actifs ,).
Celte qualification était réservée à ceux qui payaient une
contribution équivalente à « trois journées de travail Il , mais
l'Assemblée laissait aux autorités locales le soin de fixer le

prix de ces journées. A l'unanimité le comité de Pont-Croix
taxa la journée de travail à quinze sols; pour être électeur il

fallait donc payer quarante-cinq sols. La liste électorale fut
affichée à la porte de l'église et sur les lJlurs de la halle, et

les électeurs furent convoqués. pour le mercredi 3 février, à
midi , en la chapelle des Ursulines, gracieusement mise à leUl' ·
disposition par Madame la Supérieure. On avait parlé de se
réunir à la chapelle de la Magdelaine, sise au chevet de
l'église paroissiale; ce local avaiL été reconnu trop étroit, ou
plutôt trop modeste pou\' servir de sanctuaire au peuple

souvera 10. .
Au jour fixé, dès 8 heures du matin, les membres du corps
politique et du comité de district, sont convoqués, pal' billet,
pou\' prendre les dernières dispositions et poUl' se rendre en
corps, il la messe du Saint-Esprit, dite par l\'Ionsieur le Recteur.

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Après a,'oir imploré les secours du Ciel, les citoyens actifs se
réunissent au son de la caisse et de la campane. Ils sont au
nombre de 813, dont 5'8 éligibles, parmi lesquels l'abbé
Quillivic, instituteur, déclaré éligible pal' acclamation « d'assi
et éle\'é ). M.Le Bris DUI'est explique en français et en breton
l'objet de la réunion: il s'agit d'élire un Maire, un ProcureUt'
de la Commune, cinq offi'ciers municipaux et douze notables.
On distribue aux électeurs des billets timbrés, à l'effet d'y
inscrire les noms des personnes qu'ils jugent en leur Îme et
conscience deroir être élues. Ceux qui ne savent pas écrire,
choisissent pour secrétaire M, Quillivic qui prête serment de
se bien et fidèlement comporter en cette fonction et les scrutins

commencent. Le premier a pour objetde constituer le bureau
de l'Assemblée. M. Billette est élu président, M. Ladan secré­
taire. Ils font le serment de (( maintenir de tout leur pouvoir
la constitution du royaume, d'être fidèles à la Nation, à la Loi
et au Roi, de choisir, en leur cÎme et conscience, les plus dignes
de la confiance publique, et de remplir avec zèle et courage
les fonctions civiles et. politiques qiti pourront leur être
confiées n. L'Assemblée tout entière répète le même serment,
et, après avoir nommé trois scrutateurs, on procède à l'élection
du Maire. M. de' Clermont, père, obtient 72 voix. Ce chiffre
éle\'é témoigne sans doute de la considération dont jO!1issait

l'agent de Mme de Forcalquier; on peut y voir également un
hommage de reconnaissance à son fils, député à l'Assemblée
Nationale, pour la peine qu'il s'était donnée, afin d'établir à
Pont-Croix le chef-lieu du District.
Par 52 voix, M. Le Bris Durest est élu procureur de la
Commune. Il devait exposer son aris sur toutes les questions
soumises au Conseil et ses conclusion~ fournissaient la matière
des arrêtés. La formule: (( ouï le procureur, l'Assemblée
arrête )), se retrouve dans toutes les délibérations importantes.
Les cinq membres de la municipalité devaient être élus en
bloc, sur une liste double c'est-à-dire qu'on inscrivait dix

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noms sur chaque billet. Les électeurs profitèrent de celte
disposition pour éparpiller les voix: chacun dut avoir la
sienne au moins. De sorte qu'au premier tou l', Jean Ausquer
obtint seul la majorité absolue. Et comme il était onze heures
clu so ir, et que la g~aQde majorité de l'Assembl'ée se composait
cI'ouvriers et cie journaliers qui avaient besoin cI'un peu de

repos, pour travaillp.r le lendemain, le second tour fut renvoyé
au dimanche suivant, 7 février, à 1 heure. En conséquence,
M. le Hecteu l' fut prié de dire les vêpres après la grand'messe,

il Y consentit trl~s volontiers. .

Ce n'était clone pas un scrupule religieux qui retint les huit .
citoyens actifs dont l'absence fut. constatée à la seconde
réunion. Deux incidents assez vifs se produisi·rent au début.
Le président commence pal' donner lecture d'une leure du
sieur Pouppon, avocat, cp;i réclame son inscription pawli les
éligibles; l'assemblée s'y refuse malgré l'offre ,ierbale faite
par le dit sieur de payer les neuf livres d'imposition pour
l'année courante. Puis, les scrutateurs distribuent des billets;
. mHis quelques-uns réclament violemment, parce que le
seGrétaire les aide (Ians celle opération; cependant la majorité

l'approuve : il faut en finir aujourd'hui. Malgré celte bonne
volonté, le second tOUT de scrutin ne donne aucun rés ultat..
On décide qu:au troisième tour la majorité relative suflira .
Sont élus, oflici.ers municipaux : M~'l. François Cudenncc,
Henry Le Gall , Yves Pichon, Joseph Pendu; notdbles : l\BI .
Billon, François Pichavant, Guéguen, J{erivel, Le Goll, Garga­
denn ec dit La Jeunesse, Daniélou, . Ladan, Guezennec,
Quillivic, Can'al, .Jacques Cudennec. MM. Hm'pen, Kersaudy
. et Pennnmen, avaient également obtenu la majorité relat.ive,
mais ils n'ont pu êt.re proclamés, parce que beaux frères cles
sus-nommés,Les élus prètentle serment de bien l'emplir leurs
fonclions, et le procès·verbal est signé par ceux qui savent le
Caire. Un d'entre eux écri~ « Je déclare ne vouloir signer,
sans désapprouver ce (lui est fait)) mais, pris de ren10rds

civique, il' ajoute « Je déclanïavoir raturé les deux lignes c~'-

dessus indiscrètement par'moi écrites)), et la séance est levée,

environ minuit.
Ainsi se trouva organisée l'administration de la Com'mune.
Le maire, le procureur et les officiers municipaux composaient
le Corps municipal auquel venaient s'adjoindre les notables
pour former le Conseil général. Un bureau municipal com­
prenant: le maire, le procureur et un officier municipal, se
réunissait pour expédier les affaires courantes.

Deux jours après, le 9 février '1 ï90, eut lieu , la première
Assemblée générale du corps municipal el des notables de la
ville de Pont-Croix, A l'unanimité. M. Billette de l'Isle Adan

est nommé secrétaire gren1er. Il accepte pour (( donner de
plus en plus des preuves de son attachement inviolable aux
citoyens de celle ville, et de son zèle pour le bien commun Il
et, désirant se consacrer 'entièrement à ses nouvelles fone- ,
tions, il abdique son grade d'on1cier de la garde nationale ,
On choisit également un héraut, Guillaume Dieucho, (c sauf
par la suite à lui donner des gages si les circontances le per­
mettaient)) , Il reçut, en eliet, pour son année six livres et lm
costume d'apparat: habit bleu à parements rouges et doublure
verte, culotte blanche, une bandouillère aux trois couleurs et
deux paires de souliers.
Les Municipaux jugèrent aussi que pour remplir leurs fonc­
tions a\'ec décence» il leur fallait un insigne quelconql~e.
On écrivit à Rennes, le 16 mai, pour avoir des écharpes -
tricolores. Elles n'étaient pas encore arrivées le '1

juin et le
Maire fut obligé d'en emprunterà Douarnenez pour permettre
au conseil d'assister, en corps, à l'enterrement de Joseph
, Pendu, sixième ofTicier municipaL
(( Conformément au décret de l'Assemblée Nationale". Lors-

- ·161

qu'un membre municipal viendra à mourir il sel'1!. remplacé
. . de droit par celui des notables qui aura réulli le plus qe

sulIrages. )) M. Billon, recteur fut prié de prendre place au
conseil, et, le 22 juin, à dix heures, il célébra, pOUl' le repo. s

de l'âme de son prédécesseur, un service solennel" auquel
les municipauxassistèrent"en corps et en écharpes! .
Malgré les instances réitérées de ' ses collègues, M,
Billon démissionna le 10 octobre, à cause de sa santé;
il fut remplacé par Daniel I}-iveL Déjà, le 3 juillet,
François Piclla\'ant avait remplacé Cudennec, élu membre du
District. Vers le même temps, l'abbé Quillivic donna sa
démission de notable, « rapport à ses occupations 1). Il tenait
u ne petite école fréq uen tée pa l' soixa n t.e à qua tre- vi ngts élè­
ves, suivant la saison, moyennant. une pension de deux cents
livres par an, fournie par le bureau ecclésiastique de Quim-

pel'. Et bien qu'il n'ait pas été payé depuis le 1

janvier

« écoutant plutôt son zèle. désintéressé que ses facultés pécu-

niaires, ce digne instituteur a continué 5es leçons, sans. même

exiger, pour le pre.mier trimestre de celte année aucune rétri-
bution de la part de ses disciples, dont sept sont dans ce
moment, par les succès de ses soins, en état d'être reçus aux
classes du collège de Quimper )), Et c'est pourquoi. le District
supplie le Département de conserver ces petites écoles qui ont
pour ellet de répandre dans les campagnes du canton les
lumières et les connaissances qui conviennent àun pellple
libre et de regarder le payement de ces deux cents li\'l"cs
comme une des obligations les plus respectables , dont la
Nation se trouve chargée CJmme ayant pris possession des
biens ecclésiastiques, en attendant que l'Assemblée Nationale'
ait statué sur l'enseignement public.
Le Conseil général de la Commune était renouvelable par
moitié tous les ans, et bien que le présent conseil ne fllt en
exercice que depuis neuf mois, la première éleeliori partielle
eut lieu en novembre 1791 , anniversaire ~lll décret de l'Assem­
BULLETIN ' AIICHÉOL. DU IIINlSn;IIE, - TO'ME XXXlII (McllIoires) 1 t

blée Nationale, D'après l'article 42 de ce . décret, le corps
municipal étant composé de cinq membres, non compris le
Maire, élu poùr deux ans, il devait en sortir deux à la fin de la
première année. Quant au nombre des notables, il se trouvait
réduit à six. Fallait-il faire sortir ti'ois et l'entrer neul', ou

choisir simplement six? La question fut réservée pour être

soumise à l'Assemblée des citoyens actifs, .

La liste en fut affichée et publiée à son de caisse, et le 21 no-
vembre, Vf:lrs neuf heures, officiers municipaux et notables se
l'endent à la chapelle des Ursulines. On commence pal' tirE:r au

sort les deux officiers mu nici pa ux qui doi ven t sortir, Ci nq bi \lets
sont déposés dans un chapeau: trois-portent écrit « conSE,iller
municipal»; les deux autres l'estent en blanc.II estentendu que
ces billets blancs indiquent la sortie: ils sont tirés par Jean
Ansquer et Daniel I~ivel Et comme il ne s'est pas pré~jenté
dans la salle, assez de citoyens actifs pour procéder à la

nomination de deux ofi1ciers municipaux, la séance est l'en-
voyée à deux heures de l'après-midi. ,
Cette fois, cinquante·septcitoyens actifs répondent à l'appel,
mais il n'y a plus que quarante-huit votants, lorsqu'au troisième
tour de scrutin, Jean Bonaventure Pennamen et Marc Le Gofl
sont élus à une majorité toule relative. Pour les notablcs,l'As­
semblée décide qu'on en prendra six. Sont élus: Jean Saou-

zanet, Joseph Guézennec, .Pierre Salou, Jacques Le H1ouc'h,
Jacques Le Bot" Antoine Testevuide, ce dernier, parce que
Henry Le Bihan, son ancien qui avait eu le même ilOmbf'e de
voix, a, vu son grand âge et ses infirmités, prié l'Assemblée
d'agréer (( ses remerciements Il. Electeurs et élus prêlent ser­
ment et la séance est levée vers sept heures du soil' .

t'auditoire avait servi de maison commune jusqu'en

pOlir y tenir leur juridiction, l'assemblée muniCipale décida
de se réunir dans la chambre qui servait de bureau de délibé­
ration aux administrateurs de l'hôpital Saint-Yves. A côté,
dans la chambre des archives se tenait une petite école. ·Ces
deux pièces n'étaient séparées que par « un solier formé de

simples planches)) de la salle où gisaient les infirmes, où

agonisaient les moribonds. Or les réunions du Conseil général
sont souvent tumultueuses, et« le bruit de vingt voix véhé- .
mentes, joint au tapa· ge .continu de personnes en . sabots et
autres chaussures grossières, produit un vacarme qui ·peut
porter préjudice à l'état des malades et IHUer leurs derniers

moments. )1 En conséquence, (C au nom des droits sacrés
de l'humanité, )1 · le Maire crut devoir prendre l'arrêté
suivant: 1

l'école sera transférée dans la chambre qui
est au-dessus de la cuisine et qui n'a aucune commu­
nicat.ion avec l'hôpital. 2

Les assemblées du Conseil
général se tiendront à l'auditoire, les jours de dimanche et
de fête qui leur seront consacrés. 3

Le bll\"eau de paix
municipal se tiendra dans le même auditoire, aux heures où

les juges du District n'y siègeront pas, car les parties à con- .
cilier ne sont pas toujours calmes. 4

Les séances du Conseil
et du Bureau municipal pourront se tenir dans la chambre
des Archives. Et le ~'Iaire profit.e de ,"occasion pour inviter .
les honorables membres à être plus assidus aux réunions, à
porter la plus grande allenlion aux allaires qui leur sont sou-

mises et à donner leur avis, chacun de sa place et ù son r:'lng,

avec tranquillité, décence et modération. '

f\ l'unanimité, le Conseil demande que cet arrêté soit
communiqué au procureur absent en ce moment, et · quinze
jours.après, M. Le Bris Durest fit son rapport. (C Je dois surtout
la vérité, dit-il, et M.· le Maire qui la chérit autant que nous,
ne trouvera p:'lS mauvais que j'obser\'e : -JO que le projet ne
devait pag üLre écrit sur le regist.re aYant d'avoir été soumis
ù Y · os délibérations, puisqu'alors seulement il est vôtre .

20 Qu'il ne devait pas être écrit de la main du Maire puisqu;il
ya un secrétaire. 30 Que la formule: « en conséquence M. l e
, Maire a arrêté)) ne doit pas être employée', car ce n'est pas le
Maire en son nom personnel, c'est le Conseil tout entier qlJi
prend un arrêté. Mais il est probable que le Maire n'a pas eu
l'intention de porter atteinte à l'autorité du conseil, c'est une

faut'3 de rédaction. Voilà pour la forme ll. Quant au fond:
les malades, interrogés, ne se plaignent d'être incommod(ls
ni par l'école ni par l'assemblée. Les enfdnts n'entrent pas
avant que le maître n'arrive; ils portent leurs sabots à I :a
main, en entrant et en sortant, et, méme pendant la classe,
s'ils dohent quitter leur place. Les réunions du Conseil ne
sont pas aussi mouvementées que le prétend le Maire et

d'autre part, l'auditoire a été loué par la Municipalité au

District ' qui peut en avoir besoin à toute heure car il y a en ee .
moment beaucoup de procédures criminelles.
Le Maire n'était pas là pour entendre ces observations; ' il
avait refusé de se rendre à la réunion, bien qu'on l'eut fait
chercher deux fois par le héraut. Aussi le Conseil se range à
l'avis du procureur. Il est décidé que rien ne sera écrit sur le
registre des délibérations que par le secrétaire, en présent~e
de l'Assemblée et que les réunions continueront à se tenir
dans le même local.

L'entente cordiale, un moment troublée, se rétablit vite:
La séance suivante fut de nouveau présidée par M, de Cler·
mont et le Conseil s'empressa de lui renouveler l'assurance'de
son estime et de sa sympathie.
Ces sentiments semblent avoir été partagés par la PQPu­ lation tout entière. Cependant, le lundi 2\ février -1792, vers
trois heures de l'aprés-midi, Madame de Clermont voit entrer

chez elle un inconnu qui lui demande, d'un ton rogue, (JÙ
était son fils, ancien député à l'Assemblée Nationale. Au bruit.

le Maire arrive et voyant que cet hoh1me était pris de boisson,
ill'entraine SOU!! les halles. « Voici une gavotte qui commenl;e

dit-il, allez danser, soyez sage; mon fils et moi nous vouS
parlerons demain, si vous le souhaitez ». Fureur de· l'autre
« ce n'est point à danser que je cherche mais c'est votre fils
à qui j'ai affaire Il a volé à la Nation trente-six livres par
jour, pendant la première législature, c'est un j ... L .. , et
vous aussi! )) et prenant le Maire au collet il lui arrache les
boutons et la jabotière de sa chemise. J 'vI de Clermont riposte ·
par un coup de poing « dans la poitrine ou dans l'estomac 1)

- il ne saurait préciser - et s'écrie (( force à la loi ». Son
agresseur est saisi mais il réussit à s'échapper au cours d'une
nouvelle bagarre suscitee par François S ... marchand de grosse
poterie à Pont-Croix. Un oflicier municipal s'élance à sa pour­
suite et finir par l'atteindre dans un grenier de KérideulI; il le
prend par les cheveux et le fait conduire à la prison « mal­
gré la déc~irure totale du gilet de basin . blanc d'un des
, conducteurs. » Le lendemain, après-midi, les municipaux
(1 de leurs écharpes décorés» se rendent à l'auditoire et le
geôlier fait monter l'inculpé. C'est un nommé .Jean-Pierre
K... ving-deux ans, garçon boucher né à Pont-Croix, domi-

cilié à Quimper, paroisse de la cathédrale du Finistère,
ven_u dimanche soir, simplement pour s'amusf'r ; il ne recon­
nait personne et ne se rappelle de rien. On le renvoie aux juges

du District. Quant à François S ... qui l'a fait évader, il était
. également ivre . Au reste, il ne connaît K ... que depuis qu'il
est en prison a\'ec lui: c'est une circonstance atténuante. 11
paie quarante sols pour le gilet déchiré, plus les frais de .
geôlage et se retire en promettant de ne pas recommencer .

On sait que la famine était une des grandes terreurs de

l'Ancien Régime et que, depuis 1780, l'état de disette était
presque permanent. Pour défendre le pain de ses administrés

contr~les entreprises des exportateurs et des accapareurs, le

· 16ti -

h1aih~ de Pont~Croix crut devoir proposer'au Conseil général,
le 2 mai 1790, une série de mesures violentes qui contrastent
étrangement avec les réformes et projets des économistes de
l 'époq ue. (( Les fonctions honora bles que vous m'a vez con fiées,
dit-il, autant que le titre de citoyen, me font un devoir de veil­ ler à l'étal des subsistances cie la ville. Or, je vois avec dou­
leul' que le seigle genre de blé le plus précieux à nos habi­
tants est SUI' le point de m · anquer. Trois marchés de suite
ont été dégarnis de celle denrée, et, au dernier, il n'yen a\ait.
. pas plusâe dix à douze boisseaux, alors qu'il faut par jour
environ douze cent livres de pain de seigle pour la consomma­
tion de la ville n. Et recherchant les causes de celle crise,
M. de Clermont signale ~'abord la libre circulation des hlés
par telTe qui a dégénéré en abus. (( Qu'importe aux acca.pa­
reurs que ce soit par terre ou pal' mer pourvu qu'ils soulèvent '
le peuple pal' la famine! » Puis le mauvais Lemps qui a enipè­
ché de ballre({ mais on peut regarder cette circonstance comme
une faveur du Ciel, cal' les accapareurs se seraient aba.Ltus

sur la campagne ". Il est urgent de remédier au 111al, mais
par quel moyen? Peut-on obliger les propriétaires à battre
leurs gerbes'? Non, car ils dépendent d'autres municipalités
sur lesquelles nous n'avons aucune autorité: Seuls, le Di:,trict
et le Département peuvent prendre une mesure de ce gellfe et
ces administrations ne sont pas encore définitivement cons­
ti tuées,
En attendant, on prend l'arrêté suivant: 1° Les jours
de foire et de marchés, jusqu'à deux heures, il ne sera vendu
de blé qu'aux habitants de la ville et des faubourgs. (I~id\'eux) .

Chaque chef de ménage ne pourra en acheter plm. d'un
boisseau.3° Les boulangers de Pont-Croix ~eront libres d'ache­
ter quand ils voudront la quantité de blé nécessaire à leur
commerce mais lis ne pourront aller vendre le pain de seigle
hors de ville. 4° Aucun meunier ne pourra approcher des .
marchés avant deux heures. ' 0° Les meuniers et boulanger!?

de la campagne n 'achèteront du blé que pOlir le convertit èrl

pain et non pOlir le i'evendre en grains. 6" Les propriétaires
et marchands ne pourront vendre de blé en gros sans l'auto­
risation du Conseil eL ils n'en distribueront au détail qu'à
ceux qu'ils savent incapables d'en abuser out]ui seront munis
d'un certificat de leur recteur ou curé. Ce système protecteur
à outrance fut promulgué à peine pOUl' les contrevenants de
douze livres d'amende ou d' un mois de prison.
Quelques jours après, le procureur de la Commune de
Quimper où venait d'a\'l:ivel' le second bataillon de Rouergue,
écrivit à la municipalité de Pont-Croix pour demander la
quantité de froment et de seigle qu'on pourrait lui fournil' et
le prix du' tonneau. Inspection faite des greniers, on lui
répondit qu'il pounait trouver à Pont·Croix vingt'et quelques
tonneaux de froment seulement à treize livres le tonneau,
mesure du marquisat ou mesure de grève. Le 2 juillet, l'auto·

risation fut donnée à M .. Noël de Quimper de charger quinze
tonneaux de froment SUl' le navire la « Sainte-Anne» ; et

vers la fin de l'année, le garde-magasin des vivres de la
Marine fit, dans le pays, des achats de froment pour le port
de Brest. Mais la ville de Nantes, qui, dès le mois de février;

avait fait une demande de grains, dut se contenter de l'espoir
d'être secourue, à la belle saison.
Après avoii' 'assuré du pain noir aux habitants de Pont·
Cloix, la Municipalité s'occupa de leur donner de l'eau claire.
La fontaine de la Croix fournissait une eau saine , et abon­
dante, mais elle n'était pas suffisamment à l'abri des blan­
chisseuses' et des bestiaux. Pour la modique somme de dix
'sols Gaudec élabora tout un plan de travaux: grillage, canal
en pierre, réservoir, abreuvo'ir, « douet)) qui furent mis en

adjudication le 29 avril 1792. Il y eut plusieurs soumissions:
Guillaume Arhandemanda mille livres; CletKernillon descen­
dit jusqu'à cent-qualre-vingt; il fut déclaré adjudicataire.
On lui perm il de démolir la vieille fontaine de la Vierge

(C sItuée aux issues de cette ville au bout du Levant d'un pré

pour se servir des matériaux, quiLLe à combler u d'aLLrails Il
- la dite fontaine. Cette fontaine n'est autre que celle de NotrE:-
Dame de Roscudon ! .
Garantir la propriété n'est pas chose commode à l'époque
où beaucoup s'imaginent que l'égalité des droits emporte la

communauté des biens. Les bois et taillis - surtout ceux qui
appartiennent aux ci-devant sont jOUl;nellement dévastés .
Certains individus ont des bestiaux sans posséder un pouGe
de terre où les faire paître; alors ils mènent les chevaux la
nuit dans les enclos voisins et laissent errer tout le jour, les
vaches el les pourceaux. animaux très des~ructeurs lorsque,
comme à Pont-Croix, ils ne sont ni muselés, ni ' tribarrés )l.
On brise les'amarres des 'canots à l'ancre dans la rivière, on
jette les avirons à la · mer. Le Conseil municipal déclare
que ces propriétés sont « non moins respectables que tOutl~S
autres ll. Il rend· les parents et les maitres responsables des
dégats commis par les enfants; il défencl cie laisser errer les
bestiaux; il ordonne de museler les cochons et cie leur mettre
cles tribarts de la longueur d'un pied cie chaque côté; il enjoint
à chacun de balilyel' la rue clevant sa ' maison et le fumier
municipal fut adjugé au fermier du citoyen Trèhot. pour qua-
tre livres dix sols . .
A ces ordonnances de police et de voirie on peut ajouter
qu_ elques condamnations prononcées par le Bureau Municipal
pour ivresse ou tapage. La femme !{ervarec, de Tréboul, se
rendant chez elle 'avec (C une potée de lait et une écuellée de
beurre)) qu'elle avait achetées dans un village de Poullan :fut
aUaqué,e sur la route par un tailleur et un cordonnier qui
voulurent lui enlever ses denrées, les cieux inculpés s'exeu-

sent 'en disa~t qu'i!s étaient pris de boisson: ils n'en sont pas
moins condamnés à trois jours de prison el la plaignante sc
déclare satisfaite· Jacques M ... se trouvait ivre devant
l'Eglis. e; au moment des Vêpres, attaquant el injuriant les

passants. Il restera vingt-quatre heures à la maison d'arrêt,
attendu que la prison est occupée par une personne du sexe.
~ . Daniel F ... armé d'un gros bâton d'épine était en train
d'assommer Yves Priol, sur la route d'Audierne, lorsque sur­
vinrent MM. Maubras et Lécluse. Des jeunes gens ont brisé
une « caflière Il et deux plats chez Jeanne Cava l'lé dont le

mari est au service a ufort de Quélern : a mende et prison.
A côté des pocbards, les vagabonds. Il n'y avait à PollL-

Croix qu'une vingtaine de mendiants, mais chaque semaine
la ville était envahie par une centaine . de pauvres venus des
paroisses voisines. Il faudrait obliger chaque paroisse à
nourrir ses pauvres, ordonner à ceux·ci d'y rester, leur faire

porter une médaille ou une plaque en fer-blanc, où serail
marqué le nom de leur paroisse afin qu'on pùt les y-renvoyer.
Plus intéressante est la catégorie des pauvres malades,
douze ou quinze, année commune, et des pauvres honteux,
pour lesquels une quête était faite à l'église par Mlle Pouppon,
puis à sa mort, en janvier 1791. par Mlle Chappuis, sœur
cadette de la directrice des postes. .

Cette question de l'assistance publique était plutôt de la

compétence du District. C'est lui qui a la satisfaction de dési·
gner à la générosité de ses concitoyens (( l'aimable Caro qui
n'èst pas malheureux puisqu'il a des talents et des vertus n

C'est le Distrièt qui est particulièrement chargé par l'Assem- .
blée Nationale de surVeiller et d'améliorer le régime des
hôpitaux: .
A ce titre il se fit remettre par la Municipalité de Pont-

Croix un état très détaiUé de l'hôpital Saint-Yves. Il y
avait deux corps de logis, le premier comprenait simplement
cuisine, chambre et grenier, dans le second se trouvaient la

chapelle, le bureau, les archiveR et plusieurs chambres don~ .

une à feu résen;ée au prédicateur de carême, Un grand grenier
recevait les l'entes en grains; 86 Boisseaux de froment, if!
B, de seigle, 2ï B. d'avoine '1 B, d'orge. Neuf' chapons et
445 1. 2 s. 4 d, complétaient les ressources assl:rées de
l'hôpital. On ne peut y faire rentrer les 30 1. dues pour
une maison de Kdreux, dont le locataire était insolvable, ni
les huits boisseaux de blé dus par un village de Meillard, car
celle rente était contestée et le procès pendait au , présidial de
Quimper depuis 1ï88, Quand aux petits bénéfices, « les
casuels » ils consistent en si peu de chose qu'on ne peut y
avoir égard, Au total, les revenus de l'hôpital s'élèvent à
1800 livres. Plus de la moitié de celle somme · est employée

aux dépenses .ordinaires: viande, laitage, bois à feu, pain

blanc, beurre, graisse, miel, chandelles, savon, etc.~ une
domestique de soixante ans ,est gagée à' 36 I. pal' an. t'hôpi­
tal pouvait recevoir vingt personnes. Au mois cie septemb re
1ï90, il yen avait simplement quinze : douze vieillards, une
folle, un enfant abandonné et un infirme de 19 ans qui appre-

na i t le métieï' de cordonn ier.
La Municipalité propose ' si l'Etat donne des fonds - de

vendre cet hôpital qui ne peut s'étendre - car le jardin muré
contenant au plus trois cordes de terre est borné pal' un
chemin public et d'acheter le terrain du sieur L'haridon à
la grève, Il y aurait alors de la place pour recevoir les' gens
de Pont-Croix et de Beuzec, même de Meiliars et Plouhinec
et en cas d'épidémie, l'hôpital ne se trouverait plus au centre

de la vilie.
N'attendant rien de l'Etat, le District se contente d'inviter
le département à élever de dix sols par pot le prix des eaux-de­
vie pour le soulagement des pauvre.s et la création d'ateliers
de charité. - '
C'était l'iriée chère au duc de la Rochefoucauld-Liancourt

président du comité de mendicité» établi par l'Assemblée
, Nationale; pour che"rcher « le moyen de porter rapidement les

nations â la plus immuable prospérité. II C'esrle titre d'une
brochure publiée pat' cel utopiste et II pour tenter la sup­
pression de la mendicité celle gangrène de tout les états et
l'opprobre éternelle du gouvernement Il ce sont les expres­
sions d'un rapport adressé par le District de Pont-Croix à ces
Messieurs du Département. . .
Une enquête avait été faite près ùe toutes les municipalités,
Malgré totis les eflorts du District, elle n'avait abouti qu'à
de vagues renseignements sur l'origine et le remède de la
mendicité. Les communes qui n'ont que peu ou point de men­
diants veulent que chacune . nourrisse ses pauvres; d'autres,au
contrait'e, pleines de nécessiteux demandent des hôpitaux
pOUt' leur servit' d'asile; d'autres enfin exigent qu'on renvoie
les pauvres à l'ouYrage sans indiquer aucun moyen de les

occuper, Aussi n'écoutant que son zèle pour la chose publique

et sa sensibilité envers les malheureux, après avoir examiné
les ressources qu'oflre notre territoire (( soit dans la nature de
, son sol et de ses productions, soit dans le civisme de ses habi-

tants " le District propose les réformes ,suivantes: 1

Fonder
un hôpital unique et général doté de tous les fonds allectés
aux dilTérentes maisons et alimentés de plus pal' l'octroi de
dix sols pal' pot sur les eaux de-vie, 2° Développer la culture

du lin et du chanvre, On en ferait des filets de pêche, des

cordages, des toilesà voile de toute espèce dont Brest a toujours
le plus pressant besoin et qu'il ne serait plus obligé de faire

venir à grand frais de Rennes et d'autres villes aussi éloignées.
On pounait fabriquer également des. « berlinges » espèce
d'étoile tissue de laine et de chanvre, très en usage dans
nos campagnes. 3

Construire dans nos ports les petites
barques royales et les canots au lieu d'accumuler à Brest
toutes les contructions qui n'y réussissent pas ,également,
les canots en particulier sont mal faits. 4° Etablit' une tan­
nerie. 50 Accorder une prime ou quelques légères avances à
ceux qui prendraient le parti de la mer (( qui a tant d'empire

sur tous les·hommes qui s'y familiari~ent,.que par une sorte
de charme ils ne peuvent plus s'y soustraire. " Go Encourager

l'agriculLure par exemple, en .exemptant de toute imposition
pendant cinq ans, les terres nouvellement mises en culture
soit sous chanvre, soit sous blé, On éteindrait pour
ainsi parler la postérité · même de la mendicité en retirant par

une heureuse adoption du sein de la fainéantise et de la
dépravation les enfants qui se livreraient avec reconnaissance
à l'amour du travail qui en ferait des citoyens à mesure que
la nature en aurait fait dES hommes. » Il en fut de ces projets
comme de beaucoup d'autres qui n'ont existé que sur papier

et Cambry constate avec regret qu'il n'y a dans le District

aucune manufacture; point de tannerie malgré la grande
quantité de cuirs verts qu'on ylrouve; point de papeterie et
beaucoup de chiffons.
iii

If.- 'r.
La subordination des communes aux Districts amena cn
beaucoup d'endroits de~ contestations et des lulles,mais à Pont­ Croix les relations furent des meilleures, peut-être à cause des
liens d'étroite parenté qui existaient entre les chefs des deux
administrations. D'ailleurs l'intérêt national domine les
rivalités locales et les grands événements qlii se ·passent à

Paris unt leur répercussion jusqu'à l'extrémité de notre

péninsule. . .

L'Assemblée Nationale avait décidé qu'il y aurait une fédé-
ration patriotique à Paris le 14 juillet 1ï90 anniversaire de la

prise de la Bastille. Chaque « ressort» de garde nationale
élut 6 hommes sur 100, qui réunis au chef-lieu du District
députèrent à Paris, 1 homme sur 200, si le District se trou­
vait à moins de cent lieues de Paris, cl1 homme sur 400 si le
-Oistrict était plus éloigné. . .
Au reçu de l'adresse des citoyens de Paris, Chappuis père,

. ~ncien capitaine de la · milice nationale de Pont-Croix, fut

chargé de convoquer tous les hommes - ils étaient 209 pour

choisir deux électeurs qui réunis à ceux de Douarnenez,
Audierne et Pouldavid nommèrent deux délégués à la. confé-

dération nationale, Corentin Madezo, sous-lieutenant porte-

drapeau de la milice de Douarnenez qui comptait 280

hommes et Michel Legendre, lieutenant de la milice

d'Audierne qui en comptait 224 - furent choisis, le

premier par quinze, le second pal' douze voix, Marc Le
Goff, capitaine de' la milice de Pont-Croix ' n'en obtint que
sep\. Le Gendre et Madezo parLirent donc pour la capitale.
En principe, on leur alloua trois cents livres pour frais de

voyage, sauf à voir ce que donnerait à 'ses délégués le Dis~

trict de Quimper, '
Ce n'est pas seulement par une délégation que la province

prit part à la grande manifestation du Champ-de-Mars où
Talleyrand, évêque d'Autun , dit la messe sur I;autel de là
patrie, Dans toùte l'étendue duroy'aume le serment fédératif
devait être prêté par toutes les communes, ce même jour, à
l'heure de midi": Pour donner plus d'éclat à cette cérémonie,

le Conseil général de la commune de Pont-Croix commença
par faIre nettoyer soixante-dix fusils à distribuer à la garde '
nationafe, 'puis il arrêta le programme de la journée: 'messe
solennelle à onze heurès, à l'issue de la messe, procession
" la Croix le'vée",Jusqu'à la Place où' J'on prêtera serment"en
alluman't un feu de joie, puis retour à l'église pour le chant
du Te Deum, et le ' soir, illumination 'générale,
A la fin du compte'rendu de la séance'dui3 juillet, on lit celle

note: « Vu qu'il reste peu de papier, on prendra un autre re-

gistre pour le proCèS-yel'bal de la cérémonie . Le cahier n° 2
s'ouvre donc pal' le récit de la fête du 14 juillet. Toutse passe
dans l'ordre: messe, procession sur 'la place. Avant de mettre,

le feu aubùcher, le Maire fit un discours: (( Messieurs, me!;
frères et mes amis, Nous nous assemblons ce jour; en ce lieu
et à celle heure précise pour c.élébrer, dans Un inêrne instant,

avec la France entière, l'anniversaire de la victoire que notre
Liberté remporta le 14 juillet l'an dernier, sur l'aristocratie
qui nous tenait enchaînés, en l'écrasant sous les ruines de
son infernale j'etraite. Ce fut le jour et le moment où la
Bastille fut remportée d'assal1t par les braves citoyens de

Paris eL qu'elle fut rasée de fond en comble. Ce lieu constrùit
dans le XIIIe siècle, était un fort terrible par sa construction,
par sa force et plus encore par le barbare usage qu'on en a
faiL depuis. Destiné dans l'origine à la défen .. e de la capitale

contre les attaques de ses ennemis, ce lieu était devenu le
dépôt :les vengeances ministérielles et des aristocrates. Les
époux étaient arrachés du lit nuptial, les pères des bras de
leurs enfants et les enfants du sein de leurs familles, pour y
être plongés presque toujours sans retour et y souffrit' des
traitements inhumains et horribles, souvent pOUl' expier de

légères fautes et plus souvent encore sur de légers soupçons
et uniquement pour avoir déplu à des ministres ou à des

favoris! Ql1'il vous en souvienne, chers frères, pour ne l'o.u-

blier jamais! et vous verrez combien il est important d'être

unis fraternellement avec tous les habitants de la France
entière et qu'ils le soient avec nous. Je vous y invite,' jetons­ nous dans leurs bras, afin qu'uni$ de cœur et d'affection nou~,
ne fassions plus qu'une seule âme et un seul corps, qui for-·
. midable, soit capable de fouler à ses pieds les aristocrates s'il
est pos. sible qu'il en reste encore, après cett~ mémorablE:
journée ... )) Le Maire invite- l'Assemblée à jurer parfait
amour pour Louis XVI, reconnaissance à l'Assemblée Natio-·
na le., attachement à la divine Constitution. (( Et lorsque nou~ :
aurons proféré ces vœux saints, sacrés et solennels, revenons

au Temple pour prier l'Eternel de les combler de ses bénédic-

tions, rendons-Lui grâce des événements heureux qui réunis-·
,sent les Français en une seule famille et qu'II ramène parmi
eux la paix, la tranquillité, l'union et l'amour qui doivent il

jamais faire leur bonheur et leur félicité! n De ,nombreUl:

cris s'élèvent: Vive la Nation! La Loi et le Roi! Le Maire,
le Rec~eur, le Procureur fiscal et le commandant de la milice

nationale mettent le feu au bûcher, et lorsque les dernières

flammes achèvent de s'élever on revient à l'église pour y
chantet',Ie DI)mine salvum et lé Te Deum avec acr.ompagne­
ment d'orgues. Ainsi fut célébré, pour la première fois, le
-t4 juillet à Pont-Croix.
Quant aux délégués à Paris, ils annoncèrent leur retour à
.Quimper pour le 11 aoCtt; ils arrivaient porteurs d'une ban­
nière dont la ville de Paris gratifiait le département du
Finistère. Le Maire pensa qu'il était convenable de députet'
deux ofnciers de la milice nationale pour assister à la récep-'
tion de ladite bannière et le Conseil applaudissant aux vues
prévoyantes de M. le Maire désigna MM. Billette et Davon.
Le 12 aoCtt, Le Gendre arrivait à Pont-Croix escorté d'un

détachemènt de miliciens d'Audierne et de Douarnenez. On
n'avait pas élé prévenu , mais le capitaine Le Goll rassemble
à la hâte quelques gardes et conduit Le Gendre sur la route

d'Audierne.
A la mort de Mirabeau ( avril 1791) le District (( aflligé de

n'avoir que des larmes à répandre sur le tombeau de ce grand
homme qui fut le plus ferme soutien de notre heureuse
Constitution n, arrêta de prendre le deuil pour huit jours et
de faire célébrer un service solenllel de huitaine pOUl' le repos·
de l'âme de cet ami de l'humanité. .
Le 24 juin nO-J , vers le soir, à l'arrivée du coulTier, la
petite ville est mise en émoi par des rumeurs étranges. Muni·
cipaux et notables accourent en toule Mte à l'auditoire où sc
trouvent déjà réunis les membres du District et du Tribunal.
Un décret de l'Assemblée Nationale, en date du 21 de cc mois,
annonçant l'enlèvement du Roi eLde la famille royale, ordonne
de prendre des mesures en conséquence .. Lecture en est
donnée, . pêlr la fenètre, à la foule réunie devant la maison
commune et l'on décide C{u'unegarde de quinze hommes !:e

tiendra cette nuit sous les halles elfera des patr.ouilles d'heure
en heure arrêtant toutes les personn~s suspectes ainsi que les

voitures, chevaux, bagages, ' Le lendemain, on lit dans tous
les cal'fefours le décret de l'Assemblée et l'adresse du Distriet

aux citoyens, La Municipalité fait inspecter les armes, I~t
ordonne à l'armurier Jean Ansquer de les mettre en étal en y
travaillant même le dimanche au besoin, Il y a vingt livres

de poudre, deux cents pierres à fusil, on fondra des balle~"
on fabriquera des cartouches, Tous les citoyens de vingt à
soixante 'ans 'sont tenus de monter la garde 'et s'ils ne le
peuvent"au "jour indiqué, ils paieront douie sols à leur 'rem-
. plaçant. ' Défense aux cabaretiers de donner à boire :apfl!s
neuf heui'es , dii sOir; ordre à ceux qurlogent des éti'angcrs
d'en faire" la déclaration au 'Maire sous peine de dix Iivrës
d'amende au 'profit du corps 'de garde, La Muriicipalité ~ ,e
déclare en penriarierice et déCide ' de s'assembler pi'ovisoii'ement
deux fois' par jour pour prendre les mesures' nécessaire:;,
Presqu'aussitôt parvint la nouvelle du retour du Roi. La
France respira, se crut sauvée, Et c'est avec le plus grand ,
en'thousiasme que le 16 juillet suivant on reçut 'à Pont-Croix
le guidon du District: Il arrivait esco'rlé des fédérés de Douar­
nenez. 'On ,'a à leur rencontre aux accents du ça ira! chanté

'par les deux sexes'. ' "

Ah!çaira,çaira,çaira! ,
Le"peuple en ce, jour sans cesse répète
Ah! ça ira, ça ,ira, ça ira!
, Malgré les muti ns tout réussira

On alla jusqu'à la chapelle de Sainte-Croix (Lochrist). A
, ce moment les dragons apparaissent au haut de la côle, puis
les fédérés, enfin le guidon, Alors c'est un délire. On ~ ie
précipite, on s'embrasse. ' Et tout le monde reprend la rou l,e
de Pont-Croix ' Présentation du guidon sut la place, discours

de MM. Grivart, 'procureur syndic et Béléguic, vice-président
du Directoire. Te Deun~ à l'église a,r ec accompagnement
d'orgues, et l'organiste, une dame Vineent put se livrer tout ·

à l'aise a son inspiration, car le marguillier Jacques Cudennec
venait de faire placer un rideau l'ouge avec gaule et cordon SUt'
le grand vitrail du bas de l'église par où le soleil la gênait. . :

La ville de Pont-Croix s'était vivemetll" félicitée de possédel'

le chef-lieu de Distt'ict; elle le devait sans doute aux avan- '

tages de sa situation, à l'entrée de la presqu'lie, à égale
distance ·des deux baies d'Audiel'l1e et de Doual'l1enez. Aussi.
fit-on fête aux électeurs réunis le ~ juillet -1790 pour choisir

les membres du District. On leur donna des billets de loge-
ment, une garde d'honneur de treize hommes, y compris

l'officier, et deux fonctionnaires furent placés à la porte de
l'Hôtel de Ville gracieusement mis à leur disposition, pal' la
Municipalité. A deux heures, les ofliciers municipaux réunis
chez M. le Maire, envoient le secrétaire et le héraut demander
aux Electeurs quand ils poul'l'ont les recevoir. u Dans un
quart d'heure» leur répond-t-on. Le temps d'improviser une

réception. En aLlendant, le Maire lit àsoil conseil, le compli-

ment qu'il doit adresser aux Electeurs. L'assembléese déclare
satisfaite de celle prose et le moment venu, on se rend en

corps à l'Hôtel de Ville.
Quatre délégués viennent recevoir le conseil municipal à la
porte et l'introduisent dans la salle aux vives acclamations de
tous les Electeurs. « Messieurs, dit le Maire, nous venons vous
témoigner la satisfaction que nous ressentons des moyens
infaillibles que vous venez d'employer pOUl' élever solidement
l'une des colonnes sur lesquelles doit être posé le superbe édifice
de l'État. Votre collège, Messieurs, possédait incontestablement
la pleine confiance de ses commettants. Il ne pouvait donc
BULLETIN ARCIIÉOL. DU FINlSTÈRF.. - TOME XXXIII (Mémoires) 12

mieux déposer la garde de leurs intérêts que dans les mains des
personnes qui en faisaient partie, aussi Messieurs \'os opéra-

. tions sont-elles couronnées du plus heureux succès. Tous les
membres que vous avez élus sont respectables, éclairés et ani­
més du zèle le plus pur Rt le plus patriotique. De quel espoir .
ne devons-nous pas nous flaller d'un choix aussi judicieux et
aussi heureux 1 Daignez Messieurs en recevoir les remercie­
ments de vos concitoyens et les notres en particulier. Nos
espérances seront parfaitement accomplie~. Messieurs, si pour
. réussir aussi utilement dans ce qui vous l'este' à faire de celle
parlie de l'édifice, vous continuez de suivre le plan que votre
collège a si sagement adopté; nous serons au comble de r.os

désirs et ce sera un motif de plus à la reconnaissance dont nous

sommes vivement pénétrés n. Le discours est très applaudi.
Le président des Electeurs y répond par un compliment
où respire l'esprit d'union, de paix et de concorde qui anime ,
tout bon patriote; il invite les ofliciers municipaux à assister
à la séance: mais le conseil ne veut pas distraire ces messieurs
'de leurs importants travaux, il se retire et les acclamalion~ le
suivent jusque sur la rue. Le lendemain, pOlir clore les opéra-.

lions électorales, Te Deum à l'église et feu de joie sur la plaee .
, L'installation des juges, le -t6 décembre 1ï90, fut l'occasion
d'une joute oratoire, où l'on voit apparaitre cette manie des
échasses que raille si finement Taine.
C'est M. Le Bris-Durest qui commence. (c Si je n'ilvé lÏs
consulté que nies faibles lumières, je n'aurais pas encore joui

de l'honneur d'être aujourd'hui J'organe de la commune de
celle ville qui a daigné me choisi r pou l' porter ici la pa retle .
en son nom .. ,: Le~ lois dont vous êtes les dépositaires vien­
nent se meUre aujourd'hui sous votre protection; quelque
justes qu'eiles soient par elles-mêmes, elles ont quelquefois
quelque chose d'austère et de rigide qui entraîne plutôt les
sujets qu'il ne les conduit à l'obéissance,. mais 'prononcées
de votre bouche elles seront écoutées avec attention, reçues

et suivies · sans ' crainte, et, de dures obligations qu'elles
étaient, elles deviendront de douces et insinuantes persua­
sions. Déjà à l'ombre de l'égide sacrée des représentants de
. la Nation; le meilleur et le plus grand des l'ois, ce Pèl'e du
peuple nous laisse entrevoir les premiers rayons de notre
1 i berté si longtem ps écli psée, et bien tôt nous a lions jou i r
en entier de tout son éclat. En vous voyant, Messieurs, siéger
au tribunal de la Nation, nous regardons ce jour comme l'un
des plus beaux qui puisse hOflorer ce temple de la justice ... »

M. de Clermont continue (( Chers concitoyens! Chaque
jour voi t na itre de nou rea li x moli fs à notre ~econ na issa nce
pOUl' l'auguste assemblée de nos représentants ... Nos vies,
notre honneur et nos biens étaient cy·devant confiés à un .
petit nombre de magistrats dont nous ne devons jamais
oublier le zèla in[atigable qu'ils apportèrent à la conservation
de ces précieux trésors. Mais voulant affermir l'éditice du
bonheur de l'homme, nos sages législateurs ont jugé néces­
saire d'en augmenter les colonnes, ce sont-elles qu'ils nous
présentent aujourd'hui dans la personne de ces Messieurs ... Il

Au nom de ces Messieurs,de l'Ecluse déclare que les nOU\'eaux
juges apportent des vues droites, des CŒurs purs et un amour
inaltérable du bien public. Il félicite Je Maire et regrette
l'absence de M. de Clermont fils, qui (( parIage les travaux
précieux de l'Assemblée Nationale et va participer à la gloire
d'a voi l' don né u ne Constitution à la Fra nce Il. Il rél icite

le conseil et ' termine en expl;imant la satisfaction qu'il

éprouve de retourner dans sa patrie, au sein de sa famille.
te commissaire du Roi, M. du Laurent, parle du CI calme
de la Nature qui anime dans tous les CŒurs pratriotiques le
charme de l'existence et le sentiment du bonheur. L'âge d'or
est revenu. C'eslle règne de la vertu, de la simplicité, de la
naïveté , comme au temps d'Achille, de la reine mère de
N3ziadé, fille du roi des Phéniciens,qui file au coin de son feu,
de Saül et de David qui gardaient les troupeaux, de Turpéus

qui retourne à la charrue. Courage donc, chers concitoyens!
- qu'il m'est doux de prononcer en ce lieu pour la première
fois ces heureuses paroles! Il .

Puïs, c'est le tour du District. Le procureur M. Grivélrd, ,
voit « s'élancer du néant de la servitude, dans le sein de la
liberté cette source féconde de toutes les vertus un
peuple que la corruption, la tyrannie et tous les criines de
plusieurs siècles, semblaient avoir condamné à ignorer pour
toujours le secret de sa puissance et de ses d· estinées ... »
La cérémonie avait commencé vers dix heures; il était
près de midi lorsque fut chanté le " Te Deum" à l'église .

Ce simple exposé suffit à montrer que la petite ville de
Pont-Croix a été le théâtre d'une vie municipale très active.

Et c'est dane; les modestes délibE>ralions de ces adminislra-

tions locales, autant que dans les solennelles assises de
;'Assemblée Nationale, qu'il faut voir ce que la Révolution
apportai t a "ec elle d'idées neu ves et de sen li men ts généreux .

J.-~J. PILVEN .

- 327

DEUXIÈ E PARTIE

Table des Mèmoi1'es et Docttments publiés en 1906
Pages
La Forêt sous-marine de LocLqdy, par M. Camille VAL-

IJAux(cal·le)........................................ 3
Excursion dans la commune de Plouézoch, par Louis
LE GUENNEC (4 gravures). . . . . . . . . ... . .. .. . . ... . . . . . 10

Les vases enfouis pùur maléfices dans le Cap-Sizun,
!)t-r' M. H. LE CARGUET .......... .................. 73
Huines et substructions gallo-romaines du Cavardy
et du Stanq, canton de Fouesnant, par M. le Dr
C.-A. PICQUENARD (2 planches).. . . . . . . . . . . . . . . . ... . . 78
Un beau geste des Volontaires du Finistère (épisode
de la prise de Furnes, 1793), pal' H. DE KERGUIF-
FJNAN":,, 11'UftIC ...... . ........ . ......... . ........ 91
Les Faucheurs de la mer en Léon (récolte du g·oëmon
au XVllle et au XIXe S.), par M. l'abbé A. FAVÉ .... 95
Trouvaille de hnches en bronze faite en Plouhinec en
1905, par M. P. DU CHA'l'ELLIER (planche hors texle).. . 146
Note SUl' le chàteau de Kergoet (eorrim une de Saint-
Hernin, canton de Carhaix), pal' M. J. TRÉVÉDY... 150
La vie municipnle il PonL-Croix (1790-1791), par M. J.-M.
PIL VEN. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ....... 157

Vestiges du vieux cluHeau. de Kel'gunus, en Trégunc
(canton de Concarneau), pltr M. le chanoine J.-M .

_ ABGl\AT..JL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . ................ . 181
L . 'O.cClJ.Pilltid!l' gallo-romaine dans le bassin de l'Odet,
. par M. Lè Dr C.-A. PICQUENARD (2 caries) .. .......... .

188
~ . Les arme: je jet il la bataille d'Hastings c1'après le texte
de Guillaume de Poitiers, par M. IL LE CAI:l.GUE1' ..
La fllmiJle> 'Lirql:!n du 'rimeur, par M. J. · TRÉVÉOY .... . .
218
222
Le chemin du Tro-Breiz, entre Saint-Pol-de-Léon et
Tréguier', par M. H. LE GUENNEC o 247
L'occupation romaine dans le bassin de l'Odet (sllite
et fin), par M. le Dr C.-A. PICQUENAHD ....... . . ... .