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Bulletin SAF 1905


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La misère et les miséreux au Minihy de Léon: Santec

Abbé A. Favé

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1905 tome 32 - Pages 304 à 329

XVI

Au Minihy de Léon

Voici sous quel aspect, les sables de Santec, impression­ nèrent, en 1794, la rétine du Citoyen Cambry, et la pro­
sopopée ' par laquelle son âme sens' ible, transportée hors
d'elle-même, esquissa la description de ce spectacle lugu-
bre (i). .
cc Bientôt nous nous trouvâmes sur des plages' éloignées

des champs cultivés, sur les rivages de la mer.

cc Vous qui vivez dans la mollesse, dans les palais, SUT
l'édredon, qui rredoutez le souffle du zéphyr, ... que des
doubles châssis et des rideaux de satin mettent à l'abri des
orages, qui trouvez toujours à des heures réglées, SUT des

tables d'acajou, sur des . tissus de neige de la Flandre

ou de la Hollande, dans des services de vermeil, les m0ts dî~
plus délicat s·ybarite . .. si Fatigués, si las, quand vous paTais·
sez à Longchamp, au, boule' vaTd, à tous les spectaclfs, pour
terminer votre journée par un brelan dans un large fauteuil;
ou SUT les coussins d'un boudoir, venez dans ces climats
sauvages et contemplez ses habitants.
Battus des vents et des OTages, ' ils sont vêtus d~ toile an
milieu des hitiers ... . ..... Cheveux noin flottants, barbe

Voyage dans le Finistère, Edit. du Chevalier de Fréminville. p. 76-78.

- . 305
épaisse ... Ils 1,ivent de quelques panais) de quelques
choux) leur demeure est un trou, formé par des rochers que
des goëmons COU1) rent à peine . ...
. .. (( Voyez cette mère assis~ sur un long banc de sable)
sur La roche de Jlean lloignant ; quel lait peut-elle donner att
triste enfant qu'elle nourrit? Les chimères de l'ignorance
uienn~nt encore la troubler; la nuit dans ces affreux déserts)
des lantômes hurlants pG'rcourent le ri 'vag~) L'homme fouge en

fureur commande aUJ) élé'lnents et précipite dans les ondes le

voyageur qui trouble ses secrets et la solitude qu,' il aime. Ne
prenez pas pour des déclamations, pour des oppositions
facil es) le récit vrai que je vous rais: c'est là, sur un rocher
que j'ecrivis, et j'avais sous les yeux ce spectacle déchi­
rant. )) If!
Nous attachons, comme document, plus de valeur à la
lettre écrite p·ar le curé de Santec, C. Trémeur, en réponse, à
la circulaire de l'évêque de Léon sur la mendicité, en date du

décembre 1774, et, on nous le concédera, que c'est àjusLe
ti tl'B.
Dans sa lettre, Mgr. de la Marche emploie toutes les ins­
tances pour arriver aux bons résultats de l'enquête: ({ Je

vous prie donc, Monsieur, dit-il de vous prêter, avec autant
de zèle et de confiance à donner, relativement aux pauvres
de votre paroisse, tous les éclaircissements qui vous seront
dema ndés . .Je ne pU'Ïs mieux vous y exciter, qu'en vous aSSll­
rant q'Ue ces démarèhes ne . tendent qu'au souLagement des
pauvres dont les intérêts vous sont confiés et aux malheurs
desquels votre religion ct votre charité wus rendent également
sensible. »
· Le curé de Santec est convié à parler en toute confiance,

on lui demande des doléances, un exposé des faits sans
déguisement: qu'il recueille les plaintes de ses paroissiens.
puisque la consigne est de gemir de leur mieu, x pour attirer la

compassion ...... Et il le fait en conscience, car on sent dans

306

]es te. rmes de sa réponse une affectueuse estime et un dévoû­ ment entier à cette population avec laquelle il vit chaque
jour, pt peut-être depuis de longues années, dont il est fi er
de pouvoir dire : « les habitants de cette tTèr,e sont très
labm'ieux, et il n'y a pas dans la province, de plus endurci." au
travail ))
Or voici sa déposition à l'enquête, basée sur les éléments

d'une sérieuse expérience, sans emballement, et qui vaut
bien ]a déclamation de Cambry, bien que ce ne fut pas,
sans doute, sur un rocher qu'ill'écriût.
MINIHY-SANTEC.

Monseigneur,

En général, je ne connois point dans la trève de Santec de

gens aisés, si par ce mot (aiSé), on entend des habitants en état
de soulager les mendiants,

1 ° Parce que les terres ensablées pendant plus de douze ans les

ont réduits à la / nécessité d'acheter du blé et ont épuisé leurs
facultés .

2° La cherté du bois qui est excessive en ce pais leur occa­
sionne des frais considérables.
3° Le défaut de pâturage occasionné par le progrès du sable
les prive d'un avantage dont on jouit dans presque toutes les

campagnes de la province, ainsi tout ce que peuvent faire les

habitants les plus aisés et de se procurer un pain détrempé de
leurs sueurs, qu'ils partagent avec leur famille , au moyen duquel
ils se trouvent à l'abri de l'indigence. Voilà, Monseigneur, dans
le sens que je l'ai expliqué, les gens aisés de cette trêve qui est
effectivement ~e plus grand nombre, car sur quatre vingt dix
feux qu>il y a dans cette trève, il n'y a que dix ou onze qui ~ient
obligés de mendier,
Ceux qui sont dans ce cas sont des veufs ou des veuves hors
d'état de travailler, ou enfin des ,gens qui manquent souvent de

journées, lesquelles .sont d'ailleurs si modiquement payées qu'ils '

se trouvt}Jlt obligés de mendier ou de fil ire mendier leurs enfants .

.... - 307
Les habitants de celle irève sont très la,boricux et il n'y a
poinl, peut-être, ' dans la province de plus endurcis au travail,
La permission de couper et de vendre du goëmon aux paroisses
voisines leur est absolument nécessaire.
1 ° glle leur est nécessaire parce que sans cela, il leur seroit

impossible de payer le prix des terres qu'ils tiennent en ferme.
2° Ceux qui im sont pas en état de tenir des terres en fermes
n'ont que le goëmon pour vivre.
Lapermissioll d'acheter est aussi d'une nécessité absolue pour
les habitants des terres adjacentes parce qu'ils trouvent en
achetant ces goëmons pour leur terres des engrais qu'ils ne
peuvent se procurer dans leurs paroisse. .

On peut objecter qu'il seroit à craindre qu'ils ne négligent
la culture de leur terres pour se livrer au commerce.
Cette objection est sans fondement:

Puisqu'ils observent un règlement qui fixe et qui limite le
temps de la coupe de goëmon. \

2° Il Y a des règles qui prescrwent la conduite que doivent
tenir les gens aisés relativement aux pauvres.

3° On nomme tous les ans des gardiens qui sont obligés sous
peine d'amande, de prévenir les abus, de veiller au bon ordre et
au maintient des règlements prescrits.

4° Ceux qui sont à la portée de juger la conduite des habitants
de cette trêve pour la culture des terres peuvent aUester qu'il n'y '
a pas beallcoup de campagnes mieux manœuvrées.
Voilà, Monseigneur, les réflexions que j'ai pris la liberté de
hasarder et que je soumets à vos lumières .
J'ose être de Votre Grandeur, le très humble et très obéissant
serviteur,
A Santec, le 5

janvier 1775.

C. TRÉMEUR,
Pbre Curé à Santec.

Cette lettre dénonce deux préoccupations capitales, ·à
Santec, deux questions vitales: les ensablements des terres;

'- les règlements sUr les goëmons. Nous nous proposons de

308 "-
fournir quelques notes nécessairement bien incomplétées sur
ces deux points.

En 1699, un vent de Nord -Ouest accompagné d'un affreux
ouragan, souleva le sable de la grève, qui, à l'Ouest de la
ville de Saint-Pol de-Léon, engloutit en peu de jours près de
DOO journaux de terres cultivées, ainsi que des métairies et
leurs habitants et le manoir de Brigné appartenant au sieur
de la Sauldray. Il ne resta aux survivants d'autres ressources
que la mendicité. (1). ~a force du vent était telle que les
sables menacèrent de couvrir aussi la ville. En"1794, Cambry
disait avoir vu, « du chemin qui mène à Lesneven, la mon­
tagne de sahle effrayante qui menace La Commune de Sa"Ïnt- Pol
et il frémissait du danger où elle est exposée. (2) Frémin­
ville exprime dans une note au bas de la page, qu'il trouve
cette appréhension il ex'trêmemrnt exagérée. » Quoiqu'il en
soit, les Etats de Bretagne instruits de Cés désast.res cherchè­
rent ces moyens d'y apporter un prompt remède. Des ingénieurs
furent chargés d'examiner ces moyens; ils furent simples
et peu coûteux relativement à l'importance de l'objet. On
construisit sur le rivage que la ~er ne couvrait pas dans ses
plus fortes marées une digue de genêts repliés en demi-

cercle, et cet expédient eut tout l'effet qu'on en attendait. A
mesure qùe le sable venait à couvrir cette digue, 0:1 en
formait une autre au-dessus de la précédente, et l'opération
était renouvelée tous les ans avec un égal succès. Un fond
annuel de 12 à 1500 livres étaient affectés à ces travaux.
Il fallut sévir a\'ec rigueur contre les habitants qui eussent
" pu contrarier ces efforts et ces sacrifices. L'arrêt du Parlement
du 12 juin 17D8, devait y pourvoir. Qn défendit aux riverains
de laisser vaguer leurs bestiaux dans les tetres ensablees et

(1) Pol de Courcy, notice sur 5t-Pol-de-Léon 1811 p. 20,
(2) Op. ciL p. 78.

"--f 309- '

d'arracher les herbes qui y croissent; sous peine de DOO livre~
d'ame.nde, vingt·quatre heures de prison, et en cas ,de réci­
dive, le carcan. Les riverains étaient, en outre tenus d'entre­
tenir les fossés des terres qui bordaient les sables, et de les
ensemencer de landes, avec défen~e de les couper sous même

peIne.
Une procédure des Reguaires de Léon à. Saint-Paul, nous
fournit un épisode, qui nous fera connaître, par quelques peUts

détails, la situation des habitants, de leur fortune, de leur
train de vie couranle, en elle-même et par rapport aux règle­
ments sur les sables de Santec. Elle est dressée à requête de
Me Noël Le Fla, greflier du bureau de Al iJf. les Commissaires
des Etat,~ dp. Bretagne à. Le'on ct paT eux chargé de poursuivre
l'éxéctltion de l'arrêt de la Cour du 12 juin 1758 : le deman­ deur était comme de juste, Me Le Fla; les defrendeuTs au nombre
de six, sont chargés par Guillaume Rochou, garde assermenté
pour la poursuite des délinquants: ils n'étaient pas légion,
puisque, du 6 août au 29 septembre, il n'en prend que six

en quatTe coups.
fo Guillaume Rochou, garde établi dans les terres ensablées
aux environs de cette ville, rapporte que donc le 29 août 1758,
vers 4. heures du soit' il trouve « trois cavalles qui broutaient,
J'herbe et vaguaient dans les terrains ensablés, entre Saint-
,Claude et Saint-Enéoc. Il les prit et les conduisit chez Hervé le
Roy, de Brouduswal, et resta attendre jusque ce que Mathieu
Le Rest vint les y réclamer et reconnaître que deux des
cavalles étaient à lui, mais que l'autre (( estoit à la Province))

et lui était confiée. '
- Dans Eon interrogatoire du 3'1 octobre, Mathieu Le Rest,
du village de Lambervez, ne peut disconvenir du fait: c'est
un pur effet d'inadvertance, car depuis l'arrêt de la Cour, du
12 juin dernier, il a le ' plus grand soin de renfermer ses

bestiaux, et à l'a venir il sera encore plus fidèle espérant que
la Cour ne l'en punira pas comme d'un crime .

20 Le 11 septembre 171)8, à 6 heures du soir, au petit Kével1eé,
entre Saint-Claudeet Saint-Enéoc, Rochou prend en contraven­
tion huit à neuf chevaux appartel)ant à Jean Raoul et à Jean
Ba]~nant, qu'on y avajt mis à paître à l'aide d'un petit garçon

et d'une servante de I~amprat. Jean Raoul, 1)3 ans, ménager

au manoir de 1)-a mprat, quartier du Crucifix-des-Cha mps dans

l'interrogatoire du 31 octobre, déclûa que crs bestianT avoient
échappé à l'attention de leur~ gardiens: on ne le leur imputera

. pas à crime, et puis ... , cc tout ]e monde sçoit que dans ]es

grandes chaleurs de l'été, il est très difficile de retenir les

chevaux dans les pathures, or ceux de l'interrogé étoient dans
celles dépendantes de la ferme , mais dans 1).n moment de
fougue, il entrèrent dans les terrains ensablés. ))

Jean Balamint n'a garde de contrevenir il l'excuse et aux
movens de Jean Raoul, son beau-frère, consort et associé.

3° Rapport du Garde, du 29sept.embre: vers midi il surprend
trois cavalles, entre Santec et Menroignant, l'une en poil noir
est inconnue audit Rùchou, une autre en poil bay appartient à
Guillaume Querné, du bourg de Santec, une troisième en poil

gris blanc, à Jacques Querné. Rochou les conduit hors des

sa~les, jusqu'à la franchise apellée le pré du (;uerzit, et va
avertir Guillaume Querné qui vantait rln bled près de ' sa
demeure. Celui-ci répond sans vergogne que puif)que Roc/wu
estoit estably, pour empêcher [Cf) bestian.T de vaquer dans Zef)

sables, il devoit le (aire on ellever 1In fossé pour les opposer
d'y entrer. Non content de cela, . il secoue la garde comme

un- prunier et lui déchire une partie de ]a baudoulière que ]a
commission lui avait" donnée ...

Guillaume l)-né, homme' petit et trapu, âgé de 46 ans,

répond le ~-H octobre, que cette terre ensablée, il la tient en bail
du Seigneur Evêque de Léon cc qu'il a commencé de mettre en
labeur» et du reste cette p01~tion ne fait pointpa1'tiedes te' ;'rains

prohibés pœr l'a: rTêt de la Cour. Guillaume I~né conteste tout,
mais affirme que ce jour Rochou étoit épris de vin, si bien

que le même jour sa femme et ses enfants durent fuir de 1&
maison pour se soustraire à ses brutalités, qu'il alla jusqu'à
donner un soumet à l'interrogé, qui le secoua mais ne le
fra ppa pas et ménagea sa bandollière.
Les conclusions définitives du Procureur fiscal, Jean-Louis

Montier, sieur de Lisle avocat à la Cour, après les Répétitions
de Rohou et les interrogatoires dés six accusés furent que
« defIenses leur seront faittes de tomber en pareille fautte sous
toute la rigueur des peines portées par lesdits arrêts de la
Cour, sans modération de l'amende de cinquante livres, de la,
Prison et du Carcan, et seront en outre condamnés en tous les
dépens. , dommages et intérêts suivant la liquidation qui en

sera faille. Et à l'égard de contraventions que pourroit trouver .
Rohou par la suitte, il sera ordonné qu'il se fera réco' rder et
que les déclarations en seront faittes tant par lui que par ses
assistants en présence des Juges à qui la Police appartient.

Si mieux n'aime ledit Leno audit nom commettre deux Gar-

diens et visiteurs Jurés capables de rapporter les procès-ver- .
ba ux en tel cas req uis et de procéder au séquestre des Bestiaux
qu'ils trouveront causel' du dommage suivant la coutume de
cette province. »

CO!1clut au parquet ce jour 6

Novembre 17a8 .
La Sentence décide et dit: ( en conséquence, nous les'avons
deffinitivement et par provision condamnés chacun en dix .
lim" es â'amendes applicables moitié à l'hàpital de celte ville et
l'autre moitié à la continuation des ouvrages et épreuves
commencés pour pa~venir à la fixation dessablesavecdefIences

de retomber en pareille faute sous toute la rigueur des
peines énoncées par ledit Arrêt de la Cour, du payement des
quelles amandes, nOlis avons ainsy modéré pOU. 1' r,ette lois se1l­
lemen, et attendre ce qui résulte de l'état du procès ils !Seront
contraints à la diligence dudit sieur Leflo auxquels qualités. ,
Et les " avons aussy condamnés au dépans de l'instance que

. . 131 2

hous avons réglés sur la vue des pièces à dix-sept livres un
sol deux deniers, en ce qui concerne chacune desdites parties,
retrait et notification de notre présente sentence non compris.
Ordonnons qu'à la diligence dudit sfieur Leflo, notre présent
jugement sera affiché, lu et publié tant en cette ville que dans
les paroisses de Sibiril, Plougoulm, Santec et Roscoff à ce que
personne n'en ignore, fait et arrêté en l'auditoire, lieu ordinaire
de la jurisdiction de police à Léon, le '18 Novembre li58.
PRIGENT DE QUÉRÉBARS, Sénéchal.

. M. Ardouin-Dumazet (t) a gardé un souvenir plein de cou­
leurs des récolteurs de goëmons de Santec: ({ des voitures
viennent jusqu'au flot, des hommes s'avancent dans l'eau,
« fort loin, parfois jusqu'à mi-ceinture pour arracher au flot
« les paquets d'algues. Sur ceLLe vaste plaine miroitante, le5
« attelages et les voitures ont un aspect fantastique, on dirait
« d'ombres tremblantes, cela rappelle les mirages des Chotts
1"( dans le Sahara OI'anais. ))
Âu commencement, la récolte du goëmon fut lihre, puis régle­
mentée,et réglementée de plus en plus strictement. Les parois-

ses avaient leur autonomie pour s'entendre entre riverains sur

les mesures à prendre pour s'emparer et jouir sans gaspillage,
mais en bons pères de tamill!! de cette fenaison océanique.
Celui qui se serait trouvé à Castel-Paol, le 6 Janvier 1693,
aurait entendu une bannie qui l'aurait édifié à ce sujet,

Soubzigné, sergent de la juridiction des regaires de Léon à
Sai nct-Paol, de'meura n t à la ville d udit -lieu. CertifIie et ra pporte
qu'à la recquette de Jacob et Allain Roignant, ménagers demeu- .
rants en la treffve de Santec,paroisse de Sainct Pierre, Margui­
liel'set Fabricques de ladite treffve Lan présant faisant tant
pour eux que pour le Général de ladite paroisse. J'ay à haul-
- (1) Voyage en "France. 5- Série, les Iles franr;aises de la Manche, page 25.

, te et intelligible voys tant en françois que Breton fait lecturé
et explication au fort du marché tenu en ce 'jour en ladite
ville de Sainct-Paul, dans tous les carreffours et lieux accous­ tumés à faire bannies et proclamations de justice, après le
bat du tambour, des articles premier, second, trois, qua­
trième et cinquième du tiltre dix de la couppe de Varehc
ou Vraicq Sarou goeymon porté par l'ordonnance de Louis XIV
roy de France et de Navare touchant la marinne des cottes de
cette province de Bretaigne, vériffiée en Parlement à Rennes
le ISe janvier 168:5, comme aussy de l'acte Prosnal et Assem­
blée du quatrième de ce mois, par lacquelle entre aulres
èhauses les habitants de ladite paroisse de Sainct-PiQrre on t fixé
le temps de faire la coupe dudit goesmon croissant en mer à
l'endToit de leur territoiTe depuis le second de Février jus
qU85 au premier de Mars,et depuis la my-Avril jusques à la my­
Juin, et pour que la chose soit plus nottoire et que personne
n'en ignore, j'ay attaché coppie par a/fix tant desdits articles
d'odonnances que dudit acte prosnal et de mon présant pro­
cès-verbal à la porte et principale entrée de l'Esglise Ca thé-

dralle de Léon et à un des pilliers de la halle dudit Sainct-
Paul. Ce jour 6" Janvier de l'an 1693.
PERRON, controllé GOURBRANN.
L'acte prônal que nous donnons, plus-bas, du 10 Août 173i
mon tre l'esprit d'ordre et de discipline dans l'association que

gardaient les gens de Santec.

(A ete prônaI)
Ce jour de dimanche, dixième de Janvier 1731, assemblée

généra Ile des habitants et général de Sainct-Pierre et des quar-
tiers de Menroignant et Pouldufl, Quénec et de Roscoff aux
fins de nommer des collecteurs pour recevoir les deniers or-

dinaires et extraordinaires des fouages deubs à Sa Majesté
pour la présente année au lieu et place de Paul Guyvarc'h et
Laurens Gillet qui ont vaqués l'année dernière, et des assé-

èurs à ladite fin au lieu et place d'Yves Bernard et Jean Henry,
qui ont en laditte qualité Vacqué pour Menroignant et Poul­
duff, Jean Henry et Yves Bernard commis assis POU,T fixer le
temps dans la saison de commencer ou de finir la coupe des

gouezmons qui croissent sur les rochers et autres endroits des
grèves et cottes donnant sur et autour de laditte parroisse,
semer leur territoire suivant l'ordonnance de la Marine et le
temps de finir chacune saison, pour tremper et sécher à la
manière accoutumée; et pour arretter les contrevenants qui s'é­
manciperont de couper hors ledit temps qui sera limité par
ledit Général et pou!' sauver les bris qui pourroient devenir
sur leurs cottes de ladilte parroisse, et en donner avis à Mes­
sieurs les Juges de l'A mirauté de Léon à Hrest, sur les peines
qui échêent, comme au,ssy pour ramasser les chevaux et va­
ches que l'on trouvera, non enheudés, faire dommages sur les

gaigneries dans les champs, ainsy que les cochons et autres
Bettes et pour faire ......... à qui ils a ppartiendront, payer
les domages qu'ils auront fait faute de garde et ce mettre en
règle pour éviter à ces dom ages par le deffaut de les enheuder,

et minoüeller les cochons, et aussy fixer le temps aux pauvres

habitants qui n'ont ny chevaux, ni charrettes, que des man-

nes, pour comrpencer la coupe et transport , desditsGouez-
mons avant et après les autres et d'en faire defIenses à toutes

personnes d'aller avant ny après ledit temps limité couper
lesdits gouezmons, ny les tr~lllsporter hors de la parroisse, ny
en faire provision, ny avoir que pour tremper leurs terres et
sécher à]a manière accoutumée, à peine de confiscation des
dits gouezmons que l'on trouvera être coupés hors de saison
et de l'amende à laquelle fin que tantce que devant nommer,
fixer et délibérer se s::mt présentés les habitants cy-après,
Sçavoir honnorables gens: Jacques Caro, François Le Dérou,
Yves Bernard, François Roignant, Yves et André Bernard,
père et fils, Yves Le Gallou, Charles Creizmab, etc" lesquels
ont nommé pour collecteurs desdits deniers pendant la pré-

~ente année les personnes de François MOl'gantpour le quat(
tier de Menroignant et Poulduff, et pour Quennec et Roscoff,
les personnes de Guillaume Deroux fils, François de Laber,
et pour asseurs desdits rolles ont nommé pour Menroignant,
Philippe Le Dérou, pour Poulduf, Laurens Gillet, pour
Quennec, Paui Guyvarch, et pour Roscoff, Jean Daniélou. Et
pour commencer la présente coupe pour tremper leurs terres
ont délibéré qu'il convient à la troisième marée courante pro­
cha..ine après la Chandelleur venante, et pour sécher commen­
cer le troisième jour a.près la (este de Saint-Marc, pour conti­
nuer jusques à la fin de .May; et pour voir si personne ne s'é­
mancipe d'aller couper et enlever lesdits gouezmons avant

ledit temps limité, pour confisquer et condemner à l'amende,
ont nommé: Henri Morgant, Hiérôme Prigent, [et onze autres],
et pour donner avis à Messieurs les Juge de 'l'Amirauté.
Ainsy signé par ceux qui savpnt signer.

Les dispositions des Ordonnances récentes concernant l'ex-
ploitation et la vente des goëmons et varechs furent désas­
treuses pour les habitants du littoral. Monseigneurde La Marche
le'savait, aussi voulut-il centraliser les' plaintes de nos pauvres
riverains pour leur donner plus de force, pour faire de leur
protestation justifiée et vérifiée par leur Recteur, un cri una­
nime de douleur, sachant bien que lorsqu'on a affaire à un
sourd ou autre qui fait le sourd, il faut crier pour être
entendu. ,Nous pourrions un jour résumer, d'apr, ès l'En~
quête de l'Evêque de Léon, les différentes expressions de la
répulsion populaire contre les mesures restrictives et dra­
coniennes de l'Amirauté. Après avoir 'donné la lettre où le
Curé de Santec exprime son sentiment, nous tenons à donner
l'avis autorisé d'un Recteur voisin du pays de Saint-Pol
adressé; en réponse à la circulaire de Monseigneur de
La Marche.
fJ (4

) Les gens aisés jusqu'à présent deviendront
sans tarder pauvres, égard à ce qu'ils habitent presque tous

sur la côte et nelevoient- Ieur substance, payoient leurs bOlS
et saulagc de l'argent des goëmons qu'ils vendoient aux
autres paroisses: Ils souffrent cette année une perte de cinq
mille livl'l's faute de pouvoir vendre ces goëmons, et ont donné

à trente sols ce qu'ils vendoient les années communes neuff'

livres.
« Le moyen de les faire subsister est de leur permettre
comme au passé de vendre ces goëmons aux autres paroisses,
et d'en faire la coupe au printemps afi-n de les faire sécher,
autrement la coupe est inutile. ))

Fait à Plouescat, le 12 décembr:e 1774.
MOYSAN, Recteur de Plouescat.

On dit qu'après la terrible tempête de 1699, qui ouvrit
une brêche à la· destruction d'un territoire si grand et si fer­
tile, il ne resta aux survivants d'autre ressource que la men­
dicité. Il est sûr qu'à Santec, dans une nécessité intolérable,
on fut réduit à cette extrémité, mais, ces gens énergiques et

honnêtes ne firent pas souche de mendiants ni école de men-
dicité. En effet, rien que par la lecture de la procédure de 1708
donnée plus haut, contre les propriétaires des cavales,
et des moutons évadés dans les terres ensablées, on voit bien

que les dunes n'étaient plus ensevelies dans la désolation.
. Nous prenons au hasard un Inventaire,document instructif,
- dressé en 1773 à la suite du décès du fermier de Laber:
Jacques Caroff est ce.rtainement un cultivateur d'une bonne
aisance, et il se peut que l'on trouvât à Santec plus aisé que
lui: étant donné, pour lors, le nombre des aisés et celui des
nécessiteux, la situation générale n'y était pas mauvaise.
Visitons donc, s'il vous plaît, la maison délaissée par Jac­
ques Carof quand il fut frappé du trépas; entrons dans la

3 i 7 . ..

cuisine, arrêtons-nous dans l'aire, dans ses champs, dans ses

crèches, dans son écurie, écoutons compter ses gaigneries et
confions-nous aux dires des experts.
Inventaire fait d'authorité de la Jurisdiction des Reguaires
de Léon à Saint-Paul, (du ' 13 au 31 may 1773) après le décès
de Jacques Carof, au lieu de Laber, quartier de Santec, on

trouve.
Dans la cuisine:

Deux pots de fer et deux trépieds, deux platines de fer, un
grand bassin (15 1.) . trois autres bassins et un passeoir

d'Errain. Une ma.ye à patte avec ses bancs, haches et
coutea u crochû estimés 7 livres; Trois lits clos de bois de
chêne: un non accoutré 27 l. et deux avec accoutrement
de balles: 36 l. et 39 1. . Quatre haches 18 1., 19 l. 10 s.,
16 1. et 15 1.) Une armoire au bas de la maison: 21 l.

Le tout formant un total de 199 l. 2 sols.
'14 mai: Deux armoires au bas de la maison (2'., l. et 1 1.) et
autre armoire à l'usage quotidien de la ma.ison, 9 l.
Futs, barils, barattes, jatte, batalait avec ses apparaux -
Tous Les terrinages estimés 3 I. Quelorne et tamis, manne-
quins, mannes et,paniers ........... .
Le vessellier avec sa charge, 20 s. Un peigne à lin sec:
22 s .. - Un dévidoir: 4 s. . Une p~c~lle avec sa lorme: 10 s.
= " Un fusil, :> 1. La quelorne avec la l)iande, 30 1. Loing
estimé 3 l. 15 s. ' Les andouilles 4 l.
Da, ns la Grange :
Un bois de lit (12 l.), deux coffres (7 1. et 8 l.\, une grande
pièce de deux barriques (3 I.), un tierçon avec la cendre. .

La charrette avec ses apparaux 105 1.
La'èharrue avec ses apparaux 27 l. .
Sur l'aire à battre :
. Tou~ les bois à feu: 75 l.

Trois pelles, deux marres, f,ix faucilles, une serpe, qua-

tre herses, deux Brayes............ Tous les Ustencilles
pour l'équipage des Cheî1aux; 10 1. - Une vieille Roue de
Charette, 6 1. ,Deux rateaux, Les outils à Rouler,
(20 s.),
(La vacation du 14 mai monte à 318 l. 8 s.
HS Mai. - Visite des terres, Gaigneries, revenants bons
Manquem· nts de Réparations .
Les Gaigneries dans les prés et prairie au terroir
de I~brat : ia l.
Tachen ar tourn, URe parcellée ensemencée de lin.
parc bian, sous panais ................ .

parc bras, ensemencé de lin ........... .

parc moan, sous panais ................ .

dans une parcellée sous mistillon ...
_. dans une autre parcellée sous panais.
21 1.
301.
78 1.
40 1.
45 1.
39 l.

Total ..... . 2:58 l. 00
'17 Mai. Les Gaigneries dans pare al leur, sous
mistillon 20 l.
Dan le même parc, panais et lin. . . . .. 42 l.
Dans parc tachen bras, une parcellée
sous lin 36 1 .
Dans la Garenne de Pen ar sant sous lin 6 l.
Dans Liorts an ouch sous lin ........ .
Les Gaigneries dans Parc Poulœrc'ha,nt
15 l.
4a 1.

Tachen Izella et Jlessiou Mesquilla . .. .
Tache'rL huella ................... . ' ..
7 1. 105
7 l. 105
Dans Tachennou Toraneach.. . . . . . . . . 5 1.

Tachen a'r Boüellec ............... 0 3 1.

18 Mai. Dans la crêche aux vaches
Une vieille vache, sous poil jaune, 36 1., deux grandes
génisses sous même poil, 50 l.
Une autre vache, 36 1., deux autres génisses, ;lO 1.

La moitié d'une vache et d'une génisse, 45 \., une petite

génisse) 6 1. (toutes jaunes)
Dans l'écurie

Une vieille jument noire avec son poulain, 120 1.

Autre JUIllent ·noire, 120 1. Autre, 7:5 1., une petite pou-
liche, HS 1. ,
Dans la soue à pou.rceau
Une truye, estimée 18 1.
Revenant.\] bons, compensations faites des répaTations .
manquantes su'/' les lossés dans les terTes cy-apTès
Les réparations se portent à 44 1. 10; le revenant bon à 101.
Al esurage des grains
Cinq garcées et derny d'orge à 16 1. la garcée .. .
Quatre garcées d'orge à 16 1. ............... .
Deux autres garcées d'orge à 16 1. .......... .
19 Mai. Trois quarts d'avoine à 3 l. 10 s. le quart
Un boisseau de blé noir .. ' ............ ' ...... .
Trois garcées et derny de Froment à 351. la garcée

Deux douzaines de lin broyé à 24 1. la douzaine
Vingt et une douzaines de lin en batonà 7 l. la
douzaine.
Cinq autres douzaines de lin en Baton ....... .
Hm'd'es
Le') hardes du défIunt tant bons que mauvais
ensemble.
Les hardes de la veuve ..................... .
Deux sacs et un grand drap à vanner ........ .

Tout le fi! tant bon que mauvais ............ .

21 Mai. Deux crocqs à fumier, une fourche de
fer, trois bêches, une faux ................ .
Les Gouémons amassés estimés 36 -1
88 1.
64 1.
32 1.
101.10s.

1221.
48 1.
147 1.

18 1.
1:5 1.

28 1.

3 1. 18 s.

. - 320-

La Veuve déclare n'avoir aucun papier « attendu l'incendie
qui était arrivé du vivdnt de son feu mary ».

Interpellée de déclarer les dettes de sa communauté avec le
défunt, déclare devoir pour prix de ferme de la maison qu'oc­
cupait Jacques Carof à Monsieur Nail, deux cents cinquante
et huit livres. -

L'Inventaire porte à la ~omme de 2362 1. 13 s _ et donne
. l'aspect fort-respectable d'une boune ferme aux portes de
Saint-Pol a une époque où les cultivateurs non outilles ne
s'étaient pas mis résolument à la tête du progrès dans noIre
pays. _ -

La trève de Santec s'étend de l'île d'Riec (ou de Siee) ou

de Meur Roignan à l'église de Santec (90 cordées de 2lJ: pieds
la corde),- et de l'église au village de I(eradennec, limite de

la trève, il y a 150 cordées.
L'anéienne chapelle de Saint-Adrirn, dépendante de la
paroisse Saint-Pierre fut érigée en succursale de cette
paroisse le 30 avril 1624. ('1 ) _
L'église n'avait pas un caractère. monumental mais les
gens de Santec s'y trouvaient pressés et recueillis, _ sous le
regard du Père qui est aux Cieux, et plus frères ·l'un par
rapport à l'autre, et par rapport aux autres paroisses du
Minihy, et des autres paroisses environnantes, car Santec

ayait un esprit très-particulariste et était sensible aux pro-
cédés de ceux qui s'oubliaient à médi' re on à rnéjai1'f' à son
endroit. L'Eglise rrcevait des offrandes du peuple des
partables et aussi de maisons de gentilshommes, comme
l'indique cette mention faite au registre des délibérations du
Général de la trève de Santec:

(1) Série G. 88. La cathédrale et le lIlinihy de Léon, par le chanoine
Peyron.

" 321 -.

Ce jour 17

janvier 1742.
« Reconnaissons avoir été saisis de Trente LivI'cs provenant
de la vente des efIets donnés par Madame de Ch antca,/t./i1l' , en
offrande à l'Eglise de Santec,consistant en trois robes déposées
entre les mains du sieur Larvor, Curé.

. La noble dame suivait un usage traditionnel.
Dans le même registre des délibérations nous relevons une
. remontrance très-curieuse, du 15 décembre 17;51,: il y est
question du repos dominical dans cette tl'ève~ de ses amuse­
ments, de ses petits profits, des Maltoutiers surtout et aussj
du bon renom/de Santec à sauvegarder.
De la part de Jean Morgant de Pouldu (et quatre a.utres) ... ,
est remontré au général de laditte trêve que dim'a nche ;)
janvier 171),i.
« Chacun d'eux après avoir diner étant allé se promener et
prendre une heure de récréation sur le rivage de la mer, il ne
leur fut pas difficile de se rencontrer et de se joindre à plu­
sieurs autres jeunes gens comme eux (une dizaine sont énu­
mérés', en sorte qu,' Clant tous ensemblo et s'amusèrent
à. causer et à f"olâtTCl' pal' différents badinage5; et ,ilaisiTs les

plus innocents, cn attendant l'heure du cathéchùme, qu,e JI.
l1ergot, cUTé de celte tTère y lait dans l'église d'icelle, lcs
dimanches ft (êtes à. une heure de l' après-lllidy. J) .
C'est le Paraguay reconstitué sur la côte bretonne, et pOUl'
le célébrer dignement nous serions tel1tés de recourir au
Génie du Christianisme pour lui emprunter les descriptions
grandioses de M. de Chateaubriand racontant les merveilles
. des missions du Nouveau·Monde.
« Mais leurs plaisirs furent bientôt interrompus, lorsque

près d'eux, dans l'endroit de l'anse nommé '"e Staol, il viren t
. arriver le sieur Jean-Marie Le Bot, sous-brigadier des fermes
du tabac dans le poste de Santec Tenant un bâton dans la

main, il fut joindre le nommé Yves Le Gallou , jJoisonnieJ~ de
la trève, qui alloit prendre les fillets qu'il avoit mis à sécher
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE TOME XXXII (Mémoires) 21

-= 322 -

dans l'Isle-Verte, et déchargea sur ce dernier plusieurs coups

de bâton et un moment après, il tira de sa poche un pistolet
qu'il présenta à l'estomach dudit Gallou, l\1i disant qu'il n'en-

tendoit pas qu'il eut approché de cette cotte, non plus qu'au-
cune a.utre personne de ce quartier, sans quoy il · les eut tiré
comme des chiens. »
.Gallou s'ouffre tout (J. patiamment )), répond qu'il va tout

simplement chercher ses . filets à l'Ile-Verte, qu'il n'y a ni
bris ni tabac, qu'il lui faut ses filets pour vivre II par la pêche

. de la mer, que Sa Majesté permet à tout le monde »; qu'il y
alloit en ' plein jour, n'ayant rien à craindre d'être observé. Un
moment après arriva le sip.ur François-Marie Bocher,lui aussi
.sous-brigadir,r ap tabac, mais du poste de l'île de (( Siee )j, il se
joint à Le Bot. Mais « sans que les démontrants ne sachellt
. quelle conférance ils eurent ensemble.)) Sans en voir plus
loin les spectateurs vinrent à l'église où ils assistèrent au
catéchisme pour s'instruire de plus en plus sur les devoirs de la
religion et pour y 'chanter même avec les anciens qui s'y trou­
voient aussi en grand nombre des différents sexes, des ca.nti­
ques à la louange du Seignew~ », puis ils restèrept aux vêpres.

Et voilà qu'ils sont « compliqués dans un procès-verbal
de prétend ue rebellion. »
Ces Maltoutiers maudHs n'hésitaient pas à affirmer que
ces jeunes gens avaient menacé de les jeter à la mer, qu'ils
ne laissassent les gens tranquils puisqu'il n'y avait ni bris
ni tabac: que s'ils étaient armés, eux, ils l'étaient aussi, et si
bien qu'ils furent empêchés d'aborder Enez-glas.
. Nos remontrants répliquent que tout cela est « un tissu de
faussetés », signifîé à Henri Morgant, le 8 janvier, et fait
par devant un juge éloigné, « qui est le sénéchal de la j uris­
diction de Plouesgat )), alors qu ~il y avait trois jurisdictions
plus proches. Ils ont même trouvé le moyen d'ajouter que
Henry Morgant avait tiré après eux un coup de fusil, sans
toutefois les atteindre. .

323
t( La conjoncture est fâcheuse pour l~s )'emon tra nts » Tou­
tefois « à supposer la réalité de quelques futs ou boisage»
dans ladite Ile Veste, il seroit ridicule . de penser que cela
eut esté capable d'exciter les babitants du quartier à s'attrou-

pel' et former une révolte pour en profiter. S'ils étaient sur la
grève, quoi d'etonnant ? Ils sont habitués à y attendre l'heure
du catéchisme. Mais « le rivage de la mer n'est qu'à 780 lJas

bien comptes de leur Eglise. Ils. on t bien des fusils. mais

lorsqu'ils sont là et qu'ils n'ont rien à faire de mieux, quel -
ques uns d'enti'e eux qui savent tirer se munissent dè fusils
pour tirer des oiseaux de mer qtt'its vendent dans la ville de
Saint-Paul, au soulagement du public et SU/'tout des commu­
nautés qui font un maigre perpétuel . .
Il est important que le Général et le Curé fassent bien res­
. sortir le caractère despotique du SI' Le Bot, ses exploits de
violence et de haine contre les pauvres pêcheurs du quartier .

Voici la conclusion du Remontrant.

(' La malice de ces derniers est poussé 'au derni er point. Il
semble qu'ils voudraienL faire passer tous les hab-itants de la
trève IJour des esprits rebelles et révoltés: A ce titre le Général
est intéréssé à pl'otester énergiquement. »
Qu'advint-H de cette instance? Nous ne le savons, mais
nous admirons ce fier mouvement d'un amour-propre légilime:
Il semble que l'on vmtdroit; nous faire passer pan'!' · ce que
nous ne sommes paJ. Halle là ! Il s'agit du bon renom de
la trève ; à ce titre, le Général est intéressé à ce que tout soit
. dit, tout soit fait. .

Ceux-là étaient les grands-pères de ceux qui sorJt morts
dans les eaux de la France Bretonne, à Saint-Malo. sur le
Hilda .... Ceux-ci étaient l'honneur de leur pays par leur

énergie, leur esprit d'ordre et d'organisation.
Un vrai breton au cœur sincère, à l'intelligence élevée,
a salué la mort de ses braves, de celte élite. (27 nOD. 1905).
« Le plus extraordinaire dit Ch, Goffic, est qu'à courir ainsi

- 32-1

le monde, ces braves gens n'y aient rien laissé de leur cœur
et de leur fidélité au passé. Mais tels ils étaient, tels ils sont
restés: leur foi est toujours aussi vive; leur langue est tou­
jours le breton, ce joli breton chantant et un peu martelé
qu'on parle dàns le Léon, Et leur député s'appelle de Mun;
. leur maire d'Herbais, ..

le-de

Il semble que Cambry ait eu une influence exorbitante sur

sa génération: par son voyage dans le Finistère il a fait école,
il a fourni le genre,le procédé de fabrication et la matière de la
plupart. des écrits sur la Bretagne, et ses disciples, malgré que

ce futardu et difIicile,sont arrivés.parfois à surpasser le Maitre
Voici sous quel aspect l'un . d'eux a vu l'Ile de-Batz (2

«( De tous côtés, des rochers pour rh·ages, et des ' vagues
mugissantes; impétueuses qui se brisent il leur pied: voilà sa
configuration. Un village, d · eux hameaux, de pauvres champs,
six à. sept cents }Jusonnes, voilà sa statistique. Des hommes
au teint hâve, à la physionomie sauvage, à l'accoutrement
grotesque, et qui sont tous marins; des femmes basanées, à
jupon court, à coiffure bizarre, qui travaillent péniblement
la terre ou pêchent avec de long,>; 1"ateau,'E, le goëmon que le

flux apporte sur la côte, si elles ne 'l'amassent pas pOU?' se
nourri. J', des lelJa.s pa.rmi les ca.illoux, des gens ignorants ne .
sachant pas lire, sans idée des arts les plus simples: tels sont

ses malheureux habitants ...

(1) Nous savons bien que,canoniquement,I'Ile·de·Batz ne faisait pas partie
du Minihy-Léon, mais elle s'y rattache étroitement, on nous le concé­
dera bien par son voisinage, et historiquement, par la vie et la mort du
glorieux saint Paul-Aurélien, et ses relations de vassalité avec le siège
du diocèse de Léon. A ce titre l'Ile-de-Batz pouvait compter avec la Ville­
Sainte et aussi les paroisses de Roscoff et ·de Santec.
(2) Verusmor, dans le 2

Vol. de la France lI!aritime, de Evêchain .

c'eSt au sein de cette âpre nature qu'il taut· chercher
l' homme ap pror:hant de l'etat prtmiti( de la Société... Le
manque général d'imagination tend leurs idées d'une simplicité
'remarquable; mais pour ne pas s'étendre au-delà des bornes
de leur solitude, elles n'en sont pas moins justes sur ce qui .
touche leurs intérêts. »)
Verusmor qui ne trouve au capulet des lliennes ni grâce
ni noblesse sévère, et les représent.e s'ingurgitant avidement
des léjJas parmi les cailloux lisez berniques, c'est la « Partie
de l'élève ») ; la « partie du Maître >l, nous la retrouvons dans
l'œuvre du célèbre voyageur de 179i, du membre du . Conseil
du département du Finistèr~ (3).
cc Je questionnai les notables du pays. Assis au sommet d'un
rocher sur la bulte du moulin, entouré d'hommes dont j'ad-
mirais les complaisances et le zèle: quelle clarté, quelle sim-
plicité dans leurs idées! ... Quelie précision, quelle concision
dans leur langage, rien de fade, point de compliments, point
de cou l'bettes dans celle Ile, mais une honnête liberté, des
mouvements prononcés sans rudesse, des offres obligeants
sans petitesse, des services réels sans empressement, le Sf'rrr­
mènt de main ({ela bonne loi, le rire de la simplicité. Les rêves
de l'imagination, la poésie ... n'existent point dans cette
île sans fieu/', sans rossignol P,t san,) verdure . .. Ce peuple
était républicain avant la Révolution: on ne trottve chez lui
ni gens Je lois, ni prêtres, ni médecins. ))
« J'ai vécu dans de gmndes cités, au sein des émotions

douces: l'île de Batz alors m'eut paru le séjour du dMespoir.
J'y passerais à présent mes jours heU/l'eu.]; par l'absence des
hommes, loin de lettr atroce jureur. J)

On connait la malveillance sectaire de -Cambry, si forte
qu'elle porte avec elle son remède: il dit que « les sémi­
(i naristes de SaiYit-Pol nommaient le Curé de l'île et son

(JLCambry, pp. 5ï·(j1.

(( vicaire: ils étaient panvres et percevaient pourta.nt la dîme
(( de la douzième gerbe. )) La levée à la douzième gerbe nous
semble une affirmatIOn inexacte, jusqu'à en avoir la preuve.

et en le disant nous nous basons sur le (( plermnque fit )),
sur la pratique générale de l'Evêché de Léon.
Au reste voici, en juin '1786, les (( revenus de Fabriques de
l'église paroisia le de l'Isle de Baz, Sça voi r :
Revenu annue' en fonds. . . . . . . . . . 60 l. 15 s .

Revenu en contrats ... . , ........ .
Revenu casuel année commune .. .
Dépense annuel du service et des

3MS l. 10 s.
250 1.
trois églises. . . . . . . . . . . . . . . .. 370 1.
Dans un Etat. fourni au Clergé de France, « Messieurs le
Clergé )), le 18 mars 1786, le Curé porte:

.... 2° Noms des Patrons et Collateurs: Monseigneur l'Evêque
Comte de Léon .
30 Revenus en distinguant ceux qui pro';'
viennent des fondations ou des prestations
des décimateurs .... ....... .. ..... .... . .
40 Revenu to lal ..................... .
Cinq cents liü1'es
500 l.
50 Noms des (Itablissemenls décimaieurs chargés de La Con­
grue: Séminaire de Léon .

Au bas de la feuille concernant ces déclarations, le Curé de
l'Ile ajoute. « Messieurs, qu'il VOLIS -plaise de considérer 1°

( Que les denrées et autres provisions que je retire toutes de
« la terre ferme me coûtent à raison du transport et du pas­
« sage, infiniment plus qu'aux habitants de la grande terre .

« 2° Que les étrangers, surtout les personnes honnêtes et
II. comme il j'aut qui viennent à l'Isle-de-Baz, soit pour affaires
« du Roi ou autrement ne trouvent dans ma paroisse ni provi­
« sions ni maisons convenables pour les recevoir, et n'ont

(1 d'autre azile que ma maison. 31) Que la dernière guerre m'a
« été bien dispendieuse par la raison que les motifs d'huma­
« nité et de religion m'obligeaient à tout moment à partager

tt ma soupe a-rec différents Messieurs du Roi. Enfin 4° les
« mêmes motifs m'ont fait uri devoir de donner la pension et
« de loger un grand nombre de Messieurs les Officiers et Lieu­
{{ tenants, comme à M. le Clerc et à M. son Lieutenant du
« régiment d'Anhalte, à M. ·de Saint-Blaise! Capitaine d'Ar­
« tillerie du régiment de Bésançon, aux Messieurs Démarai,
« de la Bastide, Dargoubé, etc, du régiment du Rouergue, aux
« Messieurs Démay de Trostang, l}horre, etc; Capitaines des
« Gardes-Côtes.

A Lisle-rle-Baz, le 18 mars 1786.

M. INIZAN, Recteur de }'Isle-de-Baz .
Sur lettre de rappel et demande de plus amples informations,
le digne Abbé 0 écrivait, quelques jours après cette déclara­
tion catégorique et véridique.

« Cette paroisse contient environ onze cents habitants qui
« n'ont d'autre ressource que la charité , de leur Curé dans leur
(( misère. Les corvées et l'hospitalité forcée du Curé, lui sont
« très onéreuse surtout en temps de. guerre. Il n'y a point

« d'émoluments de fondation .. n; donc il sollicite un supplé-

ment qui porte sa portion congrue à 700 l. et celle çlu Vicaire
à 3nO livres.
Voilà des éclaircissements que le citoyen Cambry avait né-

gligé de recueillir, sans doute. Ne lui en tenons pas trop ran· .
cune en faveur 'd'un aveu qu'il fait et quoique il le términe par
u ne cabriole de mauvais goût.
Il Le Curé et le Vicaire étaient pauvres. La solitude, l' d-

r( pr~té du clim'tt n'arrêtaient pas leur zèle: ils avaient adopét
« les mœurs des habitants ... si vous en exceptez et le travail
rt la franchise. (1)

Dans l'enquête de Mgr de la Marche sur la Mendicité, le
, ,. . ( , , ' ,, 1" 3 t e -, ..
(1) Op. cit. p: 64.

'c ' ." f1
Recteur, H. Inizan qUe

nous

slDcere et exacte, nous aImons
avons cité~fait sa déposition
à lecl'oire, dans les termes
suivan ls.

Isle de Batz

Monseigneur,

1" Le nombre des mendiants de l'Isle de Batz se réduit à

deux ou trois familles tout au plus. Ce sont des veuves chargées
d'enfants qui ont perdu leurs maris qui les sustentoient par leur
profession de matelots .
2° Il serait difficile de fixer au juste le nombre des gens aisés

dans ce descl't, attendu que les plus pauvres tiennent aussi
bonne table que les autres et qu'ils sont tous à. peu près
également · meublés ensorte que s'il y a des riches à l'Isle
de Baz, leurs richesses sont dans leurs coffres.
3' Nous n'avons dans cette Isle ni hôpital ni aucun fond
destiné pour les pauvres; mais à parler en général, le nombre
des habitants aisés est plus que suffisant pour subvenir aux
besoins du petit nombre de pauvres qui se trouvent dans l'Iste.
4° Aussi est- il rare .de voir ici ancun pauvre mendier son
pain de porte en porte, soit qu'on ait la charité de fournir ses
besoins, soit qu'il trouve lui-même ]e moyen d'avoir son néces­
saire; en cherchant quelques poissons, quelques coquillages, etc.
5° Enfin la cause ordinaire de la mendicité quand il s'en trouve
icy sont les accidents et les cas imprévus de la mer qui privent

une femme charg-ée d'enfants d'up époux qui faisait le soutien de
sa famille.
Goëmon. L'Isle de Baz ne seroit ni habitée ni habitable si

elle n'avoit la faculté de jouir et de disposer de ces goëmons, tant

pour l'engrais des terres labourabl~s que pour le chau/J'age des
habitants qui ne trollveroient chez eux aucune autre sorte de

bois, dont ils pourroient se servir. .
Aussi Sa Majesté a-t-elle par des Edits réitérés, accordé aux
habitants de l'Isle de Baz la libre jouissance des goëmons avec
défense à tous autres de les molester ni inquiéter à ce sujet. Tout
a été réglé par ses Edits: ils ont fixé le temps de faire ces goes­
mons et déterminé l'étendue de grèves qui compétoient aux lsliens,

357 ' -

DE'UXIEME PARTIE

Table des mémoires et documents publiés en 1905

III

VII
VII bis

VIIl

l'AGES
Excursion dans la commune de Ploujean par
M. LOUIS LE GUENNEC ........ ; . . . . . .. . ... . 3

Vagabonds de Basse-Bretagne au XVIII" Siècle
. par M. l'abbé ANTOINE F AVÉ . .............. . '. M5
Le Prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'Ile Tristan
près de Douarnenez, par M. BOURDÈ DE LA
ROG ERIE ......... " ... ............... ; i8,148, 206

Nou velle décou verte (dé substructions et d'objets
de l'époque romaine) faite à Carhaix par M. P. DU
CHATELLIER . . . ............................ .
Campagne d'Islande sur le Château-Renaud
(1890), extrait du livre de bord de M. le Com-
mandant MARTIN (planche) ................. .
Toponymie de la Montagne d'Arrée par
M. CAMILLE V ALLAUX (carte) ............... .
Note sur l'occupation militaire de l'Armorique
par les Romains (suite) : IS par M. JOURDAN
DE LA P ASSARDlÈRE /3 cartes} ..... , ........ .

Une campagne de huit jours, récit d'un général
et d'armes de la Sénéchaussée de Lesneven en
1766, par M. J'abbt'> ANTOINE FAvÉ ......... ' .
Trois vases en argent découverts à Plovan (Fi-

nistère), par M. P. DU CHATELLIER (planche).
Les chapelles du Cap-Sizun (suite) : La cloche de
Monsieur SaincVrhey, par M. H. LE CARGUET.
Les Eglises et Chapelles du diocèse de Quimper
(suite) ; doyennés de Lesneven et de Plabennec,
par M. le chanoine PEYRON .................
Les peintures de la chapelle de la Madeleine à
Pont-}, Abbé, par 1\1. le chanoine'AsGRALL.. . .. ,

114

124
135

164
169
183
201

XII

XIlI
XIV

Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'île Tristan
(suite: voirN°I), par M. BOURDE DE LA ROGERIE.
Les combattants bretons de la guerre améri-
caine, pa~' M. H. DE KERGUlFFINAN-FuRIc .....
Monument.mégalithique et "Coffret à Penfoënnec
en Elliant, par M. DE VILLIERS DU TERRAGE
PAGES
206

(planche) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
XV La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 280; 346

XVI La misère et les miséreux au Minihy de Léon:
San tee, par M. l'Abbé A. FA vÉ ............ 304

XVII Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de. l'île Tristan
(suite: voir N° 1 et XII), par M. BOURDE DE
LA ROGERIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 330

XVIII La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, (suite,
voir N° XV), par M. J TRÉVÉDY............ .346

FIN

Quimper. ' Imprimerie A. Leprince