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Bulletin SAF 1905


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Monument mégalithique et coffret à Penfoënnec en Elliant

M. de Villiers du Terrage

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1905 tome 32 - Pages 273 à 279

ET COFFRET

à Penfoënnec, en Elliant

_ , _: ~ iCi A W'
Le monument mégalithique de Penfoënnec est situé dans
une lande inscrite au cadastre, Gal'zalek-kréis, n° 186,

section E. Cette lande qui appartient au propriétaire de
Penfoënnec-izela} se trouve ft 4 kilomètres à rest du bourg

cl'Elliant à 350 mètres au nord-est de Penfoënnec-huela, e~ à
.70 mètres seulement du chemin des Poisson~iers (ancien~e
route de Concarneau à Carhaix) (1).
La grande distance, environ 1.500 mètres, qui sép~l'e cette
lande de Penfoënnec-izela, dont elle est complète~ent isolée,
explique pourquoi elle n'a jamais été cultivée et n'a jamais
reçu ni fumier ni engrais , S'il Y avait eu autrefois un tumulus,

on en trouverait certainement quelque indice, et il n'en
existe aucun .
Tout récemment, :M. Jean Cotten, propriétaire de cette
lande et de quelques landes voisi"nes, se décida à bâtir une
maison sur la parcelle Garzalek-tosta (nO 206 du cadastre
section E) qui longe le chemin des Poissonniers.
Après s'y être installé: il donna, en 1904, un premier labour
à la parcelle 186, et la charrue rencontra à une profondeur

'1) Les rf.ots bretons krhs, lzela, ~uela, correspondent aux expressions
françaises: du milieu, d'en-bas, d'en·haut. Le mot garzalek (h"ic de ~aules)
se rencontre assez fréquemment comme lieu-dit.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXXII (Mémoires) 18.

de ~ 0 ou 15 centimètres des pierres brutes dessinant une
enceinte à peu près circulaire. Il n'y fit pas attention, se
borna à enlever les pierres ramenées à la surface et les
utilisa dans la construction d'une clôture.
En 1905, un labour plus profond fit retrouver l'enceiQte de
pierres et découvrir,d'abord,une grande pierre A. de 2 mètres

de longueur environ posée à plat et ensuite, à ses extrémités,
deux autres pierres B et C d'environ 1 m 50 de longueur
posées de champ.
Le propriétaire, que j'eus occasion de voir le 2 octobre, en
me parlant de sa découverte, m'indiqua son intention d'uti­
liser la grande pierre comme foyer. Je le priai de 11'en rien
faire et lui demandai l'autorÏ"sation de faire des fouilles en
cet endroit, autorisation qu'il m'accorda de la manière la plus
gracieuse, en me disant de faire tout ce que je voudrais
autour de ce monument qu'il laissait à ma disposition.
Je m'y transportai le jour même et trouvai bien les trois
pierres qui au premier instant donnaient l'illusion d'un dol-

men,mais je reconnus de suite,à mon grand étonnement,que,si
la distance entre les deux pierres B et C devant servir de sup­
port était de 2
111
28, la longueul' de la grande pierre ne
passait pas 2
111
13~ Les deux pierres B et C étaient
d'ailleurs bien parallèles, très solidement encastrées dans le
terrain naturel, et parfaitement verticales. Elles n'avaient
donc jamais pu supporter la grande pierre qui maintenant
reposait à plat sur une couche de moëllons bruts au fond de
la fouille. Il eut été pourtant facile d'éviter ce résultat en
déplaçant quelque peu un des supports.
Le mauvais temps ne m'avait pas encore permis de com­
mencer mon exploration quand j'ai fait voir le mOllument à
M. Bourde de la Rogerie, le 4 octobre; mais aussitôt que
cela fut possible, je fis dégager et redresser la pierre A

en l'appuyant contre un des côtés de la fouille.
Un examen méthodique du monument me permit alors de

275

constater que son orientation générale était à peu près Nord,

Ouest. '

Je retrouvai ensuite une enceinte foqnée de pierres d'assez
petites dimensions absolument brute~. Ce n'ètait pas une
maçonnerie à pierre sèch~, mais pIntât un blocage très
grossier. Il était fondé à p~~l pr~s à 40 centimètres de pro-

fondeur et avait environ 30 centimètres de hauteur sur 35

de largBur. D'après les rares parties"que la charrue avait

laissées intactes, on pourrait établir que cette enceinte avait
à l'intérieur une forme se rapprochant de celle d'une ellipse

qui aurait eu 3 mètres de longueur et' 2 mètres de largeur.

Peut-être n'y faut-il voit' qy'un cercle d'environ 3 mètres
de diamètre. '

Pl'esque immédiatem~nt à . l'aplomb de cette enceinte la

profondeur de la fouille avait, été portée à 80 centimètres.

Sur le fond était étendu 'unecotiche de blocage mélangé de
terre sur laquelle se posait 1a grande pierre, blocage

analogue à celui de l'enceinte. Cette pierre, ainsi qu'il a été

dit précédemment, a 'une longueur maximum de 2 m. 15

avec une largeur comprise dans la partie centrale entre

20 et p

45. Son épaisseur, qui varie de omJ.6 à om21,
est assez uniforme; en effet toutes les pierres du monu-

ment ont été exploitées en utilisant les lits de cal'l'ière.
La pierre B servant de support vers le Midi a P1l50 de

longueur, une épaisseur de om20 à om17 et une hauteur de
1 m. Elle est enterrée solidement de om20 dans le terrain

naturel. Au Nord, le support est composé de deux pierres,
l'une C semblable à la précédente, mais ayant seulement 1

de longueur. A la suite se trouve une autre pierre D de om10
d'épaisseur seulement et de 0

40 de longueur, ce qui porte
la longueur totale du support à 1 m53. Par contre cette
dernière pierre avait 1

l0 de hauteur et se trouvait plus

profondement enfoncée dans le sol.

Ces quatr~ pierres proviennent des bancs de roches de na~

216

ture granitique formés par la granulite à quatre kilomètres au
nord de Rosporden, qui fournissent des matériaux de cons­ Lruction, de quaI ité souvent médiocre, mais quelquefois
excellente, comme aux carrières de Scaër.
L'examen très minutieux des telTes pl'ovtnant de cette
fouille, que j'ai eu soin de faire vidAr complètement, n'a
donné que des résultats insignifiants: c'est-à· dire, quelques
rares et très petits morceaux de charbon et des fragments
tout aussi rares' d'une poterie rouge grossière.
En enlevant une :\ une les pierres du blocage du fond de
la fouille, j'ai trouvé au nord-ouest quelques pierres calcinées
qui portaient encore des traces de fumée. A l'autre extrémité,
j'ai ramassé dans les vides du blocage un objet que l'on
pourrait assimiler à l'extrémité d'une hache en quartz non
translucide, non polie et grossièrement retouchée.
Le propriéti;lil'e, qui suivait avec intérêt mes travaux,

rappelant ses souvenirs, me fit part d'une autre découverte
qu'il avait faite deux ans auparavant au point septentrional
extrême de la lande Garzalek-tosta et à 30 mètres seule-

ment du chemin des Poissonniers. Les ouvriers

qUI

travaillaient à la construction de sa maison avaient trouvé à

quelques centimètres de profondeur une dalle de 0 rn. 80 de

longueur posée sur deux autres dalles placées de champ et
écartées de 0 rn 70. "
Dans ce petit monument en forme de dolmen, il y avait
un pot que les ouvriers s'empressèrent de briser et qui ne
contenait, parait-il! que des cendres et du charbon. Trois
grosses pierres étaient posées sur un lit de cendres
autour du pot·; une couche de glaise blanchâtre recouvrait
le monument. Les trois dalles ont disparu, employées
comme moëllons par les maçons. Cependant, et bien qu'il '
n'y eut plus possibilité de retrouver le monument intact,
je me fis conduire au point où il avait été découvert. En
moins d'une demi-heure, je retrouvai et vidai la fouille

faite précédemment, qui avait environ 0 m. 90 de diamètl·é
et à peu près antant de profondeur. Je dus ensuite la
remblayer, mais dans cette double opération j'eus, grand
soin d'examiner attentivement les terres remaniées, que je

supposais avoir été en partie extraites de la fouille primitive.
En effet, cet examen me donna quelques petits morceaux
de charbon, un fragment du rehord d'un vase en poterie
. rouge, quelques morceaux de glaise et un très joli grattoir
en silex. Ces quelques objets, malgré leur peu d'importance,
avaient l'avantage de vérifier les déclarations du propriétaire,
qui me remit en outre deux des trois cailloux de quartz qui
entouraient le pot. Le plus gros a grossièrement la forme
d'un parallélipipède et pèse 770 gramnies ; l'autre à une
forme ovoïde et pèse 370 grammes .

Dans une lande voisine~ il a été ramassé pendant le cours
de mes recherches, un m.orceau de roche d'une très grande
dureté, en quartz et grès lustré. Sa forme et quelques
retouches permettent d'y voir un coup de poing. .
L'exploration du monument de Penfoënnec n'a fourni, en

somme, quO un nombee d'objets insignifiant et, par suite,
insuffisant pour déterminer à quelle époque on pourrait faire '
. remonter cette construction . . Cependant cette pauvreté du
mobilier, l'absence de tout objet en métal, les enceintes en
blocage grossier: l'analogie des poteries recueillies, le même

emploi de l'incinération sont autant d'indices qui peuvent
rapprocher le monument de PenfoëTlnec des tumulus voisins
de ~anbl'igl1en, de ~anbroc 'h et de Penbuel (1).

D'autre part, il faut constater que les dispositions de ces
sépultures sont complètement différentes. A l);anbriguen, il
y avait sous le tumulus un cercle de maçonnerie grossière
ou blocage de 6 m. 50 de diamètre extérieur, rappelant le

(!) voit' les Bulletins de la Société Archéologique du Finistère, années
1898, 1899, 19J1.

-'1. ,: LI
C o. 278 !

monument de I};bascat décrit par M.du Chatellier, avec foyers
à l'intérieur et à l'extérieur. A I):anbroc'h, le tumulus recou­
vrait un cercle de 6 m. 50 de diamètre, présentant au Sud-

est une ouverture de 0 m. 70 vers laquelle se dirigeait un
éperon en maçonnerie en forme de rayon venant du Nord­
ouest et se terminant au c.entre; là se trouvait l'urne funé-

raire hrisée. A Penbuel,le tumulus ne recouvrait qll'unè fosse
circulaire ayant 4 m .. 80 de rayon et 0 m. 70 de profondeur:
elle contenaIt plusieurs traces' de foyers d'incinération

considérables; mais la caractérislique de cette fouille était

une accumulation e-xtraordinaire de morceaux de poteries

cassées intentionnellement et paraissant provenir de pots
différents. Il m'a été facile d'en recueillir plus de ~5 kilo­
grammes. ,et beaucoup de plus petits morceaux ont dû m'é-

chapper. Mais aucune reconstruction de vase même partielle
ne m'a été possible.

Pour lestrois monuments dont je viens de parler, les anciens

du pays m'ont dit avoir vu les tumulus bien plus élevés qu'au
moment où je ne leur trouvais plus que 10 à 15 centimètres
de hauteur. Le dernier labourage avait commencé à les
·atteindre, un nouveau passage du soc de la charrue aurait

certainement tout bouleversé et rendu impossible l'étude de
ces monuments. Mais, si on peut avec quelque raison accu-

sel' les progrès de l'agriculture de la destruction de monu-
ments intéressants, il faut reconnaître que quelquefois

comme à Penfoënnec, les défrichements peuvent révéler des
tombes que les constructeurs ~vaient voulu soustraire à la
vue de leurs descendants, ou à leur profanation p~r des

étrangers. , '
VILLIERS DU TERRAGE.

KeTminihy, novembre 1905.

onumen

à PENFOENNEC, eu Ellia

7 7 --- 'z-

PLAN

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(ou/te

Jt{lY~.Izl X Y

357 ' -

DE'UXIEME PARTIE

Table des mémoires et documents publiés en 1905

III

VII
VII bis

VIIl

l'AGES
Excursion dans la commune de Ploujean par
M. LOUIS LE GUENNEC ........ ; . . . . . .. . ... . 3

Vagabonds de Basse-Bretagne au XVIII" Siècle
. par M. l'abbé ANTOINE F AVÉ . .............. . '. M5
Le Prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'Ile Tristan
près de Douarnenez, par M. BOURDÈ DE LA
ROG ERIE ......... " ... ............... ; i8,148, 206

Nou velle décou verte (dé substructions et d'objets
de l'époque romaine) faite à Carhaix par M. P. DU
CHATELLIER . . . ............................ .
Campagne d'Islande sur le Château-Renaud
(1890), extrait du livre de bord de M. le Com-
mandant MARTIN (planche) ................. .
Toponymie de la Montagne d'Arrée par
M. CAMILLE V ALLAUX (carte) ............... .
Note sur l'occupation militaire de l'Armorique
par les Romains (suite) : IS par M. JOURDAN
DE LA P ASSARDlÈRE /3 cartes} ..... , ........ .

Une campagne de huit jours, récit d'un général
et d'armes de la Sénéchaussée de Lesneven en
1766, par M. J'abbt'> ANTOINE FAvÉ ......... ' .
Trois vases en argent découverts à Plovan (Fi-

nistère), par M. P. DU CHATELLIER (planche).
Les chapelles du Cap-Sizun (suite) : La cloche de
Monsieur SaincVrhey, par M. H. LE CARGUET.
Les Eglises et Chapelles du diocèse de Quimper
(suite) ; doyennés de Lesneven et de Plabennec,
par M. le chanoine PEYRON .................
Les peintures de la chapelle de la Madeleine à
Pont-}, Abbé, par 1\1. le chanoine'AsGRALL.. . .. ,

114

124
135

164
169
183
201

XII

XIlI
XIV

Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'île Tristan
(suite: voirN°I), par M. BOURDE DE LA ROGERIE.
Les combattants bretons de la guerre améri-
caine, pa~' M. H. DE KERGUlFFINAN-FuRIc .....
Monument.mégalithique et "Coffret à Penfoënnec
en Elliant, par M. DE VILLIERS DU TERRAGE
PAGES
206

(planche) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
XV La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 280; 346

XVI La misère et les miséreux au Minihy de Léon:
San tee, par M. l'Abbé A. FA vÉ ............ 304

XVII Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de. l'île Tristan
(suite: voir N° 1 et XII), par M. BOURDE DE
LA ROGERIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 330

XVIII La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, (suite,
voir N° XV), par M. J TRÉVÉDY............ .346

FIN

Quimper. ' Imprimerie A. Leprince