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Société Archéologique du Finistère - SAF 1905 tome 32 - Pages 206 à 257
XII
LE PRIEURE DE SAINT-TUTUARN
DE L'ILE TRISTAN
(Suite)
Pour la troisième fois, au mois de mai 1597, les royaux
revinrent assièger l'île Tristan (1) ; les préparatifs furent plus
considérables qu'ils ne l'avaient jamais été. Les garnisons de
Quimper. , Morlaix, Concarneau, Brest, Pont-l'Abbé,Quimperlé
Corlay, Guingamp, Tonquédec, Lannion, Tréguier fournirent
des contingents; les opérations furent dirigées par le Marquis
de Sourdéac, lieutenant au Roi, assisté de Sébastien de Rosma-
dec, baron de Molac et de I}gournadec (2), de I}goumar et de
la Tremblaye, etd'Erlac à la tête d'un régiment de Suisses .
Le siège commença le 20 mai et dura jusqu'au 30 août: les
difficultés auxquelles se heurtaient les assiégeants étaient très
grandes (1 étant l'ennemi dans une place avitaillée de toutes
« provisions . . Or quand il y eut eu devant trente mille
« hommes, qu'ils ~ussent été soutenus, ils n'y eussent rien
« fait, et n'y avait à craindre que la famine ou la trahison,
. « chose à quoi on avait fort bien pourvu. )) Les habitants de .
Quimper firent appel au concours de toute la Basse-Bretagne:
le ' J2 juin ils écrivirent à M.. de Boiséon de Coetnisan,gouver
neur de Morlaix, que l'évêché de Cornouaille était tellement
ruiné qu'il ne pouvait supporter à lui seul les frais
(1) On trouvera les renseignements les plus complets sur le sirge- df,l
1597 dans Moreau Histoire des Guerres ... p. 318-326, et surtout dans Faty,
Comptes des miseul's ... p. 70-83. .
['2) Une intéressante histoire du baron de Maloc, malheureusement
incomplète, consenée à la BibL Nat. (mss. franc. 21.311) date, par une
erreur évidente, le troisième siège de l'lle Tristan de l'année 1595.
207
du siège, aussi avaient-ils délégué pour aller dans les autres
évêchés demander des subsides « certains personnages
notables» auxquels ils suppliaient le gouverneur de ménager
bon accueil et de faciliter leur mission (1). Le 15 juin Sourdéac
ordonna aux gentilshommes de Léon de venir le joindre et
une contribution de guerre fut vers la même époque levée sur
toute la noblesse de cet évêché (2). Tous ces immenses prépa
ratifs furent inutiles: Sourdéac réussit à prendre le château
de ~rou~y à Penmarch: la garnison que La Fontenelle y âv~it
laissée fut passée au fil de l'épée ou pendue (3, ; mais l'île
Tristan résista victorieusement à toutes les attaques .
A la nouvelle que les ligueurs du pays de Vannes se rassem-
blaient pour venir au secours des assiégés, Molac, qui
commandait le blocus depuis le départ de Sourdéac, lé va le
siège à la tête de sept à huit cents hommes: il rencontra
l'ennemi au château de Quimerch en Bannalec et eut à soute nir un sanglant combat.
Cependant vers la fin de 1597 le capitaine de l'île Tristan
interrompit ses expéditions; et au mois de mars 1598, quel ques jours après que le duc de Mercœur se fut soumis à
Henri IV, La Fontenelle par un traité particulier fit la paix.
Il obtint pre'sque toutes les conditions qu'il avait posées; l'in terdiction du culte protestant à Douarnenez et lieux
circonvoisins fut la seule clause d'un intérêt général insérée
dans le 1 raité, les autres articles ne concernaient que les inté-
rêts de l'ancien ligueur qui réclama et obtint la capitai-
nerie et gouvernement de l'île Tristan, la promesse du
collier de l'ordre du Saint-Esprit au premier chapitre
(1) D., Moriee, T. II. p. CCXLII-CCXLIII (suppl ément aux preu\'E.'s).
('2) Hôle de cotisation des gentilshommes de la paroisse de 'l'aulé ex! rait du
rôle général de l'archidiaeoné de Léon suivi d' une lettre de P.de la
Roche à M. de Kermorvan l'i n vi tan t à hà ter le l' CCOU vremcn t de la tilxe
conformément élUX ol'dres de Sourdéae (15 septembre '1507 ; Archi\'es du
Finistère, E. 813). _
(3) Ce combat eut lieu vers le 22 mai (Faty, C omptes d dS miseu/'s ... )
- 208 -' ,
de l'ordre el en attendant le collier de Saint-Michel (il,
la propriété pour lui et sa famille de l'île Tristan, sauf indem
nité au propriétaire du lieu, le 'commandement d'une compa
gnie des ordonnances du roi, le commandement du ban et de
l'arrière-ban .et de deux compagnies de cinquante hommes en
garnison dans 'l'île, la ratification de toutes les levées de deniers
et emports de matériaux qu'avai~ nécessité la construction des
fortifications, enfin l'abolition pour tous les (aits de gueTte
commis depuis le commencement des troubles et une abolition
spéCial~ pour l'enlèvement de Marie Le Chevoir. Le Roi
ajourna ou refusa d'accorder la vice-amirauté de Bretagne ou
le commandement de trois vaisseaux de guerre; il se réserva
de faire examiner les fortifications de l'île avant d'en ordonner
l'achèvement ;enfîn à raison de « l'impuissance et ruine de
ses pauvres sujets » il ne voulut permettre de lever 30.000
écus dans les évêchés de Cornouaille, Léon et Tréguier
comme indemnité des dépenses faites pour la défense de
l'île, notamment lors des trois sièges victorieusement sou
tenus ; il n'autorisa pas non plus les recherches et le
recouvrement de ceriaines sommes que La Fontenelle avait
prétendu leyer dans le pays pour l'entretien de la garnison (2) .
Ce. traité signé à Angers le 8 avril 1598, était l'épiIogu~ du
traité conclu le 26 mars entre le'Roy et Je duc de Mercœur qui,
dans les articles secrets joints au trailé, avait eu soin de stipu
ler que La FOl1tenelle serait compris dans l'amnistie, s'il se
soumettait à Henri IV dans un délai de quinze jours. Parmi
les décisions royales, une seule aurait pu donner à l'ancien
rebelle q uelq ues inquiétudes: l'article par lequel le H.oi se
réservait de faire examiner les fortifications et de décider si
elles seraient continuées. Mais les lettres par lesquelles
(1) Cependu n t le nom de la Fon tenellc ne figure pas da ns la liste des
Chevaliers brelons de Saint· Michel recueillie par le CIC d'Hozier et G. de
Carné (Vannes, 1884, in-S").
(2) Geslin de Bourgogne, Ancie ns Evêcltés, .. T. III p. 352-357 .
209
Henri IV confirma à La Fontenelle le'20 mars le gouvernement
de l'île et lui donna le 26 avril le commandement de 50 hom-
mes d'armes étaient de nature il le rassurer. ' En outre des
formules ordinaires,la chancellerie royale couvrait d'éloges le
révolté à peine' soumis, Rien ne montre mieux à quel degré
de ménagement Henri IV dut descendre à l'égard des ligueurs
même les plus indignes que l'insertion de phrases telles que
celles-ci dans des documents solennels; ( désirant pourveoirà la
( gûde et conservation du fort de Douarnenez et de l'isle
(1 Tristan afin que nos ennemis n'en puissent prévaloir et vou-
( lant pour cet effet en donner la charge à quelque personne
« dont la valeur et la fidélité nous soit congnues, sachant ces
«( qualités estre en vous et que vous vous acquitterez de la dite
({ charge avec le soin et la vigilance requises pour la conser
« vation desdits lieux sous notre' obéissance ... ))(-1)
Le Parlement de Bretagne se prêta d'assez mauvaise grâce
à l'enregistrement des lettres d'abolition d'avril' 1598 : il y
ajouta d'abord une clause qui exceptait les justes droits des
tiers: des lettres de jussion du ' 18 juillet ordonnèrent de
supprimer cette restriction. La Cour cependant accueillit
encore les protestations de Jean Menguy,greffier du Parlement,
et de son beau-père Olivier le Bouzec, seigneur de Languenan,
et renvoya tout le dossier au procureur général (2). Nous
ignorons si satisfaction fut donnée au seigneur de Languenan
(en Plougrescant),qui était sans doute une des victimes de La
Fontenelle lors des premières campagnes en Goello et Pen-
thièvre, mais le Parlement n'abandonna pas son justiciable et,
comme nous le verrons,fut toujours disposé à le traiter avec
une juste rigueur.
La Fontenelle, devenu un des plus notables seigneurs de
Basse-Bretagne,continua à entretenir une solide garnison dans
(I l Moricr, T. V. Co!. lG55-165i.
(l ) ~lorice, Tome V. co!. 1(lf) 1.
BULLETIN ARCHÉOL. DU l~INISTÈRE. -
TOME XXXII (Mémoires) J 4.
le fort de l'île Tristan, il s'entoura de" clients", gentilshommes
jeunes ou peu fortunés apparentés à sa famille, ou à. ceJle de
sa femme,Jean de Rosmar :sieur du Muriou (1 ),Guy le Chevoir,
sieur de la Maison Blanche, ils étaient ses intendants et à l'occa
sion servaient dans les rangs de la garnison. Quant à lui il se
partageait entre le fort et ses manoirs patrimionaux : il fit
rebâtir le château de Trébrient en Plestin et réparer le
manoir de de Coatezlan ; il fit relever les murs, refairé les
portes, les fenêtres, cultiver le jardin, garnir de meubles
les appartements nus. (C Il cherchait tous les moyens de rendre
la vie douce à sa femme; il l'entourait de tendres soins, d'at
tentions · délicates, )) (2) il vérifiait avec un soin méticuleux
les comptes de ses hommes d'affaires; il semble qu'après les
. fatigues de son aventureuse jeunesse, il ait voulu, ..
.. .Plein d'1~sage et raison.
~ïvft entre ses parents le reste de son âge.
La garnison de l'île ne faisait plus parler d'elle; elle ne
vivait plus « sur le pays )), mais son chef lui envoyait des
ports du Goello, tout ce qui lui était nécessaire; Jean de
Rosmar du' Muriou, son receveur de Coatezlan lui expédiait
de l'île Bréhat tantôt '10 tonneaux de froment: tantôt 240 livres
dé beurre. (3)
La quiétude dans laquelle vivaient la garnison de l'île Tristan
et son chef fut subitement troublée; au mois de mars 1600, La
Fontenelle qui se trouvait à l'île Bréhat, nous ne savons pour
quel motif, y fut arrêté par le lieutenant particulier du pré~i-
(1) Jean de Rosmar était un des plus anciens compagnons de la Fonte
nelle; dans un acte du 8 octobre 1595, qui le qualifie de "chevau léger",
il est dit qu'. i1 sert depuis cinq ans sous les ordres de Guy Edel' (acte des
archives de" Côtes-du-Nord cité par Habasque. Notions historiques SUl' le
littoral des' Côtes-du~N01'd, St-Brieuc, 1b31 in-8° Tome J, p. 19'1).
(2) Geslin de Bourgogne, Anciens Evêchés ... Tome II, p: 302-303.
(3) Comptes de la terre de Coatezlan présentés à La Fontenelle par J,
de Ro~mar de 1597 4 1600 (arcnives des Côtes-d\,l-Nord, E. 1633),
dial de Quimper et conduit à la conciergerie de Rennes (1).
Quelques jours plus tard (18 avrilj le Roi lançait une com
mission prescrivant le démantèlement des remparts de l'île
Tristan (2). Il semble que La Fontenelle se flatta d'échapper à
l'exécution des ordres du Roi: sa jeune femme, -qui malgré
les débuts de leur union paraît avoir.eu pour son mari la
plus vive et la plus persistante affection, et sa sœur Margue
rite Eder, demoiselle de l'Ongle, préparèrent . une évasion,
son lieutenant dans l'île Jacquesde Lestel, sieur de La Boulle
refusa de livrer les remparts de l'île avant de s'être justifié (3).
Au conseiller du Parlement qui lui demandait la soumission
de la gai'nison, La Fontenelle répondait par de très vives, et
sans doute peu sincères, protestations de soumission; il de-
mandait à être envoyé sur les lieux et proposait d'écrire à La
Boulle ( voire même de son sang». Mais le Parlement se borna
à prendre de minutieuses précautions pOUl' déjouer toute tenta
tive d'évasion et le 8 juillet désigna pour présirler à la démo
lition des remparts François James, sieur de la Ville Carré,
prévôt des maréchaux, et le conseiller Gilles de Sévigné (4). .
Les commissaires reçurent le 10 août la soumission de La
Boulle auquel ils remirent des lettres royales d'abolition qui
l'absolvaient notamment ( de ce qui fut fait à Pont-Croix par
« mandement ou consen tement du Sr de La Fontenelle en la
« mort et exécution du St' de la Ville Rouault, comme aussi
« de la prise d'un vaisseau de St-Malo .. ~ et recentement en
« ce que lui ayant esté fait commandement de par le Roy, et
(1) Arch. Côtes-du-Nord, E. 1633.
P) Archiv E's d'Ille-et-Vilaine ' C. 2645, Les Etats de Bretagne récla
maient particulièrement la ruine de l'île Tristan. Cesson, Hédé, Québriac;
dès le 22 Mai f ~J98 le Roi leur avait solennellement promis que toutes les
plaCE'S qui avaient été fortifiées depuis le commencement des troubles se
raient démolies.
(1) Bibl. nat. mss. franc . '2'2 , ~11, pièce nn 100, (Lettre de La Boulle).
- ( '1) Hop;lI'ts. La Famille Descades en lh-eta!lne, Association Bretonne,
~es;;ion de 1875, Saint-BrieuC, 1876, in-Sa p. 4'2-4&,
({ depuis en vertu des arrêts de la cour du Parlement à lui
« signifiés, de sortir de la place et fort de Douarnenez, où il
« commandoit soubs le Sr de La Fontenelle, et d'en souffrir
(c la: démolition, il auroit différé d'y satisfaire ... » (1) La:
garnison sOrtit sans opposer de résistance; une montre qui
ne comprend que l'une des compagnies commandées par La
Fontenelle, nous a été conservée; dressée peu de jour après
la capitulation elle est particulièrement intéressante en ce
qu'elle indique le lieu d'origine des soldats:
Premièrement: Jean Renou du pays de Poitou;
Pierre Léon, de Saint-Pol;
Pierre Prévost, de Sain t-Léger;
Josué Moreau, du pays de Sainttonge;
Robert Martin, de Danffront (2) ;
Julien Hervé, de Guérand ; ,
Jean Vivier, de Troit-en-Chalflpagne;
Jean Guerché, du pays d'Anjou;
Guillaume du Chou, de Quintin;
Nicolas Grossart. de Poitou;
Clément Focquet, de Normandie;
Jacques Le Potié, de Normandie;
Nicolas Bavai1l6n, de Bourgogne;
Claude Bryant, de Poitou;
Emenouel, de Paris ;
Bernard Clauson, de Gascogne;
Miguel Ferrer, Appolitain;
Martin de Gannet, du pays du Maine;
Guenardu, de Tremeau en Bretaigne ;
François Roger, de - Saint-Brieu :
Jacques Laguedec, de Pontecroix ;
Guilhaume Le Bart, de Corlay;
(1) D. Morice. T. V. col. 1693. _
('~) Domfront: nous publions les noms tels qu'ils sont écrits dans l'acte
original,
' ,. 213 , '
Jacques Machem (?) (1), sieur de Lanv ... ;
Fisque Penhard, du pays de Suysse ;
Georges Halchou, du pays de Suysse ;
Hans Laal, du pays de Suysse ;
, Esteffebanc, du pays de Suysse ;
Corantin Morvan, de Plonevé ;
Messam Ranjard, du pays d'Anjou;
Yvon Le Chevoir; ,
Pierre Troy t, de Dompmartin ;
François l>bouric, de Langonet ;
Jèan de Lomeau, du pays d'Anjou;
Guyon Bedefer; ,
Le sieur de la Boulaygerie;
Jean Le Bohoe, de Botoha ;
Parquer Le Coe, de Pontlabé ;
Guillaume Le Hélot :
Pierre Le Belee, de Plou névé ;
Jean Herry, de Loguivy;
Jean I>gouet, de Plouargat ;
André Lescontel ;
Gaspard Bieonnet. (2)
On voit que sur quarante-quatre soldats, un tiers seule
ment était breton (3), les suisses, parisiens, gascpns, poite
vins ... qui formaient le reste de la garnison étaient de ces
dangereux routiers qui depuis le commencement des guerres
de religion s'enrolaient indifféremment dans l'un ou l'autre
parti , Lestel de la Boule resta en Bretagne: par son mariage
avec Louise de Rosmar, il y avait d'ailleurs contracté des liens
(1) 'Peut être Madien, famille notable de Pouldergat.
(2) Archives d'Ille et Vilaine, C. 3233.
(3) Une enquête ouverte en i609 au sujet de la succession vacanle de La
Fontenelle, donne les noms de trois de ses anciens compagnons originaires
des environs de la Ville Doré: Olivier Havart, sieur de la LODlluerais, Noël
,JatIrain, demeurant à Langueux, Aimé Regnault, maréchal à Saint-Brieuc,
(Geslin de Bourgogne, Ancitns Evéchés, T. Il p, '30Z·a03).
21 ~ ~.v. ..
ét des intérêts; ses descendants habitèr:mt au XVIIe siècle les
paroisses de Rostrenen et de Botoha. ' , .' ..
Le démantèlement de l'île comhlença aussitôt après la sor-
ie de la garnison, mais il ne fut pas sans soulever des pro-
testations: le 19 août, un sieur Lyminic exposait a~l nom .des
habitants de Douarnenez au procureut ~yndic des Etats de Bre-
tagne que sans en dire la ~'aison ni m' ontre1' ses pouvoirs Ja-
mes de la Ville Carrée les contraignait de payel: « grande
somme de deniers » ; il avait fait conserver la maison du fort
et les canOnt, ce qui faisait craindre aux ~labitant~ du bourg,
'devenus singulièrement ~à':lpçoI1neux, qu'il n'eût l'intention
de s'y fortifier. Des doléances analogues, mais 1!loins explici-
cites furent adressées le 21 aoûtpar Pjerre A-uqreut,. procu-
reur syndic de Quimper, Un mois, plus tard les murs subsis-
taient encore en partie; cependant le 3 octobre les Etats de
Bretagne votèrent 1.700 écus --- somn~e rel~tivement très
considérable pour acquitter les frais du démantèlement .. (1 ) .
La Fontenelle s'était prêté d'assez mauvaise grâce à l'exé-
cution des ordres de Henri IV, qui étaient, on doit le recbn-
naître, absolument contraires aux termes du traité de paix
de mars 1598; il reçut cependant de nouvelles, lettres d'abo-
lition le 10 août, en même temps que la Boulle, auquel il ne
pardonna pas sa trop rapide soumission (2). Que . devint
Pancien chef dépossédé de sa capitainerie et go~vernement,
en butte aux réclamations des parents de ses victimes et
à l'animosité du Parlement'? Il semble bien qu'il sortit pour
quelque temps des prisons de Rennes, . mais dès le mois de
septembre ou le mois d'octobre, il fut de nouveau emprisonné
par ordre du maréchal de Brissac (3). Remis de nouveau en
(1) Archives d'Ille et Vilaine. 2.G~5, 2..906, 3.2:32, 32.33, 3740. Cette
somme avait été avancée par les conseillers LOflysel et Sévigné.
(2) Geslin de Bourgogne, Anciens Evêchés. T. II.
(3) Moric~. T. V, col. 1693. On tl'ouYe aux archives cI'Ille-et-Vilaine (C.
3~31) le procès-vèrbal de la démolition des remparts dressé le 24· Août, en
liberté au mois de juillet 1ôOl, il rentra à son manoir dé
coatezlari, mais un an plus tard (1~ juillet 1602) il fut de
nouveau arrêté par Budes de Hirel, remis au comte de Boi
séon (i) conduit à Rennes, puis à Paris; 'il s'était, paraît-il,
compromis dans la conspiration du maréchal de Biron; ce fut
une occasion de faire revivre contre lui les accusations non
couvertes par les lettres d'abolition du 8 août 1~98 et du
10 août 1600. Condamné à mort, La Fontenelle fut le 27 sep
tembre roué en place de Grève. Il avait environ vingt-huit
ans. La tête du condamné fut envoyée à Rennes et placée . sur
la porte Toussaint d'où des amis dévoués l'enlevèrent le
8 décembre, peut-être à l'instigation de sa femme (2). . '
Le silence pour quelques années se fit sur le nom
de l'ïle Tristan, mais le souvenir des brigands qui l'habitèrent
et de leur terrible chef ne s'est point effacé; de nos jours les
habitants du Cap-Sizun parlent encore de La Fontenelle: ils
ra('ontent qu'au château de Lezoualch, qu'il pilla, subsiste
encore un trésor, mais gardé par une couleuvre et un .coq:
et à Plogoff et à Cléden, lorsqu'un enfant se montre parlicu-
tièrement indocile et méchant on dit qu'il descend de La Fon-
tenelle (( Rac Fontanella ! )). (3) _
présence d'Isaac Loaysel, président du parlement un ordre donné le:H
Septembre par le comte de Brissac à Salomon Ruffelel, ~enéchal de Saint-.
Brieuc, de vérifier les cautions présentées par La Fontenelle pour une
somme de 31).000 livres enfin un arrêt iu Parlement du '1.7 Octobre
preserivant de conduire Guy Eder à l'Ile Tristan pour molenner l'exécution
des ordres de Sa Majesté ~à cette date cepe ndant la pluce avait été mise
hors d'état de nUÎl'e).
(1) Commission donnée le 16 Août 160'1. par le comte de . Brissac à M. de
Boiséon de Coetnisan, gouverneur de Morlaix, pour se saisir de La Fonte
nelle (D. Morice, T. II, p. CCXLIII).
('2) Registres secrets du Parlement, g Novembre 1602, cités par Carré,
le Padement de 81'etagne ap1'ès la Ligue, Paris, 1880, in-8°, p. 494. ' .
(3) Renseignement transmis pat· M. H. Le Carguet. On trouve dans
le R-\RZAZ BREIZ un chant consacl'é à La Fontenelle qui est certainement
apocryphe. Le « chant des soldats de Fontenelle 11 recueiIlipar M. de
Penguern (analy~é par Geslin de Bourgogne, Anciens Evêchés. T. II p. '303)
Les remparts en ruine n'inquiètèrent plus les habitants de
Douarnenez jusqu'à la fin du règne glorieux de Henri IV : on
ne trouve plus le- nom de l'He Tristan que dans les documents
relatifs au rôle néfaste que la place avait joué pendant les
années précédentes: vote en '1603 'par les Etats de Bretagne
de 3.000 livres pour achever de payer le démantèlement (1),
procès soutenu de H598 à 1603 par des marchands de Quimper
et d'Auray, ex-ligueurs, contre Yves Michel de I~venny, juge
royal à Brest, qui, en H597, 'avait autorisé le marquis de
Sourdéac à employer un navire leur appartenant au troisième
siège de l'île Tristan, ('2) remise en 1604 par arrêt du Conseil
aux habitants d'une partie de la Cornouaille de l'arriéré des
impôts royaux jusqu'en 1604' et décharge des deux tiers des
dimes pour les années 1604, 1605, '1606lce document par
ticulièrement intéressant évalue à la . somme énorme de
500.000 écus, les levées de deniers faites par La Fontenelle) (3)
Grâce au gouvernement réparateur de Henri IV, les ruines
causées par les guerres civIles furent en partie réparées. En
1606 le prièur commendataire dé Saint-Tutuarn réussissait
à affermer 240 livres les revenus de son prieuré. Mais le crime
du 14 mai 1610 fut le signal d'une nouvelle période de troubles;
dès le 27 Mai des lettres patentes interdirent de lèver des
hommes d'armes où d'établit' des fortifications, sans auto
risation du Roi; l'inquiétude était cependant si générale que
toutes les villes, notamment Morlaix, Quimper, Rennes, firent ,
est également une composition toute model'l1e.
(1) Arch. d'Ille-et-Vilaine C.
(2) Un al'rêt du conseil du 11 Février 1603 déchargea le juge de toutes
poursuites. (Arch.d'Ille-et-Vilaine, C. 3755-3756)
(3)' Bibl. Nal. mss. franç. 2'2.311. Ce document a été publié par A.
de Barthélemy dans Documents pour servir à l'histoi1'e de la Ligue ... et
analysé par E. du Crest de Villeneuve dans le Bull. dfJ la Soc. archéol. du
Finistère, T. XX V II (1900) p. 97-105.
reparer leurs remparts. En 16'13 la régente permit à Jacques
de Nevet, nommé gouverneur de l'île Tristan de relever les
murs renversés en 1600 .
Seigneur de Nevet, de Lezargant, de Pouldavid, de
~daoulas, gouverneur du Faou, chevalier de l'ordre de Saint-
Michel, Nevet était un des plus riches gentilshommes de
Cornouaille; il était protestant et apparenté ou allié à toutes
les familles. qui avaient combattu la Ligue en Basse-Bretagne,
les Guengat, les d'Acigné, les du Quelennec, les du Liscoet ;
il choisit comme lieutenant à 1'11e Tristan Jacques du Faou,
seigneur du LDgan, issu d'une branche protestante de la
grande maison du Faou. Les opinions de J. de Nevet et celles
des personnages dont il s'entourait ne pouvaient que le rendre .
très suspect aux habitants des villes voisines si dévoués au
catholicisme: les·Q uimpérois en particulier avaient de bonnes .
raisons de se rappeler les désastres causés par les guerres de
religion; les registres des délibérations municipales de 16'14
e~ 16H> apprennent que la ville n'avait pas · encore achevé
de rembourser les sommes assez importantes empruntées à
l'occasion des sièges de Penmarc'h et de. l'île Tristan. Ils
furent fort effrayés de voir rétablir une forteresse qui, quinze
ans auparavant leur avait. procuré tant de tracas et tant
d'alarmes. Ils furent d'autant plus émus que la situation sans
être aussi grave qu'elle l'avait été à l'époque des guerres de
religion-était cependant singulièr~ment troublée, si troublée
qu'il était fort difficile a ux paisibles bourgeois de connaître
quel était leur devoir ou tout au moins leur intérêt. Ainsi le
20 avril '1614, Jacques de Nevet les avertissait de faire bonne
garde (1) et le lendemain (21 avril) M. de Carné, gouverneur
(1) Tout ce que nous écrivons au sujet des rapports entre le gouverneul'
de l'île Trislan, Carné, Sourdéac elles habilanls de Quimper est emprunté.
au registre renfermant les délibérations communales du 30 janvier au 4
décembre 16'14 (Arch. du Finistère E. 1508) .
-- 248
de la ville (1), leur communiquait une lettre de René de Rieux,
marquis de Sourdéac, lieutenant pour Sa Majesté en Basse
Bretagne, prescrivant de réunir tout ce qu'il fallait pOUl' a Ile L'
bloquer Jacques de Nevet dans l'île Tristan. Assez embar-
rassés,les bourgeois envoyèrent des espions au Bois du Duc
examiner si des gens de guerre ne faisaient pas d'incursions
en dehors de l'île. Les renseignements furent sans doute peu
rassurants car on décida de refuser toute assistance à Sourdéac.
Cette résolution parut après réflexion trop catégorique et com
promettante f~t trois jours plus tard, sur de nouvelles lettres
de MM. de Sourdéac et du Poulpry le corps de ville n'osa renou
veler son refus, mais se déroba derrière une question de forme:
les lettres avaient été adressées à M. M. du Président et non
à la communauté (24 avril). Le mois suivant c'était en faveur
de la garnison que l'on faisait appel à leur courage ouà leur
générosité. Le 1'1 mai M. de Loucey, exempt des gardes de
la Reine, résidant à l'île en vertu d'une commission royale,
réclamait au gouverneur et aux bourgeois des munitions .
A près avoir essayé de ne pas répondre les habitant.s envoyè- _
rent deux d'entre eux Jean Capitaine et Jacques Larcher con-
fèrer avec Loucey. Les délégués supplièrent en vain l'exempt
d'admettre les moyens d'excuse de la ville, c'est-à-dire sa pau
vreté, ses dettes, la nécessité de défendre ses propres murail
les; Loucey demanda une réponse écrite. Les membres de
la communauté étaient assez embarrassés pour la formuler
lorsque l'un d'entre eux, Yves Furie, proposa une solution
provisoire qui fut adoptée: le Roy serait supplié de faire
démolir la fortification de l'île. De la part des Quimpérois
cette proposition était assez logique puisqu'ils ne voulaient ni
attaquer le fort ni le défendre ('14 mai). Les Etats de Bre
tagne da ns leur session de juin s'associèrent à ce vœu, et le Roi
(1) Jean, sire et baron de Carné, nommé gouverneur de Quimper-Coren
tin par provisions du 12 février 1610, n'habitait pas r.eLLe ville, mais
résidait au château de Coëtcanton, en Melgven.
y déféra le 22 août en ordonnant de raser les fortifications
élevées dans l'île (1). Cet ordre resta lettre morte et NeveL à la
tête de 100 hommes d'armes continua d'occuper la petite
citadelle rebâtie à ses frais, (2; prétendait-il, aux frais des pay
sans, affirmaient les membres des Etals. Son autorité s'éten-
dit. même en HH4 et 16iG sur les paroisses voisines et sur une
partie de l'évêché, mais il nous est impossible de relater de
façon précise l'histoire de l'Ile pendant les deux ou trois
années qui suivirent. Les historiens du règne de Louis XIII
renoncent ordinairement à narrer les fastidieuses intrigues qui
pendant les premières année~ de la régence, divisèrent la cour
entre Concini, Condé, les Vendômes ... le contre-coup des suc cès ou des revers des factions rivales se faisait sen tir de
façon plus ou moins confuse jusque dans l es provinces les
plus éloignées; le caprice des passagères alliances des chefs
de partis plaçait pour quelque temps dans le même camp
les adversaires de la veille: Nevet et Sourdéac furent ainsi
alternativement amis et ennemis. En Bretagne, la situation
était rendue encore plus compliquée par j'intervention des
Etats,qui répétaient de monotones doléances,et par celle du
Parlemènt qui semble s'être flatlé de rétablir la paix en mulLi-
pliant les rappels à l'observation des lois: ordre de démolir
des fortificalions illégalement construites (tO mars t614),
ordre aux gens de guerre de vider la province (2Q juin),
poursuites contre quelques soldats ou gentilshommes
. pillards (février 1616) (3). De son côté le Roi ne cessait
(1) Archives d'Ille-et Vilaine, C. 2648.
(2) Le 26 août 1614 J . d~ Nevet nomma un procureur pour toucher 3.500
livres destinées à subvenir à l'enlretien des fortifications et au payement de
GO hommes d'armes; cette somme devait" lui donner le moyen . de faire
le licenciement (de la garnison) après la réduction de Blavet en l'obéissance
de S. M." (Bibl. Nat. mss. franc. ~2.34'3, fu 265 cité par Carné, Chevalie1's
brelons de ,')'aint-Michel. p.269-270).
(3) Voir C. de la Lande de Calan, La défense des côtes de n1'etayne
au,x XVIe el XVII- S. Vannes, 1892,8" p. 12 ct suiv. : actes du Parlement
des 10 et 17 mars, 2::; juin, 8 août 16 1 4, 2G février et 15 mars 1616, etc.
. 220-
de lancer dans le même but des édits et lettres patentes ('1).
Le 28 septembre 161;) le Roi écrivit de Poitiers à J. de
Nevet une lettre dont nous ne connaissons pas le texte mais
qui très vraisemblablement le maintenait en possession du
commandement de l'l1e Tristan et l'autorisait à demander 0
des secours aux paroisses voisines. Cette lettre fut comm'uni-
quée aux habitants de Quimper le 13 octobre, mais dès le
lendemain leur gouverneur Carné leur adressa des ordres qui
contredisaient ceux du Roi: il annonçait l'intention de s'em-
parer de l'ile Tristan. Avec un empressement très rare chez
eux, et qui d'ailleurs s'attiédit très vite, les habitants décidè
rent d'assister leur gouverneur de tel nombre d'hommes qu'il
le demanderait.
. Le jour suivant (' J4 octobre) ils n'étaient plus dans les mê
mes sentiments: ils déniaient tout secours pécuniaire et refu-
saient de s'armer avant d'avoir reçu des instructions du
marquis d' e Sourdéac. Sur ces entrefaites un arrêt du Conseil 0
du Roi interdit de continuer les fortifications de l'île (17 octo- .
bre) 1 2) ; cet actA qui parvint à Quimper dans les derniers
jours du mois aurait dÛ. décider les habitants à déférer aux
ordres de leur gouverneur, M. de Carné, mais le 2 noyembre
/ en l'assemblée de la communauté de ville, le Mi~ de Sourdéac
vint déclarêr (1 qu'il s'était rendu en cette ville sur l'avi" qu'il
(c auroit reçu que le Sr de Nevet s'estoit tendu en l'isle Tris-
(c tan et fort de Douarnenez pour y apporter l'ordre à ce
« requis ... et y apportant ledit ordre avait ordonné 50 hom
({ mes de la communauté de ce pays pour assister ledit
(c Sr de Nevet à la conservation 0 de ladite isle jusques à ce
(1) Ces actes orllonnaient ordinairement de licencier les gens de guerre
et défendaient de se réunir en plus grande troupe que dix hommes à peine
d'être puni comme désobéissant et rerturbateur du repos public. (Décla
rations des 15 Avril 1615, 18 Juillet, 16 et 22 Novembre Hi16, 16 ~lars el
25 Août 1'317).
(2) Cité dans les" Humbles remontrances" du 25 septembre 1617
(Ct'. int'ra) .
22, 1 -- '
« que S. M. en ait autrement pourvu )), il concluait en fixant
à douze hommes le contingent que la ville de\'ait fournir
chaque semaine à la garnison de l'île. Ainsi par un revire-
ment inattendu les habitants de Quimper étaient invités à
traiter en ami J. de N eyet que le mois précéden t les lettres
de leur gouverneur leur désignaient comme suspect. Mais ils
avaient cherché, et réussi, à ne pas l'attaquer, ils s'efforcèrent
avec non moins de zèle de ne pas être forcés de le secou l'il' .Ils em
ployèrent tous les moyens dilatoires qu'ils purent imaginer
pour empêcher ou retarder l'exécution des nouveaux ordres,
cependant si explicites, qui leur étaient adressés: les do-
léances présentées au marquis de Soul'déac et à son fils le
marquis d'Oixant du 4 au '12 novembre insistèrent longue
ment sur leur pauvreté, sur les dangers que ferait courir à
la cité l'absence des citoyens (au nombre da douze!) employés à
la défense de l'île. Leurs requêtes ayant été assez mal
accueillies ils demandèrent à leur évêque d'aller entretenÎl'
le Roi de la question de l'île Tristan; M g:' Guillaume Le
Prestre de Lézonnet accepta en vertu d'un acte transcrit
SUI' le registre des délibérations qui lui assurait 900
livres pour les frais de sùn voyage, mais sans g 'arantie pour
le cas où en cours de route il serait fait prisonnier et rançonné.
Nous ne connaissons pas le détail des angoisses des habitants
de Quimper après le mois de décembre 161ti les registres
des délibérations de 1616 à 163~ ont disparu . mais il est
certain qu'ils réussirent à échapper à l'exécut.ion des ordres
de Sourdéac : s'ils avaient été contraints, de fournir des
subsides ou des hommes à la garni~on de l'île TFistan ils
n'auraient pas manqué de rappeler leurs dépenses ou leurs
fatigue~ dans les longues doléances du 25 septembre H5t7
dont nous parlerons bientôt. '
Jacques de Nevet resta en possession de l'île: il reçut
même en 1616 de nouvelles commissionq qui lui permirent de
lever dans l'évêché de Cornouaille 6.'180 livres pour l'en-
222
tretien de cent hommes de pied (1) mais le peu de succès en
Basse-Bretagne des intrigues des adversaires de Marie de
Médicis rendait de plus en plus anormale l'existence d'une
place forte et d'une garnison dans une région où l'autorité
royale ne . connaissait pas de rebelles. La mort tragique de
Jacques de NeveL assassiné à Rennes le 28 octobre 1616 par
son cousin ThotI:as de Gu~madauc, gouverneur de Fougères,
déconcerta les partisans intéressés de la conservation
des remparts. Le ~ novembre les Etats rappelèrent au Roi
qu'il avait ordonné ( en 1614) la démolition de Douarnenez,
Blavet, Saint-Mars-la-Jaille, Ranrouet et cependant ces
place~ n'avaient pas été rasées; plusieurs tnême avaient été
réparées ou augmenlées. La réponse royale fuL un peu
sèche « S. M. ordonnera touchant la démolition desdites
« places ce qu'elle connoistra être requis 'pour le bien de son
« service et sécurité du pa ys)) (2), Mais peu de temps après
des comrrissaires furent nommés pour examiner les nouvelles
fortifications établies en Bretagne: l'un d'eux, le maître
des requêtes au Parlement de Paris, Michel le .Bailleul (3)
arri va à Quim per le 25 septembre '1617 et reçu t les
« humbles remontrances du clergé de Cornouaille, des gens
/ tenant le Présidial et de la Communauté de villes signées pal'
P. Briant., archidiacre de Cornouaille, M. Rouillé, syndic du
clergé, R. Mocam, magistrat criminel, Charles L'Honoré, lieu
tenant particulier, F. L'Honoré et Jacques Jaurrguy, con
seillers, Jean Beaujoan, procureur du Roi au Présidial, Y .
(1) Archives d'Ille .et· Vilaine, C. 3'232.
(2) Les bourgeois de Morlaix qui paraissent avoir été plus dévoués au
sel'Vice du Roi Que ceux de Quimper, allèrent en 1616, sous le commande
. ment de leur gouverneur 1\1 . de Boiséon, assiéger Primel qu'occupait un
parti ennemi. Ils bloquèrent lé château par terre et par mer et fOl'cèrenl
l'ennemi à décamper (Daumesnil, Histoi1'e de Morlaix, p. 89),
(3) Michel Le Bailleul ou cie Bailleul, seIgneur de Soisy, conseiller .au
Parlement de Paris en 1608, maître des requêtes en '!G15, président ~
mortier en 1G'27, surintendant de~ finances en 1643, mort en 1653;'
" 223 -,
Furie, Guégant, L'Honoré, Le Baud, Du Stancq, - anciens
syndics ou syndics de la ville (t). Ces remontrances, fort bien
rédigées, rappelaient le souvenir néfaste de La Fontenelle;
le fort qu'il avait bâti et que Henri le Grand avait fait abattre
n'aurait pu être rétabli dans son état ancien à moins d'une
dépense de 300.000 écus; les remparts élevés par Nevet
étaient moins importants mais avaient été faits « t'l la foulle
et oppression » du pays, ]a garnison qu'il avait réunie était
composée de gens suspects, on y trouvait mème des indidclus
accusés de meurtre, enfin en dépit des doléances des Etats et cie
l'arrêt du Conseil du 17 octobre '1615 J. de Nevet n'avait pas
interrompu ses travaux, et depuis sa mort ses soldats conti
nuaient à piller le pays. N. de Bailleul 'accepta la requête des
habitants de Quimper; deux mois plus tard (17 novembre),'
les Etats renouvelèrent la demande de démantèlement (2) :
le Roi, enfin, y fit droit par l'arrêt du Conseil au 16 avril
1618 (3), par la déclaration du 11 juin et par les lettres pa
tentes du 11 septembre suivant qui ordonnaient de démanteler
l'lie Tristan,mais attribuaient aux héritiers Nevet une indem
nité de '18.000 livres et '12 000 livres à J. du Faou de Logan .
Le Parlement ne se décida à enregistrer cette clause que
Ir. 11 janvier 1619 (4). Le procès-verbal du démantèlement
tantde fois réclamé si longtemps attendu fut dressé le ' 14 Mai
'16'19 par René Mocam, sénéchal de Cornouaille, il rellferme
une description du fort,malheureusement peu précise: on voit
cepandant qu'il avait été élevé sur l'îlp des ouvrages assez in,
portants: il est question de deux bastions édifiés en tête de la
(1) Archives du Finistère, H. '201.
("2) Archives d'Ille-et-Vilaine C. 204g
(3) Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 3' 2:10.
(1) Archives d'Ule·et-Vilaine, C. '2755, 3~31 el Archives du Finistère,
H. '201. Les magistrats du présidial de Quimpel' furent désignés pour diri-
ger le démantèlement. Les lettres du 16 seplembre l UIN, enregistrées le 11
janvier 1619 ont été publiées par ;vI. J. Trévédy dans A 1J1'opoS ria Clt âtca/?
cfe Rqnr'ouet, (l:levu,e hislorique de l'Oues~, Vanpes, 1888),
224
place qui était flanquée de six éperons et comprenait deux
pla te-formes avec leurs « para peaux ». Lorsque les commis
saires du Parlement se présentèrent, l'artillerie comprenait
treize canons en fer placés au circuit de la place, .six canons
placés dans l'jntérieur de la citadelle, deux tire-bourres et
une « cargouer » à canon, huit arquebusés à mèche, un grand
mousquet et cinquante mousquets ordinaires, et cinq vieilles
cuirasses; un habit complet de gendarme appartenant au feu
baroh de Nevet se trouvait encore au fort (1).
Le second fort de l'île Tristan, reconstruit vers 1613, dé-
moli en 16'19, n'avait pas duré plus longtemps que l'impre-
nable forteresse. de La Fontenelle, mais il était à peine ren
versé et les États de Bretagne n'avaient pas encore achevé de
payer le second déman tèlement que pour la troisième fois en
trente ans un nouveau fort était reconstruit sur l'île. Il est
permis de supposer que la copieuse indemnité accordée pal'
le Roi en '1618 aux héritiers de Jacques de Nevet contribua
à décider le gouverneur de Concarneau à aller à son. tour
fortifier l'île Tristan . .Emmanuel-Philibert de la Béraudière,
seigneur de l'Isle-Rouhet, etc., chevalier des ordres du Roi,
gentilhomme ordinaire d'e sa chambre et son consriller
en ses conseils d'Etat et privé, avait été nommé gouver-
neur de Concarneau en '1621, en remplacement de François
de Lézonnet (3). Conlme tous les commandants des places
(1) Archh'es d'Ille· et-Vila ine, C. 3232 .
(2) A peine délivrés des ennuis que leur causnit l'île Tristan, les habitants
de Quimper eurent ft s'occuper de Concnr-neau. Le gouverneur de celle ville,
F. Le Prestre de Lezonnet, était suspect aux Ven dômes. La yille fut prise et
la garnison dispersée au mois de juillet1619, (Trévédy: li~ sièqe rte Concr..l' ncau délns lJ1érn. de la Soc. archéol. du Finislàe, T. XIX) les Quimpérois
se vantèrent d'avoir spontanément pris part au sif'ge: le fait parait sUl'pre nant quand on se rappelle l'obstination qu'ils mirent de 1614 à 1616 à
refmer de s'éloigner clè leurs rempnrts.
(3) Emmanuel-Phili))ert cie la Béraudièl'e était issu d'une branche cadetle
cJ'une très ancienne famille poitevine veuf de Françoise Taveau de Mortemer
il se remaria à une bretonne Jeanne cie Tournemine, héritière de la vicon1té
de Lescoet Coetmeur, (en Plouguin)
225
fortes de Bretagne il avait autorité non seulement sur la ville,
siège de son goüvernement, mais sur les régions voisines. En
1622, on le trouve installé à l 'île Tristan sous prétexte de
défendre la province contre une attaque possible des hugue-
nots dont les corsaires, armés à La Rochelle, venaient croiser
jusqu'à hauteur du Conquet (1); les Etats de Bretagne adressè
rent une plainte au Roi, qui , le 14 novembre 1622, manda
d'Aix à L'Isle Rouet d'évacuer immédiatement l'île et de ne pas
s'opposer à la complète démolition des remparts: « Cette
« place est du tout inutile, écrivait le Roi, maintenant que
(( j'ay donné la paix à mes sujets de la Beligion prétendue .
« réformée » (2) La paix ne fut pas de longue durée; une '
tentative d'espionnage constatée à Douarnenez parut se ratta
cher aux intrigues des protestants (3). · Le 5 janvier 1620,
L'Isle Rouet fut autorisé à rétablir toutes les fortifications
qu'il jugerait nécessaires, non pas pour faire de l'île Tristan
une place forte, mais du moins pour la mettre à l'abri d'un coup
de main. Il s'empressa de quitter Paris pour aller met
tre cette commission à exécution et trouva toute la Bretagne
occupée de la surprise de Blavet par le prince de Soubjse .
On sait que le 17 janvier 1620, le prince, commandant
quelques navires rochelais, entra dans ce port: il en sor
tit le 30 cédant à des forces infiniment supérieures, car
de Morlaix à Rennes le ban et l'arrière-ban et les milices
bourgeoises avaient été convoqués pour Je combattre, mais il
(l) Le 28 septembre 1622,le Parlement de Bretagne enjoignit aux habitants
de la côte de s'assembler pour résister aux descentes ennemies. (Co de
Calan. La défense des côtes de Bl·e/aune ... ). Celte même année jJi22 , les
Rochelais avaient pris Royan et les Sables d'Olonnes et avaient armé des
corsaires pour aller croiser "ers.le Conquet afin d'empêcher la jonction des
flotles royales (Délibérations de la ville de la Rochelle, E.18).
(~) Arch. d'me et-Vilaine. C. 3~32.
(3) 1/. On a depuis peu pris les longueurs, largeurs et hauteurs (de l'Ile
Tristan), ce qui ne peut être qu'à dessein de s'y loger et fortifier pour trou
bler le repos de' nos bons et fidèles sujets. rCommission du Roi à L'Jsle
Rouet,)
. ' 226 --
emmena ou coula les plus beaux vaisseaux de la flotte royale .
On redoubla de vigilance sur tous les points de la côte suscep
tibles d'être attaqués.La noblesse du Léon se groupa spontané
ment autour de. François de l)groadès, baron de I}lech~ et
pendant six mois entretint une garnison de cent hommes dans
la presqu'île de I~morvan, près du Conquet (1). La Bérau-
dière communiqua l'ordre do Roi dont il était porteur aux
ducs de Brissac et de Vendôme et au premier président du
Parlement, mais négligea de le faire enregistrer, passa à Con
carneau dont il vérifia les moyens de défense et laissa le com-
mandement à son fils, et après avoir reçu une lettre du duc
de Vendôme (19 janvier) qui lui mandait d'exécuter sa com-
mission demanda aux magistrats de Quimper de l'aider à faire
établir les fortifications. Le sénéchal et le procureur s'y .refu
sèrent et La Béraudière dût envoyer des mandements en son
nom à toutes les paroisses du pays leur prescrivant de venir
travailler à Douarnenez (2). Si l'on en croit une requête pré-
\ sentée au Roi par les Etats de Bretagne, la nouvelle que l'île
Tristan allait être de nouveau fortifiée, provoqua dans les '
environs un véritable exode: « la moitié du peuple des envi-
« rons de ladite Isle s'en est entièrement retiré et tout ce car
« tier demeurera entièrement désert si le travail de la forti-·
« fication continue: ce qui tournera à l'entière ruyne dudit
« évesché (de Cornouaille) et par contre coup à celle des
« affaires de votre Majesté quy ne pourra lever ni recueillir
({ ses droits et debvoirs en un pay5 désert et inhabité. »)
(1) Delécluse, Défense de L'île du Conquet en 1625, dans Mémoires de
la Société Acad. de IJrest, 2' Série, Tome IX, 1884, p. 127-15'2. En 16~6
les Etats de Bretagne donnèrent 4,000 livres à Kerlech pour l'indemniser
de ses dépenses .(Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. '2.7tH). Les villes de Quimper
et de Concarneau fournirent plusieurs canons aux troupes envoyées
à Blavet; elles eurent de la peine à se· les faire restituer. (Archives
d'Ille-et-Vilaine, Etats de Bretagne).
('2) Nous résu mons ici la réponse faite le 12 mars par L'Isle Houel a
l'huissier chargé de lui signifier l'arrêt du 4 mars (Arch. d'Ille-et-Vilaine,
C. a.232)
D'après le gouverneur, au ·contraire, « le peuple vint tra
«vailler avec allégresse sans aucune contrainte ) ) et, grâce à
l'intervention de Rougeart de Locquéran, chevau-léger de la
garde du Roi et capitaine garde côte les habitants d'Audierne
et des paroisses du Cap-Sizun fournirent sans difficulté une
garnison de quarante hommes. Mais l'évêque de Quimpet
Guillaume Le Prestre de Lézonnet, fort mal disposé poilr
L'Isle Rouet qui avait remplacé son frère dans le gouverne-
ment de Concarneau, et les ~TIagistrats du présidial René
Mocam, sénéchal, et Jean Beaujoan, procureur, réussirent
à entraver puis à arrêter les travaux: des plaintes furent
adressées au Parlement et aux Etats; elles rappelaient que
la place avait été « démolie à la sueur du peuple voi-
r;. sin qui pen soit avoir arresté la fin de ses malheurs
« et affranchy son labourage des corvées et exactions
« iniques et insu portables de ladite fortification et démolition,
« mais que l'ambition dudit sieur de l'Isle qui n'a point de '
« borne a fait renaistre ses anciens desseins et rebourgeonner
« ses entreprises pour fortifier ' ladite place à l'opression,
« foulIe et ruisne des subjectz de sa MajesLé. )) Le Parlement
par deux , arrêts des 4 et 12 mars et le conseil du Roy par un
arrêt du 30 juillet 1625 ordonnèrent ' de démolir la nouvelle ·
fortification. Des procès-verbaux dressés au mois d'avril par
François d'Andigné de Carmargaro, conseiller au Parlement,
(J let au mois de septembre par Christophe Fouquet de Chalain,
procureur général, montrent que les nouveaux remparls, ou
plus exactement sans doute les réparations faites aux ruines de
la forteresse de la Fontenelle et de Nevet avaient fait de l'Ile
Tristan ' une place forte assez importante. F. d'Andigné, le Q
août, accompagné du sieur de Loquèran, se rendit à 1 île et
l( pour ce faire, déclare le procès-verbal. avons traversé à pied
(1) Le dossier conservé aux Archives d'I llc·et-Vilaine (C .. 1231-3131 ) ne
ren rerme plus le cahiel' on nvaient été transcrits les lémoignnges receuilis
pari". d' Andigl1é. '
-' 228 -'
sec une grève c mtenant environ quatorze ou quinze
cents pas de long entre les terres et avons vu à l'en
trée de ladiête isle une grande terrasse revestue de pierre
eslevée de quelque 20 pieds de hault et large de 15 à - 16 pieds
au ·plus, par le bout de laquelle on monte au-dessus par ung
petit rocher pour entrer en une maison de pierrp. qui sert d'en
trée et de portal audit fort, et avons veu que depuis ledit portal
toute la teste du fort et un bastion carré au coin à main droite
en entrant sont revestus de pierre à haulteur de plus· de 20
pieds et qu'il y a partie d'un parapet fait de gazon au dessus
vers ledit portal et:du costé gauche, ladite teste du fort et aultres
bastions relevés et faits de terre a pareille ou plus grande
haulteur, une grande et forte palissade de chesneteaux au
dessus et ung parapet de gazon aux deux dits costés de la por
te, et entre deux grandes plate formes au dedans des retran
chements comançans près ladite porte qui costoient lesdites
plates formes et une aultre teste et antrée commencée à relever
de terre au dedans dudit fort; et tout le reste de la dite isle,
contenant environ 1800 pdS de tour, circuité et environné de
bastions, redoubles et demie lunes de terres a vecques leurs
parapets de gazon bien percés et flancqués, desquels mes mes
.y a partie revestus de pierre vers le bourg de Locrenan ; et
au dedans de ladite isle une maison consistante en deux corps
de petits logis, ung desquels est couvert d'ardoises, et consiste
en une salle et une chapelle au bout, avecquesune court close
de murailles el dix ou onze autres petites cabanes et. maison
nettes, partie de pierre, servant à la retraite et corps de garde
des soldats. Nous a aussi ledit sr de l'Isle monstré au hault
et extrémité de ladite isle, un lieu hault eslevé commandant à
touLe la coste et la baie qu'il nous a dit s'appeler le Donjon,
et qu'il n'y avoit encore voulu faire nul batiment, ensemble
deux puits et une fontaine, deux petits canons de fer sur
lesdites plates formes à l'entrée du fort et quantité de gentils-
hommes et de soldats qu'il nous a dit estre juesques au nombre
229 -
de deux cent et que il les tenoit ordina'ïreinent pour 'la garde
de ladite isle, et nous voulant retirer avons veu ladite grève
par laquelle nous avions entré a pied sec toute couverte de
mer, en sorte que pOUI en sortir aurions esté contrainct nous
mettre en batteaux et nous ont lesdits sieurs de l'Isle, de Loc- '
quéran et plusieurs autres dict que d'ordinaire la mer se retire
plus tost du coslé du fort que de la terre et que ladite grève
avoit plus de 200 pas de découvert vers ladite isle que la mer
estoit encore à flot contre la terre .... ~ (1).
En même temps qu'ils examinaient l'état des fortifications,
F. d'Andigné et C. Fouquet de Chalain s'enquéraient des
moyens employés par La Béraudière de l'Isle Rouet pour les
faire construire; Jean Moreau, recteur de Beuzec, Jacques
arichet, recteur de Lahaban, et les procureurs terriens des
paroisses, déclarèrent que l'Ile Rouet avait convoqué les pay
sans jusqu'à huit ou dix 1ieues à la ronde: trente-sept paroisses
avaient fourni de une à trois journées de travail (paroisses de
Poullan, Pouldergat, Plozévet, Pont-l'Abbé, Tréoultré,Ergué
Armel, Ergué-Gabéric, Plomelin, Plomodiern, Landévennec,
Argol, etc.) et un très grand nombre de charrois; des convo-
cations avaient été adressées jusqu'à Plonévez et Châteauneuf-
du-Faou,mats étaient restées sans eflet.Les corvées avaient èté
interrompues par la notification de l'arrêt du Parlement au 4
Mars, mais quelques travaux furent encore exécutés par des
« lamballais » (2), payés, affirmait L'Ile Rouet,sur ses deniers
personnels une déclaration des habitants de Crozon apprit
a u contraire que les travailleurs avaient été payés sur le
prod uit d'une très illégale levée de 310 livres faite dans
cette paroisse par ordre du gouverneur de Concarneau.
Quant à la garnison elle se composait au mois de janvier
(1) Areh. d'Ille-et-Vilaine, C. 323~.
('2) Dès cette époque les paysans de la région de Lamballe avaient la
réputation .'être d'excellents terrassiers .
de 40 miliciens levés dans le Cap-Sizun (1) et de 3~ soldats;
une quinzaine de ces hommes s'en allèrent faute d'être payés;
deux ou trois jours avant l'arrivée de Fouquet de Chalain, La
Richerie, lieutenant de l'Isle Rouet, les remplaça par des
soldats empruntés à la garnison de Concarneau.
Le démantèlement commença le Hi septembre et fut exécuté
par les soins et aux frais des habitants de Ploaré, Poullan,
et Pouldergat et des parois~es voisines; lorsque le 3 octobre
Fouquet s'éloigna de l'Isle, les fortifications étaient « entière
ment abattues et l'entrée libre et facile de toutes parts dans
l'Isle; considérant, ajoute-t-il en son procès-verbal, qu'il
restait encore quantité de terre de laquelle à l'advenir l'on eut
peu faire quelques fortifications a\ions donné c' ommission au
sieur de I>minisic, notre substitut à Kemper Corentin, pour
faire venir les paruisses dans les six lieues, lesquelles n'avoient
encore travaillé, et en faire jeter le plus qu'ils pourroient dans
la mer .... )) (2).
La Béraudièr~ évaluait à 40.000 livres, somme certaine
ment très exagérée, les frais qu'il avait faits pour fortifier l'île
Tristan; les Etats . de Bretagne lui accordèrent une indemnité
dont nous ne connaissons pas le montant. (3) Des vacations
importantes furent payées au conseiller d'Andign.é (302 1.;, à
Fouquet de Chalain et aux magistrats qui avaient présidé au
démantèlement, mais ils ne paraît pas qu'en 1620 pas plus
qu'en 1602 et en 1619 aucune indemnité, aucune modération
d'impôts aient été accordées aux malheureux paysans qui
avaient été forcés dA construire les remparts, puis de les
. démolir. .
(1) Le jour dE l'arrivée de Fouquet il n'y avait que 20 hommes du Cap
Sizun; il les renvoya et les remplnç t par 20 milicien~ de Quimper, et
nomma pour commander' la place Guillaume Le Baellec, notable habitant
de Douarnenez.
(2) Cet ordre ne fut que très-imparfaitement exécuté.
(3) Etats de Bretagne, séance du 2 novembre 1625 (Archives d'Ille-et-
Vilaine, C, 2651). .
Quelques' alertes, quelques menaces de discordes civiles, 'Sè
produisirent encore en Bretagne pendant les anr.ées suivantes;
au mois d~avril -162:5, le duc de Vendôme interdisait une as
semblée présumée séditieuse qui devait se réunir à Morlaix. (1)
En '1627, ]a lutte définitive entamée contre les huguenots, et
plus tard, la guerre contre l'Espagne causèrent quelques in
quiétudes aux habitants des côtes. Audierne et les paroisses
voisines furent abandonnées en 1631 par les commerçants;
craignant que les anglais et les rûchelais qui infestaient la
mer vinssent faire quelques incursions et ravages, ils se réfu
gièrent à Quimper et autres villes de l'intérieur. (2) L'île de
Sein fut, au mois de mai 1636, occupée quelques jours par les
Espagnols; la communauté de Quimper ordonna de fermer
les portes, de mettre le pont-levis en état de pouvoir être levé,
et de préparer les armes... 13) Mais il ne fut plus question
d'établir, à l'île Tristan, de fort ni de garnison permanente. (4)
Ce fut seulement vers 1694, lors des grandes tournées d'ins-
pection de Vauban le long des côtes de Bretagne,qu'une batterie
y fut établie et gardée de temps en temps et assez mal -'
par des soldats garde-côtes.
Lorsque La Fontenelle construisait le fort et les cachots éva-
(1) Arch. du Finistè1'e. E. 1504.
('2) Arch. Loire-Inférieure, B. 632. - S. Frain, AtTêts du Padement de
Bretagne, Rennes, lG84, in-4° Tome Il, p. 685
(31 A,'ch. du Finislàe, E. 1508, fuS 58-59 (Registre des délibération!!
de Quimper,)
('1) L'opinion publique et l'autorité royale s'accordaient à condamner les
petites place5, telles que l'île Tristan, qui n'auraient pu opposer de résis
tance sérieuse à l'ennemi, mai:; étaient l'occasion de vexations incessantes
à l'égard des campagnes environnantes. Pendant le XVII' siècle. les Etats
rèclamèren t et sou ven t ohtin l'en t le déman lèlement d'un très grand nom
bre de places; Hédé et Québriac (1597), Cesson (t~98), Dol (1601), Henne
bont, Broons (1614~ . Douarnenez, Blavet, St-Mars-Ia Jaille. Ranrouet,
Châteauneuf (1616), Chatillon en Vendelais (1621), Concarneau, Pontorson
(1622), Guimgamp, Lamballe, Montcontour (162.6), le fort Sainte-Marie .
près d'Auray (1628), etc, .. (Arch, d'Ille-et-Vilaine,. C. 2645-2650),
lués 300.000 écus, lorsque Nevet, puis La Béraudière établis
saient des fortifications beaucoup plus modestes, lorsqu'enfin le
président Fouquet de Chalain ordonnait de jeter toute la terre
végétale à la m" er, ils ne prenaient, certes, nul souci du véri
table propriétaire de l'île Tristan; on semble même avoir ou·
blié qui il était; le seul des nombreux actes que nOU5 venons
d'analyser, qui fasse allusion à ses droits, le traité du 8
avril 1598 entre Henri IV et La Fontenelle, en parle avec une
grande imprécision ( article 4). Les titres concernant les reye
nus et les charges du prieuré sont pour toute cette périJde
extrêmement rares.
Ce n'est guère que pour le XVIId et le XVIIIe siècle, que
l'on peut établir la liste à peu près complète des prieurs de
Saint-Tutuarn. Voici les noms que nous avons pu découvrir: .
Yves Toulanlan, probablement originaire de Tréboul, chan
tre et chanoine de Quimper, syndic du diocèse de 1578 à 1602,
date de sa mort, est qualifié prieur de l'tle Tristan de 1586 à
1598. (1) C'était un zélé ligueur qui assista aux Etats réunis
par ordre de Mercœur en 159l et 1593.
Jean de Bertier, né à Toulouse, en 1556, appartenait à une
importante famille parlementaire; il fut chanoine et archidia
cre de Toulouse,abbécommendataire de Mas-Garnier,de Saint
Sever de Rustan, de Saint-Vincent de Senlis er de Lieu-Res- .
tauré, agent général du clergé de 1595 à 1600. Nommé chan
celier de Marguerite de Valois, il fut nommé évêque de Rieux
en 1602, en récompense du zèle qu'il avait déployé pour faci
liter l'annulation du mariage de Henri IV. Nous ne savons
quel service fut récompensé par la modeste commende de
l'île Tristan dont il jouissait en 1605. Jean de Bertier mourut
au mois de juillet 1620. .
(1) Avant Y. Toullanlan les seuls prieurs dont nous avons trouvé les
noms sont: Jean (1 16'!), Geoffroy de Loudun, évêque du Mans (1248-t252),
Guy Taleret, chanoine du Mans el de Quimper (1252-1270). Jean de Brayde
(1474), Alain de Pencoet, chanoine de Quimper (1535-1541),> Guillaume
Kerdilès, recteur de Poullan (1573-1580).
Louis Odespung, ou Odesping, sieur de la Meschinière,
recteur de Moulin'et de Retiers, au diocèse de Rennes (1648),
prieur de St-Blaise de Pontremy (même diocèse) dépendant de
Saint-Jouin de Marnes(i),doyen de Chinon au diocèse de Tours,
vicaire général de l'archevêque de Tours et official métropoli
tain en Bretagne, et chanoine de Rennes. Il assista à plusieurs
des sessions des Etats de Bretagne et fut en 1622 l'un des com
missaires chargés de classer les archives des Etats (:2) ; le 10
mai 1623 il fut à Tours l'un des témoins de la remise à l'évêque
de Quimper par les moines de Marmoutiers d'une partie des
reliques de Saint-Corentin. (3) Odespung, prieur de l'île Tristan
en 1623, se démit de ce bénéfice avant sa mort survenue à
Paris en 16an.
Jean-François Robinault, Se de ,la Haye de Mordelles,
chanoine de Quimper, (1637-1651). (4)
Charles (alias Pierre) Blouet, licencié l en droit, chanoine de
Rennes,recteur de Saint-Ouen des Allœux (diocèse de Rennes),
mort le Hi Décembre 1665 (165
1-166a).
Jean de Montigny, né à Rennes en 1636 ou en 1637, prêtre
du diocèse de Vannes, aumônier de la Reine Marie-Thérèse
en 1659, chanoine de Vannes en 1666, l'un des 40 de l'Aca-
démie française en 1670, nommé en 1671 à l'évêché de
Léon, (5) mort à Vitré le 28 Septembre 167'1 avant d'avoir été ,
sacré, (1672).
(1) Il se démit de ce bénéfice en 1639. (Guillotin de Corson, Pouillé
historique du diocése de Rennes. Tome l, p. 213, '221, T. V, p. 672).
("2) Il reçut à ce titre une gratification de 800 livres (Archives d'Ille-et
Vilaine, C. 2742, '2934).
(3)Le Men, Monographie de la Calhédralede Quimpet', p. 35'2-353. Le nom
de Louis Odespung a été transformé en De l'Espine dans un appendice à
/'Histoù'e de Marmoutiet's de D. Martène publié au Tome XXX des Mémoit'es
de la Soc. archéol de Toumine (p. 590).
(4.) Nous indiquons pour chaque prieur les dates extrêmes des documents
dans lesquels il est mentionné.
(5) Le Gallia Christiana dit par erreur que ~lontigny prit posiession de
son siège en 1671. En réalité il fut pourvu par le Pape en 1671 et mou
rut avant d'avoir été sacré et d'avoir pris possessi" on.
234
Pierre de Boisbaudry de Langan, docteur de Sorbonne,
prieur de ste-Croix de Vitré (diocèse de Rennes:. Nommé
par l'Abbé de Marmoutiers en 1672, il fut par conséquent à
la différence de ces prédécesseurs depuis trois ou quatre
"iècles institué ca noniquemen t; il mouru t e-n 1682,( 1672-1683).
Dom Claude-Henri Dagneau, pourvu par l'Abbé de
Marmoutiers fut maintenu en possession du prieuFQ
malgré la provision 8urpriseà Rome au préjudice des
droits de}' Abbé par Charles Taillefer de la Barrière (1).
A cette époque le prieur devait à l'Abbaye de Marmoutiers de
minimes redevances fixées par des actes de 1668, 1669 '-et
1689 à 3 'livres et un sol. Elles étaient très irrégulièrement
payées. Les armes du prieuré furent enregistrées dans l'ar morial dressé par d'Hozier en exécution de l'édit de novémbre
f 696 : d'a:.m' semé de biltettes d'argent au. lion d~ même
h7'ochant (2). On sait que l'armorial de 1696 est dénué de toute '
valeur historique et ne présente guère qu'un intérêt de
curiosité. (3) (1683-1686) .
Dom Jean-Charles Dagneau (1704-1709).
Dom Jean Morand; il devint prieur d'Iffendic en 1718 et
mourut vers 1727. (1709-1713) .
Le P. Jacques- François Auffray; il eut à soutenir contre le
recteur de Pouldergat un procès au sujet du partage des dîmes
de la paroisse, ( ... 17'17) (4)
(1) Un arrêt du grand conseil du 27 juillet 168:3 donna raison à Dagneau
(Arch. du Finistère, H. 200). Son compétiteur, était un parent de Henry
de Taillefer, Sieur de la Barrière, maréchal de l~amp en 16HJ, zélé partisan
du prince de Condé, mort en 1690. .
(2) Bibliothèque nationale, Armorial génél'al, Bretagne, Tome II.
(3) Il nous paraît cependant regrettable que P. de Coucy qui dans son
Nobiliaire de Bretagne a reproduit les blasons attribués à un si grand nombre
de familles bourgeoises bretonnes ait négligé dr citer les armoiries, parfois
intéressantes, des prieurés, des communalltésciviles et religieuses,des corps
judiciaires et des couvents.
(4) Arch. du Finistère, G. 730 .
. .. 235' , $
Dom Joseph de Miniac (1717-1718 ... )
Dom Pierre Aubin ;il mourut en novembre ou en décembre
1735 (1) ( ... 1720-1735) .
. Dom Charles Yvicquel, procureur général de l'abbaye de
Marmoutiers, prieur de N.-D. de la Moresve (?), au diocèse
de Narbonne mort en septembre 1747 (1736-1747).
Dom Yvicquel fut le dernier prieur bénédictin; Boyer,
ancien Evêque de Mirepoix, qui tenait la « feuille des béné
fices » eut i'heureuse idée d'appliquer les revenus du prieuré
de l'Isle Tristan à secourir les habitants d'une autre île:
l'Ile de Sein. Dans une lettre intéressante il exposa son projet
à l'évêque de Quimper.
Versailles, 21 jan' vic'!' (174. 8)
Avez-vous oublié, Monseigneur, que vous m'avez demandé
quelques secours pour faire instruire et administrer des
habitants d'une isle ou aucun prêtre ne peut aller faute de
pouvoir y vivre? Nous avons un bénéfice simple dans votre
diocèse que bien des gens demandent, mais que j'ai réservé
pour ces pauvres habitants d~ l'isle. Le bénéfice vaut 400 fr.
et peut être plus. Mais la manière d'assurer ce revenu pour
le prêtre que vous envoyerez dans l'i sIe est embarassante. Si
vous le mettez sur la tête d'un prêtre particulier, trois mois
après qu'il aura pris possession il dira que l'air de l'isle ne
lui conyient point et il s'en ira. Cela nous arrive tous les
jours. L'idée qui me vient, ce seroit que le Roy vous donnât
ce bénéfice, et que vous en donnassiez le revenu au prêtre qui
iroit dans l'isle et qui jouiroit de ce revenu qu'autant de
temps qu'il resteroit et que vous en seriez content. Pour
assurer ce revenu au desservant de l'isle, il faudroit seule
ment que vous eussiez la bonté de faire enregistrer dans votre
(1) La présentation aux bénéfices vaeants appartenant au supérieur , des
Bénédictins ou bien aux moines !Suivant que le décès du titulaire s'était
produit ~n tel ou en tel mois. Les moines essayèrent de celer le décès
d'Aubin afin d'usurper sur le supérieUl' le droit de présenter son successeur.
236 -
. secrétariat que ce bénéfice n'a été donné par le Roy que pour
le desservant de l'isle qui serait à votre nomination. Je ne
vois point qu'il y ail d'autre moyen d'entrer dans vos vues et
dans vos intentions que celui qui vient de 'se présenter à moy.
Si vous en avez un meilleur, je vous prie de me mander et
d'être assuré de mes dispositions à le suivre ainsi qu'à vous
marquer en toute occassion mon sincère et respectueux atta-
chement.
t L'ANe. Ev. DE MIREPOIX
Mieux que tout autre, l'évêque de Quimper connaissait l'in-
digence de secours spirituels dont souffraient les habitants de
l'île de Sein; lesuccès des missions accomplies dans l'île par les
célèbres prédicateurs Le Nobletz (16-13) et Maunoir (164-t) (1)
si souvent célébré ' par leurs biographes n'avait pu décider
de prêtres à s'établir de façon stable au milieu des iliens: un
vieux pêcheur, François Guilcher, dit le Su, ordonné prêtre à
soixante ans avait été pendant quelques années leur unique
pasteur. Pendant une partie du XVIIe siècle les iliens durent
traverser le Raz pour aller à Plogoff faire baptiser leurs
enfants (2). Un ancien aumônier de marine Joachim-René Le
Gallo, resta un peu plus longtemps dans l'île, mais dans un
très intéressant mémoire adressé en t714 au contrôleur géné
ral il faisait connaître combien sa situation était peu digne
d'envie. « Une solitude affreuse pour le temporel et pour le
« spirituel, des a ppointements médiocres et mal payés, les
(J. mauvais traitements qu'avaient reçus les autres prêtres
« faisaient qu'on en trouvait aucun qui voulut y passer,
« quand par un zèle de la gloire de Dieu et du salut de ces
(( barbares, je m'offris à M. l'évêque de Quimper qui m'y
(1) En 1641 il n'y avait pas de prêtres à l'île de Sein (Séjourné, Histoire
de Julien Maunoir, Paris, 1895. 8·, II, p. 151,
(2)H. Le Carguet,f,es Epidémil!s du Cap-Sizun, dans .BULL. DE LA Soc. AR.
DU FINISTtRE T. XXVII (1900), p. 212-213 : actes inscrits sur les registres
de Plogoff de 1602 à 1635.
_.- 237
« envoya il y a six ans ... Le dernier prêtre qui les avait quit
« tés m'avertit de me défier et me dit qu'on avoit attenté à sa
« vie plusieurs fois, mais fortifié de ces paroles de J. -C. :
« Qui perdit animam suam in hoc mundo, in l,itam œlernam
(( custodit eam, je tâch:.li d'emplir les devoirs de mon état ;J .
Il exposait ensuite avec une très vive acrimonie les mauvais
procédés de ses paroissiens à son égard (t). Les Evê
ques de Quimper avaient souvent reçu de semblables do
léances (2) aussi Mgr. de Farcy accepta avec empressemen t
la proposition qui lui était faite. Dès le '11 février Boyer,
annonça à l'évêque le succès de son projet; avec une tou. chante délicatesse il lui attribuait le mérite de l'avoir imaginé:
Versailles le 11 Février 1748
J'ay l'honneur de vous répondre, Monseigneur que Je Roy
vient de vous donner le prieuré de Saint-Tutuarne. Je lui ay
dit vos bonnes intentions et ce q'ue vous fairiez du revenu de
ce prieuré. Il a même voulu scavoir quelles mesures nous
pendrions pour assurer ce revenu à un chapelain, sans
risquer que ce chapelain s'en aille et emporte le bénéfice, il
en a été très -touché. Je me recommande à vos saints
sacrifices, Monseigneur, et vous renouvelle tous mes senti
mens que vous connoissez déjà.
t L'Al'iClEN EVÊQUE DE MIREPOIX (3)
Les prieurs de l'île Tristan furent désormais les
de Quimper (4).
évêques
(4) Correspondance des contrôleurs généraux ... pub. par A. de Boislile,
Paris 1897, in 4.0 Tome Ill, p. 565-566.
(2) Cependant l'église de Sein fut assez ré.;ulürement desservie pen dant tout le XVIIIe siècle; voir les noms des curés dans H. Le Ca.rguet,
l'île de Sein au XVIIIe siècle dans Bull. de la Soc. Al'ch. du Finistère T.
XXIX, 1902, p. 2ti8. .
(3) Dans cette lettre comme dans celle du 2l janvier, la signature est
seule autog-raphe.
(4) Les évêques avaient été de tout t emps seigneurs d,e Tréboul, le vit-
lage le plus rapproché de l'île Trtslan .
Auguste-François-Annibal de Farcy de Cuillé pourvu du
prieuré en 1748, mort à Lorient le 28 juin 'l772. .
Emmanuel-Louis de GrossoIes de Flamarens, nommé évê-
que de Quimper le 7 juillet '1772, sacré le J7 janvier 1773 (1),
transféré à Périgueux l'année suivante.
Toussaiut-François-Joseph Conen de Saint-Luc, nommé
évêque de Cornouaille le 1
mai 1773, sacré le 29 août, reçut
le prieuré par brevet du 22 août et fut pourvu à Rome le 17
des Calendes d'octobre. Il désigna pour prendre en son nom
possession des biens du prieuré (9 novembre ' 1773) René-
Marie du Parc, recteur de Ploaré. .
. En 1780, D. François-Joseph Le Chapellier, économe de
Marmoutiers, réclama à l'évêque les redevances dues à
l'abbaye qui n'a vaient pas été payées depuis vingt-cinq ans:
2 livres 10 sols pour la table abbatiale, H sols pour les
officiers de l'abbaye; l'évêque s'empressa sans doute de
payer 76 livres;) sols qui lui étaient réclamés; il entretint
d'ailleurs de bons rapports avec les religieux de Marmoutiers
qui à plusieurs reprises, lui "envoyèrent des renseignements
extraits de .leurs riches archives sur les droits et prérogatives
du prieuré. T.-F.-J. Conen de Saint-Luc mourut à Quimper,
le 20 septembre 1790. Il fut le dernier prieur de Saint
Tutuarn ou île Tristan .
Il nous reste à faire connaître l'état, à la fin du XVIIP
siècle, les revenus et les charges du prieeré fondé six-cent
soixante-treize ans au'paravant par Robert de Locuan (2).
L'île, siège du prieuré, avait changé de nom: l'église
mentionnée en '1118 et en '1126 avait disparu; l'lie mêmA
cessa, plusieurs années avant la Révolution, d'être un bien
(1) Le Gallia Chl'istania place par erreur la mort de Farcy au 27 juin 1771
la nomination et la consécration de son successeur aux 8 juillet 1771 et 18
janvier i 772.
(2) Aveux du prieuré du XVIe au XVIIe siècle (H. 200-201). Procès-ve.!
bal d'expertise des biens dépendant du prieuré (B. 483). :Registres de
ventes des biens nationaux (série Q).
239
ecclésiastique. Le 28 décembre 1761, en l'étude de M9 Le GOl'
geu, notaire à Quimper, l'évêque-prieur A de Farcy de Cuillè
la céda à titre d'afféagement roturier à Jean-Jacques Laplan-
che, receveur des devoirs de la province de Bretagne, et plus
tard marchand à Douarnenez. L'afIéagement fut confirmé
par lettres patentes du mois de janvier 1763 enregistrées au
Parlement de Bretagne le 2 août de la même année. Quoique
l'île fut estimée valoir 20.000 livres, la redevance imposée à
l'atléagiste fut seulement de 30 livres ('1). L'He Tristan a été
successivement possédée par les familles Laplanche, Verchin,
Piriou, Bernard (acquisition en '1850), Le Guillou-Penanros
(acquisition '1854) (2). Dès avant les guerres de religion le
manoir prioral avait été établi sur le continent, mais ce
manoir même disparut; le 30 juillet 1753, Charles Poulain,
architecte, demeurant à Quimper, décrivait en ces termes son
emplacement: « nous no. us sommes transportés jusques en
« une issue vulgairement nommée le l~losquet, vis-à-vis
. « l'Ile Tristan, endroit auquel les anciens prétendent qu'estoit
« autrefois la maison prieurale, et qui est actuellement une
« terre inculte, ' remplie de roches, sans terre de fond, et
« qui peut contenir environ un demi-arpent de terre; il m'a
« ainsi paru par avoir fouillé en différents endroits et y avoir .
( trouvé quelques pierres qui démontrent une -ruine totale
« depuis plus de trois siècles ... » (3). Un peu plus loin de la
côte, au centre de l'agglomél'ation de Douarnenez, le prieur fit
bâtir au XVIIIe siècle une maison pour servir d'auditoire cl la
juridiction. Cet immeuble fut. vendu nationalement le 31
décembre 1790 avec deux jardins voisins, dit « Courtils Tacon-
ner, » moyennant 1800 livres, à la commune de Douarnenez
pour y établir sa mairie. Le prieur possédait encore à Douar-
(1) Renseignements transmis le 16 mars 17U2 pal' Ladvenant, receveur de
l'enregistrement à Douarnenez, au directeur de l'enregistrement à Quim ·
pel' (Arch. du Finistère, série Q. J.
(2) Arch, du Finistère, séries Q et R.
(3) Arch. du Finistère, H, 201 ,
240
nenez un moulin à vent (vendu 42~ livres, le 1~ octobre 1791,
à Gestin et Jacques Renaud), la montagne « au Prioi » (vendue
80 livres,le 8 août 1812,à Thomas Le Moigne et Louis Grivart),
enfin un pré dit Fouenec-ar-Priol (vendu 142~ livres le 31
décembre 1790, à Mme Grivart) ( 1\, des rentes généralemen t
très modiques . deux ou trois sous . . . étaient dues par les
propriétaires d'un grand nombre de maisons de Douarn~nez
(2), particulièrement ~u quartier dit Port-Commonoc,su- r le
Poul-Ru,dit aujourd'hui Port-Ru (3). En face de Doual"nenez il
possédait l'îlot de Fluminiou vendu 50 livres, le 31 décembre
1790, au sieur Grivart; le P. Maunoir a longuement raconté
dans la vie de Catherine Daniélou et dans un cantique breton
imprimé à Quimper chez Derien une singulière légende qui se
rattache à ce rocher: Joseph-Corentin de Coetanezre, fils
aîné du seigneur de Pra maria, était détesté de son père qui
lui préférait son fils cadet. Il finit par être chassé du manoir
de Pratmaria, sans autre ressource qu'une petite somme de
30 écus; il se mit en route, un peu à l'aventure, passa à Plo- .
gonnec et entendit les plaintes d'une pauvre femme; elle
venait de perdre son mari et ne pouvait avoir la consolation
de le faire inhumer en terre sainte, car elle ne possédait pas
les 30 écus que réclamait le curé du lieu; Joseph-Corentin
lui donna tout ce qu'il possédait. Il était sans abri et sans
pain, et ce fut après une nuit passée dans les bois de
Lezharscoet qu'il vit apparaître la Sainte-Vierge et St Coren-
tin. Guidé par eux,il entra au manoir comme maître à écrire;
son élève,l'héritière de Lezharscoet,s'éprit de lui; malgré l'op
position d'un oncle,ils s'épousèrent (4) ; un enfant naquit leur
(1) Arch. du Finistère, Série Q: Registre des ventes des biens nationaux.
Des actes des XVIIe et XVIIIe siècle mentionnent encore comme biens du
prieuré à Douarnenez un second moulin à vent bâti à H.osmeur el une
vieille maison advenue au prieur par deshérence.
(2) Le village de Penancoct ou Chef du Bois, entre Douarnenez et Ploal'é,
était compris dans le fief du prieuré .
(3) Cette forme hybride paraît d'origine assez récente.
(4) Les documents relatifs aux seignetlrS de Coetanezre et de Lezharscoel
. . . 241 - .
bonheur paraissait assuré, mais ils avaient un ennemi secret:
l'oncle qui n'avait pas pardonné à sa nièce un mariage qu'il
croyait indigne d'elle. Il invita Joseph-Corentin à la chasse; .
il le conduisit au bord des falaises qui bordent la baie de
Douarnenez et le précipita dans les flots. Soutenu par
les bras vigoureux d'un mystérieux vieillard, le protégé
de la Sainte-Vierge et de Saint· Corentin ne se noya pas
et arriva à un rocher: Tevinec ou Fluminiou (1) où il
passa cinq ans nourri pal' Saint-Corentin. Au bout de
ce temps il vit surgir le yieillard qui lui proposa de le
transporter sur le continent. L'ermite involontaire ac
cepta avec l'empressement qu'on devine et oUrit à . son
sauveteur la moitié de sa fortune, et en eUet le vieillard
franchit facilement le bras de mer et J. -Co de Coetanezre
rentra à Lezharscoet. Au bout d'une année de complet bonheur
il vit revenir le vieillard qùi réclama l'exécution de la pro-
messe faite un peu à la légère un an auparavant. Joseph
Corentin tint loyalement parole; il abandonna sans hésitation
la moitié de ses terres, la moitié de ses trésors, la moitié de
ses meubles. « Mais ce n'est pas tout ce que vous possédez,
« objecta le vieillard, vous avez un fils, il m'en faut la
« moitié )J. Cette fois le sacrifice était trop grand pour
que le père put y consentir, ou du moins il ne voulut
pas mettre son fils à mort pOUl' en donner la moitié à son
cruel créancier; il préférait le lui aba ndonner vivant. .. Mais
très opportunément, la Vierge et Saint-Corentin réapparurent;
le vieillard révéla qu'il était le vieux pauvre de Plogonnec dont
jadis Joseph-Corentin avait payé l'enterrement. Les uns et les
autres avaient voulu mettre à l'épreuve sa vertu et sa loyauté;
ils les jugeaient trop grandes pour la terre et dès le jour même,
conservés aux Archives du Finistère ne mentionnent aucune alliance
entre ces deux familles.
(1) Les rochers de Tévennec se trouvent dans le Raz de Sein i on pour
rait y placer le long exil de J.-C. de Coetanezre avec moins d'invraisem
blance qu'au Fluminiou qui n'est qu'à une très petite distance du rivage
242 .. "' . .
il devait en recevoir la récompense dans un monde meilleur.
Et en effet Joseph-Corentin de Coetanezre et son fils mou
rurent subitement; sa femme donna sa fortune aux pauvres
et entra en religion ('1). En 1794, lorque Cambry visita Douar
nenez on montrait encore la porte et deux pignons de la
cellule de l'ermitage.
L'îlot de Saint-Michel, situé entre l'île Tristan et Do~ar
nenez ne paraît pas avoir appartenu au prieuré; il fit partie
du domaine de l'Etat jusqu'à 1848, date de sa concession, à
une fabrique de conserves.Des endiguement sautorisés en 1853
ont notablement augmenté la superficie et la · valeur de ce
rocher.
En dehors de Douarnenez le prieuré possédait encore au .
XVIe siècle la pièce de terre, dite Lesneven, ou Ty-an-Cozec
en Poullan (2), qui était peut-être un débris de la terre de « Lan-
pluilan )) concédée en 1162, le courtil Calledan, en Ploaré, etIa
seigneurie du manoir de Coetanezre dans la même paroisse.
Il percevait des dîmes dans les champs dépendants de plu
sieurs des villages mentionnés dans les chartes de 1H8 et. de
1255: les deux tiers des dîmes de Saint-Tugen, en Primelin,
(affermées 20 boisseaux de blé en ' 1688), de Trélaz, en Beuzec-
Cap-Sizun (affermées 34 livres en '1692:, de Lanfiat(3), I}gue
lénenen, Moustoulgoet, Trévaut ou Trévaul, .le Guilly, Ros,
I):dalahé, I~ilis, en Pouldergat (affermées 115 boisseaux de
blé et 6 boisseaux d'avoine en 1588), la dîme entière du village
de Vibrtl ou Terret, en Poullan, (louée 100 livres en 1666; et
. celle du champ de Tenouen, près de I}vigner ou Poul-an
Envigner, en Ploaré.
(1) Dans la vie de Catherine Daniélou, le P. l\lal1noir cite plusieurs
garants de cette (,trange histoire qui se serait passée au X Ve si{!clc: la
marquise de la Hoche, descendante des Coetanezre, le recteur de Plogon
nec, etc. Ce texte inédit nous a été très-obligeamment communiqué par
M. le chanoine Peyron.
(2) Cette pièce de terre n'est pas mentionnée dans les actes du XVIII' s.
(3) Les terres de Lanfiat étaient comprises partie en Mahalon, partie
en Poulderg-at.
- · 243
En outre, comme nous l'avons dit, il levait six sous sur
chaque bateau se livrant à la pêche dans.la baie de Douarnenez,
et réclamait dans toute l'étendue de son fief les droits de haute,
moyenne et basse justice, les lods et ventes, les droits de
dîmes et de mOl'tuages.
Cette énumération, si longue qu'elle soit, ne représente pas
des domaines bien importants, aussi les redevances payées
par les fermiers généraux du prieuré étaient peu considérables.
Nous avons relevé quelques taux de fermages (1; : 100 écus
d'or et 45 sols 10-deniers plus les censaux, décimes et procu
rations en 1573, 160 écus plus les décimes en 1::)86 des droits
casuels ne sont pas compris dans le bail), 240 livres eIl 1609-
1610, 550 1. en 1642, 500 livres en 'lmH, HOO l. en 1682, 800
l. en 1683, 840 1. en 1686,550 l. en 1720,500 1. en '1729 et en
1748, 5121. en 1753, 850 1. en 1772 et 1774,972 L, plus les
décimes, en 1780.
Les fermiers généraux étaient des prêtres ou de notables
bourgeois du pays: Jean Le Bars, prêtre (1573), Mathias
Laurent, marchand de Douarnenez (1586), Guillaume Petit,
chantre et chanoine de Quimper (1609-16'10-" Gabriel Caurant,
recteur de Pouldergat (1642\, Jean Rolland, écuyer, sieur des
Nos, notaire ' à Quimper, issu d'une famille de Pouldergat
(1li51-1666), Guillaume le Baron de Boisdanet, de - Locronan
(1682-1686), Herlé Tutor, de Douarnenez (1720-'1729), AI~in
Joseph Deniel, de Douarnenez (1748-'1772). Les dîmes étaient
souvent sous-louées aux prêtres des paroisses ou elles se
levaient: celles de Ploaré en 1474 au recteur Jean Le Run,
celles de Saint-Tugen aux recteurs dePrimelin,HenryCapitaine
(1588), Yves Le Gouscoign (1598). .
La juridiction s'exerçait à Douarnenez; le ressort ne com
prenait que l'étendue du bourg. A ]a fin de l'ancien régime le
tribunal comprenait un sénéchal et seul juge: Pierre-Elie
(1) Archives du Finistère) H. 200-2Ul,
, , 244 --
Bouricquen de Quenec'hdu, un procureur fiscal Jean-Corentin
Daniélou-Desbois. un greffier, qui était en outre notaire et
procure~r, Jean-François Guillou ; aux généraux-plaids com
paraissaient une demie douzaine de notaires et procureurs
Jean-Herlé L'Haridon, Daniel Madézo, Pierre-Michel Gestin,
Toussaint-Casimir Guillou, Henri Largenton et trois sergents
François Rivoal, Vincent Ahlalin et Jean Saliou Les . quelques
épices et vacations que procurait la juridiction de l'île Tristan
n'auraient pu no'unir les magistrats, aussi occupaient-ils des
fonctions analogues dans les au tres juridictions de la région:
le sénéchal Jean-Bernard Bouricquen de Quenechdu était aussi
sénéchal de Nevet, Pouldavid, Vieux Chatel et Coetanezre
('1730-1737) ; François Porchel de I>ilis, un de ses successeurs,
fut en outre sénéchal de Guengat, Nevet et Pouldavid
(1755-056) . (1) . . Le sénéchal était · juge de police et de
concprt avec le Procureur fiscal, veillait . à l'exécution des
ordres du Parlement: le 2 septembre 1748 il renouvela la
défense, portée une première fois le 2 août ' 1747, qui, à la
requête des marchands de Douarnenez, avait été faite aux sar
diniers et marchands de rogues de payer les matelots en leur
livrant des boissons capables de les enivrer: la sanction était
sévère: 500 livres d'amende.
Le greffe fut affermé en 1788 72 livres par M. de St-Luc
à Jean-François Guillou (2;.
Les charges auxquelles le prieuré était assujetti étaient
assez nombreuses: en vertu de la concession royale de 17481e
revenu aurait dû être intrégralement versé aux prêtres de l'île
de Sein: les quiltances des curés C. Carval (1767) et Etienne
Porlodec (17ti7-' 1771 ) apprennen t qu'ils reçurent annuellemen t
de 256 à 270 livres; un prêtre auxiliaire, Chouard, toucha de
([) Arch. FilListère, B. 436.
(2) Les registres de la juridiction de l'île Tristan sont conservés aux
Archiyes du Finistère (série 13) ; la série qui ne commence qu'à 1710 pré
l5!?nte !les lacunes. Les registres étaient assez Plal tenus .
.. 245
1768 à 'i770, 60 livres ( 1). Les 316 à 330 li vres ainsi · ern ployées
laissaient à l'évêque un reliquat de '150 à 300 livres SUl' les
redevances payées par ses fermiers. Il devait au moyen de cette
somme contribuer aux réparations des églises des paroisses
dans lesquelles il levait des dîmes (2), acquitter les redevances
dUEs à l'abbaye de Marmoutiers, payer les décimes dûs au
Roi, et faire célébrer deux messes par semaine. En vertu d'un
acte que nous n'avons fJU retrouver acte antérie ur à l'année
1682 ces messes étaient dites en la chapelle Sainte-Hélène.
Au XVIIIe siècle lorsque le grand développement du commercè
et de la pêche eurent fait de Douarnenez une bourgade impor
tante; les habitants manifestèrent des velléités d'indépendance
par rapport à Ploaré, paroisse rurale dans laquelle la majo
rité appartenait à- la population rurale ayant des intérêts
souvent opposés à ceux des bourgeois de Douarnenez; ils .
demandèrent que des services religieux fussent célébrés à
Sainte-Hélène d'une façon régulière et réclamèren't que les
délibérations concernant la ville fussent inscrites sur un cahier
particulier. En Juin '1782,Louis-Jean-Marie Guiller du Marnay
rédigea en leur nom un mémoire dans lequel furent consignées
les traditions, bien inexactes, qui avaient cours à Douar-
nenez; l'île Tristan, disait-on, avait été un prieuré7cure
pourvu d'un importaqt revenu, mais un des prieurs avait
été nommé recteur de Ploaré. « Il était aimé de ses premières
ouaiqes (les habItants de Douarnenez) et les engagea à
consentir à une union tacite à la paroisse de Ploaré)) (3) ainsi
Ploaré avait usurpé les revenus de l'île Tristan. Le recteur
Le Clerc .était naturellement très-opposé à ces prétentions et
dans des lettres pressantes demanda à l'Evèquè d'empêcher
lout change.ment dans l'état de la paroisse; il lui d,mnait en
(1) Arch. Finistère, H. 200.
(2) En 1717, François·René Gau "aign ,. r ecteur de Pouldcl'gat, pousuivit le
prieur J.·F. Aufl'ray pour contribution aux r éparations de l'église. (Arch.
Finistère, G. 730).
(3) Arch. Finistère, H. 201.
246
même temps d'intéressants renseignements sur l'administra-
tion de Douarnenez. « Il faut savoir: 1
qu'il y a à Ploaré le
grand corps politique pour nommer les fabriques, veiller aux
affaires des églises, composé de six paysans et six douarne
nistes, dont trois sont bourgeois et trois sont poisssonniers ;
que pour les affaires particulières de la campagne, comme
pour imposer la capitation, nommer des collecteurs, des dépu-
tés de gl:ands chemins, les six premiers délibéra nts on t en
outre six autres paysans qui sont leurs adjoints, ce qui forme
le général de la campagne, et quand il est question des
mêmes affaires pour Douarnenez, les six douarnenistes du gra od
. corps politique s'adjoignent six autres douarnenistes ce qui
forme le général de Douarnenez; 3° ces six adjoints, soit pour
la campagne, soit pour Douarnenez sont ordinairement nom
més par les douze principaux délibérants d ugrand corps
politique ... J'ai cru devoir vous instruire de tout ce qui se passe
et des intentions de ces braves messieurs q.ui, dignes enfants
de leurs ancêtres, cherchent toujours noise aux honnêtes gens
et les calomnient quand ils ne peuvent en médire. J'avoue
qu'ils ne sont pas Lous si ardents les uns que les autres, mais
quatre ou cinq têtes chaudps suffisent pour faire beaucoup de
trouble dans un pelit endroit où ils sont tous parents et com
pères ... » L'évêque était d'autallt plus porté à se ranger à
l'opinion du recteur que si le caractère de prieuré-cure
avait été reconnu à l'île Tristan, il aurait dû entretenir
un vicaire à Douarnenez. Le mémoire de Guiller du
Marnay n'eut aucun succès, mais la-rédaction des cahiers
de doléances aux États généraux fournit une nouvelle occa
sion de demander l'indépendance. Les habitants de Tré-
boul firent insérer dans le. cahier de P·oullan.le vœu que
les chapelles situées à une lieue et plus de la mère-église fussent
érigées eu lrèves ; les douarnenistes ne purent formuler de
demande analogue dans le 'cahier de Ploaré, mais protestèrent
contre la façon irrégulière dont avaien t été rédigées les doléan-
247
ces (1 ). Leurs vœux furent exaucés: Douarnenez devint un~
commune distincte en 1790, (2) Tréboul n'a obtenu la même
faveur que de , hos jours. L'ancien village de pêcheurs
établi à la fin du XVIe siècle près du port de Commonoc
est devenu une ville d'une importance chaque jour grandis
sante: en 1776, le dictionnaire d'Ogée évaluait à 2HOO
habitants la population de Ploaré et Douarnenez et des
,trèves de.Gourlizon et du Juch; (3) Cambry, en ' 1794, donne
pour Douarnenez seul le chiffre de '1400 habitants ; les
recensements successifs donnent ensuite les chiffres suivants:
Douarnenez ..... .
Ploaré ' ........ .
Le Juch ........ .
Poullan ........ .
Tréboul ........ .
1800
1.708
t.44~
1825 1850
2' .018 3 .952
1.942 2,300
1875
8.637
2.618
1.933 2.354 3.204 3.749
190 l '
12' .865
3.048
1.038 '
'1.749
4.811
Lors du dernier recensement, le territoire de 3758 hecta-
res (3 ) qui formait l'ancienne paroisse de Ploaré peuplé de
2900 habitants en 1776, en comptait 17507 (communes de
Ploaré, Le J.uch et Gourlizon\. Cette population comprend des
(1) Arch. Finistère, Série L, cahier de doléances de Poullan (art. 15) et
cahier particulier des négociants et bourgeois de Douarnenez. ,
(2) ' Les registres des délibérations municipales commencent au 5 Février
1790 Les anciens registres d'état civil communs à Douarnenez et à Ploaré
sont conservés à la mairie de Ploaré; la municipalité de cette commune
a laissé perdre les plus anciens (1615-1649) la série ne commence plus qu'à
1656. Les trèves , du Juch et de Gourlizon avaient des registres d'état civil
particuliers.
(3) Gourlizon, ancienne trève de Ploaré, unie à Plonéis à l'époque de la
Révolution, est devenu une commune distincte en 1892 ; Tréboul dont
le développement commercial et maritime est en rapport avec celui de
Douarnenez, a été disjoint de Poullan en 1880 ; le Juch a été séparé de
Ploaré en 1899 ; on peut présumer que Pouldàvid, l'ancien port
rival de Douarnenez devenu une de ses annexes; sera, dans un avenir
assez rapproché, séparé de la commune de Pouldergat.
(4) Ce territoire a été réparti entre Douarnenez 70 hectares, Ploaré 1282
hect.. le Juch, H35 hect., Gourlizon, 97t hecto Gourlizon, commune
essentiellement rurale, est la seule de ces localités dont la population
Boit en décroissance 590 habitants en 1896, 556 en 1901.
248 -
éléments divers et nouveaux: le propriétaire de3 fabriques
de conserves, l'ouvrière des cc fritures)), le « soudeur)) sont
des types sociaux bien différents . des anciens vassaux du
prieuré de l'île Tristan: leur histoire comme celle de la
pêche de la sardine seraient intéressantes; comme elle ne
présente aucun lien avec celle du prieuré il n'y a pas lieu
de l'esquisser ici.
L'île Tristan s'est également transformée: une ~fabl'ique
de conserves, une confortable maison bourgeoise, des jardins,
un bois lui donnent l'aspect d'une belle propriété de rapport;
rien n'yrappelle le souvenir du prieuré de Saint-Tutuarn, ni
celui de la forteresse de La Fontenelle ('1).
PIÈCES JUSTIFICATIVES '
Les documents que nous publions ci~après sont inédits,
sauf la charte de 1118-H26 ; les douze premiers actes sont
conservés à la Bibliothèque nationale (Mss. 30 du fonds de
TOUlTaine). Jusqu'en 1796 ils furent .conservés dans les
archives de Marmoutiers ; les gardes-chartes de l'abbaye n'en
avaient envoyé que des copies ou des analyses aux évêques
de Quimper, prieurs de l'île Tl'istan. En l'an IV l'adminis
tration du département d'Indre-et-Loire envoya les archives
d'un très grand nombre de prieurés aux chefs-lieux des ·
départements dans lesquels ils étaient situés: Quimpel' reçu t
ainsi une centaine de pièces se rapportant à l'île Tristan. (2)
Peu après survint une déplorable circulaire du ministère de
l'Instruction publique (21 Frimaire, an VII) prescrivant l'envoi
à la Bibliothèque nationale des cartulaires des établissements
. religieux: ces titres devaient faire connaître (( à la postérité
c( ce que l'ambition et l'artifice des corporations privilégiées
(1) Mais la municipalité de Douarnenez a eu l'étrange idée de donner à
la principale rue de la ville le nom de ce brigand: Rue Fontenelle.
(2) Les documents relatifs à l'île Tristan conservés aux arch. du Finistère
sont cqtés H. 200-201 (ci-deyant H. 324) .
«( ont obtenus de la crédule ignorance de nos pères. l) t'ad
ministration départementale s'exécuta avec un regrettable
empressement et envoya à Paris' les cartulaires du chapitre,
- les douze chartes de l'lie Tristan et quelques autres docu-
ments, que la Bibliothèque nationale s'est toujours refusée à
restituer. .
Charte-notice de Robert, évêque de Cornouaille, portant
donation à L'abbé Berna'rd et aux moines de ]JI armoutiers, de
l'île et de l'église de Saint-Ttttuarn, de la terre d'Ramoth,
dtmes de Saint-Tuoc, Saint-Tujan, Tréflas, Saint- El'gad etc.
1118-1126 (1). '
In nomine summe et individue Trinitatis, Patds et Filii
et Spiritus Sancti, ego Robertus, Dei gratiâ Chorisobitensis
episcopus (2), memoria sepius revolvens seculi voluptates,
que diligenti studio licet periculose agimus, bonis operibus et
elemosinis posse redi mi,j uxta illud: « Date elemosinam et omnia
munda (3) vobis)) et « Sicut aqua extinguit ignem ita elemosina
extinguit peccatum )) et« Honora Dominum de tua substantia, »
assensu ' et consilio 'totius capitali mei, Majoris Monasterii
monachis, quandam curtem meam insulam videIicet ' Sancti
Tutuarni episcopi, necnon et propriam domum meam que
britannica lingua Hamoth vocatur cum omnibus redditibus et'
appendiciis suis in perpetuum libere etquiete possidendam dare
decrevi. Anno igitur ab incarnatione Domini millesimo cente-
(1) Cet acte n'est pas inédit; il a été en partie publié, d'après l'original,
par Dom Morice, T. III col. 510, et d'après une copie faite en 1710 par
F, Bernard, garde-charte des Archives de Marmoutiers et conservée aux
Archives du Finistère, dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finis
tère, T. XI, Quimper, 18S1, p, 46-17. Les noms propres ont été reproduits
d'une façon peu exacte.
(2) Robert d e Locuuan, évêque de Cor'nouaille. Cf. : Supra.
(3) Dans l'original la syllabe mun se trouve à la fin d'une ligne; le
scribe a laissé au-dessous, nous n e savons pOUl'quoi, un espace àssez
, vaste pour intercaler une ligne.
" 250
simo XVIII, indictione XI, 'ut quod mente conceperam opere-
adimplerem Majus Monasterium expetii et donum de his omni-
bus in manu Domini Willelmi (1), abbatis, omni vidente ejus
capitulo, posuLHec autem sunt que ipsîs monachis, concedente
nostro unanimiter clero, nec non Conano, Britannorum duce,
cunctisque baronibus Cornugallie, ob anime mee antecesso
rumque sive successorum meorum salutem, dedi et in perpe
tuum habere concessi: ~Ecclesiam videlicet sancti Tutuarni cum
omnibus redditibus et appenditiis suis ut supra dictum est et
Hamoth et duas partes decime plebis Sancti Ergadi que illa lin
gua dicitur Plodergat (2) et tertiam partem sepulture ipsius par-
. rorhie, terciamque partem oblatio nis Parascevidiei videlicet
dominice passionis et prime misse natalis Domini, duas etiam
partes decime Sancti Tuocci, duas que partes decime Sancti
Tuiani (3) et duas partes sacerdotii ejusdem capelle (4), duas
insuper partes decime Treflac, (5) similiter etiam duas partes
decime de Villa Cham (6) et villa Chodoem (7) et.Lanfiat (8)
, et Landuguan, (9). Tribus autem evolutis annis addidi duas
partes decime (10) de Trefdujan et oblationis ipsius ecclesie
tempore donni Algomari inonachi in cujus manu donum inibi
pluribus videntibus posui. Quod ,ut ratum in perpetuum
(1) Guillaume de Combour, abbé de Marmoutiers (1105-1124). Cf. supra.
(2) Pouldergat, commune du canton de Douarennéz, arr. de Quimper
Finistère .
(3) Saint-Tujen chapelle de la comm. de Primelin, canto de Pout-Croix. arr.
de Quimper, Finistère. Nous ignorons où se trouvait le villagé de S'aint Tuoc ; ce Saint est peut-être le même que Saint-Tohou (?) dont il existe
une statue dans la chapelle de Saint-Tujen. .
(4) D. Morice n'a pas ,reproduit les 19 mots qui suivent.
(5) Trélas,. comm. de Beuzec-Cap-Sizun, çant. de Pont-Croix.
(6) Peut être Kergant, même commune.
(7) Kerchoanten, en Mahalon; cant. de Pont-Croix.
(8) Ce village dont le nom n'a pas varié est à la limite des
de Mahalon et de Pouldergat.
communes
(9) Landugen, comm. de Mahalon. Les habitants de Lantiat et de Landu"
gen relevaient directement de l'Evêque de Quimper auxquels ils payaient
d'assez lourds chef-rentes (G. 38) ; des chapelles dédiées à Saint-Fiacl'e et,
il. Saint-Tujen existèrent dans ces Yillag-cs.
(10) D. Morice ajoute ici ecclesie.
.:....- .. 251
haberetur presentes litteras nostro sigillo munivi, et nomina
canonicorum hoc donum Majoris Monasterii monachis conce
dentium subscribere censuimus: Galterius Morguethn (1)
Robertus Milo Rannolfus Judicalis. Daniel, Petrus, Guffred,
Madiou et frater ejus Salomon canonici (2), hujus rei testes,
Aldroenus et Guethenocus, Sancti Martini monachi, Josue et
Hilispou, Jedecael, Dungual, Halanus, qui cartam (3) hujus
donationis et concessionis scripsit, G!larinus Derguethen et
alii multi. » .
« Ego autem, Robertus, Chorisopitennis episcopus, ~ac
presenti cartula sigillata subscribi jussiut si quid supradic-
torum donorum ad jus episcopale pertinentium ratione proba-
bili plus jnveniri potuerit me in perpetuum concessisse, si
quid etiam in eodem episcopatu adquirere monachi potue.rint,
episcopali auctoritate concessi et in perpetuum observari
precepLHujus rei testes sunt Israel archidiaconus,Christianus
heremita, Herveus clericus, Kenmarhoc, cléricus, Budhoreth.
De monachis Gaufredus Nannetensis, Garnerius notarius,
Donoaldus Bl'ito. »
« Actum ab incarnatione domini MCXXVI )}
« Signum Roberti episcopi t »
« Signum Israhel archidiaconi t » -
Au dos est écrit d'une écritm'c contemporaine de celle d8
la pièce:
« Donum Roberti episcopi de insula Sancti Tutuarni. :1
L'acte réglé à la pointe sèche était scellé d'un sceau pen-
dantsur simple queue de parchemin qui a disparu .
Notification paT Robert, évèque de Cornouaille, aux moines
(1) D. Moriee à la MorguetllOn.
(2) D. Moriee omet tout ee qui suit.
(3) Et non pas Guralll comme il a été imprimé en 188.1
de Marm6utiérs de la donation qLt'il leur a laite de l'île de
Saint-Tntnarn et de sa terre de Ilani10c .
« H., Dei misericordia Chorisopitensis episcopus, G. Sancti
Martini Majoris Monasterii abbati totiusque ejusdem loci
conventui, Dei gratiam et suam. Karitati vestre, featl'es
dilectissimi, potificamus BOS, concedente nostro unani mÎler
cIel'O .pecnon Conano, Britannorum duce, cunctisque baro-
nibus CornugalIiœ, insulam Sancti Tutuarni necnon et
propriam nostram domum quœ Britannica lingua Hanvoc
vocatur cum omnibus redditibus et appenditiis suis ecclesie
Majoris Monasterii in perpetuum dare, Nomina igitUl' canoni
corum hoc donllm supradicto loco concedentium subscribere
Gualterius, Morguethn, Robertus, Milon, Ranulfus, JeJecael,
Daniel, Petrus, Guffred Madiou et frater suus Salauun cano-
nici hujus rei testes, AldroenusetGuethenocus, sancti Marlini
monachi, Josue et Hilispou, Jedecael, Dungual, Halanus qui
hanc 'cartam scripsit, Guarin, Derguethen.»
Etait scellé d'un sceau pendant sur double queue de parche-
mll1.
III
Bernard, é-lJêqne de Cornouaille, lait connaUre que les héri-,
tiers de la tetre de LanpluiLan l'ont donnée à l'abbaye de
.iJ1armoutitr entre les mains de l'ElJêque et de Jean, prieur de
Saint-Tutuguarn. (27 Octobre 1162)
« Prona sunt in malum studia presentis etatis adeo ut in
verbis fides, in pactis stabilitas vix sit allhibenda, eo itaque
prospectu, ego Bernardus, (I l Dei gralia Corisopite:lsis episco-
pus, tam presentibus quam futuris noLificare curavimus Gur
, malonum, filium Judicalis, fratresque ejlls et filios Judicalem
videlicet et Segllinum consanguineosque eorumdem, Rivallo-
(1) Bernard de Moëlan (1159-1167)'
-,253
nem scilicet et fratres ejusdem, Judicalem, filium Omnetis, et
Kanivetum,filium Guigeni, Ruandelem tixorem ejusdem Kani
yeti et filium eorumclem Alanum, Harscotum, filium Glevieni,
Nenmen filium Serho, Urvoum filium EIispoL ceterosque
omnes subnominate terre herecles, pro salute anime sue
terram que dicitur Lanpluilan (1) cujus causa inimica fuerat
inter eos dissensio,ecclesie Sancti Martini Majoris MonasterU
in perpetuum in elemosinam concessisse et in manu, mea ac
Johannis, qui tunc temporis prior in in'sula Sancti Tutuguarni
extitit, tradidisse. Ut autem hoc donum pel' succedentia tempora
firmum atque inconvulsurri permaneat placuit hoc sigilli mei
munimini communiri 'eorum testimonio qui presentation.e
hujus doni interfuere corroborari quorum nomina brevi
s-ubscriptione enumerantur : Haimo, mon a chus Majoris
Monasterii, Jacobus, Sancti Chorentini canonicus, Ligaman,
filius Rioci, Kinmaroc, filius Bernardi, Congar, filius Don
valloni, Paris filius Ruvalloni, Tudeguarus, filius Gorcun,
Acta VIo Kalendas novembris an-no ab incarnatione domini
Mo Co LXo Ho.
Au verso analyse d'une écriture contemporaine:
De Insula Tutualdi.
E tait scellé d'un sceau pendant sur double queue de parche-
Geof{1" oy, évêque du Mans, promet au.x moines de Marmou
tiers, de maintenir en bon état lOt (( maison )) de L'ite TutuaLd
qu'ils lui ont donnée, sa vie dur-ant,de racheter les biens qui
auraient été alù!nés et de payer un loyer annuel de 52 so' us
to' urnois et 6 deniers. 1248,
Universis presentes litteras inspecturis , Ganfridus (~), Dei
(1) Problablement Poulhan, commune de Poullan, canton de Donar-
nenez.
(2) Geoffroy de Loudun (et non Loudon), évêque du Mans, 1234-1255,
254 - '
gratia Cenomanensis episcopus, salutem in Domino. Noveritis
quod cum religiosi viri abbas et conventus Majoris Monas-
terii Turonensis domum suam de insula Tutualdi, Corisopi
tensis dyocesis, cum omnibus pertinentibus ad eamdem, ad
voluntatem nostram quoad vixerimus liberaliter duxerint
comittendam, promittimus eisdem quod quamdiu domum
tene1'e voluerint sup1'adictam ipsam cum omnibus suis perli
nenciis in bono statu tenebimus nec aliquid alienabirllUS ex
eisdem, immo alienata ad jus et proprietatem ipsius revoea
bimus bon a fide, et ipsis abbati et conventui reddemus vel
reddi faciemus in festo Beati Martini Hyemalis nomine firme
annuatim pro domo predicLa apud Majus nonasterium quin
quagenLa solidos turonenses et duos solidos sacristo et Xii
denarios armario ejusdem monasterii. Volumus siquidem et
specialiter concedimus ispsis quod quando nos decedere con
tigerit vel domum dimittere supradictam, eamdem domum
cum omnibus ad ipsam pertinentibus et meliorationibus ibi
dem factis pleno jure Iiberam et quietam ab omni honere
debitoris et contradictione alicujus dimittemus eisdem. In
cujus rei testimonium presentes lilteras eisdem abbati et con
ventlli dedimus sigilli nostri munimine roboratas. Datum
anno domini Mo CCo quatragesimo octavo.
Etait scellé d'un sceau pendant sur double queue de par-
chemin. ,
Geoffroy, éDêque du Mans, lait savoir qu'en considération
de la conctssion qui a été laite par l'abbé de Jlarmontiers tant
construisit le chœur de sa cathédrale, et présida en 1211 à plusieurs
accords relatifs à des prieurés de Marlp.outiers situés dans son diocése.
Nous sommes redevables à MM. le vicomte ~Ienjot d'Elbenne et l'abbé
Denis, curé de -Saint·Pierre de Chevillé, d'intéressants renseignements
sur ce personnage ( cf. Gallia Cl1ristiana T. XIV, col. 390--100 ; Acta sancto
torum, T. I de juillet, p. U7-282 ; abbé Denis, Notes et documents sur la
famille et les armes de Geoffroy de Loudun, évêque du Mans, dans la Province
du Maine) T. XIU, p. 241-247.
, , 255
à lui qu'à son clerc Guyou au survivant d'entr'e'ux de tous les
'1'CDenUS du priew~J de l'île Saint-Tutuald, ledit Guy promet
d'acqu. érir avant cinq ans, cent sous de revenu œu pTofit du
prieuré, ou de lèguer, 40 livres à l'abbaye s'il mourait avant
d'avoir fait cette acquisition. Janvier 1253 (N. S.)
Universis presentes litteras inspecturis, Gaufddus divina
permissionè Cenomanensis episcopus, salutem in domino.
Noveritis quod cum omnes redditus et proventus prioratus de
Insula Sancti Tutualdi, Corisopitensis diocesis, ad Majus
Monasterium pertinentis, de consensu abbatis et conventus
ipsius monasterii haberemus: et gratiam istam per pree es
nostras extenderit idem abbas ad personam Guidonis (1), cle-
l'ici nostri, ita quod superviventi nostrum domus eadem de-
beat remanere ac nos dictos redditus et proven tus feeerimus
clerici memorati, idem clerieus, recognoscens merito se leneri
loco cujus beneficium dinoscatur obtinere, concessit, in nost1'a
p1'esentia constitutus, se acquisiturum infra quinquennium "
centum solidos annui redditus prioratui supradicto. Si vero
interim ipsum decedere contigerit, ex nunc, dat, legat et con-
cedit quadraginta libras turonenses per manum abbatÎ's Ma
joris monasteri, qui pro tempore erit vel ejus mandati, in uti
litatem dicte domus penitus convertendas; et ad hocomnia Hde-
liter prosequenda idem clericus omnia bona sua mobilia et
immobilia, ecclesiastica et mundana coram nobis obligavit
specialIter et expresse. In cujus rei testimoniurn ad petitionem
dicti clerici et abbati dicti monasterii presentes litteras sigillo
nostro dedimus sigillatas. Datum mense januarii anno domini
. MO CCo quinquagesimo secundo.
Etait scellë d'un sceau pendant sur double queue de parche-
(1) Nous ignorons si Gui Talaret alias CalaI'er était manceau ou breton;
il pas8a la fin de sa vie à Quimper ;' son nom se retrouve plusieurs lois
dans le cartulaire du chapitre. Il mourut avant le 5juin 1270 (voir cartu!.
de Quimper publié par .M. le chanoine Peyron, n° 109). .
- 256
Vid~mus de la .charte de fondation délilJ1'é par l'archevêque
et pal' l'official de TOUTS, juillet 1254.
u. Universis presentes litteras inspecturis P. ('1) Dei gratia
archiepiscopus, et officialis Turonensis salutem; noveritis nos
vidisse litteras venerabilis Roberti, Corisopitensis episcopi,
inspexisse et verbo ad verbum sub teno1'e qui sequitur Iegisse
non cancellatas, non abolitas nec parte aliqua vicia tas : In
nomine sumIIle et individue ... etc .................... .
« Nos autem in hujus rei testimonium pl'esentes litteras
sigillis nostris fecimus sigillari. Datum mense julii anrio
domini Mo CCo Lo quarto. .
VII
Jean Foucaud, sénéchal de Cornouaille, fait savoir qu'il a
. été choisi pour juger la constestation pendante au sujet de la
propriété de la terre de Lanploelan en Poullan, entre le cha-
noine Guy Taleret, procureU'r de l'abbaye de Marmoutiers:
d'une part, et Geoffroy de Rostrenen, Tanguy de Ry, la
dame du Juch et Senguin, d'autre part. Juillet 1254 .
. Universis presentes Iitteras inspecturis Johannes Foquaudi
(2), senescallus tunc temporis domini comitis in Cornubiâ,
salutem in Domino. Noveritis quod cum colltentio esset inter
Guidonem Taleret, canonicum Corisopitensem, procuratorem
. abbatis et conventus Majo1'is Monasterii, pro domo sua de
insula Saricti Tutuarni, Corisopitensis . diocesis, nomine
ipsius domus ex una parte, et Gaufridum de Rostrafmen (3)
(1) Pierre··d- e Lamballe (1251-1250) .
(2) Foucaud, seigneur de Lescoulouarn, en Plonéour, Kervégan etc:
cette famille, qui tint un rôle important en Cornouaille où elle s'allia
aux Languéouez, Plusquellec, du Pont etc, a été rattachée par certains
généalogistes aux La B.ochefoucauld (Arch. Finistère, série E, fonds de
CIeux du Gage) ou aux Foucaud de Saint-Germain-Beaupré dans la Marche.
(3) Geoffroy de Rostrenen, fils cadet de Pierre III de Rostrenen et de
- 257
et Tanguidum de Ry (1), milites, et dominam de Jugo (2) (et
Senguinum armigerum) (3 et partes suas sive sibi adherentes
ex altera, super quadam terra que dicitur Lanploelan sita
in parrochia de Ploelan quam prefatus procurator ad dictam
domum dicebat pertinere et petebat contrq pqedictos ad versa-
rios· se permitti eamdem terram pacifice possidere. Tandem
predicti adversarii pro se et suis grataverunt et concesserunt
quod nos, sine dilatione et placito, inquiramus de pIano prout
viderfmus expedire de jure, et -posssesion~, et pertinentiis
dicte domus in terra supradicta, tam pel' instrumenta quam
testimonium patrie et inquisita, ut dictum est super hoc veri
tate omne jus péoprietatis et possessionis dicte dom us per
inquisitionem' hujusmodi declaratum dicte domui pacifice
remanebit sine contradictione qualibet quam predicti . adver
sarii et sui per se vel pel' alios possint ponere vel procurare
modo aliquo in futurum. Et de predictis omnibus tenendis
et perficiendis, dicti milites, armiger et domina, pro se
et suis, nos, tanquam senescallum domini Comitis posue':
runt tutores et custodes. In cujus ' rei testimonium ad petitio
nem ipsorum presentes litteras sigillavimus sigillo nostro et ad
majus robur et testimonium ipsi similiter presentibus lit-
teris sua apposuerunt sigilla. Datum ' mense Julii anno do
mini Mo CCo quinquagesimo quarto .
Etait scellé de cinq sceaux pendant sur double queue de ...
H. BOURDE DE LA ROGERIE.
fA suivre).
Jeanne de Parthenay, vivait encore en 1267 ; il ne parait pas qu'il ait
laissé postérité (Cf. Comtesse du Laz, La baronnie de Rostrenen, Vannes,
18~12, in-8· p. 6-9).
(1) Le H.y ou le Ris est une plage voisine de Douarnenez qui tire pro
bablement son nom du ruisseau qui y a son embouchure; il ne subsiste
en cet endroit aucune trace de château ; les Preuves de D. MOi'ice et le
Nobiliaire de Bretagne de Courcy nc mentionnent aucune famille de ce
nom. .
2). La famille du Juch était au contraire une des familles les plus ,:on
si eranles de Cornouaille; leurs fiefs (le J uch, PotzmaIi~h ew) entoUl'àlerit
les biens du prieur.
(3) Les trois mots qui précèdent ont été biffés.
357 ' -
DE'UXIEME PARTIE
Table des mémoires et documents publiés en 1905
III
VII
VII bis
VIIl
l'AGES
Excursion dans la commune de Ploujean par
M. LOUIS LE GUENNEC ........ ; . . . . . .. . ... . 3
Vagabonds de Basse-Bretagne au XVIII" Siècle
. par M. l'abbé ANTOINE F AVÉ . .............. . '. M5
Le Prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'Ile Tristan
près de Douarnenez, par M. BOURDÈ DE LA
ROG ERIE ......... " ... ............... ; i8,148, 206
Nou velle décou verte (dé substructions et d'objets
de l'époque romaine) faite à Carhaix par M. P. DU
CHATELLIER . . . ............................ .
Campagne d'Islande sur le Château-Renaud
(1890), extrait du livre de bord de M. le Com-
mandant MARTIN (planche) ................. .
Toponymie de la Montagne d'Arrée par
M. CAMILLE V ALLAUX (carte) ............... .
Note sur l'occupation militaire de l'Armorique
par les Romains (suite) : IS par M. JOURDAN
DE LA P ASSARDlÈRE /3 cartes} ..... , ........ .
Une campagne de huit jours, récit d'un général
et d'armes de la Sénéchaussée de Lesneven en
1766, par M. J'abbt'> ANTOINE FAvÉ ......... ' .
Trois vases en argent découverts à Plovan (Fi-
nistère), par M. P. DU CHATELLIER (planche).
Les chapelles du Cap-Sizun (suite) : La cloche de
Monsieur SaincVrhey, par M. H. LE CARGUET.
Les Eglises et Chapelles du diocèse de Quimper
(suite) ; doyennés de Lesneven et de Plabennec,
par M. le chanoine PEYRON .................
Les peintures de la chapelle de la Madeleine à
Pont-}, Abbé, par 1\1. le chanoine'AsGRALL.. . .. ,
114
124
135
164
169
183
201
XII
XIlI
XIV
Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'île Tristan
(suite: voirN°I), par M. BOURDE DE LA ROGERIE.
Les combattants bretons de la guerre améri-
caine, pa~' M. H. DE KERGUlFFINAN-FuRIc .....
Monument.mégalithique et "Coffret à Penfoënnec
en Elliant, par M. DE VILLIERS DU TERRAGE
PAGES
206
(planche) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
XV La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 280; 346
XVI La misère et les miséreux au Minihy de Léon:
San tee, par M. l'Abbé A. FA vÉ ............ 304
XVII Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de. l'île Tristan
(suite: voir N° 1 et XII), par M. BOURDE DE
LA ROGERIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 330
XVIII La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, (suite,
voir N° XV), par M. J TRÉVÉDY............ .346
FIN
Quimper. ' Imprimerie A. Leprince