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Société Archéologique du Finistère - SAF 1905 tome 32 - Pages 97 à 113
CAMPAGNE d'ISLANDE sur' le « Chateau-Renaud)) 1390
EXTRAIT nu LIVRE DE BOI ' O DY. M, LE Co~mANOANT A. MARTIN (1)
Le Chateall-11enaud quitte Cherbourg le '12 avril.
Lundi 2'1 avril, visite à Edimbourg. Son musée d'anti-
quités est un fouillis de toutes sortes d'objets un peu dispa~
rates, de tous pays et de toutes,époques, la plupart provenant
de dons particuliers. La collection de haches, ustensiles et
armes très variés en pierres, ainsi que celle de celtœ, épées'
etc., en bronze est fort riche. La variété, la grandeur et la
qualité minérale des haches en pierre sont particulièrement
remarquables. Il y a des échantillons de grande ' beauté tels
que je n'en ai pas vus ailleurs. J'ai surtout été frappé par leurs
dimensions; rien de pareil à Vannes. Quant au musée de
peinture, il ne m'a pas produit la même impression favorable.
Les deux monuments où sont renfermés ces collections 'sont
de style grec, heureusement placés sur la bordure d'un square
dessiné dans le fond et sur les pentes d'une profonde vallée
qui domine l'imposant rocher portant le château d'Edimbourg.
Lerwick-Sheqand, Jeudi ter mai. Nous avons visité
. une très curieuse et intéressante ruine située à un mille
environ de la ville On l'appelle Picktish tower (la Tour des
(1) Notre collègue, M. le commandant A. Martin, ayant bien voulu
me confier son livre de bord et m'autoriser à y faire quelques emprunts
pouvant particulièrement intéresser les membres de notre compagnie,
je lui en adresse ici tous mes remerciements et profile de cette bonne
fortune pour meUre sous les yeux des membres présents à la séance
les belles photographies des monuments qu'il a visités au cours de sa'
croisière et qu'il a déposées dans mes archives ..
P. DU CHATELLIER.
BUL LETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' TOME XXXI (Mémoires) 7
Pictes). Il ya plusieurs monuments semblables dans les envi
rons et l'un d'eux dans l'l1e de Moussa est à peu près complet;
mais ce n'est qu'une tour et non un monument important
comme celui de Lerwick. Très endommagé, ses pierres ont
servi pendant des siècles à clôturer les propriétés voisines et
à bâtir des maisons. Il est placé SUI' un îlot, aQ 'centre d'un
petit lac; une chaussée, bien visible encore, le réunit à ' la
terre. Le rivage de la mer est à 3 ou 400 mètres de là .
Au centre est une tour tronconiq. ue en pierres sèches,
encore élevée de 3 ou 4 mètres. Ses murs ont une épaisseur
de 3 mètres environ et dans leur épaisseur existent des
couloirs on galeries, en certains endroits sur deux étages
superposés, à plafonds formés de larges pierres plates, faisan t
tout le tour du monument. Trois portes très basses sont _
percées à la base de la tour et font communiquer avec l'inté-
rieur. Sur les faces latérales de ces tunr~els des ouvertures
s'ouvrent sur des escaliers conduisant aux galeries dont il
vient d'être question . .
En un point, la galerie inférieure aboutit à une sorte de
crypte circulaire qui m'a semblé n'avoir pas d'au!.re issue. -
Quand la tour était complète et haute, des galeries pareilles
devaient exister à différentes hauteurs, reliées entre ellrs sur
un point ou deux, par des escaliers comme celui qui existe
dan~ les portes. -- On ne devait atteindre le sommet de la
tour que par ces passages obscurs et dissimulés dans l'épais
seur des murs. Il n'y a aucune trace de degrés tnnt à l'intérieur
qu'à l'extérieur des murs.
Une seconde tour, beaucoup plus large, s'élevait concen-
triquement à celle-ci, laissant entre les deux un large e. space
circulaire en plein air. Elle est l'lus détériorée que la première,
mais pas assez pour qu'on n'y reconnaisse pas le même genre
de construction. les mêmes portes, les mêmes galeries inté-
fleures.
Une autre plus large encore forme une troisième en-
ceinte et un deuxième préau. Il n'eu reste que quolques
débris, une des portes, quelqu~s pans de mur, toujours avec
galeries intérieures.
Je pense que ces trois murai lles concentriques ne . s'éleva ient
pas à la même hauteur, la tour centrale étant la plus élevée
et les deux autres en contrebas par i'apport. à celle-là.
_ D'a près l'i nspection des lieux, on pourrait aussi croire
que ces enceintes se rapprochaient davantage de la' tOUl'
centrale du côte du lac, que la troisième venait même se
rejoindre à la deuxième . Au lieu de cercles concen triques
ce sera ient des cercles presque tangents au même poinl. .
Il existe ,une quatrième porte dans un pan de mur debout à
l'extrémité d'un rayon passant par une des portes des trois
prem ière~ tours . Y avait-il une quatrième enceinte pa reille
aux autres'? Il n'en reste presque rien. Elle n'eut été qu'une
circonvolution peu élevée. .
Enfin l'on croit reconnaître une cinquième porte, tou jours
placée sur ce même rayon qui passe déjà par les quatre
autres, et que prolonge fi. ·l'extérieur une longue jetée en
grosses pierres" seul moyen d'accès au refuge quand les ea ux
du lac l'entouraient entièrement. 'Depuis peu des drainages
on t fai t écouler u ne partie des eaux et mis à sec le' sol où
s'élève la jetée.
L'existence d'une cinquième enceinte circulaire me parait
plus que douteuse et je De vois dans celle porte qu'une défense
pour la jetée, une sorte de tête de pont où les assaillants
aura ient été d'abord arrêtés.
Il Y a dans les trois enceintes encore visibles et dans les
espaces libres entre elles des détails de construction, des
dispositions cherchées, voulues, des traces de substrucLions à
desseins variés répondant évidemment à des usages divers,
que le temps ne m'a pas permis d~ relever et qui auraient le
plus grand intérêt. . -
En somme cette constl"uction, dont les vastes débris
_ . 400-
, attestent l'ancienne importance, rappelle les Nouraghes de la
Sardaigne. Comme elles, ce devait être un refuge pour les
habitants dispersés de la contrée au moment de l'invasion
soudaine d'un ennemi. On pouvait recueillir dans cette énorme
forteresse, non seulement la population du pays; mais des
vivres, des bestiaux, et aussi , les objets précieux de chaque
famille, cachés peut être dans ces cryptes dont une s'est
ouverte au jour sous l'écroulement des matériaux de la tour
InterIeure. '
, J'ai peine à croire que deux peuples différents de race et
d'origine aient pu, aux deux extrémités de l'Europe, concevoir
et exécuter un pareil monument. Il y a un cachet d'originalité
, tel qu'il semble porter àvec lui la preuve indéniable d'une
même main créatrice. Il est à lui seul une signature" le sceau
d'un peuple.
Lerwick, Dimanche 4 mai. -- . A tO heures du matin, par
un temps magnifique nous appareillons et faisons route ver~
le nord pour passer dans le canal Whaley. puis dans le Yell
Sound, entre la grand île de Main Land et l'île Yell.
Par ce beau temps c'est une intéressante navigation qui ,
nous permet de voir une partie des Shetlands ....
Dans le Yell Sound nous passons tout pl;ès d'une ruine
analogue à la Pictish tower de Lerwick. Elle s'élève sur
un îlot formant l'extrémité d'une langue de terre que des
rochers rejoignent à l'île Yell, et lui: même est réuni à cette
presqu'île par des pierres, peut-être les restes d'uI1e ancienne
chaussée, comme celle de Lerwick.
Ici le monument est beaucoup plus dégradé. La tour cen trale se présente sous la forme d'un tumulus et d'un galgal
avec une cavité au milieu. L'humus et l'herbe l'ont presque
partout recouverte. Sur la partie qui regarde la terre où est
la chaussée, on distingue nettement deux enceintes concen-
triques à la tour, avec talus et fossés, le' tou t recouvert
d'herbe. Du côté de la mer, au large, la tour s'avance
jusqu'aux rochers' de la petite falaise. Y a-t-il eu érosion de
l'île par les v~gues et les enceintes extérieures de ce côté ont-
elles été détruites de ce fait, ou bien devaient-elles, à ce point
moins attaquable, se fondre avec la tour centràle elle-même?
Cette description est évidemmtrnt incomplète puisqu'elle
n'est qu'un rapide coup d'œil jeté sur le monument; mais
elle fait ressortIr la similitude qu'offre cette ruine avec celle'
des environs de Lerwick. ' On l'apP911e « copista brough )) .
ce dernier mot signifiant « fortifications anciennes».
L'absence de talus du côté de' la mer, où le pied de la tour
semble s'appuyer sur les roches de la grève,répondrait à la re-
marque faite à Lerwick sur la nonconcentricité des enceintes et
leur tengeance possible sur un point du cercle" celui ou les
moyens multiples de défense étaient moins nécessaires,
l'attaque étant plus difficile. .
Akureyré, Jeudi 5 juin. .. Décidément Akureyré ne veùt
pas mériter à nos yeux sa réputation de Provence de l'Islande.
Toute la nuit la neige est tombée à gros flocons, et le pont,
les lisses, la mâture, tout le bâtiment est revêtu d'un manteau
blanc de 20 à 30 centimètres d'épaisseur. . . . . .
En fait d'étymologie en voici une qui pourrait résoudre
la question si controversée de Forigine de nos expressions
maritimes babord et tribord, voulant dire gauche et droite. .
C'est dans une conversation avec le pasteur poète d'Aku
reyré que nous l'avons relevée et notée. L'auteur nous faisait
la traduction du livret de son drame composé à l'occasion du
prochain millènaire de l'arrivée des premiers colons islandais,
quand le mot bac-bor, vint sur ses lèvres pour désigner le
côté du navire par lequel le roi de mer, le héros Helgoe; des
cendit dans la barque pour le mener à terre, sur ce sol jusque
là désert. Quel est ce côté lui demandâmes-nous, frappé par
la consonance? C'est le côté gauche, le côté du dos. . Com-
ment dites-vous donc le côté droit en Islandais, c'est-à-dire
en vieux norvégien? stir bor, le côté où ['on gouverne, ré-
pondit le pasteur. Dans les anciens navires de ces hardis
Normands, le gouvernail était · placé non à l'arrière dans le
prolongement de la quille, comme aujourd'hui, mais sur le
côté, sur la hanche, à droite. L'homme qui le manœuvrait
tournait donc le dos au côte gauche du bâtimeflt d'où les deux
appellations de bac-bor, et de stit'-bor (t i parfaitement ap
propriés aux deux côtés du navire par rapport à ,la place et '
à la position du pilote qui gouverne à la droite du navire et
tourn'e le dos à la gauche. , Les illvasions des Normands
sur nos cOtes et dans nos fleuves et plus tard le'ur conquête
d'une de nos provinces nous auraient-elles 'laissé ces deux
expressions maritimes? C'est possible et vraise'mblable:
Reykiavic, Samedil'r juin. - De l heure à ' 2 heures
nous avons visité le musée situé au deuxième étage du palais
du parlement. Le premier étage renferlne les salles des séances
des deux chambres, haute et basse: àu rez-de-chaussée se
trouve la bibliothèque
Le musée trop petit, paraît.-il, pour ctintenir tout ce qu'on
aurait à y mettre, renferme une collection de (crs à rcpassCl',
en bois sculptés, de styles variés; quelques meubles anciens
a vec sculptures sur bois; beaucoup de coffrets et boltes
en bois sculpté, de fOl'mes très différentes; une belle col-
lection de bijoux anciens en argent et argent doré, cein tures, diadèmes, colliers, boutons" agrafes, croix à"ec
chaînes de cou, quelques bagues, etc. ' ,Le motif de
décoration qui ' revient le plus'souvent et semble caractériser '
l'art des joailliers Islandais est une feui lle d'arbre, (boùleau '1)
aux nervures en creux, mise ("n pendeloque au centre, autour
ou en ,bas d'ornements divers, quelques unes, d'un travail
, très fin, Le filigrane 'est aussi très en faveur. '
Mais ce qui domine et remplit les trùis quarts du ' Musée,
ce sont les dépouilles de l'ancien culle catholique, chemins de
(l) Autrefois nous disions en français stribord et non tribord.
- ' 103 -
croix, saintes ,vierges: saints, sièges, etc., presque tous en
bois sculpté, :2 ou 3 en marbre sculpté et peint. Il y en a de
toutes les époques, depuis le xe ou le XIe siècle jusqu'à la
Renaissance. Puis les vases sacrés' et beaucoup de chasubles
et autres ornements sacerdotaux, quelques peintures à l'huile
anciennes provenant ,d'églises, des tapisseries de même pro
venance; et enfin de nombreuses inscriptions sur bois dont
une rUOlque.
J'ai remarqué une curieuse burette en bronze représentant
un lion debout, un homme nu renversé en arriére, les pieds
sur la croupe de l'animal, la tête et les mains sur son cou
forme l'an·e, une ouverture avec fermoir SUl' le sommet de
la tête du lion sert à introduire le liquide qui se dé\'erse par
une petite gargouille placée dans la gueule. C'est un objet
du XIIe siècle.
Quelques vitrines renferma nt des crânes, des ossements
et. un mobilier funéraire de sépultures des premiers occupants
J'y relèye un mélange d'objets de bronze et de fer , des colliers
formés de grains de pierres quartzeuses, d'ambre et de verre·
hlanc et de couleur. .Enfin, sur une table, au milieu de la
salle du fond , i'eposant sur deux chantiers, un charmant mo-
dèle de la fameuse barque de \Viking trou.vé dans un tumulus
de Norvége et consenée à Christiania. C'est une longue et gra-
cieuse embarcation non pontée, mais avec un plancher dans
le fond à une certaine hauteur au-dessus de la quille, allant de
bout en bout. On devait s'y tenir deboutpotir nager et dessous y
mettre les vivres, provisions et produits des hardis coups de
main de ces célèbres écumeurs de mer.
Seize avirons de chaque bord passant dans des darnes per-
.cées dans les flancs du navire à mi-haute'ur à peu près de la
flottaison
Le gouvernail à large safl'an et à mêche percée pour rece voir la barre est placé à tribord derrière, sur la hanche. Il est
maintenu dans une position à peu près verlicale par un premier
çordage fixé sur le safran, traver. sant la coque par un écubier
pour venir s'-amarrer en dedans, et par un deuxième reliant la
mêche au plat bord en laissant du jeu pour permettre le mou
vement facile au gouvernail'. Il ne semble y avoir eu qu'un mât
a u mi lieu.
L'avant et l'arrièresont fins, d'unecourbe pareilleet relevée
~IO peu comme dans les caïques,
On est frappé de l'usage presque exclusif du bois fait par les
anciens Islandais, même pour leur vaisselle courante et com-
mune, en songeant qu'il n'y a jamais eu un arbre dans l'lie
Stornoway (Hébrides), Samedi 28 juin. Les Hébrides
renferment un certain nomhre de monuments mégalithiques,
ainsi que de tours des Pictes. L'île de Lewis possède un
cromlech 'avec bras disposés en croix et une tour dont un pan
détruit permet de voit' l'intérieur. C'est la même architecture
, à piel'l'es sèches, les mêmes couloirs intérieUI;s dans l'épais
seur des murs et la même unique porte inférieure que dans
celles de Lerwik. On voit autour les restes d'une seconde
enceinte, tout à fait détruite .
La tour des Pictes est â Carloway dans le nord de Callanish;
une autre sur un firth du grand Fiord de East Loch Road .
(Côte Ouest de Lewis 1.
Kirkwall (Orcades), Lundi 1ft: juillet. "La petite ville
de Kirkwall, capitale des Orcades, est jolie et propre. Sa
vaste cathédrale de Saint.:Magnus, datant du XIe siècle,
agrandie pendant les deux ou trois siècles suivants, et ses pit-
toresques ruines des palais de l'évêque et des comtes, sont
des monuments curieux. .
Dans la journée, j'ai visité la collection d'antiquitës de
l'épicier-boulanger-archéologue, M. Crllsiter; tous les objets
qui la composent sont du pays et oUrent par celà-même un
plus grand intérêt. Elle est surtout riche en ustensiles et
armes en pierres. Les outils, instruments, armes et objets de
détermination douteuse, de grosse dimension et cie facture
peu soignée, sont en grès du pays. Il y a des longs et lourds
bâtons comme ceux que j'ai notés au musée d'Edimbourg, des
marteaux, des mollettes,portant la trace de la place des
doigts, des mortiers, des pierres de filets àvec gorges, des
sortes de battoirs épais, etc., et enfin des pesons de fuseau de
dimensions trôs variées. Les haches en piérre polie sont en
serpentine (qu'on trouve paraît-il aux Shetlands), en porphyre,
en basalte, en trachyte, quelques-unes en quartzite et en silex,
une en granit, etc. '
Il Y a une certaine quantité d'instruments en silex taillé,
haches, couteaux, flèches, etc.
Peu de bronzes; quelques débris de poterie très grossière,
deux ou trois colliers en pierres de couleur et en ambre; enfin"
un morceau de pi, erre ponce, toute striée, aiguisoir pour ou-
tils fi ns.
Nulle part dans ces îles on a trouvé de'vestiges de l'époque
romaine, si ce n'est quelques monnaies.
Kirkwall, Mardi t;s juillet. Excursion en voiture à
Stennis, dix milles de Kirkwall.
Les Orcades possèdent un assez grand nombre de monu-
ments antiques et plusieurs se trouvent dans un rayon de 4- à
ti milles autour de Stennis : 1° Cercle mégalithique de Brogar,
de 100 mètres de diamètre; il est situé sur une sorte d'isthme
entre deux lacs; une douve de six à sept mètres de largeur et '
profonde encore de près de deux mètres en certains endroits
l'entoure ('1 l. Les trente et quelques pierres debout qui le
composaient, également espacées sur la circonférence inté-
rieure, sont encore à peu près au complet. Dix-huit sont de
bout et les autres jetées à terre. Tout autour de cette enceinte,
située entre deux lacs, se voient des tumulus, dont plusieurs
sont à peu près détruits, mais d'autres, pas ou mal fouillés,
(1) Je suis porté à croire que ce fossé est postérieur au monument. Peut-' ,
être est-il comme celui du Maeshowe de l'époque des flibustiers scandinaves
qui auraient fait de,cette enceinte une sorte de camp fortiné.
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vaudraient la peine de l'être complètement. L'ensemble est
une vaste nécropole. Plus au nord, après avoir franchi la
chaussée pont établie à l'endroit où les deux lacs se touchent,
de grands menhirs, au nombre de quatre, placés sans ordre
apparent, doivent être les restes d'alignements formant allée
pour conduire au cercle; peut-être d'eux d'entre eux,auprès
desquels un troisième gît renversé à terre, ont appartenu à
un second cercle. Un dolmen effondré les avoisine. Je crois
plutôt à une allée'ou des tom'beaux s'élevaient des deux côtés
comme aux bords d'une voie sacrée. Le second groupe de
pierres levées prend le nom de monument de Stennis ; mais à
mon avis ce n'est qu'une partie du vaste ensemble mégali thique. qui a le grand cercle si bien conservé pour centre;
2° Tumulus du Maëshowe. Très complet, restauré. On
paie pour entrer avec le gardien, ce qui empêche heureuse-
ment les touristes de couvrir les murs de la salle intérieure
de leurs noms ou initiales. Comme mode de construction,
comme disposition des salles et cell u les intérieures, avec son
long couloir d'entrée, sa grande chambre voùtée en encorbel lement; je ne trouve comme analogie à ce tombeau que ceux
de la Grèce et de l'Asie Mineu're, le tombeau de Tentale et
peut-être les monuments de Mycènes, dits Trésors des Atrides.
Les Orcades renferment beaucoup de tumulus avec cryptes
du même style, quelques-uns n'ont même pas été fouillés.
On m'a dit que personnp de compétent ne les a mis à nus et
décrits: J'en ai visité un presque complet avec deu'x trous sur
le sommet (deux pierres de la clé de voùte enlevées) qui per
mettent de jeter les yeux dans l'intérieur et même d'y des
cendre. Mais les salles sont à peu près comblées et on ne voit
que la partie supérieure des voùtes en encorbellement, qui ne
laissent aucun doute sur leur parenté avec le Maëshowe. On
les appelle maison des Pictes, Ces extraordinaires monuments
'mériteraient une étude complète; comme les tours dites des '
Pictes, ils ont un cachet d'étrangeté et de mystère qui excite
407 -
d'autant plus la curiosité qu'on ne peut s'empêcher, en les
voyant, de songer à la Méditerrannée.
Les pierres de la crypte du Maëshowe sont couvertes d'ins-'
criptions runiques. On les a lues, elles datent des IXe, Xe, XIe,
XIIe el XIIIe siècles. L'antique tombeau, déjà ouvert à cette
,époque, a servi de lieu de refuge et de cachette aux flibustiers
normands. Ils en ont fait une sorte de forteresse et le fossé,
encore profond qui l'entoure, date certainement de celle
epoque et constitue une défense. Les autres tombeaux pareils,
fouillés et'visités par les modernes ne montrent aucune ins
cription. Ils sont restés tels que leui's constructeurs 'les ont
fai ts.
Il Y a aussi dans l'île un grand nombre de restes des tours,
dites des · Pictes, un dolmen encore deboul., et un très curieux
. monument mégalithique, ?ppelé Dwarfie stone (la pierre des
mains). C'est une grande pierre à surfac.e plate, ' en grès,
reposant 'sur le sol sans en faire partie.
Elle a été creusée de façon à représenter sui' une de ses
tranches une porte couloir conduisant à deux chambres en-
taillées dans son épaisseur, chambres évidemment trèl:l basses
qui lui .on fait donner son nOITL
Voici ses principales dimensions: Longueur 36 pieds
('lom8. Largeur H> pieds (4
50). Epaisseur 8 .pieds à un bout et
4 ou 5 à l'a utre (2
40 et , t
50). Le plan offrirait quelque chose
comme ci-dessous .
"J~AN ET SECTION DE lUAESHOWE
109 -
Celà a dû être un tombeau, et je vois quelque chose d'un
peu analogue qu'en ' Asie-Mineure.
J{irkwall n'a malheureusement pas de société archéologique,
pas d'hommes de loisirs et riches pouvant s'intéresser à toutes
r ces vieilles choses. Ce serait cependant, même à l'heure
actuelle, uue belle mine à exploiter pour un amateur.
Bergen, Dimanche 24 août. Excursion en voiture dans le
fond de la vallée, pour visiter la restitution d'une très ancienne
église en bois (XIIe ou XIII siècle) dans la propriété d'un
riche amateur, qui l'a fait transporter morceau par morceau,
du village ou elle s'élevait, toule en ruine, à l'endroit très
pittoresque où les touristes accourent la voir. Il y en a deux
autres paraît-il dans la Norvége et la société pour la conserva.:
tion des monuments historiques les a prises sous son égide.
Ce sont de charmants petits joyaux des temps anciens. '
Bergen, Mardi 26 août. Temps . superbe, vraie journée
d'été, la première depuis le départ de Cherbo· urg.
Dans la matinée j'ai visité le . musée, vaste monument où
sont réunies toutes les collections d'antiquités au rez-de-
chaussée, et de géologie au premier étage.J'ai vu les premières
seulement. ·Elles sont rangées dans 8 ou 10 salles successives,
la première étant consacrée à · l'âge de la pierre et au
commencement de l'âgé de bronze. La Norvège est très
pauvre en instruments de pierre, elle n'a pas un monument
mégalithique, . au point qu'on en aurait conclu à sa non
habitation à ces âges reculés, si on n'avait récemment
trouvé dans le nord des ateliers d'ustensiles en silex . La
. question reste incertaine pour le moment. Tout à fait dans le
sud de la presqu"Ue, comme en Suède, il y a quelques restes
de mégalithes.
L'âge du bronze est mieux représenté. Mais tous ces
vestiges ne paraissent pas de provenance locale; ils ont été
importés du continent. Pas une trace d'occupation romaine.
C'est l'époque des vikings qui garnit le plus grand nombre
des salles et des vitrines,armes en fer, débris de navires,
ornements et bijoux. Ces derniers offrent souvent des sujets
religieux chrétiens; ils sont évidemment le butin pris aux
monastères et églises de l'Irlande, de l'Ecosse et de la France,
pays Slll' lesquels les Northmen se sont abattus pendant le
moyen âge, comme offrant la plus riche curée.
Puis on passe aux salles renfermant les dépouilles du cuite
catholique en Norvège. Comme à Reykiavic elles sont en
grand nombre et curieuses, statues en bois, crucifix, orne-
ments, vases, reliquaires, etc. 1
Enfin deux ou troi~ sall~s montrent des meubles, des bijoux
des ustensiles, des étoffes, remontant aux deux ou trois der-
niers siècles.
Quand on a vu tout ce musée il ne reste aucun doute que
tout l'art islandais vient de Norvège, on pourrait même dire
que .les objets même en viennent et qu'il n'y a pas eu de
production locale dans l'Island~. .
Par ce beau temps, les jeunes norvégiennes n'ont pas
manqué de venir en foule avec leur famille offrir à l'équipage
une occasion de sauter gracieusement. A 9 heures, la retraite
. est battue et tout ce petit monde s'embarque dans les bateaux
de passage et regagne la terre après -avoir fait deux ou trois
fois le tour du bord en chantant des chœurs et l'hvmne
na tiona 1 norvé~iens et en agi tan t des mouchoirs en signe
d'adieu, car nous devons quitter Bergen le lendemain matin .
Certes, tout le monde emportera bon souvenir de ce peuple
norvégien, hospitalier, naturel, simple et aimant la gaieté .
On peut se croire en France en se promenant dans les rues de
Bergen tant le type de race est peu accentué.
Copenhague, Samedi 6 septembre. Visite à l'é-
glise Notre-Dame ou sont les originaux du Christ et des
apôtres de . Thorvaldsen, et un charmant bas-relief de la
charité .
Le christ et les apôtres sont très beaux. Le vêtement surtout
y est rendu d'une· façon magistrale, avec la vérité et la sobriété
de l'antique.
L'après-midi je vais visiter le musée etnographique avec
son conservateur et revoir le musée des antiquités du Nord.
Ce qui frappe en parcourai1t les salles du musée des anti-
quités (âges de la pierre) où tous les objets sont uniquement
de provenance danoise, . c'est l'identité de composition miné-
ralogique de ces armes et instruments. A quelques exceptions
près, très peu nombreuses, les haches, tranchets, coins, lances,
racloirs, etc, elc., sont en silex, provenant des craies du pays .
Seuls, le~ màrteaux si nombreux et de forme si variées, sont,
ainsi que quelques rares haches de composiLion différente,
grès, diorites, basaltes, granits, porphyres. La forme qu. i
domine est celle du tranchet presque toujours coupant des
deux bouts, celui du ba's un pAU plus large, étant le mieux
affilé; un petit nombre est poli, la majorité est taillée. Plu
sieurs haches et tranchets sont creusés en gouges . Ensuite
viennent les pointes de lances, toutes en silex, quelques- unes,
très grandes, ont !~O centimètres. Elles sont d'un dessin varié.
Une pièce llhiq. ue en silex taillé est une sorte de halleharde,
couperet, ou insigne de commandement. Une pièce unique
encore, aussi eil silex, grossièl'ement tail lé, é::: t une espèce
de hacbe d'arme de ;SO à 60 centimètres de 'long.
Puis les coins ciseaux longs, étroils, tous en silex, le' plus
souvent polis, uu ayant au moins le coupant poli. offrent une
collection nombreuse aux 'dimensions variées. .
Quant aux marteaux ou haches-marteaux, leur nombre est
très grand et la variété de forme est, pour ainsi dire, aussi
grande, Jen'en ai pas remarqué un seul en silex, quelques-uns
sont en belle pierre porphyrique à grands cristaux diversement
colorés, ' .
Enfin, les racloirs, en forme de croissant, sont en énorme
quantité .
Le musée d'ethnographie ' est aussi tr$" complet. Toutes
les contrées de la terre y sont représentées, notre musée
de Vannes y brille par ses magnifiques échantillons de haches
en belles pierres polies, En Danemark, rien ae pareil. Je n'ai
vu quelque chose de comparable qu'en Écosse.
Rotterdam, Mardi 16 septemhre: A 9 heures du matin
je prends le train pour Amsterdam. Pendant trois jours, il
fait un temps merveilleux. Je visite Leyde, La Haye, Scheve ningue et je rentre à bord le jeudi soir. Une débauche de
musées. Ce n'est qu'à Leyde où il y a un musée d'antiquités.
La section de l'âge de la pierre y est bien mesquine. S' eule
la province de Drenthe a fourni quelques armes et ustensiles,
hâches, marteaux, pointes de flèche en silex, trouvés dalls
des dolmens. Petit modèle d'une allée couverte aux pierres
tout à fait brutes; les tables sont des blocs presque ronds .
Dessins d'autres. chambres à supports, et tables en pierres
plates.
Les pierres des armes sont des silex, des granits et des
schistes durs.
En somme, extrême pauvreté de la Hollande aux époques
préhistoriques.
Intéressante inscription sur une brique épaisse, terre c , uite
dure, à face lustrée. ,
GENS
BATAVORVN
AMICI ET FRATRES
Anvers, Mprcredi 24 septembre. Dans la journée, j'ai
visité la cathédrale, dans laquelle se trouvent deux chefs
d'œuvre l'un de Rubens, l'autre de Van Dyck, la mise en
croix et; la descente de croix, toiles de très grandes dimensions
recouvertes d'un voile. On ne peut les voir qu'en payant une
rétribution.
J'ai ensuite visité le musée d'antiquités qui est absolument
insignifiant. Je n'y ·ai vu que 7 ou 8 hâches en pierre. C'est , .
lm ramassis de médiocres et pauvres spécimens d'archéolo
gie de tous les pays, Egypte, Grèce, etc.
Le Samedi 27 septembre. J'ai visité Bruxelles, ses mo~
numents, ses musées. .
Le mùsee d'antiquitès n'est plus au donjon de la porte de
Hall, il a été transporté dans les bâtiments du cinquantenaire.
Il renferme pas mal de belles choses surtout des ' scQlptures
en bois du XVIe siècle (Rétables d'Eglises). ,.
Dans ce genre, il y a en Belgique deux spécimens bien
remarquables, la chaire de la cathédrale d'Anvers et celle de
Sainte Gudule à Bruxelles, c'est étonnant, comme travail et
comme patience, un de ces monuments est l'œuvre de la vie
d'un artiste.
Assez grande collection de vases, bronzes, verres, bijoux;
ustensiles di vers de l'époque Gallo-Romaine.
L'époque de la pierre est représentée par des vitrines· peu
garnies. Rien de caractéristique, un mélange ries formes et
matériaux danois avec quelques beaux spécimens rappelant
la Gaule, haches noires et vertes. .
Le vendredi 3 octobre, le Château·Renaud rentre à Cher-
bourg. .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXXII (Mémoires) 8
357 ' -
DE'UXIEME PARTIE
Table des mémoires et documents publiés en 1905
III
VII
VII bis
VIIl
l'AGES
Excursion dans la commune de Ploujean par
M. LOUIS LE GUENNEC ........ ; . . . . . .. . ... . 3
Vagabonds de Basse-Bretagne au XVIII" Siècle
. par M. l'abbé ANTOINE F AVÉ . .............. . '. M5
Le Prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'Ile Tristan
près de Douarnenez, par M. BOURDÈ DE LA
ROG ERIE ......... " ... ............... ; i8,148, 206
Nou velle décou verte (dé substructions et d'objets
de l'époque romaine) faite à Carhaix par M. P. DU
CHATELLIER . . . ............................ .
Campagne d'Islande sur le Château-Renaud
(1890), extrait du livre de bord de M. le Com-
mandant MARTIN (planche) ................. .
Toponymie de la Montagne d'Arrée par
M. CAMILLE V ALLAUX (carte) ............... .
Note sur l'occupation militaire de l'Armorique
par les Romains (suite) : IS par M. JOURDAN
DE LA P ASSARDlÈRE /3 cartes} ..... , ........ .
Une campagne de huit jours, récit d'un général
et d'armes de la Sénéchaussée de Lesneven en
1766, par M. J'abbt'> ANTOINE FAvÉ ......... ' .
Trois vases en argent découverts à Plovan (Fi-
nistère), par M. P. DU CHATELLIER (planche).
Les chapelles du Cap-Sizun (suite) : La cloche de
Monsieur SaincVrhey, par M. H. LE CARGUET.
Les Eglises et Chapelles du diocèse de Quimper
(suite) ; doyennés de Lesneven et de Plabennec,
par M. le chanoine PEYRON .................
Les peintures de la chapelle de la Madeleine à
Pont-}, Abbé, par 1\1. le chanoine'AsGRALL.. . .. ,
114
124
135
164
169
183
201
XII
XIlI
XIV
Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de l'île Tristan
(suite: voirN°I), par M. BOURDE DE LA ROGERIE.
Les combattants bretons de la guerre améri-
caine, pa~' M. H. DE KERGUlFFINAN-FuRIc .....
Monument.mégalithique et "Coffret à Penfoënnec
en Elliant, par M. DE VILLIERS DU TERRAGE
PAGES
206
(planche) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
XV La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, par
M. J. TRÉVÉDY. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 280; 346
XVI La misère et les miséreux au Minihy de Léon:
San tee, par M. l'Abbé A. FA vÉ ............ 304
XVII Le prieuré de Saint-Tutuarn ou de. l'île Tristan
(suite: voir N° 1 et XII), par M. BOURDE DE
LA ROGERIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 330
XVIII La famille de La Tour d'Auvergne-Corret, (suite,
voir N° XV), par M. J TRÉVÉDY............ .346
FIN
Quimper. ' Imprimerie A. Leprince