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Bulletin SAF 1904


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Note sur l’occupation militaire de l’Armorique par les Romains ; les villes légendaires I. Tolente

J. de la Passardière

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VII
NOTE
sur l'occupation militaire de l'Armorique par les Romains

C'est à la fin du règne de Louis Xl V qu'a commencé à
s'introduire en Bretagne la mode de désigner sous le ' nom
de Châ.teau les résidences rurales des gentilshommes de le

provInce.
Depuis lors, cette mode a progressé, et de nos jours elle
a pris un tel dé veloppement, qu'il n'est si mince habitation
de campagne qui n'ait aujourd'hui des prétentions à ce 1itre;
mais la langue bl'etonne n'a pas suivi la mode, et le Breton
continue à désigner les nombreuses gentilhommières du pays
sous le nom de Maner et non de Castel.
Ce dernier est réservé aux anciens châteaux historiques
ou à quelques maisons fodes de conséquence; dans le Léon ,
par exemple, la Roche-Maurice, Joyeuse-Garde (Castel
Goelet Forest), Penhoat, I}gournadech, I>:ouzél'é, I>:jean,
Kman (Carman, I>:mavan, on prononce généralement I} vaon),
Trémazan et quelques autres ... :
Castet est aussi donné à certains
Mais le nom de
restes d'ouvrages fortifiéd, le plus souvent en terre; et l'on
pu reconnaître fréquemment dans ces ouvrages les vestiges
caractérisés de stations militaires romaines, et même parfois
préromaines, puis romaines successivement (1). .
(1) Pour ne citer qu'un exemple, dans les fossés du grand camp à Prœto­
ritlill de Castel-Penlédan, aliàs Caslel-I.andin'ern, sous le Folgoat, on a trouvé
des haches en pierre. Le lieu de Landiffe?'n devint le berceau d'une famill e
qui en prit le nom et qui portait pour armes: d'az,ur à 3 gerbes d'o?',

Il n'est pas rare que la station ait disparu; le souvenir
s'en est cependant conservé par un nom qui a survécu, ,re­
tenU par un village voisin.
ajouter qne le vocable Castel, Castellou, Questel,
Il faut

, Quistilli, Quistillic, n'est pas la seule dénorriination signifi-
ait persisté après l'effondrement de l'empire
cative qui
l'ornain, après la chûte de cette puissante occupation mili­
taire qui avait comprimé la Bretagne pendant quatre siècles.
On trouve encore des Tor, Tour,' tour; Mur, Muriou, Meur,
forLification ; Moguer, Moguerou, murailles;
murs de
Goard, poste avancé; , l\Jouden, motte, retranchement en
terre; Cruguel, Cruguellou, Ruguel, Huguellou,'
de terres ou de pierres; tous noms s'appliquant
arnas
presque to'ujours ci des positions stratégiques. N'oublions
trentaine'de villages dits ~rouman: ~rùumen, Ville- .
pas une
ès-Romains, noms assurément remarquables et tranchant
sur les consonnances bretonnes habituelles. 1
Ces divers lieux: reportés sur une carte à grands points,
n'y apparaissent pas disséminés à l'aventure, Ils sont répar­
tis le long d'axes rectilignes et jalonnent pour ainsi dire la
marche conquérante d'une invasion.
c'est le Romain. Il pénètre en Bretagne
L'envahisseur,
par le Sud et par l'Est, et l'on suit sa marche d'étape en
en ligne droite vers le. but extrême qu'il veut atteindre,
étape,
généralement un port du littoral. Il traverse les rares ri-
vièl'es non guéables sur des ponts, là où il en existe encore( 1);
il élève à chaque halte une redoute palissadée, dans laquelle
il laisse une petite garnison de défense, pour protéger ses
dereières; au croisement. des voies principales, il édifie des

(1) Le Blavet à Hennebont, le Scorff à Pont-Scorff, l'Ellé à Quimperlé
(roule de Vannes, vers Is), l'Abervrach au Pont Crac'h (route de Caslel­
paol à Lampaul-d'Ouessant), la Pensès au Bac de la Corde (route de Lam­
. paul-d'Ouessant à Lannion).

ouvrages d'arrêt ou des camps d'observation et, à proximité,
des tours de signaux (1) .
De ces nœuds d'occupation, qui servent d'appui à la con-
quête, il fait rayonner d'autres voies militaires divergentes,
tracées inflexiblement en ligne droite lorsque les obstacles
naturels ne sont pas insurmontables, afin J'assurer l'inter-
communication rapide des dépôts de troupes. Ces voies $ont
aussi défendues par des postes secondaires, échelo.nnés en
échiquier par rapport à ceux des voies adjacentes, distants
de 3 à 4 milles ' plus Çlll moins suivant la topographie
du pays. .
qu'il ne s:agit point ici de ces voies consu­
Il va de soi
laires dont la lugeur ' atteignait jusqu'à 17 mètres, et Sur
lesquelles, d'après Suétone, un cisium attelé de trois chevaux
pouvait parcouril' jusqu'à 150 kilomètres par jour, g'râce aux
relais; pas davant.age de ces voies de grande communica­
tion dont on tr.ouve encore des tronçons bien c'onservés _ '
qui furent ouvertes plus tard, en temps de paix, et pour ré­
pondre à des besoins plutôt commerciaux que militaires.
Ce sont des chemins de circonstance, soit la via de 2 30,
livrant passage à la fois aux transports et aux piétolls, soit
l'iter de om 60, réservé à ces derniers, soit même le simple
sentier de om 30, le semita, que nous voyons encore sur nos

falaises, reliant les batteries de côte et les villages du littoral,
ouvert et entretenu par la fréquentation même, et disparais-
sant dès qu'elle cesse (2), .
(1) Les grou pes de ce geme sont nombreux et caractéristiques, ci tons:
Quislillic, Pont du Châtel et Toranéach en Plouider; Vieux-Châtel,
Camp de Morizur et les Tourelles, en Saint-Méen; . Vieux-Châlel et les
Tourelles en Brasparts: Questel, Torallan, Tourbihan en Guipavas; -
le Questel et Kerantour au Nord de Coatrnéal; Ar-Haslel et Tourbajou
Plounérin ; Kergastel, Kergestel et la Tour en Plourin-Léon; Tor­
en Kergrist.
loret et Questely
(2) Cela se voit bien au moment des écoles à feu, alors que les batteries
de côte sont occupées temporairement par les - troupes, à l'époque des tirs
annuels.

En un mot, dans leurs procédés méthodiques de pénétra-
tion à l'intérieur de la Bretagne, les Romains n'agissent pas
autl'ement que nous ne faisons de nos jOUI'S, pour assurer
notre domination coloniale. '
J'ajouterai ce qui n'étollnera pas · que le système est
o'énéral, et qu'il se vérifie en dehors de la Bretagne breton-
nante avec des voca~les analogues: Châtelet, Châtellier,
Motte, Mottais, Mazière, etc .
Les voies venant du Sud franchissent la Vilaine à ses
poillts de passage conllUS. Ainsi, Nantes le passage de l'Isle,
Vannes, Camaret, Porzliogan et Lampaul-d'Ouessant sont
en ligne droite; la route de Nantes à To1ente traverse la
Vilaine au passage du Château en Péaule; la route de Vannes
à Is vient de la Roche-Bernard et passe par les bornes mil­
liaires de Mériadec et d'Elliant; celle qui, du passage de
1"Is1e, se dirige sur Morlaix, est jalonnée par la borne de
Maël-Carhaix; Vannes, Hennebont, Pont-Scorff et Quim­
perlé sont en ligne droite.
Quant aux voies qui viennent de l'Est, celle qui relie
Hennes à Brest passe par la borne milliaire de Maël-Carhaix,
laisse Carhaix à 2 kil. 500 dans le Sud, et se dirige sur la
pointe de Pors-Coret qu'il faut contourner pour entrer à
Lampaul-d'Ouessant. La voie de Corseul à Is passe par
Carhaix et Châteaulin; la voie de Corseul à To1ente passe à
600 mètres de Morlaix.
Il appert donc de l'ensemble des tracés que beaucoup de
vill es, à l'intérieur du pays, n'ont point été implantées au
hasard , mais que le choix de leur emplacement a été subor­
dOllné à des considérations d'ordI'e militaire. .
CHAPITRE If\1'.
LES VILLES LÉGENDAIRES.
En ce qui conceene le Léon et la Cornouaille, le tracé de
ces routes axiales empI'unte un intérêt particulier . à ce ré-

suHat; qu'il affirme d'une manière positive rexisten~e con­
testée des villes légendaires aujourd'hui submergées. Is,
Portzliogan, Tolente ... , quel que soit leur nom, leurs empla­
cements sont déterminés par des intersections multiples, qui
leur assignent la même place que celle qui leur est attribuée
par la tradition. Nous allons le vérifier.
§ 1. - TOLENTE.
Il -n'y a rien de plus à dire sur Tolente que ce qu'en a
rapporté I~danet dans plusieurs de ses écrits et en particulier
dans sa réédition d'Albert le Grand (Vie de saint Riok~ .
p. 31), d'après Le Baud, Bouchard et les légendaires. '
Il avait fixé l'emplacement de cette ville disparue
« à l'entrée de la baie des Anges, sur la rive droite de
l' Aber-V rach, à l'opposite du ' fort Cézon ». Son opinion était
fondée sur la direction de la voie romaine qui passe par la
borne milliaire de ~scao, voie dont le prolongement vient ·
se perdre dans la mer à l'endroit qu'il ind ique.
L'opinion de I}danet, savant bi en documenté, fut corro­
borée en 1874 par Le Men~ après la lecture qu'il fit de l'in s­
cription gravée sur la borne de ~scao, et la découverte qui
suivit du retranchement de Castellac'h. Il identifia en même
temps 'l'olente et Vorganium.
La cartographie vient 8pporter son contingent d'appui à
cette hypothèse: le point désigné par ~danet et Le Men se
trou ve placé au point commun de recoupement des quat.re
routes milit.aires venant de Portzliogan, de Brest, de Corseul
et de Hennes avec l'arc de 0ercle tracé de la borne de I}scao
comme centre, en prenant pour rayon la distance lue sur
cette borne par Le Men.
Voici - à titre justificatif les diagrammes des qnatl'c
routes pl'écitéos, ainsi que les coordonnées axiales des postes
de défense qui jalonnaient ces route$_

1. ROUTE MILITAIRE DE BREST A TOLENTE
Coordonnées
en kilomètres (i)
NOMS

Il l' R. il l' 0 .
OBSERVATIONS
sur

STATIONS
DES
l'axe
l'axe

Bl'est . . . . . . . . ... 0

Casteil ou .. , ... 3.7 0
0.2 On tl'ouve en échiquier à 4.4 et -
Castelmen sur la voie. de Bl'est à
Bohars al' c'h o
Ouvrage polygonal décrit dans le
letin de la Commission diocésaine, a
Bohars. Dans ce bourg il 7.8 et 0.6

tellou. Latéralement à + 6.6 et + 1.4 K
lei; à peu de distance, la borne du
La Motte ....... 10.4 0.2 0
A 10.9 et + 1 Langoadec; puis à 12.i
i' Vouden)
+ 2.1 Castel glib et Tourroussel; à 13
- 7 l e Goad0c; il '13.5 et + 1, motte
Lesvern; à '14.2 et + 1. 7 Coativy
motte.
Castel huel. .... 14.5 0 0
Ouvrage circulait'.e défendant l'inte
section de la voie de Brest à Tolente a
qui joignait Portzliogan à Pontus
celle
en passant pal' la borne de Kerscao. Au
delà à HiA et + U.7 Questel; à O.l~ Lescoat
à 17 et + 0.5 Kerantour.
Kel'aste!. ...... .
.3 1. A 19.3 et + 1 Castel houloub, le Castel

lwlt CoTlobii de la vie de saint Goneznou
'l' 'l't
l'OHZI l ' ...... .
0.9 0 Ancienne vicomté, l'une des cinq qu
(Ruines de)
pou l'raien t bien a voir composé le Mae
(A) (l\filisac). Elle défendait la ri
d'Isac
gauche du passage cie l'Aber Benoît à
de distance du pont actuel de ono
sous lequel on voit les l'estes d
ou vrages en pIerre.
La .Motte ....... 21 0.9 0 Seigneurie Importante qui jouait sur
Vou den)
rive droite le même rôle que TrollziliL.
'l'olellte, ........ 26.8 0 0
Dans la mel' près de l'île Vrac'h,
loin de l'oppidum de Saint-Cava décri
pal' Le Men.

(1) Les études ont été faites sur la carte au 1/1000CO; on y a pointé plus
de.1.qOO localités dont la majeUl'e partie il est à peine besoin de le dire­
n'eialt connue que par la carte .
I.es repol'ts peuvent donc êtl'es entachés d'erreurs diverses, ce sont:
1 Les inexactitudes dues aux difficult.és que présente l'assemblage des
segments de carte' .
2" Les incertitll'd~s de lecture: les noms des localités sont quelquefois
plae"s de telle façon, qu'on peut hésiter dans leur aHribution entre deux
villages voisins; .
JO Les incertitudes de pointage, lorsqu'on n'a d'alltre guide que Je nom
sil'plilicatif du lieu et que ce lieu occu pe une étend ne notable .
l'outerois on estime qu'il ne faut pas attachel' nne importance exagérée
il c~s ünprécisions, dont la limite d'el'l'eur He paraît pas dépasser un kilo­
mèLre. Il faut d'ailleurs considérer que la posiLion avantageuse comme
poste d'étape ne se trouvait pas toujOUI'S à point nommé sur l'axe de
. marche de l'armée et qu'il devait être SOIl vent nécessaire de qéviel' de
cette direction pOUl' occuper un point stratégique important .

Cas/el al les
~/8.nfiOür

Castet} gall
~OSlcl

Cas/el gao/er
hllel

Castel gllb

K este/.
COI ('as/el
arc'ho8t
• tellou

CA.S TEL PAOL

Cas/el fur
Cas/el CaatangarJ
'!!!.'!!:..dlJ-=Ch-:-at =el
. Corseil/

AlOI/LAIX ,
:::;;;J----____ ~PMmarc 'h .
'ch"st, "....------_____ Q~u "" Youdan

(A) M. LothpensequeMilizacétaitunancienfnndus, lunndus
Militia était en effet un nom de gens romaine ou
Militiacus :
gallo-romaine. Malgré tout l'appui que cette étymologie
apporter::lit à notre thèse, nous attribuons une autre origine
au nom de Mi1izac.
Izaç, an Iz(J,C, l'Izac est un nom d'homme que l'-on rencon-
tre très fréquemment; il a formé de nombreux composés:
Bodisac, Cantisac, Coatizac, Crenizac, Guerisac, Guernizac ,'
I);izac, Pontisac, Poulizac, Pratizac, Quizac atiàs Quijac, le
Vizac': On ' trouve aussi .90mme nom d'homme Malléjac,
Malijac: Malizac: qui n'est peut-être qu'une altération du
nom de Milizac, appliqué à des habitants de cette pal'oisse

migrés dans d'autres localités.

Milizac se dit en breton Melisac) mot qui se dé~ompose
rationnellement en Mel et Izac. Nous venons de dire qu'Izac
est un nom d'homme; quant à Mel, contraction de .Mael, il
sens de fi ef, seigneul'ie et se retrouve dans un certain
. a le
nombre de noms de lieux: on citera Mael-Carhaix, Mael­
Pestivien, Mezle) Melle, Mellac, Melgven, Mell'and (Melran
en 1125, cart. Rhot, , p. 350), Malguenac (Maelgannac en
1274. Rosenzweig), Malansac, Malestroit.
Ce qui donne quelque probabilité à cette é1ymologie, c' est
d'abord le voisinage de Coatméal, que IfS anciens textes
écrivent Coatmael et ' Coatmel : c'est. ens~lite le groupe­
ment de 5 sur 7 des ' seules vicomtés d'ancienneté que
possédât le bas Léon, savoir: le CUl'ru, Coatméal, Lescoat,

Trouzilit et Pratmeur ; les deux autres, Coatq-uénan et Coat­
menech sont d'ailleurs peu éloignées. En outre, Coatméal,
Lescoat et Trouzilit sont échelonnées le long de la voie de

Brest à Tolente. ·
On est donc fondé à se demander si le Ilom de Milizac ne

. perpétue pas le souvenir de quelque ancien fief important,

par exemple de celui qui est enregistré par le Cartulaire de
Landévennec comme étant la propriété de Fragan et de sa
femme Guen.
Le texte du Cartulaire est ainsi conçu:
. « Iste littere narrant qùod heredes seculares Clervie sue­
cedunt Fragano Cathouii (1) et Albe Trimammi in heredita­
tibus sitis in Arrriorica a rege Gradlono eisdern traditis et
perpetualiter concessis cujus situatio est

( in C~tria sanguinaria i nundatione cujusdarn fluvii qui
proprie dicitur Sanguis, a capite Sang fluentis,
II. ac eliarn in dorninatione CUTie A lbe site juxta fluvium

· . qui dicitur Asper (Aper. D Moriee Pr.I, 177),

t( eurn suis appendiciis.
« Oivisio istius poss8ssiuncule est à mari septentrionali
usque ad (lumen Elorn ». .
Ces leUres rapportent que les héritier-s temporels de
Clervie (fille de Fragan) succèçlent a Fragan Ab-Hazou (?)

(1) Fra(janus Cttthouii. Dans la lecture du texte du Cartulaire, la'spirante
th doit se prononcer 20: ainsi: Crothon, C1"oz,on, Seidhun,
dentale sourde
Sizun, Lantrefharthoc, Landrévarzec, Scathr. Scazre, Scaër,

Bratberth, JJ1'aspartz" - Buorht, Buor%.
Cathouii signifie douc fils ou de la famille de Cazou, ab CaMu, si l'on
la traduction d'Alba trimammis par Guen Tei1'bl'onn.
admet
M. Loth identifie CaMu avec Cadou, Cado. Abca%ou a-t-il pu devenir Ab
Hazou, contrairement à la règle (puisque mab est du masculin'?).
On trouve comme noms de famille encore existants: Ha%oll, Az,ou
n Az,ou, l'A%ou, LaMu (ce dernier sans doute pluriel de Laz.: la famille
des Laz). .
M. ErnauIt (Revue celt. VI, 385) ciLe le nom de la mère de saint Yves
sous les formes de AM, AMu, fladou .
Haz.iou, Laz.ioll. Aba%iou (ce dernier nom répandu en Kerlouan, Plouné­
vez-Lochrist et Plabennec); HeMu, le llezou, qui se transforme dans les
anciens actes en Gouez.ou, le Goue%ou (acte de 1571).
On sait que dans le langage populaire les noms propres subissent des
transformations qui défien t tou tes les règles. Comme muta tion cou l'an te
duC en G. on peu t ciLer Saint Convel ou Gonvel, Saint Cong([1' ou GonU([1',
Saint Connec ou (1onnec, Saint Conouan ou Guénéyan.
Néanmoins, quand on propose une étymologie, on ne saurait trop la faire
suivre d'un nombre raisonnable de points d'interrogation •

et à Guen Teirbronn, dans les héritages situés en Armo­
rique que le roi Grallon leur a livrés et concédés à perpé­
tuité, et qui sont situés en Lesgoadec, dans la vallée d'un
cours d'eau appelé proprement Goad, (mot) dérivant de la
racine Sang, et aussi sous le ressort de Lesguen, situé près
d'un cours d'eau qu'on nomme (Garo, Gourd, Tenn, Gouez ?)
Cette petite possession s'étend depuis la m8r septentrionale
(la Manche) jusqu'au fleuve Elorn.
Ce texte dont des historiens éminents ont tiré de grosses
conséquences en traitant de l'invasion des Bretons insulaires
o • pourrait bien ne pas avoir toute le portée qu'ils lui ont
donnée .
. L'identification qu'ils ont faite du fluvius Sanguis avec le
Gouet les a entraînés à scinder les deux membres de phrase
qui définissent l'héritage de Fragan et à placer l'une des
possessions dans les environs de Saint-Brieuc, et l'autre en
Léon; un examen attentif des cartes permet de mettre en
doute la légitimité de la première de ces attributions.
Il faut d'abord remarquer qu'il est d'un usage cons-
tant, dans la phraséologie des anciens actes, d'employer la
désignation« les héritages ») au pluriel, pour exprimer
« l'héritage » dans sa généralité; ce terme n'implique donc
pas nécessairement une pluralité de biens.
Les trl:lducteurs du texte admettent que Curia Albe doit
s'interprèter par Lesguen, et que cette localité n'est antre
que le manoir qui porte encore aujourd'hui ce nom. La tra­
dition est sur ce point d'accord avec le Cartulaire, et le sou-
venil' d'Alba Trimammis est conservé dans la chapelle du
manoir de Lesven par un tableau du XVIIe siècle, que Pol de
Courcy a' décrit dans son itinéraire de Saint-Pol à Br'est,

Si l'on poursuit la traduction, Curia Sanguinaria est
« proprement )) pour employer l'expression de l'annaliste,
Lesgoadec. .

Or, il existe nQn loin de Lesguen on dit habituellement
Les deux villages nommés, l'un le Goadec, l'autre
ven
Lan-Goadec.
Goadec est situé à un peu plus d'une lieue dans le
Sud-Est de Lesven, à 1,500 mètres au Sud de Coatméal qui
est une ancienne vicomté, restée sans feux à l'époque de la
et dont la juridiction seule avait survécu; il est
Hévolution
distant de· 3 kilomètres de Lescoat, autre fief important et
vicomté d'ancienneté comme Coatméal, mais plus au Nord. Le

village actuel, construit sur un des yersants qui alimentent
le ruissea·u de Lesven, n'est pas très éloigné du point d'inter-
section de la voie militaire de Brest à Tolente avec celle qui
Portzliogan à Pontusval, en passant par la borne de
reliait
~scao, Ce point était défendu par l'ouvrage de Castel-Hue!.
Langoadec est un peu plus dans le Sud, à 6 kil. 5 au
Sud-Est de Lesguen, à 3 kil. 5 au Sud de Coatméal, à 5 kil.
de Lescoat, à 4 'kil. Nord-Est de Milizac. Il est situé aux
abords de la cote 84, faîte de pal'tage des versants où pren­
nent naissance deux ruisseaux qui se jettent dans l'Aber­
Benoît. L 'un d'eux débouche à Meznaot, près Locmajan,
après avoir passé sous Lesven : c'est l'Asper du Cartulaire,
rAber de la copie reproduite par Dom Morice, Garv ou
Gourd, en breton moyen (garu Catholicon), à l'embouchure
-duquel on trouve le village de Pencarvan. L'autre se rend à
Prateugan, après avoir arrosé le Breignou (Castel-Glib, an­
cienne maison forte où les Ligueurs furent chercher du canon
en 1592 pour faiye le siège de ~ouzéré).
Un troisième ruisseau, qui se déverse également dans
l'Aber-Benoît, passe au-dessus de Lescoat, en suivant une
vallé~ intermédiaire entre les deux précédentes, Est-ce là
le fiuvius Sanguis, et faut-il voir dans Lescoat une transfor-
mation (1) justifiée par la situation (2) de ce Lez? .

t 1) Le Catholicon donne au mot goad l'orthographe goat.
("2) Il résulte de lél comparaison des noms de lieux voisins que le terri-

Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, elles semblent préfé­
rables à celle qui identifie le fluvius Sanguis avec le G"ouet;
cal' l'on conviendra que si l'on admet l'application du terme
fluvius pour désigner le ruisseau de Lesguen, il est difficile
d'accepter la pl'opriété du même mot pour un cours d'eau de
l'importance du Gouet, aJors que l'annaliste emploie le terme
o flumen pour l'Elorno
De tout ce qui préeède, on croit pouvoir conclure avec
quelque vraisemblance que le texte du Cartulaire de Lan­
dévennec s'applique à un ensemble de territoires compre­
nant LesgUen, L..escoat et Coat-méal, et s'étendant d'une part
au Nord jusqu'à Trouzilit et à la Manche, et d'autl'e part au
Sud de Milisac, jusqu'au delà du Curru, jusqu'à l'Elorn, sur
une longueur totale de 6 à 7 lieues.
Et la conséquence que l'on pourrait déduire de cette der­
nière limitè sel'ait qu'elle confirm~ la légende, en prouvant
qu'au temps du roi Grallon les villes maritimes de la côte
n'étaient pas encore submergées, que la rade de Brest n'avait
pas encore la configul'ation qu'elle présente de nos jours et
que "les Homains de la conquête n'eussent pélS manqué d'uti-
liser et que les bancs de Saint-Piene et de Saint-MHrc
étant alors émergés et reliés à la pointe de Plougastel, le
confluent de l'Elorn et de l'Aulne se trouvait reporté aux
abords du Goulet.
La transformation de cette estuaire, due à un phénomène
sismique qu'on étudiera plus loin, a"urait concordé avec
l'engloutissement d'ls et de Portzliogan, suivi d'un raz de
marée qui se serait fâit sentir à 1'olente et jusqu'au Mont­
Saint-Michel.

taire renfermait un bois de quelque importance: Coatméal, le bois du
Maël (de 0 Milizac), Pen ar l'hoat. Son extrémité a 300 mètres au Sud de
Coatméal; Goelet-ar-C'hoat, la partie basse du bois, a 1,800 mètres au
Nord; Lescoat, la cour du bois, a 1,500 mètres au Nord·Est. .

II. ROUTE MILITAIRE DE PORTZLIOGAN A TOLENTE
Coordonnées
en kilomètres

NOMS

à l'K.
à l' o.
OBSERVATIONS
. sur
de de
DES STATIONS
l' 31 e l'ale
l'axe

portzliogan . . . . 0
A 0.6 du rivage actuel. On passait à
1.7 par le guet du Conquet, sur une
chaussée de pierres asséchant à marée
basse; à 2 et + 0.5, on trouvait Cozcastel
qu'on rejoignait ou non selon la marée.
Cozcastel. . . . . . . 2
A 6.6 e.t + 2.7 le Chastel, en échiquier
sur la route de Portzliogan à Pon­
tusval, passant par la borne de Kerscao .
Castelliouas.... 7.2 0.3 0
A 8.7 et 0.6 Keroumen.
Caletou!'.. . . . . .. 1.2.9 0
O. A 1,2.2 et 2.3 Cozcastel, en échiquier
IMoulin de)
sur la route de Portzliogan à Trémazan.
Castel roux .... :1.4.9 0
0.3 A 1,6.:1. et + 0.1. Coatantour et le manoir
de Kergroazès (1).
Kerguestel . . . .. i 9
0.5 A 20.6 et + 2 Castellic, en échiquiel'
sur la rout ·de Trémazan à Brest.
Castel gaoter ...
Camp situé à l'intersection de la route
qui joint Lannion à Ouessant (Lam­
paul); cette route l)asse la . Pensès au
bac de la Corde et l' ber Benoit au vieux
pont de Tréglollou; elle est coupée par
les châteaux de Kermilin, Kergourna­
dec'h, !iermavan, demeures de ramilles
llaroniales; près de Castel Gao ter, le
manoir de Kerlech.
Castel gall ..... 27.8 l
Ce poste défendait la rive gauche de
l'Aber Benoit à 0.4 à l'E. du passage
par bac.
Quistillic
. Ce poste défendait la rive gauche de
l'estuaire de l'A ber-Vrac'h. On trouve
tout au près le village du Chinguer. La

voie passait ensuite par l'abbaye des
Anges (2), et le fort Cezon, à 32 et + 0.'1:
Tolente ...... '" 33.4 0
Dans la mer, près de l'île Vrach, non
loin de l'oppidum de Saint-Cava.
(1) On voit par ce diagramme que les fiefs féodaux les plus importants
sont à clJev avaiellt, sans cloute, remplacé des ouvrages de fortification passagère.
(2) On trouve pgalement des établissements religieux à peu de distance
de ~a ligne axiale : les Hôpitaux, les Magdeleines, les Cloîtres sont
d'excellents jalons pour guider les recherches.

ROUTE MILITAIRE DE CORSEUL A TOLENTE
III.

A PARTIR DE MORLAIX
Coordonnees
en kilomètres
NOMS.
au N. au 8.
OBSERVATIONS '
sur
de de
DES STATIONS
J'axe l'ale
l'axe

L'axe qui joint Corseul à Tolente
Morlaix. . . . . . . . . 0
passe à 60U au nord de Morlaix. On
trouve ensuite en échiquier sur la route
de Carhaix à Castel Paol, Vieux-Chastel à

Vieux château féodal, apanage de Ju­
Penhoat ...... . 8.2 0
veigneurs de la maison de Léon .
Autre château, apanage d'une autre
Pensés.......... 8.2 1.2 0
branche de cette maison.
Cas tel Coeta
A 16.7 et + 0.3 Keroumen, au croise­
garz ......... .
ment avec la route d'!s à Saint-Pol. Coet­
angarz était un fief important qui devint
la propriété de la dernière branche de
la famille du Chastel de Trémazan, étein te
à Quimpèr en 1903. .
Un peu avant Castel fur, Kermadec,
CaS tel fur.... .. 29
motte avec douves à 28.1. et + 0.6 ; la
Tour à 28.4 et + '0.6; Moguerourien à 28.7
et + L

Quistillic ...... .
Ces trois postes forment un groupe
important au croisement de la voie de
Pont du 32.7 0
Lannion à Ouessant.

Toranneac'h... .8 0
Camp rectangulaire, voisin de la
Kerarmeal..... . .3 0
motte du Run qui est à 37.7 et 0.03.
A mi-distance de Castel an dour on
Ca stel allez..... .5 0.4 0
trou ve Moguerou à 49.2 et + 0.1; un
peu plus loin, à 49.4 et + 0.5 a.utre Mo­
guerou.
Commandant également la voie de
Castel an douro 51.6 0
Corseul et la voie de Rennes.
L'oppidum décrit par le Men.
Saint-Cava ..... 54.1 0
Dans la mer au-delà de l'île Vrach.
'l'olen te . . . . . . . .. 55.3 0

IV. ~ ROUTE MILITAIRE DE RENNES A TOLENTE
A PARTIR DE L'INTERSECTION AVEC LA ROUTE DE MORLAIX A BREST
Coordonupes

en kilomèli'es
NOMS
au N. au s,
OBSERVA 'l'IONS
sur
de de
DES STATIONS
l'aIe l'axe
l'axe
O. A l'intel'section avec la voie de
Ken ' oasclet . . . . 0
Morlaix à Brest. Tout près à Lu et L7
le camp de Kerioual.
Quillivouden .. 6
O. i Non loiu de Penmarch, Lanq uistillic à
Penmarch ...... i2.4 0
Ce point, où l'ou a trouvé beaucoup
Kel'l'adennec , , . 0

de débris romains, est tout prés de
nlltersection de la voie de Lannion à
Ouessant. Il touche le chàteau de Pen-
marc' II (2).
Bome de Kers-
Borne milliaire de Claude(3), il'inter-
. C[tO ••••••••••• 0
section avec les voies de Totente à
Pontus val et de Caslel Paol à Ouessant .
0.3 le Grouancc; à 33.1 et
A 32.3 et
Cozcastel.. , .,., 32 0.3
+ 0.8 Coatquénan ancienne vicomté; à
:l6.1. et + 1.1. l\IIoguerou; à 36.u et + L4
autre Moguerou.
C[lstel
an do ur.

o Dans la mer près l'île Vrach, aprés
Tolente .. .. .. ... 41. 9 0
avoir passé l'oppidum de Sal11t-Cava à

Dans ce diagramme, on a pris la route de Rennes à Tolcntc à partir
seulement du point où elle coupe la route de MÛl'rnx à Brest.

BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XXXI (Mémoires) 7

(1) Lesneven. On n'a jusqu'à présent trouvé aucun
vestige d'occupation romaine dans cette ville, dont la
tradition rapporte la fOI).dation à Even le Grand.
M. Loth (Ann. de Bret. 1893-94, p. 430) a fait ressortir la
radicale qui existe entre Even et Néven (gallois et
différence
brittonique' Nevyn) , qu'il identifie avec Numin d'où
vieux
Numinoé, var. Nomenoé.
Il faut ajouter que le nom de Neven existe encore, et comme
de famille et comme nom de lieu, soit simple: soit en
nom
composition.
On peut citer des Neven à Saint-Pabu, à Landévennec;
NeDen en Lanrivoaré, le manoir de Nevent en Plouzané, le
Nevent en Landunvez.
Rosneven en Plouénan et en Pestivien, Guerneven en Plou­
gras, Kerneven (Le Coq), Lesneven en Ergué-Armel, Lesne'Den
près Poullan, le manoir de Lesneven en Châteauneuf-du-Faou
(réformation de 1426), près d'un camp retranché. Il y avait
en Louannec une famille de Lesneven qui portait pour armes:
d'argent à trois étoiles d'azur, au bâton de gueules brochant
à dextre (Guy Le Borgne).
Il est à remarquer que Saint-Méen (Mevennus) porte en
breton le nom de Neven. C'est ainsi qu'on désigne à Lesne­
ven la paroisse voisine, appelée en français Saint-Méen. La
paroisse de Ploeven en Cornouaille est dénommée Ploeme­
guen dans les anciens actes; c'est un autre exemple de la
transformation de Me'Den en Even.
(2) On traduit généralement Penmarch par tête de cheval,
d'autant que la famille de ce nom portait pour armes: qe
gueules à la tête de cheval d'argent.
En adoptant ces armes, les Penmarch s'étaient conformés
à la mode des jeux de mots, si prisés au moyen-âge, parti-

culière ment dans la science héraldique, ainsi qu'en font ·fol
nombre de devises et d'armes parlantes (a). L'étymologie
poul'l'ait être, bonne s'il s'agissait d'un rocher situé en mer;
les noms des « dangers» maritimes sont en effet presque
toujours empruntés à des animaux ou à des objets dont ils
et cela se comprend aisément.
rappellent la forme,
Mais il n'en est pas de même SUl' la terre ferme, les noms
de lieux y ont généralement une origine différente.
par exemple, où nous avons relevé environ
Dans le Léon,
8,000 noms, on peut les partager en deux grandes classes:
les noms simples, qui sont à peu près exclusivement des
de ' site, et les noms composés; ces derniers, dont le
noms
terme est aussi le plub souvent un nom de site, ont
premier
pour seco.nd terme soit encore un nom de site, soit un nom
de personne ou un qualificatif. Quant aux noms abstraits, à
ceux qui rappellent des événements importants, ils sont
extrêmement rares.
Penmarc'h est un nom de site composé. On sait ce qt,l'é­
taient les Marches extérieures des provinces: des zones
tampon entre les grands feudataires voisins; on
servant de
sait moins bien ce qu'il en était des petits fIefs situés à l'in­
térieur et portant ce même nom Il en existait cependant un
certain nombre: en Léon, par exemple: la Marche en Trézi­
lidé, en Saint-Divy ,en Pleyber-Christ; hors Léon: en
Trédias, en Tréméreuc, en Saint-Briac.
Braspartz, en
Et l'on trouve les composés: Lan al' Marche en Trézilidé,

(a) Hamon, Ha mon ami;
Refuge, A tous refuge;
Raison, Toujours raison;
Saisy l' Qui e.st saisy est fort;
Rieux, A tout heurt Rieux;
En Jouan point de soucis;
Jouan,
Le Saint, Et sanctum nomen ejus ;
Malestroit, Quœ dinumerat nummos non malestricta domus;
Saint Pern (patern), Fortiter paternus;
HeussaIT, Mar coez en em safi, s'il tombe il se relève etc ...

près de la Marche citée plus haut; Lostmarch en Crozon,
Quivarc'h en Plouguin; Penmarc'h en Brélès contre ~groa­
zès, Penmarc'h en Saint-Derrien et Penmarc'h en Saint­
Frégan, inscrits tous deux sur le diagramme précédent . .
Penmarch, Lost manh, est l'extrémité de la
Le sens de
Marche. On trouve dans le même ordre d'idées Penallen,
LostaLlen, le bout, la queue de l'étang.
, M. de ~danet (Vie des Saints d'Albert le Gra.nd, p. 32), dit
avoir trouvé sur les bords de l'étang de Penmarch des tuiles à
crochets de Qm 34 sllr Qm 23, et d'autres briques plus petites
dans une pièce de terre au-dessus du même étang, vaste en-
ceinte qui paraît avoir été le siège de quelque établissement .

(3) La voie de Hennes à Tolente traverse le groupe remar­
quable qui se compose du Vieux-Chastel, des Tourelles et du
Camp de Morizur. Ce dernier, qui commandait l'intersection
de la route de Portzliogan à Castel-Paol, défendait en outre
le plateau de 1);i1ien, ~groas et Coustancou, où MM. de
l> depuis bientôt un siècle. La voie englobe dans son rayon
d'action le château féodal de ~guern, dont il ne reste plus
que le nom, mais qui, d'après Ogée, apparlenait à la famille
de ~anrais, l'une des J'B.res familles baroniales citées au
Livre des Osts sous la mouvance de la baillie de Léon.
Le diagramme relate aussi le passage de la voie militaire
de Rennes à Tolente par la borne milliaire de ~scao, placée
à son intersection avec les deux routes de Portzliogan à
Pontusval et de Castel-Paol à Ouessant par Porspoder .
On connaît les discussions multiples auxquelles ont donné
lieu et la position de cette borne célèbre qui a été trans­
portée au Musée de Quimper et l'inscl'iption qui est gravée
sur une de ses faces. L'inscription indique la distance à la­
quelle elle se trouvait de la ville de Vorgan .

Si l'on admet ponr cette distance la lecture M P VIII, pro­
posée par Le Men, on trouve sur la carte un cinquième
recoupement, qui vient concorder avec les qqatre premiers
que nouS venons de repérer, pour déterminer l'emplacement
de Tolente : un arc de cercle décrit de I~scao comme centre,
avec un rayon de 11,850 mètres, rencontre les axes des
quatre premières voies dans la mer, au-delà de Saint-Cava
et de l'île Vrach. Tolente serait par suite identifiée avec
Vorgan , conformément aux vues de l'ancien archiviste du
Finistère dont nous venons de citer le nom.
Convient-il d'admettre la lecture M P VIII de Le Men?
(Soc Arch. du Finistère, II, 1874, p . . 18). Il faut d'abord
laver la mémoire de ce savant de l'accusation de « truquage»
qui a été portée contre lui; s'il a ravivé quelques lettres, -
ce qui est loin d'être démontré, . le V discuté existait
incontestablement avant le déplacement de la borne: il a
été lu sur place pa..rJ\1. Guiastrennec en 1839, 35 ans avant
Le Men, (Courrier de Brest du 14 août 1842), et 25 ans
après M. Guiastrennec, par M. Denis Lagarde, inspecteur
de la marine (Soc. Acad. de Brest, Fe série IV, p. 20).
Ce V existe-t-il encore, et peut-on supposer une autre
lettre? M. l'abbé Abgrall a répondu très pertinemment .
à cet égal;d; en 1896 (Soc. Arch. du Finistère. XLVII),
aux assertions hasardées de M. de la Borderie. et il m'est
impossible de ne pas être pleinement de l'avis du savant
abbé. .
J'ai plusieurs fois examiné la borne avec lui, très minu­
tieusement, et sous des éclairages d'obliquités diverses, et
j'ai sous les yeux en écrivant deux estampages de la ligne
discutée, l'un en papier à moulage pl'is par lui, l'autre en
papier métallique relevé par moi. L'examen de la contre-
empreinte ne peut donner lieu à aucun doute: il y a un V
bien net, et l'allure de l'inscription lapidaire ne permet pas
de supposer aucun autre jambage parasite: les creux que

. l'on remarque sont dus à l'effritement du feldspath, qui est _
en assez gros cristaux.
Qu'y a-t-il avant le V? On relève, à la distance normale
adoptée entre léS lettres de l'inscription, les lettres M P ou
A 1\1 P; la discussion SUl' ce détail est peu importante .: le
point essentiel à enregistrer, c'est qu'il n'y a aucun caractère
entre le P et le V.
Qu'y a-t·il après le V? Il est bien difficile, ainsi que le dit
M. l'abbé Abgrall, de distinguer les trois jamhages lus par
M. Le Men; toutefois, entre le V et l'aplomb terminal des
lignes supérieures de l'inscription, il existe une place suffi­
sante pour qu'ils aient pu exister.
La conclusion est forcément cene de M. l'abbé Abgrall :
Vorgan (la lecture du nom de ville est hors de doute), se
trouvait distant de 5 à 8 milles (en chiffres ronds, 9 le 400 à
11 k. 850) de la borne de ~scao.
Ajoutons que l'emplacement de cette borne est facile à
repérer sans errenr sur la carte: il est situé au point de
rencontre de trois communes, Guissény, Plouguerneau,
Kernilis.
Une circonférence tracée de ce centre avec un rayon de
9,400 mètres passe à 500 mètres de Kerlouan, par Lesneven,
le camp de Penlédan sous le F'olgoat, le Drennec, Plouvien,
le moulin du Chastel, à 500 mètres Est de Lallnilis, à 500 m.
Ouest de Plouguerneau; le reste (1./5 envÏt'on de la cil'con­
férence) est dans la mer.
Une autre circonférence tracée avec li n rayon de 11. k. 850
passe par Tréflez, Saint- Méen (à l'extrémité du plateau de

~ilien et de ~groas ) , au Bourg-Blanc, à 500 mètres Ouest
de Landéda, puis dans la mer, tangentiellement à l'îleVrac'h,
à l'emplacement de Tolente.
Les points remarquables de ces deux tracés sont: dans le
premier, Lesneven, ville ancienne, mnis, où l'on n'n jusqu'à
présent rien trouvé de gallo-romain; dans le second, du

côté de l'Est, Saint-.Méen et la station romaine de ~ilien­
I~groas (l'Occismor de ~danet), et du côté de l'Ouest, la
Tolente du même savant. Rien de connu d'ailleurs dans la .
zone terrestre comprise e'ntre ces deux cil'contérences.
. Quant à l'hypothèse d'un déplacement de la borne, son
la difficulté des routes, le manque d',intérêt, toutes
poids,
ces considérations réunies la rendent d'une probabilité si
supporte guèl'e l'examen. .
faible, qu'elle ne
peut dire avec assurance~ c'est que si l~s
Mais ce que l'on
bornes anépigraphes ne sont pas rares, les bornes portant
une inscription sont peu communes: c'est que leurs indica­
tions ne présentent pas un grand intérêt pour le voyageur
dont le point de départ est proche, tandis qu'elles sont pré­
pour celui qui a déjà fourni une longue étape. Leur
cieuses
présence à l'intersection de deux routes est donc tout indi­
quée pour éviter une méprise, en précisant la distance la
plus rapprochée.
Il est par suite rationnel de supposer que la borne de
Iyscao était bien à sa place, .et que la distance inscrite doit
se lire dans la direction de la mer, et l'on répète en termi­
nant que ]a distance de VIII milles dans ce sens donne
cellX des quatre voies:
un recoupement qui concorde avec
Rennes-Lesneven-Tolente, COTSeul-M orlaix- Tolente) Portz­
liogan-Tolente, Brest-Tolente.

J. DE LA PASSARDIÈRE.