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Bulletin SAF 1904


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Excursion dans la commune de Plourin-Tréguier (Finistère)

Louis Le Guennec

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III

EXCURSION DANS LA COMMUNE DE PLOURIN·rrREGUIER
La commune de Plourin, qui s'étend jusqu'aux portes de .
est restée, malgeé le démembl'èment de son antienne
Morlaix,
trêve du Cloître, la plus vaste du canton dépendant de cette
ville. Elle en est pourtant la moins connue, et rares sont les
toul'istes qui s'aventurent à teavers ses landes, par ses che-
mins creux, pour y recherchee les mégalithes, 'les chapelles~
les vieilles gentilhommières, dont elle possède, comme toute
paroisse hasse-bretonne, sa bonIle petite pa!'t. A défaut de
mérites teanscendant~, ses monuments ont donc peut-être
celui de l'inédit, et c'est dans cet espoir que je cOllsigne ici
le résultat. d'une exploration rapide de cette comrnU!le~ effec­
tuée il y a quelques mois.
La route de PloUl'in (ancienne de Carhaix) quitte Morlaix
à l'angle de la place de Traoulen , et s'élève au-dessus du
vallon du Queun et des hameaux de Toul-ar-Parc et de .
Parc-au-Duc, noms qui rappellent encore l'immense enceinte~
(1 beau, grand et spacieux parc fermé de hautes murailles,
rempli de bestes fauves . pour le plaisir et déduit de la
chasse (1) Il, où les ducs de Bretagne venaient oublier les
soucis de la politique en poursuivant à travers bois et champs
quelque chevreuil timide ou quelque sauvage solitaire comme
celui qui faillit découdre le roi d'Angletene Henri Il, en
1187. En 1295, Jean II en avait fait restaurer les murs, et,
vers 1393, Jean IV (?) se plaisait à y chassee. D'après la ré­
formation du domaine ducal à Morlaix, opérée en 1455~ ce
parc avait 688 arpents de superficie, répartis en une terre
gaignablc ou labourable de 66 arpents, une terre chaude de
{Il Albert Le Grand. Catalogue des évêques de T1'é{fuie1', p. 32ti .

10 arpents, un bois revenant ou taillis de 412 arpents et une
terre froide de 200 arpents, sans compter des herbages et
perrière. La réformation de 1678 mentionne encore le
une
mur ruiné du Parc-au-Duc, qui servait de bornes à Morlaix;
mais elle prouve que cette terre était sortie du domaine du
roi, puisque les commissaires n'en font pas état ,et ne tentent
point de ]a récupérer.
Du côté opposé, à gauche de la route, s'aperçoit dans le
bas-fond le manoir du Val, dont les belles futaies verdoyan­
tes viennent d'être barbarement fauchées. C'était le berceau
de la famille Pinart~ dont il a conservé le nom, perpétué à
Morlaix pendant près de trois siècles. Paul Pinart, sieur du
(1 ), fut remplacé à la montre de 1481 par son frère
Val
Rolland Pinart, qui présenta deux archers en brigandine et
page, et reçut l'injonction de faire homme d'armes. Son
petit-fils Paul Pinart, sieur du Val, époux de ,Françoise
Calloët de Lanidy ,était en 1533 lieutenant de la sénéchaus­
sée de Morlaix, et ses héritiers ont transmis par alliance,
vel'S 1610, la lene du Val aux Le M al'ant de Penanvern.
L'autre bl'anche morlaisienne. celle de Kerdrein, s'est éteinte
pel'sonne de noble et discret Missil'e.J acques Pinart,
en la
pl'être, mort le 8 avril 1660 et inhumé dans les vOÎltes, sous
le maître-autel de Saint-Melaine.
Sur le pignon Est du manoir, vaste maison gdse et déla­
bl'ée, au portail aveuglé, aux toitul'es fléchissantes, on re­
mal'que un écusson ovale chargé d'un mi-parti d'~tn fascé

ondé, an chef chœl'gé d'une pomme de pin et d'nne boucle ou
Fermail. Ce sont sans nul doute les armes de Yves Pinal't,
chevalier, seigneur Ju Val, et de sa femme Guillemette de
Kersanzon, de]a maison de Penhoët, mariés par contrat du
(1) Montres de T1'éguier et de Goëllo, publiées pal' M. P. de Courc~
1854. Il le nomme Raoul, mais ce doit être une mauvaise lecture pOUl'
Paoulou Paul, car le prénom de Raoul n'a été parlé, à ma connaissance,
par aucun des Pinart du Val.

28 février 1579. Les propriétaires du lieu avaient des pl'é­
éminences dans l'église de Saint-Mathieu de Morlaix, consis­
tant en la 1 chapelle du côté de l'EpUre, sous le vocable'des
Cinq-Plaies, avec vitraux aux armoiries des Pinart et des
Kerouartz, tombe enlevée, al'cade et enfeu, tombes plates
et banc. Ils pos~édaient aussi, dans l'église collégiale du

Mur, un banc portant les arwes des Pinart (A. 19).
Au sommet de la longue montée du Pal'c-au-Duc, dans la
vaste issue où s'élevaient jadis les patibulaires de la châtel­
lenie de Bodister, on laisse à gauche un sentiel' qui mèlle au
bourg de Ploul'Ïn., dont il semble être la plus ancienne rOllte:
En le suivant, on rencontre la ferme de Lanven, nutl'efois
dépendance de l'abbaye du Relec, en Plounéour-Ménez, il
laquelle elle avait été donnée en 1184, d'après un acte du
Cartulaire de Marmoutier, par Hervé, comte de Léon, il
condition de payer tous les ans, au prieur de Saint-Mal'lin
de Morlaix, cinq sous sur cette terre, le jour de la N cl tivité de
Notre-Seigneur. Moins d'un kilomètre au-delà, on longe lt's
murailles du ni.:: 1I10ir de Penanvern, possédé de temps immé­
morial et jusqu'à nos jour's par la famille Le Marant. Pierre
et Guillaume Le Marant furent témoins à la réfor'mation de
1455, et de l'un d'eux devait deseendl'e Jean Le Marant.

archer en brigandine 0 voulge parmi les nobles de la vi11e­
de Morlaix à la montre de 1481, père de François Le
close
Marant, mentionné dans la réformation de 1fi35 comme sei­
gneur de Penanvel'n. La branche aînée, dite plus tard de
Kerdaniel, a produit un chef d 'escadres et un vice-amiral,
baron de l'Empire. Les Le Marant portaient: d'azur à fa, tête
d'aigle arrachée d'argent, accompagnée de 3 molettes de même,
, au canton parti de Bretagne et .de Rohan. D'après l'A rmorial
manuscrit de l'abbé Drillet de Penamprat, ce canton aurait
été accordé en récompense, par la reine A nne, à Ch8r]es Le .
. Marant, lieutenant de la ville et du châleau de Saillt-Malo .
qu'il réduisit à l'obéissance du roi en 1498 .

La neuvième voûte et arcade du côté de l'Epître, en l'église
des Dominicains de Morlaix, dépendait de la terre de Penan-
vern. Elle contenait l'autel de Saint-Sébastien et Saint-
Roch, armorié en 1679 du blason des Le Marant et de leurs
alliances, Kerrerault, Tromelin, le Vayer CA. 19). Des vingt­
trois enfeus énumérés et décrits dans le procès-verbal d'où
ces détails sodt extraits, on ne retrouve plus aujourd'hui,
dans l'église dévastée de Saint-Dominique, que celui des
Marant et un autre contigu, garnis tous deux d'une
arcade gothique à crossettes frisées et pinacles à crochets.
J'ai relevé, sur deux écussons sculptés sur le pilier qui sé­
pare ces arcades, les armes des Le Marant parti de deux
haches' d'armes en pal) qui est le V ayer, et un fretté à la bor-
dure engnslée qui est Mél'iadec, parti de Le Maraht.
Le vieux manoir de Penanvern n'.existe plus; il a été rem­
placé par une maison de camp-agne entourée de hois touffus,
malheureusement s'éclaircissent. Au-delà de la propriété,
qui
et snr une longueur de plus d'un kilomèt.re, dans la direction
Est-Ouest, les champs et les landes sont semés de blocs de
pierre, schiste ou quartz, assez volumineux parfois, et sim­
plement posés sur le sol, sans adhérence aucune. Les
paysans, dans leurs' terres labourables, en ont enfoui ou
bl'isé un bon nombre, mais beaucoup subsistent encore, sur­
tout dans les friches et les taillis, où l'on a respecté leur
rcpos séculaire. Quelques-uns de ces mégalithes sont en­
castrés dans le talus de la grande route, près d'une ferme
porte le nom très significatif de Kerverret (le lieu du
qui
cimetière). De plus, au Sud do Penanvern, sur le versant
d'un étroit vallon ct dans ce même terroir de Kerverret,
existent les restes bouleversés d'un dolmen, dont la table
brisée en deux gît sur les piliers déracinés qui la suppor­
taient jadis. Sel'ait-il trop téméraire de supposer qu'il y
eu en cet endl'Oit une nécropole préceltique ?
N on loin de là, au sommet d'une colline dominant la vallée

aO'reste et profonde du Jarlot, on trouve les ruines du manoir
de Kervézec, qui appartenait ft une branche de la famille de
Kerloaguen, issue d'Yvon de Kerloaguen, époux en 1421 ·
d'Aliette de Coatanscour, fils puîné de Maurice, seigneur de
Kerloaguen, président aux Comptes en 1426, et aïeul de
Kerloaguen, sieur de Kerguézec, remplacé à la montre
Guyon
Je 1481 par Yvon Saliou, en brigrtndine. Gilles de Kerloa-
guen, sieur de Kervézec, demande en 1636 à être dispensé
de s'enrôler dans l'arrière-ban, étant « capitaine de six pa­
roesses le long de la coste». Cette branche produisit à la
réformation de 1669 et s'est éteinte au XVI lIe siècle.
Le bâtiment principal du manoir, très délabré, était flanqué
petit pavillon, qu'on vient de démolir. De l'autre côté
d'un
de la cour, un édifice plus ancien possède une jolie porte
garnie d'une arcature ogivale surbaissée! ornée de feuilles
découpées et d'écussons tenus par des figurines d'anges, sur
lesquels le marteau révolutionnaire a effacé l'aigle héraldique
. des Kerloaguen. La chapelle, adossée à ce dernier bâtiment,
est presque entièrement détruite. Les seigneurs de Kervézec
des prééminences dans la chapelle de Saint-Jacques,
avaient
en la ville-close de Morlaix, et un banc dans le chœur de
l'église de Plourin (A. 19).
chemin laisse ensuite à gauche la ferme du Rhun,
vieille maison noble que les Kerloaguen transmirent par
alliance aux Pinart, puis le Borgne de Kervidou en .
et rejoint la nouvelle route près de la chapelle de

Sainte-Philomène. La croix qui signale ce carrefour a
tous ses personnages, sauf le Christ, largement
perdu
taillë dans du kersanton. Derrière lui, à la base du
. croisillon, est un écusson mi-parti au chef' endanché et
aux deux fasces, armes de Yves de Coatanscour, chevalier,
seigneur dudit lieu en Plourin, et de sa femme Jeanne
Barbier de Kerjean, qu'il épousa en 1592. Quant à la
chapelle de Sainte-Philomène, c'est une petite construction '

. de 1843,' aussi insignifiante par son ' mobilier que par son
architecture.
Quelques minutes de . mal'che encore, et l'on arrive au
bourg de Plourin. L'église date en grande partie de la fin
XVIIe siècie; c'est un sévère édifice très régulier, aux

amples dimensions, aux murs de granit noircis par le temps,
sUI'monté d'une haute et massive tour de 1728, coiffée d'une
flèche qui semble une assez maladroite imitation du dôme à
lanternon de Saint-Thégonnec. Le chœur, plus é'lncien, a
ses fenêtres à meneaux flamboyants, alors que toutes
conservé
les autres baies pratiquées dans les pignons des cinq cha­
pelles Jatérales qui flanquent la nef de chaque côté en sont
dépoul'vues. Cependant: la date de 1643 se lit au-dessus de
la maîtresse vitre, mais elle ne doit avoir trait ' qu'à une res­
tauration. Les arcades de la nef retombent sur des colonnes
octogonales.
Le procès-verbal des prééminences de l'église de Plourin,
dressé en 1679 (A. 19, f. 128-131) par François Bouyn,
maître aux Comptes, renferme des détails intéressants sur
l'ancien état de l'église. A cette époque, on rebâtissait la nef
ses bas-côtés; aussi l'infatigable pourchasseur de blasons
ne put-il inventorier que le chœur et les chapelles latérales.
Le seigneur supérieur était le marquis de Locmaria du
Guerrand, à cause de sa terre de Bodister ; mais les seigneurs
de Coatanscour se prétenJaient fondateul's de l'église; ils
chargé de leurs armoiries le maître-autel, les fenê­
avaient
tres, les lizières intél'Ïeures et extérieures, et si les écussons
et des Châteaubriant, possesseurs primitif::3 de
des Dinan .
brillaient en supériorité dans la maîtresse vitre,
Bodister,
eux en revanche l'avaient garnie d'un vitrail colorié, offert

en 1400 par Yvon de Coatanscour, époux de Plézou de Goes-
briand, et pieusement restauré plus tard par leurs descen­
dants directs, Jacques de Coatanscour et son fils Yvon, les­
quels s'y étaient fait peindre agenouillés près dt.: leurs femmes,

Margueri,te de Kerbuzic et Jeanne ~arbier,avec leurs blasons
mi-parti timbrant l'armure du chevalier comme le SUl'COt de
la châtelaine. Maître Bouyn nous a même conservé les ills­
aux premier et
criptions commémoratives qui se lisaiellt
trOlSleme panneaux:
Nobles homs Yvon de Coatansco'wr, seigneuT de Coatans­
cour, a raict reffair'e cette vitTe en fan 1600 nobles horns
Yvon de Coatanscourr, son prédécesse'Ltr, avoit laict la.iTe en
l'an 1400, comme il conste en la 'vieille vitre.
De ce témoignage de la munificence des Coatanscour, il
ne reste aujourd'hui que deux fragments, deux éclats res­
ta 1rés tant bien que mal dans les fenêtres des deux chapelles
qui joignent le chœur. L'un représente un évêque bénissant,
en chape rouge, mitre et crosse; l'autre, l'archange Gabriel
vêtu d'une robe rouge et tenant à la main un lis autour duquel
s'enroule une banderole portant ces mots en gothique: Ave
gratia plena dns tecum. Au-dessus; la date de 1400 est
inscrite. .
remarque de plus dans l'église l'écusson des Coat­
anscour, sculpté sur un pilier, plusieurs statuettes an­
ciennes: dont un groupe triple de Sainte-Anne portant la
sainte Vierge qui tient elle-même l'enfant Jésus, saint Fiacre
en jardinier, saint Yves, saint Sébastien, sainte Marguerite. .
Il n'existe aucune statue du patron primitif, saint Erin, mais
Pierre, qui l'a supplanté, en a une curieuse à droite du
saint
maître-autel. La Tige de Jessé qu'on voit dans la première
chapelle à gauchè n'est qu'une copie moderne, plus ou moins
fidèle, d'une autre Tige de Jessé qu'un recteur de Plourin
avait cru devoir vendre à un marchand d'antiquités. Un
fl'agment de dalle tumulaire encastré dans le pavage pré­
sente le blason des la Boissière, un buis arraché.
Dans le cimetière, un if centenaire au tronc évidé, aux
énormes branches bizarrement tordues, avoisine l'ancien
reliquaire, sans doute postérieur à 1679, ' puisqu'il a deux

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, fenêtres sans meneaux, alors que le procès-verbal déjà cit&.} , G'
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n'en mentionne qu'une ::;eule à trois soufflets. Sa façade eSbl ...
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ercée d'une série de petites ai'cades et d'une porte garni~ l '
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d'un bénitier pour asperger 18s ossements des défunts. .al ' Ro~
l'intérieur sont les statues dt saint Mathurin, en prêtre, ell 'Il' .
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de sainte Barbe, appuyée sur sa tour. Quelques statuette~ 'e Bréz
de gl'anit mutilées, provenant d'un calvaire détruit, ont ét, 710, al
placées sur les piliers de l'entrée du cimetière. 'omme
Au milieu de l'étroite place du bourg- se dresse 'un mono.} M
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mesurer quatre mètres de hauteur. On le considère généra .. hâtellt
.lement comme le reste d'une just.ice seigneuriale; ce ne peu nt ri:
levait au Parc-au-Duc; mais il y a lieu de croire qu'à c~'Evan
. une
de la )'uridiction de Bodister, sous 13quelle étaient tenu~ , 1
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rochement le bourg paroissial et toutes les terres de la . 1
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parOIsse. d'une (
En suivant la route qui relie le bourg à la station de Plou"'l
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• gonven-Plouril), on laisse à droite, sur une hauteur bordantmurail
le ruisseau qui 'sépare 16s deux communes, le hameau de
urnes
Coatélant, où s'élevait jadis un important manoir, duquel il ne '
son al'
subsiste plus d'autre souvenir qu'une motte féodale, entour-ée Au l
de douves profondes et assise au versant du côteau, près d'uni' 't
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étang mi-asséché. Cette motte est fort grande. puisqu'uni '
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vaste corps de ferme s'y élève aujourd'hui, à l'emplacementf'elle
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la Bretagne aux Xe et XIe siècles. b
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MessireGuy Le Seneschal,chevalier,seigneurde Coatélant'celte f
épousa vers 1350 Margilie de Lanmeur, darne de Boiséon e de Ke
de la Boissière, remariée plus tard à Hervé de Coëtredrez Ke
et morte vers 1392, laissant à ses enfants du second lit sonK
apanage et son nom. Guyon Le Seneschal, seigneur de
, ~uen
Coatélant et de Bélizal,était en 1457 lieutenant du gouverneuro

\1orlaix, Jehan de Pont-l'Abbé, sire de Rostrenen: son
Guyon comparut en homme d'armes parmi les nobles de
ërin, à la mont,'e de 1481, et reçut l'injonction d'avoi,' uri
. cheval. Jeanne Le Seneschal. dame de Coatélant, Béli-
Rosnivynen, Kel'morvan, fille de Guillaume et d'Annette
Kergournadec'h, épousa vers 1520 Guillaume, seigneur
Brézal, et Coatélant a depuis passé aux Kersauson en
0, aux Tinténiac en 1775, et enfin a été saisi et vendu
nme bien natronal. Son annexe Bélizal, en Saint-Mathieu
Morlaix, investissait les seigneurs de Coatélant de la
lrge de prévôts de Morlaix et de receveurs du duc en cette .
ttellenie. Les Kersallson l'ont vendue aux Gouzillon, qui
; pris le tit.re de vicomtes de Bélizal.
)e Coatélant dépendait la première chapelle du côté de
vangile en l'église de Plourin. En 1679, on voyait dans
ne de ses vitres les armes des Le Seneschal et celles des
ézal en alliance avec du Louet. L'autre vitrail cont.enait
ssi les arn:ies 'des Le Seneschal et des Brézal, timhrées
me couronne de marquis c( et au-dessoubz de ladite vittre
ya une arcade à derny vOllltée de pierre de' taille dans la
Jraille surmonté de trois eSCllssons en bocze chargé' des
mes de Coatélant en plain II ~A. 19). (~et enfeu existe, avec
arcature ogivale, mais les armoiries ont été rpartelées.
Au Sud de Coatélant, en remont~Ilt la petite rivière qui
nite de ce côté la commune de Plourin, on rencontre encore
s ruines de deux manoirs, le Golledic, qui a l'e,'du sa 1.ou­
Ile, et Kermellec, vuste maison gothique aux pignons
illants et aux étroites fenêt,'es; c'était, paraît-il, un dé­
embl'ement de l'ancienne st'igneurie de Kerloagnen, qui de
~lte fé\mille passa aux Le Cozic, par le mariage de Renée
~ Kedoagueti, fille et hét'itière de noble homme François
e Kel'loaguen ct de Marguerite le Galéer, sieur et dame de
e' 1ellec, avec Messire Pierre Le Cozic, seigneur de Kerloa­
uen contrat du 16 décembre 1572), puis aux Kersauzon
BUl-LETIN ARCHÉOL. DU FINISTERE. TOME XXXI (Mémoires) 4

fenêtres sans meneaux, alors que le procès-verbal déjà cité
n'en mentionne qu'uneseule à trois soumets. Sa façade est
percée d'une série de petites ai'cades et d'une porte garnie
d'un bénitier pour asperger 18s ossements des défunts. A
l'intérieur sont les statues dt saint Mathurin, en pl'être, et
de sainte Barbe, ' appuyée sur sa tour. Quelques statu'ettes
de gl'anit mutilées, provenant d'un calvaire détruit, ont été
sur les piliers de l'entrée du cimetière.
placées
Au inilieu de l'étroite place du bourg se dresse \10 mono-
lithe prismatique, sorte de colonne quadrangulaire qui peut
mesurer quatre mètres de hauteur: On le considère généra-
.Iement comme le reste d'une justice seigneuriale; ce ne peut
être cependant celle de Bodister, puisque cette dernière s'é­
levait au Parc-au-Duc; mais il y a lieu de croire qu'à ce
pilier de pierre étaient autrefois attachés les ceps et le carcan

de la juridiction de Bodister, sous laquelle étaient tenus
prochement le bourg paroissial et toutes les terres de la
parOIsse.
En suivant la route qui relie le bourg à la station de Plou­
gonven-PlouriI), on laisse à droite, sur une hauteur bordant
le ruisseau qui 'sépare 16s deux communes, le hameau de
Coatélant, où s'élevait jadis un important manoir, duquel il ne
subsiste plus d'autre souvenir qu'une motte féodale, entour.ée
de douves profondes et assise au versant du côteau, près d'un
étang mi~asséché. Cette motte est fort grande, puisqu'un
vaste corps de ferme s'y élève aujourd'hui, à l'emplacement
même d'un de ces barbares donjons de bois dont se hérissait
la Bretagne aux Xe et XIe siècles.
Messire Guy Le Seneschal,chevalier,seigneurde Coatélant,
épousa vers 1350 Margilie de Lanmeur, dame de Boiséon et
de la Boissière, remariée plus tard à Hervé de Coëtredrez
etmorte vers 1392, laissant à ses enfants du second lit son
apanage et son , nom. Guyon Le Seneschal, seigneur de
Coatélant et de Bélizal,était en 1457 lieutenant du gouverneur

de Morlaix, Jehan de Pont-l'Abbé, sire de Rostrenen: son
fils Guyon comparut en homme d'armes parmi les nobles de
ploërin, à la montl'e de 1481, et reçut l'injonction d'avoit ni!
bon cheyal. Jeanne Le Seneschal. dame de Coatélant, Béli-
7.al, Rosnivynen, Kel'mOl'Van! fille de Guillaume et d'Annette

de Kergournadec'h, épousa vers 1520 Guillaume, seigneur
d'e Brézal, et Coatélant a depuis passé aux Kel'sauson en

1710, aux Tinténiac en 1775, et enfin a été saisi et vendu
comme bien natÏ'onal. Son annexe Bélizal, en Saint-Mathieu
de Modaix, investissait les seigneurs de Coatélant de la
charge de prévôts de Morlaix et de receveurs du duc en cette
châtellenie. Les Kersnuson l'ont vendue aux Gouzillon, qui
ont pris le tit.re de vicomtes de Bélizal.
De Coatélant dépendait la première chapelle du côté de
l'Evangile en l'église de Plourin. En 1679, on voyait dans
i'une de ses vitres les armes des Le Seneschal et celles des
Brézal en alliance avec du Louet. L'autre vitrail contenait
aussi les armes des Le Seneschal et des Brézal, timbrées
d'une couronne de marquis « et au-dessoubz de ladite vittre
il ya une arcade à derny voultée de pierre ,de' taille dans la
muraille SUl'monté de trois escussons en bocze chargé des
al'lnes de Coatélant en plain » ~A. 19). l~et enfeu existe, avec
arcature ogivale, mais les armoiries ont été rpartelées.
son
Au Sud de Coalélant, en remontant la petite rivière qui
limite de ce côté la commune de Plourin, on rencontre encore
les ruines de deux manoirs, le Golledic, qui a perdu sa 1.ou­
l'elle, et Kermellec, vaste maison gothique aux pignons
saillants et aux étroites fenêt.l'es; c'était, paraît-il! un dé­
membl'ement de l'ancienne st'igneurie de Kerloag'uen, qui de
celte fsmille passa aux Le Cozie, par le mariage de Renée
de Kedoaguen, fille et héritièl'e de noble homme François
de Kel'1oaguen ct de Marguel'ite le Galéer, sieur et dame de
Kel'l'nellec, avec Messire Piene Le Cozie, seigneur de Kerloa­
guen (contrat du 16 décembre 1572), puis aux Kersauzon
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XXXI (Mémoires) 4

et Tinténiac. On prétend, à PloUl'in, que ce manoir fut acquis
pendant la H.évolution pour le prix d'une paire de bœufs.
li avait une chapelle prohibitive en l'église paroissiale, la
première du côté ,de l'Epître, dite chapelle de Kermellec,
éclairée par trois fenêtres: ]a première ornée en supériorité
de~ armes de Gondy et de Bodister, puis de celles des Coat­
anscour, des Kerloaguen écartelé de Le Bréhet et des Le
Marant de Penanvern ; la seconde et la troisième renfermant

les mêmes armes de Coatanscour et Ker]oaguen pleines et
" en alliance. Devant l'autel était un banc sans siège dépen­
dant aussi de Kermellec.
En 'face du manoir, mais de l'autre côté du ruisseau, c'est­
à-dire en Plougonven, sont les débris de la petite chapelle
de Saint-Souron, qui en dépendait. Bien qu'elle fût effondrée
depuis longtemps, on voyait encore, il y a quelques années,
dans une de ses fenêtres, deux écussons identiques, mi-parti
d'azur à trois têtes d'oiseaux d'or' et d'un Fascé d'argent et de
sable, armes de Jean de Kerguiziau, chevalier, seigneur de
Kerscau, Kermellec, etc., et de sa femme FrançoIse de Ker-
groadez, qu'il épousa en 1627. Un autre écusson compliqué,
placé au pignon de la chapelle, daté de 1664, est aujourd'hui
conservé au manoir du Trellscoat en Pleyber-Christ, chez
Mme de Kerdrel. 11 offre un mi-parti de Le Cozie et de
Kerguiziau, en abyme sur un écartelé de Kergroadez Loz,
Kerloaguen, et du Louet.
A un kilomètre environ au Sud de Kermellec existe le
manoir de Coatanscour (Le bois de la branche), converti en
C'est un vieux et massif bàtiment du XVIe siède,
ferme.
perché au sommet d'un escarpement rocheux et dominant
un joli étang encadré de verdure, fraîche oasis qui forme
contraste avec la nature ingrate et stérile de ces derniers
contreforts de l'Arrée. La tourelle du manoir a été décapitée
de son couronnement, les meneaux des fenêtres sont brisés.
la chapelle, le colombier, les murailles d'enceinte ont dis-

paru. Seul, le moulin seigneurial montre encore: en contre­
bas de la chaussée de l'étang, son pignon aigu et sa lourde
lucarne Renaissance. Dans les salles du l'ez-de-chaussée se
remarquent deux belles cheminées à hotte: ornées de ban­
" deaux richement fouillés, figurant des pampres et des grappes
de raisin. Au premier étage, une pièce qui était vraisemble­
ment la chambre du seigneur possède uu- e autre cheminée
monumentale, au manteau supporté par deux " cariatides de
O"randeur naturelle: le diable etsa femme, disent les paysans,
qui croient reconnaître, dans le fâune et la dryade figurés
par le sculpteur, ce peu estimable couple.
La famille de Coatanscour, issue d'ancienne chevalerie,
blasonnait: d'argent au chef' endanché de gueules, avec la
devise: A galon vad (de bon cœur). Eon de Coatanscour est
mentionné dans un accord de 1321 conclu entre les sil'es de
Dinan et de Léon, au sujet des droits de chasse des domaines
de Bodister. Alexandre de Coatanscour, chevalier, seigneur
dudit lieu, conseiller au Parlement de Bretagne en 1642,
épousa le 10 avril 1647 , à Saint-Melaine de Morlaix, Françoise
Crouézé, fille J'Oliviel' Crouézé, sieur de la Maillardière,
maire de Morlaix en 1()47, et sœur de Jean Crouézé, sénéchal
de Morlaix en 1658. Son fils Alexandre mit le comble à la
prospérité de sa maison en épousant, en 1689, Gabrielle­
Euphrasie Barbier, marquise de Kerjo ean, héritière de l'im­
mense " patl'imoine de cette famille; mais le vieil et noble
estoc des Coalanscour devait tristement s'éteindl'e, par la
mort SUl' l'échafaud l'évolutionnaire, à Brest, de Mmes Su­
zanne-Augustine et Marie-Anne de Coatanscour, veuves de
Kersauzon et Launay de l'Estang, âgées, l'une de 70, l'autrë
de65 ans, le 27 juin 1794. Coupables, ces deux pauvres
femmes l'étaient si peu qn 'au mois d'octobre suivant, le
Comité de Sûreté générale, ignorant qu'elles eussent péri,
ordonnait lem' élargissement (1). '
(1) Levot. Histoi1'e de Bl'est pendant la Ten'eur, p. 3,12.

La terre de Coatanscour aVl'lit haute ~t hasse justice, dont
patiblllaÏI>es étaient plantés dans le Goarem-ar-Justiçou,
les
sur une colline de 240 mètres d'altitude. On y voit encore les
pierres du socle; de celle hauteur, on découvre un pano­
rama des plus étendus sur tonte la région de Morlaix, jus­
qu'à l'entrée de la rade et l'île de Batz; vers le Sud, au
contraire, le regard se hel1rte à la fauve barrière de l'Arrée,
dont les escarpements dénudés et solitaires, déchirés d'é­
boulis, dentelés de crêtes bizarres comme celles des Cragou,
se profilent nettement sur le ciel. Au pied des montagnes
surgit d'un repli de terrain la petite flèche du Cloître, et,
'- plus à -l'OHeet, un étang miroitant au soleil, près d'un popu­
leux hameau, indique la situation de l'ancienne forteresse
de Bodister, l'une des principales seigneuries de l'évêché de
Tréguier.
Les ruines de ce châte.an, dites aujourd'hui Castel-ar-Sal,
couronnent un côteau peù élevé qui domine l'étang à gauche;
leur plan a la forme d'un pentagone très ilTégnlier. Du côté
de l'étang s'étendent les restes d'une muraille ou courtine
en moellons, peu épaisse, mesurant environ cent-vingt
mètres, et dont la direction est sensiblement Nord- Sud.
A l'angle Sud, le mur fait uu angle obtus et se dirige vers
\ le Sud-Ouest sur une longueur de quar:'ante mètres, oblique
au Nord-Ouest pendant près de quatre-vingt-dix mètres,
revient au Nord-Est pendant quarante mètres, et rejoint enfin
angle droit la courtine aspectée à l'étang, après un déve-

loppement de quatre-vingts mètt'es: De ces chiffres approxi-
matifs, on peut déduire que la superficie de l'aire du château
approchait d'un hectare. Ou ne distingue aucune trace de
tours aux angles encore apparents; peut-être y en avait-il
dans la partie Ouest, où s'élevaient sans doute le donjon et
les principaux hâtiments, situés, comme de coutume, à L'en-
droit le plus élevé de la place: il s'y trouve en effet d'énor-
mes entassements de pierres enfouies sous un épais réseau

de ronces et de lierre. Par contre, le centre de l'enceinte
devait être occupé par une cour, car ila pu être défriché et
mis en culture. Parallèlement à la muraille de l'Est se trou­
vent les vestiges d'un autre mur intérieur que des sortes de
perpendiculaires joignaient à la première.
cloisons
La fondation de Bodister doit remonter à l'époque de l'é­
migration domnoméenne, au milieu du VIe siècle, et d'an­
ciennes traditions l'attribnent au même chef ou tyern qui fut
le premier de la maison de Guicaznou. Débarqué en Armo-
rique avec ses clans, il laissa les plous s'organiser à leur
guise' sur le littoral, et s'enfonça dans les terres jusqu'à la
l'épaisse et giboyeuse forêt qui couvrait alors le
lisière de
vel'sant Nord de l'Arrée, et lui promettait les plaisirs de la
chasse dans toute leur plénitude. Là, au bord d'un mince
ruisseau, à proximité de la chaussée gallo-romaine qui
reliait jadis les postes de Vorganium et de Mons Relaxus,
il se bâtit une demeure. Jusqu'à la Révolution, et bi-en qu'a­
moindri par de successifs démembrements, Bodister resta
le fief le plus considérable de la région qu'on nommait, à
cause de lui, le Plougastel (1 ). Les Guicaznou le transmirent
par alliance aux Dinan de Montafilant, puis aux Laval,
Scépeaux, Gondy, du Parc de Locmaria par
Montespédon,
acquêt en 1638, et enfin Caradellc de la Chalotais. Ses châ­
telains étaient inféodés de la qualité de fondateurs des églises
de Plourin, le Cloître, Plougonven, I,annéanou, Saint­
Eutrope, Plouigneau, l'louj~an, Plougasnou et Saint-Jean-
(1) M. de la Borderie avance que l'archidiaconé de Plougastel a pris son
nom de la forteresse de Manathias, dont on croil retrouver les ruines au
Yaudet, près de LBnnion (Hist. de Breta~ne, 1. p. 123-125), mais cette
de Bodister, dont les anciens aveus
dénomination semble plutôt provenir
mentionnent le fief sous le nom de Bodiste1' et Plougastel, et dont la
nlOuvunce s'étendail d'ailleurs SUl' une bonne partie des paroisses de cel
archidiaconé, jusqu'à Ploumiliau et Trédrez. Ce qui le prouve encore,
le 'passage du livre des 01. deus au Duc de Hl'etagne, en 1294, d'après
c'est
lequel Mons our Rolland de Dynam déclare devoit' un chevalier de la terre
de Poastel (Pou-Hastel ou Plougastel).

du-Doigt, de nombreuses chapelles et du couvent des Cal'­
mélites de Morlaix.
A quelle époque remonte la destruction de ce château?
La réformation de 1535 cite encore li la maison et forteresse
de Bodister »; mais, au siècle suivant, les aveus rendus par
les marquis de Locmaria ne parlent plus que de « l'emplace­
ment de l'antien chasteau de Bodister », Il Y a donc lieu de
croire qu'il a dù être dén:lOli à l'époque de la Ligue, proba­
blement par les mêmes ligueurs qui ruinèrent méthodiq ne­
ment toutes les places fortes de la région. Penhoët. CoëtmeUl':
Kerouzéré, Kermilin, Coatangars, Bourouguel, etc., pOUl'
empêcher les royalistes de s'en faire des points d'appui.
Dep~is, ses débris ont servi à édifier plusieurs maisons du
hameau. Curieux l'etour des choses d'ici-bas, le tertre dévasté
de Bodister dépend aujourd'hui de la petite ferme de Pell-
_ ar-Ql1enquis: dont le nom breton de bout on extrémité de la
clôture indique bien une chétive annexe du château seigneu-
rial. On y a découvert, à diverses reprises. en fouillant le sol,
des débris d'armes et des monnaies; mais le fermier n"a rien
conservé. Il m'a raconté qu'un grand taureau à la robe
étrangement bigarrée (1) se , voit parfois, errant parmi les
décombres, et vient même se mêler aux troupeaux qui paissent
à l'alentour; mals que, le soir venu, il rentre dans le Castel­
a1'-::-'al sans que nul ose troubler sa retraite. Un jouI' poul'tant,
il suivit le bétail de la ferme, et se laissa docilement enfermer
dans l'étable: le lendemain, lorsqu'on y rentra, le mysté­
rieux animal avait disparu ... .
Sur la colline qui fait -face aux ruines de Bodister sont ·
les restes du manoir de Trégunvez, consistant en un bâti-

(1) Cette croyance au l'm'o-8riz, est fort répandue dans la région de
Morlaix. Dans son Aperçu historique sur Ploll!Jonlm, p. 32, ' M. l'abbé
Tanguy signale en celte paroisse un carrefour également hanté par un
taureau bigat'ré et furieux, qui ne cessa d'apparaître que lorsqu'on eut
placé en ce lieu une croix dite depuis: Cl'Oaz, an TaJ'o brÎz •

ment guthique aux baies garnies de moneaux. Quelques
pierres 8légamment moulurées, provenant de sa chapelle,
ont été encastrées dans les nouvelles constructions . Olivier
de Tréménec, sieur de la Salle, résidait en 1680 à son manoir
• de Trégunvez. .
En r·evenant vers Morlaix, on trouve, au croisement d Il
chemin de Bodister et de l'ancienne route de Carhaix, une
vieille avenue de chênes qui conduit au manoir ruiné de la
Boissière. Le corps de logis principal, édifice du XVIe sièCle
surmonté d'une tourelle à cul-de-lampe, a été démoli; mais
on voit encore le portail de la cour, flanqué de deux pa­
villons, et un long bâtiment de service converti en ferme. Le
colombier a été récemment rasé et depuis longtemps la cha­
pelle a subi le même sort. Derrière le jardin, entouré de ses
vieux murs frangés de lierre, coule une fontaine à fronton
ogival.
Goulven de la Boissière, écuyer, seigneur dudit lieu,
Margot Le Borgne, remplit à Morlaix, presque
époux de
sans interruption, la charge de miseur de 1453 à 1474. Il
mourut cette même année et fut remplacé par son fils et prin-
cipal héritier noble Olivier, mentionné dans la montre de
1481, parmi les nobles de la ville-close de Morlaix, ûomme
se monstrant en Saint-Rl'ieuc. Le fils de celui· ci, Christophe,
est cité dans la réformation de 1535 comme seigneur dudit
lieu et de Kerloaguen, paroisse de Plourin. Etienne de la
Boissière, maintenu en qualité d'écuyer d'extraction par
arrêt de la Chambre de la réformation, rendu le 16 avril 16f>9,
au 'rapport de M. de Langle, et sa femmè Marie du Parc
résidaient aloes à leur manoir de la Boissière, mais ils pa­
raissent ravoir aliéné peu après, car ils demeuraien~) vers
1672-1674, en Ploujean, et cette terre appartenait, en 1679,
au sieur de Penfeunteniou Le Rouge. A la fin du XVIIIe siècle,
elle avait passé aux Pinart du Fouennec.
D'après le procès-verbal de 1679, la seconde chapelle du

côté de' l'Epître de l'église de Plourin était dite la ·dlapelle
de la Boissière. On y voyait et on y voit encore un enfeu
monumental en plein cintrl') contenant une tombe élevée dont
le marteau révolutionnaire a malheureusement effacé l'ins-
cription. La fenêtre au-dessus contenait un vitrail colorié,
avec écussons aux aemes des la Boissière d'argent au buis
arraché de sinople et de leues alliances, et effigies de
priant et priante. Devant l'autel existaient deux bancs char­
gés du blason des la Boissière ot des Le Rouge de Penfeun-
teniou. .
On regagne la grand'route au hameau de Kergus enfoui
entre deux collines, dans un vallon étl'oit ,dont son nom ca­
ractérise à merveille la topographie. Comme dans peesque
toutes les agglomérations de la commune, il s'y trouve Ulle
vieille gentilhommière, peu imposante d'aspect, mais bien
construite, en granit de grand appareil, êlvec quelques fe­
nêtres à meneaux, une lucarne à front n et un portail clas­
sique oùvert sur un vaste perron aux marches disjointes,
L'élégante tourelle qui s'arrondissait à l'angle de la COUl',
l'aile latérale, les murailles d'enceinte, toutes ces choses
disparues sont ]e burd tribut que Kergus a payé au temps
destructeur. La réformation de 1535 atll'ibue ce lieu « à la
fille de Guillaume Le Menguy, maeiée à Quimper, ne savent
(les témoins) à qui ni si elle est damoiselle )). Pierre de Ker­
merc'hou, sieur de Kergus, était en 1568 maire de Moriaix
et mourut cette année même de la peste; on distingue enCOI'e
ses ~rmoiries d'argent à la croir tréflée de sable, chœrgée
de cinq étoiles d'O?· sculptées dans l'attique du portail. Ce
manoir passa ensuite par alliance dans la famille Guillouzou,
puis aux Nouel, pal' le mariage d'Olivier Nouel, sieuI' de
Kervennic, et de Louise Guillouzou, dame de Rochlédan et
Kerguz, célébré à Saiut-Melaine le 24 novembre 1639 .
Les seigneurs de Kergus possédaient aussi leur chapelle
particulière dans l'église de Plourin, vis-il-vis la pI'eUlière

arcade de la l1ef du côt.é de l'Evangile, avec vitre ornée d,e
deux écussons, l'un mi-parti de Nouel et de Kerret., l'àutr,e
écartelé de Nouel et de Guillouzûu; Cette chapelle était dé­
molie en 1679, mais le recteur déclara au commissail'e (( que
. le delfunt sieul' de Rochlédan soustenoit avoi!' dl'oit de cha­
pelle et. de tumbe à vis de ladite vittre, et d'avoir un banc
au-devant de l'autel qui ~stoit au costé de ladite vittl'C' )) .
En suivant la route de Morlaix pal' Saint-Fiacre et le
Vieux-Moulin. le voyageur l'encontre d'abord, SUI' une pente
dominant le vallon du ruisseau de Kergus, le manoir convel'ti

en ferme' de Kerguyomarc'h, percé de fenêtres, à meneaux
et flanqué d'une tourelle; sur le portail de la COU l', moins
ancien, se lit la date de 1684. A quelque distance, les bâti-
menls de la ferme de Keramprovost se groupent pittores­
quement sur une crête rocheuse, au confluent du Queffieut et
du Goarlosquet, près de la voie romaine encore visible qui
reliait Occismor à VOl ganium. L'un des Keramprovost était
jadis aux Kergariou, vers 1605 ; l'autre, 8n 1600, à François
Le Lévier, jurat de Morlaix.
A droite, dans une coulée humide et boisée, se trouvaient,
aussi les deux manoirs du Cun et de Kerastang, portant l'un
et l'autre, comme on le voit, des noms bien aquatiques Le
Cun (Marais), passa au XVesiècle des Ellen aux Tl'ogoff, par
le mal'iage, vers 1450, de Pierre de Trogoff, chevalier, sei-
gneur de Kerprigent avec Mabille Ellen, dame le Kergadiou
et du Cun. dont les descendants l'ont transmis aux Kerlech

. du Chastel. Des anciens édifices, il ne .reste plus que la cha­
pelle, transformée en grange, mais consel'vant son lambris
semé cl 'étoiles et une statue en bois de la Sainte-Vierge, il
draperies gothiques. La magnifique avenlle de hètres sécu­
lail'es qui précédait le manoir vient d'être r'asée. Le Cun avait
ulle chapelle prohibitive dans l'église paroissiale, la ' seconde
du côté de l'Evang'ile, dont Je vitrail offrait en 1(;79 les
armoiries des Kerlech et alliances. l2"allt au ' manoir de

Kerastang, possédé en 1636 · par Antoinette de Quélen,
femme et curatrice d'écuyer Gabriel Rolland, seigneur de
Kernéguez, il a été remplacé par une maison moderne.
Le chemin longe ensuite les vieux murs ébréchés et mous­
sus d-u monastère de Saint· Fiacre, fondé en 1660 par Vincent
Le Borgne, chevalier, seigneur de Lesquiffiou en Pleyber-
Christ, pour cinq ou six religieux Minimes. Ce coùvent prit
le nom d'une chapelle tréviale qui existait auparavant en cet
endroit, et dont Oll voit toujours la fontaine ~onsacrée, à
statue de son patron, conser­
. piscine et édicule, ainsi que la
vée dans l'église de Plourin. Le dernier prieur de Saint­
Fiacre, le P. Paulier, prêta serment en 1791, et l'autorité
militaire y installa un hôpital. Actuellement, l'habitation
conventuelle a disparu; il subsiste cependant un vieil édifice
délabré, converti en ferme, les murailles d'enceinte circons­
crivant un terrain triangulaire d'environ trois hectares~ et la
·chapelle. qui n'a plus ni toit ni vitraux, et n'abrite qu'une
seule statue, un Saint-Fiacre décapité. Naguère, on distin­
guait dans la fenêtre de gauche les restes d'un éCllsson parti
d'azur à trois gresliers d'or et de gueules au fermail d'argent,
armes de François Le Borgne, comte de Lesquiffiou, fils du
et de sa femme Claude de Kersauson, mariés le
fondateur;
6 février 1691.
Les ruines du couvent de Saint-Fiacre copronnent une
élevée, au dessus de la profonde combe du Queffieut,
colline
bois et du château de Lesquiffiou; là, la rivière
en face des
nonchalamment à travers les prairies; mais plus près
coule
de Morlaix, sous les futaies du Merdy, elle accélère sa course
et vient battre le pied d'un farouche éperon rocheux formé
quartzites, qui se profile en gradins successifs, tel qu'un
escalier de géants. On y exploite des carrières, et la tradition
rapporte qu'il s'y. trouve une mine de métaux précieux, or
ou argent, peut-être les deux ensemble. Ne serait-ce pas ce
problématique filon qui est ainsi mentionné dans la liste des

nlines de Bretagne dressée par les Beausoleil et publiée par
M. de Villiers du Terrage. dans sa si intéressante étude sur
les Hecherches de l'or dans le Finistère (Bulletin 1902, p. 89) :
il Près Morlaix, SUl' une montagne appartenant à M. Duval­
Leroux, une mine d'argent contenant beaucoup de cristaux 1> •
Un (luart-d'heure de marche à p.eine sépare Saint-Fiacre
de Morlaix, où l'on pénètre par ]a montueuse rue des
Brebis, en laissant à droite Kernéguez, où naquirellt Phi­
lippe de Coetquis, archevêque de TOUl'S, puis cardinal
d'Avignon, mort en 1441, et son neveu Jean de Coëtquis,
évêqu~ de Rennes, puis de Tréguier, mort. en 1464; mais où
le vieux manoir qui fut leur berceau a fait place à un vaste
collège. ·Avant d'entrer en ville, il est bon de jeter un coup
d'œil à la maison de Penanru. humble gentiihommière à la
cage d'escalier arrondie en tour, et derrière laquelle S·o.il\Te
un chemin creux taillé dans le roc; c'est, selon la légende,
l'œuvre d'une al'mée anglaise assiégeant le château de ·
Morlaix et ayant employé cette tactique pour s'approcher à
couvert des remparts de la place.
Décembre 1903.
LOUIS LE GUENNEC .