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LES CHAPELLES DU CAP-SIZUN (suite .
e de
VI. - La ~Ila
ey du Raz-fle-Seit,
(Sant They-ar-Raz) .
Le père Séjourné, dans la vie du père ManDoir ('lI, a tracé
un tableau bien sombre de l'état religieux de la Bretagne, au
début du XVIIe siècle. Cet état a été résumé, en quelques
mots, par M. A. du Châtellier, dans son étude sur les mis
sionnaires de l'époque.
- « L'ignorance grossière, dit-il, amenait la perver-
« sité des idées et des mœurs; de là, à un véritable paganisme,
« le pas n'était point si difficile à franchir. »
Cependant, çà et là, quelques chapelles isolées avaient
toute leur pureté, l'ancienne vénération, la foi
conservé, dans
sincère, données à la Bretagne par les vieux saints. tels que
les They et les Guénolé, pour ' ne parler que des saints de
cette région. .
Les jours de pardons attiraient à ces chapelles une foule
nombreuse. Pourtant on n'y trouvait ni danses, ni luttes, ni
réjouissances, ni, par suite, les désordres, comme dans
certaines asse'mblées décrites par le père Maunoir. C'est
qu'autour cie ces sanctuaires la tradition avait perpétué le
(1) Tome l, chap. G.
ouvenir de merveilles opérées, de guérisons obtenues. Aussi,
leurs saints d'assouplir les corps raidis par le travail, de
délier les membres tordus par les douleurs. La foi de ces
lieuse, parce qu'elle était sincère. Ils s'y rendaient avec la
ferme croyance que, pour les maux dans lesquels, selon le.
dire populaire, les médecins de l'époque ne connaissaÏfmt rien,
les saints avaient reçu, de Dieu, tout pouvoir.
L'un de ces sanctuaires vénérés est la chapelle de Saint
They, au Cap-Sizun, Sant They-a.r-Raz ,où, d'après la cruyance
encore bien VIve, nul n'est venu prier sans y avoir trouvé
soulagement, a-nez beza bed fra.nkis.
On ne sait rien de la vie de saint They. Son nom s'ortho
graphie même de diverses façons. Les comptes de la fabrique,
de '1637 à 1639, . l'écrivent: Dei; en 1640, Ey (sainct Ey) ;
en l C14'1 J'ey' en Hi42 Dey' en '1643 They' de 1649 à 1681
T!wi; à partir de '1684, They: c'est le nom aujourd'hui usité.
Saint They est-il le même que saint Adéodat, disciple de
saint Clair, de Nantes?
Ou bien un religieux de la communauté monastique de
Saint-Guépolé?
Le texte d'Albert Le Grand, dans la vie de saint Clair, milite
en faveur de la première assertion : « Saint Clair après
« avoir reçu raison du diacre Adéodat du fruit qu'il avait fait
« ès comtez de Vennes et de Cornoüailles ... alla visiLer tout
« son Diocèse qui s'estendoit depuis Nantes jusques au Cap
f( de-Sizun et la Grande Mer Occidentale ... »
Si l'on s'en rapporte à la topographie locale du Cap-Sizun
et aux souvenirs que le pays a conservés de saint Guénolé
et des moines de Landévennec, il faudrait admettre la seconde
proposition. Dans une précédente étude ('1), nous avons donné
les l'enseignements qui se rapportent à cette thèse. Mais il
ne nous appartient pas de discuter cette question hagio_
graphique .
III
La vénération populaire, comme à I~ plupart des saints
bretons, a fait à saint They une légende. Deux distiques,
seuls restes d'un cantique aujourd'hui oublié, parlent de
l'origine du saint et de son arrivée dans le Cap-Sizun:
- « ... Sant They ac sant Trenver, dibened gad ho zad,
« A ambarkas en eul lestr ac e teuont en tu mad ...
- « Sant They, ervez an istor, ginidik deuz à Vourdel,
« A deuz kuited he gastel ac arrued e Breiz-Izel... » -
« Saint They et saint Trémeur, décapités par leur père,
« Montèrent sur une barque et firent route directe ..
- tt Saint They, d'après l'histoire, natif de Bordeaux,
« Quitta son castel et se rendit en Basse-Bretagne ... )) -
La légende orale fait, de saint They, le frère de saint Tré-
meur, fils de Comorre et de Trifine. Elle se récite ainsi:
Le père ,de nos saints, étant un jour à la chasse, rencontra
les deux enfants. Apprenant qu'ils étaient les fils de Trifine,
il les décapita. Nos saints, aussitôt, prIrent leurs chefs entre
leurs bras et, gagnant le rivage de la mer, montèrent sur une
barque. Saint They, voulant avoir les mains libres pour
hisser la .voiie et manœuvrer la barque, remit sa tête sur son
col. Immédiatement sa tête s'attacha et reprit vie comme si
jamais elle n'avait été séparée de ~on corps. Saint Trémeur,
au contraire, s'était assis à l'arrière de la barque tenant sa
('1) c. f. Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1899. _.
IV. Les saints et· les 'immiyral'ions bretonnes insulaires.
êlC sur ses genoux. A la vue du miracle qui venait de se
de LOUS ses membres, il garda son chef entre ses bras durant
tout Je voyage; et c'est ainsi que le représente sa statue.
penda nt ce temps, saint They orientait la barque dans une
bonne direclio'n et, le vent la poussant, ils prirent terre au
cap-Sizun, dans un e anse appelée depuis ce jour Pors-ar-Sent,
!e port des saints. Les saints établirent leurs ermitages qans
la paroisse de Cléden, et, aprèsJeur mort, on bâtit des cha
pelles là où ils avaient mené saintement leur vie pour le plus
grand bien du pays.
La tradition vient aussi continuer la légende en faisant de
saint They un solitaire, dont l'ermitage était placé aux bords
de la baie des Trépassés Il faisait sa pénitence en se prome
nant tous les jours le long des falaises. De là, sa vue s'éten- .
dait sur le Cap-de-Sizun et la grande mer occidentale. En ce
temps-là, le Raz-de-Sein était fréquenté par les pêcheurs de
toute la région et même par ceux de8 pays du Léon et du
Tréguier. Du haut des rochers, le saint homme dominait les
barques et faisait connaître aux pêcheurs la parole de Dip.u.
Mais les matelots de Bréhat se préoccupaient plus cie leurs
engins de pÂche que de ses exhortations. Le saint déplore
ainsi l'inattention qu'ils lui témoignaient:
- « Me vel bagou Breadik 0 pesketa el' Raz,
« Ac, oud va gueled aman, na 1'ent ked kals agas! »
- (( Je vois les batea ux du Bréhat pêeher da ns le Raz-de- Sei n,
« Et pour m'apercevoir ici ils ne font pas grand cas. »-
Saint They est invoqué pour guérir les douleurs des mem- .
bres. Ce pouvoiL attribué au saint par la foi populaire, est
une indication que sa vie~ toute remplie de charité et d
La foule qui accourait à son ermitage faisait COn~
blables.
naître au loin ses bienfaits. Le souvenir s'en est perpétué
de génération en génération; et c'est avec la même confiance
et la même vénération que les pèlerins, à toutes les époques
sont venus à sa chapelle comme autrefois à son ermitage . .
La chapelle de Saint-They est située à l'extrême limite du
Cap-Sizun, sur les bords de la baie des Trépassés. Le mUI'
du cimetièt'e borde la falaise et surplombe la mer d'une hau
de 70 mètres. Bientôt ce mur disparaîtra par
teur verticale
suite des éboulements continuels qui modifient cette côte,
surtout après les grandes pluies et les forts dégels.
il y a péril à contourner ce mur à l'extérieur.
Aujourd'hui,
les processions en faisaient le tour, mais ce n'éLait
Autrefois,
pas sans crainte, car la veille des pardons on avait soin je
la falaise d'un tOUT de mottes coupées sur la lande
border
voisine: et, pour ce, le trésor de la fabrique payait annuel
lement 30 sols tournois.
La chapelle actuelle a subi une réfection complète vers
1636, sur les fondations d'une ancienne chapelle qui tombait
de vétusté. Antérieurement à celle-ci, d'après la tradition, la
chapelle du saint se trouvait plus avant dans la mer . Ce sont
là des preuves que le culte de saint They dans le cap Sizun
remonte à une lougue suite de siècles.
Les comptes de la fabrique commencent à 1636. Jetés,
calculés et escTits avec un soin et une exactitude qui en
renden t la lecture facile et même attrayante, ils donnent des
renseignements intéressants sur la restauration de la chapelle
le culte voué au saint. Nous résumons ici, d'après les
En '1636. Réfection du chœur, du portail et de l'empou-
ent
trern ;
Hi38-'1639. Fonte d'une cloche. à Saint-They même.
cette dépense) ; .
HH2. Peinture de la chapelle par M. la Marche, de
pont-Croix; les travaux ont été payés (12 1.; .
HiMJ:. - Réfection des boiseries, des lambris et des fermes
de la toiture; travaux de maçonnerie; pose d'un devant
d'autel et d'uu cadran solaire par Allain Madec, d',\udierne:
1649-1650. Pavage de la chapelle; lambris du chœur;
1656. - Achat d'une armoire pour mettre les ornements;
1657. Réfection totale du lambris et de la toiture;
'1659. - Achat d'un plat d'argent doré, 19 l. 10 s. ;
'1660. Accommodé la maison de la fabrique, Cette maison,
située à l'angle S. O. du cimetière, était louée 2 l. '12 s., à la
personne qui servait à manger aux pèlerins;
je la tour et du mur du cimetière;
Construction
'1662 Un devant d'autel et trois portes neuves;
1664-1660. _. Achat d'ornements et d'un rétable à l'image
deN. S.; .
1666. Relevé la maison de saint They, tombée durant
l'hiver; .
1668. Grosses réparations aux murs;
'1673. - Vitraux neufs;
1.674. Reconstruction du pignon et du clocher;
1676. -- Pose d'une porte à l'entrée du cimetière;
1680. Reconstruction des fontaines; achat de quatre
vases de fleurs et d'un plat de terre pour recevoir les offra ndes.
Ce plat, en vieille céramique de Delft, d'un diamètre de 1 pied
et ~ pouces, le cartouche central représentant un lièvre, a
disparu récemment pour aller faire le plus bel ornement
d'une bourgeoise salle à manger;
'168-1. Payé, aux Trévidicques, de Goulien, sCUlpteul'S
pour un l'étable devant l'image de saint They, 611. '10 s.:
et saint Roch, 87 1. ; .
t(58.2. Acheté et doré un nouveau tabernacle, H8 1. ;
'1684. Achat d'nn 'calice d'argent. 8't, 1., eL d'un chapelet
façon cristal, avec 9 gros grains pour la croix;
'168a. Construction de deux piliers, (contreforts) ;
'1694. Achat d'une image de saint Mathieu, 63 l. ;
'1698. Doré l'image de saint Mathieu, et peint deux autels,
9'1 1. 10 s., etc.
La chapelle de saint They est isolée de tout centre de pop u
lation Nulle voie de communication y accède. Les difficulLés
étaient pre:::que insurmontables pour s'approvisionner de
matériaux, pour y faire venir des ouvriers. Mais lorsqu'une
de la chapelle avait été décidée, en conseil de
restauration
fabrique, et dénoncée aux habitants au prône de la grand'
messe, toutes les bonnes volontés s'unissaient; personne ne
marchandait ni sa peine ni son travail: les charrettes se
dirigeaient · vers Pont-Croix pour quérir les métaux; les
bateaux d'Audierne transportaient au Vorlen, dans la baie
des Trépassés, la chaux et les planches; les gros chênes de •
1)"azan et de 15haro s'abattaient.. ... On savait qu'en
They; le saint n'aurait pas ménagé ses
travaillant pour saint
grâces. Les travaux importants exécutés autour de la chapelle,
les ornements acquis à grand renfort de livres tournois, sont
le tém'oignage indiscutable de la profonde et sincère vénération
. que l'on avait pour le saint.
avaien t
Durant l'année, plusieurs cérémonies religieuses
lieu à Saint-They. Un prédicateur y venail prêcher le carême
et le sermon lui était payé 28 sols tournois La croix de la
chapelle était transportée au chevet des moribonds; en '1646,
décès de Marguerite Le Gall, l'envoi de la croix, à Audierne,
De nombreuses indulgences étaient allachées à la chapelle,
_' (>/ Be a so, en hi, indulgensou bras,
Kouls da zeiz al' PenLecost ac d'al' pardon bras. )}
La chapelle possédait un Christ en croix et cinq statues:
celles de saint They, de saint Guénolé, de saint Mathieu, de
saint Roch et de sainte Barbe. Toutes ces images étaient
abritées par des voiles de lin.
Deux fontaines, dédiées à saint ' They et à saint Mathieu,
avoisinent la chapelle. C'est . à remarquer que ce dernier
vocable est commun aux deux caps extrêmes de la région,
le cap de Fin-de-Terre et le Cap-Sizun. '.
Anciennement, quatre pardons avaient lieu à Saint-They'
1 le dimanche qui suivait la fête de saint Roch;
2° le dimanche précédant la saint Mathieu;
3 le second dimanche de mai;
Et 4° le grand pardon, le premier dimanche de juillet.
Les offrandes, surtout le jour du grand pardon', étaient:
importantes. La moyenne, de 1636 à 1646, a été de 30 1. 10 s.
On n'était pas riche à cette époque, et les deniers tOlUbaien t.
dans les plats de la quête, plus drus que les sous. Cette
moyenne de 39 1. 'JO s., convertie en deniers, donne le chiffre
de 9480. De là on peut déduire approximativement le nombre
des pèlerins. Tout le Cap s'y rendait; c'était de règle, et le
pèr~ Maunoir l'a constaté dans ses écrits. Mais il en venait
aussi d'ailleurs, de Pont-l'Abbé, de Quimper et d'au-deJf1 , car
.a réputation du saint était populaire dans toute la Cor-
nouàille. .
Durant l;annee, de nombreux pèlerins visItaient aUssi 1
offrandes déposées dans le tronc, pend~nt cette même période
de 1636 à 1646, a produit 1;) l. 9 s. '1 d., soit en deniers 3229
La fabrique possédait aussi de nombreuses rentes en blé~
et des cédules en argent prcsté à des riQ,1'oissiens pOttr les a.ider
dans leurs affaires. Mais cet arge~1t était souvent mal placé .
les comptes des trésoriers mentionnent, en dépense, les frais
de fréquents procès soutenus pour deff'endre l'intérest et le
bon d'l'oit de la chapelle.
Des .testaments sont relatés dans plusieurs comptes. Cel ui
de '1653 fait recette d'une somme de :30 1., reçue de M. de
Trémaria. pour le ,testament de M de Kazan
Le blé de la quête donnait, année moyenne, 43 1. 5 s.
Avec les autres menues recettes, telles que la quête d'argent
faite à Audierne et à la foire de Ponl-Croix, et la quête Ile
pois$o)'ls à L'Ile-de-Sei'Yl;, les revenus de la chapelle s'élevaient,
lUI
bon an mal an, à 235 1. 7 s. '1 d.
Tous ces revenus pNmettaient d'entretenir la chapelle et
de célébrer ie grand pardon avec une solennité toute parti
lig
culière.
Une pratique, usitée dans le Cap-Sizun (L), qui a donné lieu
ù l'accusation de superstition, est la loiLeu e du saint, kempen
a't sant.
Durant la semaine qni précède le pardon, la loi lette du
saint est la préoccupation de tontes les femmes dont les vil
lages sont voisins de la chapelle.
Depuis le dernier pardon, une moisissure verte a recouvert
(1 ) Nous l'avons aussi rencontrée, en lit);" à Sant Tltell-a1'-Ga1" 1:.eli. sainL
They-ries-Naseaux, en Saint Jean-Trolimon .
robe du saint; les araignées ont tissé leurs toiles entre sès
. les hiboux, nichés dans les lambris, ont maculé sa
Les femmes s'y mettent de tout cœur. La statue est des-
endue de son piédestal et transpùrtée sur la lande, près de la
on inyoque le saint. La statue, essuyée et séchée au soleil, eBt
ensuite portée processionnellement à la chapelle et on se met
à l'orner.
La plus belle parure de la jeune fille, dans les campagnes,
est sa coifIe blanche; celle de l'épousée, son ruban de noces.
Eh bien! eUes en feront le sacrifice, et la statue du saint sera
belle avec tout cela. Sa mitre, ou sa couronne, sera surmontée
de la coiffe blanche; son corps entouré de rubans bariolés;
un miroir sera suspendu à son cou; et la veuve, elle qui n'a
plus pour tout ornement que ses habits de deuil, apportera
l'image devant laquelle elle dit, malin et soir, ses prières, pour
lui en faire un tablier.
N'appelez pas superstition ni paganisme cet usage ancien
de décorer ainsi les statues. C'est un esprit profondément re
ligIeUX qui anime les personnes qui le pratiquent. Le sacrifice
qu'elles font, pour orner la statue du saint, des objets qu'elles
préfèrent, sanctifie leur action. Elles sont sincères en agissant
ainsi, et leur foi naïve mérite le respect. Plus tard elles sau
ront, pourvu que leur foi et leur sincérité persistent, trouver
des ornements plus conformes à l'esthétique.
Autrefois, le grand pardon durait trois jours, pendant les
quels la foule succédait à la foule, remplissant la chapelle.
Le premier acte de dévotion des pèlel'Ïns, en arrivant à Saint
They, consistait en ablutions à la fonlaine. Des matrone~ dis-
tribuaient l'eau, la versant à pleine écuelle dans les manches,
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXX (Mémoires) 14
dans le cou, Loco clolenti. Les autres heures étaient consacré
fati
en dehors des exercices de piété, était la présence, en tête d~
la procession, de tiTeUTS cl' aTbalètes ; on leur allouait, en col_
off
lation, un gâteau de 8 sols. .
Dans la maison de saint They, placée dans le cimetière
se préparaient les victuailles qu'on vendait aux pèlerins Les
principaux régals étaient: le Lou,zaouen-Sant-l'hey, fricassée
de criste ma1'ine, avec sucre, vinaigre et miel; puis, le Pasté
hâchis des restes des viandes des jours gras, cuites et recuites
au four, et conservées, couvertes de graisse, dans des terrines
saI
spéciales, en poterie oncttt.euse, dont on trouve les débris
dans la plupart des maisons en ruine du Cap, les Côties.
La nuit de veille du pardon, la foule campait autour de la
chapelle, sur la lande nue, sous le ciel étoilé du mois de juillet,
en face de la baie des Trépassés et du Raz-de-Sein. Une
chandelle de suif brûlait devant le sanctuaire, donnant un
caractère mystérieux à ce ,cadre grandiose. Le luminaire de
la nuit du pardon était payé, par la fabrique, 4 sols. Des liards
tournois, à l'effigie de Louis XIII, égarés sur la lande, indi-
quent encore aujourd'hui les gîtes des pèlerins. .
Tels étaient les pardons ordinaires de Saint-They. Rien
, autre que la dévotion du saint attirait les fidèles. Ils venaient
demander au 'saint d'exercer le pouvoir dont il avait l'attribut:
[lOI
la guérison des douleurs et des rhumatismes.
Mais, dans la suite des tem ps, des circonstances parti cu-
dal
. lières, des événements généraux survenaient qui attiraient
une foule plus nombreuse. C'est qu'alor') il y avait des grâces
. extraordinaires à demander au saint. Ainsi, en 1639, 1640 et
deI
1641, lors de la peste qui ravagea toute la Bretagne, le
recours à saint They fut général. Les comptes fabriciens de
ces années indiquent que les offrandes du pardon et les
. quêtes de blé ont presque doublé.
Les missions du père Maunoir ont aussi exercé une in-
t672, qui sont celles des mISSIOns du Cap, accusent des
offrandes et des recettes b,eaucoup plus élevées que celles des
années intermédiaires: d'où une "affluence plus considérable
de pèlerins.
Le résultat de ces missions fut donc un redoublement de
la dévo tion à saiot They et non une transformation des
usages établis. . . .
00 en peut déduire que la foi primitive, léguée par les vieux
saints, s'était en quelque sorte maintenue autour de la cha
pelle, jusqu'au XVIIe siècle.
H. LE CARGUET. .
Audierne, le '28 juillet 1903.
P. S. Les uS<1ges superstitieux, décrits par le P. Maunoir,et
reproduits p<1r le P. Séjourné. d<1ns la VIe du Vénérable, T. 1.
Ch. XII, ne sont pt"lS, tous, particuliers au Cap-Sizun. Ils se rap
portent aux différentes localités évangélisées, par lui, jusqn'en 1643.
Nous en avons rencontré Cjuelques-mls. seulement, dans le Cap;
les ê1utres existent encore, soit dans les paroisses de la côte, soit
dans celles de l'intérieur des terres.
Le Cap possède <1ctuellement un tond de croyances et de pratiques
~llp('rtitieuses qui ont échappé à l'action du saiut missionnaire et
des prêtres: telles que le mauvais œil, cm drouk-avis, et la mal
chance, al' boch, etc. Nous en <1vons fait une longue étude dans les
Bulletins de ln Société des Traditions populaires .