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Bulletin SAF 1903


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Les nécropoles carthaginoises et la salle punique du musée des Pères Blancs

A. Martin

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QUELQUES JOURS A CARTHAGE

LES NECROPOLES CARTHAGINOISES
ET LA SALLE PUNIQUE DU MUSÉE DES PÈRES BLANCS

La colline de Byrsa (60 m. d'altitude) au sommet de laquelle
les
se dressent la chapelle de Saint- Louis, le couvent et séminaire
des Pères Blancs, la cathédrale, toute récente, de Carthage,
et trois maisons particuli!~res, deux hôtels et une villa, est
de la ville punique. De la gare, où se lit
J'ancienne acropole
sur Jes murs le' nom de Carthage, il faut un quart d'heure, à

pied, pour y monter. En regardant au sud, on aperçoit dans la
plaine et à peu de distance du rivage, les anciens ports; le

Cothon, port de guerre, pelit Jac rond avec son ilot central;

plus au sud le port de commerce, rectangulaire. Vers le nord
la vue s'étend sur un terrain plus accidenté. Ce sont des
collines séparées par des petites vallées, des falaises coupées
de petites plages, et au fond du tableau, le village arabe de
Sidi-bou-Saïd, tout blanc sur la grande falaise escarpée. Des
ruines nombreuses émergent ça et là, au haut et au flanc des
collines, et aussi sur les bords de la mer. D'antiques citernes
romaines ont été réparées et mises en service; elles con tien­

30.000 mètres cubes d'eau. C'est entre Byrsa 'et ces
nent
citernes, puis au-delà de celles-ci, dans le nord, en allant
sur les petits plateaux et les pentes des
vers Sainte-Monique,
coteaux que se trouvent les nécropoles explorées depuis plu­
sieurs années par le P. Delattre.
Elles s'étendent sur un espace encore inconnu et dont les
fouilles journalières agrandissent sans cesse le champ. Les
tombes puniques n'ont pas été trouvées au bord même de la
mer: elles ne commencent qu'à 50 ou '100 mètres du rivage.

Elles sont taillées dans le tuf, grès calcaire coquillier qui
forme, en grande partie, l'ossature de tout le sahel Tunisien
eL Algérien, nom donné à la chain13 de hauteurs qui bordent
ia Méditerranée. Ce sont des puits rectangulaires d'environ
:! (J1. sur l m., quelques fois plus et souvent beaucoup moins
et l'on a peine à comprendre comment les Carthaginois ont pu
descendre, dans des puits ayant moins de 0 m. 80 de largeur.
des sarcophages de :2 m. 20 de long sur 0 m. 72 de large et
les introduire horizontalement dans les chambres latérales
aussi étroites que le puits qui peut atteindre jusqu'à '18 mètres
de profondeur. Sur un des petits côtés, et là seulement,
s'ouvre'nt les chambres funénlÎres au nombre de deux ou trois,
une aufond, les autres à différents étages.
Sur les grands côtés sont ,~ntaillés dans la roche des trous
pour mettre le pied. Cela forme une sorte d'échelle pour des­
cendre et monter. Dans' les chambres, le long des deux grands
côtés, des fosses sont creusées dans le roc et recouvertes de
dalles; ailleurs se sont des sarcophages en pierre ou en
marbre disposés de la même façon le long des parois latérales;
le plus souvent il n'y a ni fosses ni sarcophages, mais cie
simples cercueils en bois. Les trois genres de sépulture se
sont rencon trés dans la même chambre, les sarcophages sur
les fosses, les cercueils par dessus les sarcophages, empi lés
les uns sur les autres jusqu'au plafond. Il en a été t!'ollvé
jusqu'à douze dans la même chambre. En les introduisant,
en les faisant glisser sur le couvercle des sarcophages ils les
ont endommagés, ont brisé des acrotères et aussi éraflé des
statues,
Les grands sarcophages, son t rares; sur des milliers de
tombes on n'en a trouvé que 12 :
en marbre, dont quatre anthropoïdes;
en pierre blanche;
1 en grès coquillier.
Les mots anthropoïde et anthropomorphe employés pour

désigner ces sarcophages sur le couvercle desquels est 1
quand il s:agit des sarcophages de Chypre et de
expressions
la Phénicie où l'on a donné à l'ensemble de la cuve et du
couvercle la forme approchée d'un corps humain; mais à
Carthage ce n'est pas le cas; cuve et couvercle sont rectan_
gulaires. Là encore les Carthaginois se sont séparés de leurs
ancêtres de Tyr et de -Sidon et il semble que c'est l'Etrurie
qui les a inspirés.
Ceux en marbre son t décorés de peintures rouges, bleues
noires et jaunes. Il y en a sur les quatre faces de la cuve,
sur les moulures, sur les acrotères et les rampants des COll-
vercles, toujours à double pente, et particulièrement sur les
frontons, dont quelques-uns ont conservé des dessins repré­
sentant des animaux fantastiques dont les queues se pro­
longt~nt en rinceaux pour occuper les vides du champ. Dl3ssin
très ferme et sür, coloris très habile. Les tons noirs et rouges
ont admirablement résisté aux siècles et sont d'une puissance
étonnante.
Sur les couvercles se voient des empreintes, généralement
rondes, d'objets, vases, corbeilles, paillassons en vannerie,
déposés là au moment de l'inhumation. Leur impression
dans le marbre doit être due à quelque action chimique.
Dans ces sarcophages, le mort était le plus souvent étendu
dans un lit de rési ne. On en voit un, .dans la salle punique,
où le corps est entièrement noyé dans le goudron résineux
. qui vient affieurer les bords de la cuve. Le P. Delattre n'a pas
. voulu violer cette sépulture si bien défendue.
Dans les fosses, on a recueilli les squelettes les plus
intacts, les mieux conservés.
Les cercueils en bois, avec poignées en fer et plaques et
tiges de plomb pour en maintenir et consolider les diverses
parties, n'ont pu résister aux injures du temps; aussi les
ossements et les mobiliers qu'ils contenaient se sont-ils mé-

és et il est bien difficile de discerner auquel d'entre eux
Jang 1 b' .
artenaient es 0 Jets rencontres. ,
ancienne .
. celle de l'incinération est représentée par des milliers de
o m. 60 à 0 m. 30 de longueur. toujours avec le couvercle
à deux rempants, souvent décorés d'acrotères. Deux seule­
ment sont anthropoïdes (dans le sens donné pour les grands)
et figurent dans la salle du mus~e. Tous les autres sont dis­
posés en rangs serrés, en cercles concentriques, dans les
jardins qui s'étendent devant la façade du couvent. Ces
petits sarcophages remplis ~'osserr entsbrûlés et d'un mobi­
lier funéraire plus ou moins important se rencontrent à
l'entrée des chambres funéraires. Il y en a aussi dans les.
chamb res elles-mêmes et parfois dans les puits.
Les puits ont été creusés, avons- nous dit, dans le tuf!. Ils
sont très rapprochés les uns des autres, au point que des
parois mitoyennes de deux chambres voisines se sont écrou-
lées, les faisant communiquer. Pour en trouver l'entrée, il
faut donc dégager le sol jusqu'au roc et, dans certains
endroits, ce n'est pas mince besogne.
Les apports terreux provenant des siècles et, bien davan­
tage, les matériaux provenant de la destruction de la Ville
Homaine qui , bien plus grande là que Carthage punique, avait
envahi les anciennes nécropoles, forment des couches de
cinq à six mètres d'épaisseur. Ces trava ux de terrassement
sont livrés à un entrepreneur et le P. Delattre ne prend pos- '
session des lieux qu'au moment où les déblais, portés au
loin, ont laissé à découvert le sol rocheux où il n'y a plus
qu'à sonder le terrain pour reconnaître les parties moins
dures, ouvertùres des puits. Alors commencent, avec ses
équipes de travailleurs arabes dirigés par un Français, les
travaux de dégagement des matériaux qui les remplissent.

Si l'on trouve bientôt du sable jaune rougeâte bien pur~ c'est
d'un bon augure.

Par un heureux hasard. les tombes découvertes jusqu'à ce
iour étaient inviolées. Il Y avait eu quelquefois des rema_
niements, mais datant de l'époque même, pour y mettre cie
nouveaux cercueils ou de petits sarcophages.
Comment les Romains, animés de la haine que l'on sail

contre leur ennemie héréditaire, n'ont-ils pas profané ses
tombeaux? Scipion Emilien qui a fait détruire par ses légion­
naires, systématiquement, pierre par pierre, la rivale détestée
qui l'a rasée jusque dans ses fondations, au point que rien
de l'ancienne Carthage ne subsiste aujourd'hui, qu'on n'y a
trouvÉ' ni un temple, ni un monument quelconque, par même
un mur, a-t-il donc eu le respect des morts? A-t-il empêché
qu'on touchât aux nécropoles? On aimerait à le penser pOUl'
sa memOIre.
Et plus tard la nouvelle Carthage de Gracchus et d'Auguste
s'éleva sur les toil1bes des premiers habitants qu'elle va pro­
téger, mieux encore, en les recouvrant de ses ruines, au
moment des invasions des Vandales, puis des Arabes, qui
n'auraient pas eu, à leur égard, les scrupules qu'on peut
. attribuer au grand général Romain.
Toutes les sépultures puniques que nous venons cie décrire
et qui s'étendent du VIne siècle jusqu'à la clestruction cie

Carthage, renferment. un mobilier funéraire quelquefois

riche, mais le plus souvent bien pauvre, ne consistant qu'en
quelques poteries, une lampe avec sa palère et une ou deux
petites fioles (ulJguentarium), avec quelques petites perles en
pâ te de verre.
La lampe la plus àncienne, celle que le P. Delattre a appelé
Bicorne, est formée d'une simple soucoupe don t on a: relevé
les bords en trois endroits, alors que la pâte était fraîche,
de manière à former cieux becs assez voisins.
Dans les plus riches, en dehors de 'très nombreuses poteries,

a recueilli des objets en or, en argent, en bronze, en
oquillag et des monnaies de bronze.
nous montrer, dans ses vitrines, toules ces trouvailles dispo­
c;ées avec un ordre et une clarté qu'on souhaiterait trouver
toujours dans les collections d'antiquité, Les objets de petite
dimension, qu'elle qu'en soit la nature, sont placés dans des
godets en porcelaine blanche où ils ressortent admirablement,
sans aucun risque de se mêler. On n'a pas ménagé la place;
chaque objet, si petit qu'il soit, à son godet.
Les grains, perles, amulettes, pendeloques ont été réunis
en colliers, disposés en guirlandes suspendues dans les
vitrines, donnant bien la reproduction cie la parure antique.
Les plus beaux bijoux ont été mis à porlée de l'œil du v1si-
Leur et les belles intailles et gravures sur pierre et or, mon-
trent, à côté de l'original, une empreinte très nette sur plâtre.
Les beaux sarcophages en marbre, avec ou sans statues
sur les couvercles, ont eu les honneurs de la salle du musée.
Ils reposent à terre? entre les vitrines, Deux seulement n'ont
pas leurs couvercles, celui qui est plein de résine et celui de
la prêtresse, découvert l'hiver dernier, et la perle du musée
DeJattre. Pour le premier, on a voulu montrer un singulier
mode d'ensevelissement; pour le second, c'est à des considé­
rations purement artistiques qu'on a obéi Il fallait présenter
au public celte admirable sIs tue polschrome de femme, de
prêtresse d'Isis, sous son jour le plus favorable. Le couvercle
a donc été fixé au mur, au fond de la salle et, clès en entrant,
le regard est attiré par celte figure pleine de grâce et cie no­
blesse, vêtue et coiffée à l'Egyptienne, debout sur une base
largement débordante.
Dans sa pose hyéralique, les jambes enserrées dans les
ailes du vautour symbolique, la têle couverte d'un voile cI'où

s'échappent., sur les tempes, des cheveux frisés au fer et dont
de , longues boucles retombent SUl' les épaules, un oiseau
du corps tenant une colombe par les pattes, le bout des ailes
et la queue, la main gauche, relevée à hauteur du coude, por­
tant la boîte à offrandes, elle est d'une distinction extrême.
Le visage respire le calme, la sérénité et la majesté. Ce n'est
cependant pas, à mon sens, une figure idéalisée, divinisée.
Il y a dans les traits de ce beau visage une asymétrie qui doit

être naturelle et l'artiste, en donnant un peu d'empâtement
aux joues ,et au menton, a dû copier ce qu'il voyait.
Le sarcophage de la prêtresse et celui' de son mari, dont
la statue n'est pas sans valeur, bien que les draperies soient

lourdes et le bras et la main gauches disgracieux dans leur
geste d'adoration ou de bénédiction,ont été trouvés avec un
trou rond pratiqué dans le couvercle, entre la tête et l'épaule
des statues, au point où l'épaisseur du marbre est la moindre.
ces ouvertures, le mobilier funéraire ayaÏt été dérobé
Par
et le P. Delattre pense que le vol est dû à quelque fossoyeur
et a été perpétré peu de temps après la descente du sarco­
phage dans le puits. Le voleur savait que c'est près de
la tête que se trouvent les riches bijoux.
Cette violation exceptionnelle d'une sépulture punique est
d'autant plus regrettable que, daos le cas actuel, elle eut été
très probablement d'une richesse extrême Il est vrai que la
sta tue de la prêtresse, intacte et ornée de ses précieuses et
vives couleurs, vaut plus que tous les ornements d'or et de
pierreries que pouvait renfermer son sarcophage.
Pour mettre plus d'ordre dans la description des objets
mobiliers que renferme la salle punique du musée, il me
paraît préférable de les classer d'après la nature des matières
qui les composent: terres cuites, verres, ivoires, pierres et
métaux.

Céramjque et terres cuites.
La céramique est nombreüse et d'une grande variété, depuis
vases les plus communs, mais fait" au tour, jusqu'aux
as les plus élégants, à pâte fine, à couverte noire et rouge,
. uoe et blanche, avec gravures au trait et dessins en couleur.
hyto , œnochoës, lécythes, fioles, écuelles, pa tères, vases
à tubulures multiples, rappelant les poteries actuelles des
Kabyles.
La série des lampes est considérable, à commencer par la
lampe bicorne jusqu'aux grandes et belles lampes, quelquefois
à plusieurs becs, décorées de dessins en "relief. Il y a aussi des
statuettes, toujours grossières, des boîtes et étuis pour pein­
tures et fards, des coffrets à compartiments, avec couvercle
à glissière, des masques portant des restes de peinture, des
amlJlettes communes, des pesons de fuseau, des disques,
quelques moules et plusieurs balle.s de fronde. J'en oublie
certainement. Il faudrait des semaines pour inventorier les
richesses du musée des Pères Blancs .

Verrerie.
Les vases et autres objets en verre sont rares. Quelques
fragments présentent des irisations de toute beauté. Ce qui
abonde, ce sont les pâtes de verre aux mille couleurs, sou­
dées, mêlées, agencées de façon à former les dessins les plus
variés. On dirait quelquefois des éma ux lant les couleurs
sont vives et les contours nets. Mais l'art de l'émaillerie ne
semble pas avoir été connu des Carthaginois. Avec leurs
pâtes de verre, ils ont fait des petits vases, des boîtes, des étuis,
des boutons et 5urtout des grains de collier et des am ulettes.
Ivoires.
Ils sont en très grande quantité. C'est une industrie ayant

un caractère plus spécial, plus indigène,
qUe les
dirai t-on,
pas
autres.
Nous voyons des disques pleins ou percés; des manches
Del
de couteaux et de miroirs; des dés à jouer; des tuyauXCourls
avec trous 'latéraux, dont l'usage reste mystérieux; des fu:
seaux et pesons de fuseau; des dévidoirs; des navettes, aYec

un trou à une extrêmité; des longues tiges faites au tour el
joli
terminées, aux deux bouts, par quelque chose qui ressemble
Les
aux ante,nnes des glaive's gaulois. On peut supposer qu'elles
étaient destinées à enrouler des écheveaux de soie.
Des baguettes carrées ou triangulaires, dont les angles
l'as
portent de fines et profondes encoches ou fentes, à égale
distance l'une de l'autre. Ont-elles servi, comme les rateaux
une
de nos cordiers, à étendre des ms de soie pour en faire des
desS
cordonnets? C'est l'idée qui m'est ven ue et j'en ai fait part'
à mon aimable guide. Il est certain que ces cinq derniers
enc~
objets, proyenant bi en probablement de sépultures de femmes,
sins
ont trait à une industrie textile, à des travaux de luxe qui
méu
8Ul;aient été très en faveur au sein des familles carthaginoises.
Des boîtes ou écrins de formes variées; j'une d'elles, très
hien conservée, mon tre, sur son couvercle à glissière, en très
en ronde - bosse, une oie portant sUl' le
grand relief , presque
ouv
dos une femme (Vénus) dont les jambes passent sous les
est
ailes mi -éployées. Le travail est d'une finesse .d'exécution
von
Chaque barbe des plumes est indiquée par un
remarquable.
fer"
trait franc. J'ai déjà vu ce sujet traité à Chypre et en Syrie.
ten
Des plaques minces d'ivoire, grandes (jusqu'à 20 cent.)
ètr
de 4 à 5 cent ), sont peut-être ce qu'il y a de plus
et petites (
sel'
artistique parmi les milliers d'objets sortis des tombes de la

Carthage punique. Ces plaques onL les bords découpés à la
cal
scie suivant des contours très variés; elles portent, sur une
des faces planes, bien polies, des dessins, a u trait, de groupes,
de personnages ou de têtes isolées,' d'une habileté et d'une
sûreté de mains extrêmes. Le tracé des silhoueUes ne mon lre

une hésitation, pas une retouche. C'est vraiment mer­
lieux. Je me rappelle une tête de femme sur laquelle le P.
elatt a attiré mon attention. Il n'y a que quelques traits
bOUche, l'ovale du visage et les cheveux relevés en diadème;
ais quelle expression, quelle vie et quelle grâct dans ce
œuvre grecque.
Les siècles ont jauni l'ivoire et lui ont donné le ton et
l'aspect d'un bois léger, comme le peuplier. Sans être prévenu,
on s'y tromperait certainement, tant 1<1 ressemblance avec
une matière ligneuse est frappante. Abstraction faite des
dessins du milieu de la plaque, on se dirait en présence
de ces milices planchettes découpées, a:iourées, dont on
encadre les photogra phies ou les premiers essais de des­
sins des enfants et petits enfants dans les modestes
ménages.
Œufs d'autruche
Il en a été fait un grand usage. Quelques-uns sont entiers,
ouverts à un bout, l'orifice garni circulairement de trous. Il
est probable qu'un couvei'cle y était assujetti. L'un d'eux fait
voir sur ses flancs des traces d'usure en losanges comme en
ferait un fllet dans lequel on l'aurait enveloppé et porté long­
temps. Sur beaucoup sont peintes des têtes humaines, peut­
ètre les portraits des morts. Enfin des débris de coquilles on t
seni à faire de très petites rondelles trouées pour colliers.
Je puis parler ici, puisque se sont aussi des secrétions cal­
caires, des coquilles marines rencontrés dans les tombes;
quelques coquilles bivalves (pecten) dont on a fait des boHes en
y mettant deux charnières en métal; un assez grand nombre
de coquilles univalves, porcelaines et autres, qu'on a percées
. pour p.n faire des grains de collier.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXX (Mémoires) 13

Pierres.
Toute la gamme des silices y est représentée : cristaux
naturels de quartz, en prism.es avec leur pyramide tern1i_ •
nale, cristal de roche amorphe, fausse améthyste, faUSse
topaze, aventurine, œil de chat, cornaline, calcédoine, agates
onyx, opale, jaspes, etc. On y trouve aussi des lapis-lazuli

des saphirs, des grenats et des turquoises. Toutes ces pierres '
sont employées comme bijoux, châtons de bagues aYec
intailles, grains et perles de colliers, pendeloques, amulettes.
Elles sont alors sou ven t serties d'or ou d'argent, avec tt'ou ou
anneau de suspension. Quelques-unes cependant sont direc-
tement trouées dans la pierre elle-même, des cristaux de
quartz par exemple.
Parmi les objets en pierre, Il faut citer quelques cylindres
dont deux (hématite et pierre verdâtre, sont décorés dp, motifs
égyptiens d'une grande finesse de gravure.
Métaux

UT. Les objets en or sont Qombreux . .
Ils comprennent: des boucles d'oreille simples ou à pende­
loque. dont un type est original. La pendeloque, longue de
2 cent. est faite d'un prisme droit à base carrée dont la partie
supérieure porte, en son milieu, une pile de minuscules bou­
lets d'or sous un dôme composé de quatre quarts de cercle en
or, à la jonction desquel" est soudé le petit anneau qui relie
le tout au grand cercle d'or passé dans l'oreille. On dirait une
petite lanterne avec son système d'aération en haut. Des bou-
cles d'oreille semblables ont été trouvées à Chypre. -
Des bagues tout en or ou avec chatons en pierre. Sur le
chaton d'or massif de l'une d'elles, recueillie, avec plusieurs
autres bijoux d'or, dans le sarcophage anthropoïde d'un grand
prêtre, se voit, profondément gravée, la tête du défunt. Le
travail est très.beau ; on en juge mieux encore en regardant
l'empreinte sur plâtre, mise à côté. C'est un beau portrait de

une ressemblance frappante avec la tête de la statue de
marbre couchée sur le couvercle du sarcophage voisin.
Une autre bague porte une pierre 'calcédoine tl~anslucide)
sur laquelle est gravé un cheval arcbouté sur ses pattes de .
devant et se grattant la tête, qui est baissée et légèrement
retournée, avec une des pattes de derrière. L'empreinte sur
plâtre fait bien ressortir toute la finesse de l'exécution, le .
rendu de la musculature de l'animal. C'est une superbe
intaille, un des joyaux du musée.
Des perles creuses pour collier.
Des chaînettes.

Des amulettes.
Des épingles à cheveux. '.
Parmi ces deux dernières sortes de bijoux, on peut rema1'-
quel' la représentation d'une main, à plat, toute ouverte.
C'est un emblème que les Arabes portent beaucoup et dont
ils font un grand usage décoratif. Ils J'appellent la main de
Fatma; elle est un porte-bonheur, un talisman contre le
mauvais œil. La Phénicie et Chypre ont fourni le .même .
bijou-am ulette. .
Jusqu'à ce jOUl~ aucun vase d'or n'a été découvert au çours
des fouilles.
A 'l'gent. Il a été très employé sous les formes les plus
diverses: coffret.s, boîtes, étuis, boucles d'oreille, chaînetles,
bracelets, épingles, anneaux, bagues amulettes Souvent, il
est doré. Il y a aussi des petits vases, des coupes, mais tous
ces objels. par suite de l'oxydation, sont, la plupart du temps,
dans un déplorable état. C'est le métal qui a le moins résisté
à l'action des siècles.
n,.on:f. -- Le bronze est largement et superbement repré­
senté par:
Des vases de loute dimension ayant, à bien peu d'exception
près, des becs tréflés. .
Quelques situles.

De nombreux miroirs à manche de bronze ou d'ivoIre.
pal
Des cymbales, avec chaînette pour les réunir.
tll
Des anneaux, bracelets, bagues.
Des épingles à cheveux.

Des grains et perles de collier.
sel
Des objets d'une forme très particulière, hachette longue
et étroite terminée par une tige en cou de cygne, avec anneau
de suspension d'un côté. Les faces plates sont décorées de
lOf
dessins gravés représentant des sujets égyptiens : dieux,
palmiers, fleurs, etc. Ce sont des rasoirs. Les Pères Blancs
du centre de l'Afrique ont envoyé au P. Delattre des instru­
ments en fer, de forme presque identique servant aux Noirs

à se raser. Donc plus de doute. Voilà les bienfaits du
Folklore.
Des fibul~s. Il n'y en a que deux dans le musée et l'on se
demande comment les Carthaginois attachaient leurs vête­
ments. Le P. Delattre pense que des objets en ivoire, sortes de
gros boutons de manchette à deux têtes, ont pu servir à cet
usage . Ils sont en très petit nombre. cependant et dans les
tombes contemporaines de tout le bassin de la Méditerranée,
de la Grèce aux confins de l'Océan, la fibule abonde et joue
un rôle si important qu'elle sert à classer, à dater, lesnécro-

poles où on les rencontre.
Des clous en grand nombre. .

Des hameçons.
Quelques strygiles et poiRtes de flèche.
Pas une arme en bronze, épée, poignard, lance ou javelot.
Fer. Une profusion de clous venant des cercueils. .
Des poignées pour sarcophages : en s'oxydant, elles ont
augmenté de volume et fait éclater les coins des couvercles.
L'avarie est générale.
Nombreux couteaux, souvent à m'anches d'ivoire. Ils ont la
forme de coutelas de boucher.
Des ciseaux, dont les lames se rapprochent et s'éloignent

fer plate qui les réunit. C'est un
èle connu ailleurs.

III
Un lourd outil en fer, pointu des deux bouts, avec trou
entrai d'emmanchement, est tout semblable au lètu dont se
servent aujourd'hui les tailleurs de pierre.
Comme armes, il n'y a qu'un long glaive 60 cent. ) et un
poignard, à fourreaux en bois On a mis à côté d'eux une
longue pointe et une lame sans grand caraclère. Ces quatre
objets datent du VIle siècle.
Plomb. Le plomb, avec étain probablement, donne des

boites, étuis, petits vases pour enfermer onguents et fards,
des anneaux, bagues et a mulettes. Des lames de plomb
enroulées ont servi à lester les filets.
On a déjà vu que les cercueils en bois étaien t consolidés
par des tiges et des plaques de plomb.
Les colliers.
On ne peut imaginér l'énorme quantité de colliers recueillis
dans les sépultures puniques de Carthage. Bout à bout, il y
en aurait des centaines de mètres. Avec les amulettes, qui en
font partie intégrante, c'est la note ~ominante des mobiliers
funénlires. Hommes et femmes en portaiént. Il est d'ai1leul"s
impossible de distinguer les mobiliers d'homme et ceux de
femme : le goùt des bijoux, de la parure et peut-être du ma- .
quillage était le même chez les deux sexes.
On a l'impression, avec tout cet attirail d'ornements, de
bijoux, d'objets de parure et dp toilette, de peintures et de
fards, à l'exclusion de toute arme de guerre, d'être en pré­
sence d'un peuple efféminé et cependant leur longue lutte
contre Rome prouve qu'il 'n'en était rien. Si, comme on peut
le croire, les armées étaient surtout composées de mercenaires,
dont les cimetières peuvent être à part, il y avait des chefs,
généraux, des officiers carthaginois. On a peine à s'ima­
des
giner la t.ombe d'un Annibal remplie de tous ces colifichets .

Les fouilles ultérieures feront peut-être découvrir les sép Ul_
tures de. guerriers, avec un mobilier en rapport avec leul'
Ille
et leur métier.
goûts

Les colliers sont composés de grains de pienes dures
var.
quartz, cornaline, améthyste, jaspe, agate, lapis-lazuli, tUI'-
et d
quoise, etc., de forme cylindrique, prismatique, conique,
sphérique, allant jusqu'à 5 ou 6 cent. de longueur; de grai ns
l'ét
et de perles massives de pâte de verre; de perles creuses
de bronze, de petites rondelles d'œufs d'autru­
d'or, d'argent et
pOl'
che (elles sont innombra bles, ; de coqui liages et même de disq ues
coll
et boules de terre cuite vernissée. ~es mêmes substances ont
est
été employées pour la confection des amulettes et pendeloques,
tOùtes de style égyptien . Ce solit des Anubis, des Isis, des Bès
des œils d'Osiris, des scarabées, des poissons, des animaux:
etc. Elles sont presque
vaches, hippopotames, chats, singes,
aussi nombreuses que les grains de collier
En sortant du musée de Carthage, après avoir étudié,
une par une, les vitrines remplies des produits de l'in­
dustrie et de l'art puniques depuis le VIlle siècle jusqu'au
Ile avant J.-C. on se demande: y a-t· il un art carthaginois?
la céramique comme dans les bijoux, c'est l'influence
Dans
de l'Egypte qui se fait sentir à l'origine, influence si grande,
si entière, qu'on se croirait transporté auinusée du Caire
en regardant les objets sortis des tombes des VILle, VIle
et VIe siècles
Puis apparaissent les produits de l'industrie étrusque, des
grands marchés de Corynthe, de Syracuse et de l'Italie du
sud. Vers le IVe siècle, on est en pleine civilisation grecque.
Il.ya tout lieu de croire que le superbe sarcophage de la prô­
tresse, les remarquables dessins sur ivoire et gravures sur
de travail grec. Quant aux nombreuses poteries
pierres sont
de cette époque, on les dir!Jit venues directement clu Céra­
mique à Athènes.

En phénicie, à Chypre, il y a tout. uri ensemble de monu-
'éeJlern antropom,orphes) de vases et dé petits objets
ent
ce qu'on Y a trouvé jusqu'à ce jour semble ètre un apport de

l'étra ng . ' .
De leur patrie primitive, les· Carthaginois n'ont guère em-
porté et gardé que leur écriture. On la rencontre sur beau­
coup de stèles vot~ves et sur quelques objets mobiliers. Elle
est fort belle. .

A. MARTIN .