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Bulletin SAF 1903


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Fouille d'un tumulus en Plouguenreau (Finistère)

A. Martin

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ULUS
FOUILLE D'UN T ,U
En PLOUGUERNEAU (Finistère).

Dans le courant du mois d'août 1902, un tumulus parais­
sant inta,ct, ffi'avFlit été signalé par le syndic des gens de mer
à Plouguerneau, M. Breton. Il en était propriétaire et m'in­
vitait à aller le fouiller. A la fin du mois, je me rendis donc à
Lannilis d'où je fis, en compagnie de M. Breton, une visite
au monument, et, dès le lendemain, grâce à l'extrême obli­
geance qu'il mit à recruter des ouvriers et à vouloir bien diri­
ger le commencement des fouilles, d'après les indications que
je lui avais fournies sur les lieux, les travaux furent menés
rondement. '
La butte, de 15 mètres de diamètre sur 1 20 d'élévation,
bien ronde, avait une régularité de forme du meilleur augure.
Elle était entièrement tapissée d'herbe rase ainsi que le sol
plat environnant, sorte de pré sablonneux comme on en ren­
contre si souvent au sommet des falaises et sur les côtes
bretonnes, pauvres pâturages de nos sobres petits moutons.
Le tumulus est, en effet, à moins de 6Ô mètres d'une falaise
de 10 à 12 mètres de haut, très déchiquetée, ayant en face
de lui, dans l'ouest, le grand phare de l'Ile Vierge qui peut­
être faisait partie du continent à l'époque où l'on dressait le
tertre funéraire. La détermination du centre se fait facilement
et sûrement. Une tranchée de plus de trois mètres est creusée
au ras du sous-sol pour aller à sa rencontre. Partout de la
terre sableuse de couleur foncée, sèche et dure; on n'y trouve
ni charbon, ni poterie, ni silex. Bientôt, sur la gauche, appa­
raissent quelques pierres, gros galets de la côte, roulés, plus
ou moins arrondis, fortement encastrés dans la terre envelop-
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' TOME XXX (Mémoires) 5

pante, très compacte et qu'il-faut èntamer avec le pic de la
pioche. Enlevés un par un et rejetés en dehors, ils laissent
apercevoir la tranche d'une gra nde dalle horizon laIe qui se

perd dans la paroi sud de ]a tranchée qu'il faut élargir. TOUL
le monde se porte de ce côté. Les gros galets entourent et
surmontent la dalle qui, une fois dégagée, nous montre une
belle table de granit de 2 m. 50 de longueur sur 1 m. 90 de
largeur et de 20 à 30 centimètres d'épaisseur. Elle repose sur

des murs à pierres sèches. Moellons plats et non plus galets
arrondis comme ceux qui la flanquent autour et dessus. Avec
roU '
nos quatre ouvriers déplacer cette masse n'est pas chose aisé.e ;
. mais M. Breton, plus ardent au travail que ses hommes, plus
curieux du résultat final, ne reste pa~ longtemps embarassé.
don
C'est l'heure où les pêcheurs reviennent avec . leurs bateaux.
Il court à la falaise, j'en tends un colloque en breton s'établir
ren
entre lui et les pêcheurs et quelques ' minutes après vingt
solides gas apparaissent, portant sur leurs épaules, mâts,
toU
avirons, grappin, cordes, tout un matériel de travaux de force.
On croche le grappin sur le bord sud de la table avec un long
cablotoùs'atellentunedouzaine d'hommes: d'autres arc-boutent
été
des mâts et avirons sur le même côté de la pierre pour faire

levier; d'autres enfin agissent aux deux petits bouts de la

table, puis, au commandement, tout le monde tire, appuie et
pousse d'ensemble et l'on voit l'énorme pierre s.'ébranler,
glisser, et enfin s'incliner et tomber dans la fosse qu'on lui a
préparée au pied du mur nord, dégageant, à mesure qu'elle
s'avance, un trou rectangulaire, béant, qui est la sépulture.
C'est un coffre de 1 90 de long sur Om90 de large et Om 80
de profondeur, fait de murailles à pierres sèches. Il est
complètement vide, avec, dans le fond, une légère couche
mamelonnée de poussière gris noirâtre qui doit provenir
d'infiltrations. Après l'avoir préalablement exploré des yeux,
j'y descends avec un ouvrier. Sous la poussière des siècles
qui le recouvre en entier, existe, de bout en bout, un lit de

'rY)ètre3 d'épaisseur de sable blanc tr..èsfin. -Vers le
cen 111 .
. su r un assez grand espace, ce sable est agglutiné,
leU, , " . , .
awre animale ou végétale et fortement coloré de rouge et
substances organiques et minérales provenant de la
position du cadavre, couché au centre du coffre, ont dû
. réaner les parties en contact a vec lui et former le ciment
Jlnp tJ ,. • •
ouges et noires SI caracterisees, ne pourraIent-elles provemr
autre, dont le corps aurait été enduit, et aussi des vêtements
dont on l'aurait enveloppé. Des peaux de fauves, avec leur
fourrure, expliquerai en t peut-être les matières fibreuses
renco fi trées.
Nos recherches minutieuses dans la chambre, et le rejet de .
tout le sable de l'intérieur, ne nous ont rien fait découvrir.
Dans cette belle sépulture, restée intacte et inviolée jusqu'au
moment de notre exploration, pas un objet mobilier n'avait
été déposé auprès du mort.
A l'instant où l'ouvrier, d'un premier coup de pelle, mettait
à découvert le lit de sable fin, j'ai eu le pressentiment de
cette déconvenue, me rappelant que des monuments du même
genre, tumulus recouvrant des chambres à pierres sèches
avec table dolménique et couche de sable au fond, n'avaient
rien donné à leur explorateur (1) .
La curieuse et rare particularité de notre monument est
l'excentricité de la sépulture. Elle se trouve à deux mètres
environ dans le S.-S.-E. du centre du tertre. Sur la bissextrice
de l'angle droit S.-S-O. O. E.-S.-E. formé par les deux
directions de longueur et de largeur du coffre funéraire. On
(1) Des tumulus avec couche de sable au fond de la sépulture ont été
déjà rencontrés en Guissény, en Plouguin, en Crozon, en Poullan, et dans
les montagnes d'Arrhée.

serait tenté de penser qu'une seconde chambre pourrait
le secteur opposé en X. La largeur de la tranchée
exister dans
fait écarter la possibilité d'un troisième coffre dans l'angle
O. E.-8.-E. et par suite d'un quatrième dans le
N .-N .-E
secteur O.-N.-O. O. 8.-8-.0 Le peu de temps dont pouvaient
M. Breton et ses hommes, occupés au battage de la
disposer
moisson, m'ont empêché d'élucider la question, cependant
intéressante, de la présence, sous le tumulus, de deux
sépultures symétriques .
. C'est le sort de bien des fouilles de ne pas être complètes.
A. MARTIN.

Alger, 8 Janvier 1903.

Un Tumulus en Plouguerneau (Finistère).

ONo

COU;PE SUIVANT MN AU 1/200.

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PLAN DES FOUILLES AU 1/1000.