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Bulletin SAF 1903


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Deux incidents de procession à Landerneau en 1748 et 1760

Abbé Antoine Favé

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En 1748 'et 1760

PAR M. L'ABBÉ ANTOINE FAVE.

Le 24 avril 1742; Jean Edy étant recteur d'Ergué-Gabér.ic.

on procédait en l'église de St-Guénal au baptême de Tous-
sainte Coatmen. C'était un baptêp.1e carillonné s'il en fut. Le
par'rain et la marraine ne signent; peut-être pouvaient dil'e
pour leur ex~u~e qu'ils étaient v.enus en ce mo~de le jour
même où mourut leur maître" d'ecole ! En revanche, sur le

registre baptismal s'étalent .cormne un" bouquet de fleurs,
les paraphes de nobles et notables 'témoins.

.. Mr François Geslin, cheYêl~ier seigneur de Pennanrun ;
Guillaume Billoart" major de la Milice"bo'tt1'geoise de Quim­
per, noble maistre Jean~B~pt. ,Fl'ançoIs .de la Roque, sr de

Kandraon, capitaine de la lieut.en,ance colonnelle de lad milice,

greffier du siège présidial de Quimper. Mts Simon-Corentin
Horellou et Clet Féree, notaires roïaux et procureur audit
siège, Me Alain-Joseph Lozenay, doyen des huissiers-au­
dienciers audit siège, et une signature d'honnête dame' de la
parenté deMre J. Edy qui signe tout bOllnement « La

Euz, enat. »
On voit que ces personnages savaient trouver facile et
' aisé dans la p'ratiqu'e, le fatidique axiôme : Cedant arma togœ :
puisqu'ils cumulaient leurs états dé service et leur rang '
l~ hiérarchie a ~ssi bien,au t:em pIe, ~~ Thémis :q~,e .. dans
dans

les camps de Bellonne. '- "
Ce mêtne 24 avril 1742:-dans l'après dîner, on faisait une
chrétienne d'Urbanne Jourdren : les assistants étaient aussi
nombreux et considérables qu'au , premier. baptême: c'était

les mêmeb: Geslin, Horellou, Férec, Lozenay; .... « noble
« écuïer Jean-Bapt.-Fr·anç. de La Roque~ sieur de I);andraon,
cc greffier civiL criminel et de police et de la Garde des sacs
• du présidial de Quimpel', capitaine de.la lieutenance
« colonnelle dudit lieu. » Ces titres sont inscrits par le curé
Fr. Philipp8 sous la dictée de l'intél'essé qui, pour éviter
tolite erreur d'énnmél'ation , flit ajouter: (( sans préjudice de
d'autres qttalit1s : ledit sieur de La Roque de I(wJ'en­
prendre
draon a déclaré ne pouvoir :signer! ))
. Que lui était-il survenu depuis la cérémonie du matin ?
indisposition? Un panaris lui avait-il poussé inopi -:­
Quelle
nément ?.... La chose n'étant P8;s d'un intérêt capital à
éclaircir, abandonnons-la au mystère qui l'enveloppe, pour
ne retenir que cette constatation: à Quimper, les gens de
justice faisaient bon ménage avec la milice hourge?ise. A
Landerneau il n'en était- pas de même. .
-De longue date, semble-t-il, sénéchal, procureur fiscal et
ofliciers de judicature ne cherchaient que les oecasions
d'humilier' maires, échevins et communauté de ville, y compris
hi gloire, peut-ètre bruyante, dE: la cité: la milice bourgeoise,
cette milice bourgeoise qui r~levait de son pr'estige et
de son panache, l'éclat de cérémonies si répétées, jalonnant
les annales de la ville des Rohnn-Chabot.
On a dit qne sous l'ancien régime, la vieille gaieté française
n'abdiquait pas ses droits, qu'elle recherchait jalousement
toutes les circonstances à fêtes et réjouissances populaires.
L'inspection des registres des délibérations de la commu-
nauté de Landerneau autoriserait à le croire. Par exemple
prenons au hasard quelques mois de l'histoire de son admi­
nistration municipale.
Délibération du 2 L novembre 1745 :
du Roi. au .
Te deum, feux de joie, canonades par ordre
sujet des « avantages remportés en Italie ».
Id. 13 mars 1746, cc prise de Bruxelles ».

Le 30 avril 1746, l'évêque de Léon arrive à Ploudiry: une .
députation lui y est. envoyée: le r.anon doit tonner de , nou­
veau, la milice se retl'Ouve sous les armes; un vin d'honneur
est offert par la ville au prélat .
Délibération du 22 juin 1746 : Te Deum et réjouissances à
l'occasion de la prise d'Anvers. . ,
Id. du 27 juillet, à l'occasion de la prise de Mons.
Id. du 22 août, à l'occasion de la prise de Charleroy.
Id pour la pl'ise de Saint-Guislain ......
Nous ne mentionnons que pour mémoire les souci;; du
protocole à l'occasion des fêtes données pour les passag~s .
et repa~sages par Landerneau de S. A. S. Monseigneur le
duc de Penthièvre se rendant à Brest, Morlaix, ou en '
revena nt. . , . "
Signalons toutefois, en bonne place, la délibération du ;
2 mars t 747, relative à la bénédiction du drapeau de [a .
milice1bourgecise à célébrer le dimanche suivant à Saint-
Houardon. ' _ '
L'Arrest du 24 may 1721, du Parlement de Rennes, nous ,
donne une idée de la célébration des fêtes à cette époque: ,
' « Le Procureur général du Roy entré à la Cour, ,a,.
remontré qu'il a eu avis que dans la plûpart des villes de la ,.,
Province et /gros Bourgs le jour de la Fête de Dieu, l~ ,
jeunesse et /~rtisans s'assemblent en armes, ayant à leur tête
les officiers de milice , bourgeoise, qui les , mettent en haye ,
le long des rues ou la Procession passe, tirant des coups de ,
fusil, même da.ns les portes ùes églises où elles entrent, et ,
celà sons prétexte d'honorer Dieu. Ce qui cause au contraire
un grand scandale et fort souvent des malheurs, la plûpart
de ces sortes de gens étant épris de vin.
A ces caUS8S, il requérait qu'il plût à la Cour y pourvoir
sur ses conclusions , . . . . .
Citons encore les fêtes traditionnel les et d'institution où
le soin d'en relever l'éclat retombe sur . la ' milice bour-

geoise. 'Comme à la Fête-Dieu et à la procession du vœu de
Louis XIII, elle a 'charge de faire les salves d'usage qu'elle a
peine à se faire rembourser, comme on le voit par l'insistance
de ses réclamations périodiques.
, Si le parti -pl'is de Messieurs de la Justice devient plus
agl'essif, la communauté de ville prend à cœur de se relever
flUX yeux du public, et pour ne pas se tl'ouvel' en retard, elle
n'atte.nd pas . d'être en Juin (Fête-Dieu) ou a la veille du
15 Août (Assomption) pOUl' délibérer sur les mesures à
pi'en.dre. C'est dès le 13 Janvier 1760, qu~elle déplore ce
qu'elle a été et décl<;l·re ce qu'elle veut être à l'avenir. ,
« De la pal't de Monsieur Dumoulin, maire actuel, est
(C remontré que jusqu'à présent le COl'pS de la .communauté
« n'ayant été décol'é que de l'habit noir dans ses marches aux
« processions d'ordonnance telle que celle de l'Assomption et
« du Sacl'e, ainsi est souvent confondu avec la plupart des
,( autres habitants et même avec gens du Bas peuple qui s'y
« trouvent aussi vêtus de noir et affectent de se faufilel' dans les
« rangs Il conviendrait donc, pour y obvier dans la suite, et
' C( pour la décence du Corps, que chaque membre eut une
« marque de distinction aux dites processions, ainsi qu'aux
Il visites de cér(~monies et autres cas d'Assemblées publiques,
« sùr qU0i Mess ieursles Délibérants sont priés de délibérer. '.
« Signé: DUMOULIN, maire. »)
Le Conseil décide que la distinction proposée se résouq.ra
au port de « l'habit et manteau court et à un rabat court
« uniforme comme le sont les députés aux Eté!-ts à l'exception
' C du Maire en exel'cice qui suivant. l'Usage ol'uinaire por-
tera l'épée)) ...... Ce « SOU:3 le bon plaisir du duc de
Penthièvre. »
Le conflit prévu, attendll, peut-être recherché devait
éclater le 5 juin 1760, à l'occasion de la procession du Sa,int-
Sacrement: c'est le Sénéchal lui-même qui nous en fournira
les détails,dans un o.onstat au bas duquel le ,Bailli refusa

d Nous, Me Jan FrançoIs Mamgant Senechal et· premIer
aO'istrat civil criminel et de police de lajuridictioll de la

« jour cinquleme Jum mIl sept cents sOIxante, . nous nous
(1 Sommes en compaignie de Monsieur le Bailly et procureur
CI fiscal ayant pour adjoint le soussignant greffier. et précédé
« pour l'exécution de nos ordonnances de Mes Goueznou,
CI l}gadaverr;t, Stéphan, Dubame sergens, transportés de
« notre audittoire, à l'issue de la grande Messe [jusques J en
CL l'Esglize de Sa'int-Houardofi à l'Effet de suivre la pro-
« cession solennelle duSaint-Sacrement, qu'à la sortye par
CL la grande porte de ladite Esglize, le Sieur Pierre d"u Toya
CL armé d'un fuzil et bayonnette se disant Capitaine· de la
« milisse bourgeoize de ladite ville de ' Landerneau dont
« un détachement estait sous les armes, s'est placé entre
« le Day et nous, ce quy nous a déterminé à représenter
a audit du Toya que ce n'estait point là sa place mais bien
« à la tête de ses soldats, et en conséquance nous luy
Cl avons ordonné de se retirer, à quoy il nous a répondu
c( que nous ne devions point ignorer l'uzage et .qu'il n'eut
{( pas changé de place, ce que voyant, nous nous ' sommes
• bornés, pour évitter le scandalle et le tumulte qu'aurait
ct causé notre retraite, à luy protester que nous aurions
Cl raporté notre px:ocès-verbal à l'issue de la procession,
« avec d'autant plus de raison que seuls chargés de la police
CI 'et du maintien du bon ordre en cette ville, nous n'aurions
• point requis la milisse bourgeoise de marcher, offrant de'
u nous faire répetter sur le présant, sy requis est. . .
« De tout quoy nous avons fait et raporté notre présant
IL procès-verbal en la chambre du conseil de notre dite
Il juridiction, environ une heure et" derny de rellevée de ce
« dit jour ; sous notre signe, celluy dudit procureur fiscal,

(c -de -notre adjoint et desdits sergents: M. le Bailly n'ayant
« voulu être à la rédaction ny signer notre procès-verbal parce
« qu'a-t-il dit. nos discussions raportés au présant regar~
« doient les juges de police et que nous luy contestons cette
« qualitté. .

MAINGANT,
MIGNAN.
JACllLOT,
Sénéchal.
. Greflie?'.
Procureur fiscal.
STÉPHAN,
G. DUBAl\Œ.
~G UADAVERN,
GOUEZNOU.
L'affaire se poursuivit en grande diligence et occupa les
Sg solidarisa avec
délibérations de la municipalité, qui
d'autant " plus, comme proteste ce dernier, il
Du Thoya,
n'avait agi que du consentement de la communauté de la
par son ordre et une entente formelle avec elle.
ville,
Délibération du 26 juin 1760 ....
« De la part du sieur C.-G. Du Thoyas, l'un desdits
« échevins et officiers de la milice bourgeoise de cette ville,
« est remontré que M. Bourven, général et d'armes, luy a
« signifié le 25 de ce mois, de la patt de MM. Mingant,
« sénéchal, et Mignan, procureur fiscal de cette juridiction,
« une requête qu'ils ont présentée à la Cour avec l'arrêt
«( rendu sur icelle le 20 juin 1760, directement contre le
• remontrant à l'occasion de la place qu'il tint à l'escorte du
« Saint-Sacrement, en sa qualité d'officier de milice lors de
« la procession de la Fête-Dieu dernière. Par cet arrêt qui
« n'est relaté, signé ni garanti par aucun greffier, ni par
« aucun autl'e, ni passé en droit, ... ,. », il lui est fait
« défense de récidiver et il est condamné aux frais de ladite
« , requête.
« Le remontrant a lieu de penser que l'arrêt dont il s'agit
« a été surpris à la religion de la Cour. En effet, MM. le
« Sénéchal et procureur fiscal ont supposé contre vérité
« par la requête sur laquelle ledit arrêt a été obtenue, que
« le remontrant commandant le détachemen t de milice bour_

Il geoise s'est placé par jnnovation entre le prêtre officiant
ri.. et le corps de justice, Il est cependant certain qu'il n'a fait­
CI que suivre l'usage qui est de tout tems pratiqué à
ct Landerneau, avec édification, en pareille occurence, deux
CI lois par lui-même, sans aucune altercation ni hocquet de
« la part de MM. les Magistrats. Et est aussi de notoriété
ct incontestée que des troupes réglées ont suivi le même
« usage, soit la cavalerie, soit l'infanterie, soit de terre, _
Cl soit de mer. D'ailleurs la communauté sçait que c'est par
CI son ordre qü'il s'est exposé aux coups qu'on lui a portés ...
« S'est pourquoi il se flatte qu'elle prendra incessamment
« les voyes qu'il conviendra pour s'opposer à l'exécutiqn
a. du dit arrêt et de faire le rapporter si elle le juge à propos.
«( Elle y est particulièrement intéressée puisqu'on toit ·
c( clairement par la teneur de ladite requête que lesdits ,vs
c( Mingant et -Mignan visent ambitieusement à se rendTe
« maîtTes de là discipline militaire, en tous cas, de la milice
« bourgeoise de cette ville, et à L'exclusion et au préjudice des
a. d'toits de lif, communauté, et pour ne Laisser aucun doute à
a. et égard, le 'temontTant représente en l'end'toit la copie qui
u lui a été c.ommuniquée.
«( Signé: P. G. Du THOYA. Il
, A la suite de la remontrance de Du l'hoya, se présentait
une autre: il s'agissait encore de la milice.

. (c En l'endroit s'est présenté le sieur Poisson, marchand
(c magazinier de cette ville, lequel a demandé qu'il lu~ fut
• permis de remontrer qu'il a plû à Son Altesse Sérénissime
« Mgr le duc de Penthièvre lui accorder son brevet de sous­
a. lieutenant de la milice bourgeoise de la ville de Saint­
CI Paul-de-Léon où il habitait avant qu'il vint venir s'établir
cc à Landerneau .... , sollicite qu'on ne le fasse point marcher
a. en simple soldat lorsqu'on fera prendre les armes à la
« milice bourgeoise. »

11 est sl1r et certain des sentiments du Maire (et li y cor­
respond par un dévouement sans réserve aux intérêts de la
communauté de ville) «( quoique les sergens et autres offi- .
«( ciers subalternes », ont persité à le maintenir dans le
rang. (AccoTdé). .
Signé : GILBERT POISSON • .
Après quoi la délibération reprend sur le CliS de P. Du
Thoya. Les délibérants reconnaissent « qu'il a marché dans
la place,qü'il a tenu qualité de commandant le détach~ment
de la milice bourgeoise, donnée à la prière du cleTgé de La
paToisse de Saint-HouaTdon, pour marcher à la procesgion
de la Fête-Dieu dernière, que par l'avis de la communauté
en suivant l'usage de toustemps pratiqué en cette ville jusqu'à

présent sous les yeux mêmes de MM. Mingant et Mignan
et sans opposition. »
Donc, il n'y a pas eu d'innovation: c'est pourquoi qu'ils
sont d'avis que ledit sieur du Toya résiste et que à lui joint la
communauté tormeT opposition et qu'à cette fois Mgr le duc
Mgr l'intendant soient priés d'intervenir.
de Penthièvre et
La délibération du 16 juillet. 1760 intervient .

Lecture est faite de la lettre de l'intendant autorisant la
ville à se joindre à M. du Toya pour poursuivre opposition
et pour donner leur rapport sur l'arrêt confiant l'affaire « à
M r Leplat procureur au parlement qui agira pour les deman­
deurs en rapport et, sera chargé de les remettre à Mr le
ChapellieT, ou tel autre qu'il choisira dans le nombre des
avocats plaidant en la cour pour dresser la requête ou
plaider la cause '.
Comment finit la querelle? Nous ne trouvons pas de. traces
de sa solution, si toutefois elle en a eu une. Probablement
l'administration centrale ne vit pas qu'il fut nécbssaire pour
maîtriser cette tempête dans un veTre d'eau de recourir au
redoutable quos ego ... du divin Neptune. L'entremise béné-

vole du duc· de Penthièvre, l'intervention bienveillante de
avaient suffi.
l'intendant
pierre Duthoya avait défendu l'honneur de la milice, qui
sait? même au-delà. Sa famille lui avait donné déjà des chefs,
comme le montrent les rôles de la compagnie. Qu'on lise
l'état de la Milice bourgeoise en 1695 : Cl laquelle compagnie
Cl contient le nombre de 145 hommes, compris les sergents
IS. et tambours dont la moitié sont sans armes et hors

« d'état de suivre par rapport à leur indigence.
. M. du Toya, capitaine. .
M. David. Lieutenant. »
Rolle du 3 avril 1748.
MM. du Toya et Le Gac, lieuténants.
MM. Fauvel et Launay, ~nseignes ............... J)

Avant 1789 trois villes de notré Finistère se trouvaient

être à la fois sous la juridiction de deux Evêchés : Morlaix
appartenait au diocèse du Léon et à celui de Tréguier;
Quimperlé relevait de l'évêché de Cornouaille et de celui de
Vannes; enfin, la rivière d'Elol'n départageait Landerneau
entre Cornouaille et Léon. On conçoit que ce régime pouvait
être une source de tiraillements et de rivalités: des conflits,
à l'occasion des processions, par exemple, devaient en pro­
venir et, en efl'et, c'est un de ces conflits que nous exposons
plus bas, d'après un procès-verbal de police de 1748.
Saint-Houardon (en Léon: comme Saint­
A cette époque,
Julien, qui dépendait du prieuré de Ploudiry), avait pour
recteur noble Messire de Kerguélen, sieur du Merdy,
et pour curé J .-F. CIo arec ; Sàint-Thomas était administré
par Ml'e Jean l'réguer, Chanoine-prieur, ayant pour Curé
Alain Le Moign.
Kerguélen dirigea la paroisse principale de
Messire de
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXX (Mémoires) 2

Landerneau . pendant quatre ans. Quelle était sa trempe
d'esprit, sa tournure de caractère, ses relations avec les
chef~ des autres paroisses! Nous n'en savons que ce que l'on
peut entrevoir dans la dénonciation dressée le 15 août 1748,
par le lieutenant civil et cI'iminel et le procureur fh;cal et
que nous reproduisons ici.
fi. L'an mil sept cent quarante huit ce jour quinziesme
du mois d'aoust après midy, nous noble Me Jan François
Le Guermeur, sieur de Villeneuve, advocat en Parlement,

lie ltenant civil et criminel de la juridiction de la princi­
paulté de Léon à Landerneau, ayant avec nous pour a,djoint
le soussignant Mi Jacques Jacolot, notre greffier ordinaire,
de luy le sermant pris au bas requis, après luy avoir fait
la main à la manière accoutumée, sçavoir faisons que
lever
nous estant rendus de notre audittoire a une de nos assem­
blées ordinaires environ les deux heures de rellevée de
compaignie avec noble Me Jan-François L.e Hoy, sieur du
Penher, advocat à la Cour et procureur fiscal de notre dite
juridiction, précédé de notre dit greffier et de Mes Joseph
Goueznou et Christophle Le Duff, sergent jusques en
l'esglize de Saint-Houardon, paroisse principalle de cette
ville, à l'effet d'assister aux vespres, ensuitte à la cérémonie
de la procession génneralle de l'Assomption, les signaux
donnés a l'issue des dits vepres au son des cloches des
trois parroisses, pour l'assemblée et la réunion du 'clergé
s~culier et réglliier de cette ville aux fins de ladite proces-
sion généralle et solennelle, reiglée et ordonnée . par
Louis 13, de glorieuse mémoire dans tout le royaume, ledit
clergé randu en ladite esglize de Saint-Houardon environ
l~ trois heures aussy de relevée à l'issue des vespres desdites
paroisses, les corps de J ustic8 et celluy de la Communauté
de cette ville y estant pareillement randu, et la procession
ayant sort y de l'esglize dudit Saint-Houardon à la mannière
~ccoutumée pour aller suivant l'uzage à pareil jour et feste

iIle, et ladite procession rendue au haut bout des halles,
ut ordinaire à la droite pour se rendre auxdites esglizes

de Saint-Thomas et de Saint-Julien, et les Pères Capucins
suivant aussy la mesme routte. »
On le voit, tout s'effectua jusques-là avec la plus parfaite
correction et conformément aux usages les plus anciens
et les mieux constatés et vérifiés de tout le monde. Messieurs
de la Justice sont, comme d'ordinaire: précédés par les ser­
gents revêtus, sans doutJ, du grand manteau de cérémonie
et armés de leur hallebarde; suivant l'usage traditionnel, la
la procession est portée par un
croix qui ouvre le défilé de
religieux capuclll ... ..... ............................. .
Mais voici un coup-de-théâtre bien inattendu:
« Mestre Jan de .&guelen, sieur du Merdy ,recteur de ladite
parroisse de Saint-Houardon, portant l'immage de la Sainte
Vierge auroit fait avertir par son bedeau, le religieux capu­
cin qui portoit la première croix. de tourner à gauche pour
prendre routte contre l'uzage par la ruê de la Fontaine
Blanche condllizant aux cou vans desdits Pères Capucins et
des Dames U rsellines de cette ville, ce qui aurait causé une
grande émeutte parmy le peuple, troublé l'ordre et la mar-
che ordinaire de la procession, et tellement mis la discorde
dans le corps du clergé, que les _ sieurs Recteur de Saint­
Thomas et Curé de Saint-Julien auroint thémoigné haute­
ment audit sieur Recteut' de Saint-Houardon leur surprize
de telle novallité, et l'auroint interpellé de suivre la route
d'uzage ordinaire, mais ledit sieur Recteur de Saint-Houar­
don sans defférer à leurs dites interpellations, "auroit en
alongeant le bras et passant l'immage de la Vierge de la
main droite à la main gauche,' fait signe du bras droit de
routte de la ruê de la Fontaine Blanche. Ce
prendre ladite
que voyant lesdits sieurs Recteur de Saint-Thomas et Curé

de Saint-J ulie.n, se seroint tournés vel's nous et nous auroint .
demandé acte de ladite enteeprize de novallité, et se seroint
dans l'instant, tous les deux a vec leur clergé, sépat'é de la
nouvelle marche du clergé de Saint-Hounrdon pour suivre
les Congréganistes quy avoint desjà devancé et pris la
routte ordinaire de Saint-Thomas et de Saint-Julien. Et
avoint esté suivy en partye du corps de ville et du peuple,
à quoy ayant voulu obvier dès le commancement de
l'emeutte, trouble et novallité, nous aurions à la prière des
sieurs Mail' et Eschevins de ladite communauté de. ville. fait

avertir de notre part ledit sieue Hecteur de Saint-Houardol1,
par le ministaire de Me Goueznoll, l'un de nos sergens de
service dont nous estions précédés de voulloir bien suivre
l'encien uzag\..~ sans novallité, affin d'evilter de plus gl'ands
troubles et scandalles. Mais ledit sieur' Becteur de Saint­
Houardon anroit d'esdeigné notl'e avertissement, et renvoyé
ledit Goueznou bl'usquement et avec mépris, ce qu'ayant vu
et remarqué, et attendn l'emeutte populaire nous . nous
serions nous-même appeocbé dudit sieur Recteur et l'au­
rions averty et interpellé de suivre la routte ordinaire pour
se randre à la mannière accoutumée auxdites esglizes de
Saint-Thomas et de Saint-J lllien. ))
. « Mais ledit sieur RecteUl' au lieu de poder estat à de sy
justes représentations nous auroit dit et répondu avec beau­
coup d'émotion et de colère hautement et à plaine teste
apeès avoie fait un demy tour de corps pour tourner face
vers nous et passé l'immage de la Vierge, de la main droite
à la gauche, d'un air et d'un ton d'arrogance ces paroles
méprizantes: C'est à vous à vous tai-re. Je suis maître sur
mon térain. Et se seroit ensllÎtte retourné pour continuer et
parachever sa nouvelle routte par ladite rue de la· Fontaine
Blanche; et se seroit randll avec le seul clergé de sa paroisse
(que nous aurions suivy avec la majeure partye du dit corps
et communauté de cette ville pour evitter plus grand scan-

li SOUS nos réservations et protestations de raporter
à nO
'il'tes eSQ'lizes des Pères Capucins et Dames Ursellines
auXI u
et de là à ladite esglize de Saint-Houardon où s'est terminé
le restant de la procession ..... »
Rien dans ce récit ne donne à deviner ou à supposer
( lIell Kerguélen en se livrant
fut l'intention de Messire de
sur son terrain: un incident antél'ieur, un conflit précédent
expliqllel'ait seul ce pro,;édé, dont il eut à rendl'e compte au
Parlement ue Hennes. En effet, le procès-verbal nous donne
à savuir que: dès le lendemain, 16 août, une copie de la
(l ••••••• Après tl)ut quoy en conséquance de nos réser­
vations et pl'ot.estations cydessus, nous nous serions l'etirés
en l'alldittoire, lieu ordinaire de nos assemblées, pour
dresser notre procès-verbal de tout ce que devant en pré­
sieur Pl'ocureur fiscal (attandu l'absance et
sance dudit
maladie du sieur Sénéchal) lors de la rédaction duquel
procès-verbal se seroient présantés en notre dit . audit­
toire lesdits sieurs Hecteur de Saint-Thomas et Curé de
Saint-J ulien pour requérir dabondant acte d~ leurs inter­
pellations susdites fait audit sieur Hecteur de Saint-Houar­
don et leurs protestations contre lentreprize de novallité,
Et aurions en l'etat fait et con­
trouble et scandalle publîcq.
clud notre présant procès-verbal envit'on les six heures .de
l'ellevée en l'audittoil'e susdit en présence dudit sieur Pro­
cureur fiscal, saut aux. dits sieurs Recteur de Saint-J'homas
et Curé de Saint·J ulien, à se pOIHVOÏl' pal' les voyes du droit
ainsy qu'ils voiront,' sous notre réservation expresse d'en­
voyel' incessamment et de jour à a utre à Monsieur le Procu-
reul' général un autant du présant pour requérir ce qu'il
estre pour le maintien de ladite procession et
avisera bon

marche aux endroits accoutumés suivant l'encien uzage,
pour celluy du bon ordre ' et du respect dû à la Justice, et
pour la réparation de l'insulte à nous faite, et du scandaI le
causé par ledit Recteur de Saint-Houardon. Sous notre
seign, celluy dudit sieur Penher Le Roy et de notre greffier,
lesdits jour et an que devant. »
Du PENHER LE Roy,
ProcureU?" fiscal .

LE GUERMEUR',
JACOLOT,
Lieutenant.
Greffier.
(Le 16 aoust dellivré à M. le Lieutenant une copie envoyée
à M. le Procureur gennéral).
Qu'advint-il définitivement de la cause? Nous pouvons
seulement constater qu'en' 1750, le. sieur abbé du Merdy
avait quitté Saint-Houardon, et qu'il fut remplacé par le
Recteur de Beuzit, Fyot de La Briantay. Ce dernier nous
date exacte dans une inseription en marge du
fournit la
Cahier des Inhumations: « Le dimanche einquiesme juillet
« mil sept cent .cinquante, j'ai pris possession de cette pa­
Il roisse de Saint-Hoüardon de Landerneau. »
Sur la garde du Registre des Baptêmes, il a eu, de plus,
l'heureuse idée de nous conserver l'état de son personnel,
dans une liste très complète, liste des anci.ens collaborateurs
aussi, de Messire de Kerguélen.
« Clergé de Saint-Houardon en 1750 :
oc Noble Messire Jean-François Fuyot de L.a Briantay,
Recteur.
« Messire .Hervé Cessou: prêtre, docteur en Sorbonne,
con(ess.eur.
« Mre Jean-François Cloarec: curé. _ .
« Mt'c 'Ollivier Cloarec, prêtre, confesseur.
« Mre jean Laurens, prêtre.

« Mre Grégoire-Marie Poillier Valletière, prêtre.
« Mre Sébastien Mazéas, prêtre .

CI Mre Joseph-Michel Gourvezan, prêtre, conFesseur.

« Ml'e Yves Le Bourg. prêtre.
« Mre Jean Bernicot, prêtre.
« Mtre Jean Le Gall, diacre.
« Mtr!' François-Pierre Fuyot, sous-diacre.
« Mtre Nicolas Cabon dc ~alias, accolythe.
« Mtre Yves Prigent, accolythe )).

Abbé ANTOHŒ FA VÉ .

J.-M. de Kerguélen du Merdy remplaça, le 7 mars 1746, Nicolas­
Mathieu Bleinhanl de Kervéoc : il mourut en juin 1750. Il ne devait pas '
être de la famille des Kerguélen CornouaiIIais, mais parait être de Ploues­
cat, o.ù nous trouvons. en '1752, la naissance d'un Julien-François de
Kerguélen dont le père était notaire de la juridiction de Kérouzéré : il
était vicaire de Plouescat en 1790 et émigra en Angleterre en 1792.
(Note que nous devons, avcc gratItude, à l'obligeance de . le Chanoine
P. Peyron).