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Bulletin SAF 1902


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Un âge du cuivre ayant précédé l’âge du bronze a-t-il existé en Armorique

P. du Chatellier

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XVII

UN AGE DU CUIVRE
AYANT PRÉCÉDÉ L'AGE DU BRONZE

A - T - IL EXISTE EN ARMORIQUE?

La VIe question inscrite au programme du congrès inter­
national d'anthropologie préhistorique, réuni à Paris en 1900,
était ainsi conçue: « Les objets en cuivre pur sont-ils assez
nombreux et présentent-ils des formes assez spéciales pour
faire admettre l'existence d'un véritable âge du cuivre ayant
précédé l'âge du bronze? »
Notre collègue, M. de la Grançière, présenta au congrès un
mémoire, sur cette question, dans lequel nous lisons:
, « En ce qui concerne le département du Morbihan nous
répondons négativement et nous croyons même pouvoir en
faire au tant pour toute la Bretagne occidentale.
« Aucune hache en C1ÛVTC pUT, moulée sur le modèle des
haches en pierre polie, n'a été trouvée en Armorique occi-
dentale, que nous sachions, comme on l'a fait dans le Midi,
en Espagne, en Autriche-Hongrie et dans l'Allemagne du
sud.
(/. Nous mentionnerons seulement la découverte à Toure'h
(Finistère) d'un certain nombre de lingots, en forme de
gâteaux plats, reconnus en cuivre pur, dont le poids dépassait
22 kilogrammes.
« Cette cachette a été l'objet d'une étude de la part de notre

collègue, M. le vicomte de Villiers du Terrage (1), aucun

(1) Cette note, lue à la Société archéologique du Finistère par son
auteur, .est insérée dans le Bulletin de 1896.

ubjet n'a été trouvé dans son voisinage. Rien, par conséquent,
ne peut empêcher de penser que cette trouvaille soit simple-
la. réserve d'un fondeur et qu'elle appartienne à une
ment
époque plus récente. ..
« Les découvertes d'objets en cuivre ont une impo~·tance
capitale, aussi doivent-elles être entourées d'observations
Aucune constatation touchant une époque de
minutieuses.
cuivre n'a donc été faite en Bretagne.» .
Il est fâ cheux qu'avant d'écrire les lignes qui précéden
notre honorable collègue, M. de la Grancière, n'ait pas eut
de faits le contredisant
connaissance d'un certain nombre
à l'analyse que M. de Villiers du Terrage
Antérieurement
fit faire à l'Ecole des Mines et qui vient d'être citée, M. Denis
Lagarde ayant recueilli une cachette de fondeur, découverte
en 1864, à Lampaul-Plouarzel (Finistère), en fit analyser un
fragment d'épée et un morceau de lingot. Ce dernier donna .
99,404 de cuivre et 0,141 d'étain, c'était presque du cuivre
que la composition de la lame était de 89, Ha de
pur, tandis
cuivre pour 10,185 d'étain, ce qui est bien la composition du
bronze.
En 1877, V. Micault fit analyser par M. Nimier, professeur
de chimie au Lycée de Saint-Brieuc, les lingots qui furent
avec le disque en or de Maël-Pestivien, qui font
trouvés
aujourd'hui partie de nos collections, cette analyse donna 92
de cuivre et 7,80 d'étain.
en 1899, M. le commandant A. Martin ayant trouvé
Enfin,
une tige en métal au milieu des poignards à manches garnis
de clous d'or et des autres objets composant le superbe
du tumulus du Tossen-Maharit (Côtes-du-Nord) que,
mobilier
me donnant un grand témoignage d'amitié, il a déposé dans
mes collections, la fit analyser au laboratoire de la Marine à
Lorient où il fut établi que cette tige était en cuivre pur .
Mais ces analyses n'ont pas- un grand iutérêt pour nous
dans le cas présent; car. si un âge du cuivre a existé;. c'est

évidemment au début de l'époque où on a commencé à se
servir d'armes en métal. C'est donc par l'analyse des haches
qui sont les premières armes en métal qui ont succédé
plates,
aux haches en pierre polie dont elles reproduisent la forme,
que nous pounons le constater. Toutefois, Il sera bon pour
ces analyses de faire choix des plus anciennes parmi celles-ci.
Nous croyons, en effet distinguer dans Jeur fabrication deux

la première ces armes sont très
phases successives. Dans
grossières de forme et la surface en est rugueuse, comme
celle des lingots que nous trouvons dans toutes les cachettes

de fondeurs, elles ont été fondues directement. en terre ou
tout au moins dans des moules bien grossiers; tandis que
plus tard, quoi qu'en conservant la forme primitive des
haches en pierre polie,. elles montrent dans leur dessin \Ine
perfection inconnue aux premières, et dans l'art du fondeur
une plus grande habileté qui lui permef d'obtenir des sur-
faces unies et d'un aspect tout différent.
Voyons si nos devanciers ne nous ont pas laissé quelquei
. documents apportant une contribution à nos recherches .
Il Y a exposé au musée de Nantes, sous les numéros 20ti,
206, 207, trois haches plates en cuivre provenant de la collec-
tion Siedler, trouvées en Bretagne, sans qu'il soit précisé
le lieu de leur découverte; le no 205 est un beau
autrement
spécimen mesurant 0 m 148 de long, sur 0 m 065 de large au
trancbant et Om03 de large à l'extrémité opposée.
Le no 206 a 0 m t07 de long, 0 m 056 de large au tranchant
0 m 03 de large à l'extrémité opposée.
Le no 207 a Om 108 de long, Om 047 de large au tranchant
O .m 025 de larg~ au bout opposé, cette hache est d'une
forme plus élégante que le no 206. (Je dois ces renseigne­
à la parfaite complaisance de mon savant ami, M. P.
ments
de Lisle du Dréneuc, conservateur du musée archéologique
de Nantes).
Le musée de Nantes contient encore dans ses collections

une hache plate en cuivre, portant le no 5,906, recueillie en
Ille -:e't-Vilaine, mesurant 0 ID 86 de long sur 0 ID 01)0 de large
au tranchant et 0 ID 022 de large au bout opposé. (Renseigne­
P. de Lisle).
ment
La collection Parenteau du même musée contient:

1 Une belle hache plate en cuivre mesurant 0 ID 15 de
long sur 0 ID 052 de large au tranchant et 0 ID 031 au bout
oppose.
zJ Une hache plate en cuivre mesurant 0 fi 083 de long sur
o ID 038 de large au tranchant et 0 fi 028 au bout opposé .
3 Une hache plate en cuivre mesurant 0 ID 062 de long su r
o fi 04 de large au tranchant et 0 ID 027 au bout opposé
(Rénseignement P. de Lisle) (1 ).
De son côté, M. P. de Lisle conserve dans ses collections
une hache plate dont l'analyse n'a donné que du
propres',
cuivre, trouvée en Loire-Inférieure, elle mesure 0 fi 10 de long
sur 0 ID 01)9 de large au tranchant et 0 ID 02'. au bout opposé.
Enfin M. de Lisle me signale encore au musée de Nantes:
1 une hache plate no 6,039 trouvée aux environs de Rennes;
2 une hache plate nO 6,196 trouvée en Loire, à Chantenay;
3 une hache plate no 6,034 trouvée en Loire devant la Basse­
4<) une hache plate de la collection Bord, déposée au
Indre;
musée, trouvée en creusant les bassins de St-Nazaire, mesu­
rant 0 ID 106 de long sur 0 ID 01)6 de large au tranchant eL
o ID 028 au bout opposé; 50 une autre hache plate du fonds
Parenteau,trouvée dans la Loire-Inférieure, mesurant 0 ID 109
de long sur 0 ID 04 de large au tranchant et 0 fi 027 au bout
oppose. .
Ces cinq derniers exemplaires n'ont pas été analysés. Ainsi,
douze haches plates exposées au musée de Nantes
sur
(1) Ces trois haches en cuivre ont été analysées à PEcole des Mines et
figurent sous les n" 3, 4 et 5, pl. Gt de l'inventaire archéologique de
Parenteau; Nantes, Grimaud, éditeur, 1878 .

et une treizième dans la collection de M. P. de Lisle du
Dréneuc, hUit dont on a constaté la composition sont en
cuivre pur. Quant aux cinq autres qui n'ont pas été analysées,
elles ont tellement l'apparence des huit autres que M. de
Lisle me dit: « Ces cinq dernières haches ont tellement la ,
même apparence que les autres, que je n'hésile pas à les .•
regarder comme de même nature, c'est-à-dire en cuiyre
pur. . . , . _
Une des raisons pour lesquelles les constatations probantes .
nécessaires pour l'établissement d'un âge du cuivre ne sont ,
pas nombreuses, c'est qu'il faut des analyes et que, pour cela,
il est nécessaire de prendre :,ur les armes qu'on veut étudier
une quantité de matière suffisante, c'est-à-dire les altérer,
chose à laquelle o.n se résigne difficilement
de m'y soumettre pour apporter ma
J'ai cru nécessaire
des
contribution à . cette intéressanté question, ayant fait
E'mprunts de matière à huit haches plates bien caractérisées,
de mes collections, pour les soumettre à l'analyse, j'adresse
ici tous mes remerciements à Monsieur le pharmacien en
chef de la marine à Lodent qui a bien voulu mè prêter son­
concours en cette circonstance.
Ces huit haches, sont en cuivre pur et se répartissent
comme suit: 3 sont des Côtes-du-Nord, 4 du Finistère et la
huitième d'Ille-et-Vilaine. Deux autres fragments de haches
mal caractérisées, n'appartenant pas d'une façon certaine

des haches plates, ont été analysés en même temps, ainsi

de soje de poignard; ces deux fragments de
qu'un fragment •
haches sont en bronze et sont l'un de la Malhoure et l'autre
de Maroué (Cotes-du-Nord) ; la soie de poignard, également
en bronze, est de Laberwrac'h (Finist.ère).
Les haches en cuivre analysées prises parmi les 2!j, haches
plates en métal que nous possédons sont:
'10 Une hache plate en cuivre longue de 0 m on) sur 0 m 046
de large au tranchant et 0 m 028 de large au bout opposé. Elle

a ;:été trouvée dans la ·commune d'Erquy (Côtes-du-Nord) ;
: 2°; Une hache plate en cuivre longue de 0 m 0'67 surO m 032
dé large au tranchant et 0 m OU'ide large au bout opposé. Elle
a>été lroüvée dans la ' même commune d'Erquy (Côles-du-
N ord)-; , . ' : ' .
. 3° Hache ,plate longue de 0 m 096 sur 0 m 043 de large au ,
tranchant et 0 m 027 de lal'ge au bout opposé,trouvée à Plan-'
coêt (Côtes-du-Nord) ; .
. 4° Hache· plate longue de ' 0 m 13, large au tranchant de
o nt 01:>7 et de 0 m 028 au bou t opposé, trouvée au Petit-Ergué
(Finistère) ; "
;5° -Hache plate longue . de 0 m'099, lârge au tranchant de
o m 041 ct de 0 m 026 au bout opposé, trouvée en la commune

de Landudec, canton de Plougastel-St-Germain (Finistère) .
6° Hache plate longue de 0 m 062, sur 0 lU 027 de large au
tranèbant et 0 lU 016 au bout opposé. Cette petite hache a été
trouvée au village du Stang, en la commune de Plonéour-
Lanvern (Finistère) ;
7° Hache plate longue de 0 lU 098 sur 0 m OD de large au
tranchant et 0 lU 0.26 de large au bout opp~sé, trouvée à Tré­
guennec (Finistère) ;
8° Hache ayant une intention de bords droits longue de
o III 083 sur 0 m 034 de large au tranchant et 0 lU 022 au bout
Cette hache a été trouvép. dans la commune de
opposé.
Melesse lIlle-et-Vilaine).
le musée de Nantes, d'après les renseignements que
Ainsi
mon ami, M. 1>. de Lisle du Dréneuc, que je ne
m'a fournis
saurais trop remercier, possède douze haches plates sur les-
quelles sept seulement ont été analysées et n'ont donné que
du cuivre, lui-même dans ' sa collection en a une dont l'ana- .
lyse a donné le même résultat.
à nous, sur les huit haches plates prises parmi les
Quant
vingt-quatre que renferment nos collections, qui ont été sou­
à l'analyse, toutes ont donné du cuivre pur .
mises

Donc, pour nous résumer, nous . apportons à la question,
posée en tête 'de cette note des analysr,s faites sur seize haches
plates reconnues en cuivre, prises dans quatre de nos dépar~
tements bretons : la Loire-Inférieure, l'Ille-et-Vilaine, ·les
Côtes-du-Nord et le Finistère; lé Morbihan échappe seul à
notre investigation, ne connaissant pas d'analyse faite sur
des armes trouvée') dans ce .département. C'est fâcheux, .car
porte à croire que les résultats y seraient les mêmes,
tout
Evidemment, nous n'avons pas la prétention d'avoir résolu
la question. mais seulement celle d'y avoir apporté une con­
tribution qui milite en faveur d'une' époque du cuivre en
Al'morique~ aU début de l'époque des armes en métal, époque
les haches plates qui ont succédé aux armes :··
caractérisée par
en pierre polie dont elles ont pris la forme, , ' "

P. DU ·CHATELLIER, . ,