Responsive image
 

Bulletin SAF 1902


Télécharger le bulletin 1902

Contraventions et commissaire de police à Landerneau vers 1740

Abbé Antoine Favé

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


XIV
Vers .,
Md Honorat-Etienne Mignan 0 naquit à Landerneau, le
11 mars 1707 ,.et fut baptisé le lendemain 0 à Saint-Houardon,
Son père était Etienne Mignan ~( Escrivain du Roy au Port
et Arsenal de Brest », Il fut nommé par son grand'père
maternel Honorat Le Corre et par demoiselle Le Guenne,
femme du sieur Godde, de cette ville.
En novembre 1736, il remplace comme Procureur le sieur
Gabriel-Yves Ferrand démissionnaire en sa faveur. Il
apporte le certificat exigé de catholicité, (ce mot est ortAo.­
graphié, à la Cour de Landerneau, de toute façon, excepté la .
bonne: on trouve même (( quatollisité))) (1): et ses répondants
témoignent de son expérience des affaires déclarant qu'on
l'avait vu (( trava'uler à la praticque chez dix procureurs et
advocats.)) Entré en possession de son office, nous le
voyons employé comme Interprète-Juré (1741-1743), et com-
missaire de police en 1742,1747-1748 ..... Et c'est tout ce
que nous en savons,
gros in-folio intitulé: tJ. La
Toutefois, nous possédons un
Conférence des ordonnances Royaux, nouvelle édition, etc.,
par Pierre Guénoys et Lo Charondas Le Caron ... A Paris,
chez Pierre Chevalier, au Mont Sainct Hilaire, à la Cour d'Al­
bret. M,De. VII. » Il est bien vrai de dire: (( Habent sua rata
libelli.. ... )) Avant d'échouer chez nous, ce vénérable ouvrage
(1) ~~chives du Finistère: Réceptions de Procureurs et Notaires dans la
JUJ',dwtwn de Landerneau.

a couru depuis 1607 qu'il _ f~t imprimé autant d'aventures
que les plus grands glob-trotters, tels Télémaque et Ulysse:

en 1739, cependant, il fut -recueilli épave ballottée au hasard
des ventes après décès, justement, par notre Me Mignan,
qui eut l'heureuse idée d'inscrire de sa main, à la suite de
- la Dédicace adressée par Charondas Le Caron à M. Messire
Pierre Jeannin, conseiller d'Etat, un renseignement ainsi
libellé:

I( .T'ay acheté le présent livre 'ce jour 17 septembre 1739,
d'une lemme de St-Thomas nommée Suzic qui Courroit Les
Riies pour Le Vendre. )) . .
Signé: MIGNAN,

P' à Landerneau.
Nous aimons à trouver cette information que, pour lors,
Suzic, Suzon; ou Suzette promenait à travers Landerneau
les Ordonnances Boyaux, peut~être pas plus fière que si
c'eut été pour offrir de porte en porte du poisson de l'Elorn
ou de la Rade, de la laitue o_ u des échalottes. .
Voilà, en résumé, tous les éléments biographiques (dont
un bibliographiqiIe si l'on veut), sur ce bon Procureur!
C'est peu, mais hélas! c'est tout. Et cependant, , direz­
vous, Me Mignan a beaucoup écrit, du temps qu'il était
Procureur.
Certes, il a dû beaucoup écrire sur papier timbré de
Bretagne, daus une prose fidèlement, servilement copiée
dans les formulaires officiels, prose que l'on retrouve dans
les modèles d'actes du vieux (( Praticien François )) les
(( Formules d'actes et de procédurre )), et autres guides.:.âne
à l'usage des expéditionnaires' du temps. Dans le procureur,
vous ne devez pas rechercher l'homme: il est un enregistreur
et pOUl' être exactement, exclusivement, scrupuleusement ce
que l'on attend de lui, il ne doit rien modifier ou éorriger à
la forme des textes qu'il reproduit, ni y mettre du sien, pas
plus que le photographe ou le phonographe-enregistreur

euvent se livrer à des fantaisies dans leur reproduction.
ne p - , . d Il ' d' . .
Heureusement. notre procureur etaIt OU) e un comm'ts-
saire de police: laissant de côté, les nombreuses minutes que
l'avoué d'autrefois eut à rédiger secundum artem dans le
cours de sa vie professionnelle, et à parapher, nous nous
attacherons à parcourir les procès-verbaux qu'il eutàdresser,
et daus lesquels, bien à son insu, il révèle sa persunnalité,
noUS fournissant avec des détails sur l'emploi de quelques
heures db son Curriculum vitœ, des traits légers, peu accusés
au tableau de la vie populaire d'autrefois à Landerneau ,
sur l'observation du dimanche, . point sur
quelques données
lequel Me Mignan semble avoir apporté un zèle particulier
Cl conformément aux ordonnances et réglements de la Cour » .

Entre la théorie qui fait des populations d'avant 1789, des
collectivités de brules hypnotisées par des superstitions
grossières, et celle qui, prenant le contre· pied, en fait des
assemblées de saints, d'une pureté sans tache, d'une foi ,
exubérante, d'une charité ardente, confits en dévotion, il ya
de la marge et assez d'espace pour pouvoir établir la vérité
et baser une juste appréciation des hommes et des choses
d'autrefois.
Certes, les braves et honnêtes gens sont nous avons
l'honneur de descendre , eurent leurs défaillances, et ce qu'en
proclament les prédicateurs et les magistrats ne les montrent
pas toujours personnages édifiants, particuliérement en ce
qui concerne le respect et la sanctification du dimanche', .
Les ordonnances d'Orléans et de Blois, renouvelées par la
Déclaration du Roi du 16 décembre, répétées dans leurs
dé.fensés par les règlements d'août 1712 et août 1715, pros­
crIvent tout ce qui pouvait être un obstacle à l'observation
du JOU1' du Seigneur.

, D'autre part, en Bretagne même, les nombreux arrêts
dressés par la ,Cour du Parlement, montrent que l'on ne se
faisait pas faute de violer ces ordonnances et règlements
puisqne la justice devait sévir avec tant d'énergie contre les
récalci tr'ants. .
Enumérons quelques-uns de ces arrêts:
D'abord celui du 16 octobre 1627 sur la remontrance du ·Pro­
cureur général du Roi dénonçant que pendant la célébration
de l'office et et aux Prônes de 'la grand-messe, on se retire
dans les cimetières pour se battre jusqu'au sang ou aller

dans les tavernes,." condamne les contrevenants à 30 s .
d'amende applicables à la Fabrique et les taverniers à 10 1.
s'ils laissent entrer et servent à boire et à manger.
- Arrest, du 22 avril 1667, qui dé/,end à tous marchand5
d' ouo'ir ni vendre les jours de dimanches et fêtes; à peine de
100 1. d'amende, applicable un tiers, au dénonciateur, et les
deux tiers aux hôpitaux de Re.'1.nes, et cela pour la prem ière
fois, quitte à plus grandes peines s'il échet.
- Arrest du 11 juillet 1670, à requête du recteur de
St-Briac, portant la peine de 10 1. d'amende contre les ca-
baretiers, de 6 1. contre les particuliers et autres qui cou-
raient les nuits de dimanche aux fileries, rendries, bals et
danses: déguisés et masqués, et allaient dans les Eglises,
travestis, contre/' aisant les npuvelles mariées. (/)
- Arrêt du 27 octobre 16'81, portant défense à toutes per­
sonnes de danser et de ' jouer publiquement proche les
Eglises et Chapelles, durant l'office divin, .
- Arrêt du 4 novembre 1684 (1) qui enjoint aux juges et
ofliciers de Blain et de Plessé, de ne souffrir aucuns cabarets
ouverts pendant l'office. L'avocat général dénonce lcs juges
comme étant d'intelligence avec les cabaretiers, « ce qui, -
(( tourne au déshonneur de la Religion, dans un Païs
dit-il,
(1) On était à la veille de la Révocation de l'Edit de Narites (1685), ce
qui rend cette considération d'autant plus topique.

. '. Arrêt du 28 mai 1685, porte a la requete de Mlsslre Jean
Banlon, recteur de la paroisse de Guimiliau et trêves,
Evêché de Léon. Le Hecteur expose que les Fabriques ne
rendent aucun compte des deniers de la Fabrique, qu'ils
consomment en vin et débauches qu'ils font ensemble, rédi­
gent. des semblants de délibération sur feuilles volantes, et-c.,
pendant le Service divin ils sont aux tavernes. L'arrêt les
à flO 1. d'amende.
condamne de ce chef
_ Arrêts du 25 novembre 1686, du 5 août 1715, du 3
octobre 1722, etc" etc , '
Nous venons de dire plus haut que Me Honorat Mignan
apporté dans ses fonctions de Visiteur de
semblait avoir
police un zèle tout particulier pour le maintien des arrêts et
règlements touchant l'observation du dimanche. Nous nous le
représentons sortant de sa demeure, la perruque poudrée ou
abondamment amidonnée, coiffé en bataille de son tricorne,
fraichement galonné, et portant à la main sa canne à pomme
d'argent. Le brave Le Gouez, le sergent, valet de ville mais
non laquais du Maire, l'escorte, enveloppé dans son manteau
et portant sur l'épaule sa lourde hallebarde (1). Tous deux
fiers et forts de leuringrat~ mission. vont le pas et l'œil assu­
rés, dictant, par leur attitude, à tout venant leur volonté de
maintenir envers et contre tout, le bon ordre dans la cité,
faisant comprendre à tout bon entendeur: selon l'expression
emphatique mais sincère d'un humble juge de paix que
nous avons connu, qu'il serait plus (acile de (aire dé'vier le.
soleil de sa course, qu'eux de leur del?Oir. »

Des procès-verbaux de Me Mignan, nous en avons retenu
quatr~ pa~sablement instructifs. Son premier constat marque
ce qUI SUlt :
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' TOME XXIX (Mémoires) 14

cc Ce jour de dimanche (t8 mars 1742) nous nous sommes
cc transportés sous les halles sur les neuf heures et demie du
CI. matin, après le troisième son du Service divin, ayant avec
Il nous pour l'exécution de nos ordres Me Pierre Le Gouez.
.. sergent de la principauté de Léon à Landerneau ... Où étant
« aurions enjoint et ordonné aux poissonnières y étalées de se
« retirer sur le champ avec leur poisson, attendu que pendant
«. le Service divin elles ne doivent pas débiter: à quoi lesdites

« poissonnières ayant satisfait en ramassant leur poisson
« dans un endroit particulier n'y laissant seulement une
{( d'entre elles pour ]e garder.
Les poissonnière.;;, de si bonne composition, ne se
comportant pas comme de vulgaires harengèTes, pois­
sonnières mais pas poi1:isardes, ne furellt pas imitées par
les boulangers et les boulangères « aussi étalés sous lesdites
halles. ») Le digne commissaire les invite à déguerpil', mais
eux: aussitôt d'invoquer la coutume, et sur la menace de
confiscation de leurs pains, Jeanne Le Borgne et son mari:
Guillaume Traouez, soldat de marine à la com pagnie fran-
che de Gudy, pour lors en quartier au Faou, de « ( prof8rer
des injures et des invectives · atroces »). Le brave Le Gouez ·
dut intervenir et emporta le pain: le dernier mot, cl'oyait-on,
lui . était resté.
lIas du tout M~ Mignan conlinue sa tournée, et lors-
qu'à onze heures, alors que la messe paroissiale n'était pas
finie, il repasse par les halles" il Y trouve Traouëz et sa
femme étalant leurs pains et les débitant plus que jamais.
Ils -protestent que la Messe était finie à Saint-J ulien :. là
n'était pas la question, puisque les balles se trouvaient sur
la paroisse de Sainl-Houardon. Me Mignan, après avoir
dressé un nouveau procès-vertal de contravention, se retira
en songeant à part lui que tout n'est pas rose dans le métier .
Le dimanche de Pentecôte 1747 il rédigea le rapport
suivàïii touchant sa visite du jour·) _ ..

cr Nous, Me Honorat-Etienne Mig'nan, commibsairede police
« à Landerneau, Y demeurant paroisse de Saint-Hoüardon,
• savoir faisons que le dimanche de la Pentecoste vingt-et­
c uniesme de mai 1747, ayant avec nous Me Chl'istophe Le
« Duf, sergent de la Juridiction de la principàuté de Lander­
cr neau, avons sorti de notre demeure susdite: après 'neuf
cr heures sonnés que commencent les grandes Messes parois­
« siales de Saint-J ulien et de Saint-Thomas, à l'effet de faire
« nolre toul'née dans le cabarets, jeux publics et autres
• lieux pour réprimer les abus qui se pourraient rencontl'er
« contre le bon ordre: la Religion , les ordonnances , arrêts et
• règlements de la Cour, et après avoi r monté et descendu la
« rue de Ploudiry sans y avoir trouvé de contravention,
Il sommes entrés dans un cabaret n'ayant pour enseigne qu' un
Ci Bouchon, situé au quartier de Toulcoq, trève de Saint­
cr Julien, et parlant à la femme du nommé René Héloll: caba-
l retier y demeurant: luy avons demandé si quelqu'un buvoit .
« chez elle, à quoi elle nous a répondu qu'il y avoit deux
Ci particuliers dans une chambre haute ma is qu'il n'y avoit ni
Ci verres ni bouteilles, qu'elle les leur avait otés depuis gue la
« grande Messe était commencée, ce gue voulant vérifier,
« avons monté dans la dite chambre haute et nous y avohs
« trouvé le sieur Guillaume Cornec, marchand-épicier de cette
u ville et Aubin Poullaouec, assis à une table, ayant cll-acun
u devant soi un goblet de vin blanc plain h razade; toutèfois
« sans bouteille, rayant en apparence cachée, et leur 'ayant
Il remontré ... leur tort et erreur de conduite l'hôtess'e ne
« trouve à dire que « pour ceux de la paroisse de Saint-
« Hoüardon où la Messe ne commençait qu'à dix heures.
M. Mignan u sans égard pour ce raisonnement spécieux »,
verbalisa et se retira. .
Le dimanche, 20 août 1747, l'autre commissaire,'Më' Ni­
colas Onfrey, devait prendre sa semaine pour -les toür=nées
et visites à faire « pour le maintien dubon ordre et de la 'btlnne

police. » Il est retenu dehors par ses affaires et fait prier
son collègue de le remplacer, Me ]\'Iignan envoie chercher
Me ~gadevern, sergent, et à trois heures de relevée, alors
que les vêpres commencent dans les différentes paroisses,
et en sa compagnie, monte et redescend la rue de Plondiry 5
visite les cabarets: tout y est de la plus grande correction
et n'offre prise à une contravention. Au hau t de la rue de La
Fontaine-Blanche, on remarque cependant que la boutique
de Catherine Ségalen, femme de Jean Nicolas, boulangère
et marchande fruitière, est ouverte « comme dans les jours
ouvrables. » ,
On lui fait observer qu'elle est en défaut, mais elle riposte
qu'elle allait fermer .. On lui confisque deux tourtes de pain
et trois panniers de fruits trouvés sur sa boutique, que l'on
dépose chez l'hôtesse du Cheval-Blanc «( en attendant un
temps plus convenable pour les faire porter à l'hôpital au
des pauvres », toutefois (( à t'exception d'un pannier
profit
de pommes vertes que l'on fi fait rem)WfSer dans le ruisseau et
fouler aux pieds, conformément aux règlements. )) Quel souci
de l'hygiène publique! '
Me Mignan, malgré lèS exigences du service et les scru-
pules de sa conscience, n'est pas sans pitié, comme le Gen~
darme de Courteline. C'est lui qui nous en donne un
témoignage dans ce même procès-verbal du 20 août. En
poursuivant sa tournée, il voit encore ouverte, dans la rue
du Couër, la boutique de la veuve de Bernard Le Blouch,
marchande fruitière, mais, dit-il, (( étant donnée son extrême
« pauvreté, nous nous sommes bOl'né à lui faire fermer sa
« boutique et faire renverser dans le ruisseau et fouler aux
« pieds, un petit pannier de pommes vertes., » .
Rue de Saint-Houardon, au bureau de la Poste, le vigilan~
commissaire sent son nert: olfactif se révolter ainsi que son
amour de bon ordre et de l'hygiène. C'est , un cloaque {Jesti­
lentiel, d'une puanteur suffoquante que la paresse des ,

[ls sont deux
et habitent Pencran. Me Mignan les fait chercher par
l'accompagner, un caporal et deux fusIlIers fourms par le
corps-de-garde de la Place. Un d'eux, Madec~ rencontré à
J'instant en ville, est mis en ' geôle par le Commissaire; le
Sénéchal intervient et le fait mettre en liberté: les deux
conpables se livrèrent sur le champ à un nettoyage en règle.
Le 30 juillet, Me Mignan trouva à récolter un nombr.e
ordinaire de contraventions. Ce n'était cependant la foire
pen
de La Martyre, qui se passe au commencement de juillet:
quel évènement donc avait amené à Landerneau l'affluence
de monde mentionné dans le procès-verbal du 30 juillet,
tels les gens du duc de Penthièvre, lAS notables bourgeois
de St-Pol-de-Léon, etc. 11l0us n'en savon s rien; en tout cas
voici le relevé des opérations du Policeman, en ce jour,
«( Nous, )1e Honorat-Etienne Mignan,commissaire de poliee
à Landerneau, y demeurant sur le Pont, paroisse de Saint­
Hoüardon, savoir faisons que ce jouI' de dimanche, trentième
juillet mil sept cent quarante sept, sommes SOl'ty de notre
logis après neuf heures sonnées du matin, tems qlle com­
mencent les Grandes Messes de Saint-Julien et de Saint­
Thomas de cette vme, pour faire nôtre tournée pour exami-
-ner les contraventions aux ordonnances, arrêts et réglemens
.de la Cour qui se peuvent commettre tant par les mar­
chands, cabaretiers, perruquiel's, maîtres de jeux qu'autres,
et commençant par le quartier de Saint-Julien, avons remar­
qué la boutique du sieur A ballain r~'aîné ouverte, y étant
'entré, l'avons trouvé razer un particulier, et lui ayant
remontré qu'il était d'autant plus en faute qu'etant dans la
m ::ison la plus prochaine de l'église, le scandale etoit plus
grand et qu'il n'avoit pas d'excuse valable à proposer puis­
que de ~a boutique il entendoit le prêtl'e à l'autel Il nous
.auroit répondu que le particulier qu'il razoit etoit un étran-

O'er et qu'il y en avoit tant présentement en cette ville qu'il
faUait malgré soi se prêter à les servir, · ce néanmoins nous
lui avons déclaré que nous en rapporterions nôtre procès~
verbal pour suricelui être statué à la première audience de
police o,ù nous l'avons interpellé de se trouver si bon lui
semble .
. « Passant outre de la rüe de Ploudiry, avons remarqué des
gens boire dans la. cuisine du nommé Floch, cabaretier, y
etant entré, ces particuliers nous ont dit être domestiques de

la suite de S. A. S. Mong le duc de Penthièvre et qu'ils ne
faisoient que d'arriver en ville, sur quoi avons remontré
audit Floch qu'il y avoit de l'imprudence de servir ces par­
ticuliers dans sa cuisine à la vüe et au scandale de tous les
passans, ce qui nous obligeoit à en rapporter notre procès-

verbal pour y être statué ce qu'il appartiendroit' à la pre-
mière andience de police où il · demeuroit assigné pour
déduire ses raisons si bon lui sembloit .

«( Entré dans l'auberge du nommé Trotabas, au Dragon-
Vert, avons trouvé dans un cabinet, au premier étage, sur le
derrière, un soldat de Ponthieu et un particulier étranger
q'Gi buvoient, quoique la femmedudit Trotabas nous avoit
dit précédamment qu'elle n'avoit personne chez elle, sur

quoi nous lui avons déclaré sa contravention et que nous en
rapporterions notre procès-verbal et lui faire appliquer '
l'amande qui seroit prononcé s'il étoit vu appartenir à la
première audience de police ou nous l'avons interpellé de se
. trouver ou. son mary si bon leur semble.

« Plus haut dans la meme rüe nous avons remarqué la
boutique de la nommée Françoise Morvan, femme du nommé
Jacques Jardinier, débitante d'eau-de-vie, de tabac et de
chandelle, a demy ouverte ou nous étant approché l'avons
trouvée qui débitoit de l'eau de vie à une femme dans une
burette pour emporter ,nous a-t-elle dit, chez elle. et aya~t
remontré à laquelle Morvan qu'elle ne devoit débiter aUCune

hos pendant le Service divin, ny tenir sa boutique ouverte
so; enseigne de tabac dehors, elle nous auroit répondu,
e ne recevant de jour que par sa boutique, elle ne pouvoit
la tenir fermée, que son enseIgne (le tabac elle la ten01t
dehors de l'ordre du sieur de Roujoux, ent.reposeur, qui lui
avoit dit d'en uzer ainsy quelque défense que la Police lui
en fit, et qu'à l'égard de sa chandelle, quoiqu'elle fut
que le soir et qu'elle ne la retire­
exposée, elle n'en vendoit
rait pas, ce qu'elle avoit exprimé avec des pal'oles de
hauteur, et ayant remarqué que nous faisions notte pour
rapporter notre procès-verbal, elle nous avoit dit en langue
bretonne: « Ecrjvez sur votre c .. si vous voulez,-je ne m'en
soussie guère Tl (1). De tout quoi nous lui avons déclaré que
nous fesions notl'e procès-verbal pour y être fait droit à la
première audience de police, ou nous l'avons sommé de se
trouver, si bon lui'semble, p:mr déduire tout ce qu'elle verra.
« Passant ensuite dans la paroisse de Saint-Hoüardon, .
après dix heures sonnés, et que la messe paroissiale y était
commencée, avons remarqué que la boutique du sieur
Aballain Le Jeune étoit ouverte, y étant entré, l'avons
trouvé qui raz oit un particulier, pour quoi lui avons déclaré
rapporterions notre procès-verbal pour y être
que nous en
statué à la première audience de police, ou il dèmeuroit
assigné pour déduire ses raisons si bon lui sembloit.
« Montant la rüe de Lafontaine-Blanche, avons entré en
l'auberge du C1'oissant et demandé à la no'mmée Louise
GOUl'velin, veuve Joseph Donnart, 'hôtesse, si quel(iu'un
buvoit chez elle, à quoi elle nous avoit répondu d'un tori
d'assurance et sans se déconcerter que les sieurs Cloarec
et I~meur, de cette ville, déjeunoient dans une chambre
(1) Celt~ fe~ ~e. grossière se servit, . v.raisembla blement, des exp~essions
bretonnes, « Skrl1nt var ho reor, m'ar. klnt; evidon-me, na rankei il fors. »

haute avec un Monsieur de la ville de Saint-Paul qui étoit
én cette ville depuis hier, et lui ayant dit qu'elle ne devoit
pas souffrir les Paroissiens tenir table chez elle pendant le
Service divin, et que nous ne pouvions nous dispensèr Sur
sa déclaration de rapporter contre elle, elle nous auroit
répondu avec fierté qu'elle ne s'embarrassoit pas pour ce
qui seroit fait, sur quoi nous l'avons sommée de se trouver
si bon lui semble, à la prochaine audience .de police, où il
seroit fait droit sur notre procès-verval, que nous avons
rapporté audit Landerneau, et que nous affirmons contenir
jour et an que disant. Tl
visité les
MIGNAN.

Nous l'avons vu plus-haut: tout n'ét.ait pas rose dans les
fonctions d'un commissaire de police consciencieux, esclave
règlements et censeur implacable des manquements à
des
leur observation intégrale .
Deux années d'exercices à fournir! Sa semaine à faire,
du dimanche matin au dimanche matin suivant! Ce n'était
pas indifférent. ~
~eureusement pour lui que ne vivant pas sous le régime
du suffrage universel, son indépendance était plus facile à
,garder: il n'avait ni amis à servir ni ennemis à ménager
en vue d'une candidature, ni de contraventions ou de délits ~
,oublier ou à mettre au clair, selon les besoins ou les calculs
de son ambition.
. Si Me Mignan avait songé à briguer les suffrages de ses
'concitoyens appelés à devenir ses électE'urs, il lui aurait
été difficile de procéder, comme il le fit, par exemple, dans
s~ visite du 17 avril 1747 (( pour le rait de la Répurgation 1
des Rües, »; contre de notables commerçants et autres:
procès-verbal contre un mercier, sur le Pont, le sr Cloarec
« qui n'a point balleyé » ; lequel dit Me Mignan, « n'ayant

aS voulu payer l'amande de dix sols que nous lui avons
aires de bas de St-Marceau à enfans. )) Puis il retrouve
soieries. au haut de la Halle; chez le sr Bonaventure du
Thoya, rue de la Fontaine-Blanche; chez l'hôte des Trois
piliers, Place aux Vaches; même 'place, chez Charles Sequin,
tanneur; chez le sr Duclos Le Gris, et tanti qttanti .. , tous
condamnés à dix sous d'amende. .
Rappelez-vous de pIns que Mignan opère à Landerneau,
la ville célèbre par le bruit que l'on y fait, ... ou les bruits
que J'on y fait courir en toute facilitg et rap~dité, selon ce
que l'on prétend dans la pr.ovince et le royaume
N'oubliez pas encore que dans l'exécution de son pénible
mandat. Me Mignan peut ~e truuver à chaque pas en conflit
avec officiees de justice, agents des Devoirs et autr'es.
Pour ce qui est de la justice, quiconque a étudié l'organi-
sation de la police à teavers les âge~ peut constater la con­
currence qui a toujours existé entre cette institution et celle
de la justice, depuis la République romain.e jusqu'à nos
jours: incompa.tibilité d'humeut', au moins, qui se traduit par­
fois par d'es éclats retentissants . Nous lisons par exemple~
dans le c( Dictionnaire des Arrêts des Parlements de France»
de Pierre Jacques Brillon, Paris, 1728, (T. V . p. p. 187-188)
le Nota suivant au sujet de l'Edit de Novembre 1699, « por-
\( tant création de procureurs.. commissa.ires de police, etc:
(( Nota. Les officiers de Justice jaloux du retranchement
« qu'on venait de leur faire de la police (dont l'autorité
a flattait leur ambition, mais dont l'administl'ation gratuite,
c( accompagnée de peines, de dangHs et de sollicitudes con·
« tinllelles avoit été négligée deleur pal't tandis qu'ils étoient
« occupez plus utilement aux fonctions pllls lucratives de la
« Justice contentieuse) ne se contentèrent pas de susciter aux

« officiers de Police, une infinité de troubles dans leurs
« fonctions . droits, honneurs, prérogatives et privilèges, mais
« ils eurent soin d'adresser au Conseil une foule de Mémoires
« qui tendoient, plus ou moins, à fai r'e supprimer ces tribu-
t( naux de Police nouvellement érigez ..... Ott du moins de
(( brouiller tellement les 'uhoses que ..... )), leur action fut
pratiquement impossible
Pour la Police des Cabarets, le pauvre commissaire trouve
opposition dans les agents des devoirs. Il est
une forte
vrai qu'il arrivait que la ferme des aides réclamait contre ·
les fermetures de cabarets prescrites par les évêques et que
le contrôleur général intervenait pour fa ire restreindre le
nombre de ces fermetures. (1)
Nous avons vu dans le dernier des procès-verbaux don':
nés plus haut qu'une contravenante se targue de ravis ou
quasi-autorisation de l'Entreposeur des Tabacs pour déso­
béir aux arrêts concernant le dimanche.
De la part de ce fonctionnaire ce sembla it un parti-pris,
un système. Cela ressort d'un constat du 17 septembre 1747,
commissaire, Me J .-B. Le Vaillant expose que pendant
où le
les grand'messes, faisant sa tournée, il remarqua, rue de
Ploudiry, « la boutique d'un nommé François Abgrall ou­
« verte avec une insGription sttr quaTton portant ces mots:
« De par le Roy, bUTeau pour la distribution du; tabac, etc,
{( et ayant remontré audit François A bgrall, qu'il ne conve­
CI. nait point d'avoir sa boutique ouverte ny de mettre cette en­
« seigne contre le dehors de la fenestre de laditte boutique
« pendant le service divin, il nous a répondu qu'il ne taisait
(( rien que par l'ordre de Mr de R O1,f,jonx et qu'ainsy sil tTouvait
(( occasion de vendre et de débitter dn tabac pendant le ser­
(( vice divin, il l' eut lait comme dans ttn autTe temps, nous a
« de pl'us dit que Mes Mignan et Cloarec, aussy commissaires

(1) c. A. Babeau. Le Village sous l'Ancien Régime. p. 229.

f( de police (aisant leuT tournée lui ont egallement l'ait les
(( mêmes réprimandes et qu'ils leur a donné la même Téponce
(( qu'à nous. ))
Concluons: tout porte à croirj3 que Me Honorat-Etienne
Mignan fut un honnête homme; se comporta en toute cir­
constance, vécut et mourut en honnête homme. Rendons à
sa mémoire l'hommage qui lui est dû.
Abbé Al\TOINE FA VE.