Responsive image
 

Bulletin SAF 1901


Télécharger le bulletin 1901

L’île de Sein au XVIIIème siècle, Messire Joachim-René Le Gallo, recteur de l’Isle Saint (1723-1734)

M. Le Carguet

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


XXI
L'ILE DE SEIN AU XVIIIe SIÈCLE
1. JOBt'hiI .. -René Le Gallo,
Redeu .. de l'Isle-Sain' (1 ,~a-t' a.) .

En avril 1723, Messire Joachim-René Le Gallo, aumônier
des vaisseaux du Roy, devenait recteur de l'Isle-Saint.
Il succédait à Henri Gonidec, Michel Le Gall, dernier
curé délégué, n'y étant resté que quelques mois .
En ce temps là, l'esprit religieux de l'Ile était tel que
l'avaient fait le vénérable Michel Le Nobletz, le Père
Maunoir et François Sû. Messire Le Gallo reh'ollvait les fils
de ceux qui, au mois d'août 1641, lors de la première mission
Père Maunoir, (( petits enfants, suspendus en grappes
(( aux bras des pères et des mères, semblaient ne pouvoir déta­
(( chel' leu1"S 1'egm'ds du prédicateu1'. )) (1).
Il n'eut qu'à continuer l'œuvre de conversion si bien assise
au siècle précédent ; et il le fit dignement, grâce aux
missions qui se continuèrent dans l'Ile, parfois avec l'aide
des capucins d'Audierne.
Mais un autre rôle lui était dévolu. Les mœurs étaient
restées barbares; il s'attacha à les réformer, même au péril
de sa vie. .
. A son arrivée à l'Isle-Saint, la misère était grande. Le
et le poisson de l'hiver étaient consommés. La pêche à
pain
(1) Vie du Père Maunoir, par le P. Séjourné, 1" vol. p. 156,

pied, qui se faisait, autour des roches, au déchal des marées,
ne donnait plus: tous les coquillages avaient été c1:leillis et
les monceaux de valves, jetées aux pignons des masurtls,
dénonçaient que, durant de longues semaines, ç'avait été la
seule nourri ture des habitants. La pêche d'été ne pouvait
encore se faire : le poisson ne ralliait pas la côte, car la
température était trop rude. Le 4 avril, un pêcheur, dans
toute sa force, Corentin Couillandre, âgé de 45 ans, était
trouvé mort de (roid et de faim dans son bateau. Ce décès
est le premier acte rapporté par Messire Joachim-René
Le Gallo.
Pas de vivres, ni de vêlements: telle était la situation'
Dans ces cas, nécessité a toujours fait loi, Qu'un naufrage
était alors ardemment désiré, souvent même astucieusement
. provoqué'
Les naufragés n'étaient plus, ou que rarement, assommés,
mais les navires constamment livrés au pillage. Il fallait ~e
nourrir, se vêtir, se procurer tout, car tout manquait: étais
pour consolider les maisons, bois, fers, cordages, voiles,
pour réparer et ragréer les barques désemparées par les
tempêtes de l'hiver.
La mer apportait tout cela: or, tout ce qui vient de la mer
appartient aux hommes de mer, c'est leur seule récolte.
L'étranger, séjournant dans l'Ile, était contraint de suivre
cetle loi du pillage; ou, s'il voulait se soustraire aux usages
qu'avait fait naître le besoin, il était mal venu. et bientôt, par
les avanies ou les violences auxquelles il était journellement
en but, obligé de partir.
Joachim-René Le Gallo subit la loi commune. Ne pouvant
proposer aux lIiens de l'enoncer à leurs pratiques barbares,
car c'eût été aller à l'encontre de tous les usages admis et se
mettre en guerre avec toute la population, il assi~ta àhl.U.rs
scènes de pillage.
Lorsqu'un navil'e en détresse était signalé, il accourait,

devançant les Isliefls, pOUl' assist.el' les s'il ne
n a Il ra ges,
sauvetage, toutes
pouvait emfJêcher le pillag'e, et dit'igel' le
rois que cela lui était possible.
Il'était pas écoutée? Que de
Mais combien souvent sa voix
fois n'a-l-il pas été contl'aint de sc l'etirel', non sans la conso­
lation d'avoil' pu, de la tête d'un lIaufl'agé, écartel' le croc
d'un pillard!
Si <:e li'était pas abaisser la gl'andeul' de son ,'ôle, nous
dil'ions qu'il se trouvait, au milieu des Isliens naufl'ageul's,
comme une pOille qui a élevé une pol'lée de ('anal'ds : les
petits bal'bollent joyeusement au milieu de la mare, sout'ds
aux appels désespérés de la mère qui va, vient, ballant des
ailes, le long de la berge, ne pouvant les suivl'e.
Le naufJ'age du navil'e la Sara., de Bantl'Y, en Irlande,
sUl'venu dans la nuit du 17 au 18 janviel' 172 l, peu apl'ès
l'al'rivée de Joachim-Hené Le Gallo, est célèbre dans les
fastes de pillage de l'Isle-Saint.
Le navil'e avait fait côte, vers une heul'e du matin, du côté
Sud-Est de l'Ile, SUI' l'llôt de Kilaollrou. Il était chargé de
laine et de beurre . De la laine! c'était un objet de pl'emièl'e
lIécessité. Du beurI'e ! cel'tes, à cette époque, beaucoup
d'Isliens ne le connaissaient que par ouï-dit'e, cat' ils étaient
trop pauvres pour acheter une vache. Aussi quelle aubaine!
Aussitôt le naufrage connu, « pt'esque tous les habitants,
envi t'on CI. 350 personnes, tant hommes que femmes et enfants,
d'aller li. à la côte» le recteur en tête.
Pendant que Joachim-Hené Le Gallo s'occupait à secout'il'
les qualI'e survivants du naufrage et à l'ecueillir les COl'pS du
capitaine Jacques Galhois et d'un prêtre il'landais, François
l\1.orphy, qui se trouvait à bord, le navire fut pillé. Jean
Couillandre, fils de Corentin dont nous avons mentionné le

décès, fut l'un des plus ardents Il à en hacher la coque. il
Joachim-René Le Gallo essaya bien d'intervenir. Il se
posla â Beg-al'-C'halé, langue étl'oite de telTe, qui l'elie l'îlot
de Kilaourou, au bourg, pOUl' arrêlCl' les pillal'ds et les
empêchel' de recéler, dans leurs masures, les objets dérobés.
Les plus timol'és rebl'oussèrent chemin, mais en jetant
l'alal'me. « Pl'ené garde de passel' par un tel endl'oit, par
« ce que le ûonct l'ou.ge y est," « et cê d'autant que le
v sr Gallo, pl'ef:lr'e, porte un bonet l'ouge. " C'est ainsi que
s'exprime le pl'ocès-verbal d'enquête (i).
l\'lais bielltôt les plus hal'dis accourent et forcent le digne
l'e<:teul' de leur cédel' la place, par' ce que, s'écriait·il en
chail'e, quelques joul's après, le 27 janvier, - « il n'était pas
en sùreté de sa vie. n
Le pillage se fit alol's sans contraint.e «présidé par Pol
" Monier le plus considérahle et le plus respecté parmy eux,
« se disant capitaine de l'Isle" et se continua les jonrs
suivallls, avec une telle sauvagerie, que l'Amirauté, informée
par un rapport de Pierl'e de l'Abbaye de Kel'huel, son agent
à l'Isle-Saint, dépêcha un commandant pour enquêter.
Si pal'eil Cait se présentait aujoUl'd'hui, les lsliens tl'ouve­
l'nient bien certainement sur l'Ile fon:e médailles de sauvetage
et d'honneUI', voire même de dévotioll, pOUl' parer'largement
leul's poitrines; et, comparaissant, ainsi ornés, devant leurs
juges, ils dil'aient, pour leul' défense, en faisant tinter leUl's
décol'alions :
-, « Nous des pillal'ds ? .. , des sauveteurs plutôt! .. , voyez! l)
En i72ti, ils n'avaient pas celte l'essource, Mais le recLeUl',
oublieux des violences qui lui avaient été faites, comparut
avec les pillards devant l'enquête et 'présenta leur défense,
ou du moins atténua leurs méfaits; si bien que le comman·
(l) Al'chives départementales. - A noter les noms donnés aux habitants
de l'I1e-de-Sein Ù cette époqu~ : ils sont appelés tantôt Isliens, tantôt Istois.
BULLETIN ARCHÉOL, DU FINISTÈRE . - TO~lE XXVIIl (Mémoires) 21

dant de l'Amirauté ne fit qu'un rapide séjour à l'île, et encore
sans grand résultat. Notre aimable confrère, M. BOut'de de
la Rogerie, voudra bien, avec tous documents à l'appui,
conter, à la Société archéologique: les phases si curieuses de
l'enquête.
III.
L'alerte ctlusée par la venue du commandant de l'Amirauté
avait été bien vive. Devant les poul'suites imminentes, on
avait l'estitué des bm'atlX de beuITe. C'étaient choses trop
lourdes à transporter, trop volumineuses à cacher. Et puis
les premiers avaient été défoncés et les pl'Ovisions failes dans
chaque ménage, David Porsmoguer et ses deux sœurs -
« personnes de force et violentes. avaient même empoI,té
la marmite du bord, dans laquelle se Fondait autrement bien
que dans les pots de terre, seuls en usage dans l'lie, le beurre
du naufrage, a dtûde spount a limo. Aussi ne voulul'ent-ils
jamais la rendre.
Mais la laine nmpaquetée « en poupées d'une livre »-
était plus facile à cacher que les barils.
Le l'ecteur tonnait en chail'e, prêchant restitution et répa­
ration: Cl Ce n 'était pas assez d'avqil' évité la justice
« humaine; il fallait obéir aux lois de Dieu et de l'Église . ))-
Mais on faisait la sourde oreille. « Celle laine, si
« soyeuse,aurait fait des gilets si chauds; " et on la gardait.
Mais comment l'utiliser? ç'eut été se 'dénoncer soi-même,
et mettre l'amirauté « en é.tat de perquél'ir. »
Enfin, soit remords, ou crainte de perquisitions, on res­
titua, peu ou beaucoup. Joachim-René Le Gallo a eu bien
soin de le contaster sur le registre paroissial. On y trouve
ces deux menlions, à pl'ès de quatre années d'intervalle . La
première a eu lieu dix-huit mois après le pillage.
- CI Le dimanche 15 juillet 1725 m'ont estés l'emises entre
" mains pour estre rendues à qui il appartiendra des laines

« de la (( Sara JI que jay serrés dans l'ormoire de la vieille
u maison et daus une espèce de buffet entendant reponse. »
Cette réponse qu'attendait Joachim-René Le Gallo est-elle
venue? L'amirauté s'était-elle dessaisie de l'affaire? Nous
n'avons pu le constatel'. Nous croyons plutôt que les mœurs
commençaient à s'adoucir sous l'action du digne Recteur.
En 1729, autre mention au registre:
« Je certifie, ce dict jour, sieziesme janvier, il m'a été
« l'emis dans une poche environ douze ou quinze poupées de
« laine mal conditionnées sans scavoir par qui ny dou les
« ayant trouvé dans mon jardin dont jay choisis les meil­
« leures qui sont dans l'ormoire de la vieille cuisine, le l'es le
u sur des cordages dans le grenier neuf pour être remis au
u réclamateul' et ay inséré acte pOUl' au cas de ma mort et
« que je nay pas le temps de la rendl'e le propriétaire n'en
" soit pas frustré.
« A rrsle Sains le .seiiiesme janvier 1729.» Signé:
Joachim-René Le Gallo, prêtre.
Cette laine n'aurait-elle pas été, plus tard, vendue au pro­
fit de la fabrique de Saint-Guénolé? Nous avons constaté,
dans des comptes postérieul's à Messire Le Gallo, des
ventes d'objets mobiliers p'/'ovcnant de viols et de bris. Mais
les comptes de Joachim-Hené Le Gallo n'existent pas dans
les archives de la fabrique .
Quoiqu'il en soit, c'est de celte époque que date un usage,
encore tout récemment mis en pratique, à l'Ile de Sein, après
un naufrage. .
sont déposés, de nuit,
Les objets pillés, volés ou tl'ouvés
SUl' les marches de la croix du cimetière, ou jetés, par dessus
murs, 9,ans la COU1' et le jardin du presbytère .
Mais tous les objets, provenant de naufrages, ne suivent
pas cette voie. De loin en loin on voit paraître des habits neufs
faits d'une étoffe dont la chaine, la trame et la couleur sont
inconnues aux manufactures actuelles,

Messire François Morphy et le capitaine Jacques Galhois,
les victimes du naufrage de la (( SG'/'o )) ont été enttl'l'és
dans l'église de Sainl-Guénolé.
Voici leul' acte d'inhumation:
- « Le 18' janviel' 1734 ont été enterl'és d:ms l'église
« principale de Sains, deux cadaVl'es ll'ouvés du coslé sud­
(/. est de la ditte Isle du navire la Sara de Bantry, en Il'­
« lande qui a donné le dt jour il la coste environ une heul'e
<1. après minuit. les dits cadavres ont estés reconnus par
« l'espâge, (l'équipage) pour esh'e les COl'pS de Me François
« Morphy prestl'e il'landois et de Jacques Galbois capitaine
" du dt navire qu'on nous a afliJ'mé estre véritablement
« catholiques apostoliques romains , a l'Isle Saint le dt jour
« et an ledit navirE: chargé à l'adl'esse des s ieuI's Le
• Blanc et Maguemou mard à Nantes par Henry Calhois
(/. de Bantry. n
. Le registre porte les signatures de James Coppelly
Patlrick Coppengir Philippe Joseling Cornelius Leury
et Joachim-René Le Gallo.
naufrage elle pillage qui auraient pu être suivis d'une
sévère répression ont longtemps dél'I'ayé les veillées à l'Isle
Saint.
On en parla surtout lors d'une mission qui s'est donnée,
à l'Ile, en 1727. Le bruit avait couru que Frahçois Morphy
avait sur lui un trésor, et on exhuma son cadavre.
Voici l'acte qui a été dl'essé à cet efTet :
(/. Le 12" novembre 1727, sur l'avis à nous donné que deft
« Me François Morphy prêtre ÎJ'landais enterré dans notre
u église aupI'ès du balustre du costé de l'évangile le 18 jan­
« vier 1724 avait sur luy des espèces, nous avons fuit faire
<1. ouverture de son tombeau publiquement en notre pl'ésence,

!.l celle du pèl'c Bernardin de Pont + vicaire d'Audierne de
« pl'ésent à l'fsle et. y donnant la mission par ordre de M~r
« l'evesque de Quimpel', celles de Noël Guilcher dict seré,
" d 'Yves Coulendre le Jeune, de Noël Coulendre et Hervé
« Guilchel' et anllres, ou on a trouvez cincq piesses d'or
« parmi les ossements scavoir deux monois d'or de Portugal
" de flOOO l'ae! IIne piesse angloise de 17Hl une piesse ·d'or
« ùe France de 1664 et autre piesse d'or de France au
« scepte l'oyal et a la main de justice en croix que nous
• relenons par devers nous jusque :'t pouvoir consulter l'or­
« tlinaire cl que nous représenterons où il nous sera ordon-
(1 ne. n
(C A l'Isle Sa.ins ledit joUi' ; signé: Joachim-René Le Gallo
« pl'éll'e. n
Cet acte est su i vi de la mention:
- « Led. jour ayant faict combler la lerl'e de la sépulture
« dud, pl'être on 11 trollvé IIne piesse d'or de France a quatre
" L. en C1'ois, Même signature. »
Que sont devenues ces pièces d'or?
Le plus ancien comple de la fabrique que nous ayons eu
entl'e les mains est le compte de 1759, Ol! nous trouvons
celle mention:
- « Se charge, le contable, .. , de cinq louis d'QJ' dont on ne
« connaît point la valeur, 1)
Ces pièces d'ol', que le trésorier en l'onctions recevait des
mains de son prédécesseul', n'étaient pas déposées dans le
cofTl'e de 1 a rabrique. En efTet ce cofTl'e fut fOl'cé et volé le
2 t füvl'iel' 1760, et les pièces appal'aissent au compte suivant.
[1 est probable que le l'ectem cie cette époque, J. Arhan
devait, comme Messil'C Le Gallo, les retenir par de'tlC1'S lui
pOI.tl', aussi lcs représenter,
Le compte soumis en 1762, constate:
- Six louis d'Ol' dont deux sont de 2 l livres et les quatre
Hull'es d'un prix inconnu, n

Or, la balustrade près de laquelle était enterré François
Morphy et le chœur furent refaits en 1760 et 1761. Il est donc
probable que cette sixième pièce provenait de sa tombe,
ouverte à nouveau pour cette réfection, et fut jointe aux
autres pièces du prêtre Irlandais.
Ces pièces, sans COU1'S, ainsi 'llle le constate le compte de
1770, furent échangées à Quimpe,', pour la somme de
146 livres, 12 sols, suivant quittance de Mr Roullin, en date
du 22 novembre 1769, et le pl'oduit servit, la même annéil, il
réparer la toiture de l'église et accommode/' le pr'esbylère.

Quand l'lle·de-Sein élève l'a des statues à ses grands
hommes, la première. nous a-t-on assure, sel'a pOUl'
Molla Cousl'ance.
Molla Coustance, de son vl'ai nom Constance Le Spinec,
était la sage-femme de l'île dans la pl'emièl'e moitié du
xVII[e sièele. Les années ont passé, mais sa mémoire est
enCOI'e vivante, gl'âce à une autre Molla, Molla Choual'dic,
qui a continué sa tr'adition. On se l'appelle ses recettes, ses
procédés, ses aphorismes; et, quand au cnevet d'un malade on
dit: a Molla Constance aUl'ait agi de telle façon; 1) - illl'y
a pas ordonnance de la Faculté à valoir devant cette évocation.
Cependant, en fouillant bien les vieux registres parois­
siaux, on trouverait la preuve que la vénérable matrone
avait, parfois, la main gourde, les doigts ... .. peu aseptiques.
Les enfants baptisés à la maison à cause de Lw/' infirmité,
les femmes inhumées avec leurs enfants nouveau-nés, le mot
obiit en marge de mutiples actes de naissance viendraient
témoigner contre elle. Mais qu'est-ce cela auprès de la recon­
naissance et de la vénération des nombreuses génél'alions
qui ont suivi?
Un acte a attÏI'é Ilotl'e attentioil :

-!( Le 29~ juillet t 723 a esté entel'ré le corps de Marie­
« Claudine Guilcher morte hier après avoir reçu l'exLrême­
« onction âgée d'environ vingt et six ans et un enfant quon
« ltty a esté prend/"e ap1'ès sa mo'/"t et a esté baptisé dans ln
" maison, Ont assisté au convoi Pierre Le Guilcher son
« frère, Michel Porsmoguer, Jacques Coulendre de Plogoff
« et plusieurs aulres qui ne signent »
C'était, très probablement, l'opération césarienne lwst
m01'lem, qui venait de se pratiquel" à l'Isle-Saint, en 1727,
et cela avec le succès que la science médicale constatait
généralement à celle époque: l'enfant vivant, sinon viable,
pas si l'opération a été faile par Molla
L'acte n'indique
il n'y aUl'ait qu'à l'en féliciter.
Coustance. Mais si cela était,
Quoiqu'il en soit, la digne matrone devait, à messire
Joachim-René Le Gallo, tailler une l'Ude besogne,
Les malades à assister, les femmes à administrer, c'était
là le moindl'e de sa tâche,
Mais chaCJue mère qui décédait laissait des enfants mineura
dont il fallait sauvegCll'der les intérêts,
Là, où le plus fort, l'ainé, .faisait la loi, voulant accaparer
l'héritage, l'orphelin et le faible trouvaient, en Joachim-René
Le Gallo, un protecteur érudit, zélé et juste, toujours prêt à
dél"endl'e lelll's droits.
Milssire Le Gallo intervenait activement dans les affaires
prononçant en juge, s'érigeant en notaire. Mais
de famille, se
son conseil avait peine, souvent, à se faire suivre,
Les successions les plus importantes consistaient en une
masure indivise, quelques parcelles de terre, parfois un
douai'I'e à Plogoff, SUI' la g1'Q,nde terre, du chef d'anciennes
alliances,
Les meubles de bois étaient objets de luxe qu.e les plus
fortunés seuls étaient à même de posséder.

Comment faire un partage équitable de si pcu, quand il y
avait en présence trois successions en ligne directe et des
collatérales presque à l'infini,
Lorsque le conjoint survivanl était cie la grande tcrre, la
liquidation était des plus simples: il quillaiL l'ile, abiln-
donnant tout.
C'est ainsi que Marie Hurvoaz, l'ouve de défunt ·Jean
Canlé, comparaissant devant messil'e Joachim-René Le ·Gallo,
faisant les fonctions cnriales, déclarait devant témoins, dont
l'un, Barthélemy Canté, issu d'un Pl'emier mariage de Jean
Canté avec Marie Monier, « l'enoncel' il son maris et se
a l'etirer sans rien garder n)' p,'étendJ'e sUI'les biens mellhles
« et immeubles de la succession se l'etirant il la grande tcrre
(( chez son père les mains vuicle. »
Joachim-René Le Gallo ne fait aucunc mentioll des doux
enfanls de Marie UI'I'ois, âgés l'un de cinq ans, 1':llItl'O de
trois. C'est que les biens devaient pl'ovcnil' de :.\Iarie MOlliel'_
la première femme de Jean Canlé.
Cet acle est ins'wit, pal' messire Le Gallo, sUl'les l'egisll'es
des décès, il la clale du 24 may t 720_ Le 2 juilleL sllivant,
Barlhélemy Canté, en posscssion incontestée de la succession,
épousait Marie Gouzac'h, de Plogofl'.
Mais, lorsque tons les hél'itiel's élaient lsliens, c ·était bien
autl'e chose,
II fallait meltre d'accord tous les intél'êts opposés qui
faisaient valoir leurs dl'oits, souvent le couteau à la main,
Messire Le Gallo convoquait, au pl'esbytère_ t.ons les
intél'essés . Mais, pOUl' cela, que de démal'ches ét de difl1cultés !
II fallait mettre en présenee les uns qui devaient l'eslitucl',
lcs autres qui, li leur tOUl', l'éclamaient. la grosso pal't, Lous
s'étant voué une haine élel'I1elle qui se tl'adllisait, par des
insultes et des coups à chaque rencontre,
LOI'squ'il avait, enfin, pU les réuniJ' elles ealmer , il al'l'èlait
les droits de chacun et, l'argent mis SUI' la table, faisait les

parts: de tout quoi, il dressait acte, Il pOUl' cntrcteni?' ct
Il nourrir paix' cnt?'e lcs farnUles. ))
La sollicitude de Joachim-René Le Gallo se pOl'la surloul
sur les lIél'os de la Swm qui apPol'taienl à l'arrangement de
leurs aITail'es de famille la même âpr0lé qu'au pillage du
naVire,
Nous allons les retrouvel' en scène,
VII.
Le vieux Pol Monier, pèl'e d'aull'e Pol Monier, di!. Le Coq,
celui-ci, le pl'inci pa 1 pl'omoteu r du pillage de la Sm 'a" éla it mort
au mois d'oclobre 1718, laissant des enfants d'un 1)I'emiel'lit.
Sa seconde femme, Jane Timeur, avait aussi des enfants
d'un premier mal'iage avec Noël Guilcher.
Il y avait donc à l'èglel' : la succession de Pol Monier, eelle
de Noël Guilchel' et la commllnàuté entl'e Pol MOltiel' et
Jane Timeul'.
L'avoil' de Pol Moniel' était impol'tant mais indivisible.
Jane Timeul' avait aussi un 1)I'opre, en Plogoff,leqllel avait
élé vendu par Pol Moniel', son second mal'i.
Auclln accord n'était intervenu, malgré le décè;; de
plusieurs des enfants qui laissaient aussi de nombreux
Il1l1leurs,
Le décès de 1'0\ Moniel' Le Coq, SUl'venu en 1730,
uécessilait une liquidat.ion générale.
Le;; héritiel's de Pol Monier, {Il 'l1iCIU: avaient promis à
leul' belle-mère, Jane Timellr. de la défrayel' du propre
vendu li Plogoff et de l'églel' son douaire. Mais rien n'avait
élé fait; les l'evendications des uns, la lenacité des autres
rendaient même impossihle loute enlenle,
Le 20 décembl'e 1732, messire Le Gallo réunit au pres­
bytère, les pl'incipunx intéressés, pal'mi lesquels, Piene
Guilcher, fils de ladile Jane Timeul', l'un des plus al'dents

au pillage de la Sa/ra, et Henry Timeur, a père et tuteur
naturel JI de son fils Henry issu de son mariage avec Marie­
Claudine Guilcher dont nous avons repl'oduit l'acte de décès,
Les parties en présence, le partage est arrêté:
-« Pierre Couillandre, époux de Marie Monier, gardera
« la maison principale, moyennant 105 livl'es. Aussitôt il
« dépose sur la table la somme de nonant~ et neuf livres,
c( faisant la part de ses co-héritiers.
« Le douaire est estimé 30 livres, dont un acompte de
6 livres est versé à Jane Timeur, le reste, 24 livres, devant
être payé dans la quinzaine. n
Messire Le Gallo rédigeait l'acte lorsque Pierre Guilcher
enlève de (one la somme de 105 livres « de quoy, - éCl'it
mélancoliquement le recteur, il rendra compte. »
Les enfants de Pol Monier, le vienx, et de sa première
femme se montrèrent plus conciliants que les fils de Jane
Timeur.
Trois jours après ce premier règlement, le 23 décembre
1732, Joachim-H.ené Le Gallo les l'éunissail, à leur tour, au
presbytère .
il faisait rendr'e à la succession la somme de 12 livres,
due à Pol Monier en vel'tu d'un contrat d'échange du 6 dé­
cembre 1690, et procéd,?it incidemment au partage des
immeubles cédés par cet échange:
a La maison délabrée dont le pignon regarde de l'ouest
a sur le pignon du presbytèl'e demeurera à perpétui té à
a Catherine Le Guilcher (la veuve de Noël Spi nec) et à
a ses hoirs;
« L'air l'egardant SUI' le port du côté midi demeUl'era
« indivis entre Henry le Timeur et Maurice Le Guilcher »
Nous croyons que cette maison existe encore. Ma is elle est
appelée à disparaître si M. le Maire donne suite à son projet
de l'abattre pour y faire passer, nous a-t-il confié, «uu
• vaste boulevard, aSS8Z large pour qu'on y puisse traîner
:,. une charrette à bras. »

Les immeubles laissés par Pol Monier, l'ancien consis­
taient en une maison d'habitation, portant gravé sur la pierre
le nom du propriétaire: Honorablc Polllfonie?', et un vaste
bâtiment appelé : ar vagasin, Ils dOllnaient sllr un quai
désigné aussi sous le même nom: od m' vagasin.
C'est là que se passait toute la vie commerciale de l'île,
Isliens appol'taient an magasin le pl'oduit de leur pêche
Les
qu'ils échangeaient contre les objets nécessaires à leuI'
industl'ie et à leurs besoins. Là aussi se recélaient les épaves.
Mont d'an t1'aon, c'était l'expression consacrée pour dire:
Aller aux achats. C'est la même qui sert encore aujourd'hui
pour dire: Allc?' au caba7'et; et chaque Islien la répète fort
souvent dans une journée.
A côté se trouvait une roche plate, sorte d'lIot sur lequel
sc réunissaient les oisifs; cet endroit était désigné sous le
nom de : puu,l al laou, la nwrc anx po'Ux. Aujourd'hui,
transformé en un large quai, il n'a rien perdu de sa desti­
nation premièl'e. On peut y voir de nomb,'eux Isliens se
chauffer au soleil, tl'ois jours de rang, en été, pour fêter le
dimanche, quand la pèche donne, et sept jolll's en hiver,
quand tout chôme, trouvant encore la semaine trop cOUl'le
quand ils n'ont pu épuiser les cl'édits qu'ils ont dans les
cabal'el,s
Dans le partage fait pal' messire Le Gallo: le 2B décembre
1732, le quart du maga-5in fut estimé 52 livres 10 sols, et
l'immeuble rest.a indivis entre le gendre de Pol Monier,
I-Iel'vé Menou, et ses petits-fils, les minwrs de Jean Monier:
les (ll'oits de ces derniers parfaitement définis et sauvegardés
pal' le recteul'. La somme de 52 livres 10 sols fut remise à
François Monier, et il sa belle-sœur, la venve de Pol Monier
Le Coq. .
Le règlement de la succession de Pol Monier lc lJicu,'C fut
enfin termillée le 7 janviel' 1733. A celte date, une quittance
de 2,4 livres pOl'te payement de la terre de Plogoff et du

douaire de Jane TimeuI', ainsi qu'il était convenu clans l'acle
du 20 décembre précédent. Mais messil'e Le (~allo, pOUl'
évi ter de nouvelles violences de Pierl'e Le Guilcher, a eu
bien soin de fail'e assister au payement tous les enfants,
gendres et petits-enfants de Jane Timeul'.
Cependant Joachim-René Le Gallo ne perdait pas de vue
les 105 livl'es enlevés pal' Piel're Le Guilcher.
Jane Timeur; la veuve de Pol Monier, ("ancien ayant été
inhumée le 6 novembre 1733, messire Le Gallo appelait au
presbytère ses héritiers et, le 22 janviel' suivant, consignait
cet acte sur le registre des décès:
- « Le 22janvier 1734. ont estez présents Piel'I'e Guilchel',
« Henl'y Timeur pèl'e et gardè natul'el de Henry Timeur de
(t son mariage avec Mal'ie Claudine Le Guilcher, Michel
« Porsmoguel' époux de Catherine Le Guilchel', Marguerite
~ I\Ienou tutl'ice de ses enfants de son mariage avec defT.
" Noël Le Guilcher lesquels pOUl' entl'el,enir enll'e cu,,!; la, paü~
« et l'1lnion out amiablement partagez la succession mobilière
« de défunte Jane Timelll' leul' mère et SOllt convenus que ce
« foUI' dit fU!l1"n an tJoule reslel'a indivis entre led. PielTe
« Guilcher et les enfants mineurs de Noël Le Gllilcher' qui
(t out rait raison en notl'c pl'ésence aux autl'es cohél'itiers
(t en argent scavoil' la sorne de 60 livl'es qui a esté pal'lagée
« entre tous esgalement et en mesme temps Henry Timeul' a
« convenu avoil' reçu pOUl' son mineur la some de [15 livl'es
« pour la part de meuble et de la mai son à four susdit.e au
« moyen de quoy ils se trouvenl quitte les uns enve l's les
« autres pOUl' avoil' pl'écompté ensemble et auoir fait rendre
« misonà Pierre Le (Tnilchcl' de l' admi nislra tian des somcs pa l'
• luy touchées pour sa mère dont entièrement ses colté l'itiers
« le quittent sans aucune résel'valion de part ny dautre au
« presbytère de l'isle sains ledit jouI'. »
(La maison de la venue de l'Ile-de-Sein, Anna 'l'hymeuI',
célèbre par le tableau du peintre Henouf, est bâtie sur l'em­
plaeement de fourn an téoule).

VIII.
Tel est le dCl'nier acle que nous ayons ll'ouvé porlant la
de messil'e Joachim-Hené Le Gallo.
signat.ul'e
A celle époque, i73 l, il devint l'ecleUl' de Pl'imelin où
nons le voyons donner, au nom du vénél'é saint qui présel've
de la l'age, la nouvelle orthogl'aphe: J'llgen, qui depuis est
la plus usitée.
Mais il ne perdait pas de vue son islc sains où il avait si bien
introduit l'esprit de concorde, de justice et de protection du
fa ible
Sept ans apl'è8, le 16 aVI·il 1741, ill'etoul'nait à l'Ile pOUl'
célébl'el' le mal'iage de David Porsmoguer' avec Bergitte
Foucot. Il se l'etl'ouvait là parmi ses anciennes connaissances
de la Sam, les derniers pillards cités dans le l'apport de
Pierre de l'Abbaye, l'eprésentant de l'Amirauté. Nous ne
pouvons affirmer si le fricot de 1I0ce a été fait dans la
marm ite de fer dérobée pal' le nouveau mar ié il bord de la
Sm'a; mais nous sommes cel'tain que ses deux sœurs,
Anne el Marguel'ite, y assistaient el que, si étaient personnes de l'orce el violentes, elles étaient. il
cette époque d'excellentes' mères de famille . '
Depuis longtemps Joachim-Hené Le Gallo avait fait la
paix entl'e tous ces personnages. Le 27 mal's 1733, Pierre
POl'smoguer mourait Au mois·d'aolÎt suivant sem fils David
tenait SUI' les fonts baptismaux, avec Anne-Louise de
l'Abbaye, une fille, Anastasie Chouard. Sa venue dans l'île,
pour ce mariage, indiquait que le drame de la SO!ra était
entièrement oublié.
L'acte de mal'jage porte que noble et discret messi're
Joachim·René Le Gallo était recleul' de Plovan (?) et de
Primelin et doyen du Cap-Sizun,
Son écriture toute tremblée montl'e que ses épaules
commençaient à sentil' le poids des années,

Mais il retrouva toute gaillarde Molla Coustance, qui
continuait dignement son ofllce de matrone . En effet, un
mois auparavant, elle avait été obligée de baptiser à la maison
le nouveau· né Guénolé Choual't pœ/' ce qtl'il était en danger
de mo?'t.
Messire Le Gallo mourut recteur de Primelin, âgé de 73
. ans . Il fut inhumé dans le cimetière de cette paroisse le 23
février 1753, et le seigneur du Ménez-Lézurec assista à SOli
convoI,
Le souvenir de Michel-René Le Gallo a dispal'll de l'He­
de-Sein. Cependant l'on entend parfois les enfants chanter
cette mélopée:
« Joachin a so bed conjured,
« Laked en eur votez,
« Ac kased d'an Ifliskou,
« Da ober he binijen . ))

- « Joachim a été conjuré, mis dans un sabot, et trans­
« porté sur la roche Ifliscou, pour y faire sa pén itence. J)
Une superstition du Cap-Sizun et de l'lle-de-Sein veut que
toute personne qui a joué, sur terre, un rôle éminent, doive
être, après sa mort, l'objet d'une conjuration.
Joachim-René Le Gallo, dont l'influence sur les mœurs
des Isliens a été si marquée, a subi, dans la croyance locale,
cette loi commune de la superstition.
Aussi, lorsqu'on voit, sur une pointe de rocher, un cormo-
ran noir étendre ses ailes au vent, on dit: «C'est
.. Joachim qui apparaît! Un malheur est proche 1 ))
Les Isliens, autrefois, à la vue de Joachim-René Le Gallo
accourant avec son bonnet rouge sur le lieu d'un naufl'age,
devaient s'écrier de même: « Voilà Joachim! Malheur à
(l nous! Il va faire cesser le pillage 1 •

Mais si le nom a déserté les mémuires. l'œuvre de Michel-
Hené Le Gallo a survécu. Ses successeurs ont continué ses
traditions.
En tous temps, en toutes circonstances, les Isliens t/'ou­
près d'eux protection, conseil, assistance. L'union
vè/'ent
étroite entre les familles et la solidarité entre tous les habi­
tants en furent le résultat.
Mais un reste de sauvagerie ne pût être réformé, c'est la
haine, ou la cl'ainte de l'étranger (1).
siècles précédents, l'isolement de l'île amenait dans
A ux
ses eaux les navires de toules les puissances, amis et
ennemis. Comment n 'êtJ'e pas continuellement en éveil,
toujours SUI' ses gardes, quand on ne savait qui allait aborder!
Les tempêtes jetaient aussi sur ces côtes de noml)/'eux
naufragés. Oll ne les tuait plus. On les traitait même bien
durant leur séjour. Mais qu'on avait hMe de les renvoyer,
car c'était un su/'croit de bouches à noul'I'ir, là où les vivres
étaient l'ares et manquaient même souvent!
De là cette méfiance contilluelle envers les étrangers; elle
était poussée à l'excès, si bien que les Isliens se tenaient à
l'écart de la main qui se levait pour les frapper, comme de
celle qui se tendait pour les secou/'ir. Le duc d'Aiguillon en
eut la preuve lorsque, s 'apitoyant sur leUl' sort, il voulut les
transporter sur la g'l'ande terre, oil il leur aurait donné à
souhait, argent, vêtements et nourriture:
Un dicton a conservé le souvenir de son oITre généreuse:
Les hommes devaient recevoir:
(1) Cet état a\'ait sa raison d'être, lorsque l'Ile de Sein, isolée, n'avait
d'autre loi, d'aulre commandement que ceux des Capitaines de l'Ile. Mais
Il a continué, même, au XIX' siècle. Les magistrats municipaux ont perpétué
leurs traditions, bien que les conditions d'exislence, de sécurilé, d'organi­
sation Cussent tout autres.

cc Tri skoed en argant ac eur bragou treUez ;
cc Diou vech potaj ac bar a banez ; »
a Trois écus en argent et une culotte de toile,
• Deux fois de la soupe (à chaque repas) l'écuelle
« comble de panais, •
Les femmes n'étaient pas oubliées; en plus de cette savou­
reuse soupe aux panais, elles avaient:
cc Eur strink-Ierou
« Ac trafic e cailhenou »
« U ne pa ire de bas et li n trafic de vieilles hal'des. D
Quelques-uns exagérèrent même les délices qui les
attendaient:
« Va f'oëta-d'eon,
1 Ma ne ked mad panez fl'ited evid-eoll! n
cc Qu'on me fouette, si je n'accepte pas des panais frits! »
Ces panais, fl'its au beune nouvellement bal'allé et sel'vis
avec une épaisse couche de cl'ême,.qui faisaient les dt\lices de
tout le Cap avant la découverte de la pomme de tel'l'e !
Quelques Isliens tentés par de si bonnes choses quittèrent
leur île.
Mais leul' méfiance innée envel's tout ce qui est étranger
les suivit. Bientôt la nostalgie de leurs rochers s'empara
d'eux et ils retournèrent pal'mi leurs anciens compagnons,
Aujourd'hui les conditions de l'existence ont changé à
l'lle-de-Sein, L'épave n'est plus nécessaire, Le commerce y
fait abonder l'argent. Les relations avec le continent SORt
journalières et relativement faciles,
entreprend de longs et fréquents voyages sur la
L'I1ien
grande tC1'/'e, même avec luxe j il n'est pas rare de voir les
!liennes, quand elles prennent le chemin de fer pOUl' aile .. à

Pont-Croix, à la foire aux provisions d'hiver, enserrer ieurs
tickets de six sous dans d'élégants porte-cartes en cuir de
méfianGe instinctive envers l'étranger,que
Russie. Mais cette
Le Gallo et ses successeurs n'ont pu vaincre,
Joachim-René
persisté: et dans maintes circonstances, comme au temps
Timeo Danaos a été la seule raison et
du duc d'Aiguillon, le
donne l'explication des relations actuelles de l'Ile-de-Sein
avec le continent.
H. LE CARGUET.
Audierne, 24 Décembre 1901.