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Bulletin SAF 1901


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Notes sur Fréron et ses cousins Royou (4ème article)

J. Trévédy

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NOTES SUR FRÉRON & SES COUSINS ROYOU (suite) (1)

La vetwe Fl'éJ'on, Stanislas el Thérèse Frél'on,
Mmo Fréron n'avait que vingt-huit ans : elle aecepta la
tâche de Sil ppléer son mari et se fi t la mère de Stanislas et
de Thérèse. C'est pourquoi elle l'esta à Paris; mais elle quitta
la maison trop dorée de la rue de Seine el alla demeurer au
- faubourg Saint-Germain (2).
Fréron mort, l'Annéc littérai7'c et sa mémoire survivaient.
En vain, Linguet, le pamphlétaire, avait demandé (l le respect
pour la tombe de Fréron )); la guelTe allait continuer; et des
obligés de Fréron, comme par exemple Palissot, allaient se
mettre de la partie.
Stanislas avait vingt-deux ans et était encore au collège
Louis-Le-Grand ; pourtant il entreprit de ,répondre aux
outrages prodigués à son père et à son œuvre. Quelques-uns
lui ' vinrent en aide. L'Espion anglais écrivait: II Cet aris­
tarque si redoutable que ses ennemis désignaient des qualifi­
cations les plus odieuses était l'homme le plus doux dans la
société )) (3). Stanislas publiait une lettre de La Harpe

(1) Bull. laoo, p. 178 à 196,220 à 241,307 il 327.
(2) Partage du 16 avril 1788 de la succession du curé de Trébr'il'an : il y
en eul un autre du 20 février 1789.
(3) L'Espion allylais. IV, p. 276-2ïï. Le Brun avail publié conlre Fréron
• un libelle atroce. la lVasp/'ie, el l'avait (l'honnête homme !) attribué li
La Harpe. Celui-ci s'en défend dans celle lettre adressée à Stanislas. Année
1776, T. IV, p. 273, '
El pourquoi cette colère du poète pindarique? - Voici: en 1763, il a
écrit une Ode allx Français Sil/' la gue/'/'e ,wésente où se trouve ce l'ers:
Vengez-vous, vengez-vous, daignez être vainquelll's,
Fréron relève ce vers - ridicule: - « Comme si vaincreétail un effort
de complais~nce et de bonté de la part de nos guerriers! Daignez être

écri va nt: « Des personnes pleines de probi té et d'espri t
m'assurent tous les jours que Fréron est un homme très
aimable et très honnête; que son· cœur n'a point de part à ses
démêlés liUéraires.. ... Certaines critiques de Rousseau,
Marmontel et Diderol. sont pleines de goOt et de modération )l.
El. Stanislas, s'emparant de ce jiJgement, croyait pouvoir dire:
« Si on recueillait les suffrages de tous les ennemis de mon
père, sur chacun des articles où ils ne sont pas intéressés,
l'A.nnée littéraire entière se trouverait de leur aveu pleine de
goût et de modération Il.
Dans la correspondance de son père Stanislas trouvait des
armes contre ses courtisans d'autrefois devenus ses ennemis .
Que Palissot décrie l'Année littél'ai'/'e, Stanislas publie un
billet de Palissot antérieur de quelques années sollicitant une
place pour un article. Que Palissot revienne à ses attaques,
Stanislas lui décoche un billet demandant une invitation à
dîner ('1).
Ainsi Stanislas mettait souvent les rieurs de son côté .....
Mais il était contraint .d'apporter quelque réserve dans sa
défense, de peul' qe compromettre le renouvellement du
privilège.
Le 1) juin '1776, le nouveau privilège fut accordé à Mme
Fréron et à Stanislas considéré comme unique héritier. Mais,
peu après, à propos d'une critique un peu vive du jeu d'un
comédien, Stanislas reçut du lieutenant de police « la défense
de signer ses articles )J. Dès lors, se désintéressant de l' ,innée
littéraire, il se lança dans les plaisirs. La direction du journal
passa aux mains de l'abbé Royou, qui allait faire vivre l'Jnnéc
lilléraire pendant quatorze ans, jusqu'en 1790 .
poète: pourrait-on dire à l'auteur ' . - Mais il ajoute :. Il Y a quinze
strophes dans la pièce. Deux me paraissent excellentes. Que je serais
heureux de pouvoir en dire autant des autres ! »
Ecrire ainsi, est ·cc outrepasser les droits de la r:riLique ?
(1) Monselet, p. 1\2.

Mme Fréron perdit son père, comme nous l'avons vu 1'1),
· Je 30 jan\rier 'li85. Après un séjour auprès de sa mère, elle
revint à Paris; et, celle même année, elle maria Thérèse
Fréron. '
Le 26 novembre, Ma Etienne Girard, notaire au Châtelet,
dressa le contrat. Cet acte dit Thérèse (( mineure mais éman­
cipée d'âge (2), et stipulant sous l'autorité et assistance du
siem Jean-Baptiste Duché, bourgeois de Paris, son oncle,
curateur et tuteur)) (3) .
La fiancée n'avait pas de dot, mais seulement «( son mobi­
lier, ses habits, linges et bardes, bijoux, dentelles ..... )) Telle
est la déclaration faite devant les notaires qui n'en peuvent
écrire davantage; mais Thérèse apportait à son mari une
extrême beauté et des qualités de cœur et d'esprit dignes de
sa beauté.
Le fiancé était un brillant officier, Jean François, marquis
de La Poype. 11 avait vingt-sept ans (4). Il allait fournir une
longue CArrière. Général de division ft trente·cinq ans, il
devait, seul peut-ôtre, gardel' ce grade pendant cinqLiante-huit
ans (5). Nous parlerons bientôt de M. et Mme de La Poype .
Après ce mariage, Mme Fréron l'esta à Paris. Plusieurs
motifs l'y retenaient. Elle avait une part dans la propriété
de l'Année lilléra.i1·e. Elle allait voir arriver à Paris, en 178ï
ou 1788, son frère Claude abandonnant sa charge de procureur
· fiscal à Pont-l'Abbé. Son ainée de dix années, peut-être
espérait-elle le protéger contre l'influence de Stanisl3s ?
(1) Ci·dessus, Bulletin I!lOO, p. 312.

(2) ..... mineure seulement au point de vue du mariage; née le 10 avril
1iLil ; elle avait vingt-quatre ans accomplis.
(3) L'ancien ad versuir6 de Fréron, son b~au-frère. Ci· dessus, bulletin
1900, p. 233 et suivantes.
(4) Bapt. du 31 mai 1io8 il Sainte-CI'oix de Lyon.
(.'i) l\Ionselet : • un onlcier général du nom de La Poype. D p. 124.. .. ct
il n'cn sail ricn de plus!

Mme Fréron continuait à s'occuper avec Thomas de l'Année
lilléraire; et il en fut ainsi jusqu'au jour où Thomas, fondant
l'Ami dit lloi,appela à lui son frère Jacques.
Bien que Mme Fréron n'eût aucun intérêt dans le. nouveau
journal, il semble qu'elle n'y était pas étrangère, et elle allait
bientôt porter la peine de celte imprudence (1).
Un peu après, entrainé par ses condisciples Camille
Desmoulins et Robespierre, Stanislas se séparait de sa
belle-mère et de ses oncles, et fondait l'Orateur dit Peuple
qui allait rivaliser de violence avec l'Ami du Pcuple, de
Marat. Presque au début il demandait un des premiers la
mort de Louis XVI (2).
Le 22 juin -1791, les presses de l'Ami du /loi étaient brisées.
Le journal suspendu pour quelques jours reparut bientôt. Le
mois suivant, l'abbé Royou menacé d'arrestation échappait
aux recherches (3). Pre$que en même temps Stanislas était
arrêté pour ses déclamations anarchiques (22 juillet) (4), et
Mme Fréron était déposée à l'abbaye en punition de son zèle
royaliste (5).
Enfin, le 4 mai 1792, l'A.mi dn Hoi fut supprimé et Thomas

(1) Un débat s'étant élevé en 17!JU sur la propriété de l'Ami dit Roi,
M~· ·Fréron intervint par une lettre publique. - Le Jl[ollitew', (ort opposé
il l'Ami dIt Roi, écrit à ce propos (n" 246, p. 1018 :
, Une contestation s'est élevée entre 1\1=' Fréron et le libraire Crapard
SUI' la propriété de l'Ami du Roi et de la l'b·ite. l\lm. Fréron assure que
son frère, l'abbé Royou, est le seul et véritable continuateur de M. Fréron.
Du 18 juin au 16 août, il a (ourni tous les articles de l'Assemblée nationalc. .
des libraires donne beaucoup d'humeur à M'" Fréron.
- Cette usurpation
Elle l'a consignée (son humeur) dans une lettrc imprimée qu'elle a adressée
aux anciens souscripteurs du journal J.
(2) Dès le commencement de li91, d'après ses allirmalions dans ·son
vote de mort contre Louis XVI.
(3) Moniteur - li91, n° 205, p. 845.
(4) lItonsclet, p. 118. Il (aut lire les folles protestations de Fréron contre
son arrestation.
(5) lIlonselet a cité l'ordre d'écrou du 13 juillet 1791 (p. 119).

Royou décrété d'accusation. Caché chez un ami, il allait y
mourir, le 21 juin.
Le 10 aoüt, les Tuileries furent envahies; Fréron prit part
à celle orgie sanglante qu'on a osé célébrer comme une fêle (1);
et il rappellera ce souvenir en votant la mort de Louis XVI.
Le 13 novembre il écrira: « Citoyens, ayez les yeux sur le
Temple, sur ce lieu qui renferme le chef des conjurés, SUI' ce
monstre qui s'est si délicieusement abreuvé de notre sang!
Au nom de la Patrie, point de grâce pour cet homme atroce,
voué au crime par état et par senliment ; et exercez une utile
et impérieuse surveillance sur ce repaire infernal » (2).
C'est à rendre Marat jaloux! Et avant de lire ces lignes
odieuses, signées du nom que son mari lui avait laissé, Mme
Fréron avait vu son' frère Claude, lancé dans les clubs pal'
Stanislas, abandonnant le nom respecté de son père, devenu
sous le nom de Guermelll' l'ami de Marat, et jugé digne de
faire partie de ce terrible comite d'exécution qui va remplir
les prisons de Paris et qui pour les « nelloyer" va organiser
le massacre des prisonniers.
Quelques jours après, pendant que G uermeUl', messager de
Danton, allait révolutionner le Finistère, Stanislas entrait à
la Convention comme député de Paris.
(1) Inlluguration du ll10nument de la ntléra/ioll ;\ Pontivy. Un poète
montre Ics Fé(/é,.é.~
Tombant sous la mitraille au dix aoùt, jour de tète,
Lorsque Paris, bl'ctons ct mlll'scillais en tête,
Prenait d'ussaut l'antre des l'ois .... ,
cr. JOllrnal de POlltivlI . '!t! octobre 189.t, et Les clellx Federations de
Pontivy, par J. Trél'édy. (II!!),)).
(1) Courrlel' universel, p. -:ln. - lIibl. Mst. et cl'itique {1'I:lIcaise, liai' C. llalill.
périodique
Fréron tenait apparcllllllent à [aire oublier la faveur que la Cour avait
nccordèe il ~on père cl l'accueil que lui faisait il lui-même son parrain le
l'oi Stanislas!

Quelques mois plus tard, il votera la mort du Roi, sans
appel ni sursis, et dans des termes atroces (1).
Au mois de sepLembre'1793, il était avec Barras député à l'ar-
mée qui,sous les ordresde Dugom mier,assiégeai t Tou Ion, et dans
laquelle son beau·frère de La Poype, devenu adjudant général,
commandait une division. Mme de La Poype était enfermée
dans Toulon avec sa fille, Agathe, dite Fanny, âgée de cinq
ans; et elle allait devenir mère peu après.
A ce propos, Fréron annonçant à Camille Desmoulins une
attaque générale écrivait (2) : « Ma sœur est toujours dans
ne nous arrêtera pas: si elle périt,
Toulon: cette considération
1I0US donnerons des larmes à sa cendre; mais nous aurons
rendu Toulon à la République... » Monselet cite cette phrase
semble près de pleurer Mme de La Poype et sa fille: « Sta·
nislas vainqueur de Toulon sauva·t·il sa sœur et sa nièce? Il
le faut espérer ; mais les renseignements manquent abso­
lument (3). » Que le lecteur se rassure!
Le 9 septembre, la Convention, informée de la présence de
Mmo de La Poype et de sa fille à Toulon, avait décrété que
« les Anglais prisonniers seraient soigneusement gal'dés
comme otages et répondraien t sur leurs têtes de la conduite
de l'amiral Howe à l'égard des deux représentants du peuple
à Toulon et de la femme du général La Poype (4).
Le 18 du premier mois (vendémiaire) de l'an II (9 octobre
(1) Voici son vote: « Si, après avoir déclaré que Louis est coupable de
haute trahison, vous ne lui appliquez pas la peine portée par la loi, je
demande qu'avant de porter le décret de réclusion l'image de Brutus soit
voilée ct son buste retiré de cette enceinte. J'ai poursuivi le tyran jusque
dans son palais, j'ai demandé sa mort, il y a deux ans, dans des ecrits
imprimés qui m'ont valu les poignards de La Fayette '.
La motion relative au buste de Brutus eut du succès. Un député de
l'Avc~Ton la répéta.
(~) Lettre du 18 septembre: i\Ionselet, p. nu.
(3) Monselet - p. 1'27.
(4) Monitew' - An \", n°s 353, p. 1075. Absurdité! Est-ce que Mm. Ln
Poype avait rien à craindre que des boulets partis des lignes françaises. ?

-1793) il fut donné lecture à la tribune de la Con\'ention d'un
• (\ avis du icI' octobre, écrit au crayon par le général La Poype
sur le dos d'un assignat de dix livres, annonçant la prise du
fort de Pharan ('1) )).
La Convention applaudit ce pl'emier succès; mais aux Jaco-
bins il n'en va pas de même. Les Jacobins n'aimaient pas
les généraux victorieux; pal' un prr.ssentiment prophétique,
ils en avaient peur.
Le W novembre, l'odieux Hébert dénonçait Fréron et La
Poype aux Jacobins: (( Fréron, disait-il, avait perdu son
estime (l'estime de Hébert Il. Ce n'était plus qu'un aristocrate
un muscadin. Quant au général La Poype, il a fait le
plus grand mal sous tous les rapports. . .... C'est un ci­
devant marquis. Bien que beau-frère d'un conventionnel, il
devrait être soumis à la loi qui exclut les nobles de l'armée (2).
On le met en évidence pour lui attribuer l'honneur du
succès. Il Hébert conclut en disant: (( Il existe une intrigue
pour mettre La Poype à la tète de l'armée (3) Il.
Hohespiel'I'ù JéI'endit La Poype et bien lui en prit.
Le 23 décembre (2 nivôse an II) La Poype entrant vainqueur
à Toulon y retrouvait sa femme et sa fille.
Le lendemain, avant de connaitre sa victoire, la Convention
avait ordonné d'atroces mesures contre Toulon qui perdait'
son nom pOUl' devenir le Port de la, Afontagne (4).
Fréron estimant ces vengeances insuffisantes et trouvant
que la guillotine n'avait pas assez vite raison des habitants de
Toulon imagina les mitraillades; et, malgré les généreuses
(1) MOlli/eul' - An Il (1793), n" ~o, p. 8t.
('1) Je ne trouve sur ce point qu'un décl'et postérieur (15 thermidor an li,
'2 août (7!H). On prétendit l'appliquer à Ln Tour d'Auvergne-Conet, quP­
le nom de La Toul' d'Auvergne n'avait pas faIt noble.
, (3) MOllilem' - An Il, Il novembre, n' 51, p. 205. - L'article 110 de
la Constitution du 24 juin 1793 avait déclare qu'il n'y aurait pas de génO­
ralissime.
(~) Décret du 4 nivôse an Il p5-décembre) - Duvergier, VI, p. 439.

résistances des généraux, envoya par centaines les citoyens à
la mort. Hébert a dû lui rendre son estime.
La nouvelle de la victoire et des mitraillades parvint en
même temps à Paris. Dans la séance du 28 décembre '1793
(8 nivôse), Barras, Fréron et La Poype furent représentés aux
Jacobins comme les saûveurs du, .r)[idi. Ils ne l'étaient pas au
même titre! Un député, nommé Levasseur, courtisan de
Marat, s'écrie que Marat a une part dans la prise de Toulon:
c'est lui qui a fait placer Dugommier à la tête de l'armée;
un autre renchérissant réclame une part dans le succès pour
Robespierre qui a défendus les sauvew's dn /rlidi (1).
Deux mois après, La Poype était dénoncé de nouveau et
celle fois à la Convention. Le 7 ventôse an II, 25 février 1794,(2)
le député Granet dit: (( Mon frère m'a écrit que le représen­
tant Maignet (3) a été sollicité par le ci-devant noble La Poype
de rétablir les bastilles de Marseille. Autant vaudrait proposel'
de reconstruire la Bastille de Paris )). Granet est un homme
qu'on écoute: en votant la mort du Roi il a demandé l'exécu­
tion dans les vingt-quatre heures.
La Convention entre en fureur et mande le général à la
barre. Il comparait le 15 mars 1794 (26 ventôse an II). Granet
et son frère n'ont rien compris! Des lettres de Maignet
démentent d'une manière absolue l'intervention de La Poype
en celle affaire. C'est le général Bonaparte qui a demandé de,
réparer le fort Saint·Nicolas à Marseille (4) .
(1) Moniteur - An II, 13 nivôse (2 janvier 1794). n' 103, p.413.
(2) Alollitell1' - An II, ventôse, février 1794, n' 159, p. 64.1.
(3) ...... Maignet « un des pires gredins de la Révolution, le proconsul
J. M. Brunetière, Le théftl"e de la Révolution dans Nouvelles
d'Avignon
études C/·itiques. (1886) 'l'éd. p. 334.
Maignet est le hé/'os de Bédoin (arr. de Carpentras). Une nuit, l'arbre de
la liberté est coupé. Les habitants ne savent par qui: ils dormaient; leur
sommeil est un crime; plusieurs sont mis à mort. Maignet ordonne que
c après l'exécution les flammes fassent disparaître jusqu'au nom de Bédoin > •
Cinq cents maisons sont brùlées. La Convention approuve Maignel. Séances '
des JO !loréal an Il (19 mai 1794) el 15 frimaire an III (2 mai 17951.
A/oniteu/' 1i94, n' 240, p. 977 et 1795', n' 77, p. 32(;.
(4) ... Non pour menacer mais pour défendre la ville contre des attaques
venan l du dehors.

Innocent.é du crime qui lui était si follement l'eproché,
La Poype est invité aux honneurs de la séance ('I).

Quelques mois après, Stanislas est le muscadin, l'aristocrate
que Hébert prophétisait un an d'avance. Il est le chef des
muscadins qui forment une al'istocralie républicaine, la jeu-
nesse (lO'l'l!c . A ce titre, il ne sera pas réélu à la Convention.
Après la victoire de la Convention sur les sections (t3 ven­
démiaire an IV, 25 octobre 1795) et l'établissement du Direc-
toini, Fréron, grâce sans doute à Barras, son ancien complice
de Toulon, fut envoyé dans le Midi. .
Les temps étaient ehangés, la Convention rougissait des
crimes qu'elle avait tolérés, approuvés, glorifiés; Fréron aussi
était autre. Cr!lel en '1793, il était modé'ré en '1795. Quelques­
uns semblèrent oublier les mitraillades ou les pardonnèrent.
La famille Bonaparte fut du nombre de ces indulgents (2).
Fréron avait passé la quarantaine. Quelle surprise que de
le v(lir charmel' Pauline Bonaparte qui n'a pas seize ans, et de
voir sa mère consentir à leur union! Les aînés de la famille,
Joseph et Lucien, voient 'déjà en Fréron leur beau-frère (3).
Dès le 24 mars 1706, Fréron comptait que son mariage se
ferait en quatre ou cinq jours. Dans une lettre où il le tutoie,
il priait son u chel' (Napoléon) Bonapal'te )) d'intervenil' en sa
faveur (4). A ce moment mème, le jeune général en chef de
l'armée d'Italie entamait la série des victoires de Montenotte,
Millesimo, Lodi, Castiglione, Arcole .
(1) Moniteu1' - An li, ventôse,mars 1794.
('2) • Il se comporta a\'cc' une modcration dont on ne lui a pas assez tenu
compte .... " - Monsclet p. 130. - Quoi! Pal' cc qu'il s'est abstenu de
violences inutiles ct que le gouvcl'Oement n'eùt pas approuvées, cn 179.j, il
fallait, pOUl' être juste, oublier les cruautés de \ï93 !
(3) Lucien écrivait à Fréron: • Ton caractère, ton cœur, la supériorité
de tes talents t'ont concilié il jamais mon estimc ct mon amitié » .
(4) Lettre de Fréron il Napoléon Bonaparte . - MOllselet, p. 130-13!.
BULLETIN ARCHÉOL. DU 1I1~lsTBnE . - Tom; XXYlU (Mémoires). 9

Quelques jours après, ~~réron était rappelé à Paris. Ce brus-
du Directoüe n'était-il pas la réponse du général yic­
que rappel
torieux ?
Le désespoir de Fréron, l'intervention de Lucien, les larmes
Le futur empereur ne voulait pas
de Pauline, tout fut inutile.
sa famille du mill'ailleu'/' de Toulon.
dans
Pauline? ... En 1801, Pauline
Toutétait-illini entre Fréron et
épousa le général Leclerc. La même année, Leclerc nommé
de l'expédition de Saint-Domingue s'embarquait
commandant
sa femme, le -14 décembre 1801, il Brest ('1). Sur le
avec
même vaisseau, l'Ocl:an, montaient Fréron nommé sous-préfet
à Saint-Domingue, son cousin Claude Hoyou dit Guermeur,
et un neveu de celui-ci, Frédéric, fils
l'ancien septembriseur,
de son frère Jacques, sorti de l'école polytechniljue et nommé
de la marine ('2).
sous-ingénieur
On sait le désastre de cette expédition (3). Des cinq que
nous venons de nommer Mme Leclerc et Frédéric Ro\'ou seuls

devaient revoit· la France. -On n'a aucun renseignement sur la
lill de Fréron et de son cousin Guel'meur. 1802 est donné sans
la date de la. mort de Fréroll; s'il a vécu jusqu'ù
preuve pour
la Jin de celle année, il a pu revoir à Saint-Domingue SOli
beau-frère le général La Poype.

Moins indulgents que la famille Bonaparte, le général La
Poype et sa femme ne pardonnèrent pas à Stanislas les mas- .
de Toulon; eL ils avaient cessé avec lui toutes relations.
sacres
Le lI/udéJ'(ffl.lisme du général s'accommodait mal avec la vio­
lence de son beau-frère.
(t) Tbiers. COllsulat. LiHe XIII. - Ils touchèrent à Saint-Domingue, le
20 janvier· ISO·!. Le général Leclerc mourut de la fièvre ja-uDe dès le lIloi~
de nOl'embre suivant.
(:lI M. du Chatelliel' (p. '!(7).
(J) Thiers. CunslIlat. LiYl'c),. VI. :;Ul' JO .OOO français, (j.OUO seulement
Sil 1'\' i 1'11 ien l.

Nous avons vu La Poype innocenté, en mars 1ï94, de la
Colle accusation portée contre lui.
Dix-huit mois plus tard, il allait être condamné sans avoir
été entcndu, II commandait à Lyon; quatre conventionnels y
étaient cn mission, Le général fut accusé pal' eux ({ d'une mol­
lesse qui encourageait la l'ésislance aux autorités )), c'est-à­
dirc aux fantaisies des maitrcs de Lyon, La Convention
donna l'ordre au général de cesser ses fonctions et de prendre
sa retraite. Cet ordre lui parvint le 27 octobre 1795, le lende­
main du jour où la Convention avait tenu sa dernière séance.
La plainte était un prétexte pour éloigner le général de
Lyon; et les plaignants se démentant furent les premiers à
demander sa réintégration. 11 servit tour à tOUt' aux armées
du Bhin et d'Italie; et, le t) juillet H~02, parUt pour Saint­
Domingue. Le 30 novembre -1804, il était fait prisonnier ; il
rentra en France e111806; il fut gouverneur de Wittenberg
(- J813) et de ·Lille (18lti), enfin il fut mis à la retraite le!~sep­
tembre 1810.
Mm" de la Poype mourut, le 30 décembre 1834, au château
de Ferrière (Isère). Ses descendants gardent d'elle un portrait
peint par le célèbre Appiani qui la montre sous les traits les
plus séduisants; et, ce qui vaut mieux encore, ils vénèrent le
souvenir de ses vertus chrétiennes et de sa bonté. Le général
plus de seize ans, jusqu'au 22 janvier 1851. Il mOUl'llt
survécut
aussi au château de Fel'l'ière. II était dans sa quatre-vingt­
treizième année; et depuis cinquante-sept ans il avait le titre
de général de division.
M. et Mmo de la Poype avaient eu plusieurs enfants. La plu­
part moururent en bas âge et deux seulement survécurent.
né à Marseille, le 6 février 1i94, brillant oflicier
Eugène,
de cavalerie,chevalier de la Légion d'honneur, aide-de-camp du
duc de Mortemart, mourut à vingt-trois ans, le 13 décembre
1817, des suites de blessures reçues en 1813.
Sa sœur Agathe, dite Fanny, que nous avons vue enfermée

dans Toulon avec sa mère en 1793, était née à Versailles le
19 juillet -1788. Elle fut mariée à Jacques-Christian Paulze
d'Ivoy, né à Paris, le 6 février 1788 [dont le père avait
été anobli par lettres du 13 décembre 1ïi5], depuis conseiller
de France. Il est mort à Courtiras, près
d'Elal, préfet, pair
Vendôme, le 9 décembre 1856.
De ce mariage deux fils qui ont été: l'un préfet sous l'Em­
de division.
pire, l'autre général
Le nom de la Poype s'était éteint avec le général survivant
à son fils. Prévoyant le cas où la descendance masculine vien­
drait à manquer, deux actes des 11 novembre '1692 et 24 jan­
1756 avaient établi « substitution au profit du fils ainé de
vier
la fille ainée, à la condition de prendre le nom et les armes de
la Poype ». Devenue veuve, Mme Agathe de la Poype témoigna
à ses fils le désir de voir revivre le nom de son père; et un
décret impérial du 1) novembre 1864 autorisa MM. Paulze
d'Ivoy à ajouter à leur nom patronymique le nom de la Poype.
Mme Paulze d'Ivoy est morte à Courtiras, près Vendôme,

Je n'ai .pas voulu scinder ce que j'avais à dire de Stanislas
et de sa sœur; mais il faut revenir à Mme Fréron.
Nous la perdons de vue après juillet 1791 ('1). l\1. du Cha­
tellier seul nous foumit sur les années qui suivent quelques
renseignements. Il a su que, « pour un temps au moins, Mme
Fréron quitta la France et passa en Pologne, où elle fut chargé
à Wilna et à Grodno de l'éducation de deux jeunes filles por­
tant les noms de Radzivill et de Poniatowski (2) ».
(t) Ci-dessus, p. 124.
(2) M. du Chatellier (p. 218) ajoutn : - • Elle ne quitta Grodno et la
Pologne que quand cet héroïque pays fut effacé de la c~rte de l'Europe ct
que ses derniers princes mouraient dans nos rangs. 'l Cette indication
ren\'enait il IS'12-ISt3, sinon Ù 1815, traité de Vienne. - M" Fréron était
en Frdncc auparavant et ne vivait plus à celle dernière date .
rentrée

Nous avons appris d'ailleurs qu'aux premières années du
siècle elle revint à Quimper où sa mère vieillissai t et où demeu·
rait sa jeune sœur Mme Le Moyne. Elle y était sans doute pour
fermer les yeux de sa mère qui mourut âgée de quatre-vingt­
deux ans, le 29 prairial an Xl ('\8 juin 1803).
Du moins résidait-ell!) à Quimper en septembre 1804 (1).
Elle s'y retrouve en octobre '1808 et octobre '1809 (2). Enfin
nous voyons que des relations d'intimité existaient entre
Mme Fréron et Mlle Laënnec, sœur de l'illustre médecin, qui
se dit « sa -reconnaissante amie. » l\'larie-Anlle Laënnec, née
le 16 avril n85, quand Mme Fréron habitait Paris, n'a pu entrer
en relations avec elle qu'à Quimper. Ce n'est pas en un jour
qu'une intimité s'établit entre une très jeune fille et une femme
son ainée de trente-huit ans (3). De cette intimité nous pouvons
conclure le séjour prolongé de Mme Fréron à Quimper; el ces
(1) Lettre (que nous donnerons plus loin) à elle adressée il. Quimper, le
1" vendémiaire on XIII (23 septembre 1804).
('2) Deux reçus signés par elle de la rente que lui payait son !rère Jacques
en vertu du règlement de la succession maternelle.
(3) Marie-Anne Laënnec était dans sa seconde année quand sa mère,
Michelle Guesdon de Clécunan, mr.Ul'llt, le 1 ~ nOl'embre 1786. Théophile
Laënnec, son père, se remaria ncu! ans plus tard: le 3 lévrier 1795, il
épousa Geneviève Url'oy de Saint Eédan, veuye de André Lchec de l{ermo­
rial, émigré mort il. Trèl'e3, le 7 avril 1793. - Après plus d'une traverse,
Laënnec devint conseiller de préfecture à Quimper en 180G .
C'est yerscettcépoqueque MID'Ii'réron a pu Nreen rclalionsavec M"'Laënner:
lui a-t-elle continué les leçons données autre!ois en Pologne; et
peut-être
ainsi s'expliquent les scnliments dc reconnaissance qu'exprime Mil, Laënnec
sa dédicace du portrait de Fréron: ' présenté il. madame FI'éron née
dans
Royou par son amie reconnaissante Marie-Anne Laënncc .•
On connait le portrait de Fréron dessiné par Charles-Nicolas Cochin, cn
1770. La copie à la plume olTerte pal' Mil, Laënncc est. un pelit cheC­
d·œuITe. » A la mort de Mm' Fréron, ce portrait passa à sa nièce (OUe de
sa sœur aînée) Catherine Calvez, l'euye de Hoyou-Guermeur ; après la mort
de celle-ci (16 juin 1845) et de sa li le Aimée (20 janvier 1858) ilaappar·
tenu à M. Le Moyne, avoué, fils de la plus jeune sœur de MM' Fréron; et
son /ils unique, M. E. · Le !\Joyne, avocat, au manoir de I{ergolvez (Loc­
tudyl le possède aujourd'hui.
Pour plus de détlils cr. Théophile·Marie J.aJnrtec, par J. Trël'{!dy. Sai nI­
Brieuc. 1893.

diverses circonstances autorisent à croire que Mme Fréron,
revenue à Quimper: dès 1803, y passa ses dix dernières ·
années.
Elle y mourut le '29 juin 1814, e l. elle fut inhumée au cime­
tière dit de Sainl-Louis .. .. . J'ai yairJement cherché sa lombe.
Elle a disparu au mépris de la concession achetée de la yil/e.
Rien à Quimper ne rappelle publiquement Fréron, pas
même son nom sur la tombe de sa reure .

VII.

I.es l"ères Royou.
Nous avons nommé cinq frères Royou. Le plus jeune,
Charles, a disparu sans doute très jeune, sans laisser descerl­
danLs ni souvenir. Levot n'a connu que trois Royou, l'abbé
Thomas, Jacques-Coren ti n, Fh istorien, Cla ude di t Guermeul', le
sep Lem briseur. En cherchant un peu, il eO L Lroll vé un q lIaLrième
frère, et se fût épargné l'embarras que signale M. du ChaLellier
et beaucoup d'erreurs et de contradictions. M. du Chatellier
a su l'exil de ce quaLrième frère sans avoir su son nom.D'après
(et il a raison) c'est lui et non .Jacques-Corentin,
cet auteur
quoi qu'en dise Levot, qu i fut accusé d'émigl'a Lion en mars 1799.
Ce quall'ième frère était Guillaume, l'alné de la famille Pl .
Nous avons déjà parlé de Thomas, Jacques et Claude. Nous

complèterons ces notices, puis nous parlerons de Guillaume .
t 0 ~llon.R8 Ro)'ou.
Thomas-Marie Royou éLaiL né le 2t> juin -1ï43. Il fit avec
succès ses humaniLés au collège de Quimper. Fréron l'appela
à Paris. Il y devint « prêtre licencié en théologie, de la maison
et société royale de Navarre, professeur de philosophie au
_ collège Louis-Le-Grand, et chapelain de Saint-Lazare (2). J)
Depuis 1778, un quimpérois, l'abbé Bérardier, élait grand­
à Louis-Le-Grand ; c'est à lui peut-être que Thomas
maître
dut la chaire de philosophie. Stanislas Fréron, Camille
Desmoulins et Robespierre purent être ses disciples.
Thomas collaborait à 1'11 lInee liltérai'/'c. Après la mort de
Fréron, il la continua avec la collaboration de GefTroy, un
autre breton. En même Lemps il concourait il la rédaction du
JOll1'nal de Monsicur, [ondé par Geffroy.
(1) Du Chatellier p. '207. Levot. .!{/cqlles Royon Il .. p. 789 . - Nous
viendron5 à cette affaire.
('!) Ces litres lui sont donnés dans les actes de partage de li8S-ti89 .

En '1790, transformant l'Annee liucrairc en journal quo­
tidien, Royou fonda l'Ami du lloi, des Français: (li~ l'Urdre
et surtout de la YéI'ité, avec cette devise Il Pro Deo: pro lIc{j c,
pro Pa/ria JJ. Le titre et la devise étaient tout un programme;
Thomas et son frère Jacques qu'il avait appelé à Paris
allaient le remplir avec succès, Mais ce succès ne pouvait
plaire à tous. Lors du départ du roi pOlir Va rennes (22 juin
1791) l'imprimerie du journal fut saccagée par des hommes se
disant apôtres de la liberté de la presse; le 3 mai 1792, le
journal fut suppr imé, en même temps que l'Ami dll peI/pIc de
Marat; et les deux frères furent décrétés d'accusation en
même temps que l'Ami du peuple. Ils échappèrent aux recher­
ches.
Thomas prit asile chez un ami, l'abbé Ermès, rue d'Enfer,
no 15 ; il Y mourut le 21 juin; et fut inhumé le 22 au cime­
tière de Saint-Jacques du Haut-Pas (1).
Ces circonstances furent, à ce qu'il semble, inconnues; et
l'abbé disparu fut porté, au hasard comme tant d'autres, sur
la liste des émigrés. .
Thomas mourait à propos. Découvert, il eCit été emp ri sonné.
Aurait-il échappé aux massacres dont son (l'ère .Claude alla it
être, deux mois plus lard, un des organisateurs '!
=0 Jacques-Uorelltiu 80,"ou, l'laistorie ...
Nous avons vu Jacques Royou quitter Paris en 177ti pOUl'
venir prendre la place de procureur fiscal de la baronnie de
Pont-l'Abbé (2). Il remplissait ces fonctions ayal1t le 27 mai de
celle année, et il allait les garder penclautsept années, jusqu'en
1782 (31 . A cette époque, il se démit cie cet olTIce en fanul' de

(1) Cette indication a été relevée SUI' le certificat de radiation de la liste
des émigrés. 4 fructidor an IV. ('21 aoùt 1 i\JG).
('2) Ci-dessus, Bull. 1!lOO, p.3 26 .
(3) Bapt. de sa fill e ainée dont Fréron Nait pûrrnin, ~7 niai 18ij ; et
de trois autres enfants, 1717, lii\J et:! février 1781.
baptêmes

son frère Claude, qui allait atteindre l'cîge requis (1). ct
à Quimper où il obtint l'office de procureur fiscal des
vint
. Hegaires vacant par la mort de Alexandre Laënnec, aïeul dll
célèbre médecin (31 octobre tï82J (2 Un peu plus tard, Hoyou
fut pourvu du titre d'assesseur du tribunal de la maréchaus­
sée l~i) En même"" temps il exerçait avec succès la plaidoirie.
Ces occupations multiples ne suffisaient pas à son activité.
L'avocat, procureul' fiscal et juge royal, entre deux plaidoiries,
deux réquisitoires, deux sen~ences, trouvait le temps d'aelt'es­
sel' à son frère Thomas de la prose ou dèS vers que Thomas
recommandait à ses lecteurs (4).
Jacques Royou semblait heureux de son sort et exempt
peine arrivé à Quimpel', il y avait acheté une
d'ambition. A
maison, rue du Salé (paroisse Saint-Sauveut') qu'il allait
bientôt habiter (5). Il Y vivait tranquille eIHouré de six enfants
qu'allait suivre un septième \6) C'est là que lui rendit visite,
en 1785, le voyageur que nous citions plus haut (7).

(1) Claude pren.d ce titre au baptême d'une fille de sa Sl.l;Uf M~' Le
Moyne. Quimper. (Saint-Julien, ~o noYembl'e 1783).
('l) Hoyou prend ce titre dans l'acle de baptème de deux enfants jumeaux.
(Saint-Ronan 1'i. a \'l'il lif!3). Cf. Ale.xandre Laëllnec, par ,1. Tré\'édy.
(:J) Nomination 18 mai lill5. Brel'et des connétable et maréchaux de
France. 1\ cxerpit encore ces fonctions au 12 juillet 1i8(). Cc jOli l' il signe
de cc titre nux registres du présidial.
( '&) A son retour du Mogoi M. le colonel de IIladec inspira à Hoyou une
Ode flue l'Annee littéraire puhlia (1780, 1" volume 1). \!IG). - Après la
mort deM. de Madec, Boyou conta sa vic d'après des mémoires qui mal­
heureusement sont pel·dus. (Ann Lill. liS'!. t. V pit)) .
A propos de l'Ode, l'Annee lit/lir'aire, c'est-à·dire Thoma5 Hoyou, dit:
• Celle pièce est bien faite pour détrllÏl'e le préjugé qui règne dans la
cnpitalcque hOI's de ses murs on ne peut !aire de bons l'ers. Ceux ci viennent
en ligne directe de Quimper·Corentin. L'auteur est M. Hoyou, anlent an
I>arlement, qui exerce sa profession arec un succès éclatant ct qui ne sc
livre que pal' intdl'allc il son goùt pour la poésie. )
(5) AcquN du 30 juin 1783.
(U) Bapt. le 14 septembre 1787 il Saint-Saul'eUl·. L'enfant simplement
ondoyé a re~u depuis les noms de Louis-Gusta\'e-Adolphe, 18 ni\'osc an XII
\~ jnnricr tilUll). .
(i) Ci-dessus, Bull. 1900, p. al'! el Ilote 1.

(( Royou, dit-il, celui qui a épousé Mlle Fréron, exerce la
profession d'a\'ocat et avec succès, car c'est un homme de
beaucoup d'esprit. Sa jeune épouse est une belle femme qui a
nourri tous ses enfants, aussi sont-ils d'une frès bonne santé
et tous fort jolis. )l
Plus d'une fois Thomas avait appelé son frère à Paris.
Jacques avait repoussé ces sollicitations; mais les événements
allaient, quelques années après, le déterminer au départ.
Un édit de mai lïSS, modifiant l'organisation judiciaire de
la Bretagne, créait entre les présidiaux et le parlement trois
tribunaux intermédiaires qui jugeront le plus grand nombre
des appels: ce sont les (( grands bailliages)) dont un aura
son siège il Quimper. Sur l'opposition du Parlement, les édits
ont été enl'egistrés en lit de justice, le 10 mai. Mais les Etats
ont protesté, et la commission intermédiaire demande des adhé- •
sions pal' toute la p,rorince. Le diocèse de Quimper députa
Hoyou derant la commission; et celui-ci marqua son opposition
aux édits en termes tels que lui, juge royal en tant qu'asses­
seur au tribunal de la maréchaussée, fut emprisonné (i) .
Celte altitude déplut à la "ille de Quimper et surtout aux
officiers du présidial qui comptaient bien monter aux sièges
du grand bailliage. Le 'Iij août, l'arrivée à Quimper du procu­
reur-général -syndic dcs Etats, soulèYe unc émeute. Royou sc
fait remarquer parmi les opposants; et, s'il fallt en croire un
pamphlel publié à Quimper l'année suirante, «( quand on
nommait le roi en sa présence, il interrompait: Eh! dites
donc le tyran! » Six semaines après, changement à vue:
le roi retire les édits, .... et Royou rerient au respect dû au
souYerall1.
Mais il semble que plusieurs il Quimper, même parmi ceux
que ses fonctions rapprochaient de Royou, se soient éloignés
de lui. Le pamphlet de '1iS9 fustige les quatre frères Royou ;
(1) ~1. du Chatellier - l/ist. de la Révolution dans l'Ouest. J. p, 1l8.

mais Jacques seul résidait à Quimper, et seul aussi il pouvait
avoir soulevé les colères dont le pamphlet est l'écho (t J,
Quoiqu'il en soit, quand la loi du 1. août 1ïS!) eut supprinl~
en mème temps et la justice des Regélires et la maréchaussée;
enfin l'appel de son frère quitta Quimper
Jacques écoutant
pOUl" Paris,
Nolis l'avons vu collaborant arec son frère ,i 1'.lm i ail mi.
jusqu'à la suppression du journal, et décrété en même temps
que Thomas, en mai 179'2.
Pendant que son frère mourait le 2\ juin de celte année,
Jacques, peut-être sorti de Paris, échappait aux recherches,
. Le 20 floréal an 11(18 mai no'.) il est de nouveau décrété,
(1) PrcmiCl' lIIOltvement de I/I'e{ayne Olt pl'inciJlc d~s elJi)l'{s rift 1ieu1!le
hl'c/on contre les projets de ('m'islocralic de l'obe ct d'filée. Vails illconlo'­
labl~s, Lettre écrite à M, le comte de I\ersalalin aux Etats cie Brclagnc ù
li en nes, le :l février 1i8!) ,
Celle diatribe est datée de Boul'libouq; (faubourg de Quimper) et siVIl~c
,Ioseph E:-'-.\CfA habitant de Quimper, payant capitation, vinglièmcs, cie.,
en honneur ct conscience, De l'imprimerie de la vcuve Charcl-WioD.
Le nom de Ellucili serait· il un pseudonyme de Laënnce (Théophile-Marie,
père de l'illustre mécleci[J, et de Marie-Anne dont nous a"ons parlé. Ci­
desslfs, p. 133). En ISO!), après son "audcville la Moulon/c Utlti'l/lr,
Laënllce Iluillia quelques pages signecs LC1lllcen, anagramme dc son nom,
Ajoutons qu'il versifiait racilemcnt ct qu'il n'aimait pas ,'acques Hoyou.
Cf. ma bt'ochure Théophile !.oë1lnec, Saint Brieuc, IS!)3.
Ce pamphlet est cn prose, sauf le 11ol'lrmt des quatre Hoyou en quatre
quatrains,
La phrasê que yoici annonce le portroit : " Hoyou ! Ce nom seul 011re Ù
l'idé trois ne souillent plus nos climats; mais le quatrième suflit pour repré·
senter tous, }) .
Cc quatrième cst Jacques qui dcnoil ,'cnit' le troisièmc, Voici le quatrain
le concernant:
. Le quatrième enfin soutient l'honneur du snn~ ;
Des mêmes qualités son iÎme est cnrichie ;
Mais, jalQux d"occuper toujours le premie\' rang,
Aux vices qu'ils·ont tous il joint l' hypocrisic .....
C'est adieu x,

celle fois à Rouen, pour Hoir collaboré à l'Ami dn liai .. Encore
{ois il évite l'arrestation.
une
Un biographe dit que « le courage qu'il eut de ne jamais
arec les opinions dominantes alla quelquefois jusqu'à
pactiser
la témérité)) li). Et en preuve il allègue une injure violente
les Jacobins dafls un lieu public, en septembre
proférée contre
17% Nous montrerons que cet outrage ne doit pas être attri­
bué à Jacques Royou mais à son frère Claude.
Mais Jacques a donné d'autres preuves de courage.
au débutdu Directoire: il reparait, la plume
C'est ainsi que,
à la main. Dès le 2 germinal an IV i22 mars n96) il est arrêté
il Paris sous l'accusation de crime contre la Slll'eté de l'État.
fait? Dans le Courrier Imin-rsel, il a ri et fait rire
Qu'a-t-il
de certains actes du Directoire. L'accusation est abandonnée.
temps il parait au barreau, notamment devant le
Entre
conseil de guelTe dans l'allaire de la conspiration royaliste
et Lavilleheurnoys. Janvier n9ï. j
Brotier
Bientôt il fonde le Véridique, puis l'Impartial, enfin l'Inva­
riable qu i vi vra j usq u 'a u 18 fructidor. Il~ septembre 1797).
La révolution accomplie ce jour fut un retour oflensif de la
Terreur . A l'exemple de la Con"ention, et comme tous les gou­
"ernements qui se sentent dignes de haine ou tombes dans le
mépris, le Directoire recourt ,) la "iolence con tt:e des législateurs
ct hommes poliliques, les prètres, les présumés émigrés et
les journalistes suspects de royalisme,
Le 2~ fructidor (8 septembre) une loi ordonne « la déporta­
tion des journalistes royaux II (2). La liste comprend quarante­
deux noms: il "a sans dire que le défenseur des conspirateurs
de 1797, directeur du J'éridiqu c et de l'Inral'iablc est du
(1) Le\'ot_ IJioy. IJl'el_ /l, p. iS().
m Loi du 19 fructidor, arl. 15. - Deux des ucquillés de li()i figurent
sur la liste: llrOlier, qui mourut presqu'uussitôt,le 13 icptembl'c 1i!l8, el la '
"illchcurnoys mort il Sinnamal'i, l'année suivante.
nombre. Jacques Hoyou est déporté ù l'Ile de Hé, puis trans­
féré à J'Ile d'Oléron.
Au mois de ventôse an VII (mars 1799) un avocat Hoyou,
vint à Quimper. Le 22 de ce mois (12 mars) il fut arrêté comme
présumé émigré. Il devait compamitre devant la commission
militaire, et il était passible de la peine de mort exécutoire
les vingt-quatre heures! (1)
dans
Le 8 germinal (28 mars) j'accusé communiqua au terrible
tl'ibunal des pièces égarées qu'il venait de recouvrer et prou­
vant authentiquement qu'il « avait un établissement à l'étran­
ger avant le 1 janvier 178~l, et qu'il avait quitté la France
bien des années avant la Révolution H, c'est-à-dire qu'il n'était
pas ém igré (2).
Selon ·un biographe, l'accusé n'était autre que Jacques
Royou ; auquel son frère Claude, « qui, lui, avait séjourné en
Angleterre avant 1789, avait prêté des pièces devant assurer
l'acquittement (3) n. .
Imagination 1 Jamais Claude n'a séjourné en Angleterre
1789 ni après: nousle démontrerons. D'ailleurs l'accusé
avant
Hoyou aurait pu se dispenser de produire ses pièces. Il pou­
vait en effet écrire: « La moitié de Quimper peut affirmer
mon absence en Angleterre longtemps avant 1789. )) Ce n'est
pas Jacques qui peut parler ainsi: tout Quimper l'a connu
avocat, procureur fiscal, etc., jusqu'à la fin de 17891
Ce n'est pas lui non plus qui peut écrire: « Je viens de
rentrer d'Angleterre. )) Le biographe lui-même vient de nous
(1) « Tout émigré figurant ou non sur une liste d'émigrés doit sortir
de France, sous peine d'être traduit devant une commiision
immédiatement
militaire qui, dans les H heures, et sans aucun recours, prononcera la peine
de mort à exécuter dans le même délai.. 18 fructidor, art. 15, !G, t7 et 18.
- Duvergier. X. p. 44.
(2) La réponse était péremptoire, la loi réputant émigré seulement le
Français ayant quitté la France deJiltis le t" jnillel 1789. Décret d~s 28 mars-
5 avril 1793 (arl. G) contre les émigrés.
(3) Leval. II. p. 789-790 ""'" et une longue note L'auteur n'ayant connu
que trois frères Hoyou, quand il y en avait quatre, tombe d'erreur en erreur .

montrer Jacques rédacteur du Vél'idiqtlC jusqu'au '18 fructidor,
déporté à ce moment; ct il est encore détenu (1). Jamais
alibi ne fut mieux démontré!
plus de huit mois après l'arrestation de l'avocat Royou
C'est
que le Directoire disparaissait (18 brumaire an V 1II, 9 novembre
et 1799) ; c'est un mois plus tard li nivôse an VIII, 28 décembrej
af'l'êté des consuls meLJacques en liberté et lui permet de
qu'un
l'entrer à Paris sous la surveillance de la haute police (2).
Hoyou devait la liberté aux consuls, la presse n'était pas
libre: pour celle double raison, il cessa toute polémique poli­
tique, et se borna à la critique littéraire: rédacteur du illoni­
tell'r,il y rédigea les articles spectacles ('1804-'180:5); et revenant
à la Muse il fournit plus d'une pièce à l'Almanach des Aluses
(mêmes années).
se fait: Hoyou nesalue pas,comme tantd'autres con­
L'Empire
vertis, le régime nouveau: il se rènferme dans une laborieuse
il devient historien: il se fait abréviateur de Rollin,
retraite:
Crévier, Le Beau; et il publiera successivement le Précis de
l' histoire ancienne (1803) ; l'Histoire du Bas-Empire (-1804) ;
l'Histoire romaine etl'Histoil'e dcs Empereurs 7'omains (1808 et
1809) ; enfin il se met à l'Histoire de J!'/,(/;nce qui paraitra er!'1819.
Entrecesdeux dates, l'Empire était tombé; et, le '16 décem­
bre '1815, le roi Louis X VIII, sur la demande de la noblesse
de Bretagne, avait anobli Jacques Royou.
Si Royou prenait encore le titre d'avocat, en 1809, il avait, .
semble-t-il, renoncé à l'exercice de sa profession. Toutefois,
il s'occupait encore d'alIaires. En 1806, il travaillait avec un
sieur Barbé à des recherches au grand-livre; de 1816 à 1827
je le vois rendre des comptes de bourse à des comhlettants
bretons.
(t) Mais, nous l'ayons remarqué, Leyot n'a rien su de lu yie de Jacques,
pendant 4l ans,de sa naissance à son arrivée il. Paris, selon lui cn IiOI.
('2) D'après des documents particuliers, il ne fut mis en liberté qu'en
. mars

Enfin il versifiait encore à ses heures; et ilU milieu de
lettres d'aflaires, je trou vc une pièce légère et facile.
Aux premières années de la Restauration, Hoyou fut nommé
censeur dramatiqueo
11 avait passé la soixantaine quand il tenta une voie nou­
velle. En 1817, il donnera au Théàlre Fra nçais Phocion, une
tragédie qui dort prudemment dans ses cartons depuis 1 ï97 ;
- en 1810, une comédie Le Frondeul'; en '1821, une tragédie
Zénobie. L'insuccès ne le décourage pas; et, en 1 82ti, quand
il a soixante-douze ans, il fait jouer La lIturl de César. Celle
tragédie était un plaidoyer en faveur du pouvoir absolu et elle
était l'œuvre du censeur dramatique; double garantie d'in­
succès. Pleine d'allusions qui déplaisaient au parterre, la pièce
parvint avec peine au quatrième acte; là le tumulte ne permit
plus d'entendre les acteurs. C-està ce moment que l'auteur bon­
dissant sur la scène arracha le manuscrit des mains du souf­
fleur, Ainsi finit la carrière dramatique de Jacques Royou.
, En même temps qu'il travaillait pour la scène, Royou avait
fourni des articles à un journal que dirigeait Frédéric, le
. second de ses fils; l'ObscI"tlalelll" maritime.
Enfin, fidèle à ses opinions royalistes, il publia un écrit de
(t pure politique » Principales causes et princi1Ja.ux évène­
ments de la Ilévoltll'ion, dont l'introduction était, du moins le
dit-il, « un petit manuel royaliste )).
Jacques Hoyou mourut le 30 novembre 1828 (1). '
, Quelle vie fut plus occupée que la sienne?eL, pourlantcomme
nous le verrons, un auLeur la caructérised'un mot; (( Sa vie fut
lIne colère perpétuelle )). La preuve, direz-vous? La preuve
c'est cet accès de colère contre le parterre de l'Udéon, quand
il avait soixante·douze ans!
(1) La date 30 lIollelllbre est donnée par Le\'ot seul. Je n'ai pu la vél'ilier
après les incendies de l'état·civil (I!iil). Hoyou est mort scion toute vrai­
, sClllblance, l'ue du Four Saint·Germain, 11 1 Î. C'est l'ad l'esse qu'il donne
lellre de la /in de 1ti27. Il avait auparavant habité il Charenton
dans une
(1801); l'lie de l'Eperon, (IS'lO); l'ueDauphine,32 (1813),

La vie de Jacques Royou avait été traversée d'amères
tristesses. Il avait perdu sa femme, Mlle Fréron, à l'automne
de '1802 (1), et des six fils qu'elle lui avait donnés un seul, le
plus jeune, survivait, qui seul a continué la descendance 'de
Jacques ROyOll et de Louise Fréron.
J. TRÉVÉDY.
Ancien Président dl! Tribunal tle Quilll/le1'.
(A . . miue J.

(1) Son frère Guillaume lui écrit, le 14 vendéminire nn Il, (j octobre 180'~
à propos de cette mort,